Dimanche 24 - Lundi 25 janvier 2016 - 72e année - N o 22091 - 2,40 € - France métropolitaine - www.lemonde.fr ―
Fond Fo ndat ateu eurr : Hub Huber ertt Be Beuv uvee-Mé Méry ry - Dir Direc ecte teur ur : Jé Jérô rôme me Fe Feno nogl glio io
Macron veut enterrer les 35 heures ▶ La réforme du droit
▶ Pour le ministre de
▶ Ce nouveau coup porté
▶ Le ministre rappelle qu’il
▶ Les 35 heures, bête noire
du travail va « de facto » mettre fin aux 35 heures, a déclaré Emmanuel Macron, au sommet de Davos
l’économie, des accords l’économie, d’entreprise fixeront le taux de majoration des heures supplémentaires
aux lois Aubry sème le trouble dans la majorité parlementaire et consterne les syndicats
avait déjà plaidé en ce sens en 2014 et que ces mesures répondent « à la voie ouverte par le président »
de la droite, ont déjà été assouplies à plusieurs reprises, de 2003 à 2008 → LIRE LE CAHIER ÉCO PAGES 2-3
POLITIQUE
PREMIER ACCROC À L’ÉTAT D’URGENCE
Le jeune prince qui entend régner sur la maison Saoud
→ LIRE PAGE 7
RÉFUGIÉS
▶ Mohammed Ben Salman,
ANGELA MERKEL PLUS ISOLÉE QUE JAMAIS EN EUROPE
réformateur pressé pour les uns, amateur arrogant pour les autres
→ LIRE PAGES 2-3
▶ Fils du roi,
patron de la défense et de l’économ l’économie, ie, c’est l’homme qui monte à Riyad
ÉCONOMIE
MARCHANDAGE ET DÉPEÇAGE DE BOUYGUES TELECOM
→ LIRE PAGES 12 À 15
→ LIRE LE CAHIER ÉCO PAGE 8
LE PA PATAQUÈS TAQUÈS DES CLASSES BILANGUES
A SaintPétersbourg, le 18 juin 2015.
→LIRE PAGE 28
SERGEY GUNEEV/RIA NOVOSTI
ESPAGNE
LA GAUCHE À LA RECHERCHE D’UNE COALITION
L’art des Caraïbes Caraïbes dans l’écrin l’ écrin de la la Martinique ▶ L’Habitation Clément, une ancienne distillerie
de rhum, est le seul musée de l’île
Hollande consulte sur la déchéance de nationalité POLITIQUE
madrid - correspondance
L’
annonce de Mariano Rajoy de renoncer à former dans l’immédiat un gouvernement a pris l’Espagne de court, vendredi 22 janvier. « Non seulement je n’ai pas une majorité de vote en ma faveur, mais j’ai une majorité absolue contre moi », s’est », s’est justifié le chef du gouvernement espagnol, devant des médias stupéfaits. Le président du Parti populaire (PP, droite), qui a perdu sa majorité absolue à l’issue des élections législatives du 20 décembre (28,7 % des suffrages et 123 députés sur 350), a toutefois tenu à préciser qu’il « ne renonce à rien » : « Je n’ai pas dit non à mon investiture. Je crois que nous devons donner du temps au dialogue, pour l’intérêt générall de l’Espag généra l’Espagne. ne. » Cette attitude, même présentée comme temporaire, risque de placer les socialistes face à leurs responsabilités, quitte à déchirer encore un peu plus la formation.
→ LIRE LA SUITE PAGE 4
La Fondation Clément, au François. FONDATION CLÉMENT/REICHEN ET ROBERT & ASSOCIÉS
D
ans l’Habitation Clément, comme on nomme en Martinique ces grands domaines producteurs de rhum, s’ouvre, s’ouvr e, lundi 24 janvier, une exposition consacrée au peintre Hervé Télémaque. Le plasticien, né à Haïti, un grand nom de la figuration narra-
tive, a traversé tous les styles, de New York à Paris. L’Habitation Clément, née de la volonté d’un riche chef d’entreprise, Bernard Hayot, est le seul musée de Martinique, privé, et qui accueille la foison d’artistes venus de toute la Caraïbe.
→ SUPPLÉMENT
La dernière fois qu’on avait vu pareille procession dans la cour de l’Elysée, c’était un étrange dimanche de la mi-novembre 2015, deux jours après les attaques terroristes qui ont fait 130 morts à Paris et Saint-Denis. Tout ce que le pays compte de forces politiques avait alors défilé dans le bureau de François Hollande pour préparer le Congrès de Versailles et la réponse législative aux attentats. Deux mois plus tard, vendredi 22 janvier, c’est pour faire aboutir les mesures promises à ce moment-là que le chef de l’Etat a reçu de nouveau les responsables des partis et les présidents des groupes représentés au Parlement, lors d’entretiens séparés de trois quarts d’heure chacun. Devant ses interlocuteurs, le président a levé un coin du voile sur ses intentions en matière de réforme constitutionnelle et de modification de la procédure pénale. → LIRE LA SUITE PAGE 6
Ludique, inventive, soignée,
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0123 DIMANCHE 24 - LUNDI 25 JANVIER 2016
LA CRISE DES RÉFUGIÉS
Face aux réfugiés, Angela Merk Merkel seule en Europe L’autorité de la chancelière allemande allem ande est de plus en plus contestée sur le continent, où elle ne parvient pas à imposer ses solutions à la crise migratoire berlin - correspondant
A
La chancelière a dû accepter que la priorité soit donnée à la protection des frontières extérieures
ngela Merkel, encore qualifiée de femme la plus puissante du monde en 2015 par le magazine Forbe Forbess, est plus isolée que jamais, tant en Europe que dans son propre pays. Pour réduire le nombre de réfugiés qui arrivent en Allemagne, la chancelière chancelière avait « un plan », », avait-elle affirmé début novembre 2015. Améliorer la situation dans les pays de départ, négo- n’est pas leur problème, comme la cier avec la Turquie pour qu’elle France France ou l’Esp l’Espagne agne.. Ou ne veule veulent nt garde la plupart des réfugiés sy- pas accueil accueillir lir de réfugiés réfugiés,, spécialespécialeriens, contrôler l’entrée des de- ment d’origine musulmane – c’est le mandeurs dans des centres d’enre- cas de pays de l’Est et d’Europe cengistrement en Grèce et en Italie, ré- trale. Par défaut, on laisse la chanpartir ceux qui sont admis dans celière gérer seule la crise », contoute l’Europe selon des critères firme un diplomate bruxellois. bruxellois. « équitables » » et enfin multiplier En Allemagne, chaque jour aples expulsions de ceux qui n’ont porte son lot de mauvaises noupas obtenu le statut de réfugiés. velles pour la chancelière. Le Trois mois après, aucun de ces lundi, c’est un ministre (Alexanobjectifs n’est atteint. La situation der Dobrindt, CSU) qui se moque : en Syrie et ailleurs a tendance à « Offrir un visage amical ne suffit s’aggraver, la Turquie, malgré quel- pas.» Le mardi, ce sont 42 députés ques réformes, laisse toujours par- conservateurs qui jugent le pays tir chaque jour des milliers de Sy- « dépassé ». ». Le mercredi, faute riens, seulement 3 centres d’enre- d’accord entre les partis du gougistrement européens sur les 11 vernement sur le regroupement prévus fonctionnent, à peine familial, le projet de loi annoncé 300 réfugiés sur 160 000 prévus depuis novembre 2015 pour ont été répartis. Et l’Allemagne, qui mieux gérer les réfugiés n’est touvoit de 3 000 à 4 000 demandeurs jours pas à l’ordre du conseil des d’asile arriver chaque jour, ne par- ministres. Le jeudi, nouveau sonvient pas à renvoyer rapidement dage : 79 % des Allemands et 90 % les personnes déboutées. de ses é lecteurs souhaitent qu’AnAlors qu’Angela Angela Merkel ne cesse gela Merkel durcisse les condide dire qu’il n’y a de solution du- tions d’accueil des réfugiés. rable que dans un cadre euroImpuissante, la chancelière péen, chacun de ses homologues poursuit son plan, comme le lui tourne plus ou moins élégam- prouve la rencontre ce vendredi ment le dos. Fin novembre, avant 22 janvier à Berlin entre le gouverle sommet de l’UE avec la Turquie, nement allemand et une partie l’Allemagne Allemagne avait réuni ses suppo- du gouvernement turc. Mme Mersés alliés (Suède, Benelux, Fin- kel affirme placer ses espoirs dans lande, Autriche) avec la Grèce. De- la conférence de Londres sur la Sypuis, Athènes est montrée du rie, début février, puis dans le condoigt pour son manque de coopé- seil européen du 18 février pour ration avec Ankara, la Finlande est parvenir à « diminuer le nombre aux prises avec l’extrême droite de réfugiés de manière durable et et, surtout, la Suède et l’Autriche sensible », », selon la terminologie viennent de restreindre leur poli- officielle. Le 18 février, la Turquie tique d’accueil. La décision, an- devrait d’ailleurs être invitée à noncée mercredi 20 janvier par participer à un mini-sommet Vienne, qui va plafonner le nom- pour faire un « bilan d’étape » de bre de réfugiés que le pays est prêt l’accord de novembre. à accueillir (37 500 en 2016), a été Il reste que, à ce stade, les 3 milvécue comme un revers majeur liards promis à Ankara ne sont pour Angela Merkel. toujours pas réunis. Mme Merkel a aussi tenté, en vain, de fédérer Sauver les apparences une partie de ses partenaires « L’Allemagne est totalement isolée. européens autour de l’idée – que Les Europ Européens éens sont d’autant autant moins moins défendent les Turcs – d’un continenclins à accepter les solutions de gent de réfugiés, qui seraient Berlin que beauc beaucoup oup d’entre d’entre eux, « réinstallés » directement dans même à Bruxelles, sont convaincus l’UE. « Pas question tant que les que c’est elle qui est à l’origine du flux n’auront n’auront pas drastiqu drastiquement ement problème. probl ème. Quant Quant à la coopéra coopération tion diminué », », commentait récemavec la Turquie, c’est l’Allemagne ment Klaas Dijkhoff, le ministre qui l’a imposée et personne n’y néerlandais de l’immigration. croit. Même pas les Turcs, qui n’ont Si les futures rencontres internaaucune confiance dans les diri- tionales ne sont pas plus proban geants gean ts europ européens éens», résume Gerald tes, Mme Merkel n’aura sans doute Knaus, fondateur du think tank plus la force politique de s’opposer European Stability Initiative. à une remise en cause substan« Une partie des pays européens tielle des accords de Schengen. Le considère que la crise migratoire plus dur sera alors de sauver les ap-
36 528
Nombre de migrants arrivés depuis le 1er janvier
Depuis le 1er janvier, 36 528 migrants sont arriv és dans l’Union européenne, dont 35 455 en Grèce et 1 073 en Italie, selon les chiffres du Haut-Comité aux réfugiés (HCR) des Nations unies. En janvier 2015, ils étaient seulement 5 550 à avoir fait la traversée, principalement en Italie (3 528). Le HCR comptabilise 149 morts ou disparus depuis le 1 er janvier. Vendredi 22 janvier, les gardes-côtes grecs ont repêché 44 morts (dont 20 enfants) après le naufrage de trois embarcations dans la mer Egée.
parences. Au sein du Parti populaire européen, sa famille politique, c’est aujourd’hui le premier ministre hongrois, Viktor Orban, qui fait des émules… La chancelière a finalement dû accepter que la priorité soit désormais donnée à la protection des frontières extérieures et elle a cessé de plaider pour l’introduction, au niveau européen, d’un mécanisme permanent de relocalisation des demandeurs d’asile. Ses partenaires espèrent désormais qu’elle donnera« donnera « le signal politique clair que l’Allemagne ne peut pas accuei accueillir llir plus plus de de réfugiés réfugiés cette cette année», indique », indique un diplomate. Le seul vrai soutien de la chancelière, insuffisant, est la Commission européenne. Elle a mis sur la table, dans les temps, des propositions qui convenaient à Berlin : l’accord d’association avec la Turquie ou la proposition d’un corps de gardes-frontières et gardes-côtes européen. L’institution travaille aussi à une révision des règles de Dublin régissant les demandes d’asile, qui pourrait être assortie d’un mécanisme de quotas permanents de migrants. Confrontée à son défi le plus important depuis 2005, la chancelière «perd-ellel’Europe?», interrogeait récemment la Fondation Carnegie Europe. L’un de ses interlocuteurs répondait : « Si elle perd l’Europe, l’Europe doit prier pour ne pas perd perdre re Merke Merkel.l.» p frédéric lemaître (avec cécile ducourtieux et jean-pierre stroobants, à bruxelles)
Angela Merkel reçoit son homologue turc, Ahmet Davutoglu, à la chancellerie, à Berlin, le 22 janvier. MARKUS SCHREIBER/AP
Tractations tendues sur le sort de l’ l’espace espace Schengen le compte à rebours avant la possible « mort clinique » du traité de Schengen sur la libre circulation a bel et bien commencé. Les dirigeants européens dramatisent leurs discours concernant ce que beaucoup considèrent comme le principal acquis de la construction communautaire, depuis sa naissance en 1985. « Il ne nous reste plus que deux mois p our sauver Sch engen » , affirmait ainsi le président du Conseil européen, Donald Tusk, mardi 19 janvier, à Strasbourg. « De six à huit semaines », selon le premier ministre néerlandais, Mark Rutte. Pour enrayer le démantèlement de Schengen, la Commission et le Conseil européens devraient activer une procédure exceptionnelle permise par le « code frontières Schengen », qui régit les accords de libre circulation. Mais ce texte est délicat à mettre en œuvre, alors que l’Allemagne risque, aux alentours du 12 mai, selon les calculs, de se retrouver en infraction avec ce code. Une telle violation des règles, surtout de la part de Berlin, serait fatale pour Schengen, estime-t-on à Bruxelles, alors que les contrôles aux frontières in térieurs ont déjà été réintroduits par plusieurs pays en 2015 face au flux de migrants. Procédure lourde et délicate
De quelle procédure exceptionnelle s’agit-il ? Depuis septembre 2015, l’Allemagne a demandé à la Commission de pouvoir rétablir temporairement les contrôles à ses frontières. Le « code Schengen » le permet quand est constaté un risque immédiat pour la sécurité intérieure d’un
pays signataire. Mais c’est pour une durée maximale de deux mois. Un pays peut toutefois prolonger ces contrôles de six mois supplémentaires, s’il argue de la survenue d’un événement prévisible propre, selon lui, à menacer sa sécurité intérieure. Au-delà de cette période, le « code Schengen » permet encore de prolonger les contrôles jusqu’à deux ans. Mais la procédure à activer est lourde et politiqueme politiquement nt délicate : il s’agit de faire jouer l’article 26 du code. Cette disposition prévoit que des contrôles aux frontières intérieures de Schengen peuvent être réintroduits pour une durée de six mois, prolongeable trois fois, « dans des circonstances exceptionnelles mettant en péril le fonctionnement global de de l’espace l’espace (…) , , du fait fait de manmanquements graves persistants liés au contrôle aux frontières extérieures » . Pratiquement, il faut que la Commission procède à une évaluation aux frontières extérieures – en l’occurrence, en Grèce – et qu’elle y constate que « malgré les mesures adoptées (envoi d’équipes d’intervention rapide, etc.) (…), la menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure dans l’espace [Schengen] persiste ». Une fois cette preuve apportée, la Commission doit proposer au Conseil une « recommandation » de prolongation du rétablissement des contrôles aux frontières intérieures dans un ou plusieurs Etats membres. Le Conseil statue à la majorité qualifiée et un éventuel refus de la Grèce n’aurait donc aucun effet. Ce déclenchement requiert plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Lors d’une réunion à Bruxel-
les, le 15 janvier, des experts des institutions communautaires et des Etats ont demandé la mise en branle de la procédure « article 26 ». Notamment des représentants de l’Allemagne, de la Suède, de l’Autriche et du Danemark, concernés au premier chef par les arrivées de réfugiés. « Lourdes conséquences »
La question sera au menu d’un conseil informel (sans prise de décision) des ministres de l’intérieur et de la migration, lundi 25 janvier, à Amsterdam. La Commission voudrait cependant attendre le Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement, les 18 et 19 février, pour se prononcer. De fait, la procédure d’activation de l’article 26 26 « pourrait être lourde de conséquences, notamment pour la Grèce, explique Yves Pascouau, spécialiste des migrations au sein du think tank European Policy Centre. Les contrôles contrôles aux frontières frontières aéroportuaires avec d’autres Etats membres seraient maintenus pendant une lon gue période (2 ans ans au maxim maximum), um), ce qui pourrait avoir des effets négatifs sur l’activité touristique ». ». Mort de Schengen ou sauvetage in extremis ? « Cet article est une sou pape, il a été mis au au point pour pour éviter éviter que l’Europe dans son ensemble paie un prix trop élevé pour les problèmes d’un seul Etat », », affirme un haut fonctionnaire de Bruxelles. Il vise, en quelque sorte, à déplacer pour un temps la frontière extérieure et, en parallèle, à aider pratiquement et financièrement financièreme nt la Grèce à rétablir la situation. » p c. du. et j.-p. s. (bruxelles, bureau européen)
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0123 DIMANCHE 24 - LUNDI 25 JANVIER 2016
LA CRISE DES RÉFUGIÉS
Face aux réfugiés, Angela Merk Merkel seule en Europe L’autorité de la chancelière allemande allem ande est de plus en plus contestée sur le continent, où elle ne parvient pas à imposer ses solutions à la crise migratoire berlin - correspondant
A
La chancelière a dû accepter que la priorité soit donnée à la protection des frontières extérieures
ngela Merkel, encore qualifiée de femme la plus puissante du monde en 2015 par le magazine Forbe Forbess, est plus isolée que jamais, tant en Europe que dans son propre pays. Pour réduire le nombre de réfugiés qui arrivent en Allemagne, la chancelière chancelière avait « un plan », », avait-elle affirmé début novembre 2015. Améliorer la situation dans les pays de départ, négo- n’est pas leur problème, comme la cier avec la Turquie pour qu’elle France France ou l’Esp l’Espagne agne.. Ou ne veule veulent nt garde la plupart des réfugiés sy- pas accueil accueillir lir de réfugiés réfugiés,, spécialespécialeriens, contrôler l’entrée des de- ment d’origine musulmane – c’est le mandeurs dans des centres d’enre- cas de pays de l’Est et d’Europe cengistrement en Grèce et en Italie, ré- trale. Par défaut, on laisse la chanpartir ceux qui sont admis dans celière gérer seule la crise », contoute l’Europe selon des critères firme un diplomate bruxellois. bruxellois. « équitables » » et enfin multiplier En Allemagne, chaque jour aples expulsions de ceux qui n’ont porte son lot de mauvaises noupas obtenu le statut de réfugiés. velles pour la chancelière. Le Trois mois après, aucun de ces lundi, c’est un ministre (Alexanobjectifs n’est atteint. La situation der Dobrindt, CSU) qui se moque : en Syrie et ailleurs a tendance à « Offrir un visage amical ne suffit s’aggraver, la Turquie, malgré quel- pas.» Le mardi, ce sont 42 députés ques réformes, laisse toujours par- conservateurs qui jugent le pays tir chaque jour des milliers de Sy- « dépassé ». ». Le mercredi, faute riens, seulement 3 centres d’enre- d’accord entre les partis du gougistrement européens sur les 11 vernement sur le regroupement prévus fonctionnent, à peine familial, le projet de loi annoncé 300 réfugiés sur 160 000 prévus depuis novembre 2015 pour ont été répartis. Et l’Allemagne, qui mieux gérer les réfugiés n’est touvoit de 3 000 à 4 000 demandeurs jours pas à l’ordre du conseil des d’asile arriver chaque jour, ne par- ministres. Le jeudi, nouveau sonvient pas à renvoyer rapidement dage : 79 % des Allemands et 90 % les personnes déboutées. de ses é lecteurs souhaitent qu’AnAlors qu’Angela Angela Merkel ne cesse gela Merkel durcisse les condide dire qu’il n’y a de solution du- tions d’accueil des réfugiés. rable que dans un cadre euroImpuissante, la chancelière péen, chacun de ses homologues poursuit son plan, comme le lui tourne plus ou moins élégam- prouve la rencontre ce vendredi ment le dos. Fin novembre, avant 22 janvier à Berlin entre le gouverle sommet de l’UE avec la Turquie, nement allemand et une partie l’Allemagne Allemagne avait réuni ses suppo- du gouvernement turc. Mme Mersés alliés (Suède, Benelux, Fin- kel affirme placer ses espoirs dans lande, Autriche) avec la Grèce. De- la conférence de Londres sur la Sypuis, Athènes est montrée du rie, début février, puis dans le condoigt pour son manque de coopé- seil européen du 18 février pour ration avec Ankara, la Finlande est parvenir à « diminuer le nombre aux prises avec l’extrême droite de réfugiés de manière durable et et, surtout, la Suède et l’Autriche sensible », », selon la terminologie viennent de restreindre leur poli- officielle. Le 18 février, la Turquie tique d’accueil. La décision, an- devrait d’ailleurs être invitée à noncée mercredi 20 janvier par participer à un mini-sommet Vienne, qui va plafonner le nom- pour faire un « bilan d’étape » de bre de réfugiés que le pays est prêt l’accord de novembre. à accueillir (37 500 en 2016), a été Il reste que, à ce stade, les 3 milvécue comme un revers majeur liards promis à Ankara ne sont pour Angela Merkel. toujours pas réunis. Mme Merkel a aussi tenté, en vain, de fédérer Sauver les apparences une partie de ses partenaires « L’Allemagne est totalement isolée. européens autour de l’idée – que Les Europ Européens éens sont d’autant autant moins moins défendent les Turcs – d’un continenclins à accepter les solutions de gent de réfugiés, qui seraient Berlin que beauc beaucoup oup d’entre d’entre eux, « réinstallés » directement dans même à Bruxelles, sont convaincus l’UE. « Pas question tant que les que c’est elle qui est à l’origine du flux n’auront n’auront pas drastiqu drastiquement ement problème. probl ème. Quant Quant à la coopéra coopération tion diminué », », commentait récemavec la Turquie, c’est l’Allemagne ment Klaas Dijkhoff, le ministre qui l’a imposée et personne n’y néerlandais de l’immigration. croit. Même pas les Turcs, qui n’ont Si les futures rencontres internaaucune confiance dans les diri- tionales ne sont pas plus proban geants gean ts europ européens éens», résume Gerald tes, Mme Merkel n’aura sans doute Knaus, fondateur du think tank plus la force politique de s’opposer European Stability Initiative. à une remise en cause substan« Une partie des pays européens tielle des accords de Schengen. Le considère que la crise migratoire plus dur sera alors de sauver les ap-
36 528
Nombre de migrants arrivés depuis le 1er janvier
Depuis le 1er janvier, 36 528 migrants sont arriv és dans l’Union européenne, dont 35 455 en Grèce et 1 073 en Italie, selon les chiffres du Haut-Comité aux réfugiés (HCR) des Nations unies. En janvier 2015, ils étaient seulement 5 550 à avoir fait la traversée, principalement en Italie (3 528). Le HCR comptabilise 149 morts ou disparus depuis le 1 er janvier. Vendredi 22 janvier, les gardes-côtes grecs ont repêché 44 morts (dont 20 enfants) après le naufrage de trois embarcations dans la mer Egée.
parences. Au sein du Parti populaire européen, sa famille politique, c’est aujourd’hui le premier ministre hongrois, Viktor Orban, qui fait des émules… La chancelière a finalement dû accepter que la priorité soit désormais donnée à la protection des frontières extérieures et elle a cessé de plaider pour l’introduction, au niveau européen, d’un mécanisme permanent de relocalisation des demandeurs d’asile. Ses partenaires espèrent désormais qu’elle donnera« donnera « le signal politique clair que l’Allemagne ne peut pas accuei accueillir llir plus plus de de réfugiés réfugiés cette cette année», indique », indique un diplomate. Le seul vrai soutien de la chancelière, insuffisant, est la Commission européenne. Elle a mis sur la table, dans les temps, des propositions qui convenaient à Berlin : l’accord d’association avec la Turquie ou la proposition d’un corps de gardes-frontières et gardes-côtes européen. L’institution travaille aussi à une révision des règles de Dublin régissant les demandes d’asile, qui pourrait être assortie d’un mécanisme de quotas permanents de migrants. Confrontée à son défi le plus important depuis 2005, la chancelière «perd-ellel’Europe?», interrogeait récemment la Fondation Carnegie Europe. L’un de ses interlocuteurs répondait : « Si elle perd l’Europe, l’Europe doit prier pour ne pas perd perdre re Merke Merkel.l.» p frédéric lemaître (avec cécile ducourtieux et jean-pierre stroobants, à bruxelles)
Angela Merkel reçoit son homologue turc, Ahmet Davutoglu, à la chancellerie, à Berlin, le 22 janvier. MARKUS SCHREIBER/AP
Tractations tendues sur le sort de l’ l’espace espace Schengen le compte à rebours avant la possible « mort clinique » du traité de Schengen sur la libre circulation a bel et bien commencé. Les dirigeants européens dramatisent leurs discours concernant ce que beaucoup considèrent comme le principal acquis de la construction communautaire, depuis sa naissance en 1985. « Il ne nous reste plus que deux mois p our sauver Sch engen » , affirmait ainsi le président du Conseil européen, Donald Tusk, mardi 19 janvier, à Strasbourg. « De six à huit semaines », selon le premier ministre néerlandais, Mark Rutte. Pour enrayer le démantèlement de Schengen, la Commission et le Conseil européens devraient activer une procédure exceptionnelle permise par le « code frontières Schengen », qui régit les accords de libre circulation. Mais ce texte est délicat à mettre en œuvre, alors que l’Allemagne risque, aux alentours du 12 mai, selon les calculs, de se retrouver en infraction avec ce code. Une telle violation des règles, surtout de la part de Berlin, serait fatale pour Schengen, estime-t-on à Bruxelles, alors que les contrôles aux frontières in térieurs ont déjà été réintroduits par plusieurs pays en 2015 face au flux de migrants. Procédure lourde et délicate
De quelle procédure exceptionnelle s’agit-il ? Depuis septembre 2015, l’Allemagne a demandé à la Commission de pouvoir rétablir temporairement les contrôles à ses frontières. Le « code Schengen » le permet quand est constaté un risque immédiat pour la sécurité intérieure d’un
pays signataire. Mais c’est pour une durée maximale de deux mois. Un pays peut toutefois prolonger ces contrôles de six mois supplémentaires, s’il argue de la survenue d’un événement prévisible propre, selon lui, à menacer sa sécurité intérieure. Au-delà de cette période, le « code Schengen » permet encore de prolonger les contrôles jusqu’à deux ans. Mais la procédure à activer est lourde et politiqueme politiquement nt délicate : il s’agit de faire jouer l’article 26 du code. Cette disposition prévoit que des contrôles aux frontières intérieures de Schengen peuvent être réintroduits pour une durée de six mois, prolongeable trois fois, « dans des circonstances exceptionnelles mettant en péril le fonctionnement global de de l’espace l’espace (…) , , du fait fait de manmanquements graves persistants liés au contrôle aux frontières extérieures » . Pratiquement, il faut que la Commission procède à une évaluation aux frontières extérieures – en l’occurrence, en Grèce – et qu’elle y constate que « malgré les mesures adoptées (envoi d’équipes d’intervention rapide, etc.) (…), la menace grave pour l’ordre public ou la sécurité intérieure dans l’espace [Schengen] persiste ». Une fois cette preuve apportée, la Commission doit proposer au Conseil une « recommandation » de prolongation du rétablissement des contrôles aux frontières intérieures dans un ou plusieurs Etats membres. Le Conseil statue à la majorité qualifiée et un éventuel refus de la Grèce n’aurait donc aucun effet. Ce déclenchement requiert plusieurs semaines, voire plusieurs mois. Lors d’une réunion à Bruxel-
les, le 15 janvier, des experts des institutions communautaires et des Etats ont demandé la mise en branle de la procédure « article 26 ». Notamment des représentants de l’Allemagne, de la Suède, de l’Autriche et du Danemark, concernés au premier chef par les arrivées de réfugiés. « Lourdes conséquences »
La question sera au menu d’un conseil informel (sans prise de décision) des ministres de l’intérieur et de la migration, lundi 25 janvier, à Amsterdam. La Commission voudrait cependant attendre le Conseil européen des chefs d’Etat et de gouvernement, les 18 et 19 février, pour se prononcer. De fait, la procédure d’activation de l’article 26 26 « pourrait être lourde de conséquences, notamment pour la Grèce, explique Yves Pascouau, spécialiste des migrations au sein du think tank European Policy Centre. Les contrôles contrôles aux frontières frontières aéroportuaires avec d’autres Etats membres seraient maintenus pendant une lon gue période (2 ans ans au maxim maximum), um), ce qui pourrait avoir des effets négatifs sur l’activité touristique ». ». Mort de Schengen ou sauvetage in extremis ? « Cet article est une sou pape, il a été mis au au point pour pour éviter éviter que l’Europe dans son ensemble paie un prix trop élevé pour les problèmes d’un seul Etat », », affirme un haut fonctionnaire de Bruxelles. Il vise, en quelque sorte, à déplacer pour un temps la frontière extérieure et, en parallèle, à aider pratiquement et financièrement financièreme nt la Grèce à rétablir la situation. » p c. du. et j.-p. s. (bruxelles, bureau européen)
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DIMANCHE 24 - LUNDI 25 JANVIER 2016
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Berlin et Ankara font cause commune Le projet de réinstaller en Europe 80 000 réfugiés syriens présents en Turquie patine bruxelles, berlin - correspondants
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endredi 22 janvier, le premier ministre turc, Ahmet Davutoglu, était reçu avec les honneurs militaires à Berlin pour les premières consultations bilatérales entre les deux gouvernements. Les deux pays ont besoin l’un de l’autre. La Turquie sait que l’Allemagne est sa principale alliée dans l’Union européenne (UE) et l’Allemagne est convaincue qu’on ne réduira pas l’arrivée de réfugiés syriens en Europe sans Ankara. Le communiqué publié à l’issue de cette rencontre donne satisfaction à Ankara sur plusieurs points. Alors que certains Européens – notamment les Italiens – rechignent à verser les sommes pourtant promises à la Turquie lors d’une réunion au sommet, le 29 novembre2015, en échange d’une limitation des flux de Syriens quittant le pays pour la Grèce, le texte parle d’« une première aide à hauteur de trois milliards d’euros ». D’autres devraient donc suivre. « Fardeau »
De même est-il affirmé que les deux dirigeants « s’engagent à faire avancer avancer concrètemen concrètementt les né gociations entre la Turquie et l’Union européenne avec, en ligne de mire, la levée de l’obligation des visas pour les citoyens turcs dans l’espace Schengen d’ici à octobre 2016 ». Un point extrêmement important pour Ankara, mais très sensible pour plusieurs pays européens, notamment la France. Lors de la conférence de presse à la fin de leur rencontre, un journaliste a demandé à Angela Merkel si elle ne se sentait pas « isolée » en Europe. Après une courte réponse – négative – de la chancelière, son homologue turc a pris la parole pour témoigner du soutien turc à Angela Merkel.
Un hommage qui, en creux, soulignait la faiblesse de la chancelière, en particulier sur le projet de « réinstallation » directement en Europe de réfugiés syriens installés en Turquie, comme cela est souhaité par Ankara. La Commission a pourtant mis officiellement le 11 janvier un projet sur la table, une recommandation en ce sens, « relative à l’établissement d’un programme d’admission humanitaire volontaire en association avec la Turquie » de réfugiés syriens. Bruxelles propose un pla fond : « L’admission humanitaire devrait concerner au maximum 80 000 personnes par an depuis la Turquie vers les Etats membres. » Pour un coup maximal estimé à 4,2 milliards d’euros sur cinq ans pour le budget de l’UE. Le mécanisme pourrait être suspendu si les flux de migrants pénétrant de manière illégale dans l’UE restent élevés – une moyenne de 1 800 par jour arrivent toujours de Turquie en Grèce depuis début 2016, et 159 ont péri noyés. Cette idée des « réinstallations » directement depuis la Turquie a déjà été évoquée lors d’un minisommet organisé par la chancelière en marge du sommet européen du 29 novembre à Bruxelles. Un deuxième mini-sommet s’est tenu, mi-décembre, et un troisième est déjà prévu en marge du Conseil européen des 18 et 19 février. Mais jusqu’à présent, aucun partenaire de Berlin n’a voulu entendre parler de ce nouveau mécanisme de solidarité, souhaité par les Turcs, qui ne veulent pas se retrouver à porter le « fardeau » des migrants fuyant la Syrie en guerre. Tous, dont la France, ont clairement dit : pas question, tant que les flux n’auront pas drastiquement diminué. p cécile ducourtieux et frédéric lemaître
A Cologne, le malaise des Maghrébins Les immigrés d’Afrique Afrique du Nord craignent cra ignent d’être d’être stigmatisés après les agressions du Nouv Nouvel el An REPORTAGE cologne, düsseldorf (allemagne) - envoyée spéciale
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a mosquée est installée au rez-de-chaussée d’un bâtiment moderne. Derrière des vitres opaques, on distingue les silhouettes des fidèles se préparant pour la prière de fin d’après-midi. Situé sur Taunusstrasse, à quinze minutes du centre de Cologne, le lieu est fréquenté par de nombreux musulmans originaires d’Afrique du Nord, marocains en majorité, mais aussi algériens et tunisiens. Les fidèles qui se pressent à la porte ce lundi 18 janvier parlent bien quelques mots de français, mais ils vivent en Allemagne depuis si longtemps que les phrases peinent à venir. « Mon père est arrivé en 1962 pour travailler à la construction d’autoroutes », raconte l’imam, Mohamed Al-Kanaji, qui reçoit les nombreux journalistes dans une petite pièce aménagée en bureau. L’homme en vient rapidement aux faits : « Le vendredi qui a suivi le Nouvel An, nous avons fait notre prêche, en arabe et en allemand, sur les événements de cette nuit-là, afin de bien montrer notre position : ce qui s’est passé n’est pas l’islam, ce n’est est ni notre mentalité ni notre cu lture. » Plus connue pour accueillir une forte communauté turque, l’Alle-
magne compte aussi une diaspora maghrébine. De taille modeste – de l’ordre de dizaines de milliers de personnes –, ces communautés, parmi lesquelles les Marocains sont majoritaires, sont pour beaucoup installées de longue date, arrivées dans la région de la Ruhr au moment de l’industrialisation. Mais alors que les premiers éléments de l’enquête sur les violences commises à la gare de Cologne la nuit du Nouvel An ont mis en cause les agissements de délinquants nord-africains, beaucoup craignent d’être désormais montrés du doigt. Plus de 800 plaintes
Trois semaines après les événements du 31 décembre, des plaintes continuent d’être enregistrées. Dans son bureau de Cologne, le procureur Ulrich Bremer tient scrupuleusement les chiffres à jour : au 2 0 janvier, 834 plaintes ont été déposées dont 403 pour agressions sexuelles. Pour le moment, 22 suspects font l’objet d’une procédure procédure dont 8 ont été arrêtés, accusés de vols avec violence et dans un seul cas, d’agression sexuelle. Des personnes originaires du Maroc, d’Algérie, de Tunisie et de Libye. Certains n’ont pas de papiers, d’autres se présentent comme réfugiés. Le procureur n e le cache pas : l’enquête sera longue, et pourrait
prendre des mois. Quatre procureurs généraux travaillent sur l’affaire ainsi que 130 policiers. Mais les investigations s’avèrent compliquées : les agressions ont eu lieu au milieu d’une foule, de nuit, avec peu de policiers présents. L’événement a mis sur la place publique l’existence d’une délinquance de groupes de jeunes nord-africains, jusque-là passée sous silence. Nick Hein a travaillé pendant onze ans, jusqu’à décembre 2014, à Cologne au sein de la police fédérale, affecté les trois dernières années à la zone de la gare. « Quand j’ai appris ce qui s’ét s’était ait passé ce 31 décembre, j’ai été sur pris par le nombre des agresseurs et par le genre de crimes commis, à savoir les agressions sexuelles, reconnaît-il, mais pas par la présence de ces groupes de délin-
Mer du Nord
PAYSBAS
DANEMARK
POL. ALLEMAGNE
Berlin
Düsseldorf
BELG.
Cologne RÉP. TCHÈQUE
L.
AUTRICHE
100 km
SUISSE
quants. » Lorsqu’il était en poste, explique l’ancien policier, il était confronté quotidiennement à de petits groupes de pickpockets, en majorité de jeunes migrants nord-africains, sans papiers ou se présentant comme des réfugiés. Regards désapprobateurs
Trois semaines après les événements du 31 décembre, des plaintes continuent d’être enregistrées
Lui voit mal comment il pourrait ne pas y avoir de réseaux derrière : « Ces jeunes n’avaient peur de rien, savaient comment jouer mais qu’elle pourrait peut-être apavec la loi. Et puis il faut bien re- porter des informations. vendre tous ces portables volés. » Depuis les événements, les miSi l’ancien policier a décidé de grants nord-africains se présenparler, c’est pour défendre ses an- tant comme réfugiés sont en liciens collègues accusés d’inac- gne de mire. A l’échelle de l’Alletion le 31 décembre. magne, leur nombre a beaucoup Début janvier, la presse a révélé augmenté ces derniers mois. En l’existence l’ex istenced’une commission,dite décembre 2015, selon les chiffres Sonderkommission Casablanca, officiels, 2 296 demandeurs au sein de la police chargée d’en- d’asile algériens sont arrivés, et quêter sur de possibles réseaux 2 896 Marocains alors qu’ils mafieux, notamment marocains. n’étaient que quelques centaines Samedi 16 janvier, la police a fait quelques mois plus tôt. une descente dans un quartier A la mosquée de Taunusstrasse proche de la gare de Düsseldorf, à Cologne, Feker Mraidi, tunisien, appelé « quartier Maghreb ». Kha- vendeur de voitures, installé là deled, un étudiant dont le père tient puis plus de dix ans, le confirme : une épicerie depuis sept ans dans « Ils sont arrivés plus nombreux le quartier, les a vus. « Les policiers lorsque la crise a démarré en Espasont entrés dans des cafés, ont em- gne. Et puis ces derniers mois, des mené des personnes pour prendre jeunes sont venus, se faisant pasleurs empreintes digitales », ra- ser pour des réfugiés. » conte le jeune homme. Un porteDans le quartier « Maghreb » de parole de la police a expliqué que Düsseldorf aussi, on les a vus arril’opération avait été décidée avant ver. De jeunes hommes qui pasles événements du Nouvel An, sent par la Turquie, pour laquelle
ils n’ont pas besoin de visa, puis font la route des Balkans, se faisant passer pour des Syriens. « Ce sont des jeunes qui veulent tenter leur chanc e, trouver du boulot », soupire Mohamed Halabi, un père de famille d’origine marocaine, attablé au café La Mamounia. Lui est arrivé en Allemagne il y a un an, pour chercher du travail, après quinze années en Espagne. Désormais, il craint les regards désapprobateurs dans une ville connue pour son multiculturalisme et son ouverture. L’affaire des migrants nord-africains est aussi devenue politique : la chancelière allemande Angela Merkel, sous pression politique sur le dossier de l’accueil des réfugiés, veut que les pays d’origine – Algérie, Maroc, Tunisie – reprennent plus rapidement leurs ressortissants lorsqu’ils sont déboutés du droit d’asile, en vertu d’accords de réadmission qui ne sont, selon elle, pas assez rapidement appliqués. En outre, les autorités envisagent le fait d’inscrire ces trois pays sur la liste des pays dits sûrs. A la mosquée de Taunusstrasse, on s’inquiète surtout de la récupération des événements du 31 décembre par l’extrême droite. « Ils sont plus actifs depuis deux-trois ans, souligne l’imam, et ce qui s’est passé sert sert leur discours.» p charlotte bozonnet
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En Espagne, la gauche cherche une coalition contre M. M. Rajoy Rajoy Sans majorité, le premier ministre sortant a renoncé dans l’immédiat à former un gouvernement suite de la premi ère
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Arrivé en deuxième deuxième position (22 % et 90 députés) aux législatives, il appartient à présent au Parti socialiste ouvrier espagnol (PSOE) de chercher des alliances pour former un gouvernement. Une tâche d’autant plus compliquée que le parti de la gauche anti-austérité, Podemos (20,6 %, 69 députés), avait revendiqué quelques heures plus tôt sa pleine participation à un gouvernement, en écartant la possibilité de
LE CONTEXTE MAJORITÉ Pour obtenir une majorité absolue à la Chambre basse espagnole, un parti doit obtenir 176 des 350 sièges. Arrivé en tête lors des législatives du 20 décembre 2015, le Parti populaire (PP) du premier ministre sortant, Mariano Rajoy, n’en a obtenu que 123, contre 186 en 2011.
COALITIONS Arrivés en deuxième position, les socialistes (PSOE) comptent 90 députés et Podemos, troisième, 69. Pour former une ma jorité, les deux partis partis de gauche gauche doivent donc s’allier avec d’autres petites formations. La dernière option, envisagée par le PP, mais rejetée pour le moment par les socialistes, est celle d’une grande coalition avec le PSOE et le jeune parti centriste Ciudadanos (40 députés).
soutenir un gouvernement minoritaire du PSOE en échange de simples concessions politiques, comme ce dernier l’espérait. Pablo Iglesias, le chef de file de Podemos, a exigé, devant la presse, la mise en place d’un gouvernement de coalition mené par le secrétaire général du PSOE, Pedro Sanchez, dont il serait luimême le vice-président. « Si le PSOE le veut, veut, il peut y avoir un gougouvernement de changement. Ce serait pour moi un plaisir d’ être être vice président préside nt », », a-t-il déclaré à l’issue d’une réunion protocolaire avec Felipe VI, lequel a sondé dans la semaine, un par un, tous les partis sur les possibilités de gouvernement. C’est d’abord au roi que Pablo Iglesias a transmis sa proposition, « par loyauté instituti ontion, nelle » et » et pour « éviter les rumeurs et fuites », sans avoir pris la peine de la soumettre auparavant à M. Sanchez. Remplacer le PSOE
De surcroît, Pablo Iglesias a fait part de son souhait d’obtenir pour sa formation les ministères de la justice, de la défense, de l’intérieur et des affaires étrangères, ainsi qu’un « ministère de la plurinationalité » pour » pour le porte-parole d’En Comu Podem, la coalition rassemblant Podemos et la plateforme citoyenne de la maire de Barcelone, Ada Colau. Celle-ci défend un référendum sur l’indépendance de la Catalogne, région où elle est arrivée en tête le 20 décembre. Il désire aussi que le secrétaire général de la Gauche unie (IU, écolo-communistes), formation qui n’a obtenu que deux sièges au Parlement mais un million de voix, obtienne un portefeuille
Le roi Felipe VI et le dirigeant de Podemos, Pablo Iglesias, au palais de la Zarzuela, à Madrid, le 22 janvier. ANGEL DIAZ/REUTERS ministériel. Il demande enfin que « Les électeurs ne les négociations soient publiques, comprendraient voire télévisées. « Comme nous ne sommes pas pas que Pablo très sûrs que les socialistes soient et moi nous ne capables de mettre en pratique ce qu’ils disent, la meilleure garantie parvenions pas est que nous soyons dans le gouà un accord » vernement, a expliqué M. Iglesias. Il faut des personne personness qui assurent assurent PEDRO SANCHEZ la cohérence entre ce qui se dit et ce secrétaire général du PSOE qui se fait. » Pour Podemos, dont l’objectif est de devenir le premier parti de gauche en Espagne, pour mieux seil) est un sourire du destin qu’il remplacer le PSOE, pas question devrait remercier ». d’offrir l’investiture sans de séSon discours a été perçu comme rieuses contreparties qui lui ga- une humiliation par les socialisrantissent des responsabilités po- tes. « C’est la première fois de ma litiques, une visibilité médiatique vie que j’entends offrir un accord et l’apparence d’une victoire qui de gouvernement en insultant gralui permettraient de rogner de vement le parti avec lequel on veut nouvelles voix au PSOE, ainsi mis s’entendre», a », a regretté l’ancien sesous pression. crétaire général du PSOE, Alfredo Sa stratégie politique est claire : Perez Rubalcaba. en devançant Pedro Sanchez et en faisant la première proposition Cadeau empoisonné d’alliance, en public, Pablo Igle- « Les électeurs ne comprendraient sias veut faire porter la responsa- pas que, Pabloet moi, moi, nous nous ne parparbilité d’un possible échec d’une venions pas à un accord », a toutecoalition de gauche au PSOE. Sur fois souligné M. Sanchez, préciun ton ironique, il a ajouté que « que «la sant néanmoins qu’il préférait possibilité historique que Pedro parler d’abord de « propositions Sanchez soit président (du Con- politiq politiques ues et ensuite de comment comment
former un gouvernement ». D’autant plus qu’une alliance PSOE-IU-Podemos ne lui suffirait pas pour obtenir la confiance de la Chambre basse mais qu’il devrait encore obtenir le soutien d’une partie des nationalistes basques et catalans. Les deux hommes se sont mis d’accord pour se réunir dès le week-end. Reste à savoir si M. Sanchez pourra résister aux pressions lui enjoignant de refuser un pacte avec Podemos, en provenance du monde financier et médiatique, mais aussi de son propre parti. Le comité fédéral du PSOE, principal organe de décision, qui se réunira le 30 janvier pour fixer la date du prochain congrès, pourrait encore creuser une fracture déjà profonde au sein du parti. La proposition de M. Iglesias apparaît comme un cadeau empoisonné, qu’il aura bien du mal à faire accepter par les barons socialistes qui voyaient déjà d’un mauvais œil un simple accord d’investiture avec Podemos. Car, non seulement le jeune parti pose ses exigences, mais aussi, et surtout, il n’a jamais caché son ambition de détrôner le PSOE comme premier parti de la gauche.
En exigeant un gouvernement de coalition, Podemos s’éloigne d’un gouvernement sur le modèle portugais, où la gauche radicale a préféré soutenir les socialistes sans entrer au gouvernement. Est-ce pour se rapprocher de celui de la Grèce où le Pasok (socialistes) a été détruit par Syriza, le parti « ami » de Podemos ? Dès lundi 25 janvier, le roi rencontrera le président du Parlement espagnol et mercredi, il commencera une nouvelle série de consultations avec tous les groupes parlementaires afin de désigner un candidat à la présidence du gouvernement ayant des chances d’obtenir le soutien de la Chambre basse. Si Pedro Sanchez n’y parvient pas, Mariano Rajoy tentera-t-il à nouveau de briguer la présidence du gouvernement ? Le PP assure qu’il pourrait faire une « offre généreuse, courageuse et consensuelle » pour former une grande coalition entre le PP, le PSOE et le parti libéral Ciudadanos qu’il appelle de ses vœux. A moins que le blocage en cours depuis le scrutin du 20 décembre ne conduise à de nouvelles élections. p sandrine morel (à madrid)
En Syrie comme en Irak, l’Etat islamique est au régime sec Les frappes aériennes de la coalition affaiblissent les ressources de l’EI, le forçant à réduire ses dépenses dans les territoires qu’il contrôle
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ans sa volonté farouche chés, note l’analyste irakien Hi- cherches et d’études sur le monde d’édifier un Etat – ou du cham Al-Hachémi, chercheur en arabe et musulman, lors d’une moins d’apparaître stratégie militaire. « militaire. « En manque audition devant la commission comme tel –, l’organisation Etat de liquidités, l’EI n’a pour l’instant d’enquête parlementaire sur les islamique (EI) découvre une règle plus les moyens d’assum d’assumer er une moyens de l’EI. immuable selon laquelle guerre partie de ses missions sociales à En Irak, après avoir perdu le conet prospérité font rarement bon destination des proches et des fa- trôle de quatre raffineries , , l’EI a ménage. L’organisation a donc milles de ses combattants. » également vu son accès direct à la décidé de se serrer la ceinture, ressource se tarir : « Sur e nviron mais aussi de faire payer aux po- Puits de pétrole vieillissants 80 puits de pétrole exploités sur pulations l’amenuisement de ses « Les bombardements ont détruit les territoires sous son contrôle, réserves financières. des infrastructures stratégiques, l’Etat islamique en a perdu 69 en Le 11 janvier, un raid américain d’autres ont été reprises, comme un an et demi. La plupart des puits a détruit un stock de liquidités de des raffineries et des barrages, et restants sont vieillissants et ne l’organisation dans le centre de ont mis en difficulté le groupe », suffisent plus à répondre à ses beMossoul, la « capitale » de l’EI en notait le 12 janvier Myriam Ben- soins militaires et à ceux des poIrak. Si l’ampleur des pertes mo- raad, chercheuse à l’Institut de re- pulations vivant dans sa zone », nétaires est inconnue, l’effet psychologique recherché est clair : accroître la pression sur les Au moins 30 civils tués dans des raids membres de l’EI, dont les comDes frappes aériennes menées vendredi 22 janvier par des avions battants risquent justement de syriens ou russes ont fait au moins trente morts, dont une dizaine voir leurs soldes réduites de 30 % d’enfants, près de Deir ez-Zor, dans l’est de la Syrie, rapporte à 50 % en Irak et en Syrie « en rail’Observatoire syrien des droits de l’homme. Les raids ont visé la son de circonstances exceptionville de Tabiyat Djazira, précise l’ONG, qui dispose de nombreux nelles », selon une note de l’orgainformateurs sur le terrain. nisation révélée par des réseaux Les forces gouvernementales syriennes affrontent à Deir ez-Zor de l’opposition. les djihadistes de l’organisation Etat islamique (EI), qui ont pris le Les pensions versées aux facontrôle de la majeure partie de la province. L’EI, qui assiège demilles de « martyrs », le soutien puis mars 2015 les secteurs de la ville tenus par les loyalistes, a aux prisonniers ou encore l’organisation des mariages commenlancé, la semaine dernière, de nouvelles attaques d’envergure et cent aussi à être fortement toua été accusé de nombreuses exactions.
souligne Hicham Al-Hachémi. Enfin, les infrastructures routières – et parti culièrement les ponts qui enjambent le fleuve Euphrate du côté syrien – sont ciblées par les raids aériens. Ce qui complique la circulation et renchérit les frais de transport ainsi que le coût de la vie. L’organisation commence donc à imposer une « austérité » dans certaines régions avec, parmi d’autres, une mesure hautement symbolique, la fin des subventions à un produit de base dans la région, le pain. A Rakka, sa « capitale » syrienne, l’EI a annoncé une libéralisation de son prix, jusque-là fixé par l’organisation, qui le subventionnait. Une dépense qui s’avère désormais intenable du fait, aussi, de l’envolée des cours de la farine, conséquence de la vente d’une partie des stocks… au régime syrien, selon des militants de la ville. ville. « L’Etat L’Etat islamique a vendu les récoltes depuis cet été. Une manne qu’il a redistribuée à ses éléments. Aujourd’hui, Aujo urd’hui, la ville manque de blé », confirme Abou Sham, un militant anti-EI de Rakka. A la mi-
Parmi d’autres mesures d’« austérité », l’EI a décidé la fin des subventions à un produit de base, le pain janvier, le kilogramme de pain se vendait autour de 135 livres syriennes (0,65 euro) – 86 livres au début de l’année 2015 –, contre 50 livres à Damas. Résilience financière
Et l’EI soumet aussi à l’impôt tous les acteurs de la filière, du paysan au marchand, dénonce le réseau Rakka se fait massacrer en silence (RBSS), qui rassemble également des informateurs dans la ville. La consommation de pain dans la province se serait effondrée et le coût du fioul, alors que les températures flirtent régulièrement avec les 5 °C en cette saison, augmente régulièrement. A Mossoul, en Irak, à quelques
encablures de l’agence bancaire bombardée, c’est l’université de la ville qui fait les frais du manque de liquidités. Les étudiants de plusieurs filières en ingénierie sont ainsi invités à demander leur transfert vers d’autres domaines, de l’agronomie à l’étude de la charia. Une mesure peut-être anecdotique, qui montre toutefois que l’EI taille également dans ses dépenses d’éducation. Mais Hicham Al-Hachémi ne s’attend pas pour autant à un effondrement financier de l’organisation dans un proche avenir. « L’autre L’autre grande source de revenus de l’EI a été le détournement des devises et le pillage des banques, (…) qui (…) qui l’ont doté d’un capital qui reste très important et qui permet au groupe de survivre durant plusieurs années », rappelle aussi Myriam Benraad. D’autant plus que l’adversaire n’est pas forcément mieux loti : même amputée de moitié, la solde d’un combattant de l’EI reste supérieure ou équivalente à celle des membres des forces de sécurité irakiennes ou des soldats syriens qui lui font face. p madjid zerrouky
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Modi remet l’Inde « sur la carte du monde » Le premier ministre indien, qui reçoit M. Hollande le 24 janvier, soigne sa politique étrangère new delhi - correspondance
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ingt-sept visites à l’étranger en dix-neuf mois : ce sont des chiffres que la presse indienne cite régulièrement pour rappeler qu’aucun autre premier ministre du pays ne s’était autant déplacé en aussi peu de temps. Cette hyperactivité diplomatique a été la surprise du début de man dat de Narendra Modi, élu en mai 2014, qui s’apprête à accueillir François Hollande en Inde pour la deuxième foi s, du diman che 24 au mardi 26 janvier. Le premier ministre, élu au terme d’une campagne axée sur des réformes de politique intérieure, et peu familier des questions internationales lorsqu’il était à la tête du Gujarat, un Etat de l’ouest de l’Inde, a finalement déjoué tous les pronostics. « Sa politique étrangère reste, à ce jour, son seul succès. Il a remis l’Inde sur la carte du monde », observe un diplomate européen. Tout a commencé par l’invitation, lors de son intronisation, des huit chefs d’Etat voisins. Ce fut la première mise en œuvre de la doctrine des « voisins d’abord », selon laquelle l’Inde doit assurer une stabilité dans son voisinage immédiat. M. Modi a restauré l’influence indienne dans des régions longtemps négligées. Ce fut le cas en mars 2015 dans l’océan Indien, où transite la moitié du trafic maritime mondial et où la Chine affirme ses ambitions. Il se rendit en août de la même année aux Emirats arabes unis, qu’aucun premier ministre indien n’avait visités depuis 1981, alors que la région abrite huit millions d’Indiens de la diaspora et possède des ressources en hydrocarbures, cruciales pour alimenter la croissance indienne, l’une des plus élevées de la planète. M. Modi sort l’Inde du « non-alignement », doctrine chère à Nehru, figure de l’indépendance. Ses partenariats dans la défense ont été renforcés avec des alliés comme les Etats-Unis, le Japon ou encore la Russie. New Delhi n’a plus peur de prendre des initiatives. Lors de la COP21 à Paris, en décembre 2015, ses positions étaient redoutées tant l’Inde s’était montrée inflexible par le passé. New Delhi a finalement ratifié l’accord final, en s’imposant comme le champion de la « justice climati-
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CANADA Fusillade dans une école au Canada Un lycéen a ouvert le feu, vendredi 22 janvier, dans une école canadienne, faisant quatre morts et des blessés, dont des élèves et des employés. Il a été interpellé par les forces de l’ordre. Le drame, rare au Canada où la loi sur les armes est stricte, s’est produit dans une bourgade isolée du nord de la province du Saskatchewan, où résident en grande majorité des autochtones du peuple chipewyan vivant à la lisière de l’Arctique. – (AFP.) HA ÏT I Report in extremis des élections présidentielles L’annulation de dernière minute, vendredi 22 janvier, du deuxième tour de l’élection présidentielle controversée prévu dimanche en Haïti pour « des raisons de sécurité » a plongé le pays dans l’incertitude. Aucune nouvelle date n’a été fournie par les autorités. Plus d’une douzaine de bureaux électoraux ont été attaqués par l’opposition dans la nuit de jeudi à vendredi pour dénoncer« un coup d’Etat électoral » fomenté par le président, Michel Martelly. – (AFP.) CORÉE DU NORD
Le premier ministre indien, Narendra Modi, à Lucknow (Etat de l’Uttar Pradesh), le 22 janvier.RAJESH KUMAR SINGH/AP que ». La nouvelle politique étrangère est devenue « pro-active », constate Dhruva Jaishankar, chercheur au German Marshall Fund. La religion a été introduite comme un nouvel avatar du « soft power », en particulier le bouddhisme, né en Inde comme ne cesse de le rappeler M. Modi, destiné à resserrer les liens avec les pays d’Asie du Sud-Est. Il a également obtenu de l’ONU la création d’une « journée mondiale du yoga », ce qui lui a permis d’associer son pays aux valeurs de la « retenue et de l’épanouissement ». Une Inde décomplexée
Cette nouvelle « diplomatie Modi » n’est pas déconnectée de la politique intérieure. Les grands meetings que le premier ministre tient à l’étranger, sous les acclamations de dizaines de milliers d’Indiens de la diaspora, comme à Wembley à Londres ou au Madison Square Garden de New York, sont diffusés en direct sur les chaînes de télévision.
Il n’apparaît plus comme ce personnage controversé, accusé d’avoir fermé les yeux sur les émeutes entre hindous et musulmans qui avaient fait près de 2 000 morts en 2002, lorsqu’il dirigeait le Gujarat, mais comme le héros d’une Inde décomplexée, qui prend sa revanche sur le passé. « Parcourir la scène internationale ne vous rapporte peut-être pas de votes, mais cela donne certainement un coup de pouce à l’image politique du premier ministre», notait en novembre C. Raja Mohan, analyste au cercle de réflexion Observer Research Foundation, dans le quotidien The Indian Express. Le premier ministre indien met également en scène ses déplacements à l’étranger comme aucun autre de ses prédécesseurs : balade en bateau sur la Seine, tir à l’arc en Mongolie… Il les prépare aussi comme ses réformes : à grand renfort de communication. Cet appétit de communication ne masque-t-il pas les réelles avancées de la diplomatie in-
Lui, qui n’était pas familier des questions internationales, a finalement déjoué tous les pronostics dienne ? Les critiques de M. Modi rappellent que ses rares succès avaient été lancés par ses prédécesseurs, comme le nouvel accord frontalier avec le Bangladesh. « Que de la communication », soupirent certains analystes. La doctrine des « voisins d’abord » n’a pas encore produit de grands résultats, bien au contraire. Les Maldives se sont détournées de l’Inde pour obtenir de la Chine les financements de grands projets d’infrastructures. New Delhi s’est engagé dans un bras de fer avec Katmandou, allant même jusqu’à fer-
M. Hollande tentera de confirmer la vente de Rafale à New Delhi l’inde, « plus grande démocratie du monde », comme aiment le rappeler la qua-
si-totalité des chefs d’Etat étrangers, et surtout l’une des croissances les plus élevées de la planète. Celle-ci devrait atteindre les 7,5 % en 2015, selon le FMI, et supplanter celle de la Chine. La visite de François Hollande, du 24 au 26 janvier, dans l’un des rares pays à résister à la mauvaise conjoncture internationale, sera dominée par l’agenda économique. L’un des principaux enjeux de cette visite est de faire pression sur l’Inde pour qu’elle signe enfin le contrat de vente des avions de combat Rafale. En avril 2015, M. Modi, en visite à Paris, avait annoncé que son pays souhaitait acquérir 36 Rafale « sur les étagères », c’est-à-dire sortis des usines Dassault en France. Le gouvernement et l’Elysée communiquaient alors très largement sur ce succès de la France présenté comme acquis. La réalité était toute autre. A quelques jours du départ de François Hollande pour l’Inde, rien n’était encore signé et la négociation continuait de patiner. Si c’est un échec, l’Elysée aura péché par excès de communication et si un accord est finalement trouvé, l’opinion n’y prêtera guère attention car cela était censé avoir été signé voilà un an. Accompagné d’une délégation d’une cinquantaine de chefs d’entreprise, le chef de l’Etat commencera sa visite, dimanche 24 janvier, par Chandigarh et la terminera à Delhi par le défilé militaire du « Republic Day » où la France est cette année l’invitée
d’honneur. Chandigarh, conçue par l’architecte franco-suisse Le Corbusier, a été retenue dans le cadre du programme des « smart cities » lancé par le premier ministre Indien Narendra Modi. Les besoins du pays dans le secteur urbain, difficiles à chiffrer, sont immenses. L’Inde s’apprête à accueillir dans ses villes près de 500 millions d’habitants supplémentaires d’ici à 2050. Ce chantier des « smart cities » constitue une formidable porte d’entrée, dans un pays réputé difficile, à des centaines d’entreprises françaises, petites ou grandes, du cabinet d’étude qui conçoit des téléphériques urbains, à la multinationale spécialiste de l’assainissement et de la distribution d’eau. Développement urbain
Une quarantaine d’entreprises française ont déjà investi le secteur indien du développement urbain au cours des trois dernières années. Elles ont remporté des contrats d’une valeur totale de 530 millions d’euros en 2015. En octobre dernier, l’Agence française de développement (AFD) a annoncé qu’elle débloquerait près de 2 milliards d’euros de lignes de crédit pour ce programme au cours des trois prochaines années. Des annonces qui devraient être finalisées lors de la visite présidentielle. La France a jeté son dévolu sur trois villes, Chandigarh, Pondichéry et Nagpur, pour participer à leur modernisation. L’avenir des villes durables passe par une réduction des émissions des gaz à effet de
serre, dans un pays qui en est déjà le troisième émetteur mondial, et donc par l’adoption d’énergies non fossiles. François Hollande va poser, lundi 25 janvier, la première pierre du secrétariat de l’Alliance solaire internationale lancée par la France et l’Inde à l’ouverture de la COP 21, le sommet sur le climat qui s’est tenu à Paris fin novembre. Cette alliance qui regroupe les pays à fort ensoleillement situés entre les tropiques du Cancer et du Capricorne aura pour mission de leur faciliter l’accès aux technologies solaires. L’Inde affiche des ambitions élevées dans le domaine. Elle veut multiplier par 25 sa capacité de production d’énergie solaire à 100 GW d’ici à 2022. Le ministère indien des énergies nouvelles et renouvelables a récemment annoncé qu’il allait créer des « zones solaires » de 100 km² où seront accueillies les industries de ce secteur. Les discussions lors de ce voyage devraient également se poursuivre sur la construction de réacteurs EPR dans l’ouest du pays. En décembre 2010, la France et l’Inde ont signé un accord-cadre pour la construction de deux premiers réacteurs. Ce projet est farouchement combattu par des ONG et villageois sur place, qui prévoient de manifester samedi. Ce proverbe indien pourrait résumer le mieux la visite de trois jours de François Hollande : « En Inde, on perd l a patience, ou on l’acquiert. » p j. bo.
mer quelques-uns de ses postesfrontières pour l’asphyxier, et l’obliger à modifier sa nouvelle Constitution. C’est sur le front de la diplomatie économique, reflet de la prédominance du rôle du secteur privé dans les affaires indiennes, que M. Modi a su le mieux restaurer la confiance. Les investissements étrangers en direction de l’Inde ont bondi de 75 % en 2015. Mais pour combien de temps encore ? Au bout d’un an et demi, de grandes réformes annoncées n’ont toujours pas vu le jour, comme l’assouplissement de la loi d’acquisition des terres ou l’uniformisation de la taxe sur la valeur ajoutée. Or les investisseurs s’impatientent, malgré la bonne conjoncture économique en Inde. M. Modi se trouve prisonnier du Parti du Congrès, qui bloque ses réformes à la Chambre haute du Parlement, tout comme de la frange radicale des nationalistes hindous qui veulent imposer leur programme. La dissonance d’une Inde « pro-active » et tolérante à l’international, et une Inde passive face à la montée de l’intolérance religieuse et incapable de se réformer, risque de compromettre la crédibilité de M. Modi à l’étranger. p julien bouissou
Arrestation d’un étudiant américain Pyongyang a annoncé, vendredi 22 janvier, l’arrestation d’un étudiant américain accusé d’« activités hostiles ». Les autorités nord-coréennes ont souvent utilisé des détenus étrangers comme monnaie d’échange en matière de relations internationales. L’étudiant, Frederick Otto Warmbier, est entré avec un visa de touriste. Selon le touropérateur, basé en Chine, il faisait partie d’un voyage organisé pour le Nouvel An et a été arrêté alors que le groupe s’apprêtait à rentrer à Pékin, le 2 janvier. – (AFP.) CROATIE
Un homme d’affaires à la tête du nouveau gouvernement Le Parlement croate a investi, vendredi 22 janvier, le gouvernement conservateur du premier ministre indépendant, Tihomir Oreskovic. Ce dernier, un expert financier, a annoncé des « décisions difficiles » pour redresser l’économie fragile de cette ex-république yougoslave, confrontée aussi à la crise migratoire. Novice en politique, ayant la double nationalité croate et canadienne, âgé de 49 ans, il a fait sa carrière au sein du géant pharmaceutique Teva, dont il a été au cours des dix derniers mois le directeur financier. – ( AFP.)
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Déchéance de nationalité : Hollande à l’écoute Le président a consulté les responsables des partis et les présidents des groupes parlementaires suite de la premi ère
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Si la prorogation de l’Etat d’urgence de trois mois supplémentaire ainsi que son inscription dans la loi fondamentale ne font pas vraiment débat, c’est évidemment sur la déchéance de nationalité que le président était le plus attendu. Pour François Hollande, entouré pour l’occasion du premier ministre Manuel Valls et du secrétaire d’Etat chargé des relations avec le Parlement, Jean-Marie Le Guen, il s’agissait surtout de se livrer à un sondage parlementaire grandeur nature. L’exécutif a cherché, toute la journée durant, à savoir si la majorité des trois cinquièmes des voix, nécessaire pour modifier la Constitution, pouvait être atteinte, alors que le texte arrive en commission mercredi 27 janvier. « C’ était utile d’un point de vue démocratique d’avoir le sentiment de chacun, il faut créer un espace de convergence autour du texte, on renoue avec la démocratie parlementaire, c’est une bonne chose », explique-t-on à l’Elysée. Le récit de chacun à la sortie du bureau présidentiel permet d’en savoir un peu plus sur les intentions du chef de l’Etat. Car si le consensus sur la gravité de la menace terroriste est réel, François Hollande a tout de même devant lui un gros travail de conviction. Et avant tout envers sa propre majorité.
François Hollande, à l’Elysée, le 22 janvier. PHILIPPE WOJAZER/ REUTERS
« Oui à l’union nationale »
Les radicaux de gauche, reçus en premier le matin, ne devraient pas faire de difficultés. «Quand nous sommes face à une menace terroriste, qui se solde par des centaines de morts, on ne doit pas se poser trop de questions », explique JeanMichel Baylet, le patron du PRG. Mais les socialistes sont, eux, plus divisés sur la déchéance de nationalité. Jean-Christophe Cambadélis raconte avoir détaillé, devant un François Hollande « en mode écoute », les conditions nécessaires au rassemblement des voix du PS : « Oui à l’union nationale, oui à l’introduction de l’Etat d’urgence, oui à une flétrissure pour ceuxqui s’ensont pris à lanation, mais nous ne souhaitons pas que soit introduite dans la Constitution une référence aux binationaux ou le principe de l’apatridie. » Ce qui écarte en l’état la déchéance de nationalité. La droite, au contraire, est ressortie du bureau présidentiel avec une certitude : les mots « déchéance de nati onalité » figureront bien dans la Constitution. Les détails quant à son périmètre exact devraient, eux, être renvoyés à une loi d’application que l’opposition exige de voir avant de
se prononcer.« Nous avons dit tr ès clairement que nous étions disposés à voter la réforme de la Constitution si cette réforme était clairement centrée sur la question de la constitutionnalisation de l’état d’urgence et sur la question du retrait de la nationalité pour les binationaux », a déclaré à la sortie Nicolas Sarkozy, le patron des Républicains, ajoutant : « Le président Hollande nous a dit que c’était bien son intention. » A l’Elysée, on confirme l’impression générale même si, préciset-on, le chef de l’Etat « n’a p as donné une formulation mot à mot » du consensus final. La droite a détaillé de son côté ses conditions : hors de question de toucher à d’autres points de la Constitution ou d’appliquer cette mesure aux Français sans autre nationalité. « Nous sommes pr êts à assumer la déchéance pour les binationaux mais il n’est pas envisageable de créer des apatrides. François Hollande semblait être sur la même position », témoigne
Christian Jacob, président du groupe LR à l’Assemblée. Nicolas Sarkozy a également souhaité que la déchéance, qui s’applique aux crimes liés au terrorisme, concerne aussi les délits, ce qui n’est pour l’instant pas le cas. Enfin, dans le cadre de l’état d’urgence, Les Républicains veulent donner « la possibilit é pour le pouvoir administratif d’assigner à résidence des individus réputés dangereux». Les centristes ont, eux aussi, fait part de leurs exigences. JeanChristophe Lagarde, le président de l’UDI, a plaidé pour que la réforme s’accompagne d’une interdiction de dissolution de l’Assemblée par le président durant la période de l’état d’urgence. Il tient aussi à ce que les combattants partis en Syrie perdent leurs droits sociaux et civiques avant même leur retour. Il a enfin précisé au chef de l’Etat qu’environ un tiers des parlementaires centristes risque de ne pas voter la déchéance de nationalité si elle ne s’applique pas à l’ensemble des Français. Si le patron des centristes se félicitait à la sortie d’avoir été écouté, il demeure méfiant, commençant à connaître l’animal politique qu’est François Hollande :
Jouyet, ministre sous le précédent quinquennat et sévèrement égratigné dans l’ouvrage, M. Hollande a lancé à M. Sarkozy un sonore « Ah, voilà ton ami ! ». L’ancien président en a souri. Paradoxalement, c’est avec ses partenaires de gauche que le chef de l’Etat s’est montré le moins diplomate. L’Elysée a enchaîné deux maladresses en oubliant dans un premier temps les communistes sur l’agenda en ligne du « Le dialogue est toujours utile, chef de l’Etat, et en convoquant au mais le passé ne plaide puisque ramême moment l’ensemble des rement nos propositions se sont écologistes, pro et antigouverneretrouvées dans les projets de loi . » ment, alors que ces derniers ne S’il n’a donné aucune garantie s’adressent plus la parole depuis sur les détails, M. Hollande a pré- leur scission. Si Pierre Laurent, le cisé à ses interlocuteurs que tou- secrétaire national du PCF, décrit tes ces mesures pourraient être un chef de l’Etat « tr ès direct » mises sur la table lors de la discus- dans son propos, il ne l’a en resion parlementaire. Le passage de vanche pas trouvé « très clair » sur Manuel Valls devant la commis- la délicate question de la désion des lois, mercredi 27 janvier, chéance de nationalité. devrait être déterminant. Pour Les communistes et EELV ont réussir son « union nationale », réitéré devant le chef de l’Etat l’opFrançois Hollande sait qu’il va de- position totale de leurs troupes à voir traiter avec son opposition ces réformes. Leurs positions tout au long du processus. Ce qu’il étaient connues et le chef de l’Etat a déjà commencé à faire, en indi- n’a pas cherché à les convaincre. quant entre les lignes à M. Sarkozy « On a eu un dialogue assez vif , inqu’il avait pris connaissance de dique Emmanuelle Cosse, la pason livre tout juste publié. Croi- tronne d’EELV. Ce n’ était pas désasant dans les couloirs le secrétaire gréable mais on n’était pas là pour général de l’Elysée, Jean-Pierre négocier. On lui a redit que ça évite
Paradoxalement, c’est avec ses partenaires de gauche que le chef de l’Etat s’est montré le moins diplomate
LE CONTEXTE Composition actuelle des groupes politiques (922 parlementaires) :
Parti socialiste et apparentés : 397 (287 députés + 110 sénateurs) Les Républicains et apparentés : 340 (196 députés + 144 sénateurs) Centristes : 71 (29 députés + 42 sénateurs) Radicaux de gauche et apparentés : 35 (18 députés + 17 sénateurs) Front de gauche et apparentés : 34 (15 députés dont 5 d’outre mer + 19 sénateurs) Ecologistes et apparentés : 28 (18 députés + 10 sénateurs) Non inscrits : 17 (11 députés + 6 sénateurs) de parler du vrai sujet : à s avoir que ce sont des Fran çais qui attaquent d’autres Français. » S’il en doutait encore, M. Hollande est déso rmais certain qu’il dispose en matière d’union nationale de bien plus de marges de négociation sur sa droite que sur sa gauche. p raphaëlle besse desmoulières, nicolas chapuis et matthieu goar
La difficile équation du Congrès combien faut-il de parlementaires
Ce dimanche à 12h 10 ENRICO LETTA ancien Premierministre italien répond auxquestions de Philippe Dessaint (TV5MONDE), SophieMalibeaux (RFI), Christophe Ayad (Le Monde ). Diffusionsur les9 chaînesdeTV5MONDE,les antennesde RFIet surInternationales.fr
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pour changer la Con stitution ? A ce jour, l’énigme n’est toujours pas résolue. En théorie, l’approbation de 555 d’entre eux – trois cinquièmes du total – est suffisante, mais en pratique l’équation comporte encore beaucoup d’inconnues. Pour commencer, on ne sait pas encore avec exactitude combien de parlementaires seront en fonction quand le Congrès sera convoqué pour voter cette réforme qui prévoit – pour le moment – l’inscription de l’état d’urgence dans la Constitution et l’extension de la déchéance de nationalité aux binationaux nés français. A l’Assemblée nationale, Xavier Bertrand et Valérie Pécresse ont déjà démissionné de leur mandat après avoir été élus présidents des régions Nord-Pas-de-Calais-Picardie et Ile-de-France, ainsi que Gérald Darmanin, qui a choisi de ne pas rester député du Nord
après avoir été élu conseiller régional. Trois sièges en moins chez Les Républicains qui ne seront pas remplacés avant trois mois. Egalement élu aux régionales, Christian Estrosi (LR) devrait lui aussi bientôt quitter l’Assemblée. A l’UDI, François Sauvadet et Hervé Morin avaient fait la même promesse, bien que ce dernier ait fait savoir qu’il ne partirait pas avant juin. Par ailleurs, si un remaniement intervient en février et qu’un ou plusieurs parlementaires sont nommés, ce sera là encore autant de sièges vides dans l’hémicycle de Versailles. Pour l’instant, il est donc impossible de savoir précisément où se situera la barre des trois cinquièmes des voix nécessaires – quelque part autour de 550. Difficile aussi de différencier, parmi les opposants au texte, qui votera contre et qui s’abstiendra : or seules les voix exprimées comptent. Ce que l’on
sait déjà, c’est qu’au moins vingt parlementaires LR voteront contre, de même que les communistes, une grande majorité des écologistes et quelques radicaux de gauche et socialistes, soit autour de 100 « non ». Au PS, le gouvernement assure depuis quelques jours qu’un peu plus de la moitié des députés approuveraient la révision constitutionnelle, même sans modification de la mesure controversée sur la déchéance de nationalité. Au Sénat, ils seraient, selon le président du groupe socialiste, Didier Guillaume, près de 70 %. Soit un total d’environ 220 parlementaires socialistes favorables quoiqu’il arrive. Reste entre les deux le plus gros morceau, de quelque 600 députés et sénateurs dont le comportement peut encore beaucoup varier selon la tournure finale que prendra le texte. p hélène bekmezian
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Le Conseil d’Etat suspend une assignation à résidence L’Elysée veut prolonger l’état d’urgence de trois mois. Le texte sera présenté le 3 février
L’
Elysée a annoncé, vendredi 22 janvier au soir, que le gouvernement présenterait le 3 février en conseil des ministres un projet de loi prolongeant de trois mois l’état d’urgence en vigueur depuis le 14 novembre 2015, qui devait s’achever le 26 février. Ce même vendredi, pour la première fois depuis le début de l’état d’exception, le juge des référés du Conseil d’Etat a suspendu un arrêté d’assignation à résidence. Il visait Halim A. depuis le 15 novembre, avait été renouvelé le 15 décembre et validé par le tribunal administratif de Melun, le 5 janvier. Sur le papier, le père de famille de Vitry-sur-Seine (Valde-Marne) avait tout pour inquiéter. Mais Le Monde a enquêté sur l’arrêté du ministre de l’intérieur et sur la note « blanche », c’est-à-dire anonyme et non sourcée, qui le sous-tend. Bilan : une collection d’exagérations, d’imprécisions et d’informations non fondées. Halim A., 35 ans, est accusé, dans l’arrêté, d’appartenir « à la mouvance islamiste radicale », « sa présence a été signalée à plusieurs re prises,le 13 mai dernier, auxabords du domicile d’un responsable du journal Charlie Hebdo » où « il a été remarqué prenant des photo graphies ». Et, enfin, il a « été mis en cause dans une affaire de trafic de véhicules de luxe volés, organisé par des membres de la mouvance islamiste radicale ». La note blanche précise quelques faits. On y apprend, sur l’incident qui concerne Charlie Hebdo, qu’« Halim A. a été en-
VERBATIM
“
En aucun cas il n’est envisagé de prolonger indéfiniment [l’état d’urgence]. »
Manuel Valls, interrogé vendredi 22 janvier, sur ces déclarations à la BBC en marge de son déplacement à Davos. Le premier ministre avait déclaré que l’état d’urgence était « un moyen pour protéger les Français » et qu’il serait prolongé « le temps nécessaire. Jusqu’à ce qu’on puisse, évidemment, en finir avec Daech ». Tout en indiquant que « nous ne pouv[i]ons pas vivre tout le temps avec l’état d’urgence ».
tendu par la section antiterroriste de la brigade criminelle [parisienne]. Il a nié les faits et a été remis en liberté », sans plus de précisions sur l’absence de poursuites. Le document assure aussi que, « particulièrement radical et véhément dans ses propos, il fréquente régulièrement la mosquée Masd jid Rahma», à Vitry. Et elle est « ré putée abriter de nombreux jeunes islamistes radicaux franciliens ». Pourtant, à aucun moment le ministère n’a été en mesure de fournir des éléments prouvant que la mosquée abrite « de nombreux jeunes radicaux ». Ni qu’Halim « fréquente ce lieu de culte de puis 2007 », comme l’affirme une seconde note blanche produite devant le Conseil d’Etat. Si Halim A. a un temps fréquenté cette mosquée, en 2004-2005, ce n’est plus le cas depuis longtemps. Quand son travail de gérant d’une société de réparation de deuxroues lui laisse un peu de temps, le vendredi notamment, Halim A. va plus naturellement à la mosquée affiliée au CFCM proche de son domicile. Et encore : « Je ne pratique pas de mosquée en particulier, je suis pragmatique et je choisis plutôt celle qui se trouve sur mon chemin. » « Un islam sans contraintes »
Après s’être essayé à plusieurs courants de l’islam, «toujours avec recul et esprit critique » souligne-t-il, Halim A. se définit aujourd’hui comme « musulman tout court ». Et estime avoir atteint un équilibre entre son travail, sa vie familiale, et « un islam sans contraintes ». Sur son ordinateur, il montre les photos de vacances de sa famille en Tunisie, Algérie ou Thaïlande. « Est-ce qu’on a l’air d’intégristes, tous en maillot à faire la fête ? », plaisante Malika, son épouse. Elle désigne la mère d’Halim A., rayonnante en maillot deux pièces. Sa mère, c’est justement celle à qui il va rendre visite presque tous les jours dans le 13e arrondissement de Paris, dans un appartement où il a grandi et vécu jusqu’à près de 30 ans. Manque de chance, elle habite juste à côté de chez Riss, le directeur de Charlie Hebdo. Ce 13 mai 2015, après avoir déposé son plus grand fils à l’école en scooter, Halim A. attend sa femme. Elle doit le rejoindre en tramway, avec leur plus jeune fils qu’ils déposeront chez sa grandmère, pour se rendre ensemble à
Halim A., le 19 janvier, après son audience au Conseil d’Etat. ANTONIN SABOT POUR LEMONDE.FR un rendez-vous médical. Elle n’arrive pas, il s’impatiente et lui téléphone en haut-parleur, en tenant l’appareil à bout de bras. La patrouille de CRS stationnée devant chez Riss imagine qu’il prend des photos et fait des repérages : un policier s’avance et le photographie. Dans les jours qui suivent, Le Parisienpublie un article intitulé « Etranges rôdeurs autour du domicile de Riss », sur lequel s’appuiera le ministère de l’intérieur lors de l’audience devant le Conseil d’Etat. Le lendemain, Halim est convoqué à la section antiterroriste de la brigade criminelle. C’est là qu’il comprend la méprise. « A la base, je ne savais même pas qui c’était, Riss », soupire-t-il. Lors de l’audition, longue de plusieurs heures, il reste calme : « Pour moi, c’était évident qu’en cinq minutes ils al-
« Est-ce qu’on a l’air d’intégristes, tous en maillot faire la fête ? » MALIKA
« suspect » –, en 2008, lors de l’enquête préliminaire, c’était déjà sur la foi… d’une note du renseignement. Et une perquisition et une audition, en janvier 2009, ont permis de lever tous les soupçons. Depuis, il est considéré comme un simple « témoin » dans ce dossier clos en décembre 2015.
épouse d’Halim A. Une claque pour le ministère
laient découvrir le pot aux roses. » Aucune photo n’est trouvée dans son téléphone, sa carte d’identité porte encore l’adresse de sa mère. Il ressort libre. La réalité de l’affaire de trafic de voitures, est, là encore, tronquée par la note blanche. Selon les éléments réunis par Le Monde, si Halim A. a bien été considéré par la police comme « mise en cause » – une expression qui signifie
Le Conseil d’Etat a donc considéré qu’Halim A. « a pu justifier sa présence et son comportement aux abords du domicile » de Riss, qu’« aucun élément suffisamment circonstancié produit par le ministre de l’intérieur ne permet de justifier qu’il appartiendrait à la mouvance islamiste radicale » et, enfin, qu’« en ce qui concerne l’af faire de trafic de véhicules, l’intéressé a, en réalité, été entendu comme simple témoin ». Une cla-
que pour le ministère, alors que tout dans la note semblait désigner Halim A. comme l’assigné idéal, offrant des « raisons sérieuses de penser que son comportement représente une menace » . Pour Me William Bourdon, qui défendait Halim A. au côté de Me Vincent Brengarth, « le juge érige pour la première fois au Conseil d’Etat une digue face à ce que tout le monde craignait : une dynamique de toute-puissance des services de renseignement ». Halim A. estime que le combat n’est pas terminé : conscient d’avoir « ouvert une porte », il souhaite s’investir auprès des associations qui conseillent les assignés à résidence : « Si on sait qu’on n’a rien à se reprocher, il faut se battre jusqu’au bout pour dire la vérité.» p camille bordenet et laurent borredon
Comment le juge a été convaincu de la bonne foi d’Halim A. sous le regard des portraits d’anciens membres du Conseil d’Etat suspendus aux murs lambrissés, l’assistance est secouée d’un rire di scret, ce mardi 19 janvier. En s’appliquant à mimer les gestes, Halim A., assigné à résidence depuis le 1 5 novembre 2015 à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) dans le cadre de l’état d’urgence, démontre au juge des référés et à la représentante du ministère de l’intérieur qu’il est possible de tenir son téléphone à bout de bras quand on est en conversation haut-parleur. Et que ce geste ne saurait être confondu avec celui de la prise d’une photo. La démonstration résume à elle seule les incohérences qui, depuis le début, sous-tendent ce premier cas d’assignation suspendue par la haute juridiction administrative vendredi 22 janvier. « Si j’avais vraiment eu envie de prendre des photos douteuses du domicile de Riss [directeur de Charlie Hebdo] , je ne me serais pas bêtement posté à l’angle de la rue, en plein jour, et devant un camion de CRS» , insiste Halim A. en plantant ses yeux dans ceux du juge, Francis Lamy, ancien préfet de région. Est-ce à ce moment précis que le
magistrat a commencé à se laisser convain- produit pour la deuxième audience une cre de sa bonne foi ? Il est certain que les note blanche de cinq lignes… sur un docuaudiences n’auraient pas été les mêmes si ment Word, offrant la possibilité à tout un Halim A. n’avait pas obtenu de sauf-con- chacun de connaître sa durée de rédaction : duit pour pouvoir y assister et se défendre sept minutes.« Un tel bricolage au mépris du au côté de son avocat, Me William Bourdon. juge, je n’avais jamais vu ça en trente-cinq ans de barreau », s’exclame Me Bourdon. « Je n’avais jamais vu un tel bricolage » M. Lamy n’aura laissé passer aucun détail, Ce dossier d’assignation apparemment décortiquant pièce après pièce chacun des semblable aux quelque 400 autres a pris la trois motifs avancés : repérages supposés tournure d’une saga. Au soir de la première autour du domicile de Riss, mise en cause audience, mardi, rien ne laisse présager dans une affaire de trafic de véhicules et a pune issue favorable : le juge invite Halim A. partenance à la « mouvance islamiste radià réfléchir à demander un aménagement cale ». Plus d’une fois il a semblé tiraillé ende sa mesure, plutôt qu’une suspension. Ce tre une défense ne pouvant que clamer sa à quoi il s’est toujours refusé, par principe. bonne foi et un ministère de l’intérieur Le magistrat demande alors un « supplé- campant sur ses affirmations. « Si les serviment d’instruction » – des éléments com- ces de renseignement ont écrit tout ça c’est plémentaires que le ministère doit fournir que c’est vrai. Ils ne se lèvent pas le matin pour le lendemain, à midi. Puis il fixe une pour écrire de fausses notes blanches (…) nouvelle audience au jeudi et le ministère Que faut-il attendre, un nouvel attentat ? » , de l’intérieur est à nouveau prié de fournir s’impatiente Mme Léglise. En vain. A 16 heudes éléments prouvant ses accusations. res, vendredi, la nouvelle tombe : l’assignaDans l’urgence, la représentante de la tion à résidence est suspendue. Et Halim A. Place Beauvau, la sous-directrice du conseil a « retrouvé confiance dans la justice ». p c. b. juridique et du contentieux, Pascale Léglise,
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Dur retourà l’emploi pour les ex-élus issus du privé Faute de véritable statut, les mandats électifs restent peu attractifs pour ceux dont la situation n’est pas garantie
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l y eut la première claque. Politique, s’entend, ce 6 décembre 2015, quand Cécile Bourdon, vice-présidente sortante socialiste du conseil régional du Nord-Pas-de-Calais, apprend que la liste emmenée par Pierre de Saintignon arrive derrière celles de Marine Le Pen et de Xavier Bertrand. Et que Pierre de Saintignon se retire pour faire barrage à l’extrême droite au second tour. Une semaine de campagne puis le retour à la réalité : celle d’une femme de 45 ans, battue dans les urnes et obligée de pointer à Pôle emploi. « Le contrecoup a été violent », reconnaît-elle. Elue une première fois à la région en 1998, elle rempile en 2004. Après être passée à mi-temps dans l’association où elle travaillait, elle devient assistante parlementaire avant de tout plaquer pour se consacrer à la politique – elle sera réélue en 2010, chargée de la santé. « J’étais à 150 %, je travaillais de 7 heures à minuit, on mettait en place une politique nouvelle avec un axe fort sur le cancer », raconte cette mère de deux enfants, également adjointe à la mairie de Lens (Pas-de-Calais). Elle ne regrette rien : c’était, ditelle, « la plus belle » de ses missions. Totalement investie dans son mandat, elle a cependant refusé d’imaginer une défaite et se retrouve aujourd’hui en grande difficulté sur le plan professionnel. cipaux. Les chiffres pour les Si sa situation est peu courante, ouvriers parlaient d’eux-mêmes : c’est aussi parce que les salariés is- alors qu’ils constituaient 13,5 % sus du secteur privé restent rares des actifs, leur part n’était que de parmi les élus locaux, encore ma- 4,8 % chez les conseillers municijoritairement constitués de re- paux et de 2 % parmi les maires. traités, de fonctionnaires et de membres des professions libéra- Autorisations d’absence les. Un rapport parlementaire, ré- Cette situation s’explique aisédigé en 2013 par le député socia- ment : les fonctionnaires bénéfiliste du Val-d’Oise Philippe Dou- cient du droit à réintégrer leur adcet et son collègue de la Manche ministration. Pour les salariés, les Philippe Gosselin (Les Républi- freins sont plus nombreux et les cains), concluait à la« surreprésen- risques plus tangibles. Ces dertation » de ces catégories. niers peuvent craindre les conséSelon leurs chiffres, en 2012, le quences d’un mandat sur leur carpourcentage de membres des rière, d’être étiquetés politique« professions intermédiaires » chez ment, d’avoir des revenus moins les élus locaux restait assez proche importants ou encore de ne pas de leur part dans la population ac- retrouver de travail à la sortie. tive. Mais ce n’était plus le cas chez « Quand on est cadre, salarié, emles employés, sous-représentés à ployé, ouvrier, c’est extrêmement l’exception des conseillers muni- compliqué de s’engager dans la vie
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d’arrêter et d’anticiper sa reconversion professionnelle. Malgré sa prévoyance, le chemin pour M. Magnen reste difficile. Il plaide pour un « vrai » statut de l’élu et une limitation plus stricte du cumul des mandats dans le temps et dans les fonctions.« Sans ça, il n’y aura pas de diversification, juge-t-il. Il y a aussi un vrai enjeu de formation, de dire aux élus que tout cela va s’arrêter un jour, leur faire comprendre que soit ils le choisissent, soit ils le subissent. » « Le FN renouvelle les choses »
«S’engager dans la vie locale [implique] une part importante de bénévolat, on ne vit pas de ses indemnités » PHILIPPE GOSSELIN
député (LR) de la Manche locale car il y a une part importante de bénévolat, on ne vit pas de ses indemnités », souligne M. Gosselin. Il existe cependant des dispositions censées faciliter l’exercice de son mandat pour un élu local issu du privé. Il peut par exemple demander à son employeur des
« autorisations d’absence » afin de préparer ses séances au conseil municipal. Ou encore, s’il appartient à un exécutif, obtenir une suspension de son contrat de travail pendant la durée de son mandat – ce que son employeur ne peut lui refuser. Mais, dans la pratique, cela n’est souvent pas aussi simple. « La principale difficulté, notamment dans les petites entre prises, c’est déjà d’oser demander: les gens sont dans l’autolimitation », note M. Gosselin. Adoptée en mars 2015, une loi est venue améliorer les dispositifs existants sans pour autant instaurer un véritable statut de l’élu. Entré en application au 1er janvier, ce texte a précisé les taux des indemnités des élus et leurs modalités d’adoption, amélioré les droits à la formation individuelle et
élargi le champ des bénéficiaires d’une validation des acquis d’expérience. Il a aussi offert la possibilité à ceux ayant exercé une fonction exécutive et désormais inscrits à Pôle emploi d’obtenir une allocation de fin de mandat pendant un an contre six mois auparavant – car les élus ne cotisent pas à l’assurance-chômage. Jean-Philippe Magnen, ex-viceprésident chargé de l’emploi au conseil régional des Pays de la Loire, a découvert tardivement l’existence de ce dispositif. Cette allocation lui sera pourtant bien utile le temps que son cabinet de psychothérapie se mette en route. Une activité à laquelle cet écologiste s’est formé ces dernières années. Après deux mandats à la ville de Nantes et un à la région, cet ancien consultant a décidé
L'HISTOIRE DU JOUR Jean-Marie Le Pen est-il un dormeur comme un autre ?
D
ans un avion, l’ancien président du Front national, Jean-Marie Le Pen, s’abandonne à un petit somme, tête renversée, lèvres entrouvertes. Assis derrière lui, le chorégraphe et danseur de break dance Brahim Zaibat saisit l’instant avec son smartphone. Le self ie moqueur, publié samedi 12 décembre 2015, à la veille du second tour des élections régionales, accompagné de la légende «Mettez les K.-O. demain en allant tous voter. Pour préserver notre France fraternelle » s’envole sur les réseaux sociaux : 156 556 « J’aime » sur Facebook, des milliers de « retweet» sur Twitter. Il a atterri vendredi 22 janvier devant le tribunal de grande instance de Paris pour «atteinte au droit à l’image et au respect de la v ie privée »et a offert un de ces beaux débats juridiques entre protection de la vie privée et défense de la liberté d’expression dont la 17e chambre est coutumière. Pour l’avocat de Jean-Marie Le Pen, Me Frédéric Joachim, cette photo, prise à l’insu de son client « dans le contexte intime et feutré d’une carlingue » et dans un moment, le sommeil, « qui suppose l’abandon » et qui est « par excellence un attribut de la vie privée », présente un caractère « dégradant». « Le tribun et chef politique bien connu pour son énergie ne saurait être publiquement “réduit” à un homme endormi», a plaidé l’avocat, qui réclame 50 000 euros de dommages et intérêts. En défense de Brahim Zaibat, Me Vincent Toledano a plaidé le droit à l’humour et à la liberté d’expression politique, sanctuarisé par la Cour européenne des droits de l’homme, notamment dans un arrêt Brasilier contre France du
11 avril 2006. La « victime » était déjà un homme politique, Jean Tiberi, alors maire de Paris et embourbé dans une affaire de faux électeurs – il a été condamné depuis –, qui avait poursuivi un manifestant venu place du Panthéon avec tracts et banderoles proclamant « Tiberi, tu nous casses les urnes ». La CEDH avait considéré qu’en condamnant le manifestant, la justice avait porté atteinte à la liberté d’expression. Plus récemment, en mars 2013, la CEDH a encore condamné la France dans une autre affaire visant cette fois le fameux «Casse toi, pov’con » brandi sur un écriteau par un citoyen lors d’une visite de Nicolas Sarkozy à Laval, en écho aux propos du président de la République d’alors au Salon de l’agriculture. L’homme à l’écriteau avait été déclaré coupable d’« offense » au chef de l’Etat. La Cour avait estimé que « les interventions satiriques concernant des sujets de société » jouent « un rôle très important dans le libre débat ». Un homme politique est-il un dormeur comme un autre ? « Le droit à la vie privée et le droit à l’image de Jean-Marie Le Pen doivent s’incliner devant le droit de Brahim Zaibat à combattre le Front national et l’abstention des électeurs », a souligné Me Toledano. La réponse du tribunal a été mise en délibéré au 10 février. p
POUR L’AVOCAT DE M. LE PEN, CETTE PHOTO PRISE À L’INSU DE SON CLIENT PRÉSENTE UN CARACTÈRE « DÉGRADANT »
pascalerobert-diard
Pour Philippe Doucet, il s’agit avant tout d’un « problème de révolution culturelle ». « Il faut que les patrons se disent qu’ils ont un intérêt à ce que leurs salariés soient présents dans les institutions », juge le député socialiste. Au passage, il égratigne le président de la République qui, selon lui, « ne donne pas l’exemple ». « Dans son gouvernement, qui a un parcours à risque ? interroge-t-il. Sous Hollande, on a un gouvernement avec un ratio technocratique très important. » Nombreux sont ceux qui jugent cqu’il sera difficile d’aller plus loin sans toucher à la nature même du modèleélectif. « On n’a pas tranché entre un statut de bénévole, de volontaire et le besoin d’avoir des élus professionnels à temps plein et compétents, estime Philippe Gosselin. Ce qui ne veut pas dire des professionnels de la politique mais des personnes qui puissent s’investir pleinement dans leur mandat. » En attendant, les choses évoluent peu. Selon Luc Rouban, directeur de recherche au Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), les nouveaux élus régionaux ne dérogent pas à la règle de leurs aînés. Dans une note publiée en janvier, il a pu constater que 15 % d’entre eux sont des cadres du privé et 8,2 % des « petits » salariés du privé – retraités du secteur compris. « Il y a un parti qui renouvelle les choses, c’est le FN, conclut-il. Parmi les élus régionaux, on y compte beaucoup de jeunes, de mères de famille. Sociologiquement, avec le Front de gauche, c’est le parti qui est le plus en phase avec la société française. » p raphaëlle besse desmoulières
JUSTICE Policier de SeineSaint-Denis acquitté : le parquet fait appel Le parquet général de Paris a fait appel, vendredi 22 janvier, du verdict d’acquittement rendu le 15 janvier par la cour d’assises de Seine-Saint-Denis en faveur du gardien de la paix Damien Saboundjian, qui comparaissait pour « violences volontaires ayant entraîné la mort » d’Amine Bentounsi, à Noisy-le-Sec, le 21 avril 2012. Conformément à la position exprimée à l’audience par l’avocat général, qui avait requis la condamnation de l’accusé, le parquet général considère que dans cette affaire « les conditions légales de la légitime défense ne paraissent pas démontrées. » – (AFP.) Le directeur général de l’OM mis en examen Le directeur général de l’Olympique de Marseille, Philippe Perez, 55 ans, a été mis en examen et placé sous contrôle judiciaire pour « abus de biens sociaux », « faux et usage de faux » et « association de malfaiteurs » . Comme deux anciens responsables mis en examen à l’automne 2015, Jean-Claude Dassier et Antoine Veyrat, il est soupçonné d’être impliqué dans plusieurs transferts de joueurs douteux.
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10 | france
0123 DIMANCHE 24 - LUNDI 25 JANVIER 2016
A Fréjus, les musulmans ont enfin leur mosquée Le préfet s’est substitué à David Rachline, maire FN de la ville, en autorisant l’ouverture provisoire du lieu REPORTAGE
« Le maire David Rachline a pris un arrêté interruptif des travaux en novembre2015, quand ils étaient déjà achevés »
fréjus (var) - envoyée spéciale
D
e m émoire de préfet » , il n’a jamais vu ça. Pierre Soubelet, représentant de l’Etat dans le Var, a signé, dans la soirée du jeudi 21 janvier, un arrêté autorisant l’ouverture provisoire de la mosquée de Fréjus. Sur ordre du Conseil d’Etat, il s’est substitué au maire de la ville, le frontiste David Rachline, qui refusait d’exécuter une injonction en ce sens du même Conseil d’Etat, prise deux mois plus tôt. « Je pense que c’est inédit dans l’histoire du corps pré fectoral », commente M. Soubelet. Lui aimerait « sortir rapidement » de ce sujet qui « empoisonne un peu la vie locale ». Depuis l’achèvement des travaux de construction de leur mosquée, au printemps 2015, les musulmans du quartier de La Gabelle étaient contraints de prier dehors, face à l’édifice flambant neuf qu’ils ont eux-mêmes financé. « On passe d’un islam des caves et des parkings à un projet autonome de 1,5 million d’euros autour duquel la communauté a réussi à se structurer », souligne Me Moad Nefati, l’un des conseils de l’association El Fath, qui gère la mosquée. Au-delà de l’arrêt de référence du Conseil d’Etat, promis à une belle place dans le recueil Lebon de la jurisprudence administrative, on pourrait croire que l’histoire se résume à celle d’un maire Front national qui s’oppose à ce que la communauté musulmane, après avoir prié des années dans des garages réaménagés, dispose d’un lieu de culte digne de ce nom. Mais ce serait passer à côté des autres protagonistes – barons locaux et aspirants – de cette querelle politique. Car ils contribuent à nourrir le contentieux qui entoure la mosquée et qui s’est traduit par une dizaine de procédures, dont une bonne partie est encore pendante devant les juridictions : « C’est un superbe cas pratique, ironise Me David FaureBonaccorsi, également avocat de l’association. Il y a du droit civil, du pénal, de l’administratif, des référés-liberté… »
GEORGES GINESTA
maire (LR) de Saint-Rapha ël
A l’ouverture de la mosquée de Fréjus (Var), le 22 janvier. PHILIPPE ARNASSAN/PHOTOPQR/ « NICE MATIN »/MAXPPP
Il y est principalement question des permis de construire accordés de façon peu rigoureuse – en 2011 et 2013 – à l’association El Fath par l’ancien maire UMP de Fréjus, Elie Brun. Un homme dont la longue mandature a été marquée par le clientélisme et les affaires. Les requérants – parmi lesquels, ironie de l’histoire, la préfecture du Var – invoquent tour à tour la caducité du permis à cause de travaux trop tardifs, une fraude du fait de titres de propriété un temps man-
Le contentieux qui entoure la mosquée s’est traduit par une dizaine de procédures
dération LR du Var. Or, ma ville est voisine donc les fidèles allaient forcément se garer sur Saint-Raphaël et ça allait poser un problème de stationnement. » C’est donc un baron de la droite républicaine locale qui a ouvert les hostilités. Mais Philippe Mou« Problème de stationnement » gin, conseiller municipal d’oppoL’issue du contentieux est incer- sition LR à Fréjus, rappelle que taine. Quant à son origine, la c’est lui qui, le premier, a « révélé » droite se la dispute. Ainsi, Georges que la mosquée allait être « surdiGinesta, le maire Les Républicains mensionnée » :« C’était dans un de (LR) de Saint-Raphaël et député du mes premiers tracts », explique ce Var, commune voisine et rivale de candidat malheureux à l’élection toujours, explique qu’il est celui municipale de 2014. Un scrutin qui a déposé le premier recours qui a vu, à droite, les candidats à la administratif contre le permis de succession de M. Brun se précipiconstruire, en octobre 2013. « Le ter sur le « dossier » de la mosquée. problème, c’est qu’il était écrit « C’est révélateur de l’ambiance qu’ils serai ent plus de 2 000 per- qui règne dans le Var , analyse Tasonnes, sans les places de parking rik Belkhodja, du Parti socialiste. qui vont avec, justifie le septuagé- Et des crispations d’unepartiede la naire qui est aussi président de population, àl’imagedes rapatriés l’agglomération et patron de la fé- d’Algérie qui se sont radicalisés et quants et surtout une méconnaissance du plan de prévention des risques d’inondation. Le tribunal de grande instance de Draguignan doit se prononcer le 26 février et, selon son délibéré, il pourrait demander la démolition de l’édifice.
des classes moyennes qui se pau périsent… » De façon inattendue, le maire et sénateur du Var David Rachline se voit même reprocher son « ambiguïté ». « Il est arrivé à la mairie en mars 2014 quand il n’y avait qu’une ébauche de travaux, retrace M. Ginesta. Il a pris un arrêté interruptif des travaux en novembre, quand ils étaient déjà achevés. Il n’a pas non plus fait le référendum qu’il avait promis. » Pour Philippe Mougin, « il n’a rien fait sur instruction de sa patronne qui ne voulait pas créer de polémique ». M. Rachline n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien. Quant à l’association El Fath, elle croit que l’élu n’était pas pressé d’agir jusqu’à ce que des sites identitaires tels que Fdesouche le pressent de dépasser ses atermoiements. Mais pour ces croyants, vendredi 22 janvier, l’heure était surtout aux réjouis-
sances puisque la mosquée ouvrait pour la première fois. Afida et Houda, deux femmes d’une cité HLM voisine, n’étaient plus venues depuis deux ans. Par curiosité ou solidarité, certains musulmans avaient fait le déplacement depuis Marseille, Toulon ou Nice. « On est là et il va falloir que le maire fass e avec nous », lancent Rachid et Mohamed, deux fidèles de Saint-Raphaël. Les responsables associatifs, notamment le président Driss Maaroufi, 65 ans, ou le jeune bénévole Oualid Afras, 26 ans, parlent déjà d’organiser « une journé e portes ouvertes ». Ils veulent faire savoir que leur islam est « pacifique », qu’ils aspirent à la « discrétion ». « Les élus parlent depuis leur bureau et ne savent pas ce qu’il se passe ici », regrette un fidèle. De fait, s’ils s’étaient déplacés vendredi, ils auraient vu une mosquée pleine dans laquelle ne s’étaient pourtant pas réunies plus de 700 personnes. La menace des 2 000 fidèles affluant de toute la région paraît peu réaliste. Mais dès qu’on s’éloigne du quartier de La Gabelle, elle enfle à nouveau. Sur le parking d’un supermarché, une femme aux cheveux grisonnants range ses courses dans sa voiture : « La mosquée, ils devaient la détruire et on était tous très contents. C’est une question de proportion. Elle est énorme, elle est plus grosse que la cathédrale.» Non loin, Monique, 74 ans, abonde : « La ville ne justifie pas la construction d’une mosquée. Nous, on n’en a pas besoin, ça nous servira pas beaucoup. » Et puis : « Maintenant, elle y est, elle y est. » p julia pascual
Premières indemnisations pour les victimes des attentats de Paris Le fonds de garantie a déjà versé 15 millions d’euros de provisions, mais le montant total de l’indemnisation pourrait atteindre 300 millions
J
essica, 24 ans, a appris la nouvelle sur son lit d’hôpital. Toujours en soins aux Invalides, la jeune femme fait partie du millier de victimes qui ont déjà reçu une première indemnisation après les attentats du 13 novembre. En attendant que son état se stabilise et que l’ensemble de ses préjudices soit expertisé, cette étudiante a perçu une provision de 2 5 000 euros. « Quand je lui ai dit la somme, elle m’a dit : “Oh la la, mais c’est trop !”, confie sa sœur, Clara. Elle ne mesure pas tous les besoins qu’elle aura. » Jessica ignore encore si elle pourra marcher à nouveau. La jeune femme fêtait son anniversaire à la terrasse du restaurant La Belle Equipe lorsqu’elle a été blessée par des tirs de kalachnikov. Ses proches se sont déjà mis en tête de lui trouver un logement adapté pour anticiper la sortie de l’hôpital. « Les indemnisations ne lui redonneront pas sa vie d’avant, mais elles lui garantiront au moins une sécurité que notre famille, plutôt modeste, n’aurait pas eu les moyens de lui offrir », assure sa sœur. Cette famille n’est pas la seule. Le processus d’indemnisation concerne les ayants droit des 130 défunts, les 403 blessés – dont 41 sont
toujours hospitalisés –, ainsi que les 729 personnes sans séquelles physiques mais toujours en état de choc depuis novembre.« Liste évolutive », a prévenu le parquet de Paris, vendredi 22 janvier. La veille, lors d’une réunion dans les locaux de l’association Paris aide aux victimes, la ministre de la justice, Christiane Taubira, a annoncé que le Fonds de garantie, organisme chargé d’indemniser les victimes du terrorisme, avait déjà « versé 15 millions d’euros de provisions et remboursé un million d’euros de frais d’obsèques ».
trentenaire est en arrêt maladie milles endeuillées et les blessés depuis deux mois. Une provision physiques. « Nous travaillons avec de 10 000 euros lui a déjà été ver- la liste fournie par le procureur de la sée. Pour y prétendre, Phyllie a dû à République, mais nous pouvons inla fois présenter un justificatif (son tégrer des personnes qui n’y figubillet de concert) et un certificat rent pas », ajoute François Werner. médical attestant de son traumaLe plus compliqué ? Que le montisme. Comme pour toutes les vic- tant total des indemnisations times, la Sécurité sociale assume semble cohérent pour les fa100 % des frais médicaux, et donc milles concernées. « Nous devons des consultations auprès de psy- faire en sorte qu’il n’y ait pas de déchologues, sauf en cas de dépasse- saccord profond, précise M. Werments d’honoraires. ner, et qu’on n’ajoute pas une diffi« Il ne faut pas avoir de fausse pu- culté supplémentaire à des victideur. L’indemnisation, c’est mes qui ont déjà tout un parcours d’abord une nécessité pour beau- à faire. » D’où le besoin, pour cercoup de gens, tranche Stéphane tains, de faire appel aux services « Savoir qu’on est soutenu » Gicquel, secrétaire général de la d’un avocat. « Il ne s’agit pas de Un montant « dérisoire » par rap- Fédération nationale des victimes mettre les victimes dans des cases, port au total que le Fonds de garan- d’attentats et d’accidents collec- les faits qu’elles ont subis ont déjà tie versera aux victimes dans les tifs (Fenvac). Mais ce n’est pas été suffisamment déshumanineuf à douze mois à venir, lorsque qu’une question d’argent, il s’agit leur état se stabilisera, insiste son aussi d’une forme de reconnaisdirecteur général, François Wer- sance. » Soucieux des questions « L’indemnisation ner. A terme, l’indemnisation d’insertion et de réinsertion prone lui redonnera « pourrait atteindre » 300 millions fessionnelle, le dirigeant voit d’euros, estimait Mme Taubira en aussi dans cette aide « une répas sa vie décembre. « A titre moral, ça fait du ponse au terrorisme», à plus forte d’avant, mais bien de savoir qu’on est soutenu, ça raison pour les cinquante enfants rassure, surtout si on n’est pas capa- orphelins pris en charge l’Etat en elle lui garantira ble de reprendre son activité, si on tant que « pupilles de la nation ». une sécurité », Alimenté par des contributions se retrouve au chômage », explique Phyllie, rescapée du Bataclan. Tou- prélevées sur chaque contrat d’asassure la soeur jours en état de choc, considérée surance, le Fonds de garantie a d’une victime comme une blessée psychique, la prioritairement contacté les fa-
sants », estime l’avocat Frédéric Bibal, spécialiste en droit du dommage corporel. « Face à ce monstre procédural qui fait déjà plusieurs dizaines de tomes et qui va devenir une espèce de masse absolument ingérable, poursuit Me Bibal, l’un des grands enjeux pour les avocats résidera dans leur capacité à mutualiser leurs informations. » Sous sa coordination, une réunion mensuelle se tiendra au parquet de Paris à partir de la fin du mois de janvier. Le recours aux avocats se révèle également nécessaire pour avoir accès à l’enquête en cours et mieux comprendre les circonstances du drame. Jeudi, Christiane Taubira a précisé qu’elle étudierait la possibilité de donner à une association créée par les victimes des attentats le droit de se porter partie civile dès que possible et non au bout de cinq ans d’ancienneté. « C’est très important d’éviter que chaque victime soit renvoyée à un dialogue singulier avec la machi ne judiciair e », considère Georges Salines, père d’une jeune femme tuée au Bataclan et président de l’association 13 Novembre : fraternité et vérité, créée le 9 janvier. p adrien pécout
LES CHIFFRES Bilan actualisé des attentats du 13 novembre 2015.
130 morts.
403 blessés, dont 41 sont toujours hospitalisés.
729 personnes déclarées sans séquelles physiques mais toujours en état de choc.
enquête | 11
0123 DIMANCHE 24 - LUNDI 25 JANVIER 2016
Le serment de Rome En Thaïlande, Rangsiman Rome, 23 ans, tente de fédérer, au sein de son Mouvement de la nouvelle démocratie, les contestataires de la junte au pouvoir depuis le douzième putsch survenu dans le pays, en mai 2014
bruno philip bangkok - correspondant régional
en Asie du Sud-Est
A
la réflexion, Rangsiman Rome pense que tout a vraiment démarré « le dernier jour du sandwich ». Un « tournant », dit-il. Ce jour-là, le 22 juin 2014, un mois après le coup d’Etat du chef d’état-major des armées thaïlandaises, le général Prayuth Chan-ocha, cet étudiant en droit participe à une protestation silencieuse à Bangkok devant l’un des plus grands centres commerciaux de la capitale, le Siam Paragon. Les participants mangent des sandwichs. Ce détail mérite une explication. Depuis quelques jours, en ce début de saison des pluies, après quelques manifestations peu nombreuses et ne réunissant qu’une poignée d’indignés, la junte a réussi à museler presque toute opposition à son no uveau règne. Ils ne sont plus que quelques-uns, des jeunes, à se tenir debout dans la rue, lisant ostensiblement un livre dont le titre est à lui seul une provocation : 1984, de George Orwell. Impassibles, ces lecteurs solitaires brandissent ostensiblement le coupable ouvrage. Et mangent, car il faut bien se sustenter. Le sandwich devient alors le symbole de la subversion. Sur Facebook, il est « posté » pour rire, mais pas seulement, comme l’image fétiche de la lutte silencieuse contre les galonnés au pouvoir… Peu à peu, se souvient aujourd’hui Rome, 23 ans, qui est en master à la célèbre université Thammasat de Bangkok, les derniers signes de résistance passive vont s’éteindre dans cette Thaïlande à nouveau ployée sous la dictature. Le royaume détient le record mondial toutes catégories de coups d’Etat avec douze putschs réussis (et six qui ont échoué) en quatre-vingt-deux ans. Ce 22 juin, donc, Rangsiman Rome, devenu un agitateur en chef, réalise que cette stratégie de protestation a atteint ses limites. Bangkok a trop peur. Il se dit qu’il faut poser son sandwich et passer à autre chose. CENSURE ET SURVEILLANCE
« Avec quelques autres camarades, à Bangkok mais aussi dans d’importantes villes de province, Khon Kaen, Udon Thani, Ubon Ratchathani, Hat Yai, nous avons décidé de créer un mouvement dont le but est de faire pression pour ramener la démocratie», explique Rome, l’une des personnalités désormais les plus en vue de ce qu’il décrit comme un « réseau d’activistes » étudiants. Ces résistants, les seuls dans le royaume, ont baptisé leur groupe de mobilisation New Democracy Movement (Mouvement de la nouvelle démocratie). Ils le désignent par ses initiales en anglais : NDM. Le NDM n’a pas encore réuni des foules innombrables. « Nous som mes environ deux cents », admet le grand jeune homme aux traits fins, le regard barré de grosses lunettes à monture noire. « Pour l’essentiel, nous sommes des étudiants, mais aussi des dipl ômés de fraîche date, des artistes. L’idée serait d’être un mouvement populaire qui dépasse le milieu des élites estudiantines. Mais nous n’avons pas toujours été d’accord entre nous sur ce que ce mouvement ou cette juxtaposition de réseaux à l’échelon national devrait être… »
En ces temps de vaches maigres démocratiques, les grognards de NDM ont du mal à se rassembler autour d’une idéologie qui les réunirait. « Mes camarades de Khon Kaen [une ville du nord-est de la Thaïlande] sont des marxistes, sourit Rome. Moi, je suis plutôt social-démocrate… » S’organiser est difficile quand règnent censure et surveillance. Les résistants s’appellent de fac en fac pour décider des actions à mener. Le 22 mai 2015, pour « commémorer » le putsch de 2014, ils sont une poignée, à l’initiative de NDM, à braver de nouveau en plein Bangkok l’interdiction de rassemblement imposée par la junte. La police disperse brutalement les protestataires. Un mois plus tard, le 24 juin, rebelote : les partisans et les figures clefs du mouvement marchent depuis l’université Thammasat jusqu’au monument de la démocratie, érigé en mémoire du coup d’Etat de 1932 qui fit basculer le Siam (ainsi s’appelait alors la Thaïlande) de la monarchie absolue à la monarchie constitutionnelle. Le parcours est riche en symboles : l’université fut le lieu du massacre du 6 octobre 1976 quand policiers, soldats et paramilitaires tuèrent plus d’une centaine d’étudiants qui protestaient depuis plusieurs jours par milliers contre le retour à Bangkok d’un ancien dictateur. Et Thammasat a été fondée par l’un des auteurs du « coup » de 1932, le démocrate Pridi Banomyong. Ce dernier, juriste formé à l’université française de Caen, avait créé à Paris en 1927 le Parti du peuple avant de fomenter le putsch en compagnie d’un militaire, Phibun Songkhram, diplômé de l’école d’artillerie de… Fontainebleau. Pridi est mort en exil à Paris en 1983. Peu après la dernière manifestation du mois de juin, Rangsiman Rome et treize de ses camarades sont arrêtés. Les étudiants sont accusés d’avoir violé les nouvelles réglementations de la junte. Ils sont déférés à minuit devant un tribunal militaire et maintenus en détention pendant douze jours. Depuis leur libération, ils restent notamment sous le coup d’accusations de « sédition ». « J’ai été très bien traité », raconte Rome, qui reste sobre dans la narration de son emprisonnement. Certes, la dictature thaïe, ce n’est pas le Chili de Pinochet ou la Chine de Mao. L’incarcération et les menaces qui pèsent sur leur tête n’ont en tout cas pas brisé l’élan de la résistance : en septembre, le NDM a appelé à un nouveau rassemblement, cette fois pour marquer la date anniversaire d’un précédent coup d’Etat, l’avant-dernier : le putsch qui détrôna en 2006 le premier ministre Thaksin Shinawatra. Thaksin reste la figure formidablement polarisante de la scène politique thaïlandaise, déchirée depuis une dizaine d’années en son nom et contre lui. D’un côté, pour simplifier, ceux qui se sont baptisés « chemises rouges » ont été les partisans de cet homme d’affaires milliardaire mais populiste, ancien officier de police pas forcément démocrate mais soucieux d’améliorer la condition de vie paysanne. En face, les auto-proclamées « chemises jaunes » ont été les adversaires les plus farouches des pro-Thaksin : ce sont des ultramonarchistes sourcilleux, vêtus de la couleur attribuée à sa naissance au vieux roi Bhumibol Adulyadej, 88 ans – dont soixante-cinq sur le trône, record mondial de la longévité pour un souverain actuellement au pouvoir.
Rangsiman Rome, 23 ans, le 31 décembre 2015, sur la place de l’Indépendance, à Bangkok. MITI RUANGKRITYA POUR « LE MONDE »
La cible des « jaunes » n’a cessé d’être les « rouges » et leur mentor, Thaksin, ce briseur de tabou dans le contexte si singulier de la Thaïlande où se combinent extrême révérence et ultraviolence. Les monarchistes soutiennent l’armée et l’institution militaire. Ils veulent la prolongation d’un statu quo dont l’essence consiste à ce que la nation puisse être préservée par un conservatisme de bon aloi où rien ne devrait ébranler le système ni menacer l’équilibre d’une société hiérarchisée et très inégalitaire.
DEPUIS LE COUP D’ÉTAT, PLUS D’UNE SOIXANTAINE DE PERSONNES ONT ÉTÉ INCULPÉES POUR CRIME DE LÈSE-MAJESTÉ
NÉBULEUSE « THAKSINISTE »
Le putsch de 2014 a renversé le dernier premier ministre élu, Yingluck Shinawatra, qui se trouve être la sœur de Thaksin. Ce dernier est aujourd’hui en exil à Dubaï… Il ne peut rentrer au pays car des accusations de corruption pèsent sur lui. Le moindre des paradoxes de la Thaïlande est que, en dépit du fait que son frère avait été renversé par l’armée, sa cadette soit parvenue à devenir première ministre après la victoire, en 2011, d’un parti proThaksin à un moment de résurgence temporaire du système démocratique… La NDM ne veut pas être associé à la nébuleuse « thaksiniste » dont l’un des grands et longs rassemblements au centre de Bangkok, en 2010, se solda par une sanglante répression militaire : près de 90 morts. « D’abord, nous ne considérons pas Thaksin et le Pheu Thaï [le parti au pouvoir quand sa sœur était premier ministre] comme vraiment très attachés à la démocratie, précise Rome. Mais si des chemises rouges veulent nous rejoindre, elles sont les bienvenues. » Le mouvement des chemises rouges est désormais en sommeil. La Thaïlande s’enfonce dans la crise, le régime durcit le ton et se raidit alors que s’approche l’inquiétante échéance de la fin de l’ère Bhumibol, souverain très malade, aussi révéré qu’omniprésent dans les mémoires, puisque 95 % des Thaïlandais n’ont jamais connu que ce roi, couronné en 1950. D’autant qu’en Thaïlande, si le roi règne mais ne gouverne pas, il a pesé
d’un poids très lourd en politique, approuvant les coups d’Etat ou soutenant, à d’autres moments, comme durant un mouvement d’étudiants en 1973, le retour à la démocratie. Sa disparition de la scène sera un événement considérable dans ce royaume désuni, en mal d’homme providentiel. L’armée a besoin de la monarchie et la monarchie a besoin de l’armée. Le régime utilise à tour de bras la fameuse loi de lèse-majesté qui permet de condamner à une peine de trois à quinze ans de prison ceux qui « insultent le roi, la reine, le prince héritier et le ré gent ». Depuis le coup d’Etat de mai 2014, plus d’une soixantaine de personnes ont été inculpées au titre de fameux article 112. Dernière accusation en date, celle portée contre un ouvrier, qui risque trente-sept ans de prison pour avoir notamment publié sur la Toile un texte « sarcastique » cont re la chienne bien-aimée du roi… L’affaire n’a pas encore été jugée mais la chienne vient de mourir, lundi 28 décembre 2015, sans que l’on puisse relier ce regrettable événement au « post » moqueur dont le canidé fut l’objet. Le premier ministre putchiste Prayuth n’a pas l’intention de renoncer à son poste. La date des prochaines élections est sans cesse repoussée. Alors que la situation économique se dégrade, que le gouvernement réutilise des politiques de subventions imaginées sous Thaksin à l’intention des paysans, un scandale de corruption à propos de la construction dans un parc de sept statues géantes de rois thaïs éclabousse un régi me qui se voulait pourtant celui de M. Propre… « Les erreurs du gouvernement nous servent. Beaucoup de gens finiront par nous rejoindre, y compris des chemises jaunes, parce qu’ils en auront assez d’être les victimes de la politique de ce régime injuste et absurde », espère Rome. Mais au fond, que souhaite ce leader du NDM ? « Pas cette célébrité dont je me serais bien passé, soutient-il. Mon objectif est d’aller à Paris poursuivre mes études de droit car la France, c’est encore le pays des droits de l’homme ! » Les mythes ont la vie dure. p
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Arabie saoudite « MBS », un benjamin barthe beyrouth - correspondant
L
a scène se déroule le 16 décembre 2015 dans un salon de réception de l’Hôtel Ritz-Carlton, à Riyad. Trois cents représentants de l’élite économique et politique saoudienne assistent à un discours de Mohammed Ben Salman. Le vice-prince héritier du royaume, 30 ans, a surgi dans le palace vêtu d’un simple thawb, la tunique blanche des gens du Golfe, à la stupéfaction des hommes de l’assemblée, qui avaient tous revêtu leur bisht, la cape aux liserés dorés des grandes occasions. Puis le fils du roi Salman s’est lancé dans la présentation, sans texte et sans prompteur, de son « plan de transformation nationale ». Un vaste programme de réformes visant à dépoussiérer la bureaucratie saoudienne et à sortir l’économie de sa dépendanceà l’or noir. « Dans la forme et dans le fond, c’ était fascinant, du jamais-vu», témoigne Aala Naseïf, une consultante en développement, présente ce jour-là dans la salle. Deux jours plus tôt, autre discours. En six minutes faceà la presse, Mohammed Ben Salman proclame la formation d’une coalition antiterroriste de 34 pays. Une réponse aux Occidentaux, qui reprochent à Riyad de trop se consacrer au Yémen, où son armée bombarde les milices houthistes, des rebelles proiraniens, et trop peu à l’organisation Etat islamique (EI), l’ennemi public numéro un des capitaleseuropéennes. L’annonce aurait dû revenir à Mohammed Ben Nayef, 56 ans, ministre de l’intérieur et dauphin en titre, qui a fait de la lutte contre les djihadistes sa spécialité. Mais son cousin le prince Salman l’a doublé, au prix d’un couac f âcheux. A peine la conf érence de presse se termine-t-elle que le Pakistan et la Malaisie, présentés comme des membres de la nouvelle alliance, affirment qu’ils n’ont jamais été associésà ce projet… Dans le brouhaha, personne ne prête attention au fait que, au même moment, les forces antihouthistes se lancent à la con-
A 30 ans, Mohammed Ben Salman a profité de l’avènement du roi Salman, son père, pour monter en puissance, quitte à faire de l’ombre à l’héritier officiel, son cousin Mohammed Ben Nayef quête de la province d’Al-Jawf, dans le nord du Yémen, avec le soutien de l’aviation saoudienne. L’offensive percute de plein fouet les négociations de paix, relancées par l’ONU à grand-peine, dans un discret village des Alpes suisses. A la manœuvre, encore et toujours : Mohammed Ben Salman, le commandant en chef de la guerre au Yémen, décidé à empêcher qu’un « Hezbollah yéménite » se dresse à la frontière du royaume. UN HOMME DIFFICILE À DÉCHIFFRER
Economie, réforme de l’Etat, diplomatie et sécurité : le vice-prince héritier accapare tous les dossiers-clés. Celui qui n’est sur le papier que ministre de la défense se comporte depuis quelques mois comme un super-premier ministre. Il est l’homme qui monte, qui compte, et qui affole les pronostics. Se pourrait-il qu’il succède directement à son père, âgé de 80 ans, alors même qu’il est deuxième dans l’ordre de succession, derrière Mohammed Ben Nayef ? Indice de sa possible mise sur orbite, la presse saoudienne, qui appartient en grande partie au roi, use à son endroit de formules de plus en plus révérencieuses. Il est l’homme qui « construit l’économie de la nation d’une main et prot ège les frontières de l’autre », claironne le quotidien Al-Madinah. « Le général de la guerre et le parrain du développement», s’enflamme Asharq Al-Awsat . A l’évidence, Salman junior voit grand. Et pour lui, et pour le pays. « Thatchérien » sans complexes, un qualificatif dont il s’est affublé dans une récente interview à The Economist , il prétend réformer l’Etat-providence saou-
dien sans casser le pacte social, à base de redistribution de la rente pétrolière, qui est la garantie de longévité des Saoud. En ligne avec la diplomatie plus offensive impulsée par son père, il jure d’endiguer l’influence croissante de l’Iran au Proche-Orient, sans sombrer dans un interventionnisme tous azimuts. Oui à la rupture des relations avec le voisin chiite, décidée fin 2015, en représailles au saccage de l’ambassade de Téhéran, elle-même conséquence de l’exécution du prédicateur chiite Nimr Al-Nimr. Mais nonà la guerre, qui serait « une catastrophe majeure ». Pour un jeune homme dont le bagage universitaire se limite à une licence de droit obtenue à l’université du Roi-Saoud et qui était un illustre inconnu il y a encore un an, la feuille de route parat singulièrement chargée. Surtout dans le contexte actuel, marqué par l’éloignement de Washington, l’effondrement des prix du brut et le retour en force de Téhéran sur la scène internationale. « Avec les crises viennent les opportunités », répond le jeune ambitieux, qui cite Churchill, mais semble croire avant tout en lui-même. En cinq heures de discussion avec les journalistes de The Economist , il n’a cité qu’une seule fois son père. Et jamais son cousin qui, lors de l’avènement du roi Salman en janvier 2015, apparaissait pourtant comme le plus prometteur. Les milieux diplomatiques se perdent en conjectures. « MBS », comme ils le surnomment, est-il un modernisateur plein d’allant ou un dangereux amateur ? Un futur grand ou une étoile filante ? D’une stature imposante, le visage marmoréen, mangé par une
« MBS », COMME LE SURNOMMENT LES MILIEUX DIPLOMATIQUES, EST-IL UN MODERNISATEUR PLEIN D’ALLANT OU UN DANGEREUX AMATEUR ?
grosse barbe noire, l’homme est difficile à déchiffrer. « Mes in terlocuteurs en Arabi e saoudite, qui sont parfois très proches de la famille royale, me donnent deux sons de cloche très différents, confie un homme d’affaires occidental qui se rend souvent dans le royaume. Certains disent qu’il est impulsif, arrogant et superficiel. D’autres disent qu’il est en phase avec la jeunesse, qu’il sait écouter et s’entourer. » Son principal atout est d’avoir l’oreille du roi. Plus que cela : d’avoir son numéro de téléphone, son agenda, et un accès sans entraveà ses palais. Mohammed Ben Salman est le fils préféré de Salman, que celui-ci a eu avec sa troisième épouse, considérée comme sa favorite. Dans un pays aussi légitimiste que l’Arabie saoudite, ce simple statut lui confère une aura et un pouvoir immédiat. LE ROI ET LES « MOHAMMEDAÏN »
Ce tandem père-fils s’affirme à la fin des années 2000. C’est l’époque où Salman préside comme gouverneur au décollage économique de Riyad et arbitre les querelles entre princes, en tant que juge de paix de la famille Saoud. Dans les coulisses, Mohammed s’imprègne de l’esprit gestionnaire de son père ainsi que des petits et grands secrets de la dynastie royale. Dans un royaume aussi opaque que l’Arabie saoudite, le savoir, c’est déjà le pouvoir. Quand Salman prend la tête du ministère de la défense, en 2011,à la mort de son frère Sultan, l’héritier suit, comme conseiller personnel. Il s’y taille un domaine de plus en plus vaste, au grand déplaisir des ministres adjoints : quatre d’entre eux valsent en l’espace de quatre ans. Arrive janvier 2015, le décès du roi Abdallah et l’intronisation de Salman. Le fils prodigue récupère logiquement le portefeuille de la défense, avant d’être promu, quatre mois plus tard, au poste de vice-prince héritier. Son ascension est facilitée par une mutation profonde du système politique saoudien. Le principe de collégialité en vigueur sous le roi Fahd (1982-2005) cède la place à une centralisation autoritaire. En dix ans, les baronnies détenues par quelques lignées phares, comme les
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Né à Sarajevo, Ziyah Gafic, 35 ans, a réalisé en 2013 une série documentaire sur La Mecque, alors en plein chantier. La plupart des sites architecturaux millénaires ont été détruits et remplacés par de gigantesques constructions ultramodernes. La Makkah Royal Clock Tower s’élève ainsi désormais à plus de 600 mètres de haut. L’édifice, qui accueille un htel de luxe ainsi qu’un centre commercial, surplombe la Masjid Al- Haram, la mosquée la plus sacrée du monde pour les musulmans.
A gauche, des fidèles musulmans prient, tandis que des grues travaillent à l’extension du site du pèlerinage de La Mecque, en novembre 2013. A droite, l’Abraj Al Bait Towers, un complexe formé de plusieurs gratteciel, s’élève en plein centre-ville. La Makkah Royal Clock Tower en est la tour la plus haute, vue ici depuis les abords de la ville. ZIYAH GAFIC
héritier pressé et ambitieux Fayçal aux affaires étrangères, les Sultan à la défense et les Mansour aux affaires municipales, ont été démantelées. A la place, un triumvirat s’installe, composé du roi et des Mohammedaïn, « les deux Mohammed », comme on les appelle à Riyad. A « MBS », la tête de la super-commission chargée des affaires de développement où siège « MBN », alias Mohammed Ben Nayef ; et à « MBN », la responsabilité de la supercommission consacrée aux questions de sécurité, où figure « MBS ». Sur le papier, l’équilibre est parfait. Chacun des deux est à la fois le supérieur et le subordonné de l’autre. Mais la ferveur nationaliste suscitée par l’intervention militaire au Yémen, lancée fin mars, donne au ministre de la défense l’occasion de se distinguer. La propagande d’Etat le
propulse à la « une » des médias. Elle transforme le trentenaire ignorant des choses de la guerre en un vaillant commandant en chef, impitoyable avec les houthistes, attentionné avec les populations du sud du royaume bombardées par les rebelles. Et oublieux des centaines de civils qui périssent sous ses bombes. Très vite, son emprise s’étend sur plusieurs de ses collègues, notamment sur les technocrates nommés aux affaires étrangères, à la santé, à l’éducation et à l’information. « L’ancien chef de la diplomatie, Saoud Al-Fayçal, avait un rôle central dans le système, témoigne un diplomate en poste à Riyad. Son successeur, Adel Al- Jubeïr, est un grand pro, mais il n’a pas son autorité. Il ne dissimule pas le fait qu’il bosse sous la tutelle de MBS.»
Même l’indéboulonnable Ibrahim Al-Assaf, ministre des finances depuis vingt ans, est passé sous ses ordres. « Avant, c’était l’homme qu’il fallait voir pour conclure un contrat , poursuit le diplomate. Aujourd’hui, il fait comprendre qu’il n’est plus décisionnaire, qu’il faut frapper à la porte du dessus. » L’omniprésence du jeune prince et la relation exclusive que le roi entretient avec lui suscitent l’agacement en haut lieu. La grogne s’est matérialisée à l’automne par une lettre, signée d’un prince de second rang et diffusée sur Internet, qui accusait « l’inca pable » Salman et son « jeunot » de fils de mener le royaume à sa perte. La résistance provient surtout de l’administration, que l’homme fort de Riyad entend réformer au forceps. Fini l’incurie et
IL SUFFIRAIT QUE L’ÉTAT PHYSIQUE DU ROI DÉCLINE POUR QUE LA GUERRE DES DEUX MOHAMMED ÉCLATE AU GRAND JOUR
les passe-droits, promet-il. Tous les hauts fonctionnaires devront s’assigner des objectifs précis et rendre des comptes à la fin de chaque trimestre. C’est la méthode des KPI (« key performance indicators » ), une technique de gouvernance anglo-saxonne, que le ministre de la défense a érigée en mantra. Ses adversaires rêvent de le voir trébucher sur le dossier yéménite. Une crise dans laquelle l’Arabie saoudite s’enlise lentement mais sûrement, à l’image de l’armée égyptienne au Sina et des milices pro-iraniennes en Syrie. Devant The Economist , Mohammed Ben Salman s’est f élicité, contre l’évidence, que les forces gouvernementales contrlaient 80 % du pays. Dans les fait s, l’entrée en action de l’aviation saoudienne n’a permis de bouter les houthistes aaa
Le fils du roi Salman et l’or noir des Saoud
B
ien que ministre de la défense, le vice-prince héritier Mohammed Ben Salman se passionne pour l’économie. Ce penchant tombe à pic, au moment où l’Arabie saoudite s’apprête à subir les effets de l’effondrement des prix du pétrole. Le royaume, dont l’essentiel des recettes provient des exportations d’hydrocarbures, a enregistré en 2015 un déficit budgétaire record : 98 milliards de dollars (90 milliards d’euros), soit 16 % du produit intérieur brut. Pour 2016, Riyad s’attend à une perte comparable. C’est le contrecoup direct de la dégringolade des cours du brut, passés sous la barre des 30 dollars au début de l’année, soit une chute de 70 % depuis l’été 2014. Le fils du roi Salman, également président de la commission in-
terministérielle chargée du développement, ambitionne de rebondir sur cette crise pour réformer les structures économiques et sociales saoudiennes: coupes dans les subventions, instauration de taxes, privatisations d’actifs. Ce serait un coup dur porté à l’Etat-providence saoudien et un virage difficile à négocier dans un pays qui s’est habitué à profiter de services publics quasi gratuits. Pour colmater les brèches dans les comptes publics, le gouvernement s’est d’abord livré à quelques tours de passe-passe financiers. Il a rapatrié plus de 80 milliards d’avoirs investis à l’étranger et émis de la dette. Puis dans une note envoyéeà l’automne, le ministère des finances a lancé la « chasse au gaspillage ». Dans le but de limiter les dépenses superflues, il a demandé
aux administrations de restituer à l’Etat les fonds alloués pour 2015 qui n’auraient pas été utilisés. Le « Bercy» saoudien a aussi ordonné aux organismes gouvernementaux de ne pas acheter de nouvelles voitures ou de fournitures de bureau et de geler les embauches et les promotions jusqu’à la fin de l’année. Mais le fils du roi voit plus loin. Il a lancé un « plan de transformation nationale », vaste programme de réformes, présenté officiellement le 16 décembre 2015. Un avant-goût a été donné l’an dernier en fin d’année, quand les prix des carburants à la pompe ont augmenté d’au moins 50 %. Une baisse des subventions sur l’eau, l’électricité et le diesel devrait suivre. L’année 2016 devrait aussi voir la création de plusieurs impts,
comme une taxe sur la valeur ajoutée, une autre sur les terrains non bâtis et une troisième sur les emplois de domestiques. « MBS », comme on le surnomme, a évoqué une possible entrée en Bourse d’Aramco, le bras pétrolier de l’Arabie saoudite, ainsi que la privatisation de plusieurs secteurs de services comme la santé, l’éducation et les télécommunications, et la vente de terrains dans les environs de La Mecque. Changement de modèle
Ces mesures visent à remédier aux maux du pays : la dépendance à l’or noir qui finance 90 % des revenus de l’Etat, le chmage de masse des jeunes (40 %), la place pléthorique du secteur public qui emploie 80 % de la population active. Sans compter la surconsommation énergétique : dans vingt
ans, toute la production pétrolière du royaume pourrait être absorbée localement. Un comble pour ce pays, aujourd’hui premier exportateur mondial de brut. Contrairement à la plupart des hommes de sa génération, issus de la classe moyenne ou supérieure, Mohammed Ben Salman ne parle pas anglais. Il arbore un style saoudo-saoudien, proche du peuple, qu’il cultive en se déplaçant volontiers avec des sandales de cuir. Il insiste sur le fait que les classes populaires ne seront pas affectées par cette cure d’austérité : la TVA, par exemple, é pargnera les produits de base. « Il a la volonté de préserver le consensus, de ne pas casser les structures », se félicite un diplomate étranger. Certains analystes, qui devinent dans ces recettes la doxa néolibérale des cabinets de con-
sultants anglo-saxons, sont plus inquiets. « Si les subventions sautent, des pans entiers de l’économie sauteront aussi, s’alarme un chercheur, basé à Riyad, qui souhaite rester anonyme. Il y aura beaucoup de casse. » D’autres observateurs pensent en outre que le royaume ne pourra pas privatiser sans « dégraisser » au préalable quelques administrations. Et donc, sans licencier des fonctionnaires. Plus encore, la capacité de la famille royale à ouvrir l’économie tout en continuant à confisquer le jeu politique suscite des interrogations. « MBS veut réussir ce que Mikhaïl Gorbatchev a raté, pointe Theodore Karasik, un analyste basé à Duba : changer le système économique sans toucher au système politique. C’est évidemment casse-gueule. » p b. ba.
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Le royaume saoudien se sent menacé à ses frontières ’ ’
Population musulmane majoritairement wahhabite (sunnite), religion officielle du royaume autres courants sunnites chiite ibadite autres religions
XX Alliés de l’Iran
Pays ayant connu un soulèvement populaire en 2011 suivi de la chute des régimes en place
Rébellion houthiste soutenue par l’Iran Manifestations chiites dénonçant les exécutions saoudiennes du 2 janvier
Pays en guerre ou en crise politique majeure
XX Pays participant à la coalition saoudienne contre la rébellion houthiste au Yémen
SYRIE
Hezbollah
Zone contrôlée par Al-Qaida dans la péninsule Arabique
Soutien au maréchal Sissi en Egypte pour éviter l’émergence d’un régime pouvant représenter un danger pour le royaume
Attentats menés par l’EI sur le sol saoudien en 2015
Zone contrôlée par l’organisation Etat islamique (EI)
LIBAN
LIBAN
IRAK
BAHREÏN
ÉGYPTE
QATAR
Riyad
Qatif, 22 mai 21 morts Damman, 29 mai 4 morts Saihat, 16 octobre 5 morts
JORDANIE
Le Caire
KOWEÏT
Médine
IRAN
IRAK
IRAN JORDANIE
ARABIE SAOUDITE
SYRIE
Hezbollah
IRAN
IRAK
JORDANIE
Construction par l’Arabie saoudite de clôtures de sécurité XX Pays participant à la coalition contre l’EI
TURQUIE
SYRIE
Téhéran
Damas Bagdad
ÉGYPTE
Répression, en 2011, des soulèvements des communautés chiites marginalisées par les pouvoirs sunnites
TURQUIE
TURQUIE LIBAN
KOWEÏT BAHREÏN
ARABIE SAOUDITE
E.A.U
Souif, 15 janvier 3 morts ÉGYPTE
QATAR
Riyad
BAHREÏN
ARABIE SAOUDITE Riyad
E.A.U
E.A.U.
17 juillet
La Mecque OMAN
KOWEÏT
Najrane, 26 octobre 2 morts
Abha, 6 août 15 morts
OMAN
OMAN
YÉMEN YÉMEN
Sanaa
YÉMEN
300 km
300 km
La rivalité sunnite-chiite est inscrite dans l’histoire du Moyen-Orient. Cette donnée géopolitique régionale nourrit la paranoïa du régime saoudien sunnite à l’égard de sa propre minorité chiite, régulièrement dépeinte comme une « cinquième colonne ». Les chiites saoudiens, 10 % de la population environ, constituent plus du tiers des habitants de la province du Hassa, dans l’est du pays. Cette province revêt un intérêt stratégique vital car elle recèle la grande majorité des ressources pétrolières du royaume.
300 km
Les dirigeants saoudiens ont suivi avec angoisse les révolutions qui ont embrasé le monde arabe en 2011 (Tunisie, Egypte, Libye, Bahreïn, Yémen puis S yrie). Chassé de son pays, le dictateur tunisien Ben Ali a finalement trouvé refuge dans le royaume saoudien. Avec une jeunesse nombreuse, éduquée, active sur les réseaux sociaux et un pouvoir vieillissant, réactionnaire et autocratique, l’Arabie saoudite présente un profil propice à la contestation.
La dynastie des Al-Saoud, championne du sunnisme dans sa forme la plus rigoriste, le wahhabisme, et gardienne des lieux saints de La Mecque et à Médine, s’est forgé une légitimité qui lui a permis de durer, mais constitue aussi un frein à toute tentative sérieuse de réforme. Cette même idéologie anime les djihadistes d’Al-Qaida ou de l’EI, qui dénoncent l’hypocrisie du royaume, notamment son alliance avec les Etats-Unis. Ils constituent une menace réelle de déstabilisation du régime.
En interne, l’effondrement de la rente pétrolière fragilise le pays
11,6 %
, en dollars
90 %
97,11
.
’ ,
, %
, en % du PIB
46,9
* Fondateur de la dynastie saoudienne actuelle, il a régné de 1932 à 1953
Salman Accède au trône le 23 janvier 2015 à 79 ans
53,1 100 ans
15
80
98,7 %
10
’ . , % .
60
5
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0
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’
–5
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– 10
76
.
– 11 – 15
79
78
153 141
87
Abdallah
12
*
que d’une seule grande ville, Aden. Et dans ce port, le chaos rampant fait le lit des mouvements djihadistes, Al-Qaida et l’EI. « Cette intervention militaire n’est pas un projet du seul Mohammed Ben Salman, tempère Jamal Khashoggi, directeur de la chaîne de télévision Al-Arabiya News. Le pays n’a pas le choix. Soit nous capitulons devant l’Iran, soit nous nous battons. Tous les ministres partagent ce point de vue.» L’autre force de MBS réside dans le soutien que lui accorde le clergé wahhabite. Son père, qui ne s’embarrasse guère de considérations sociétales, à l’inverse d’Abdallah, a noué une solide alliance avec la famille Al-Sheikh, qui tient les institutions religieuses. De quoi contrebalancer la mauvaise humeur des princes mis sur la touche. Résultat, Mohammed Ben Nayef n’a pour l’instant qu’u ne option : faire le dos rond. Plus son jeune et impétueux rival s’agite et communique, plus il donne l’impression de s’immerger dans son ministère. Plus celui-là multiplie les initiatives, pour incarner la re-
Fahd
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SOURCES : O. DA LAGE, « L’ARABIE SAOUDITE, UN ÉTAT À RISQUE », HÉRODOTE N°160/161, LA DÉCOUVERTE, À PARAÎTRE ; M. IZADY, THE GULF 2000 PROJECT ; GRAPHIC NEWS ; ISW ; CENTRAL DEPARTMENT OF STATISTICS AND INFORMATION ; EIA ; FINANCIAL TIMES ; THE ECONOMIST ; BLOOMBERG ;EIA ; AFP ; LE MONDE
aaa
Saoud Fayçal Khaled
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* z i z a l e d b A
MOHAMMED BEN NAYEF A LA HAUTE MAIN SUR LE RENSEIGNEMENT, UN ÉTAT DANS L’ÉTAT, ET LA PRÉFÉRENCE DE WASHINGTON
lève, le sang neuf, plus celui-ci peaufine son image de père tranquille, garant de stabilité. Cette rivalité ne s’exprime pas pour l’instant au grand jour. La discorde est un tabou dans la famille royale, obsédée par son maintien au pouvoir. Le précédent de 1891, date honnie de la chute du deuxième Etat saoudien, déchiré par des luttes intestines, reste dans toutes les mémoires. Quand on les sonde sur la compétition « MBS-MBN », la plupart des Saoudiens s e pressent d’éluder le sujet, le qualifiant au mieux de lubie occidentale, au pire de cabale iranienne. « Je ne vois pas de rivalité, assure Jamal Khashoggi. Il y aun seul parti, une seule ligne. Nous n’avons pas affaire à un gouvernement de coalition. » Un entrepreneur occidental, familier de l’élite de Riyad confirme cependant l’antagonisme entre les deux hommes.« Le temps ne joue pas en la faveur de MBN , précise-t-il. Plus le règne de Salman s’étirera, plus son fils aura l’occasion de changer les règles du jeu. » L’un des scénarios moulinés dans les think tanks américains postule que Salman re-
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CARTOGRAPHIE FLAVIE HOLZINGER, VÉRONIQUE MALÉCOT ET DELPHINE PAPIN
noncerait à la fonction de premier ministre qu’il cumule avec celle de roi pour transférer cette charge à son rejeton. Une manœuvre qui le placerait au-dessus du prince héritier, à qui le protocole reconnaît le titre de premier ministre adjoint. UN DUEL ENCORE FEUTRÉ
Aux yeux de certains analystes, l’épisode Moukrin ouvre le champ des possibles. Cet ancien prince héritier a été congédié par Salman au mois d’avril, d’un simple coup de stylo, sans passer par le conseil d’allégeance, l’assemblée de princes associée d’ordinaire aux affaires de succession. « Sur le papier, rien n’interdit de rééditer ce coup de force » , estime un habitué du royaume. Sauf que Mohammed Ben Nayef est d’une autre trempe que l’infortuné Moukrin. Il a la haute main sur les services de renseignements, un Etat dans l’Etat, et la préférence de Washington, qui le connaît depuis longtemps. Auréolé de sa victoire sur AlQaida, dans les années 2000, époque où il di-
rigeait le contre-terrorisme et où l’organisation fondée par Oussama Ben Laden multipliait les attentats, il est très apprécié en interne pour son sérieux et son intégrité. A cela s’ajoute sa grande proximité avec Mitaeb Ben Abdallah, le ministre de la garde nationale, l’unité d’élite du royaume. Autant d’atouts qui rendent le numéro deux du régime quasiment intouchable. « MBS, c’est un ambitieux qui s’est mis en t ête d’ évincer un type impossible à évincer et qui pour cela, virevolte dans tous les sens , résume un chercheur qui séjourne souvent à Riyad. MBN, c’est l’homme tranquille qui attend que son rival se br ûle les ailes pour revenir sur le devant de la scène. » Un facteur pourrait radicaliser ce duel encore feutré : la santé du roi. L’homme que l’on disait atteint de la maladie d’Alzheimer n’a pas manifesté récemment de signes de faiblesse particuliers. Il suffirait que son état physique décline pour que la guerre des deux Mohammed éclate au grand jour. p benjamin barthe
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géopolitique
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Bernard Haykel « La rupture entre Riyad et Washington remonteà l’invasion de l’Irak en 2003 » Les sujets de discorde entre les Etats-Unis et l’Arabie saoudite se multiplient. La présidentielle américaine pourrait être l’occasion de renouveler une alliance aussi complexe que précieuse entre ces deux pays ENTRETIEN
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washington - correspondant
iplômé d’Oxford, Bernard Haykel est directeur des études proche-orientales à l’université de Princeton, aux Etats-Unis, et spécialiste de la péninsule Arabique. Ses recherches portent notamment sur l’impact de la rente pétrolière sur les sociétés du Golfe. L’Arabie saoudite a pris de court son allié américain à plusieurs reprises : offens ive au Yémen en mars 2015, bouderie du roi Salman lors du sommet de Camp David deux mois plus tard, exécution du cheikh saoudien chiite Nimr Al-Nimr. Comment l’expliquer ? Les logiques concernant le Yémen et les exécutions ne sont pas les mêmes. Les condamnations à mort relèvent d’une question intérieure saoudienne. Celle d’Al-Nimr s’est inscrite dans une vague de 47 exécutions, dont 43 djihadistes sunnites. Il y avait parmi eux des durs, des théoriciens du djihadisme impliqués dans des attentats entre 2003 et 2010. Il était difficile d’exécuter 43 sunnites sans tuer aussi des chiites considérés comme radicaux, même si ces derniers n’étaient jamais allés jusqu’à prôner la lutte armée. Le pouvoir saoudien a voulu montrer que la justice vaut pour tout le monde et envoyer un message très fort à la population saoudienne pour montrer qu’il y a des limites à ne pas franchir. Enfin, en tuant un chiite radical, il a pu vouloir montrer à l’organisation Etat islamique (EI) qu’il est le meilleur rempart contre les chiites. Du point de vue saoudien, la réaction très violente de Téhéran a plutôt joué à son avantage, puisque Riyad est alors apparu comme le champion du sunnisme et que tout le monde, dans la région, l’a soutenu. C’est un coup de maître si on se fie à l’approbation que cela a engendrée sur les réseaux sociaux dans le pays. Le Yémen, c’est une histoire plus compliquée. Je crois qu’il faut revenir à l’arrivée sur
le trône d’un nouveau roi, Salman, en janvier 2015, et d’un nouveau prince, son fils Mohammed Ben Salman, nommé ministre de la défense à 29 ans. Ce dernier a cru jouer un bon coup en frappant très fort, à l’israélienne, la rébellion houthiste qui entretient des liens pas très clairs avec l’Iran. Pour quelles raisons ? Mohammed Ben Salman agit dans le cadre d’une compétition très forte avec le prince héritier, son cousin Mohammed Ben Nayef, puissant ministre de l’intérieur. Il faut ajouter que MBS a sans doute été influencé par le prince héritier des Emirats arabes unis, le puissant Mohammed Ben Zayed, un autre ambitieux qui croit beaucoup à la force. Quel est le bilan de cette équipée au Yémen ? Cette intervention est un échec. On sait que ce pays est une sorte d’Afghanistan. Il a été le cimetière des Ottomans et après la révolution de 1962, les Egyptiens s’y sont également enlisés. Au Yémen, l’histoire montre qu’il faut éviter de s’impliquer militairement et qu’il vaut mieux acheter les factions pour parvenir à une sorte d’équilibre. Je me demande d’ailleurs si les Saoudiens savent comment ils vont s’en sortir… Pour Washington, cette intervention a été perçue comme une distraction par rapport à la cible principale, l’EI. C’est exact. Mais, en fait, la rupture entre Riyad et Washington remonte à l’invasion américaine de l’Irak en 2003. Les Saoudiens, qui y étaient opposés, avaient prévenu les Américains qu’ils allaient offrir l’Irak aux Iraniens sur un plateau d’argent, et ils ont eu raison. Mais comme il s’agit cependant de leur grand allié, ils l’ont soutenu logistiquement. Ensuite, Barack Obama a développé le thème du « pivot » américain vers l’Asie, qui sous-entendait que le Moyen-Orient n’était plus important pour Washington. Cerise sur le gâteau : il s’est totalement investi pour faire aboutir l’accord avec l’Iran sur le nucléaire. Il y a cette idée entretenue à la Maison Blanche que l’Iran peut se transformer en Etat responsable. Les Saoudiens et les Israéliens contestent vivement cette vision, qu’ils jugent naïve. S’ajoute à cela le sentiment, chez les dirigeants saoudiens, qu’Obama ne sera pas là pour les soutenir en cas de coup dur : l’exemple du lâchage d’Hosni Moubarak [en f évrier 2011 en Egypte] les a marqués. La guerre au Yémen visait aussi à dire à Washington : «Vous avez vos priorités, mais nous avons les nôtres ». L’EI est un danger mais l’Iran est, pour eux, une menace plus grande encore. Les Saoudiens ont le sentiment d’un encercle-
«I llumination Talisman III », 2013. Né en 1979, le Saoudien Ahmed Mater a étudié parallèlement l’art et la médecine. Cet artiste complet a produit une œuvre qui inclut la photographie, la calligraphie ou encore les installations temporaires. Son travail, qui explore l’esthétique de la culture musulmane et questionne le rapport à la société de consommation, lui a valu une renommée internationale. ©AHMED MATER/ ATHR GALLERY
ment par le truchement des alliés de l’Iran en Irak, en Syrie, au Li ban, au Yémen… Au Yémen, les Américains ont certes été pris par surprise mais, comme les Saoudiens en 2003, ils ont choisi d’aider leur allié. Ils assurent même le ravitaillement en vol des bombardiers qui frappent le Yémen, ce qui embarrasse beaucoup Washington, compte tenu de la catastrophe humanitaire qui menace ce pays. Ces dissensions sont-elles de nature à ouvrir une faille durable, par-delà le dernier mandat de Barack Obama, entre les deux pays ? Son successeur peut-il remettre en cause cette alliance historique ? Les Saoudiens développent à ce sujet deux thèmes. Tout d’abord, ils mettent en avant le fait qu’ils constituent la « banque centrale » du pétrole mondial. La stratégie de préservation de leurs parts de marché a des conséquences très fortes sur le pétrole de schiste américain, mais aussi sur l’Iran et la Russie. On ne peut donc pas traiter par-dessus la jambe l’Arabie saoudite. Le pétrole est un marché global, le rôle de Riyad est important et il ne va pas être remis en cause du jour au lendemain. Ils insistent ensuite sur un autre aspect de la relation américano-saoudienne : l’attachement qui a toujours été manifesté par Riyad à la stabilité régionale et internationale. C’est un pouvoir de statu quo, qui veut empêcher le bouleversement de la région. Dans le contexte actuel, c’est important. Vous voulez dire que même si les Américains voulaient un changement d’alliances, en se tournant par exemple vers l’Iran, ils ne le pourraient pas ? C’est en effet impossible, pour des raisons structurelles. Les Américains parlent d’indépendance énergétique, mais c’est un mythe. D’autant que les Saoudiens ont parfaitement intériorisé le fait d’être un acteur responsable du système [pétrolier] , contrairement au Venezuela, qui a toujours utilisé le pétrole comme une arme politique. Il y a certes des problèmes, mais n’importe quel président américain comprendra très vite l’intérêt de
la relation avec Riyad. Je crois même que s’il y avait une crise majeure, les Etats-Unis interviendraient pour protéger cette relation. Les Saoudiens en sont-ils convaincus ? Il y a un cauchemar saoudien dans lequel les Etats-Unis interviendraient, mais trop tard. On peut imaginer des scénarios catastrophes pour Riyad avec des milices chiites irakiennes téléguidées par Téhéran, qui prendraient le contrôle de la province orientale où sont concentrés les gisements pétroliers. Comment Riyad envisage-t-il la prochaine administration américaine ? Les Saoudiens ont toujours voulu développer une relation personnelle avec le président américain, toujours souhaité que l’ambassadeur américain soit un très proche, un intime, capable d’appeler directement la Maison Blanche sans passer par la machine du département d’Etat. Ils ont toujours voulu que l’ambassadeur soit le représentant du président, plus que le représentant du pays. Par exemple, George W. Bush avait envoyé comme premier ambassadeur son avocat personnel, quelqu’un de la famille en quelque sorte. Barack Obama a refusé de faire cela, ce qui a profondément troublé Riyad. J’imagine qu’un [Ted] Cruz, lié au pétrole du Texas, serait pour eux une solution satisfaisante. Il en irait de même avec [Donald] Trump, qui peut être considéré avant tout comme un businessman, et donc à même de comprendre certains fondamentaux. C’est moins clair avec [Hillary] Clinton, même si les Saoudiens ont beaucoup contribué à la Fondation [Clinton, du nom de l’ancien président] et même à la Bibliothèque [présidentielle] Clinton dans l’Arkansas et à l’université du même Etat. Ils seraient néanmoins plus à l’aise avec Hillary Clinton qu’avec Barack Obama, qui était pour eux un outsider, sans expérience internationale, et qui n’avait pas, à son arrivée au pouvoir, de conseillers qu’ils connaissaient bien. p propos recueillis par gilles paris
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La déchéance de nationalité serait une victoire des terroristes
Droit dans le mur | par cagnat
Prendre des mesures symboliques ne nous aidera pas à vaincre l’idéologie du djihad. La République doit plutôt déradicaliser ses citoyens qui ont basculé dans le fanatisme par nicolas seydoux
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Faceà la montée des extrémismes, le monde culturel doit créer de nouveaux liens En raison de la crise que vivent nos sociétés, les milieux artistiques doivent sortir de l’entre-soi et s’ouvrir davantage aux populations les plus fragilisées par bernard foccroulle
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n PACA et dans toute la France, les résultats des élections régionales ont été vécus comme une gifle. Même si le pire a été évité, le monde culturel ne peut échapper à un examen de conscience qui s’impose à l’ensemble de la société face aux dérives constatées, face à cette progression des idées de l’extrême droite et à la montée des radicalismes qui nourrissent le mouvement terroriste. Quelles sont les responsabilités spécifiques du monde culturel ? Quels sont les discours, les pratiques qui ne fonctionnent plus ? Que devrions-nous repenser, remodeler, inventer, pour faire face aux défis de notre temps ? Premier élément de réponse : même si les publics de nos festivals et de nos institutions culturelles se sont élargis au fil des années, nous avons beaucoup de malà toucher, à accueillir les personnes et les groupes les plus fragilisés. L’art et la culture pourraient créer davantage de lien. Trop souvent ils ne font que renforcer les clivages sociaux. Ces clivages se reproduisent au cœur même de notre vie culturelle, créant des disparités excessives entre les institutions et ensembles subventionnés, et tant de jeunes artistes et compagnies qui ne parviennent pas à vivre et à travailler correctement. Quelle solidarité pourrions-nous mettre en œuvre ? Nous ne sommes pourtant pas dépourvus de réponses : nous savons comment créer des synergies entre institutions culturelles, multiplier les résidences d’artistes, construire des projets associant des acteurs aussi différents que des festivals, des compagnies de danse ou de théâtre, des musées, les arts de la rue ou du cirque, relier davantage le secteur de la culture au monde de
PLUS NOTRE SOCIÉTÉ POURRA ÊTRE ENRICHIE PAR LA CRÉATIVITÉ DES ARTISTES, MIEUX ELLE SERA EN MESURE DE SE DÉFENDRE
l’éducation et au monde associatif… Je lis dans Libération du 5 janvier le reportage sur la pièce de théâtre créée par des détenus à la prison d’Arles accompagnés par Joël Pommerat et d’autres artistes professionnels. Je me souviens avec émotion du Sacre du printemps dansé par des personnes du troisième âge sous la direction de Thierry Thieu Niang. Je repense à Simon Rattle dirigeant, cet été à Aix, 300 enfants, ados et adultes dans Le Monstre du labyrinthe, au terme d’une préparation de plusieurs mois. Des exemples tels que ceux-ci abondent, en PACA et ailleurs ; mais ne devrions-nous pas les multiplier bien davantage encore ? Ne devrions-nous pas constituer de petits réseaux culturels locaux, susceptibles de porter ensemble une véritable politique culturelle à l’échelle de nos territoires ? Globalement, il est grand temps que le monde culturel se structure davantage, et pas seulement par corporations professionnelles. Marseille-Provence 2013 a permis de vivre des moments intenses sur le plan de la convivialité, de la richesse de nos cultures, de la redécouverte d’un patrimoine commun. Depuis lors, nous ne sommes pas encore parvenus à créer un mouvement culturel fort et durable qui prenne le relais de MP13. C’est pourtant tout à fait possible et s ouhaitable : voyons le succès croissant des réseaux culturels européens qui se développent, permettant d’échanger sur les pratiques nouvelles, nourrissant réflexion et action. FAIRE VIVRE LE DIALOGUE
précipitamment un programme de « dé-radicalisation » ou à prendre l’une ou l’autre initiative spectaculaire visant à réduire la fracture sociale. Ces gesticulations sont contre-product ives ! Tout d’abord, le monde culturel n’a ni la mission ni les moyens de réduire seul la fracture sociale ou de « dé-radicaliser » les jeunes en perte de repères : comment travailler ces questions en profondeur si le chômage continue de prospérer et les inégalités de se creuser ? Toute action culturelle sur ces terrains délicats ne peut se dérouler que dans la durée, de manière concertée, en évitant toute instrumentalisation, et en visant des résultats à moyen et long terme. Trop souvent, l’image de l’artiste procède encore du modèle du XIXe siècle. Ne devrions-nous pas tenter de redéfinir la place de l’artiste et de l’institution culturelle en fonction de notre temps ? Le changement radical qui a affecté notre société durant le siècle précédent continue de s’accélérer sous l’impulsion de la mondialisation, de la marchandisation, de la révolution numérique, des flux migratoires… Qu’attendons-nous pour passer à la vitesse supérieure, pour développer les résidences d’artistes dans nos écoles et nos universités, pour promouvoir bien davantage les pratiques artistiques des amateurs, pour faire vivre le dialogue entre les cultures au cœur de nos cités, de manière festive, surprenante et conviviale ? Plus notre société pourra être nourrie, fertilisée, enrichie de la créativité des artistes, mieux elle sera en mesure de se défendre face aux fanatismes qui la rongent de l’extérieur et de l’intérieur. J’ai été frappé par cette phrase d’Erri De Luca : « Aujourd’hui, on a besoin de la mobilisation des forces désarmées : car le front s’est émietté partout et chaque citoyen est appelé à faire son tour de garde. Chacun devient protecteur de son propre voisin. (…) Bient t le théâtre, la musique, la littérature, le cinéma s’en feront l’écho. » ( Le Monde du 13 décembre 2015). Au lendemain du deuxième tour des élections régionales, des acteurs culturels présents sur le territoire de la région PACA, d’Arles à Nice en passant par Aix, Toulon ou Marseille se sont réunis afin de réfléchir, d’échanger, de se préparer. Sans attendre, ouvrons un chantier de fond sur la politique culturelle à l’échelle de PACA, et tentons de l’articuler avec d’autres partenaires à l’échelle nationale et européenne. C’est d’un chantier à long terme qu’il s’agit, mais il y a urgence! p
Nous sommes agressés, angoissés, désespérés par les massacres et les destructions opérés par Daech qui sème la terreur en Orient comme en Occident. Ne faudrait-il pas construire davantage de liens avec le monde méditerranéen et oriental, et ce, non seulement dans le sud de la France, mais dans toutes les grandes villes, dans toutes les régions ? Suivre des jeunes artistes originaires de toutes les rives de la Méditerranée dans une création collective, emportés dans le dialogue et la découverte de l’autre, tout cela donne une furieuse envie de mieux profiter de la complémentarité de nos traditions culturelles. La guerre menée par Daech n’est pas un conflit de religions ou de civilisations : mais évitons à tout prix qu’elle le devienne ! Chaque fois que se produit un événement dramatique comme les attentats qui ont visé Charlie ou ceux du 13 novembre dernier, on entend des responsables politiques Bernard Foccroulle est directeur du appeler le monde culturel à mettre sur pied Festival d’art lyrique d’Aix-en-Provence
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onte sur nous qui avons élu directement un président de la République, des députés et indirectement des sénateurs qui s’apprêtent à voter la déchéance de la nationalité française. Dans notre histoire, hélas, un Etat de fait a appliqué cette mesure et c’est un général déchu de notre nationalité qui a restauré notre honneur et notre dignité. Cet Etat de fait, élu par une grande majorité de croupions, ne représentait pas la France. Pour le général de Gaulle, pour d’autres et pour moi, la France était à Londres, à Bir Hakeim, à Koufra, dans les maquis ou dans les geôles des nazis. Certains, comme Stéphane Courtois ( Le Figaro, 9 janvier), vont jusqu’à prétendre que la déchéance de nationalité serait une «tradition républicaine ». Oui, celle de cette République qui a voté les pleins pouvoirs au maréchal Pétain. La déchéance de nationalité est un symbole – nous dit-on –, la mesure ne sera jamais, ou presque jamais appliquée. Symbole, comme le drapeau, comme la devise, dont on pourrait enlever un morceau ? Il ne suffit pas que l’idée originale provienne du Front national – connu pour donner de mauvaises réponses à de vrais problèmes – pour qu’elle soit indigne. Mais elle devrait au moins être analysée au microscope, même si le « mal voyant » que je suis décrypte tout. Où sont l’honneur, la dignité, le respect de soi, sinon des autres ? Aucune démission n’intervient au sein du gouvernement quand on imagine les cris d’orfraie qu’aurait provoqués une telle mesure si Nicolas Sarkozy l’avait soumise au vote ! Que la droite républicaine, à l’image d’Alain Juppé, se reprenne, se rappelant certains des grands hommes qui l’ont illustrée, pour affirmer qu’elle votera la réforme de la Constitution seulement si cette mesure est abandonnée. A qui fera-t-on croire que la perte de nationalité transforme un terroriste en mouton, et que, redevenu étranger, il sera moins dangereux ? A personne. La France décide donc, en notre nom, d’exporter ses terroristes qui sont nôtres puisqu’ils sont français. INVESTIR ET S’INVESTIR
Nous n’avons pas su, pas voulu regarder en face certains problèmes. Au nom de la lacité, brandie comme une oriflamme, on ferme les yeux et on se bouche les oreilles devant les imams intégristes qui fleurissent dans les lieux de détention qui, au lieu de remettre les dévoyés dans le droit chemin, accentuent leur déviance. La République doit investir, doit s’investir avec les responsables français de l’islam pour s’assurer qu’aucun enseignement contraire aux lois de la République ne
AU NOM DE LA LAÏCITÉ, ON FERME LES YEUX ET ON SE BOUCHE LES OREILLES DEVANT LES IMAMS INTÉGRISTES puisse être dispensé où que ce soit, à commencer par les lieux financés par la République, comme les prisons. La République, avec tous les moyens de droit, doit déradicaliser les terroristes potentiels. La majorité de la population serait favorable à la mesure… comme elle était pétainiste de 1940 à 1944, et plus tard opposée à l’abolition de la peine de mort, décision sans doute la plus symbolique de la présidence de François Mitterrand. Qui peut croire à l’efficacité de la mesure ? Pour l’être, elle devrait être préventive. Je fais confiance à la justice pour ne condamner à la déchéance de la nationalité que ceux qui auront effectivement accompli un acte terroriste. Les faits prouvent qu’il y a peu de survivants parmi eux. INEFFICACE, DONC INUTILE
Inefficace, la mesure est donc inutile. Existe-t-il une autre branche de l’alternative ? Les tribunaux pourraient condamner à la déchéance de nationalité un présumé terroriste ? Je ne crois pas à cette hypothèse dans la France de 2016. Mais si un autre pouvoir, avec des tribunaux d’exception à sa dévotion, voyait le jour, ce serait possible. Le calice serait alors bu jusqu’à la lie. Nous sommes en guerre. La génération de mes grandsparents a fait la guerre de 1914-1918, celle de mes parents celle de 1939-1945, la mienne celle d’Algérie. Quel que soit le jugement qu’on porte sur l’effroyable massacre et les horreurs de la première guerre mondiale, les Français ont été à la hauteur de leur culture, de leur Histoire et des valeurs que porte leur pays. Vichy, avec son atroce ballet de délations et de dénonciations faites par des « bons Français », est une tache indélébile sur notre Histoire, comme la torture en Algérie. La déchéance de nationalité votée par la République, qui n’a l’excuse ni de la botte de l’occupant ni d’une longue guerre fratricide de décolonisation, serait au niveau de ces inf âmes vilenies, et nous en porterions tous la responsabilité. Persister serait la victoire des terroristes qui, après avoir meurtri notre chair, pourriraient notre âme. Il est temps de se ressaisir pour gagner la guerre dans le respect de nos valeurs. p
¶ Nicolas Seydoux est président de Gaumont
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Dans « Un silence religieux. La gauche face au djihadisme », Jean Birnbaum, responsable du « Monde des livres », constate l’incapacité de la gauche à appréhender l’islamisme, tentant désespérément de le ramener à sa seule dimension sociale. En évacuant la religion de son mode de pensée, elle se condamne à ne rien comprendre de ce qui se joue
La foi, personne n’y croit croient, l’existence de Dieu s’éprouve mais ne se prouve pas. « Voilà ce qu’est la foi : Dieu sensible au cœur, non à la raison », disait Blaise Pascal.
Le réel du croyant
Dans notre imaginaire commun, les jeunes gens qui rejoignent la galaxie djihadiste sont forcément des paumés. Ou des ignorants. Car, même lorsqu’on reconnaît que ces combattants sont mus par une croyance, on réduit en général celle-ci à un fanatisme débile ou à une folie barbare. Héritiers d’une tradition associée à l’idéal des Lumières, nous opposons systématiquement la croyance zélée au savoir rationnel ; n ous associons spontanément l’engagement dogmatique au manque d’éducation. Certes, quand on examine l’ultime confession de tel ou tel kamikaze islamiste, convaincu que soixante-douze vierges l’attendent au Paradis, on croit pouvoir railler un pur délire ; lorsqu’on lit le témoignage d’un jeune combattant français d’Alep assurant qu’en Syrie le cadavre des martyrs dégage une délicieuse odeur de musc, on a envie de crier au fou. Mais tout change si l’on voit dans ce discours le résultat d’un long cheminement intime, dont chaque étape a impliqué une révolte logique, une certitude renforcée. Dès lors, le djihadiste n’apparaît plus comme un déshérité ou un imbécile, mais plutôt comme un jusqu’au-boutiste de la vérité. (…) Ce qui lie deux djihadistes nés dans des milieux et sur des continents différents, (…) ce sont essentiellement des textes, des actes et une foi identiques. Indépendamment de leur nationalité, de leurs origines sociales et de leur bagage culturel, ils ont en commun une même trajectoire dans l’indignation, la rébellion et l’espérance. Si ce parcours les mène jusqu’à Mossoul, et s’ils sont prêts à y laisser leur vie, ce n’est pas sans rapport avec leur croyance : jour après jour et dans toutes les langues, des prédicateurs djihadistes évoquent les prophéties qui ont annoncé l’avènement du Royaume de Dieu dans cette région de la terre. « Pour devenir “fr ères”, il faut être “frères” en », écrit Régis Debray, qui a insisté sur la dimension essentiellement communautaire de toute religion, allant jusqu’à proposer de remplacer ce mot par « communion », au sens d’une expérience à la fois viscéralement ressentie et intensément partagée. Ainsi, pour comprendre l’engagement de ces individus aux origines et aux itinéraires si différents, l’urgence n’est pas de réduire leur discours à un simple prétexte. C’est de prendre au sérieux ce qu’ils vivent en même temps, y compris à distance ; c’est d’entendre ce qu’ils disent parfois séparément, mais toujours ensemble. Or, que disent-ils ? Qu’il s’agit pour eux de défendre un dieu unique, de protéger son image, de travailler à son triomphe, de bâtir son royaume. Les textes et les vidéos des djihadistes en témoignent : cet effort les inscrit dans une communauté où chacun s’en remet à une autorité transcendante, à des révélations prophétiques, à des êtres suprasensibles, aux anges protecteurs, au Jugement dernier, à la résurrection des corps… bref à des réalités invérifiables par les voies de l’expérience ordinaire. Leur discours répugne à la raison, bien sûr, il s’avère incompatible avec elle, il la scandalise, même. Mais c’est le propre de tout discours religieux. Pour ceux qui n’y croient pas, les contenus de la foi sont toujours absurdes. Inversement, pour ceux qui y
DÉSORMAIS, NON SEULEMENT NOUS SOMMES CONVAINCUS QUE LA RELIGION APPARTIENT AU PASSÉ, MAIS L’IDÉE MÊME QU’ELLE PUISSE AVOIR UNE FORCE POLITIQUE PROPRE NOUS PARAÎT EXTRAVAGANTE
(…) En constituant l’homme dans son rapport au monde, la religion contribue à constituer son monde tout court. Le réel du croyant, c’est la lettre du texte, la parole de feu qui s’adresse à lui, la rupture et le risque, les prières et les larmes, bref ce que le philosophe chrétien Michel de Certeau nommait « le leitmotiv intérieur ». On objectera que les djihadistes ne sont pas des religieux comme les autres, et on aura raison. Mais disant cela, on admet déjà que la religion n’est pas totalement étrangère à l’affaire. Le djihadisme constitue le raidissement sanglant de l’islam. Cela implique à la fois qu’il défigure l’islam comme spiritualité, et qu’il n’a pas « rien à voir » avec lui. Donc qu’il participe d’une expérience religieuse. De fait, le djihadisme est porté par des hommes (et des femmes) qui se disent musulmans, qui sont même persuadés d’être les seuls musulmans dignes de ce nom. Et on ne voit pas de quel droit un président de la République, un géopoliticien, un sociologue ou un journaliste viendraient leur dénier cette appartenance. Appartenance sans frontières, communauté universelle, on l’a dit. Avec les mêmes mots et les mêmes gestes, des djihadistes du monde entier proclament leur foi en Dieu, convergent vers la Syrie en écoutant des chants à sa gloire, invoquent son nom pour avoir la force de combattre. Avant cela, ils ont rompu avec les instances de l’islam traditionnel, ont fréquenté telle mosquée parisienne, telle école coranique du Caire, reçu l’enseignement d’un savant jordanien, regardé les vidéos d’un « cheikh» tunisien. Ils ont acquis la conviction que la foi vers laquelle ils se sont tournés est la seule qui vaille. (…) Or, ce qui fait la puissance de l’expérience religieuse, c’est qu’elle donne un « sens » au destin des croyants, une orientation commune. Jour après jour, les prières et les rituels guident leur corps, les récits mythiques et les formes symboliques orientent leur esprit. A un certain degré d’enthousiasme et de partage, cette quête finit par primer sur toute autre considération. Sans s’émanciper totalement des enjeux sociaux ou psychologiques, elle acquiert néanmoins une large autonomie. Cette force autonome, tout se passe comme si nous n’étions plus capables de la reconnaître. Comme si nous avions oublié qu’elle a longtemps constitué une évidence souveraine. « Ce déni, cet embarras, cette perplexité montrent en fait à quel point nous sommes sortis de la religion. Nous en sommes tellement loin que le pouvoir de mobilisation qu’elle conserve nous échappe », écrit le philosophe Marcel Gauchet. Pendant des siècles, on ne pouvait penser aucun aspect de la vie, ni le temps ni l’espace, ni les gestes quotidiens ni l’autorité légitime, sans le rapporter immédiatement à Dieu. La religion enveloppait chaque existence et chaque conscience, elle structurait les sociétés, fondait la politique. Mais, après une longue période de sécularisation, nous en avons perdu jusqu’au souvenir. Pour pointer une telle amnésie, les historiens sont particulièrement bien placés. Ainsi, au lendemain des attentats de janvier 2015, Denis Crouzet et Jean-Marie Le Gall, spécialistes du XVIe siècle et des guerres de religion, ont-ils pris la plume pour souligner cette tendance permanente à escamoter la puissance propre à la religion. C ’est qu’ils ont repéré là un enjeu que, « à l’exception de quelques philosophes et de très rares sociologues, les sciences sociales ont depuis cinquante ans largement ignoré en France en raison de l’exculturation religieuse de nos sociétés contem poraines, qui ne sont plus en mesure de com prendre la force du religieux dans une société; en raison aussi de ce que le religieux a été déclaré vestige résiduel du passé, par ignorance de la vitalité religieuse d’autres continents et d’autres religions que le christianisme. Et p our-
gieux », Lénine de « brouillard mystique »… Cela vaut particulièrement pour la gauche française. Si quelques-unes de ses figures fondatrices ont entretenu un rapport plus ouvert à la question spirituelle, sa culture s’est touteUniversalisme fois largement bâtie sur une volonté d’éradicontre universalisme cation du religieux, et donc aussi sur une tenBien sûr, le phénomène fondamentaliste dance à l’escamoter. (…) Depuis au moins la existe aussi chez les chrétiens, les juifs, les fin du XIXe siècle, l’identité de la gauche franbouddhistes… Il demeure que l’islam consti- çaise repose pour une bonne part sur une foi tue, à l’heure actuelle, la religion dont l’effer- dans la souveraineté de la raison, de la science vescence fondamentaliste et la réaffirmation et du progrès. Commune à la plupart des fapolitique sont les plus manifestes. Il repré- milles, républicaine ou radicale, réformiste sente la force politico-spirituelle dont les ef- ou révolutionnaire, cette foi perpétue un cerfets sont les plus intenses, celle dont la pré- tain esprit des Lumières et remonte, au-delà, tention globale rebat les cartes du monde. à une culture « cartéCar, contrairement à ce que pensent ceux qui sienne ». Dès la IIIe Réraisonnent dans un cadre strictement natio- publique, en effet, la nal, en termes d’intégration ou de « multicul- gauche célèbre presque turalisme », les conflits qui se déploient sous unanimement Descarle signe du religieux ne dressent pas une tes, préparant ainsi la réidentité particulière contre une apparte- volution française et nance universaliste (républicaine, par exem- l’avènement de l’égalité ple), ils mettent face à face plusieurs universa- démocratique. Le lismes rivaux et incompatibles. De ce point marxisme et le sociade vue, l’islam apparaît désormais comme la lisme « scientifique » seule puissance spirituelle dont l’universa- n’eurent donc aucun lisme surclasse l’internationalisme de la gau- mal à se greffer sur cette che sociale et défie l’hégémonie du capita- longue tradition. Et la lisme mondial. (…) gauche française est deIl y a là un effet de révélation : la montée en venue l’une des plus anpuissance de l’islam politique met à nu notre tireligieuses du monde, aveuglement sur ces questions. C’est d’abord comparée, par exemple, au miroir de l’islamisme, au péril du djiha- à ses homologues ita« Un silence religieux. disme que nous découvrons, sonnés, notre lienne ou britannique. La gauche face propre désarroi. Désormais, non seulement (…) au djihadisme » de Jean Birnbaum nous sommes convaincus que la religion apNous voyons bien les partient au passé, mais l’idée même qu’elle conséquences de ce repuisse avoir une force politique propre nous foulement dans une paraît extravagante. Quand des hommes se France dont les djihadisEditions du Seuil, 234 pages, 17 euros. réclament de Dieu pour semer la terreur en tes ont fait leur principlein Paris, nous nous empressons de décrire pale cible. Incapable de leur geste comme une absurdité, comme une prendre la religion au sérieux, comment la folie qui n’a plus lieu d’être. Le philosophe Pa- gauche comprendrait-elle ce qui se passe actrice Maniglier dit bien les choses :« Face à un tuellement, non seulement le regain de la tel phénomène, nous autres, Européens du dé- quête spirituelle mais surtout le retour de but du troisième millénaire, nous oscillons en- flamme d’un fanatisme qui en est la pervertre perplexité, dégoût, fureur, effroi, décourasion violente ? Elle qui a toujours identifié les gement – nous ne pouvons voir là, en fait, insurgés aux damnés de la Terre, comment qu’une pure aberration. Convaincus que nous pourrait-elle accepter que, parmi ces jeunes, le sommes que la religion est une affaire perbeaucoup sont bien autre chose que des laissonnelle ou intérieure, formés que nous l’avons sés-pour-compte ? Elle qui peine à sais ir le été à la séparation entre ce qui relève de la libre rapport qu’un croyant peut entretenir avec conduite de la vie privée et ce qui relève de l’or- les textes, comment pourrait-elle concevoir dre public, fiers même souvent d’avoir appris la rage avec laquelle les hommes de Daech déqu’aucun absolu ne mérite qu’on meure pour truisent les livres « impies » et les œuvres lui et encore moins qu’on tue en son nom, nous d’art « sataniques » ? Comment la gauche, qui ne pouvons que penser que cela ne devrait plus tient pour rien les représentations religieuexister, que ce n’est qu’une erreur de parcours, ses, comprendrait-elle la haine f uneste de ces un hoquet de l’Histoire, quelque chose qui va hommes vis-à-vis des chrétiens, leur obses prendre fin. Or cela existe ; cela constitue une sion complotiste à l’égard des juifs, mais aussi des données durables de notre temps, tant sur la guerre à mort qui oppose chiites et sunnile plan de la politique intérieure que sur le plan tes à l’intérieur même de l’islam ? Elle qui ren géopolitique. » voie l’élan de la foi à un folklore dépassé, comOui, cela existe. Pourtant on ne veut plus ment pourrait-elle admettre qu’une armée rien en savoir. On évacue frénétiquement, on d’informaticiens, de geeks et de hackeurs se tait avec ferveur. Et ce silence « religieux » mobilise pour faire triompher des mœurs s’avère d’autant plus passionnant à explorer vieilles de plusieurs s iècles ? Elle qui f ut si qu’il n’est pas le résultat d’un quelconque fière, naguère, de sa tradition internationacomplot, d’une vaste conspiration qui vise- liste, comment pourrait-elle accepter que le rait à étouffer la parole sur le sujet. S’il s’avère djihadisme constitue désormais la seule difficile à briser, c’est qu’il vient de très loin, cause pour laquelle des milliers de jeunes qu’il s’est transmis de génération en généra- Européens sont prêts à aller mourir loin de tion : « Les croyants ont peur de “Dieu”, les non- chez eux ? (…) croyants ont peur d’en parler », écrit le psychaBref, la gauche n’envisage plus la possibinalyste Daniel Sibony. lité de cette puissance qui domina si longDans la consolidation de ce silence, la tradi- temps l’Occident lui-même : le théolo gicotion de la gauche politique et intellectuelle a politique, ou ce que le philosophe Michel joué un rôle central. Le projet d’émancipa- Foucault nommait la « spiritualité politition, qui structure sa culture et son imagi- que ». Partout où il y a de la religion, la gaunaire, désigna d’emblée l’émancipation à che ne voit pas trace de politique. Dès que la l’égard de la religion. Certes, plusieurs figures politique surgit, elle affirme que cela n’a historiques du socialisme, du communisme « rien à voir » avec la religion. p ou de l’anarchisme ont pris sérieusement en compte les croyances spirituelles sans les réduire à de simples préjugés. Mais dans l’ensemble, cette gauche aura perpétué une tradition qui voit dans la religion une chimère sans consistance propre. Dans cette optique, la religion ne représente rien d’autre qu’une illusion individuelle et une force réactionnaire, dont la fonction serait essentiellement de faire diversion, d’occulter les « vrais » enjeux. Engels a parlé de « déguisement relitant, la révolution iranienne a maintenant près de trente-six ans! » (…)
18 | disparitions & carnet
0123 DIMANCHE 24 - LUNDI 25 JANVIER 2016
Mustafa Koç
Industriel turc
Bruno Roger, président E t l e c o n s ei l d ’ a dm i n i s t ra t i o n du Festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence, Bernard Foccroulle, directeur général Et toute l’équipe du Festival, ont la tristesse d’annoncer le décès de
Mm edmond CHaRleS-ROuX DeFFeRRe, présidente d’honneur du Festival international d’art lyrique d’Aix-en-Provence,
AU CARNET DU «MONDE»
Naissances
Mr-Od, sa grand-mère,
survenu le 20 janvier 2016, à l’âge de quatre-vingt-quinze ans. M Edmonde Charles-Roux a joué un rôle essentiel dans le développement du Festival depuis sa création en 1948. E l l e a é t é p r é s i d en t e d u c o n se i l d ’ a d m i ni s t r a t i on d e 2 0 0 2 à 2 0 0 5 , p u i s a c o n t in u é a s i é g er c o m m e administrateur de manière très active jusqu’à sa disparition.
son grand-père,
Cr t Smon,
Le docteur Suzanne Sophie Cohen, sa sœur,
ses parents, ont l’immense joie d’annoncer la naissance de
a l’extrême douleur de faire part du décès de
Bptst,
Smon COHeN, avocat honoraire,
né le 16 janvier 2016.
En 2008.
er
survenu le 1 janvier 2016.
Famille Nardin-Schaaf, 8, rue du 18 juin 1940, 94700 Maisons-Alfort.
DANIEL KARMANN/AP
Nnon BRuguiRe
M
ustafa Koç, président-directeur général de Koç Holding, l’un des plus gros conglomérats de Turquie, est mort jeudi 21 janvier à Istanbul d’une crise cardiaque à l’âge de 55 ans. L ’homme d’affai res était sur le point de se rendre au Forum économique mondial à Davos, où il devait intervenir dans le cadre d’une conférence sur la parité hommes-femmes lorsqu’il a été pris d’un malaise chez lui. Transporté à l’hôpital public de Beykoz puis à l’Hôpital américain, propriété de la Fondation Koç, il est décédé peu de temps aprs malgré les efforts des médecins. Président du conseil consultatif de l’Association des industries et des entreprises de Turquie (Tüsiad), l’équivalent turc du Medef, Mustafa Koç était un entrepreneur éclairé, investi dans la défense de la société civile. En 2013, au moment des manifestations antigouvernementales du parc Gezi – qui se soldrent par la mort de huit personnes –,à Istanbul, un groupe de protestataires poursuivis par la police trouva refuge à l’Hôtel Divan tout proche. Le lobby fut brivement transformé en poste de secours, plusieurs manifestants y reçurent des soins. Comme l’établissement était la propriété de la holding Koç, Recep Tayyip Erdogan, alors premier ministre, entra dans une rage folle : « Nous savons qui sont les propriétaires de l’hôtel qui se sont portés au secours des terroristes. Se rendre complice des terroristes est un crime, et ce crime ne restera pas impuni. » Une histoire dynastique
Peu de temps aprs, la police fiscale organisa une perquisition dans les locaux de Tüpras, la principale compagnie pétrolire du pays (raffineries, transport du pétrole, commercialisation), qui est aussi une filiale de Koç Holding. Dans la foulée, le gouvernement annula un contrat de 2 milliards de dollars avec RMK Marine, les chantiers navals de Koç. Resté discret sur ces vicissitudes, le magnat reconnut un peu plus tard que son groupe avait été« en butte aux attaques apr ès Gezi ». Depuis, les relations s’étaient apaisées. Quelques heures avant sa mort, Mustafa Koç avait rendu visite au président Erdogan dans son palais d’Ankara. Peu aprs l’annonce du décs, le numéro un turc a exprimé sa « profonde tristesse » à la famille du milliardaire. Né en 1960 à Ankara, Mustafa Koç étudia dans un collge en
et Corso BavagNOli
1960 Naissance à Ankara 2003 Patron de Koç Holding, groupe créé il y a près de cent ans par son grand-père Vehbi Koç 21 JANVIER 2016 Mort à Istanbul
partagent avec
Héoïs et Tncrèd la joie d’annoncer la naissance de
Cotd,
Arlette Couty, son épouse, Philippe et Lara Couty, Sylvain et Dominique Couty, ses enfants, Marc, Damien, Rebecca, Chantal, Jacques, Luc, Olivier, Agathe, ses petits-enfants Et toute la famille, ont la douleur de faire part du décès de
M. Cd COuTY,
le 22 novembre 2015.
Suisse puis à l’université GeorgeWashington, à Washington, dont il sortit en 1984 avec un diplôme de gestion. Il fit ensuite ses premires armes de manager au sein du groupe dont ilétait l’héritier pour finalement en prendre les rênes, reçues des mains de son pre, Rahmi, en 2003. L’histoire de la dynastie Koç, née en 1926, est un concentré de l’histoire du pays. Dans les années 1920, Vehbi Koç, épicier de son état, comprend que tout està bâtir dans la nouvelle Turquie de Mustafa Kemal, dit Atatürk, qui ambitionne de façonner une nouvelle élite, moderne, laque et tournée vers l’Occident. Visionnaire, le petit commerçant devient le représentant de multinationales étrangres (Ford, Standard Oil). Il se lance dans le négoce des matériaux de construction alors qu’Ankara, devenue la capitale du pays en 1923, est en plein essor immobilier. Passé du statut d’importateur à celui de producteur, Vehbi Koç restera dans les annales comme celui qui a donné au pays sa premire voiture, son premier tracteur, sa premire machineà laver produits sur place. Il faudra trois générations pour faire du groupe Koç ce qu’il est aujourd’hui: un empire industriel florissant, doté d’un chiffre d’affaires de 34 milliards de dollars (31,5 milliards d’euros), d’une capitalisation boursire estimée à 12,5 milliards de dollars, employant 80 000 salariés et qui représente 8 % du PIB de la Turquie. Composé de 108 compagnies actives dans divers secteurs d’activité (énergie, électroménager, industrie automobile, finance, tourisme), le groupe est le fleuron du capitalisme familial à la turque. Discret mais puissant, le groupe Koç, fondateur de l’université du même nom, est connu pour ses activités philanthropiques. Ses dirigeants – Vehbi Ko ç jusqu’en 1984, puis son fils Rahmi jusqu’en 2003 et ensuite son petit-fils Mustafa – suivront de prs le processus de réformes politiques et économiques en Turquie, revendiquant haut et fort l’arrimage du pays à l’Union européenne, sans succs. p marie jégo
survenu le 18 janvier 2016, dans sa quatre-vingt-quatrième année.
12, rue du Commandeur, 75014 Paris.
Décès Paris.
l Fondton ophtmooq adoph d Rothschd, a la grande tristesse de faire part du décès, survenu le 19 janvier 2016, du
doctr gors BÉlaNgÉ, chef du Service de médecine interne et du département d’information médicale. L’ensemble de la communauté hospitalière présente ses plus sincères condoléances à sa famille et ses proches. Praticien d’exception, homme bon, ouvert et généreux qui mettait sa très grande compétence et sa bonne humeur au service de tous, le docteur Georges Bélangé va profondément nous manquer. Mme Monique Cazassus, son épouse, a le chagrin de faire part du décès de
M. gthr CaZaSSuS, grand reporter, carte n° 43072, survenu le 20 janvier 2016, à Poitiers. Donna Noëlle dei Principi del Drago, Don Marcantonio, donna Giada et donna Aurelia dei Principi del Drago, ont la douleur de faire part du décès de leur tante, grand-tante et arrière-grand-tante,
Mm edmond CHaRleS-ROuX DeFFeRRe, survenu le 20 janvier 2016, à l’âge de quatre-vingt-quinze ans. La cérémonie religieuse a été célébrée ce samedi 23 janvier, en la cathédrale d e l a M a j o r , à M a r s e i l l e 2 e , s u i vi e de l’inhumation.
La levée de corps aura lieu le lundi 25 janvier, à 9 h 15, au funérarium de Dourdan, suivie de la cérémonie religieuse en l’église de Dourdan. Un hommage aura lieu à 11 h 30, suivie de la crémation, à 12 h 30, au crématorium de l’Essonne à Avrainville (Essonne). La direction Et l es enseignants-chercheurs de ’uFR allSH
d’ax-Mrs nrsté,
ont la tristesse de faire part du décès de
Frnços DuBOiS-CHaRlieR, professeur en linguistique anglaise survenu le 9 janvier 2016. Née en 1941, agrégée d’anglais, docteur d’Etat en linguistique anglaise, elle obtient un poste de maître de conférences à l’université de Paris 3 SorbonneNouvelle avant de devenir professeur e n 1 9 8 4 . E l l e p o u r s u it s a c a r r i è r e à l’université de Provence jusqu’en 2009. Elle est l’auteur de nombreux articles e t o u v r ag e s à v i s é e s c i e n t i fi q u e ou didactique, tant en linguistique anglaise que française, et dans les domaines d e l a s y n t ax e , d e l a s é m a n t i qu e et de la lexicographie. Elle contribue, entre autres par ses traductions d’ouvrages s c i e n t i f i qu e s , à l ’ i n t r o d u ct i o n de la linguistique américaine en France, dans les années 1960-1970. Directrice ou co-directrice avec son mari, Jean Dubois, de publications et d’ouvrages aux éditions Larousse, elle est également co-auteur avec lui de douze ouvrages en linguistique française, ainsi qu’auteure, rédactrice ou contributrice de dix dictionnaires d’anglais ou de français. Dans les dernières années de sa vie, e l l e s e c o n s ac r e , e n c o l l a bo r a t i o n avec Jean Dubois, à l’élaboration de grands dictionnaires électroniques du français.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Les familles Marcel, Haudiquet, Berlioz, Gary, Bernus
Priez pour elle !
ont la tristesse de faire part du décès de
l Fondton es Trot-aron a la tristesse de faire part du décès de
Mm edmond CHaRleS-ROuX DeFeRRe, sa présidente. Ses obsèques ont eu lieu ce samedi 23 janvier 2016, à 11 heures, en la cathédrale de La Major, à Marseille (Bouches-du-Rhône). Un hommage lui sera rendu u l t é r i e u r em e n t , à l a M a i s o n E l s a Triolet-Aragon, à Saint-Arnoulten-Yvelines.
Le 23 janvier 2013,
Prr mrqs d SÉguR
Pierre Lehericey et Didier Berger, ses gendres,
nous quittait.
Simon et Benjamin Lehericey, Arthur et Sarah Berger, ses petits-enfants et leurs compagnes, Jean-Louis et Rose Weissberg, son frère et sa belle-sœur, Rachelle Wrona, sa belle-sœur,
Il nous manque. Il y a cinq ans,
Jn-P valaBRega, le 25 janvier 2011.
Judith Weissberg, Sophie Herszkowicz, Adeline Wrona, Nathalie Wrona, ses nièces et leurs familles,
Nicole Belmont-Valabrega.
Conférences
Solange Saint-Léger et Denise Faille, ses amies de toujours,
me
( Le Monde du 22 janvier.)
Rond,
Jeanne Lehericey et Anne Rajchman, ses lles,
ann MaRCel, née BOegNeR,
survenu le mardi 19 janvier, à l’âge de quatre-vingt-douze ans. Les obsèques se dérouleront le lundi 25 janvier, à 14 heures, en l’église Saint-Médard, 141, rue Mouffetard, Paris 5 e , suivies de l’inhumation au cimetière de Châtillon (Hauts-de-Seine), où elle reposera auprès de son mari,
Jn-Mr MaRCel (1917-2012).
ont la profonde douleur d’annoncer le décès brutal de
ly RaJCHMaN, née gOlDSZTaJN,
survenu le 19 janvier 2016, à l’âge de quatre-vingt-trois ans. Arrêtée avec sa mère en 1943, Lilya avait échappé aux griffes de la police française grâce à M. Lucien Faille, qui l’a recueillie et cachée dans sa famille. Lui et son épouse Simone, en sont devenus justes parmi les nations. Elle a fondé une famille avec son mari, Alain Rajchman et, selon ses propres dires, a vécu une vie heureuse et intense. La levée du corps aura lieu le lundi 25 janvier, à 10 h 15, à l’hôpital Béclère, à Clamart. Ses ami(e)s et proches pourront l u i r e n d re u n d e r n ie r h o m m a g e , au crématorium de Clamart, à 11 heures. L’inhumation aura lieu au cimetière parisien de Bagneux, à 14 heures. Alain, son ls Et Michel, son frère,
« Chr grnds njx strtéqs contmporns » Enjeux stratégiques au Moyen-Orient.
Cntr Sorbonn, Amphithéâtre Richelieu, 17, rue de la Sorbonne, Paris 5 e. Inscription obligatoire sur le site : chairestrategique.univ-paris1.fr Programme des conférences 2016,
s nds d 18 hrs à 20 hrs, 25 jnr : Hubert Védrine, ancien ministre des Affaires étrangères, Crises contemporaines et néo-réalisme, 1r férr : Shahram Chubin, Carnegie Endowment for International Peace, Genève, Moyen-Orient : un paysage stratégique en mutation, 8 férr : Ayesha Siddiqa, expert, Islamabad, Pakistan, Le Pakistan peut-il se permettre de « perdre » le Moyen-Orient ? 15 férr : Pierre Vermeren,
ont la douleur de faire part du décès de
Jn-los STeiNBeRg, astronome, pionnnier dans le domaine de la radioastronomie, puis dans celui de l’astronomie spatiale. Jean-Louis avait mené l’essentiel de sa carrière à l’Observatoire de Paris, à Meudon. Ancien déporté, Jean-Louis a tenu jusqu’au bout à expliqu er à des classes de collégiens et à des auditoires d’adultes, les causes des horreurs commises par le régime nazi. Il avait souhaité donner son corps à la science. 24, rue Vasco de Gamma, 75015 Paris. Simone, son épouse aimée, Catherine, Eric, Franck, ses enfants chéris, Dorian, Florie, Yann, Mathieu et Jarod, ses petits-enfants adorés, Ethan, son arrière-petit-ls, Toute sa famille Et tous ses amis, ont l’immense chagrin de faire part du décès de
Mrc WiNCKelMulleR, survenu dans sa quatre-vingt-cinquième année, le 21 janvier 2016. Tous garderont le souvenir d’un homme généreux et plein d’humour.
université Paris 1, Panthéon-Sorbonne, France, De Beyrouth à Damas, quarante ans de guerre au Moyen-Orient, quelles logiques ?
22 férr : Ali Kazancigil, Middle East technical University, Ankara, Turquie, La diplomatie turque au Moyen-Orient : les raisons d’un échec, 29 férr : Yann Richard, université Paris1, Panthéon-Sorbonne, France, L’Union européenne au Moyen-Orient. Un acteur faible dans un voisinage compliqué, 7 mrs : Salman Zaidi, expert, Islamabad, Pakistan, Radicalisation : les réponses pakistanaises, 14 mrs : Emile Hokayem, International Institute for Strategic Studies, Bahreïn, La situation irako-syrienne : principal enjeu de sécurité dans la région,
21 mrs : Jeffrey Lewis, Middle Institute of international Studies, Monterey, Etats-Unis, L’emploi des sources ouvertes pour l’étude de la prolifération nucléaire, 4 r : Ram Jakhu, Institut de l’Air et de l’Espace, Université Mac Gill, Montréal, Canada, Normes juridiques et guerre dans l’espace, 11 r : colloque conclusif. Communication diverse
Les obsèques auront lieu mercredi 27 janvier, à 14 h 30, en l’église Saint-Jean-Baptiste, à Illzach. 7, rue de Bollwiller, 68110 Illzach.
Souvenirs Au
doctr Jn-los FRaSCa, tué à trente-six ans, le samedi 14 septembre 1996. Jean-Jacques Baudouin-Gautier, son ami.
12 lçon nr d ’eco d Chot par José inco lnzsoro, architecte, Madrid,
mrd 2 férr 2016, d 10 hrs à 12 h 30, Entrée libre, inscription obligatoire citechaillot.fr
culture | 19
0123 DIMANCHE 24 - LUNDI 25 JANVIER 2016
Le théâtre de Sénart dessiné par l’agence d’architecture Chaix & Morel et associés. FLORENT MICHEL
REPORTAGE
I
l faut que ça vive. Que les gens soient heureux de venir, découvrent des spectacles et les commentent au bar, après la représentation. La voiture est garée sur le parking, ils ont tout leur temps…». Ainsi rêve, à voix haute, le directeur du nouveau « ThéâtreSénart, scène nationale », Jean-Michel Puiffe, tout en faisant visiter le bâtiment de la ville nouvelle de Seine-et-Marne, sorti de terre au milieu de nulle part. Des champs à perte de vue, des habitations reléguées au loin, derrière une frange d’arbres… Dépaysement garanti à quarante-cinq minutes du centre de Paris, par le RER D. Il fallait un « totem » dans cette banlieue verte au sud de la capitale, qui a longtemps cherché son identité. Le voici avec ce théâtre à la peau métallique, perforée de trous, tel un engin de Star Wars revenu du combat. Mission accomplie pour l’agence d’architecture Chaix & Morel et associés, à qui l’on doit les premiers « Zénith » des années 1980. L’immense vaisseau a connu un bien triste baptême : après plusieurs contretemps, la date d’inauguration avait été fixée au 13 novembre 2015. La soirée commençait bien : deux artistes associés au Théâtre-Sénart, le metteur en scène Patrick Pineau et le chorégraphe Sylvain Groud, ancien du ballet Preljocaj, avaient préparé une surprise : ils ont lancé la bande-son de l’abécédaire de Gilles Deleuze, qui se résume à la voix chevrotante du philosophe, et ont dansé sur la lettre R de résister : bilise 1,75 million d’entrées ; le centre je veux programmer The Do, leduo « En quoi créer, c’est résister ? C’est commercial du Carré-Sénart, à che- électro-pop, j’ai besoin de vendre plus net pour les arts…, commence val sur l’Essonne et la Seine-et- beaucoup de billets pour entrer Deleuze. Les artistes ont vraiment Marne, draine prèsde 15 millions de dans l’équation économique », exla force d’exiger leur rythme à eux. visiteurs annuels. Pourquoi un pliquel’infatigable directeur. (…) Personne n’a le droit de bouscuthéâtre ne fonctionnerait pas ? Pour Un patio central ouvre sur un esler un artiste. » les abonnés de moins de 30 ans, la pace de répétition, de même taille Les attaques terroristes à Paris place ne coûte pas plus cher qu’un que le plateau de la grande salle ont coupé court à la fête – et les ticket de cinéma ! », répète-t-il. (29 × 14 mètres). On enlève le rimots de Deleuze ont pris tout leur D’autant qu’un public a été fidé- deau noir et hop, voici le studio de sens. La ministre de la culture, lisé : le nouveau Théâtre-Sénart a danse, avec son miroir. C’est aussi Fleur Pellerin, s’est éclipsée et les été construit pour remplacer les le lieu consacré aux ateliers amainvités ont mis au placard le sac en deux sites originels de la scène na- teurs, animés tous les jeudis soir coton qui leur avait été offert… On tionale, la Coupole, construite par la compagnie de Patrick Pine peut quand même pas se pro- en 1986 par Jean Nouvel, et la Ro- neau (Pipo). Du 28 au 30 janvier, le mener avec une telle inscription tonde (1991, Witold Zandfos), les- metteur en scène présentera sa en bandoulière: «T héâtre-Sénart. quelles enregistraient entre dernière création, L’Art de la comé 13 novembre2015. J’y étais! » De- 30 000 et 32 000 entrées payantes die. Le Théâtre-Sénart, qui copropuis, les militaires ne quittent pas par an. Mais les deux lieux ne ré- duit des spectacles, a son atelier de les abords de l’établissement, les pondaient plus aux besoins de fabrication de décors. Au prinsoirs de représentation. « Ils me de- cette agglomération de plus de temps, l’espace chapiteau sera inauguré, au-dehors, pour acmandent toujours : “à quelle heure 120 000 habitants. exactement finit le spectacle ?” Car « Le Théâtre-Sénard, c’est comme cueillir le cirque Trottola ( du c’est au moment de la sortie, quand si les Bouffes du Nord et le Paris-Vil- 27 mai au 4 juin). les gens arrivent en grappe, qu’il lette avaient fusionné pour devenir Il a bien fallu un autre miracle fautêtrevigilant», précise Jean-Mi- le T héâtre de la Ville » ajoute pour que ce temple de la culture chel Puiffe. « Puiffe », qui dirige la scène natio- soit érigé, en cette période de counale depuis 2001 (créée en 1986, pes budgétaires et de discours poelle est labellisée par l’Etat depuis pulistes. Des critiques se sont bien Labellisée par l’Etat Que le spectacle continue… Mais 1992). Le nouvel outil devrait per- exprimées : ne devrait-on pas metcomment remplir un théâtre qui mettre d’attirer 45 000 spe cta- tre l’argent ailleurs ? Quel besoin semble loin de tout ?«“ Ils sont où, teurs à l’horizon 2018. d’aller construire un nouveau les spectateurs ? Et la ville, elle est Un miracle s’est-il produit ? Pour lieu !… où ?” , me demandent les visiteurs l’instant, le public afflue. Dès la occasionnels», raconte « Puiffe », réouverture des portes, au lende- Une véritable coproduction comme on l’appelle dans la profes- main des attentats, les spectateurs Mais des élus de tous bords ont sion. A cent mètres à vol d’oiseau, il assistaient, les 17 et 18 novembre, à défendu le projet. L’Etat a comy a bien le cinéma Gaumont, une la pièce de la metteuse en scène mencé par s’engager sur une enécole d’ingénieurs et quelques bâ- Pauline Bureau, Sirènes. Il man- veloppe de 6 millions d’euros. timents, mais pas un piéton à l’ho- quait tout de même à l’appel une Puis le député de droite Guy Geofrizon. A ces questions, le program- centaine de « scolaires ». froy (alors étiqueté UMP) est allé mateur a une réponse toute prête : Aujourd’hui, l’équipe croise les plaider la cause auprès de Domi« Le multiplexe Gaumont comptadoigts : avec plus de 6 000 abon- nique de Villepin, l’ancien prenés, les 40 000 entrées payantes mier ministre de Jacques Chirac ont déjà été dépassées pour l’an- (2005-2007). Et 3 millions d’euros née 2016. de plus, soit 9 millions au total ! Dès la Il y a deux flacons à remplir : Les collectivités locales ont forteréouverture d’une part la « black box », ou boîte ment contribué à réunir le reste : noire, avec son gradin de 303 pla- 25 millions d’euros de la commudes portes, ces rétractable, face au public ou nauté d’agglomération de Sénart, les spectateurs « bifrontal » ; d’autre part la grande 7 millions de la région Ile-desalle aux fauteuils rouges dans son France et 4 millions du départeassistaient, cocon de noyer sculpté (une jauge ment. Coût total du chantier, les 17 et de 843 places, sécable à 500). 45 millions d’euros. Elu en Le 29 novembre2015, le premier juin 2012, le député socialiste Oli18 novembre, opéra accueilli par le Théâtre-Sé- vier Faure a dénoué quelques cas « Sirènes » nart affichait complet – Le Nozze di se-tête financiers, etc. Figaro, avec une mise en scène de C’est une véritable coproducmis en scène par Galin Stoev. « La grande salle élartion : « L’action politique s ’est alliée git la palette de nos propositions. Si aux artistes et aux professionnels Pauline Bureau
Sénart entre en scène Inauguré le 13 novembre 2015, le soir des attentats, l’équipement culturel de la ville nouvelle de Seine-et-Marne connaît une fréquentation qui dépasse les attentes L‘immense vaisseau devrait permettre d’attirer 45 000 spectateurs l’horizon 2018
de la culture. Ensemble, nous pouvons faire plus que réparer. Nous sommes des tisserands », souligne René Réthoré, vice-président du syndicat d’agglomération de Sénart, chargé de la politique culturelle, et maire de Nandy. L’inspecteur général de la Ville de Paris, qui a mené des audits dans la culture, a suivi le montage financier : « On a tout calibré jusqu’en 2018. On a renoncé à une troisième salle. On en garde deux, et on a les moyens de tout faire fonctionner », ajoute-t-il.
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Jean-Michel Puiffe compte les jours. Le 28 janvier, le restaurant aux allures de bistrot ouvrira ses portes. « Toute l’année !», clamet-il. Pour finir, il ne résiste pas à citer le patron de la Philharmonie, Laurent Bayle, venu présenter au Théâtre-Sénart son projet Démos, pour rendre plus accessible la musique classique. En quittant le vaisseau en aluminium, il a lancé ce c ompliment : « La Philharmonie a sa petite sœur en banlieue… » p clarisse fabre
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le dimanche 24 janvier 2016, à partir de 15 heures. *25 invitations offertes aux premiers appelants, conformément au règlement du jeu. Offre gratuite, sans obligation d’achat, jusqu’à concurrence du nombre de places disponibles. Le règlement du jeu déposé chez M e Augel huissier de justice à Paris, est adressé gratuitement sur demande à : Jeu Les Offres Culturelles du Monde - 80, boulevard Auguste-Blanqui - 75013 Paris. Les demandes de remboursement des frais de participation (selon modalités définies dans le règlement) doivent parvenir à la même adresse.
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Le Musée des tissus agite le chiffon rouge Menacé, faute de financement, l’établissement lyonnais, qui compte la plus grande collection de textiles du monde, en appelle à l’Etat et au secteur privé ARTS
I
nstitution lyonnaise à l’aura internationale, le Musée des tissus et des arts décoratifs de Lyon est menacé de fermeture, faute de financement. Cette éventualité a suscité une émotion mondiale. En témoigne une pétition for te de 65 000 signatures, originaires de 130 pays, parmi lesquels les Etats-Unis figurent en bonne place. Fondé par les soyeux en 1864, labellisé Musée de France en 2002, l’établissement, logé dans deux hôtels particuliers mitoyens du centre de Lyon, possède la plus importante collection au monde de tissus, composée de 2,5 millions de pièces, depuis l’Egypte pharaonique jusqu’à nos jours. Une collection universelle de l’histoire des textiles, où tous les types de tissage sont représentés sur 4 500 ans, du Moyen-Orient au Japon jusqu’aux Amériques et à l’Europe. Cette collection est inaliénable, et elle est, selon son label, «éli gible aux soutiens de l’Etat, scienti fiques, techniqueset financiers». Vendredi 22 janvier, Michel Delpuech, préfet de la région Rh ône-
2,5 millions de pièces, depuis l’Egypte pharaonique jusqu’ nos jours
Alpes-Auvergne, réunissait tous les acteurs concernés pour trouver une issue à une situation bloquée depuis dix-huit mois. Aux représentants de la chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Lyon, propriétaire des lieux, à ceux de la ville et de la métropole, de la région, de la Direction des musées de France et de la direction régionale des affaires culturelles (Drac), à Unitex, organisation des professionnels du textile, et au directeur et conservateur du musée, Maximilien Durand, le préfet, a demandé « d’aller vite » pour s’accordersur une solution. « La collection est d’un niveau exceptionnel, affirme Michel Delpuech. C’est la plus belle collection au monde de tissus. Le musée a un formidable rayonnement au niveau international, mais n’est pas assez connu sur le plan national. » Ce constat reprend les conclusions du rapport de l’Inspection générale des affaires culturelles (IGAC) que le préfet avait diligenté en juillet 2015, avec l’appui de Fleur Pellerin, la ministre de la culture. Le préfet est convaincu « qu’il faut une nouvelle gouvernance parta gée,avec la DRAC, avec les partenaires, ville, métropole, région. Le calendrier doit être resserr é, compte tenu des finances de la CCI. Nous sollicitons la présence d’un représentant du Louvre. Mais que le Louvre prenne tout n’est pas souhaitable. Il faudrait une réflexion sur des partenariats réalistes, avec, pourquoi pas, des musées étrangers », avance M. Delpuech.
Au Musée des tissus et des arts décoratifs de Lyon. PIERREVERRIER
Le Musée reçoit 80 000 visiteurs « Nous sollicitons par an, pour sa collection permala présence d’un nente et les expositions temporaires, comme « Le Génie de la Fabrireprésentant du que », présentée jusqu’en juin, un Louvre. Mais que hommage aux grandes maisons lyonnaises qui ont œuvré pour les le Louvre prenne résidences royales et impériales, tout n’est pas de Versailles à Istanbul. Il dispose d’un atelier de restauration et a un souhaitable » rôle essentiel dans la formation et la conservation. Il abrite, aussi, le MICHEL DELPUECH préfet de la région Centre international d’étude des Rhône-Alpes-Auvergne textiles anciens, qui compte 500 membres, dont les grands musées de New York, Berlin, Londres, Vienne, Kyoto, etc. centaine d’activités ont lieu chaMaximilien Durand, le directeur que mois, avec des visites en conservateur, fait des miracles, russe, arabe, japonais, chinois, anavec 20 salariés – y compris les glais, espagnol, italien. gardiens –, pour un budget de Emmanuel Imberton, président fonctionnement de 2,7 millions de la CCI de Lyon, le reconnaît sans d’euros, qui englobe l’entretien détour : « C’est un budget au cordes collections, les salaires et les deau. » Tout en justifiant les diffiacquisitions. Côté recettes, la cultés financières de la CCI, « le billetterie, la boutique, le mécé- gouvernement baisse nos ressournat, les locations et le service cul- ces fiscales de 38 % sur trois ans. Il a turel et pédagogique ne rappor- ponctionné 14,3 millions d’euros de tent que 1 million d’euros. Une notre fonds de roulement ». Déjà,
un plan social a réduit de 10 % les lyonnais ne peut être dispersé ou effectifs de la CCI. « J’ai protégé le racheté par des Chinois, ce serait musée jusqu’ à maintenant, s’em- une faute inacceptable ». Les ville et métropole de Lyon, porte M. Imberton. On est une exception culturelle, la seule CCI à g é- plus réservées, sont sur la même rer un musée. L’Etat me met dans ligne. Pour Georges Képénékian, l’obligation de ne plus pouvoir en charge de la culture, elles ne faireface.Je vaisle fermer. Ma prio- sont « pas en mesure de venir au rité est d’aider les entreprises. » sauvetage du musée toutes seuSi l’Etat et les collectivités s’im- les ». Il rappelle les charges qui pèpliquent, M. Imberton se dit dis- sent sur le Grand Lyon : 17 millions posé à faire « don des deux hôtels d’euros pour le budget de six mu particuliers à la nouvelle struc- sées, sans compter 15 millions ture ». Même réaction chez les pour Confluences et 3 millions professionnels du textile, où le se- pour le Musée gallo-romain. Cela crétaire général, Pierre Chalvin, alors que par ailleurs le budget annonce que « si l’Etat accepte de municipal accuse une baisse de prendre le leadership, Unitex 7 millions. « Les collections du Mucr éera une fondation pour le finan- sée des tissus, il faut les faire vivre. cement d’acquisitions, d’activités Il faut 15 à 20 millions de plus pour la scénographie et 8 millions de de recherche et de formation ». Laurent Wauquiez, déclarait, lui travaux pour le Musée des arts déaussi, dans Le Progr ès du vendredi coratifs ! », ajoute-t-il. 22 janvier, que la région qu’il préReste à l’Etat à prendre sa part. A side, Rhône-Alpes-Auvergne, est la fin de la réunion, le préfet Miprête à « agir e n cofinanceme nt chel Delpuech a fixé le prochain avec d’autres partenaires publics et rendez-vous dans vingt jours, au privés, comme les grandes entre- plus tard. Un espoir de solution. p florence evin prises. Ce trésor du patrimoine
E I R E L A
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F R z t i w o m a r b A . C : o t o h P
olf , Honor enr y James… o W ia n i g , H V ir our cenar Y e t i r e Cult ur e e c u n g a r F r Mar u t s iques son s s la c s d Les g r an
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THOMAS HIRSCHHORN Galerie Chantal Crousel Depuis Martha Rosler et Erro, nombreux sont les artistes qui usent du collage pour mettre en évidence les horreurs du présent et le syst ème médiatique des images. Thomas Hirschhorn s’y essaie, à son tour, en reprenant ces procédés désormais habituels. Il associe des photographies de cadavres prises dans la presse ou sur Internet à des publicités de mode trouvées dans des magazines, et introduit, dans ces montages, des zones faites de petits carrés de couleur juxtaposés, référence explicite à la pixellisation et au floutage. La tension entre victimes abominablement mutilées et top-mod èles pimpants ne peut évidemment que créer le malaise. Elle rappelle que ces images sont consommées pêle-mêle, dans la presse comme sur les écrans. L’introduction de masquages géométriques sugg ère combien se révèle douteux un floutage qui attire le regard plus qu’il ne le décourage : jeu pervers entre le voyeurisme et son interdiction que le peintre David Lefebvre a, lui aussi, récemment mis en évidence. Reste la question des formats. Hirschhorn semble penser que, en poussant quelques collages jusqu’au monumental, il en augmente l’efficacité, comme il le fait de ses environnements, souvent proliférants. Mais on peut aussi penser que le petit format, qui se tient à l’écart du spectaculaire, vaut mieux pour de tels sujets, car il évite toute équivoque. « Pixel-Collage », Galerie Chantal Crousel, 10, rue Charlot, Paris 3 e. Tel. : 01-42-77-38-87. De 11 heures à 13 heures et de 14 heures à 19 heures. Jusqu’au 26 f évrier.
CINÉMA Les Oscars prennent des mesures d’urgence pour la diversité L’Académie des arts et sciences du cinéma, qui décerne les Oscars et fait l’objet de fortes critiques pour le manque de diversité de ses membres, a annoncé, vendredi 22 janvier, des mesures d’urgence pour s’ouvrir plus aux femmes et aux minorités ethniques. « L’académie prend des mesures historiques pour augmen-
ter la diversité », notamment en « visant un doublement d’ici à 2020 de ses membres féminins ou provenant » de minorités ethniques, d’après un communiqué. L’académie, dont les membres sont à forte majorité blancs, masculins et âgés, a déclenché une forte polémique après avoir, il y a huit jours, et pour la deuxième année de suite, révélé le nom d’acteurs exclusivement blancs pour les finales des Oscars. – (AFP.)
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culture
DIMANCHE 24 - LUNDI 25 JANVIER 2016
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"CHARLOTTE RAMPLING, MAGISTRALE"
La province française selon Koltès
LE FIGARO
Arnaud Meunier met en scène, avec un bonheur ingal, « Le Retour au dsert »
"DU GRAND ART !" MARIE FRANCE
THÉÂTRE
D
son familiale, avec ses deux enfants, Fatima et Edouard, qui n’ont pas de père. Mathilde revient, et elle vient remuer les eaux saumâtres de l’Histoire, dans cette ville qui n’est pas nommée, mais qui est évidemment Metz, avec ses secrets et sa nuit sanglante qui, en juillet 1961, a vu des centaines de parachutistes mettre à sac les quartiers arabes. Mais ce pourrait être n’importe quelle autre ville recluse dans ses certitudes, avec ses notables et sa violence tapie dans l’ombre feutrée des maisons bourgeoises.
e temps à autre, une pièce réapparaît avec une forme d’évidence. C’est celle qu’il fallait monter, à ce moment-là. Ainsi en va-t-il du Retour au désert , de Bernard-Marie Koltès, telle qu’elle ressurgit aujourd’hui, mise en scène par Arnaud Meunier, directeur de la Comédie de Saint-Etienne, où le spectacle a été créé en octobre 2015, avant de tourner dans toute la France et d’arriverà Paris, au Théâtre de la Ville. Evidence, oui, tant la pièce nous parle, et parle de nous. « Nous », la France, les Français, une certaine Lecture aiguë et rigoureuse France, provinciale, et qui n’a tou- Mathilde revient, et elle retrouve jours pas digéré la guerre d’Algérie. son frère, Adrien, industriel, qui, Koltès a mis dans Retour au désert à son départ, s’est installé dans la – le « désert » est ici explicitement maison familiale et a pris la tête la province française – toute sa dé- de l’usine. Et elle réclame sa part testation de cette France-là, qu’il d’héritage. Adrien, c’est le genre n’a eu de cesse de f uir, lui, le fils de d’homme capable de dire, sans militaire, né à Metz à la fin des an- rire : « Regarde mes pieds, voilà le nées 1940. Pour autant, Le Retour centre du monde. » Koltès met en au désert est tout sauf une pièce de scène le combat f éroce, incesdénonciation. Koltès disait qu’il tueux, mythologique entre le écrivait « avec des personnages, frère et la sœur. Et la manière pas avec des idées », et c’est ce que dont leurs enfants – Fatima, fait cette pièce :écrire avec des per- Edouard, mais aussi Mathieu, le sonnages, une langue, une his- fils d’Adrien, qui se rebelle et dit toire, de l’intime et du politique qu’il ne « veu[t] pas hériter, [qu’il indissolubles, des faits réels et du veut] mourir en disant de belles merveilleux. Du mythe. phrases» – à la fois reproduisent Et Dieu sait qu’ils sont forts, et ce monde dont ils viennent et incarnés, les personnages qui s’envolent vers un ailleurs. peuplent ce désert. Voici d’abord Il y a, dans Le Retour au désert , Mathilde, qui revient dans sa ville des enfants « qui naissent par natale, au début des années 1960, l’opération du Saint-Esprit », des après des années passées en Algé- revenant(e)s, un mystérieux pararie. Mathilde revient dans la mai- chutiste noir qui tombe du ciel...
MHD, du rap à l’afro-trap Nouveau phnomène Internet, l’artiste de 21 ans puise dans ses racines africaines et les rfrences au football
Dieu sait qu’ils sont forts, et incarnés, les personnages qui peuplent ce désert
C’est dire à quel point la pièce est drle, profonde, merveilleuse, à quel point elle joue avec tout un imaginaire, catholique, tragique, boulevardier… français. Cette richesse a un corollai re : elle en fait une pièce qui n’est pas évidente à mettre en scène. Même Patrice Chéreau (19442013) ne cachait pas qu’elle lui avait donné du fil à retordre, quand il l’a montée, en 1988. Arnaud Meunier a choisi trois axes pour sa mise en scène : la comédie féroce, le conte fantastique et le projet de troupe. Ce parti pris, qui s’appuie sur une lecture aiguë et rigoureuse de la pièce, fonctionnerait à merveille, s’il n’était affaibli par les choix scénographiques et par une direction d’acteurs pas toujours très précise. Sur ces deux points, Arnaud Meunier ne retrouve pas la réussite rencontrée avec Chapitres de la chute, de Stefano Massini, qui sera repris au Théâtre du Rond-Point, en mai. On passera vite sur la scénographie, qui manque singulièrement de poésie, avec son gazon vert dégoulinant jusque sur l’avantscène. Arnaud Meunier a choisi,
pour incarner le couple frère-sœur infernal, un duo qui aurait pu faire des étincelles : Catherine Hiegel (Mathilde), Didier Bezace (Adrien). Mais, autant la première est fabuleuse, qui allie l’abattage d’une Jacqueline Maillan – pour qui le rle fut écrit – avec une poésie délicate et légère, autant le second semble tourner en roue libre. A force de jouer au premier degré ce « gorille » qu’est Adrien, Didier Bezace finit par aller dans son sens… Le reste de la distribution est inégale, dominée par Isabelle Sadoyan en vieille domestique et par René Turquois et Cédric Veschambre dans les rles des deux garçons. Meunier a respecté les consignes de Koltès qui exigeait que les rles de Noirs soient joués par des Noirs, d’Arabes par des Arabes, etc. Mais, dans le rle d’Aziz, le serviteur algérien, Kheireddine Lardjam compose une étrange caricature d’Arabe vu par les Français, au point que cela en devient gênant. La mise en scène de Meunier fait néanmoins entendre, avec une clarté imparable, à quel point Koltès est bien le grand dramaturge du décentrement de l’homme blanc. p
"DES ACTEURS FORMIDABLES !" POSITIF
"MERVEILLEUX" STUDIO CINÉ LIVE
CHARLOTTE
TOM
RAMPLING COURTENAY
fabienne darge
Le Retour au désert,
de Bernard-Marie Kolt ès (Les Editions de Minuit). Mise en scène : Arnaud Meunier. Théâtre de la Ville, à Paris. Du lundi au samedi, à 20 h 30, dimanche à 15 heures, jusqu’au 31 janvier. De 18 à 30 €.
L’HISTOIRE DU JOUR Rome dit « Ciao» à Ettore Scola, ils se sont tant aimés rome - correspondant
RAP
J
e vous présente mes danseuses ! », plaisante MHD, en désignant ses amis d’enfance AP et Baki, rappeurs, qui exécutent des pas de danse sur scène. En répétition au Studio Bleu, dans le 10e arrondissement de Paris, MHD, Mohamed Sylla de son vrai nom, se prépare à assurer les premières parties de la star du rap français Booba, en tournée jusqu’au 30 janvier. Il sera aussi aux ctés de Black M, le 13 février, devant 60 000 personnes dans un stade de Conakry, en Guinée, où tous deux ont leurs racines. Grand, mince, habillé aux couleurs du Bayern de Munich, sa deuxième équipe préférée après Bordeaux et avant Paris, Mohamed est hilare. A 21 ans, il sembleà peine impressionné par le fait que sa vidéo galvanise les joueurs du PSG dans les vestiaires – ils ont tweeté la vidéo sur leur compte officiel. 13 millions de vues sur YouTube
Il y a peu, il était encore livreur de pizza. En quatre mois, il est devenu le nouveau phénomène du rap français. Ses vidéos Afro Trap Partie1, 2, 3, 4, 5, mélange de rap et de musique africaine, totalisent jusqu’à 13 millions de vues sur YouTube. On retrouve chez lui la même recette à succès que pour le groupe PNL : un pseudo en sigle, « court et facile à retenir », un son original, des clips publiés tous les mois et un rap qui colle à la réalité d’un jeune de cité. Lui, en l’occurrence, est parisien et partage son temps entre les petits boulots, les concours de plaisanteries devant le bar-tabac du quartier, les soirées chicha avec les copains et les dimanches dans les tournois de football et les mariages africains.
Né à La Roche-sur-Yon, en Vendée, « dans le “8-5”», MHD habite, depuis ses 15 ans,à Belleville, à Paris, dans une cité ouvrière pas loin de la rue des Chaufourniers, surnommée « la cité rouge ». MHD est le benjamin d’une famille de 12 enfants. Sa mère, Sénégalaise, est employée d’une cantine scolaire et son père, Guinéen, intérimaire dans la restauration, est reparti au pays, il y a trois ans. Un BEP restauration en poche, Mohamed commence le rap avec le collectif de sa cité, 1-9 Réseau. Après trois ans à gratter quelques textes et à épargner pour financer des sessions d’enregistrement, MHD finit par se décourager. Mais, en aot 2015, avec ses économies de livreur, il part à Montpellier « faire du jet-ski » avec ses copains. Sur le morceau Shekini, du groupe nigérian P-Square, tube qui passe en boucle, il improvise un rap qui mélange sa langue maternelle avec de l’argot, qui multiplie les références à « la moula » (pour l’argent, la force) et aux équipes de foot, deuxième passion des gamins de quartier après le rap. Filmée sur son portable et postée sur Facebook, la petite vidéo fait son effet – 3 000 partages en une heure – et l’encourage à l’enregistrer en studio. Repéré et signé par un éditeur, Adel Kaddar de Warner Chappell, dès son deuxième clip, MHD est mis sur orbite. Il travaille maintenant sur son premier album pour prouver qu’il n’est pas un énième phénomène Internet. p stéphanie binet
MHD, le 23 janvier au Zénith de
Nantes, le 26 janvier à Lyon, le 27 janvier à Rouen, le 29 janvier à Bruxelles, le 30 janvier à Lille. Le 16 avril au Printemps de Bourges.
P
our vingt-quatre heures, la Maison du cinéma, à Rome, aura été la dernière demeure du cinéaste Ettore Scola, mort mardi 19 janvier, à 84 ans. Dans ce qui reste un des derniers repaires de cinéphiles de la Ville éternelle, à la lisière du parc de la Villa Borghèse, son cercueil de bois clair a été exposé jeudi 21 et vendredi 22 janvier, sous la garde impassible de deux cuirassiers « prêtés » par la présidence de la République italienne. On y entre sans façon. Sa veuve, Gigliola, ses filles et ses petits-enfants reçoivent avec les mêmes égards les hommages de la « gente di Roma », titre de l’un de ses derniers films en 2003, et les accolades des amis. Deux présidents de la République, l’actuel, Sergio Mattarella, et son prédécesseur, Giorgio Napolitano, sont venus se recueillir. L’ex-maire de Rome Walter Veltroni, devenu documentariste à succès, se souvient du« style léger et élégant d’un homme qui faisait des films pas pour lui mais pour le public ». Sophia Loren est passée, provoquant un peu de panique. « Je suis trop émue pour parler », a soufflé l’actrice d’Une journée particulière (1977). Le cinéaste et acteur Paolo Virzi a laissé sur le catafalque un portrait au crayon du maestro, ainsi légendé: « Ettore s’amusait beaucoup ». Le metteur en scène Bernardo Bertolucci, désormais cloué sur un fauteuil roulant, se souvient, commeà regret, de n’avoir découvert Scola que FRANCESCO SANGIOVANI sur le tard. « Jusqu’alors, je pensais que admirateur romain la comédie italienne n’était qu’un sous genre dévoyé du néoréalisme. Quelle erreur! » Historien du cinéma, Jean Gili évoque un réalisateur« difficile à classer, héritier direct de Vittorio De Sica mais également d’auteurs plus politiques, comme Francesco Rosi et Elio Petri. Un humaniste engagé ». Mario Cecaroni n’est connu de personne. Comme des centaines de Romains anonymes, il a tenuà être là pour dire « Ciao » à son cinéaste préféré. « Il nous a dépeints tels que nous sommes, nous les Italiens, avec nos qualités et nos défauts. C’est un homme qui regardait les autres avec le cœur. C’est pourquoi ses films nous touchent tant. » Autre anonyme, Francesco Sangiovani évoque le cinéaste de sa génération :« Il nous a rendus beaux. A la fois amers et tendres, comme nous le sommes. » Puis, le cercueil a été sorti de la maison du cinéaste pourêtre porté à l’extérieur, là où, l’été, sont projetés les films du Cinema all’aperto. Au grand air. Devant ses pairs venus le saluer une dernière fois et son public romain. Ils se sont tant aimés. Ils ont eu encore l’occasion de le lui dire, même si Ettore Scola ne les entendait plus. « Pas de larmes », avait précisé Gigliola Scola. Il n’y en eut pas, sinon dans la voix tremblante de Stefania Sandrelli disant : « Je te remercie, mon précieux ami. » Applaudissements. Clap de fin. p
« IL NOUS A RENDUS BEAUX. À LA FOIS AMERS ET TENDRES, COMME NOUS LE SOMMES »
philippe ridet
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F I L M
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télévisions
0123 DIMANCHE 24 - LUNDI 25 JANVIER 2016
Tournage du documentaire « L’Histoire au quotidien », sur M6, avec Mac Lesggy. JULIENKNAUB/M6
L’Histoire en tout genre Forte de l’engouement du public, la télévision décline à l’envi fictions, documentaires et magazines historiques ENQUÊTE
L
a télévision sait-elle parler d’Histoire ? Par la f iction ? Sans doute, mais les séries offrent une pédagogie très inégale. Pour l’heure, on peut, au vu de la première saison, se dispenser de « Versailles » (Canal+) et si, dans la guerre des Borgia, on préfère la geste de Tom Fontana (« Borgia », 2011-2014) à celle de Neil Jordan (« The Borgias », 2011-2013), les amateurs des fresques de la Renaissance lassés des dérives des « Tudors» (2007-2010) se réjouiront de l’exceptionnelle réussite de Peter Kosminsky. Avec « Wolf Hall » que diffuse Arte , il propose, en suivant le parcours de Thomas Cromwell, une plongée dans le monde des Tudors aussi juste qu’éblouissante, renouvelant la prouesse de « Rome » (2005-2007). Versant français, il n’est guère que l’adap-
tation de l’œuvre de Jean-François Parot (JCLattès)etdeson commissaireauChâtelet, Nicolas Le Floch, qui offre une initiation au Paris des Lumières. Mais la simplification des intrigues comme les inflexions de la distribution des personnages rendent mal compte d’une série littéraire exigeante sous le masque du divertissement. Magazines et documentaires sont plus fiablespourquiveut bénéficierd’uneinformationsûreetactualisée.Sur ceterrain,ladéclinaison du service public reste la plus riche, même si d’autres pépites éclosent ailleurs. AinsiFabienVinçon,attachéau programme de M6 « Enquête exclusive », livre pour cette chaîne un très recommandable Hitler et les apôtres du mal, à voir prochainement. Du côté de France Télévisions, la palme de l’offre revient à France 3 qui, des « Docs interdits » à « Lundi en histoires » ou « La Case de l’oncle Doc », multiplie les propositions. France 2 privilégie les « événements» ( Jusqu’au dernier , de William Karel, La Chute du Reich, de David Korn-Brzoza, ou le saisissant Dernier Gaulois, docu-fiction animée de Samuel Tilman), avec notamment la série d’archives colorisées « Apocalypse », concoctée par Isabelle Clarke et Daniel Costelle (ces derniers proposant bientôt un Verdun 1916). En marge de ses séries ponctuelles, tels les trois docu-fictions proposés par Laurent Joffrin et Laurent Portes, Le Jour où…, zoomant sur le moment où Churchill, De Gaulle et Roosevelt ont choisi la guerre, France 5 a repensé le précieux rendez-vous de « La Case du siècle », où, depuis six saisons officiait en plateau liminaire l’historien Fabrice d’Almeida, qui anima sur la même chaîne avec
Marie Drucker l’éphémère programme « C’est notre histoire » (2010-2011). Désormais plus de présentation introductive, pourtant instructive. Fabrice d’Almeida n’a pas renoncé pour autant à défendre l’expertise historiennesurlepetitécran,avecuneparticipation au « Folin Hebdô » de France Ô, talkshowoùintervientégalementle philosophe Vincent Cespedes ; mais aussi dans le nouveau rendez-vous hebdomadaire de BFM TV « L’Histoire en direct » où, en compagnie d’Hervé Gattegno, il s’emploie à donner « profondeur et perspectives» à l’actualité sous la houlette de Pascale de La Tour du Pin. « Moitié savant, moitié conteur »
Un virage du documentaire au magazine, voire au divertissement, qu’il assume pleinement pour que la perspective historique reste présente dans les programmes les plus divers. Le risque du « dévoiement » de l’érudition ne l’effleure pas, tant il a pu constater, au fil de ces années passées à « La Case du siècle », la qualité du travail des documentaristes « plus approfondi que celui de certains collègues», épingle-t-il. De fait, la contribution à ces programmes d’autorités incontestables, de Marc Ferro, Jean-Noël Jeanneney, Pascal Ory, Christian Delage et Olivier Wieviorka à Christian Ingrao, Johann Chapoutot et Grégoire Kauffmann, dit assez la noblesse de l’exercice, sa
La contribution à ces programmes d’autorités incontestables dit assez la noblesse de l’exercice, sa légitimité et son utilité civique
légitimité et son utilité civique. Moins préservée,laplacedumagazinerestecapitale.Si « L’Ombre d’un doute », présenté par Franck Ferrand sur France 3 depuis 2011, a disparu des grilles à la fin 2015, un nouveau rendezvous avec l’animateur est annoncé par la chaîne, « L’Heure H », sans autre précision de contenu ni de calendrier. Mais la relève existe aussi avec la très convaincante initiative de M6, « L’Histoire au quotidien », présentée par Mac Lesggy et Marjolaine Boutet, qui animent un savoir documentaireimpeccableen saynètesetexpérimentations diverses qui rendent accessibles des notions essentielles de la vie autrefois. Trois épisodes à ce jour, de la France du Roi-Soleil à celle de la révolution industrielle en passant par l’épisode révolutionnaire, où le concours du spécialiste de l’époque Guillaume Mazeau garantit un didactisme sans faille. C’est lui qui a travaillé avec Joël Pommerat à la dramaturgie de Ça ira. Fin de Louis, présenté aux Amandiers à Nanterre en novembre 2015, prouvant là encorequeleterritoiredel’historienest sans limites pour qui entend diffuser à tous le savoir de l’érudit. Chaque aventure requiert six mois de préparation dont trois de tournage en moyenne. Une promesse de sérieux que le rendez-vous confirme. Mais le plus visible des magazines consacrés à Clio reste «Secretsd’Histoire»,l’émis-
sion que Stéphane Bern présente sur France 2 depuis l’automne 2007 et dont l’audience comme la durée ne cessent de confirmerlafortune.Parledoublechoixdes commémorations et des lieux, l’animateur évoque une figure historique proposée à l’empathie du téléspectateur. Dans la tradition longtemps incarnée par Alain Decaux sur le petit écran, il se veut conteur, réservant aux historiens érudits et universitaires patentés, choisis avec une extrême sûreté, le soin de préciser au plus juste l’information, de mettre en perspective le fait brut dont l’évocation romanesque lui revient. Réglant à sa façon le dilemme que pointe Pascal Ory, qui reconnaît le plébiscite populairedecette «histoirearrangée», comme on parle de rhum arrangé, qui fit jadis la fortune de « La Caméra explore le temps » du trio Castelot-Decaux-Lorenzi, quand la société exige de l’historien qu’il soit comme « une chauve-souris, moitié savant, moitié conteur ». En offrant par les sites où il invite
le public une vision enchantée du passé, Bern répond au besoin contemporain qui n’admet la réflexion que portée par une émotion, une empathie pour l’humain proposé en héros – ce qui restreint le casting aussi. A ce prix, i l est le passeur que réclame le grand public. Ouvrant une voie plus large pour le documentaire, plus austère. p philippe-jeancatinchi
« Tout langage, y compris télévisuel, est une médiation » ENTRETIEN
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régoire Kauffmann, docteur en histoire et maître de conférences à l’IEP de Paris, évoque l’évolution du traitement de l’Histoire à la télévision Aujourd’hui, l’Histoire se décline par la dramatisation, avec hér oïsation des sujets pour atteindre ensuite par l’empathie le téléspectateur. Qu’en pensez-vous ?
Susciter l’émotion n’est pas incompatible avec les règles de la méthode historique. Il suffit de relire Michelet, l’historien au style sensuel, fiévreux, électrique, qui réussit à concilier chaleur des images et savoir approfondi fondé sur l’étude des sources. Tout langage est une médiation : le récit filmique l’est au même titre que
l’écriture pour faire comprendre le passé. Le montage n’est pas plus une « manipulation » que la construction de phrases, même si l’image prête plus au trompe-l’œil qu’un énoncé. Mais il est vrai que le genre documentaire bouscule les règles traditionnelles de l’historien. C’est une autre démarche, une autre méthode d’investigation qui associe, par le montage, témoignages, archives et images d’époque. Quelle est la place faite à l’historien ?
Il intervient de plus en plus comme expert, voire comme coauteur de films documentaires. Les historiens d’aujourd’hui n’ont pas les préventions de leurs aînés à l’égard du langage filmique. Ce phénomène est profondément lié au renouveau de l’histoire politique depuis les années 1980. Les historiens du politique se sont jetés avec gourman-
dise sur ces matériaux nouveaux que sont les archives audiovisuelles, expression de la culture politique d’une époque ou d’un peuple. Le retour en force de l’histoire politique a été largement porté par les films documentaires, et leur essor s’est très largement nourri du renouveau de l’histoire politique. C’est un cercle vertueux qui est aussi une histoire de rencontres, de travail en commun entre historiens et réalisateurs, qui ont de plus en plus de mal à se passer les uns des autres. Historiens du politique et réalisateurs explorent des périodes à portée de mémoire vécue comme le régime de Vichy, la guerre d’Algérie… C’est une manière pour eux de répondre à une demande sociale de plus en plus forte. Quelles expériences personnelles avez-vous de ce processus actuel ?
Un film de fiction a été tiré de la biographie que j’ai consacrée à Edouard Drumont [ Drumont, histoire d’un antisémite français , réalisé par Emmanuel Bourdieu, France 2, 2013] . Je suis intervenu comme conseiller historique dans l’écriture de ce film et le réalisateur a toujours tenu à ce que nous échangions, ce fut une collaboration heureuse ! Je suis aussi le coauteur de deux films documentaires d’histoire politique : Le Diable de la République, 40ans de Front national [France 3, 2011] et Après la guerre, la guerre continue. France, 1945 1950 [France 3, 2015] . Le réalisateur de
ces deux films, mon complice Emmanuel Blanchard, illustre pleinement la convergence entre historiens et réalisateurs puisque cet historien agrégé d’histoire se définit aujourd’hui d’abord comme un réalisateur. p propos recueillis par ph.-j. c
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Stéphane Rotenberg, de l’auto aux fourneaux Le présentateur auquel M6 confie depuis quinze ans ses grands prime times revient dans « Top Chef », saison 7 PORTRAIT
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as un pli sur sa chemise, son gilet et son pantalon. Les cheveux sont impeccablement peignés, les joues rasées au millimètre. Dans son bureau à la déco sobre et chic, situé sur une péniche près de Paris, aucun objet n’est de travers. Tout en buvant un thé vert, Stéphane Rotenberg (ses proches prononcent « Rotanbert ») est presque gêné de parler de lui. « Je ne suis pas une superbe affaire pour les journalistes », souligne-t-il. Depuis quinze ans, il est l’un des visages de M6. C’est à ce garçon de 48 ans que la chaîne confie, généralement, ses grands prime times de divertissement comme « Top Chef », dont la septième saison démarre lundi 25 janvier. Lorsque l’on discute avec l’animateur, on découvre une personne sans langue de bois qui n’a rien de commun avec l’animateur lisse et distant que l’on peut voir à la télévision. « Oh ! la, la, la ! c’est presque vexant, mais j’ai conscience de cela, avoue-t-il en souriant. A l’antenne, j’essaie d’ être le plus possible sans filtre, mais je me lisse un peu parce que je suis beaucoup au service de mes émissions et pas à mon propre service. C’est probablement une connerie. Dans ma vie privée, je suis même politiquement incorrect, certaines positions choqueraient.» Pour comprendre ce paradoxe, nir essayeur à Sport Auto. « J’ai fait il faut connaître son parcours. une erreur fondamentale car la Avant de sillonner le monde pour télé était en pleine explosion, mais son émission « Pékin Express », il fallait que j’aille au bout de ma Stéphane Rotenberg a été journa- passion», se justifie-t-il. liste dans la presse automobile au début des années 1990 (Sport Un gros appétit professionnel Auto, Auto Journal) et à Libéra- Un jour, il interviewe Philippe tion… « Il faisait des essais, ce qu’il Bouvard, son modèle. Rotenberg écrivait était correct. Il était assez lui confie qu’il tourne en rond, timide, déj à dandy, sans avoir la Bouvard lui donne un conseil : « Il grosse t ête », se souvient Lionel m’a dit que si je voulais faire de la Froissart, ancien journaliste à télé, il fallait que je passe par une Libé chargé des pages automo- émission sur les voitures », se soubile. vient-il. De fait, ses débuts sur le Pendant des années, il multiplie petit écran se font en 1995 à les piges. « J’étais payé 220 francs « Turbo », le rendez-vous dominile feuillet (44 euros)», se rappelle- cal de la Six. « C’est un aficionado t-il. Mais il veut changer d’uni- de l’auto, son style, c’est pied au vers. Et la télé ? Il y a quelques an- plancher , raconte Dominique nées, il avait eu l’opportunité de Chapatte, le présentateur de travailler sur Antenne 2 dans l’émission de M6. Sous son allure l’émission pour adolescents svelte, il a un gros appétit profes« Giga » : il avait refusé pour deve- sionnel, il en veut. »
Le 6 juillet 2015. CYRIL LAGEL/W9
De reporter, il passe rédacteur en chef adjoint, un poste qui lui apprend à éditer et à produire une émission. Il est repéré par la directrice des magazines de la chaîne, Christine Lentz. En 1998, elle est nommée au même poste à France 2 et décide d’embarquer le jeune Rotenberg pour l’assister. Tout s’enchaîne pour lui : il s’occupe de gérer les producteurs et animateurs, et, comme adjoint à cette unité, participe au lancement de « Tout le mon de en parle », de Thi erry Ardisson, ou d’« Union libre », animée par Christine Bravo, et caste l’un des chroniqueurs, un certain Nikos Aliagas. Un producteur à succès le remarque : Jean-Louis Remilleux lui propose de le rejoindre pour devenir animateur. Il hésite. Lors d’un dîner, Remilleux lui lance :
« A l’antenne, j’essaie d’être
le plus possible sans filtre, mais je me lisse un peu car je suis beaucoup au service de mes émissions » STÉPHANE ROTENBERG
animateur
Les 15-24 ans s’informent au marché noir Les rencontres de l’Observatoire de l’audiovisuel et du numérique ont eu lieu vendredi
C
omment s’informent les jeunes aujourd’hui ? A l’heure d’Internet et des réseaux sociaux, les médias traditionnels peuvent-ils encore séduire ces 15-24 ans ? Et si oui, comment y parvenir ? Ces questions ont animé les rencontres de l’Observatoire de l’audiovisuel et du numérique organisées vendredi 22 janvier, à Paris, par l’INA (en partenariat avec l’AFP, Le Monde, RFI, France 24, MCD et France Médias Monde). Le fait est désormais bien établi. Ainsi que l’a rappelé Julien Ronsanvallon, directeur du département télévision Médiamétrie, « ces cinq derni ères années, la consommation des médias traditionnels des 15-24 ans a reculé au profit de l’ordinateur et surtout du smartphone », ce dernier étant devenu leur premier écran. « Avant, on suivait l’info, c’était une sorte de devoir civique, aujourd’hui, c’est l’info qui suit les jeunes. Autrefois, l’info était décidée par des hommes de plus de 50 ans, aujourd’hui, elle l’est par des algorithmes, des amis, des serveurs », a constaté Eric Scherer, directeur de
« La recherche d’information chez les jeunes des couches les moins favorisées est résiduelle » MONIQUE DAGNAUD
directrice de recherche au CNRS
la prospective à France Télévisions. Touchés par une crise de confiance envers les médias traditionnels, toujours pressés, et sensibles à l’image plus qu’au texte, les jeunes disposant désormais d’une multitude de sources d’information qu’ils peuvent consulter à tout moment sur leur smartphone – ils y passent, en temps cumulé, une journée par semaine –, et sont devenus extrêmement exigeants. Ils veulent savoir vite, ne pas être soumis à la publicité, rejettent les contenus ennuyeux ou qu’ils jugent comme tel.
« Avant, la radio annonçait, la télévision montrait, la presse expliquait, a souligné Eric Scherer. Aujourd’hui c’est la notification smartphone qui annonce, les réseaux sociaux qui montrent et la vidéo qui explique. » Climat de suspicion
Chez les 15-24 ans, et particulièrement ceux issus des milieux populaires, la rencontre avec l’information se fait plus par inadvertance que par une démarche volontaire. « La recherche d’information chez les jeunes des couches les moins favorisées est résiduelle. Voire pratiquement inexistante. L’information s’élabore entre eux, via les vidéos qu’ils échangent et commentent sur les réseaux sociaux. Et c’est ainsi qu’ils se construisent une certaine vision du monde et de l’actualité. Un ima ginaire s’élabore dans ces pratiques numériques », a précisé Monique Dagnaud, directrice de recherche au CNRS. Ces modes de consommation de l’information qui passent par de nouveaux canaux tels YouTube ont pour conséquence d’entraîner,
selon Samuel Laurent, responsable des Décodeurs au Monde, « la disparition de la hiérarchisation de l’info ». Ainsi qu’une suprématie de l’image. « Pour eux, ce qui est im portant, c’est ce qui se voit. Or l’intox passe beaucoup par l’image sur les réseaux sociaux, où, de surcro ît, pr évalent facilement l’empathie et l’émotion. C’est ainsi qu’apr ès les attentats du 13 novembre, tout le monde a cru que le monde entier vivait aux couleurs de la France. Or 80 % des monuments “recouverts” de bleu-blanc-rouge étaient faux. » Ces informations glanées ici ou là contribuent aussi, chez les jeunes déçus de la politique et des institutions, à les rendre plus sensibles aux théories du complot. Dans ce climat de suspicion envers l’information – les adultes et les médias – qui, pensent-ils, leur «cache des choses », ils se construisent la leur dans une sphère intime et amicale qui échappe aux grands médias. Mais pousse également ces derniers à s’interroger sur les nouveaux formats à adopter pour tenter de reconquérir ce public perdu. p véronique cauhapé
« Votre rêve caché est de descendre les marches du Casino de Paris avec une plume dans le derri ère alors que vous avez le physique d’un technocrate et la distance d’un Britannique », raconte le producteur. Remilleux persiste et propose une émission à M6 (« Normal/Paranormal » diffusé en 2000) et arrive à imposer à Thomas Valentin, le numéro deux de la chaîne, cet inconnu, qui, à plus de 30 ans, va ani mer un prime time – ce qu’il n’avait jamais fait auparavant. Stéphane Rotenberg est ensuite propulsé directeur général d’Angel Productions (filiale du groupe Lagardère) : il sauve l’émission « Sagas » sur TF1, si gne les fiches de paie d’une entreprise qui fait 15 millions d’euros de chiffre d’affaires. Il dirige cette société tout en commençant à animer « Pékin Ex-
press », dès 2006. Thomas Valentin lui propose même de devenir directeur des magazines de M6 : il refuse, préférant monter sa propre société de production, Montagne rouge. « St éphane est dans une catégorie à part : il est capable d’informer et d’amuser, ils sont tr ès peu », souligne M. Valentin. Il y a quelques années, il a bien failli atterrir à France 2 pour animer des soirées, mais il est resté loyal à M6. « Là-bas, je fais mon métier d’animateur comme un journaliste, j’ai peut-être tort, explique-t-il sereinement. Il y a bien un truc qui se passe entre le privé et la télé : je n’ai pas le trac, il reste l’énergie et le sourire mais disparaît, au passage à l’antenne, un peu l’aspérité, je ne sais pas pourquoi… Si vous avez la réponse, je suis preneur. » p mustapha kessous
6 086 000
C’est le nombre de téléspectateurs réunis, partir de 20 h 55, sur France 2, mercredi 20 janvier, devant « Flic, tout simplement » Réalisé par Yves Rénier, avec Mathilde Seigner dans le r ôle principal, ce téléfilm policier, produit par Capa Drama, a assuré à la cha îne la première place du podium, avec une part d’audience de 24,5 %, selon Médiamétrie.
SPORT La Coupe Davis et la Fed Cup sur deux écrans France 2 a trouvé, mardi 19 janvier, un accord avec BeIN Sports, détenteur des droits, et la Fédération internationale de tennis pour retransmettre la majeure partie des matchs de Fed Cup et de Coupe Davis jusqu’en 2019. L’accord entrera en vigueur dès le premier tour des épreuves : soit les 6-7 février pour la Fed Cup, à Marseille, où la France rencontre l’Italie ; les 4 et 6 mars, en Guadeloupe, pour la Coupe Davis, où les Bleus seront opposés aux Canadiens. Seule BeIN Sports retransmettra les rencontres du vendredi. SÉRIES Nouvelle saison pour « La Stagiaire » Dans un entretien accordé au Film français, vendredi 22 jan-
vier, Michèle Bernier a annoncé que la série o ù elle incarne une ex-agricultrice reconvertie en juge, aux côtés d’Arié Elmaleh, a été reconduite pour une nouvelle saison de dix épisodes. Une confirmation des jolis succès de cette série, qui a réuni 4,7 millions de spectateurs lors de la diffusion du téléfilm pilote, puis 3,6 millions, lors deux premiers épisodes. TF1 adapte « The Oaks » Le 8 février, TF1 lance une nouvelle série française. Adaptée de « The Oaks » par Elsa Marpeau et Marie Vinoy, « Le Secret d’Elise » est un thriller, dont la particularité est de se dérouler sur trois époques différentes. Au casting, Bruno Bénabar, Bruno Salomone, Hélène de Fougerolles, Julie de Bona, Samir Boitard ou encore Armelle Deutsch.
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Najat Vallaud-Belkacem, trop bonne élève LCP a suivi la ministre de l’éducation nationale durant neuf mois pour nous livrer un portrait qui reste en surface
DIMANCHE 24 JANVIER
LCP
LUNDI 25 – 20 H 35 DOCUMENTAIRE
TF1 20.55 Non-stop
Q
ui ne serait pas fasciné par l’ascension fulgurante d’une jeune femme issue de l’immigration – trois caractéristiques si rares en politique – au plus haut sommet de l’Etat ? En 2004, Najat Vallaud-Belkacem était conseillère régionale, inconnue de la plupart des Français. Dix ans plus tard, à 36 ans, elle devient numéro quatre du gouvernement, et la première femme ministre de l’éducation nationale dans l’histoire de la République. C’est une rencontre avec cette intrigante ministre que proposent Françoise Degois et Romain Goguelin dans leur documentaire intitulé La Discr ète Ambitieuse. Les deux réalisateurs l’ont accompagnée pendant neuf mois, de janvier à octobre 2015, dans quelques-uns de ses déplacements, pour tenter de cerner les différentes facettes du personnage. Au bout du compte, c’est un portrait relativement en surface qu’ils nous livrent, fait de quelques mises en scène et d’entretiens avec des personnages certes très médiatiques – l’intellectuel Alain Finkielkraut, le psychanalyste Gérard Miller, des éditorialistes… –, mais dont on peut regretter qu’ils soient des observateurs assez éloignés de la ministre. Pendant les cinquante-deux minutes de visionnage, Najat Vallaud-Belkacem apparaît comme à son habitude. La mine aimable, le sourire aux lèvres, elle s’exprime posément. Sa communication est parfaitement maîtrisée, l’argumentaire toujours bien ficelé. Jamais un mot plus haut que l’autre, jamais un pas de côté. En politique, la jeune ministre avance prudemment, esquivant les pièges et ne livrant rien d’elle-même. Le seul moment, dans le film, où elle semble oublier la caméra, c’est lors d’une visite au centre social Alco, dans les quartiers nord
Film d’action de Jaume Collet-Serra (EU - Fr. - GB., 2014, 125 min). 22.50 Mentalist
Série (Saison 1, ép. 23/23). France 2 20.55 Le Seigneur des anneaux : Le Retour du roi
Film d’heroic fantasy de Peter Jackson (EU - NZ, 2003, 195 min). 0.10 Faites entrer l’accusé « La Tuerie de Monfort » Présenté par Frédérique Lantieri. France 3 20.55 Miss Fisher enquête Série (Aus., S3, ép. 7 et 8/8 ; S2, ép. 8 et 4/13).
A l’Assemblée nationale, en juin 2015.
0.55 Zoo in Budapest Comédie dramatique de Rowland V. Lee (EU, 1933, 80 min).
CHARLES PLATIAU/REUTERS
Canal+ 21.00 Football 22e journée de L1 : Lyon-Marseille.
23.15 L’Equipe du dimanche Présenté par Karim Bennani.
France 5 20.35 Deauville-Trouville, entre chic et charme Documentaire de Marion Baillot et Claire Lajeunie (Fr., 2015, 55 min).
22.25 L’Affaire Tanase, cache-cache avec la mort d’Amiens. C’est ic i qu’elle a grandi, après avoir quitté son Maroc natal à l’âge de 5 ans pour rejoindre son père, ouvrier du bâtiment. Elle y revoit des visages familiers et replonge, émue, dans ses souvenirs d’enfance. Se forger une stature
Après Amiens, elle part étudier à Sciences Po. Puis tout va très vite. Conseillère régionale Rhône-Alpes en 2004, porte-parole de Ségolène Royal lors de la campagne présidentielle de 2007, ministre des droits des femmes en 2012, puis ministre de l’éducation depuis août 2014, après le départ de Benoît Hamon du gouvernement. Un tel parcours traduit for-
Détours de Rhin
La ministre ne semble oublier la caméra qu’une seule fois, lorsqu’elle revient Amiens, où elle a grandi cément une grande ambition, et c’est l’autre facette, un peu attendue, sur laquelle se concentre le documentaire. On la suit au Salon de l’agriculture, « exercice incontournab le pour tout politique ambitieux »,
soulignent les réalisateurs. On l’accompagne sur les plateaux télévisés – son « terrain favori » –, où elle affronte ses adversaires politiques. Attentive à sa popularité grandissante, elle veille aussi à se forger une stature plus imposante encore, comme ce jour de mars 2015 où on la voit, sur le perron du ministère, accueillir un à un les ministres européens de l’éducation, ou lors de son déplacement au Chili, en avril – en pleine polémique sur la réforme du collège –, pour rencontrer la présidente Michelle Bachelet. Dans les étapes à franchir pour se forger un avenir présidentiel – celui que semblent lui prédire les réalisateurs –, Najat Vallaud-Belk-
acem paraît cocher toutes les cases. Jusqu’à courtiser les militants PS de Villeurbanne (Rhône) pour se construire un fief électoral aux législatives de 2017. « Discrète » et « ambitieuse » sont deux mots très vite employés pour décrire la ministre de l’éducation nationale. Près de dixhuit mois après sa nomination Rue de Grenelle, on aurait tout simplement aimé en savoir un peu plus. Qui est-elle ? Qu’est-ce qui l’anime ? Najat Vallaud-Belkacem reste insaisissable. p aurélie collas
La Discr ète Ambitieuse,
de Françoise Degois et Romain Goguelin (Fr., 2015, 55 min).
Savoir, croire et comprendre TOUTE L’HISTOIRE
LUNDI 25 – 17 H 45 DOCUMENTAIRE
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ne histoire commune, dont les traces sont encore visibles en ville, en plaine ou à la montagne. Habitué des prises de vues aériennes, Roland Théron propose, avec cette série documentaire (dix épisodes de vingt-six minutes), un programme original en phase avec la raison d’être d’Arte, chaîne francoallemande qui tente de mieux faire connaître l’Allemagne aux Français et réciproquement. Survolant les deux pays à bord d’un petit avion, il cible des zones où la grande histoire prend soudain des allures de réalité palpable. Dans ce premier épisode consacré aux traces de la guerre froide, les vestiges d’une époque révolue sont parfaitement visibles avec ses casernes, bases aériennes, bunkers, radars et parties parfaitement conservées du mur de la honte. De Châteauroux à Peenemünde, le voyage est instructif. Et de Baden-Baden à Trèves en passant par Bitburg, les traces de l’occupation française en Allemagne sont légion. Le commentaire rappelle que, jusqu’en 1985, de nombreux soldats français ont stationné sur le sol allemand. La présence de trou-
pes américaines en France à partir de 1948 et jusqu’en 1966 est, elle aussi, encore visible, notamment à Châteauroux où la grande base aérienne militaire et ses 8 000 soldats ont bouleversé les habitudes locales. Des témoins se rappellent des bars, des dancings, des prostituées, des hamburgers et de l’économie parallèle qui transformèrent un temps Châteauroux en mini-ville américaine. Dans l’est de l’Allemagne, la présence massive de troupes soviétiques a aussi laissé son empreinte : nombreuses casernes, hangars, et bases gigantesques. Aujourd’hui, demeurent encore sur le sol allemand une vingtaine de bases militaires américaines, près de 40 000 soldats et, paraît-il, des bombes atomiques, sujet tabou par excellence. Les prochains épisodes de cette série documentaire, diffusés du lundi au vendredi à 17 h 45, traiteront de thèmes aussi variés que la route des marchands, les paysages de vacances, mille ans de religion, les traces de la révolution industrielle, de la cité-jardin aux grands ensembles ou au temps des princes. p alain constant
France-Allemagne, une histoire commune, de Roland Théron (Fr., 2015, 10 × 26 min).
DIMANCHE 24 – 21 H 50 DOCUMENTAIRE
L
e Rapport Karski, que Claude Lanzmann réalise en 2010, n’est pas un prolongement de Shoah (1985). Même s’il a été réalisé à partir de l’entretien que Jan Karski, un messager de la Résistance polonaise, avait accordé à Lanzmann lors du tournage de son chef-d’œuvre, son propos est différent. C’est à la fois une contribution historique à la question de savoir quelle était la priorité des Etats-Unis – gagner la guerre contre l’Allemagne nazie ou mettre fin à l’extermination des juifs – et une manière d’expliciter la phrase de Raymond Aron, qui figure en introduction du film : « Je l’ai su, mais je ne l’ai pas cru. Et, parce que je ne l’ai pas cru, je ne l’ai pas su. » Dans la seconde époque de Shoah, Jan Karski fait le récit de ce qu’il a vu lors de sa visite du ghetto de Varsovie, en 1942. A la fin de ce témoignage capital, il ajoute simplement : « J’ai fait mon rapport ; j’ai dit ce que j’avais vu ! » Dans Le Rapport Karski, c’est la suite de ce récit, inédite à ce jour, que propose Lanzmann. Pour l’essentiel, Karski y relate ses rencontres, en 1943, avec le président Franklin D. Roosevelt et le juge à la Cour suprême des
Etats-Unis Felix Frankfurter. En voyant ce film, on comprend pourquoi, d’un point de vue cinématographique, Claude Lanzmann n’avait pas souhaité intégrer cette partie du témoignage dans Shoah. Filmé le lendemain du jour où il raconte ce qu’il a vu à Varsovie, c’est un autre Karski que l’on découvre, grandiloquent et qui cherche à ménager ses effets. Rien à voir avec l’inoubliable Karski de Shoah, au bord du gouffre tout au long de son récit, habité par la nécessité de transmettre son « témoignage pour l’Histoire » . « Une falsification de l’Histoire »
C’est parce que Lanzmann est en radical désaccord avec le contenu de Jan Karski, un roman de Yannick Haenel consacré à la figure du résistant polonais (Gallimard, septembre 2009) et couronné deux mois plus tard par le prix In-
Film « contraint », qui aurait pu ne jamais exister, « Le Rapport Karski » est néanmoins un document important
Documentaire d’Ionut Teianu (Fr., 2013, 55 min).
Arte 20.45 L’Evadé d’Alcatraz Film de Don Siegel Avec Clint Eastwood (EU, 1979, 110 min). 22.35 Maria Callas assoluta Documentaire de Philippe Kohly (Fr., 2007, 100 min). M6 20.55 Capital « Les Grands Secrets des petits commerces » Magazine présenté par François-Xavier Ménage. 23.00 Enquête exclusive Présenté par Bernard de La Villardière.
LUNDI 25 JANVIER TF1 20.55 Camping Paradis
Une réflexion originale, en dix épisodes, sur « Le Rapport Karski », ou l’entretien avec le résistant polonais l’histoire commune à la France et l’Allemagne exhumé en 2010 par Claude Lanzmann ARTE
VOS SOIRÉES TÉLÉ
terallié, qu’il a éprouvé la nécessité « impérieuse », dit-il, de restituer ce qu’il appelle « la vérité ». « Ce livre est une falsification de l’Histoire et de ses protagonistes », avait écrit le cinéaste, dans un article de six pages publié en janvier 2010 dans l’hebdomadaire Marianne. Film « contraint », qui aurait pu ne jamais exister, Le Rapport Karski est néanmoins un document important. Ce que rapporte Karski, personne d’autre que lui ne pouvait le dire. Personne ne s’est jamais trouvé en pareille situation. « Je ne vous crois pas, lui répondit Felix Frankfurter, après son rapport. Je ne dis pas que vous mentez, mais je ne vous crois pas. Je suis un juge des hommes. Je connais l’humanité. Ce que vous dites est im possible. » « Ce genre d’événement [l’extermination des juifs] n’était jamais arrivé, tente de comprendre Jan Karski. Pourunêtre humain normal, cultivé, avec des responsabilités politiques – pour chacun de nous, d’ailleurs –, le cerveau ne peut fonctionner que dans certaines limites : ce que notre environnement, avec les livres, la connaissance, les informations, a mis dans notre cerveau. Et, à un certain point, nos cerveaux n’ont, sans doute, plus la ca pacité de comprendre. » p franck nouchi
Le Rapport Karski, de Claude Lanzmann (Fr., 2010, 48 min).
Série (Fr., 2015, 110 min). 22.45 New York Unité spéciale Série (EU, S16, ép. 17/23 ; S15 ép. 18/24 ; S14, ép. 3 et 4/24). France 2 20.55 Castle Série (EU, S7, ép. 21/23 ; S6, ép. 17/23 ; S5, ép. 10/24). 23.05 Alcaline le concert Magazine animé par Laurent Tessier France 3 20.55 Dalida, la femme qui rêvait d’une autre scène Documentaire de Gérard Miller et Anaïs Feuillette (Fr., 2015, 100 min).
23.15 La France en docs Magazine (55 min).
Canal+ 21.00 Deutschland 83 Série (All., S1, ép. 5 et 6/8). 22.35 Spécial Investigation « Crash d’Ustica : une bavure française ? » Présenté par Stéphane Haumant. France 5 20.40 L’Orange de Noël Téléfilm de Jean-Louis Lorenzi (Fr., 1996, 120 min). 22.40 C dans l’air Magazine présenté par Yves Calvi et Caroline Roux. Arte 20.55 Une journée particulière Film d’Ettore Scola. Avec Sophia Loren (It.-Can., 1977, 110 min). 22.50 Affreux, sales et méchants Film d’Ettore Scola. Avec Nino Manfredi (It., 1976, 115 min). M6 20.55 Top Chef
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télévisions
DIMANCHE 24 - LUNDI 25 JANVIER 2016
Virgin Radio a trouvé le bon tempo
SÉLECTION RADIO
Avec Camille Combal le matin, la station se place en troisième position des radios musicales RADIO
duit par Cyril Hanouna. Ce talkshow n’est pas un succès, mais Cyril Hanouna croit en Camille Combal. Il lui a laissé la présentation du jeu « L’Œuf ou la poule ». A la rentrée 2014, la star du huitième canal de la TNT devient le producteur de la matinale que Virgin Radio a confiée à son chroniqueur. Depuis, les audiences ne cessent de progresser. « C’est l’émission que je rêvais de faire », s’enthousiasme Camille Combal. Et c’est vrai qu’elle lui ressemble : bon enfant, un peu potache, sans une once de vulgarité : « Je suis incapable de prononcer un gros mot », assure-t-il.
C’
est du jamais-vu depuis 2004 ! Virgin Radio est la troisième musicale le mat in ! La dernière fois que c’était arrivé, la station s’appelait encore Europe 2. Et depuis cette époque, elle avait connu une lente descente aux enfers que son changement de nom fin 2007 avait accélérée. Rebaptisée Virgin Radio, la station avait continué sa dégringolade et modifié plusieurs fois son format : « pop», « pop rock », « top 40 », de nouveau « pop ». La radio musicale du groupe Lagardère Active semble enfin avoir trouvé le bon tempo avec son format « pop rock électro ». « Nous sommes port és par l’arrivée d’une nouvelle scène électro incarnée par The Avener, Christine and the Queens, Synapson… », observe Roberto Ciurleo, directeur délégué de Virgin Radio, qui a lancé le nouveau positionnement en 2013. Avec une audience cumulée de 4,9 % entre novembre et décembre 2015, Virgin Radio réunit plus de 2,6 millions d’auditeurs, un record depuis cinq ans. En un an, 352 000 paires d’oreilles supplémentaires écoutent cette radio qui cible prioritairement les 2549 ans. « Nous sommes en progression sur toutes les tranches d’antenne, y compris celles consacrées essentiellement à la musique », se félicite le patron de Virgin Radio. En dépit d’une actualité tragique fin 2015 qui a plutôt favorisé les radios généralistes et d’information, la station musicale a poursuivi sa progression. « Dans un monde particulièrement préoccu pant, les gens ont peut-être envie d’écouter notre grille, qui est optimiste », explique Roberto Ciurleo. Du standard à l’antenne
La hausse est particulièrement sensible sur la case stratégique du matin. Que ce soit en audience cumulée ou en part d’audience, la station est désormais devant Skyrock, avec un gain de 231 000 auditeurs en un an. Le « Virgin Tonic » de Camille Combal captive 1,5 million de personnes (un record depuis sept ans). L’animateur, que le grand public a découvert dans « Touche pas à mon poste » (l’émission de Cyril
« Connivence avec le public »
La matinale de Camille Combal sur Virgin Radio captive 1,5 million d’auditeurs. VIRGIN RADIO Hanouna diffusée tous les jours sur D8), a désormais dépassé son maître à la radio. Il fait mieux en termes d’audience que son mentor, qui avait lui-même animé la tranche du matin pendant deux saisons entre 2011 et 2013. Sur les ondes, cela fait longtemps que Camille Combal a fait ses classes. Descendu de ses montagnes des Hautes-Alpes pour devenir comédien à la capitale au milieu des années 2000, c’est en stage à Fun Radio qu’il se retrouve. « J’ai fait des
études de management d’entre prise pour rassurer mes parents. Le deal, c’était que j’aille jusqu’à bac + 3, après, je suis parti à Paris », raconte-t-il. Devenu « le gars qui fait rigoler le patron dans les couloirs », ilpasse rapidement du standard à l’antenne. Repéré par Roberto Ciurleo, alors à NRJ, Camille Combal est propulsé en 2006 sur la première station musicale de France, le matin, aux côtés de Bruno Guillon et Florian Gazan. Deux ans plus tard, il
HORIZONTALEMENT
I. Ne feront jamais le bon poids. II. Plaqueminier et autres dures et
GRILLE N° 16 - 020 PAR PHILIPPE DUPUIS
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denses essences. Conjonction. III. Flacons à l’office ou vulgairement cassées. Bâti sur un piton de la Côte. IV. Dans la poche des Suédois. Pas très intelligent. V. Ouverture de compte. Les plus fins ont bon goût. Grecque. VI. Des rois dans nos forêts. A pris un F en s’installant à Tolbiac. Populaire chez les pompiers. VII. Ni fondus ni enchaînés. La dame du radjah. VIII. Froidement couverts. Plaisirs gourmands. IX. Bien attachée. Frappa comme une vache. X. Se détacherait sur la toile. VER TIC ALEM ENT
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1. Evite blocages et mauvaises
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SOLUTION DE LA GRILLE N° 16 - 019
Stupéfaction. II. Potage. Oieua. III. Ru. Rostre. VI.
HORIZONTALEMENT I.
Irraisonnées. V. Nao. Nana. CRS. VI. Tigrés. Quota. VII. Eloi. Saut. En.
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ULM. Rêve. IX. Somme. Iroise. X. Energisantes.
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Sprinteuse. 2. Touraillon. 3. Ut. Rogomme. 4. Para.
VERTICALEMENT 1.
Ri. Mr. 5. Egoïne. Reg. 6. Fessasse. 7. Ton. Avis. 8. Cornaquera. 9. Tien. Ut. On. 10. Ie. Eco. Dit. 11. Ouverte. Se. 12. Naissances.
conduites. 2. Belle comme une défense protégée. 3. Fait vinaigre. Frappés plus ou moins durement. 4. Pas prévues, encore moins attendues. 5. Sans vainqueur possible. Bulles du Piémont. 6. De huit en huit. Au pied des monts Matra. 7. Crie en forêt. Ne peut pas avoir raison. 8. Architectes suédois. Structure d’entreprise. 9. Sur la Tille. Travaille à la chaîne. La valeur du silence. 10. Assure la liaison. Fit obstacle. 11. Ses mesures sont trop souvent approximatives. Encas à l’italienne. 12. Mît à l’abri des germes.
arrive à Virgin Radio avec son compère Bruno Guillon pour animer le 17/20. Ballotté dans la grille, il finit par quitter la station en juin 2012. Il rejoint Michel Druckerà Europe 1, puis Cyril Hanouna, où Camille Combal apparaît parfois dans son émission « Les Pieds dans le plat ». Camille Combal s’est entretemps imposé comme un des piliers de « Touche pas à mon poste » et a même coanimé avec Ariane Mas senet « Est-ce que ça marche », toujours sur D8 et pro-
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Comme son ancien acolyte Bruno Guillon qui officie désormais sur Fun Radio à la même heure, Camille Combal s’est entouré d’une petite bande qui s’amuse des blagues de l’animateur. Clément, alias « Clément l’incruste » dan s « Touche pas à mon poste », lève la main comme à l’école quand il veut intervenir. Laure, quant à elle, n’arrête pas de se tortiller : Camille Combal a fait supprimer les chaises dans le studio « pour donner plus d’énergie ». Pauline et Ginger s’occupent, pour leur part, du standard et des réseaux sociaux. « On lance des thèmes de discussion sur la vie quotidienne, on voit comment ça r éagit », raconte Camille Combal. Les auditeurs interviennent régulièrement sur l’antenne. L’animateur les appelle aussi pour leur faire gagner un mois, une année ou même une décennie de loyers. « Il a une connivence unique avec le public», juge Roberto Ciurleo. Une proximité que la radio cultive. Elle envoie plusieurs fois par an Camille Combal faire un « world tour » de France où il visite quatre ou cinq villes en une journée. Virgin Radio dispose d’un vaste réseau d’émetteurs. « Il fallait rappeler au public que cette radio existe », explique Roberto Ciurleo. Vendredi 29 janvier, c’est devant près de 6 000 personnes que Camille Combal présentera sa matinale au Dôme de Marseille avec une affiche qui réunira Louane, Birdy ou encore Synapson. Le show devrait être diffusé par la suite sur D8. p joël morio
MUSIQUE
France Musique offre un joli cadeau à Renaud Capuçon ainsi qu’aux auditeurs. En effet, pour célébrer les 40 ans du violoniste virtuose, la station lui consacre une journée spéciale. Dès 7 heures, les auditeurs pourront découvrir la discographie, les enregistrements inédits, les archives de concerts du musicien français, qui sera présent sur le plateau. Ses amis seront conviés dans « Carrefour de Lodéon » (de 16 heures à 18 heures). En point d’orgue de la journée sera diffusé, en direct, le concert de Renaud Capuçon, à Salzbourg, dans le cadre du festival autrichien Mozartwoche. MERCREDI 27 – FRANCE MUSIQUE – À PARTIR DE 7 HEURES.
« Au cœur de l’histoire »
Avant de découvrir, le 3 février, au cinéma, l’histoire du clown Chocolat, incarné par Omar Sy, Franck Ferrand se propose de retracer celle d’Adrien Wettach, surnommé « Grock », considéré, par ses pairs, comme le plus grand clown musical du XXe siècle. MERCREDI 27 – EUROPE 1 – 14 HEURES.
CONCERTS Le violoniste David Grimal et l’ensemble Les Dissonances interprètent la Symphonie n° 5, de Chostakovitch et le Double Concerto, de Brahms. MARDI 26 – RADIO CLASSIQUE – 20 HEURES.
Dans « Partons en live », André Manoukian reçoit Flavien Berger, Women in Groove, Denez Prigent, General Elektriks. VENDREDI 29 – FRANCE INTER – 21 HEURES
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estédté parla Socétéédtrce du«Monde»SA Duréede lasocété: 99ans àcompterdu 15décembre2000. Captalsocal : 94.610.348,70¤. Actonnare prncpal: LeMonde Lbre(SCS). Rédaction 80,boulevardAuguste-Blanqu, 75707ParsCedex 13Tél. : 01-57-28-20-00 Abonnements partéléphone: deFrance3289 (Servce0,30 e/mn+prxappel) ; del’étranger: (33)1-76-26-32-89; parcourrerélectronque: abojournalpap
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Corinne Mrejen
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PARIS | MODE MASCULINE AUTOMNE-HIVER 2016-2017
Givenchy.
Berluti.
FRANCOISMORI/AP
PATRICKKOVARIK/AFP
Ann Demeulemeester. CATWALKING/GETTY IMAGES
Junya Watanabe. PATRICK KOVARIK/AFP
retour vers le futur Les collections de pr êt-à-porter homme, présentées dans la capitale, fourmillent de promesses
A
vec ses grandes maisons patrimoniales et ses designers inventifs venus du monde entier, Paris reste une plate-forme créative qui réussit à pousser la mode masculine hors de sa zone de confort fonctionnaliste. Sans complaisance esthétisante, mais avec une vision sensible, ces créateurs privilégient l’humain. Chacun à sa manière définit à travers ses collections sa perception de la masculinité, ce qu’elle peut être et surtout, devenir. Si cette mode ne manque pas de pragmatisme (elle est plus que jamais une industrie où il faut vendre), elle a aussi un côté rêveur et plein de promesses, dans une époque pourtant sombre. Chez Givenchy, on retrouve les jeunes hommes virils que le designer a imposés comme modèles. Son casting athlétique et métissé est d’une grande modernité, séduisante et dynamique. Mais son bataillon est cette saison moins prêt au combat qu’à profiter de la liberté, idée centrale de la collection. Liberté de s’habiller, de s’exprimer, liberté pour le designer de mélanger les références ; la jeunesse qui s’amuse dans les clubs de Berlin, les clichés du photographe sud-africain Frank Marshall documentant la vie des jeunes fans de heavy metal, et puis le Maroc et ses teintes de terre cuite et ses cobras qui se mêlent harmo-
nieusement dans ce vestiaire. Sandro Botticelli et de l’ Apollon et Tout est filtré, passe tranquille- Daphné du Bernin), sensible mais ment de la sobriété à une extrava- pas souffreteux. Imprimés botagance très calculée ; trench re- niques, velours dévoré bouton haussé de crocodile, blouson d’or, mailles épaisses à col monteddy à manches de cuir, manteau tant, teintes d’automne solaire ou tailleur en tweed et pantalon as- de sous-bois ténébreux, superposorti, grande veste en cuir à fran- sitions de blouson et manteau : ges, motifs patinés façon po- cette collection possède un rochette de CD de heavy metal, cos- mantisme enveloppant, rassutume noir à brides « bondage », rant et élégant à la fois. Il y a aussi vestes et chemises à microclous un peu du Heathcliff des Hauts de façon or rose, bottines de cow-boy Hurlevent dans cet homme-là en velours ou baskets blanches… avec une touche de Marquis de ces garçons conquérants assu- Sade : une personnalité complexe ment leurs envies parfois contra- qui saura se défendre dans le dictoires. Ils croisent sur le po- monde d’aujourd’hui. dium douze silhouettes de haute Le Japonais Junya Watanabe est couture, douze beautés aux allu- beaucoup plus terre à terre et se res de fées aériennes en résille de préoccupe du geek lambda. Ses dentelle et cape translucide rebrodée de cristaux, ou de reines maléfiques en manteau de cuir et fourrure noirs sur smoking clouté. Très à l’aise dans ces tesur le marché de la mode masculine, nues exceptionnelles qui seraient ailleurs confinées à des salons certaines marques ne sont pas franchement précieux, elles partagent la force compatibles avec la notion de mode. Ce sont tranquille des hommes de Ricgénéralement des griffes de tailleurs tradicardo Tisci. Une belle i dée de l’égationnelles que l’on a essayé d’entraîner loin lité pour une collection réussie, de leurs ateliers. C’est le cas de Cerruti 1881, positive, et sans mièvrerie. fondée en 1967 à Paris par Nino Cerruti, issu Chez Ann Demeulemeester, de l’industrie textile italienne. La maison Sébastien Meunier continue d’apappartient depuis 2010 au groupe chinois porter une forme de sensualité à Trinity Limited, qui a tenté une expérience une maison connue pour son romode en engageant le talentueux Aldo Mamantisme sombre. L’homme ria Camillo, venu du studio de Valentino. La dont il dessine le portrait à travers greffe n’a pas pris et la marque opère sa garde-robe est unêtre cultivé (il aujourd’hui un retour aux fondamentaux est question cette saison de avec un directeur artistique rompu aux tra-
IL EST POSSIBLE DE CONCILIER PRAGMATISME ET EXTRAVAGANCE : C’EST PARFAITEMENT RÉUSSI CHEZ LOEWE, DANS UN DÉCOR FAÇON NUAGE SURRÉALISTE
manteaux droits, vestes multipoches, costumes trois-pièces et pantalons à ourlets courts portés avec des baskets New Balance ou des gros souliers luisants (une collaboration avec le label allemand Heinrich Dinkelacker) sont parfaitement familiers. Mais les doublures aluminium empruntées à l’armée et les panneaux solaires des manteaux qui chargent une batterie susceptible d’alimenter un portable racontent une autre histoire : celle d’un garçon ordinaire dont la maîtrise du hightech changera la vie, la sienne et celle des autres. On est beaucoup moins sobre chez Maison Margiela. Grands duffle-coats revisités, avec ou
sans manches, costumes droits et longs manteaux tailleurs posent un vernis respectable sur des silhouettes collages qui télescopent blouson de moto, patchwork de jean, et combinaisons façon plongeur ou motard. On devine une sorte d’artiste un peu grunge, amateur de rave, resté coincé dans les années 1990. Il est pourtant possible de concilier pragmatisme et extravagance : c’est ce que réussit parfaitement Jonathan Anderson chez Loewe. Dans un décor façon nuage surréaliste sont réunis vestes de cuir repeintes à la main (champignons, colombes, créatures heavy metal), sacs au format volontairement démesuré, manteaux-peignoirs en tweed lavé, sweat-shirt kaki en molleton de soie et sac à tout faire épuré (le Goya). Le tout est uni par une forme d’évidence : privée ou publique, un homme a rarement une seule vie. Il n’est pas question de pragmatisme chez Comme des Garçons. Les silhouettes de chevalier postmédiéval sont composées de marqueteries de costumes et brocarts portés avec des couronnes de fleurs. Enième version du slogan hippie « Faites l’amour pas la guerre » ? Ou commentaire sur le costume comme armure sociale ? A chacun de décider. Ce conceptualisme est en tout cas naturel à Rei Kawakubo, créatrice de Comme des Garçons. Enfin chez Berluti, marque ultraclassique, Alessandro Sartori succombe à la tentation du « branché » et invite le t atoueur de Brooklyn Scott Campbell à dessiner sur ses blousons en cuir, ses souliers, voire sur les mannequins (avec du maquillage seulement). Ces pièces intrigantes détonnent : des associations de couleurs difficiles (mauve et rouille) ou des coupes dissonantes (des pantalons effet fuseau). Finalement, on se dit que cet homme-là n’existe pas. Or, sans client, où est l’avenir ? p carine bizet
Retour aux sources pour Cerrutti 1881 ditions des ateliers tailleurs : l’Américain Jason Basmajian. Passé chez Giorgio Armani, Calvin Klein mais aussi ST Dupont, Brioni (un grand nom du costume italien), puis Gieves & Hawkes, une perle de Savile Row qui appartient aussi à Trinity Limited, le designer se concentre sur l’essentiel. Pour sa première collection, Jason Basmajian fait descendre des podiums la marque au profit d’une présentation qui permet d’observer de très près les pièces sur mannequins. Manteaux de tweed i mpeccables, paletots à grandes rayures horizontales, mailles texturées, trenchs classiques coupés dans des matières techniques, pardes-
sus en mouton retourné, costumes épurés, chemise taillée comme un blouson, palette sobre (gris, noir, encre, bordeaux, olive, marine, vert sombre) : ce vestiaire est graphique et portable. «Monsieur Cerruti ne croyait pas à la mode pour la mode », rappelle le directeur artistique, qui a parfaitement rempli sa mission : recalibrer des basiques pour une clientèle classique d’aujourd’hui. La renaissance de ce type de maison se jouera bien en marge des fashion weeks mais c’est un mouvement de repli qu’il faut accepter et gérer dans un monde saturé de communication et d’images. p c. bi.
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mécaniques oniriques Surenchère technique au Salon international de la haute horlogerie, à Genève, où les montres d’exception veillent les fantasmes
genève
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lus que les autres salons horlogers, le SIHH – qui a clos ses portes le vendredi 22 janvier – accueilleà Genève des marques haut de gamme, voire franchement ésotériques. Un lieu de rêve, pas seulement au sens où de grands noms comme Cartier ou Piaget déclenchent les fantasmes. Ce salon est l’occasion d’exprimer une créativité mécanique à forte concentration et de haute intensité. Cette année, on y a donc vu, comme à l’accoutumée, pléthore de pièces que l’on appelle compliquées, c’est-à-dire présentant de nombreuses indications, permises par des mouvements mécaniques très complexes. C’est ainsi que le meilleur de cette industrie s’exprime. Elle repousse ses limites, rend hommage aux plus grandes pages de son histoire, y démontre son talent qui consiste à la fois à imaginer des solutions nouvelles et à revoir des mécanismes classi-
ques, bicentenaires et d’une finesse extrême. Les horlogers rêvent de laisser leur empreinte sur leur petit monde. Pas si petit si l’on regarde les quantités proposées. Car ces montres se négocient à des tarifs allant généralement au-delà des 150 000 euros, à l’exclusion des pièces joaillières serties. Plus de trente modèles du genre ont été présentés lors de ce salon, à peine moins que les autres années, pour une production cumulée qui dépasse les mille unités. Preuve qu’un public extrêmement fortuné ne recule toujours pas face à de tels montants.
se perd avec plaisir, parfaitement classique. C’est ce chemin qu’emprunte Parmigiani. La marque fête ses 20 ans avec la Tonda Chrono, chronographe à rattrapante au mouvement en or selon la plus auguste des traditions, un bijou de mécanique de précision à l’élégance impeccable. Comme un avion
Datograph Perpétuel Tourbillon par A. Lange & Söhne. DR
Inspirée de la lutherie
Il faut dire que la montre à complications ne transige pas avec la qualité. L’objet ne peut être que complexe, fiable, précieux et l’ensemble de ses composants, internes comme externes, se doit de présenter des surfaces soigneusement polies, satinées et autres traitements artisanaux fortement consommateurs de
main-d’œuvre qualifiée. Mais le résultat est, pour qui y est sensible, époustouflant. Audemars Piguet a ainsi revu le fonctionnement de ses montresà répétition minute, qui sonnent l’heure à la demande. La Royal Oak Concept Supersonnerie concentre nombre d’innovations dont une table harmonique en alliage de cuivre, inspirée de la lutherie, qui amplifie et enrichit le tintement des heures, assistée par des ouïes percées dans son double fond. Cette pièce adopte un design mécaniste et hyperbolique, qui est à l’opposé du style de A. Lange & Söhne. La marque allemande, une des mieux-disantes en termes de finitions, présentait un tourbillon chronographe à calendrier perpétuel, la Datograph Perpetual Tourbillon. Son mouvement est comme son cadran : un entrelacs de détails dans lequel on
Le style ultrasport, ultracompliqué, a le vent en poupe et met en avant la mécanique à travers des cadrans transparents. Le mouvement devient un langage esthétique qui dit la valeur et la rareté. Richard Mille pratique ces codes avec bonheur, y compris dans la montre issue de son nouveau partenariat avec Airbus Corporate Jet, fabricant d’avions privés sur-mesure. La RM 50-02 ACJ à la forme d’une section de carlingue ponctuée d’un hublot abrite un calibre étourdissant construit en titane, logé dans une boîte en céramique et titane-aluminium, dont le tarif pratique le vol stratosphérique. Greubel Forsey met en avant son exigence sur la construction, la mécanique et la bienfacture. La Double Balancier met à nu son fonctionnement, ses composants mais surtout leur architecture, composition tridimensionnelle, symétrique et hypnotique. Car dans ces hautes sphères, il faut lire la fonction dans la structure, comme dans un bâtiment. Et pour imposer l’intensité créative de sa vision, l’horloger la met en scène. De cette théâtralisation naissent des montres expressives, fouillées, parfois déroutantes et qui incarnent le summum de l’horlogerie. p
Royal Oak Concept Supersonnerie par Audemars Piguet. DR
david chokron
Les allumés du rouage bienvenue chez les doux dingues de
Double Balancier par Greubel Forsey. DR
l’horlogerie ! Elles étaient au nombre de neuf, neuf marques de petite taille, jeunes, indépendantes et qui ont en commun une approche décomplexée du métier. Arrivées cette année au Salon international de la haute horlogerie, elles occupent le carré des Horlogers, un espace qui leur est réservé. Certaines pratiquent l’horlogerie à la main, comme Laurent Ferrier ou Voutilainen. D’autres explorent la complication innovante comme DeBethune et sa DB25 World Traveller, qui repense l’affichage des heures universelles, ces montres qui indiquent l’heure qu’il est partout sur la planète d’un seul coup d’œil. D’autres encore ont abandonné les codes de l’horlogerie traditionnelle et inventent des formes folles, comme la HM6 SV de MB & F. Cette petite marque est connue pour ses pièces aux volumes issus d’un fantasme
de science-fiction allié à une extrême exigence mécanique. La HM6, inspirée par l’univers de Capitaine Flam, est ici protégée par une boîte en verre saphir transparent tridimensionnel avec vue imprenable sur un mouvement au look de rover lunaire. Les derniers sont de vrais fous, à l’image de HYT. Non content d’indiquer l’heure par un fluide fluorescent qui avance dans un microtube, il a logé une dynamo et une ampoule à LED pour éclairer le mouvement de sa H4 de l’intérieur. Comme pour tous ces allumés du rouage, le résultat est fou, amusant, décalé et, au final, pertinent. p d. ch.
En haut, HM6 SV par MB & F. DR En bas, DB25 World Traveller par DeBethune. DR
Parité bien ordonnée L’horlogerie féminine continue de gagner des parts de marché en s’associant à des signatures mode et en soignant les détails
A
près avoir mis les femmes à ses pieds, Christian Louboutin habille leur poignet. La collaboration du chausseur avec Jaeger-LeCoultre sur fond de 85e anniversaire de la Reverso rapproche le monde de la montre de celui de la mode. L’auteur de la fameuse semelle rouge propose une collection de bracelets conforme à l’esprit de ses réalisations : audacieuse, colorée et à la doublure vermillon. Cette horlogerie très couture qui évoque les tendances des podiums en appelle à ce même désir de rêve qui suscite les attroupements au premier rang des défi-
lés. On retrouve ce goût du beau et de la sophistication. Parmi les tandems créateur-horloger, on note l’association de Massaro et de Roger Dubuis. Le chausseur à l’origine des escarpins beige et noir Chanel signe le bracelet en cuir plissé or de la Velvet. « Projection des désirs »
Chez IWC, la collaboration avec la manufacture italienne Santoni donne naissance à la montre d’aviateur Automatic 36. Soit un modèle au cad ran de 36 mm de diamètre destiné aux poignets fins. Cette taille XS s’adresse explicitement aux dames.
UR-106 Lotus d’Urwerk. DR
Ce que veulent les femmes ? Voilà qui est compliqué. Jérôme Lambert, PDG de Montblanc, répond par une liste d’ingrédients qui font recette en 2016 : « Un mouvement automatique, des bracelets color és, des cadrans vifs, la poésie d’une complication lunaire. » Il faut aussi parler à l’es-
prit. « Nous n’avons pas besoin d’une empathie extraordinaire pour imaginer comment pensent les hommes », confie-t-il. Mais, pour la clientèle féminine, les schémas diffèrent. « Ce n’est pas un mode de fonctionnement habituel de la branche, ajoute-t-il. Il y a une projection des désirs qui de-
mande plus d’attention, un soin particulier. » L’horlogerie se nourrit beaucoup de son histoire, surtout avec la tendance actuelle au néovintage. Or, les montres pour dames ont un passé récent. « Il faut donc être imaginatif et capable de faire vivre les d étails de la belle horlogerie », conclut Jérôme Lambert. Chez Montblanc, les modèles féminins représentent 25 % de l’offre globale. Ils ont pris leur envol ces deux dernières années avec la ligne Bohème. La collection s’impose comme un mélange porteur entre créativité esthétique et maîtrise technique. Vacheron Cons-
tantin livre sa nouvelle Overseas petit modèle dans une exécution très soignée. Parmigiani Fleurier capitalise sur son ADN à travers sa montre Tonda Métropolitaine Sélène au cadran bleu abysse, signature maison. Piaget place sur orbite sa Limelight Stella sertie de diamants et affichant les phases de la lune. Et que fait Urwerk pour toucher la moitié de l’humanité, lorsqu’il lance pour la première fois un modèle féminin ? Il soigne le détail. Sa UR-106 Lotus affiche une heure satellite revisitée et une glissière de couronne adaptée aux ongles manucurés. p mathilde binetruy
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L’AIR DU MONDE | CHRONIQUE par sylvie kauffmann
La chute de la maison Russie
C’
était à Moscou, en 2013. La Russie, qui occupait la présidence tournante du G20, accueillait une réunion des ministres des finances du Groupe et Vladimir Poutine leur fit les honneurs du Kremlin. « Parlezmoi de l’ économie mondiale et moi je vais vous parler de l’économie russe », leur dit-il en toute simplicité. Le président russe se lança alors fièrement dans un exposé des performances de l’économie russe. « Il nous a dressé un tableau hallucinant, se souvient l’un des participants. Une dette quasiment nulle, une inflation complètement maîtrisée, des réserves colossales, zéro déficit, une croissance du PIB de 4 %… » A la fin, M. Poutine se tourna vers les ministres du G20 et leur demanda, goguenard : « Et vous ? » C’était le bon temps. En 2013, Vladimir Poutine était le roi du pétrole, et le prix du baril tournait autour de 110 dollars.
À DAVOS, LES RUSSES FONT PROFIL BAS. AUCUN DIRIGEANT NE VIENT PLUS PRENDRE LA PAROLE EN SÉANCE PLÉNIÈRE
tombe à 18 ou 16 dollars, un chiffre terrible si l’on sait que le coût de production d’un baril est estimé à 15 dollars en Russie. « L’Etat doit apprendre à vivre sans la manne du pétrole », plaide-t-il. En janvier, l’ordre a déjà été donné aux ministères de réduire les dépenses publiques de 10 %, le budget 2016 ayant été établi avec un scénario du pétrole à 50 dollars. Le budget militaire, lui, est sécurisé. « Je suis vraiment inquiet pour la baisse du niveau de vie des gens », dit M. Kou« Le boucher et la vache » drine. « J’espère que notre Un peu moins de trois ans plus population nous comprendra», hatard, la maison Russie a perdu de sarde M. Troutnev. sa superbe. Divisé quasiment par Le stoïcisme de la « population» quatre, le cours du pétrole conti- russe, on le sait, est légendaire, nue de baisser ; il a franchi en jan- plus encore que la cote de populavier la barre des 30 dollars le baril. rité du président Poutine, qui reste Pour un pays dont l’or noir assure spectaculairement élevée. Mais les plus de la moitié des revenus bud- experts internationaux restent gétaires, la chute est rude, ajoutée très sombres sur l’économie russe aux sanctions imposées par les pour les deux ans à venir. Evoquer Etats-Unis et l’Union européenne les facteurs extérieurs (pétrole, à la suite de l’annexion de la Cri- sanctions) pour les maux de l’écomée en 2014. Après une année de nomie suffira-t-il ? Tout le monde récession, la Russie devrait de nou- n’est pas dupe. Pas M. Koudrine, en veau subir une contraction de tout cas : l’incapacité de son pays à 2,2 % de son PIB en 2016, selon la diversifier son activité économibanque russe Sberbank, plus pes- que, son retard technologique, simiste encore que le FMI, qui, lui, l’inefficacité de l’administration, prévoit une contraction de 1 %. Le « les méthodes monstrueuses » du rouble a perdu 15 % de sa valeur de- pouvoir à l’égard du secteur privé, puis le début de l’année, avec une tout ça le fait enrager. Elizaveta Osdépréciation brutale qui a conduit, setinskaïa, rédactrice en chef de mercredi 20 janvier, la gouver- RBC, site d’informations économineure de la banque centrale russe, ques, est tout aussi critique sur les Elvira Nabiullina, à annuler son relations entre le gouvernement voyage à Davos (Suisse). et les milieux d’affaires ; elle les ilNon pas que son absence ait été lustre joliment avec le dialogue entrès remarquée au Forum écono- tre « le boucher et la vache, qui se mique mondial. « Le plus terrible regardent dans les yeux le matin, et avec la Russie, c’est qu’on n’en parle la vache se demande : qu’est-ce qu’il même plus, il n’y en a que pour la va prendre pour son petit déjeuner Chine », constate un participant aujourd’hui, du lait ou de la européen, habitué du Forum. Cela viande ? ». fait déjà deux ans que les Russes La Russie peut-elle saisir la baisse font profil bas à Davos : les grandes du pétrole comme une chance f êtes nocturnes où la vodka cou- pour mener enfin des réformes lait à flots ne sont plus qu’un sou- structurelles et transformer son venir, aucun dirigeant russe ne économie ? La plupart des experts vient plus prendre la parole en à Davos en doutent. Certains Occiséance plénière. Révolue aussi, dentaux, confrontés à l’impasse l’époque où l’on exposait les ma- au Moyen-Orient, jugent le moquettes de ce qui devait devenir ment propice à un début de réinté« la Silicon Valley russe », Skolk- gration de Moscou dans le jeu diovo, en partenariat avec le presti- plomatique international, quand gieux MIT de Boston… Cette an- la Russie est en position de fainée, Moscou n’a pu déléguerà Da- blesse économique et ne peut se vos qu’un vice-premier ministre targuer d’avoir fait avancer la solu« chargé du développement de tion pour le conflit syrien. C’est le l’Extrême-Orient russe », Youri sens de la récente suggestion du Troutnev, qui a mollement – et vai- premier ministre japonais, Shinzo nement – tenté de faire rêver son Abe, dans une interview au Finanaudience en lui assénant quelques cial Times, de réintégrer la Russie mirifiques chiffres d’investisse- dans le G8, qui, depuis l’Ukraine, ments à Vladivostok. n’est plus que le G7. L’ex-ambassaC’est finalement l’ex-ministre deur allemand Wolfgang Ischindes finances Alexeï Koudrine, l’un ger, qui organise chaque année la des très rares réformateurs encore conférence de Munich sur la sécuécoutés à Moscou, qui s’est chargé rité, souhaite que 2016 soit l’année de donner une image plus réaliste d’une « normalisation » des relade la situation russe. M. Koudrine tions avec la Russie : la décision du n’exclut pas que le baril de brut Kremlin d’envoyer Dmitri Medvedev à la conférence de Munich, à la mi-février, dit-il, est déjà un signe. Le même Wolfgang Ischinger, pourtant, constate à quel point les deux « narratifs » de la situation actuelle, russe et occidental, restent opposés. L’absence de progrès sur le règlement du conflit en Ukraine est un autre signe, négatif celui-là. Le chemin de la «normalisation » s’annonce long. p ALEXEÏ KOUDRINE ancien ministre
[email protected] des finances russe
« MOSCOU DOIT APPRENDRE À VIVRE SANS LA MANNE DU PÉTROLE »
Tirage du Monde daté samedi 23 janvier : 282 417 exemplaires
LE PATAQUÈS DES CLASSES BILANGUES
S
i vous avez aimé la polémique du printemps 2015 sur la réforme du collège et, en particulier, la suppression annoncée des sections bilangues, vous allez adorer le nouvel épisode de ce palpitant feuilleton, dévoilé vendredi 22 janvier par la ministre de l’éducation nationale. Comme souvent quand il s’agit de réformes de l’éducation, l’imbroglio est si compliqué que de solides explications sont indispensables pour tenter de comprendre. En mars 2015, Najat Vallaud-Belkacem annonce une réforme de l’organisation et des programmes du collège, qui doit entrer en vigueur à la rentrée de septembre 2016. L’ambition est louable : il s’agit de favoriser un meilleur apprentissage des savoirs fondamentaux, de renforcer l’égalité des chan-
ces et, pour cela, d’adapter le collège à la diversité de ses élèves. Dans ce cadre, il est notamment prévu de supprimer les sections bilangues, dans lesquelles les élèves sont initiés, dès la classe de 6e, à deux langues vivantes, au lieu d’une seule pour la grande majorité des collégiens. Le ministère considère, en effet, que ce dispositif élitiste ne bénéficie qu’à 16 % des élèves, en général issus des familles et des quartiers les plus favorisés. Il propose, en revanche, de généraliser l’enseignement d’une seconde langue vivante dès la 5e, au lieu de la 4e actuellement. On se souvient de la levée de boucliers immédiate. De la part des familles, attachées à ces filières plus sélectives, donc plus prometteuses. De la part des enseignants, en particulier des professeurs d’allemand, pour qui les sections bilangues ont permis, depuis dix ans, d’enrayer la chute des effectifs dans cette discipline. Ou encore de la part de tous ceux qui ont déploré la suppression d’une filière attractive et qui « marche bien », y compris dans des collèges de zones difficiles. Les autorités allemandes elles-mêmes se sont inquiétées et ont rappelé les engagements entre les deux pays en matière d’enseignement des langues. La présentation que vient de faire la ministre de sa « stratégie langues vivantes » ne manque donc pas de surprendre. Il ap-
PRÉSENTE
paraît, en effet, que 70 % des sections bilangues seront finalement maintenues à la rentrée 2016. Ce sera notamment le cas pour accueillir des élèves qui ont commencé à apprendre à l’école primaire une autre langue étrangère que l’anglais, afin de leur permettre, précisément, de se mettre rapidement à l’anglais en 6e. Najat Vallaud-Belkacem aura beau déployer toute son habileté, et elle n’en manque pas, elle pourra difficilement effacer le sentiment qu’elle a, pour l’essentiel, renoncé à une mesure qu’elle présentait il y a quelques mois comme emblématique de sa réforme. Elle pourra toujours plaider la sagesse et le pragmatisme. Elle n’en aura pas moins perdu sur les deux tableaux. Au mécontentement initial de ceux qui dénonçaient sa première décision s’ajoute désormais l’irritation de ceux qui déplorent les disparités géographiques du nouveau dispositif : alors que les collèges parisiens vont conserver toutes leurs sections bilangues, certaines académies les verront disparaître ou presque. Il est vrai que cette impression de bricolage n’est pas propre au ministère de l’éducation nationale. Depuis 2012, c’est même devenu comme une marque de fabrique des gouvernements de François Hollande. Lui-même n’échappe pas à cette critique, comme le démontre actuellement la confusion sur la déchéance de nationalité. p
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LE N°3 EN VENTE DÈS LE 28 JANVIER
35 heures : Macron sonne l’hallali Le ministre de l’économie plaide pour que les heures supplémentaires ne soient plus obligatoirement majorées, en cas d’accord entre syndicats et direction d’une entreprise ▶
Cette mesure, qu’il veut inscrire dans la réforme du droit du travail, reviendrait « de facto » à mettre fin à la durée légale du travail, fixée à 35 heures, reconnaît M. Macron ▶
La ministre du travail, Myriam El Khomri, veut, à l’inverse, maintenir un seuil minimum de 10 % de majoration des heures supplémentaires. L’Elysée est sur la même ligne ▶
A Davos, les milieux d’affaires ont fait du ministre leur champion et le poussent à ne rien céder, quitte à se lancer dans la course à la présidentielle ▶
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Orange prêt à dépecer Bouygues Telecom Les discussions entre Orange, Free et Numericable-SFR ont débuté pour le partage de leur concurrent ▶ Orange veut rétrocéder 60 % de Bouygues Telecom pour amadouer les autorités de la concurrence ▶
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Le business des essais cliniques en plein essor
S
ans essais cliniques, pas de nouveaux médicaments. Près de 20 000 essais sont en cours dans le monde, selon la base de données publique américaine ClinicalTrials.gov. Stratégiques pour les industries pharmaceutiques, ils sont cependant une des facettes les moins connues de leur activité. Et une des plus risquées, comme le démontre la mort, dimanche 17 janvier à Rennes, d’un homme à qui avait été administré un médicament expérimental du laboratoire portugais Bial. En 2015, sur les 140 milliards de dollars (129 milliards d’euros) que ces entreprises ont dépensés en recherche et développement (R&D), près de 90 milliards étaient destinés à financer des tests sur les animaux (le développement préclinique) et les hommes (le développement clinique). Selon une étude publiée en 2014 par le département américain de la santé, le développement clinique complet d’un médicament aux Etats-Unis coûterait entre 55 et 115 millions de dollars, selon les aires thérapeutiques. Loin de réaliser l’ensemble des études eux-mêmes, les industriels les confient en grande partie à des sociétés spécialisées, les Contract Research Organizations, ou « CRO » dans le jargon. chloé hecketsweiler LA SUITE PAGE 5
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90
Stéphane Richard, le PDG d’Orange, et Patrick Drahi, le premier actionnaire de Numericable-SFR, en janvier, à Paris.
MILLIARDS DE DOLLARS
MONTANT DÉPENSÉ PAR LES LABOS POUR FINANCER LES TESTS SUR LES ANIMAUX ET LES HOMMES
FRANÇOIS LAFITE/WOSTOK PRESS
INDUSTRIE
À MANNHEIM, LA DÉSILLUSION DES EX-ALSTOM RACHETÉS PAR GE → LIRE PAGE 4
SANTÉ
LE BOOM DU TOURISME MÉDICAL EN ESPAGNE → LIRE PAGE 5
OR | 1 097 $ L'ONCE PÉTROLE | 32,18 $ LE BARIL J EURO-DOLLAR | 1,0796 j TAUX AMÉRICAIN À 10 ANS | 2,05 % K TAUX FRANÇAIS À 10 ANS | 0,77 % j j
VALEURS AU 23/01 - 7 HEURES
VU DE NEW DELHI
Les nettoyeurs d’oreilles bientôt balayés
A
dieu écrivains publics, pleureuses, conteurs ou dentistes de rue… Dans un ouvrage paru en Inde en janvier (The Lost Generation, Ed. Random House, 2015, non traduit), la journaliste Nidhi Dugar Kundalia enquête sur ces professions indiennes menacées par la modernité. Dilip Pandey, écrivain public à Bombay qui prépare sa reconversion dans les assurances, lui a confié ses secrets. Les lettres destinées aux épouses seraient, selon lui, bien plus faciles à écrire que celles adressées aux amantes. « N’oublie pas de payer le loyer » ou « Prends soin de ma mère » requiert moins d’imagination que de trouver, parmi le vaste répertoire des chansons hindis, la formule idéale qui, au final, ne plaît jamais assez à son commanditaire transi d’amour. La règle d’or dans ce métier : toujours terminer une lettre par un « Tu me manques ». Mais depuis que le nombre de téléphones portables en Inde a franchi le cap du milliard, la poste indienne a révoqué les licences accordées aux écrivains publics devant ses bureaux. Les enfants de Dilip Pandey veulent désormais travailler dans la communication. «Grâce à la hausse de la scolarisation et aux nouvelles op portunités économiques, les nouvelles générations, surtout dans les villes, ont davantage de choix », explique Nidhi Dugar Kundalia. Par conséquent, ce n’est plus (ou en tout cas moins qu’avant) la caste qui définit la profession. Telles ces pleureuses du désert du Thar (nord-ouest), les rudaalis, contraintes d’officier lors des funérailles à une époque où les fem-
mes de hautes castes se devaient de cacher leur peine. L’émotion s’est depuis démocratisée et, surtout, le deuil est désormais silencieux. On ne veut plus de ces pleureuses qui se battent la poitrine et versent de chaudes larmes. La durée des funérailles s’est aussi écourtée depuis que la nouvelle peut se colporter par téléphone, asséchant de fait les sources de revenus des rudaalis. « Les gens meurent moins souvent de nos jours, soupire l’une d’elles, et il y a de plus en plus de médecins qui arrivent des villes…»
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L’irruption du commerce électronique, qui offre la livraison gratuite, et la construction de centres commerciaux climatisés ont également transformé le paysage urbain. Le trottoir des villes n’est plus le lieu de chalandise qu’il fut jadis. Bientôt, vous ne trouverez plus ces nettoyeurs d’oreilles reconnaissables à leurs turbans rouges, armés de longues tiges au bout desquelles est accroché un morceau de coton, ni ces parfumeurs qui composent un parfum comme on compose un poème, considérant l’usage de concentrés synthétiques comme « immoral ». Parfois, la reconversion est difficile. Des conteurs publics originaires d’Odisha (nord-est) ont essayé de vendre leurs récits sur cassettes, sans grand succès. Le rythme de disparition de ces professions s’accélère. Un autre visage du tourbillon de la croissance qui s’est emparé de l’Inde il y a vingt-cinq ans. p
Cahier du « Monde » N o 22091 daté Dimanche 24 - Lundi 25 janvier 2016 - Ne peut être vendu séparément
julien bouissou
ANALYSEZ 2015 // DÉCHIFFREZ 2016
2 | économie & entreprise
0123 DIMANCHE 24 - LUNDI 25 JANVIER 2016
TEMPS DE TRAVAIL
Emmanuel Macron prêt à mettre fin « de facto » aux 35 heures Le ministre de l’économie plaide pour que la rémunération des heures supplémentaires ne soit plus obligatoirement majorée
L
e gouvernement s’apprête-t-il à porter le coup de grâce aux 35 heures ? A en juger par les dernières déclarations d’Emmanuel Macron, la réponse ne fai t pas l’ombre d’un doute : c’est o ui. En marge du Sommet de Davos, en Suisse, le ministre de l’économie a indiqué, vendredi 22 janvier, que la réforme du droit du travail, en cours de préparation, donnera la priorité aux entreprises pour fixer le taux de majoration des heures supplémentaires, quitte à ce que celui-ci soit inférieur au seuil minimum actuellement en vigueur. Est-ce la fin des « lois Aubry », qui avaient réduit le temps de travail à 35 heures par semaine ? « De facto, a répondu M. Macron, mais à travers des accords majoritaires » dans les entreprises entre direction et représentants du personnel. Ce énième coup de boutoir sur un sujet emblématique à gauche sème le trouble dans la majorité parlementaire et fait lever les yeux au ciel des leaders syndicaux. Aujourd’hui, la rémunération des heures effectuées au-delà des 35 heures bénéficie d’un coup de pouce : + 25 % en l’absence de tout accord. Mais un patron peut descendre jusqu’à 10 %, à condition d’avoir conclu un « deal» avec ses représentants du personnel. Le projet de loi, porté par la ministre du travail, Myriam El Khomri, permettra à la direction d’une société et aux syndicats de s’entendre sur un pourcentage inférieur à ces 10 %, s’i ls le jugent nécessaire : c’est, en substance, ce qu’a dit M. Macron alors qu’il s’adressait, vendredi matin, à la presse internationale. « Si vous pouvez négocier des accords majoritaires au ni-
« On n’ira pas en deçà des 10 % de majoration des heures supplémentaires » MYRIAM EL KHOMRI
ministre du travail
veau de l’entreprise pour n’avoir presque aucune surcompensation, cela veut dire que vous pouvez créer plus de flexibilité » , a-t-il argumenté. Quelques heures plus tard, lors d’une conférence de presse avec des journalistes français, le ministre a précisé ses propos : « La piste est (…) de passer en dessous de 10 %.» A la question de savoir si le ratio applicable pouvait être égal à zéro, il a rétorqué : « Je n’ai pas de souhait à donner. Cela dépendra des partenaires sociaux et de l’accord. Je suis favorable à ce que la loi prévoit une capacité pour les partenaires sociaux de décider le niveau. » Mais M. Macron est allé plus loin sur un point, en affirmant qu’une telle décision pouvait résulter d’un « accord simple [30 % des voix au minimum des représentants du personnel] ou majoritaire ». « C’est à définir », at-il confié.
pourra se faire que dans le cadre du travail conf irme cette ligne : qu’elles servent de référence pour « On est en train d’un accord majoritaire avec les rel’objectif est de donner « un plus décompter le nombre d’heures de se tirer grand champ à la négociation supplémentaires. Supposons que présentants des salariés ». L’intend’entreprise. Mais il n’y a pas de re- celles-ci soient rétribuées à coups tion de l’exécutif, ajoute-t-on dans une balle dans mise en cause du taux minimum de lance-pierre, voire sans majoral’entourage du chef de l’Etat, n’est le pied. Cela pose de majoration des heures supplé- tion : une telle hypothèse constipas de torpiller un système mis en mentaires ». tuerait « une remise en cause de place par un gouvernement de un problème de Cette querelle sur des pourcenta- facto des 35 heures », convient cette gauche. « La 36e heure sera toujours ligne politique » payée davantage que la 35e», préciges est tout sauf byzantine. même source. Comme l’explique une source au A l’Elysée, on soutient néanse-t-on. YANN GALUT sein de l’exécutif, en première li- moins que les propos de M. Madéputé PS du Cher Lassitude et colère syndicale gne sur le dossier, la réglementa- cron ne dépassent pas le cadre de Querelle de pourcentages tion a évolué depuis une dizaine ce qui est prévu : il n’a fait que rapLa sortie de M. Macron est diverAu ministère de l’économie, on d’années et donne une grande li- peler le « schéma qui ouvre une sement accueillie au Parti sociaplaide que ces positions ne sont berté de manœuvre aux entrepri- large part à la négociation au sein liste (PS). Son premier secrétaire, pas nouvelles. M. Macron les avait ses pour déroger à la durée légale des entreprises », notamment en Jean-Christophe Cambadélis, la déjà exposées, en août 2014, dans du temps de travail. Si les « 35 heu- matière d’organisation du travail. relativise. Pour lui, le ministre de un entretien à l’hebdomadaire Le res » gardent encore un caractère Les dirigeants de société « ne pourl’économie « n’a pas voulu se déju Point , quelques jours avant d’être contraignant, c’est surtout parce ront pas décider seuls, cela ne ger devant la presse internationale nommé à Bercy. Elles correspondent, estime-t-on dans l’entourage du ministre, « à la voie ouverte par le président de la République lors de ses vœux aux acteurs d e l’entreprise et de l’emploi », le 18 janvier 2016. A mises en place par les lois Aubry de 1998 au-delà encore, s’il trouve un terrain d’enC’est pourquoi « parler du “carcan des ceci près que François Hollande ne et de 2000, les 35 heures constituent un tente avec les représentants du personnel 35 heures” n’a aucun sens», écrivent Jacques s’était pas montré aussi précis : ce épouvantail pour la droite. Dans son livre ou si un « deal » en ce sens a été conclu au Barthélémy et Gilbert Cette dans une étude La France pour la vie (Plon, 264 pages, niveau de la branche. jour-là, il avait seulement expliqué réalisée pour le compte de la Fondation que le projet de loi, porté par 18,90 euros), à paraître lundi 25 janvier, NiEn outre, plusieurs dispositifs dérogatoi- Terra Nova, publiée en septembre 2015. Ce Mme El Khomri, « permettra de réécolas Sarkozy regrette, sur ce sujet, ne pas res donnent des marges de manœuvre aux chiffre n’est pas un « plafond » mais « unicrire les règles en matière de temps être « [allé] au bout » durant son quinquen- patrons. Exemple : le forfait jours, institué quement le seuil à partir duquel s’applique de travail (…) sans remettre en nat. Autrement dit, de ne pas avoir mis fin par une des lois Aubry, comptabilise le la majoration due par l’employeur en cas cause la durée légale ». Dans ce à un système qui fixe la durée légale du tra- temps de travail en jours sur l’année, et d’heures supplémentaires », renchérit Jeanschéma, l’accord d’entreprise aura vail à 1 607 heures par an. non plus en heures sur la semaine. Une li- Denis Combrexelle, le président de la secvocation à « fixer les modalités d’orPourtant, le dispositif instauré par le gou- mite est prévue dans les textes : pas plus de tion sociale du Conseil d’Etat, dans un rap ganisation du temps de travail (…) vernement de Lionel Jospin a déjà été très 218 jours. Mais le salarié peut travailler jus- port également diffusé en septembre 2015. en permettant par exemple de fixer largement assoupli. Plusieurs textes légis- qu’à 235 jours par an – voire 282, au maxiLes statistiques montrent d’ailleurs que le taux de majoration et le nombre latifs, promulgués en 2003, 2004 et 2008, mum, théoriquement. les salariés français du privé à temps plein d’heures supplémentaires ». apportent des aménagements qui permettravaillent au-delà de la durée légale hebPeu après l’intervention de tent aux employeurs de moduler aisément Pas un « plafond », mais un « seuil » domadaire : 39 heures en 2014, selon l’ofM. Hollande, Mme El Khomri avait les horaires si un accord est conclu par les Le nombre de personnes concernées par ce fice européen des statistiques Eurostat. Un manifesté le souhait que soit partenaires sociaux au niveau de la bran- forfait jours – des cadres, le plus souvent – niveau inférieur à celui qui prévaut au maintenu le plancher de 10 %, che ou de l’entreprise. est loin d’être négligeable. Selon une étude Royaume-Uni (42,4 heures par semaine, le mais en ajoutant que « tout est sur Ainsi, le seuil annuel de 1 607 heures de la Dares (un service du ministère du tra- record) et en Allemagne (40,5). Seuls trois la ta ble ». Le 19 janvier, son dispeut être dépassé grâce à des contingents vail), ce système s’appliquait à 13,3 % du pays de l’Union européenne (sur 28) sont cours était plus ferme : « On n’ira d’heures supplémentaires, fixés à personnel des entreprises d’au moins derrière la France : les Pays-Bas (38,9 heu pas en deçà des 10 %. » Sollicité par 220 heures par an en l’absence de tout ac- 10 salariés en 2014 (contre 11,8 % en 2010, res), l’Italie (38,7) et le Danemark (37,8). p Le Monde, le cabinet de la ministre cord. Mais un chef d’entreprise peut aller soit 1,2 million de salariés). b. bi.
La durée légale du travail a déjà été beaucoup détricotée
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A Davos, l’élite de la finance atteinte de « macronite» Le ministre de l’économie est incité à pousser plus loin les réformes clubs de dirigeants mondiaux. « Il a l’envie « M. Macron est une figure qui est et l’énergie mmanuel qui ? Macron reçue positivement dans les milieux who ? Un so ndage rapide d’affaires», dit la Canadienne Mode la réforme » dans les couloirs de Davos, nique Leroux, PDG de Desjardins, ANTOINE FRÉROT en Suisse, où se presse le gratin de le premier groupe financier cool’économie mondiale depuis mer- pératif au Canada. « Il y a une curioPDG de Veolia credi 20 janvier, montre que le mi- sité bienveillante à son égard. Il s’est nistre de l’économie reste encore construit un début d’image sur la loin de la notoriété d’une Christine scène internationale », ajoute Ber- par les hommes politiques qu’ils Lagarde, la Française la plus en vue trand Badré, directeur financier de sont bluffés par un ministre capadu Forum économique mondial. la Banque mondiale. « Il com- ble de parler avec eux stratégie ou Mais jeudi et vendredi, Emmanuel mence à être connu, avec une conquête de nouveaux marchés. Macron s’est employé à se propul- image positive, confirme un finan- « C’est un peu le borgne au royaume ser sur la scène internationale. cier du Moyen-Orient. Ce que l’on des aveugles », glisse un des rares Une sortie cruciale à un peu plus ne mesure pas bien, c’est son in- dirigeants immunisés contre la d’un an de l’élection présidentielle. fluence. » Le domaine où le minis- « macronite » ambiante. A la façon d’un marathonien, le tre jouit de l’exposition maximale Les autres louent en chœur sa ministre a multiplié les interviews reste l’univers des nouvelles tech- disponibilité, son écoute, son couavec des chaînes américaines, CNN nologies. Jeudi soir, il a ainsi ba- rage. « Il a l’envie et l’énergie de la réInternational, CNBC et Bloomberg. vardé avec Eric Schmidt, le patron forme», plaide Antoine Frérot, le Très à l’aise en anglais, avec la de Google, qui donnait une soirée PDG de Veolia. « Il est l’un des très pointe d’accent français dont raf- parmi les plus courues de la se- rares hommes politiques, de gaufolent les Anglo-Saxons, capable maine. L’occasion aussi pour le mi- che comme de droite, qui soient d’alterner blagues et analyses de nistre d’échanger avec Travis Kala- authentiquement pour la liberté d’entreprendre, qui est source fond, en abusant toutefois du «for nick, le fondateur d’Uber. sure », il était comme un poisson d’émancipation sociale », ajoute dans l’eau. M. Nanterme. VRP de luxe Si le ministre a également parti- Quatre heures auparavant, EmmaPour ficeler ses réformes, Emmacipé à un débat retransmis sur la nuel Macron s’était rendu à un nuel Macron s’est inspiré des traBBC portant sur la crise des réfu- cocktail organisé par Business vaux la commission Attali. A l’Elygiés en Europe, qui montre sa vo- France pour rassembler la com- sée, il avait créé autour de lui un lonté de se positionner sur tous les munauté française présente à Da- cercle de jeunes dirigeants, sujets, il était surtout là pour mar- vos. Quelques jeunes pousses comme Isabelle Kocher, la future teler la nécessité d’« accélérer et comme Devialet, le fabricant d’en- numéro un d’Engie, ou Patrice amplifier » les réformes en France, ceintes haut de gamme, ou Holî, Caine, le PDG de Thales, auprès de lors de ses différents meetings une entreprise lyonnaise spéciali- qui il testait ses idées. Que le miavec des investisseurs, des patrons sée dans les objets connectés, se li- nistre parle d’or aux oreilles des ou des journalistes. L’étoile mon- vraient à des démonstrations de chefs d’entreprise, c’est une évitante était venue convaincre mais, leurs produits. Emmanuel Macron dence. Mais, bizarrement, rares en sens inverse, elle a pu mesurer à était tellement passionné qu’il en sont ceux qui lui opposent ses acla fois le désespoir des milieux a raté son rendez-vous avec le mi- tes. « Sur le discours, je ne peux qu’être d’accord, mais ensuite, il d’affaires internationaux vis-à-vis nistre indien des finances ! « Il a la cote avec les start-up. Il faut faireautrechoseque libéraliser du retard pris par la France et aussi parle notre langage, connaît nos les bus », glisse bien ce grand inleur soutien à sa personne. « Vu de l’étranger, les réformes qui enjeux », relate Jérôme Schonfeld, dustriel… ont lieu en France, c’est zéro. cofondateur de Holî. Quand il « Il ne suffit pas d’annoncer la ré L’Hexagone est devenu invendable avait quitté l’Elysée, à l’été 2014, forme pour que le pays se moderauprès des investisseurs. Le seul qui l’ex-secrétaire général adjoint nise. Ni de mettre Emmanuel Maincarne encore une lueur d’espoir s’était d’ailleurs rendu en Califor- cron en vitrine si ce sont les immo pour le redressement économique nie afin de poser des jalons en vue bilistes qui sont en cuisine », a attade votre pays, c’est Emmanuel Ma- d’une reconversion entrepreneu- qué durement Henri de Castries, le cron », tranche un banquier étran- riale. Mais François Hollande lui PDG d’Axa, dans une interview au ger : « S’il en a besoin , il n’aura avait alors proposé de rentrer au Figaro le 9 janvier. Une opinion qui aucun mal à trouver des finance- gouvernement… compte, car le président du Bi lderments. Mais il faut qu’il se décide Que les patrons de start-up adu- berg est un des patrons français les vite… » Un appel des plus clairs à lent leur VRP de luxe, cela fait sens. plus respectés à l’étranger. une candidature Macron. Mais l’enthousiasme qu’il provoMais les voix discordantes resNi chef d’Etat ni candidat à la pré- que à Paris chez nombre de diri- tent assourdies, comme si chacun sidentielle, Emmanuel Macron ne geants de grands groupes ne laisse intégrait la marge de manœuvre libénéficie pas d’une notoriété ex- pas de surprendre. « Je l’adore », mitée dont bénéficie le ministre. tra-large. Cependant, il connaît les s’exclame un banquier. « Il me « On aurait tous voulu que sa prepuissants. Une longue accolade plaît », lâche un industriel. Des mière loi aille plus loin, mais, gouavec Lakshmi Mittal, le président phrases à la limite de la déclaration verner, c’est être à la rencontre de d’ArcelorMittal, ou avec Mark Car- d’amour, dont personne n’aurait l’ambition et du faisable. Il a identiney, le gouverneur de la banque imaginé qu’elles puissent tomber fié les blocages, mais il a un trop petit ministère pour l’ampleur de la tâcentrale d’Angleterre, rappelle vite de la bouche de ces durs à cuire. « Il a un don rarissime, c’est le cha- che », analyse Thierry Breton, le paque l’ancien banquier de Rothschild, puis secrétaire général ad- risme. Il charme les patrons comme tron d’Atos, ex-ministre de l’éconojoint de l’Elysée, a beaucoup bour- il séduit les gens en général », ré- mie, des finances et de l’industrie. lingué. C’est la première fois qu’il sume Pierre Nanterme, le PDG A l’approche du scrutin présise rend à Davos en tant que minis- d’Accenture, qui se souvient com- dentiel, cette marge de manœuvre tre, mais il y était déjà venu deux ment un jeune Emmanuel de risque de se réduire davantage. Le fois dans ses fonctions précéden- 29 ans avait mis dans sa poche destin du texte mort-né de la loi tes. En 2014, il avait également par- en 2007 les ténors siégeant à la Macron 2 en est un premier sympticipé, à Copenhague, au sommet commission Attali, y compris le tôme. « François Hollande a utilisé du Bilderberg, le plus huppé des président de Nestlé, Peter Brabeck, Emmanuel Macron pour retirer de qui lui confiera un très gros man- l’air à Manuel Valls. Il ne l’a pas dat lorsque Emmanuel Macron laissé faire pour autant. Le risque pour lui, maintenant, c’est d’être passera chez Rothschild. « Macron a « Il connaît l’entreprise, l’écono- seulement le bouffon du roi », pourun don rarissime, mie, la mondialisation et il est prag- suit un déçu, rejoignant ainsi matique. Cela donne de l’espoir l’analyse qui transpire à Davos : c’est le charisme » pour la France », liste Pierre Gattaz, l’heure de vérité pour Emmanuel PIERRE NANTERME le président du Medef. Certes, les Macronapproche. p i. ch. PDG d’Accenture patrons sont tellement désabusés - envoyée spéciale
davos
E
après ses déclarations d’août 2015 », lors de l’université d’été du Medef. A cette occasion, M. Macron avait lancé : « La gauche a pu croire, il y a longtemps, que la France pourrait aller mieux en travaillant moins. Tout cela est désormais derrière nous. » Mais de nombreux députés PS en ont assez des « déclarations tonitruantes » du ministre de l’économie, à l’image de Yann Galut, élu dans le Cher. « A reprendre tou jours des positions qui ne viennent pas de notre camp, on est en train de se tirer une balle dans le pied, at-il regretté, vendredi, sur Europe 1. Cela pose un problème de li gne politique et (…) de signal qu’on envoie à la gauche. » M. Galut aimerait qu’au sommet de l’exécutif il y ait plus de clarté, « pour que l’on sache où l’on va ». Du côté des syndicats, on oscille entre lassitude et colère. « Le sujet a été tranché par la minis tre du travail et il est inutile d’y revenir », réagit Véronique Descacq, secrétaire générale adjointe de la CFDT. « Emmanuel Macron dit être partisan de la réforme radicale, enchaîne Jean-Claude Mailly, secrétaire général de FO. Mais c’est une révolution libérale. » L’idée défendue par le ministre de l’économie revient à faire « travailler plus sans gagner plus », fustige-t-il. Une fois de plus, M. Macron tient à démontrer qu’il est un homme libre, quitte à contredire une de ses collègues. « Si j’avais un pouvoir sur la chose, je demanderais à tout le monde de la fermer » , lâche une source, en charge du dossier. p bertrand bissuel, isabelle chaperon (à davos),
et nicolas chapuis
Un rapport du Sénat envisage d’autres pistes Augmenter la durée légale du travail de deux heures par semaine, en la faisant passer de 35 à 37 heures, sans compensation salariale, permettrait de baisser le coût du travail de l’ordre de 3 %, selon un rapport sénatorial publié mercredi 13 janvier. L’évolution des règles (durée légale, majoration des heures supplémentaires) constitue « un levier important de renforcement de la compétitivité des entreprises » et du « potentiel de croissance » , estime le rapporteur général de la commission des finances du Sénat, Albéric de Montgolfier (Les Républicains). Quatre scénarios sont envisagés par le sénateur d’Eureet-Loir : une hausse de la durée du travail sans compensation salariale, une suppression de la majoration pour les heures supplémentaires, un report du seuil de déclenchement des heures supplémentaires (par exemple au-delà de 36 heures travaillées, et non plus 35), ou encore une diminution de la majoration pour heures supplémentaires.
Emmanuel Macron, au Forum économique mondial de Davos (Suisse), vendredi 22 janvier. JEAN-CHRISTOPHE BOTT/EPA/MAXPPP, SIMON DAWSON/BLOOMBERG/ GETTY IMAGES, RUBEN SPRICH/ REUTERS, MICHEL EULER/AP
4 | économie & entreprise
0123 DIMANCHE 24 - LUNDI 25 JANVIER 2016
L’amère désillusion des ex-Alstom de Mannheim General Electric a annoncé la suppression de 1 066 postes dans l’usine allemande qu’il vient de racheter REPORTAGE mannheim
A
Peu de gens s’inquiètent vraiment du sort des ouvriers d’Alstom dans cette région très industrialisée
- envoyée spéciale
Mannheim, sous le porche d’entrée de l’usine Alstom, rachetée par General Electric (GE) à l’automne 2015, c’est comme si les murs pouvaient pleurer. Entre les briques rouges aux bords irréguliers, on peut encore sentir la trace laissée par le doigt du maçon dans le ciment. A l’entrée, une plaque rappelle la mémoire des centaines d’ouvriers tombés au front pendant la première guerre mondiale. L’usine, ouverte en 1900 par le suisse BBC et qui a vu sortir de ses ateliers quelques-unes des plus célèbres turbines du pays, est aujourd’hui menacée de fermeture définitive. C’est du moins la crainte des salariés, qui ont appris, mercredi 13 janvier, que la direction de l’américain GE projetait de supprimer 1 066 emplois sur les 1 700 que compte le site de Mannheim, situé dans le sud-ouest de l’Allemagne. Parmi eux, les 500 salariés affectés à la production de turbines devront se chercher un nouvel employeur. Si cette décision était confirmée, ce serait un coup fatal porté au cœur de cette vieille dame de l’industrie allemande. L’usine a produit en 1902 la première turbine du monde, destinée à équiper la nouvelle centrale électrique commandée par la ville en 1898, à l’aube de son gigantesque développement industriel. 12 000 salariés travaillaient sur le site dans les années 1970. Giovanni Sarro est l’un d’eux. « J’ai grandi dans cette usine », dit-il. Arrivée d’Italie avec ses parents à l’âge de 6 ans, il est entré chez BBC comme apprenti tourneur en 1977. Il a vécu toutes les évolutions de l’usine, au gré des reprises, des fusions et des suppressions d’emplois qui les ont accompagnées : BBC, ASEA, ABB, Alstom et enfin, GE. « L’annonce du plan social a été pour moi un coup de massue. Nous nous atten-
L’usine Alstom de Mannheim (Bade-Wurtemberg). ALINA EMRICH POUR « LE MONDE » tions à des suppressions d’emplois, nous en avons connu d’autres, mais pas de cette ampleur », explique-t-il. « Depuis dix-huit mois, pas une seule commande n’est entrée. L’usine a très peu de chances de survie », soupire-t-il dans son allemand teinté à la fois d’italien et de pointes d’accent local.
les huit sites européens. Nous Power », tranche Elisabeth Möller, avons l’impression qu’à cause des présidente du comité d’entreprise promesses faites par GEau gouver- d’Alstom Allemagne. nement français, les suppressions Mercredi 13 janvier, 1 200 salad’emplois chez nous sont plus im- riés ont défilé à Mannheim pour portantes que prévu », s’agace protester contre le plan social. Le Reinhold Götz, directeur chez IG conflit promet d’être long. « Il y aura une forte résistance. Nous Metall. Selon les plans de la direction du avons du souffle, nous sommes groupe américain, 1 700 emplois très a guerris », menace M. Götz, sont sur la sellette en Allemagne, qui sait qu’il peut compter sur les « Tournant énergétique » Au syndicat IG Metall, on ne déco- sur les 6 800 qui doivent être sup- énormes moyens du syndicat IG lère pas. « L’Allemagne paye un très primés en Europe, dont 4 700 dans Metall – le plus gros d’Europe – lourd tribut à cette fusion Als- le seul secteur de la production pour financer le bras de fer. Les potom-GE. Les deux sites de produc- d’électricité. Actuellement, Als- litiques sont là aussi : le vice-chantion allemands d’Alstom Power tom-GE emploie 24 500 personnes celier et ministre de l’économie, [production d’électricité], à Man- sur le Vieux Continent. « Ce n’est Sigmar Gabriel, est passé à Mannnheim et à Bexbach [Sarre], sont pas une alliance, c’est la destruc- heim à l’automne, pour assurer menacés de fermeture, les seuls sur tion pure et simple d’Alstom les salariés de son soutien. Ces
Le siège intelligent, star de la voiture de demain Surfant sur la mode des objets connectés, Faurecia a mis au point un fauteuil biométrique
I
l ressemble à n’importe quel siège automobile. Peut-être est-il un peu plus confortable. Le cuir noir est élégant et souple. Mais là n’est pas la question. On s’installe. Sur une tablette attenante s’affichent deux indicateurs : le rythme cardiaque et le rythme de respiration de la personne assise. A partir de ces données, on peut estimer son degré de stress ou d’éveil… Ce siège est l’une des innovations les plus spectaculaires que présente Faurecia lors du Salon de l’automobile qui se déroule à Detroit jusqu’au 24 janvier. « Tous les constructeurs sont venus découvrir ce siège. Il y a un grand intérêt de l’industrie pour ce produit », indique Philippe Aumont, le patron de la recherche et développement pour les sièges de l’équipementier. De quoi permettre à la société française de basculer dans une nouvelle ère. Créé en 1997, après le rachat de Bertrand Faure par Ecia, détenu par PSA, Faurecia s’est progressivement structuré en deux grandes divisions : l’environnement, qui inclut les questions de dépollution, d’allégement des matériaux et de récupération d’énergie, et le confort intérieur, qui englobe la définition du cockpit (planche de bord) ou les sièges. Concernant ce dernier pôle, le groupe est déterminé à proposer l’ensemble des solutions de con-
fort pour la voiture autonome et dormissement. Si nous pouvons le connectée qui est en train d’émer- repérer, nous pourrons proposer en ger. Cela passe notamment par le retour un massage énergisant ou développement de sièges intelli- un souffle d’air froid permettant de gents. « Notre démonstrateur “Ac- rendre plus attentif le conducteur. tive Wellness” est un exemple de ce De même, si l’on détecte un trop que nous envisageons de dévelop- grand énervement, on peut propo per à l’avenir, assure au Monde ser un massage relaxant et chaud, Yann Delabrière, le PDG du voire lancer une musique ou une lugroupe. Il existe un grand appétit mière plus apaisée… » des consommateurs pour connaîA plus long terme, indique Mattre leur état de santé, comme le dé- thew Benson, on peut imaginer montre le succès des “Wearables”, d’autres utilisations. « Relié à un ces objets portables qui mesurent le système Fitbit, qui mesure l’activité rythme cardiaque ou la distance physique par exemple, on pourra parcourue…» croiser les données et préparer la voiture. Si, avec Fitbit, on repère un état d’excitation, on peut par « Massage énergisant » L’idée de ce siège biométrique est exemple refroidir le siège avant née après un atelier de réflexion l’arrivée du conducteur. En cas sur les pistes d’amélioration du d’accident, on peut imaginer qu’en confort du passager, raconte Mat- actionnant l’e-call, le système d’apthew Benson, chargé de l’innova- pel d’urgence des secours, qui est tion avancée. « Depuis plusieurs désormais obligatoire dans les véannées, nous explorons cette idée hicules, des données sur l’état du avec la Nasa et l’Ohio State Univer- passager pourront être partagées sity. Et, depuis un an, nous nous avec l’ambulance… » sommes rapprochés d’Hosanna, Tout cela n’est pour l’instant que une start-up américaine, pour dé- promesses. En pratique, Faurecia velopper un système de capteurs et son partenaire Hosanna n’ont installés dans le siège pour récupé- posé que les premières briques rer deux données essentielles. » d’un futur système qui ne pourCes données doivent ensuite être rait être dans les véhicules qu’à traitées et analysées pour aboutir à partir de 2020. « Afin de diagnostiquer correcteplus long terme à un diagnostic afin de proposer des mesures ment l’état d’un conducteur, il faut « correctrices », poursuit le respon- pouvoir disposer de plusieurs sable. « Le ralentissement du autres paramètres que les seuls rythme du cœur et de la respiration rythmes cardiaques et de respiraest souvent le signe d’un état d’en- tion, précise Guillaume Perronet,
le directeur de la stratégie de la division siège de Faurecia. On peut imaginer ajouter des données d’une caméra ou de capteurs sur le volant pour repérer par exemple la transpiration. Ensuite, il faudra élaborer un diagnostic. Nous travaillons avec des médecins pour les définir. Ce que l’on sait déjà, c’est que ce ne sont pas les données à un moment “M” qui comptent, mais leur évolution sur un temps long. Et comme un conducteur utilise un siège plusieurs fois par jour, on peut disposer de séries de données… » Dans l’immédiat, ce futur siège intelligent pourrait aider à lutter contre l’endormissement. Dans un second temps, l’idée est de donner des outils à la future voiture autonome. « Quand la voiture sera autopilotée, elle aura toujours besoin d’une personne derrière le volant, qui peut être ap pelée à reprendre à tout moment le volant. Avec des capteurs dans le siège, on sera en mesure de savoir si la personne est en capacité de re prendre le volant rapidement», reprend Philippe Aumont. D’autres acteurs pourraient être intéressés par les données collectées dans le véhicule, comme les médecins, pour assurer un suivi d’un patient, ou les assurances médicales… Il faudra avant tout convaincre les conducteurs de se laisser ausculter de la sorte. p philippe jacqué
derniers brandissent une étude réalisée avec l’aide d’un institut de recherche qui brosse plusieurs solutions de reconversion de l’usine, notamment dans le domaine du démantèlement nucléaire. General Electric n’a pour l’instant pas réagi à ces propositions. Interrogé par Le Monde, le groupe précise attendre la version définitive du rapport, à paraître en février. Mais « même cette étude ne le conteste pas : la production de turbines à gaz et à vapeur n’est pas une solution économiquement viable à ce jour pour l’usine de Mannheim, explique un porte-parole de GE Allemagne. Alstom doit être restructuré pour s’adapter au marché
européen, où les commandes pour les centrales fossiles sont actuellement en recul. » La sortie du nucléaire et le « tournant énergétique », lancés par Angela Merkel en 2011, ne sont pas pour rien dans cette situation. En Allemagne, du fait du recours prioritaire aux énergies renouvelables, les centrales à charbon et à gaz ont vu s’effondrer leur rentabilité. Dans la vieille usine de Mannheim, les machines fonctionnent depuis des semaines au ralenti et beaucoup d’ouvriers sont au chômage partiel. Mais, en dehors, l’activité bat son plein. La menace de désindustrialisation de la ville, brandie par le syndicat, peine à convaincre et peu de gens s’inquiètent vraiment du sort des ouvriers d’Alstom. Dans la région Rhin-Neckar, un cœur industriel du pays lové au confluent de deux fleuves majeurs, des dizaines de cheminées fument en permanence. Nœud ferroviaire et autoroutier, la région abrite des milliers d’entreprises, grands groupes et PME. Daimler construit ses bus Evobus à Mannheim, le géant BASF a son siège de l’autre côté du Rhin, à Ludwigshafen. Les américains John Deer et Caterpillar y ont des chaînes de production. Le groupe SAP n’est qu’à une trentaine de kilomètres. « C’est une région dynamique, au tissu industriel très solide et diversifié », explique Alexander Wünsche, du cabinet PwC Mannheim. Pour les salariés de l’usine Alstom-GE, le combat pour l’emploi est loin d’être gagné. p cécile boutelet
130 MILLIONS
C’est le montant, en livres (soit 172 millions d’euros), que versera Google au fisc britannique au titre d’arriérés d’impôts couvrant les dix dernières années. L’accord a été annoncé vendredi 22 janvier. Depuis plusieurs années, les autorités britanniques menaient une enquête pour déterminer si la firme de Mountain View (Californie) contournait le régime fiscal en vigueur au Royaume-Uni, en comptabilisant ses profits en Irlande, où se trouve le si ège de sa branche europ éenne, plutôt qu’à Londres.
TRANSPORTS La SNCF va facturer l’échange ou l’annulation des billets de TGV
compagnies aériennes de réduire leurs vols de 40 % à 50 %. – (AFP.)
Selon Le Parisien du samedi 23 janvier, la SNCF envisage de mettre fin, à partir d’avril, à la gratuité des échanges ou annulations de billets de TGV. Jusqu’à l’avant-veille du jour du voyage, cela coûtera 5 euros, le tarif passant ensuite à 15 euros jusqu’au départ. Seul l’échange et le remboursement le jour du départ étaient jusqu’à présent payants, facturés 12 euros.
AUTOMOBILE Renault-Nissan va investir en Argentine
Grève des contrôleurs aériens le 26 janvier Les deux principaux syndicats des contrôleurs aériens, le SNCTA et l’Usac-CGT, ont appelé, vendredi 22 janvier, à une grève mardi 26 janvier. Ils rejoignent l’appel à la grève des syndicats de fonctionnaires pour la sauvegarde de l’emploi et des salaires. La Direction générale de l’aviation civile pourrait demander, lundi 25 janvier, aux
Renault-Nissan investira 600 millions de dollars (555 millions d’euros) dans la fabrication de trois modèles de pick-up en Argentine, a annoncé, vendredi 22 janvier, la présidence argentine. La veille, Coca-Cola avait également promis un investissement de 1 milliard de dollars dans le pays. – (AFP.) FINANCE La note de la Grèce relevée
Standard & Poor’s a annoncé, vendredi 22 janvier, avoir relevé sa note souveraine de la Grèce, qui passe ainsi de « CCC + » à « B – », en évoquant le respect par Athènes des conditions posées à l’obtention de son troisième plan d’aide international, de 86 milliards d’euros. – (AFP.)
économie & entreprise | 5
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Le business encadré mais risqué des essais cliniques
mieux soigner les patients avec des molécules innovantes, et de réunir des données les plus fiables possibles pour aider les autorités de santé à apprécier la valeur des nouveaux médicaments. » Aucune anomalie
A Rennes, un homme est mort le 17 janvier après avoir testé un médicament expérimental suite de la premi ère
page
Dans l’ombre des grands noms de la pharmacie, ces géants baptisés Quintiles, Covance, Parexel ou Icon pilotent des milliers d’études dont les données détermineront l’avenir d’une molécule. Ces multinationales – les cinq premières totalisent plus de 20 milliards de dollars de capitalisation boursière – sont capables de gérer de A à Z les essais : définition du protocole, discussions avec les autorités, recrutement des patients, contrôle des médecins, analyse des données, etc. Ce service clés en main permet au laboratoire de conduire simultanément et à un moindre coût des essais sur différentes molécules dans de nombreux pays. « En 2014, nous avions dans le monde 1 800 essais en cours incluant près de 360 000 patients, souligne Leila Kockler, directrice médicale de la filiale tricolore du
laboratoire suisse Roche. Rien qu’en France, nous avons 300 études en cours auxquelles ont participé 35 000 personnes. Suivre tr ès r égulièrement l’ensemble de ces patients nécessite d’importantes ressources humaines. » Tendance à l’externalisation
Les grandes CRO comme Quintiles, avec laquelle Roche travaille, réalisent parfois l’intégralité du développement : la pha se 1 (qui consiste à déterminer la toxicité d’une molécule chez des personnes en bonne santé ou des patients s’il s’agit d’anticancéreux) ; la phase 2 (qui permet d’apprécier son efficacité chez des malades) ; la phase 3 (qui consiste à la comparer au traitement de référence ou à un placebo) et la phase 4 (qui a pour but de détecter des effets indésirables rares après la commercialisation du médicament). Les industriels peuvent aussi faire appel à des CRO plus petites
pour des tâches précises. Biotrial, la CRO bretonne à laquelle Bial a fait appel, est ainsi l’une des trois françaises à réaliser des essais de phase 1. La fabrication n’échappe pas à la règle : la plupart des lots cliniques sont aussi fabriqués par des soustraitants. Le principe actif du BIA 10-2474, le médicament testé par Bial à Rennes, a été fabriqué en Hongrie avant d’être formulé et
conditionné sous forme de gélules équipe avec laquelle le laboratoire en Italie. L’internationalisation a un contrat. Les dépenses liées à des essais et la complexification l’essai sont couvertes par l’indusdes protocoles devraient accen- triel, et le bénéfice réalisé par l’hôtuer cette tendance à l’externalisa- pital est réinjecté dans la rechertion. Près de 40 % du marché des che académique. « Nous finançons essais cliniques – estimé à 50 mil- avec cet argent des petits projets, liards de dollars – a déjà été capté qui n’auraient autrement pas vu le par les CRO, dont les revenus pro- jour, souligne le professeur Bergressent de plus de 5 % par an. trand Fontaine, chargé de la reLe plus souvent, les patients cherche clinique à l’AP-HP. Le prinsont suivis à l’hôpital par une cipal objectif reste cependant de
Tourisme médical : l’Espagne veut devenir « la Floride de l’Europe »
La solidité de ces différents maillons est garantie par des règles très strictes destinées à protéger les personnes. En France, le protocole est scruté par l’Agence de sécurité du médicament (ANSM), qui a, en principe, soixante jours pour se prononcer. Trois évaluateurs se sont ainsi penchés sur les dossiers présentés par Bial en avril 2015 avant de donner leur feu vert en juin. Selon nos informations, ils n’ont relevé aucune anomalie dans le protocole qui était comparable à celui adopté par deux autres laboratoires – dont le français Sanofi – pour évaluer des molécules de la même classe pharmacologique. L’Agence a aussi pour mission de « libérer » les lots cliniques. En clair, elle s’assure que les médicaments expérimentaux ont été fabriqués dans les règles de l’art, en se fondant sur les éléments qui lui sont remis et en réalisant des inspections. Les Comités de protection des personnes (CPP) sont le second garde-fou. Composés de scientifiques et de représentants de la société civile (dont des associations de patients), ils s’assurent de la bonne qualité de l’information donnée au participant et de la qualité de la méthodologie. « Le nombre de participants est, par exemple, déterminé par un calcul statistique précis, que nous validons, explique Elisabeth Frija-Orvoën qui préside le réseau des CPP. Il n’est pas question d’inclure davantage de personnes que nécessaire. » p chloé hecketsweiler
UNE COLLECTION
Les touristes étrangers venant se faire soigner dans la péninsule ont généré près de 280 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2015 - correspondance
madrid
P
our la deuxième année de suite, la Foire internationale du tourisme de Madrid (Fitur), qui se tient jusqu’au dimanche 24 janvier, a réservé un espace au secteur du tourisme médical. Vingt-cinq entreprises, cliniques, hôpitaux et associations professionnelles y sont présents pour tenter de donner de la visibilité à l’un des grands paris de l’Espagne. « Les touristes de la santé dépensent en moyenne 8 % de plus que les touristes traditionnels. Ils viennent toute l’année et dans toutes les ré gions.Ils sont accompagnés de proches et séjournent plus longtemps » que les autres, rappelle Monica Figuerola, directrice générale de SpainCares, une plate-forme qui regroupe les secteurs de la médecine privée et du tourisme. Et d’ajouter : « Il existe au niveau du ministère du tourisme une prise de conscience que l’Espagne doit devenir la Floride de l’Europe. Or, ces trois dernières années, le tourisme médical a augmenté de 20 %. » En 2015, ce secteur a généré 277 millions d’euros de chiffre d’affaires selon SpainCares, qui table sur des revenus de 600 millions d’euros en 2019. L’Espagne constitue depuis longtemps une destination privilégiée en Europe pour les traitements de la fertilité, grâce à une législation plus souple que celles de ses voisins : pas d’âge limite légal pour les femmes souhaitant une fécondation in vitro (FIV), pas de limite du nombre d’embryons implantés, etc. Jouissant d’une bonne réputation en traumatologie, en oncologie et en chirurgie cardiaque, les cliniques privées de la côte espagnole traitent également de nom-
« Certains Russes font l’aller-retour dans la journée pour faire un check-up médical chez nous » FERNANDO CARRANZA
directeur marketing de Vithas Hospitales
breux patients venus du nord de l’Europe, attirés par des prix compétitifs. Ces établissements visent à présent la clientèle russe et celle des pays du Golfe. Premier pays européen en nombre d’opérations de chirurgie esthétique, l’Espagne veut faire de ce secteur une référence pour les touristes étrangers. Facteur de croissance
Le groupe Vithas Hospitales, qui compte 12 hôpitaux privés et 13 cliniques spécialisées en Espagne, dont une majorité sur le pourtour méditerranéen, reçoit déjà 40 % de patients étrangers, dont de plus en plus de Russes. « En Russie, la con fiance envers les médecins s’est fortement dégradée après un scandale de faux diagnostics, explique Fernando Carranza, directeur marketing du groupe. Aujourd’hui, certains font l’aller-retour dans la journée pour faire un check-up médical complet chez nous. » Pilier important de la reprise économique et de la croissance du PIB (+ 3,1 % en 2015), le tourisme espagnol (68 millions de visiteurs étrangers en 2015, selon le gouvernement) repose sur un modèle sol y playa (« soleil et plage ») et low cost qui montre ses limites. Si le secteur attire beaucoup de clients,
ceux-ci ont souvent un pouvoir d’achat limité, et il emploie une main-d’œuvre peu qualifiée. « Le tourisme de santé peut contribuer à la transformation du tourisme en Espagne, peut-on ainsi lire dans un document cadre rédigé en 2013 par le ministère de l’industrie, du commerce et du tourisme. Le vieillissement de lagénération du baby-boom des princi paux marchés émetteurs de l’Espa gne, associé au besoin de services de santé, à leurs coûts élevés et à la qualité de l’offre, en fait une opportunité à saisir et à impulser. » Ce diagnostic a trouvé un écho dans le secteur de la médecine privée. « La crise économique dont a souffert le pays nous a fait repenser notre fonctionnement, explique Jorge Petit, directeur général de l’hôpital privé Perpetuo Socorro, de Las Palmas de Gran Canaria. Pour la première fois, nous nous sommes demandé : où se trouvent les patients potentiels et comment les attirer ?» Ces deux dernières années, l’hôpital a ouvert des bureaux au Mali, en Mauritanie et en ouvrira deux autres au Sénégal et au Maroc. « Entre 5 % et 10 % de nos patients sont étrangers et notre ambition est d’augmenter ce pourcentage, en cherchant notamment à devenir une plate-forme de santé pour l’Afrique de l’Ouest », ajoute M. Petit. Conscientes des répercutions économiques du secteur sur toute l’économie locale, les régions de Navarre, de Valence ou des Canaries ont inscrit la promotion du tourisme médical parmi leurs priorités. Avec la ferme ambition de faire des soins et du bien-être les deux autres moteurs de leur croissance espagnole à côté du sable chaud et du soleil. p sandrine morel
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DORÉNAVANT, CHAQUE SEMAINE CHEZVOTRE MARCHAND DE JOURNAUX
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Les marchés financiers sur des montagnes russes Après un minikrach, les propos du « Dottore Draghi » ont calmé, au moins temporairement, les angoisses des investisseurs
U
ne fois de plus, ils ont joué à se faire peur. Durant la semaine écoulée, les investisseurs sont passés par toutes les couleurs. En chute libre mercredi, à près de 4 100 points, le CAC 40 a terminé la semaine en forte hausse, à plus de 4 300 point s. Ce n’était vraiment pas gagné, mais les marchés européens ont finalement terminé la semaine dans le vert. Entre-temps, les Bourses mondiales sont passées de l’inquiétude la plus vive à un calme tout relatif. Du lundi 18 au vendredi 22 janvier, le CAC 40 a grimpé de 3,01 %, tandis que le DAX allemand s’appréciait de 2,30 %, et le Footsie londonien, de 1,65 %. Outre-Atlantique, où les indices avaient chuté moins fortement, le S & P 500 re-
bondit moins nettement, terminant sur un recul de 0,78 %. En cause, encore et toujours, les mêmes inquiétudes lancinantes sur le ralentissement chinois, les craintes que l’économie américaine ne cale, le pétrole en chute libre, l’incapacité des banques à jouer le rôle d’amortisseur en rachetant des actions car les nouvelles réglementations prudentielles les limitent singulièrement en la matière… Vendredi 22 janvier, une nouvelle en provenance des Etats-Unis est venue assombrir un peu plus le tableau. Les chances de voir le pays tomber en récession au cours de l’année à venir sont passées de 15 % à 20 %, a indiqué Bank of America Merrill Lynch (BoaML), qui estime toutefois qu’une nouvelle grande
L’italien Saipem chahuté en Bourse La société italienne d’exploration et d’ingénierie pétrolière Saipem a annoncé, vendredi 22 janvier, les modalités du lancement, à partir de lundi, d’une augmentation de capital de 3,5 milliards d’euros. Ces informations ont provoqué une forte volatilité de son titre à la Bourse de Milan. Le prix d’émission de l’augmentation de capital fait ressortir une décote de 37 %. Le groupe, détenu à 42,9 % par le pétrolier italien ENI, avait expliqué en 2015 que les ressources dégagées par l’augmentation de capital, qui se déroulera du 25 janvier au 11 février, serviraient « à développer les importantes réserves de gaz et de pétrole » qu’il a découvertes ces dernières années et à « renforcer [son] bilan ». L’augmentation de capital se déroule alors qu’ENI va céder une part de 12,5 % de Saipem au Fonds stratégique italien (FSI), contrôlé par l’Etat.
récession, comme celle subie entre 2007 et 2009, est « peu probable ». L’établissement a également déclaré que les marchés actions mondiaux avaient vu s’envoler 7 800 milliards de dollars (7 200 milliards d’euros) de capitalisation boursière sur les trois premières semaines de 2016, ce qui a conduit les investisseurs à placer dans les obligations souveraines des quantités d’argent inédites depuis un an. BoAML a également ramené sa prévision de croissance 2016 pour les Etats-Unis de 2,5 % à 2,1 %. « Nous sommes pr éoccupés par l’absence de munitions (…) en cas de choc majeur », écrit la banque dans une note. Selon nombre d’économistes, après un PIB en hausse de 3,9 % (en rythme annualisé) au deuxième trimestre, puis une croissance de 2 % au troisième, l’économie américaine a connu un coup d’arrêt sur les trois derniers mois de 2015. Le rouble au plus bas
Un freinage qui, s’il se confirmait, tomberait au plus mal alors que de nombreuses autres régions du monde sont déjà aux prises avec le ralentissement de leur moteur économique. L’Amérique latine, qui devrait connaître une deuxième année de récession d’affilée en 2016, doit se préparer à une « longue période » de croissance économique atone, a d’ailleurs mis en garde, vendredi, le Fonds moné-
MATIÈRES PREMIÈRES La guerre du cochon… et des bonnets bretons
V
ous le préférez rouge, rose ou rayé gris et rouge ? Le nuancier du bonnet breton ne cesse de s’élargir. Ne pas croire pourtant que les porteurs de ce couvre-chef soient mus dans leur choix vestimentaire par les seules sirènes de la mode, même s’ils ne dédaignent pas les retombées médiatiques de leurs défilés coiffés. C’est d’ailleurs le succès de la fronde des « bonnets rouges », partis à l’assaut des portiques écotaxes, qui crée des émules. Des éleveurs de porcs bretons ont décidé de relever non le gant, mais le bonnet. La couleur rose s’imposait. Jeudi 14 janvier, le collectif nouvellement créé a fait sa première démonstration de force à Plérin. Une commune des Côtes-d’Armor dont personne n’ignore désormais qu’elle abrite le Marché du porc breton (MPB).
L’aiguille de ce marché au cadran dessine un encéphalogramme désespérément plat. Jeudi 21 janvier, le kilo de porc se négociait à 1,093 euro, en progression minimaliste de 0,6 cent. Quasiment aussi bas que les cours allemands ou espagnols. Le directeur du MPB, Jean-Pierre Joly, cherche une lueur d’espoir dans une consommation française de porc et de charcuterie plus dynamique en janvier. Mais reste préoccupé par le maintien de la production espagnole, qui a bondi de 6 % à 7 % en 2015. La pression est donc toujours aussi forte chez les éleveurs, qui réclamaient à l’été 2015 un prix de 1,40 euro le ki lo. René Le Goudivès, un des instigateurs des « bonnets roses », résiste, lui, à la crise. Ses 100 hectares de terre lui assurent 80 % du festin de ses porcins. Sachant que le coût de l’auge peut re-
Encéphalogramme plat COURS DU PORC (MPB), EN EURO PAR KG 1,50
1,409
1,093
1,25
1ER JANVIER 2016 1
SUSPENSION DE LA COTATION
0,75
0,50
1ER JANVIER 2015
21 JANVIER 2016 SOURCE : MARCHÉ DU PORC BRETON
présenter 70 % du prix de revient. Il a bien déposé un dossier d’aide, mais n’a pas été retenu. Son combat : le prix, bien sûr. Il veut que les éleveurs reprennent en main la commercialisation de leurs produits en créant une organisation de producteurs pour négocier directement avec les enseignes , sans plus passer par les groupements. Même si M. Goudivès est membre de la coopérative Cooperl. Les « bonnets roses » se disent apolitiques et réfutent le syndicalisme, « qui ne sait pas se réformer ». Multiples manifestations
Ce discours n’a pas laissé de marbre les sections bretonnes de la FNSEA, qui ont repris la main en organisant de multiples manifestations. Quitte à regrouper producteurs de légumes, éleveurs laitiers et porcins pour des opérations forcément médiatisées. Parmi les acteurs de cette offensive syndicale, Thierry Merret, un des premiers porteurs de bonnet rouge. Il n’est donc pas du côté des « bonnets roses », mais soutiendra dimanche à Quimper les salariés du Crédit mutuel Arkéa, prêts à défendre leur autonomie coiffés d’un bonnet gris et rouge. Finistérien d’abord. Ajoutant à la pétaudière, la puissante Fédération des industriels charcutiers traiteurs a décidé, vendredi, de claquer la porte de l’interprofession Inaporc. « Il faut que les éleveurs français soient plus performants », affirme son président, Robert Volut. A eux de porter le bonnet de la crise ? p laurence girard
Bank of America Merrill Lynch a indiqué, vendredi, que les risques de voir les Etats-Unis tomber en récession en 2016 sont passés de 15 % à 20 % taire international (FMI). Plombée par le recul du prix du baril de pétrole, la Russie est en tout aussi mauvaise posture. Jeudi, le rouble est tombé à un niveau historiquement bas face au dollar (à peine plus de 85 roubles pour un dollar) et au plus bas depuis décembre 2014 face à l’euro (un peu plus de 93 roubles pour un euro). La concomitance de ces accès de faiblesse laisse de plus en plus craindre aux investisseurs une rechute durable de la croissance mondiale. Ce scénario catastrophe a été évacué, du moins momentanément, par les propos que Mario Draghi, le patron de la Banque centrale européenne (BCE), a tenus lors de la traditionnelle conférence de presse qui suit la réunion du conseil des gouverneurs de la BCE. La BCE « ne capitule pas » face à la faiblesse de l’inflation, « elle a le
pouvoir, la volonté et la détermination d’agir », a martelé le Florentin, devenu en un peu plus de quatre ans le chouchou des marchés financiers. Surtout, il n’y a « pas de limite à l’utilisation des instruments dont [l’institut monétaire] dispose ». Pour preuve, la BCE pourrait « réévaluer et éventuellement revoir » sa politique monétaire lors de sa réunion du 10 mars, a ajouté M. Draghi. Dont acte. La planète finance a apprécié, et recommencé à spéculer sur les prochains remèdes coups de poing du « dottore Draghi » : allongement ou augmentation de son plan d’assouplissement monétaire (quantitative easing, QE), nouvelle baisse des taux… Mais la BCE sera jugée sur pièce, alors que la nervosité des investisseurs est à son comble. Le VIX, le fameux « indice de la peur », qui mesure la volatilité à venir du marché à travers les options d’achat ou de vente placées sur le S&P 500, a connu un nouvel accès de fièvre cette semaine, à près de 27 points. On est loin des 40 points qu’il avait dépassés fin août 2015, lors du krach des marchés chinois dû aux inquiétudes sur la croissance du pays. Toutefois, il n’avait plus atteint son niveau actuel depuis fin septembre 2015. A l’époque, les déboires chinois et la chute du baril de pétrole faisaient, déjà, tanguer les indices boursiers. p audrey tonnelier
TAUX & CHANGES
Promesses de banquiers centraux
L
e coup a encore fonctionné, et il en dit long sur l’état de dépendance des marchés à l’égard des banquiers centraux. Jeudi 21 janvier, Mario Draghi, le président de la Banque centrale européenne (BCE), a indiqué que son institution pourrait « r éévaluer et éventuellement revoir » sa politique monétaire lors de sa réunion en mars prochain. C’est-à-dire si, d’ici là, les indicateurs économiques et les perspectives d’inflation se dégradent. Soulagement du côté des marchés : la pompe à liquidités de l’institut monétaire européen continuera de tourner à plein régime, voire à plus haut débit encore. Les Bourses ont aussitôt connu une accalmie. « Mario strikes back ! », « la magie du verbe Draghi opre toujours », « le Dottore Draghi fait encore des miracles», ont écrit dans la foulée certains analystes, eux aussi hypnotisés par le verbe de l’italien. Quand on y réfléchit, il n’y a pourtant guère de raison de se réjouir. Ce qui fait le bonheur des marchés ne fait pas toujours celui de l’économie réelle. Il est même légitime de se demander si la BCE ne prend pas d’énormes risques en leur promettant toujours plus de liquidités. Et, surtout, si cela représente un quelconque intérêt pour guérir l’économie européenne des maux qui la minent toujours : inflation basse, taux de chômage élevé, anémie de la demande mais aussi faiblesse de la productivité et déclin démographique… Pour certains économistes, c’est indéniable : les rachats de dettes publiques et privées, le taux directeur au plus bas, le taux de dépôt négatif, tous ces instruments contribuent à réduire le coût du crédit et donc à relancer les prix et la croissance. D’autres sont plus sceptiques. Voire très critiques envers les mesures non conventionnelles prises par les banques centrales depuis 2007. Certes, ces outils ont évité l’ef-
fondrement des marchés lorsqu’ils étaient à court de liquidités, puis ont évité l’explosion de l’euro en palliant les faiblesses institutionnelles de la zone euro. C’est déjà beaucoup. Mais ils ne sont plus adaptés à la situation actuelle. Des machines à déstabiliser
Pire, jugent entre autres Patrick Artus, chez Natixis, le Prix Nobel d’économie Jean Tirole ou encore Mohamed El-Erian, président du Conseil pour le développement global de Barack Obama, les taux bas et les liquidités excessives font aujourd’hui le lit de la future crise en contribuant à la formation de bulles. Il y en a, probablement, sur les obligations d’entreprises « high yield », c’est-à-dire présentant un risque élevé. Il y en a une aussi, sans doute, sur certaines valeurs technologiques. Autrement dit : en cherchant à tout prix à lutter contre l’inflation basse, la BCE mais aussi la Réserve fédérale américaine ou la Banque du Japon seraient devenues des machines à déstabiliser la sphère financière. En 2008, les banquiers centraux nous avaient pourtant promis d’être les garants de la stabilité financière. Que, désormais, ils veilleraient à éviter la formation de bulles spéculatives dont l’explosion serait susceptible d’entraîner le monde dans une dépression aussi destructrice que celle des années 1930. Ont-ils oublié leur promesse ? Peut-être. Peut-être pas. Mais, nous serons vite fixés… p marie charrel LA SOCIÉTÉ DES LECTEURS DU « MONDE »
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COURS DE L'ACTION VENDREDI 22 JANVIER
Société des lecteurs du « Monde » 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707 Paris Cedex 13 Tel. : 01 57 28 25 01 -
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argent & placements
DIMANCHE 24 - LUNDI 25 JANVIER 2016
Tirer le meilleur parti de son épargne salariale
CLIGNOTANT
Le placement ne fait pas l’objet d’une gestion financière assez éclairée de la part des employés
A
vec plus de 110 milliards d’euros, l’épargne salariale ne joue plus un rôle marginal sur l’échiquier des placements. Les quelque 11 millions de salariés qui en bénéficient, au travers du PEE (plan d’épargne entreprise) ou du Perco (plan d’épargne retraite collectif), disposent d’outils bon marché pour faire fructifier leurs économies et d’une fiscalité très avantageuse. Une partie des frais est, en effet, prise en charge par l’entreprise ; les primes investies dans ces plans, elles, échappent à l’impôt sur le revenu, et les gains financiers ne supportent que les prélèvements sociaux (15,5 %). Pourtant, les salariés qui disposent de ces instruments semblent en faire un assez mauvais usage. Selon une étude menée en 2015 par Amundi (leader de ce marché) et fondée sur un million de salariés, il apparaît que plus de 43 % des avoirs détenus en épargne salariale et en retraite sont investis en produits de trésorerie à court terme, dont le rendement est, aujourd’hui, proche de… zéro, voire légèrement négatif. D’ailleurs, il est intéressant de noter que cette proportion est quasiment identique dans le PEE, où l’épargne est bloquée seulement pendant cinq ans, et dans le Perco, où elle reste investie au minimum jusqu’au départ en retraite. Or, le Perco, qui a un horizon bien plus long, justifie une gestion financière plus offensive. A la décharge des salariés épargnants, les informations qui leur sont communiquées sont souvent très limitées et ne permettent pas de faire un choix éclairé, d’autant qu’aucun conseiller n’est là pour les épauler. Autre difficulté : la plupart des PEE ne renferment qu’une poignée de fonds. « L’offre est souvent limitée pour opérer une allocation d’actifs
optimale, souligne Jean-Paul Raymond, directeur de Quantalys, une société d’analyse de fonds et de construction de portefeuilles financiers. Il est cependant possible, à partir des trois classes d’actifs le plus souvent représentées (actions, obligations, monétaire), de construire des allocations adaptées à la durée du placement. » « Prise de risque limitée »
Et celui-ci d’expliquer, par exemple, qu’un particulier qui a trois ans devant lui a intérêt à diversifier son épargne entre du monétaire (dans une proportion de 40 %), de l’obligataire (40 %) et des actions (20 %). « Une telle répartition doit permettre, en trois ans, de générer 11 % de gain, avec une prise de risque somme toute limitée », explique M. Raymond, dont la méthodologie consiste à compiler et à analyser statistiquement l’évolution historique des différents marchés (rendement, performance…) pour établir des scénarios futurs. Le salut des salariés pourrait passer par une autre voie : celle des fonds dits
Trois portefeuilles-types pour son épargne salariale Horizon d’investissement
3 ANS
5 ANS
8 ANS
25 %
Allocation Monétaire
40 %
Obligations
40 %
50 %
Actions
20 %
50 %
75 %
11,2 %
31,4 %
66,3 %
Espérance de gain
Selon les rendements actuels de ces classes d’actifs et en se basant sur l’évolution historique des différents marchés, une telle allocation permet statistiquement d’espérer dans 50 % des cas un gain de 11,2 % à 3 ans, selon Quantalys. Dans 45 % des cas, la performance sera comprise entre 0 et 11,2 % et dans de rares cas (5% des simulations), la performance sera nulle pour chacun des portefeuilles. SOURCE : QUANTALYS
« flexibles » ou « patrimoniaux ». « Si un plan d’épargne ouvre accès à ce type de produits, c’est une très bonne solution pour l’épargnant, car un professionnel s’occupe de construire l’allocation d’actifs et de la gérer dans le temps, ce qui est dif ficile pour un non-averti», poursuit M. Raymond. Jusqu’ici peu présents dans l’épargne salariale, ces fonds, qui s’accordent une assez grande liberté de gestion, pourraient se généraliser dans l’avenir, grâce à des dispositions de la loi Macron. « Celle-ci autorise les fonds communs de placement d’entreprise à détenir jusqu’à 30 % d’immobilier, ce qui doit faciliter la création de fonds largement diversifiés, synonyme de performance plus régulière », estime Laure Delahousse, directrice de l’épargne retraite à l’Association française de la gestion financière. Ces produits visent, en général, à obtenir un gain mesuré, mais régulier, d’environ 5 % par an, et cherchent à limiter au maximum les risques de pertes sur des durées de trois ans glissants. Ils offrent donc un bon compromis entre une certaine sécurité et un potentiel de gain. La loi Macron a entraîné un autre changement : désormais, la gestion pilotée est l’option par défaut retenue pour les salariés qui n’indiquent pas de préférence lorsque les sommes sont versées sur leur Perco. L’épargne investie dans ces plans de retraite se retrouvera automatiquement diversifiée sur différents marchés financiers, y compris celui des petites et moyennes entreprises. « Cela laisse espérer de meilleures performances financières, car elles seront plus qu’aujourd’hui basées sur la croissance des entreprises, analyse Mme Delahousse. A long terme, c’est très positif pour les salariés. » p
Une caution locative gratuite pour les jeunes Après l’abandon de la garantie universelle des loyers, le gouvernement créé une caution locative gratuite ciblant en priorité les salariés jeunes ou précaires. La caution Visale prend en charge les impayés de loyer, quelle que soit la cause des difficultés, au cours des trois premières années de bail. Visale s’adresse aux jeunes salariés (moins de 30 ans), quel que soit leur contrat de travail, et aux plus de 30 ans en contrat précaire. Elle doit être souscrite au maximum douze mois après l’embauche pour les moins de 30 ans, et trois mois après pour les plus de 30 ans. Le loyer ne doit pas excéder 1 500 euros dans Paris intra-muros et 1 300 euros dans le reste du territoire. Pour obtenir cette garantie, le locataire doit en faire la demande sur Visale.fr.
QUESTION À UN EXPERT
éric leroux
murielle gamet, Cheuvreux Notaires
Assurance-vie : que se passe-t-il en cas de décès du bénéficiaire du contrat ? Un contrat d’assurance-vie met en présence le souscripteur (celui qui verse les fonds à la compagnie d’assurance-vie), l’assuré (celui dont le décès déclenchera le versement des fonds) et le bénéficiaire (celui qui perçoit les fonds au dénouement du contrat). Souvent, souscripteur et assuré sont les mêmes personnes, mais il est aussi possible d’ouvrir un contrat pour quelqu’un d’autre, son enfant, par exemple. Le souscripteur peut changer de bénéficiaires autant de fois qu’il le souhaite. Sauf si celui-ci a expressément accepté son statut de bénéficiaire aux termes d’un avenant sous seing privé au contrat d’assurance-vie ou par acte notarié. Dans ce cas, le détenteur du contrat doit obtenir son aval pour toute modification dans la clause bénéficiaire. En revanche, ce « statut» ne se transmet pas. C’est ce qu’a récemment appris une fille qui pensait être la nouvelle bénéficiaire du contrat d’assurance dont son père, décédé, devait recevoir les fonds. Dans sa décision, en date du 7 octobre 2015, la Cour de cassation explique que lorsque le bénéficiaire décède avant le souscripteur cela rend caduque la clause bénéficiaire. Et ce même s’il avait accepté le contrat. Le souscripteur peut donc alors librement choisir de nouvelles personnes à gratifier. p
VILLES EN MUE UX D DE JOURNA E M ARCHAN CHEZ VOTR
Massy se fabrique un nouveau centre-ville S N O I T A S I L I V I C &
N° 14 FÉ VRIER 2016
A & C I V I L I S
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es travaux battent leur plein sur la future place du Grand-Ouest à Massy (Essonne). Depuis près de dix mois, un nouveau « morceau » de ville se dessine par petites touches sur cette ancienne friche industrielle de 3,8 hectares, située au sud de la ville. Pour le compte de la Semmassy, la société d’économie mixte locale, le groupe Altarea Cogedim orchestre différentes opérations immobilières qui seront toutes livrées en même temps en 2017. « Dans une opération de cette envergure, c’est rare de mener simultanément plusieurs chantiers. Toutefois, cette phase unique de réalisation permettra de “ fabriquer ” un centre-ville contemporain qui prendra rapidement vie sans aucune nuisance de chantier », commente Stéphane Theuriau, président du directoire de Cogedim. Un vaste quadrilatère
Imaginée par l’architecte urbaniste Christian de Portzamparc, la place du GrandOuest et ses alentours compteront à terme près de 2 500 habitants. Ce nouveau quartier fera le « trait d’union » entre les différentes gares (TGV, RER et futur Grand Paris Express) et la partie, déjà existante, résidentielle du secteur Atlantis. Dans ce vaste
quadrilatère formé par les avenues de Paris, Carnot et les rues Jules-Verne et Ramolfo-Garnier, ce centre-ville de demain comptera trois places (celle du GrandOuest, des Gares, du Cèdre) reliées par une épine dorsale : la rue du Grand-Ouest. D’ici un an, près de 100 000 m 2 de constructions neuves sortiront de terre : résidence seniors, école maternelle, hôtel, complexe de cinéma, centre des congrès, commerces et près de 850 logements. A ce jour, il reste 48 lots à vendre au prix moyen de 4 300 euros le mètre carré. Cette mixité entre équipements publics, habitation et commerce doit permettre de créer un quartier qui soit animé sept jours sur sept. Sur une étendue de plus de deux hectares, la place du Grand-Ouest sera essentiellement piétonne. Trois niveaux de parkings se situent, d’ores et déjà, au-dessous de cette étendue. L’identité de ce futur secteur sera constituée d’objets architecturaux singuliers – imaginés par Christian et Elizabeth de Portzamparc, les Ateliers VongDC et Badia Berger – comme cet hôtel en ellipse, les formes étirées du centre de congrès et des cinémas ou encore les immeubles de grandes hauteurs atteignant jusqu’à quinze étages. p laurence boccara
Projet du programme immobilier Cogedim situé au cœur du nouveau centre-ville de Massy, dans le quartier Atlantis, place du Grand-Ouest. ALTAREA COGEDIM
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JÉRUS ALEM CON TRE ROME M ASS AD A TIME L A RÉSIS T ANCE UL
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Chaque mois, un voyage à travers le temps et les grandes civilisations à l’origine de notre monde
8 | MÉDIAS&PIXELS
0123 DIMANCHE 24 - LUNDI 25 JANVIER 2016
Bouygues Telecom: le marchandage avant le dépeçage Les négociations entre les opérateurs, pour le rachat du numéro trois du secteur par Orange, ont commencé
A
u mariage, ils seront quatre et c’est toute l’ambiguïté de l’alliance qu’Orange et Bouygues Telecom tentent de nouer. Pour sceller la reprise du troisième opérateur télécoms français, le numéro un doit au préalable se mettre d’accord avec ses concurrents, Numericable-SFR et Free, afin de leur céder une partie des actifs de la mariée. Vendredi 15 janvier, les discussions se sont accélérées sur cet aspect de la négociation. Le PDG d’Orange, Stéphane Richard, a successivement reçu, selon nos informations, Michel Combes, le président non exécutif de SFR, et Xavier Niel, fondateur de Free (et actionnaire du Monde à titre personnel). Pour les opérateurs télécoms, l’aval des gendarmes de la concurrence constitue de fait le principal obstacle à l’opération. Au final, c’est l’Autorité de la concurrence française qui devrait avoir le dernier mot. La nouvelle réjouit les industriels, persuadés que son président, Bruno Lasserre, sera plus indulgent que Margrethe Vestager, son homologue européenne, connue pour son intransigeance. Mais rien n’est certain. Selon certains proches du dossier, le haut fonctionnaire pourrait faire preuve de la même rigueur que la commissaire suédoise, qui a déjà fait échouer une opération au Danemark. Entre Orange, SFR et Free, le grand marchandage qui aboutira au dépeçage de Bouygues Telecom a en tout cas débuté. Au menu des discussions : fréquences, clients, réseaux, boutiques. Pour le moment, Martin Bouygues espère vendre sa filiale environ 10 milliards d’euros. Sur ce total, Orange a calculé, selon nos informations, qu’il lui faudrait céder pour 6 milliards d’euros d’actifs s’il veut amadouer Bruno Lasserre. Pour Natixis, l’Autorité de la concurrence l’obligerait à aller plus loin, en se défaisant de 70 % à 80 % de l’entreprise. Parmi les points les plus épineux : le mobile, où Orange possède 39 % de parts de marché. Avec les 16 % de Bouygues Telecom, Orange atteindrait 55 % de parts de marché. Trop, beaucoup trop.
LES CHIFFRES 7 500 Le nombre de salariés employés par Bouygues Telecom.
11,6 En millions, le nombre d’abonnés mobile du quatrième opérateur français, auxquels s’ajoutent 2,7 millions d’abonnés fixe.
550 Nombre de boutiques dont dispose l’entreprise en France.
4,4 En milliards d’euros, le chiffre d’affaires réalisé par Bouygues Telecom en 2014.
A Montbéliard, dans le Doubs. L’opérateur historique doit donc céder une partie conséquente du parc de Bouygues Telecom. Officiellement, le gendarme de la concurrence ne fixera pas d’objectif chiffré à Orange, mais regardera si le numéro trois, en l’occurrence Free, sera suffisamment motivé pour continuer à « entretenir la concurrence », une fois que Bouygues Telecom aura disparu. Cession de fréquences
Dans ce contexte, SFR, qui a perdu 1 million de clients mobiles en 2015, s’intéresse aux clients « low cost » de Bouygues Telecom, regroupés sous la marque B&You. « Nous estimons qu’il y a 3 millions de clients B&You, et nous les valorisons environ 1 milliard d’euros », précise Thomas Coudry, analyste chez Bryan Garnier. Cette cession, qui ferait redescendre la part de
VINCENT KESSLER / REUTERS
marché d’Orange à 47 %, demeurerait néanmoins insuffisante. « L’ancien droit de la concurrence européen fixait le seuil de domination d’un acteur entre 40 % et 50 % du marché », explique Jacques de Greling, analyste chez Natixis. Selon nos informations, Numericable-SFR pourrait aussi se porter acquéreur d’une partie des clients « low cost » de la marque Sosh d’Orange. En outre, l’Autorité devrait aussi maintenir la concurrence en renforçant les MVNO, ces opérateurs virtuels qui ne disposent pas de leur réseau. Autre partie difficile : le réseau mobile de Bouygues Telecom, avec la cession d’éventuelles fréquences. L’actif intéresse Free. Le dernier arrivé dans la téléphonie pourrait ainsi construire plus rapidement son réseau, alors que son contrat d’itinérance avec
Les pouvoirs publics ne veulent pas de casse sociale Orange, qui lui permet d’utiliser son réseau 3G, arrive à échéance fin 2017. Lors de précédentes négociations avec SFR et Bouygues, Free était prêt à payer 1,8 milliard d’euros. Depuis, la donne a changé et le trublion a racheté de nouvelles licences de téléphonie mobile, pour 932 millions d’euros. « Aujourd’hui, l’ensemble [des fréquences de Bouygues Telecom] vaut entre 1 et 1,5 millia rd d’euros », dit Thomas Coudry. Reste aussi la clientèle entreprise de Bouygues Telecom, estimée à 500 millions d’euros par Bryan
Garnier. L’opérateur Coriolis ainsi que Numericable-SFR font partie des intéressés. Mais il sera difficile pour le groupe de Patrick Drahi de se porter candidat, dans la mesure où cela créerait ainsi un duopole avec Orange. Enfin, le trio devra résoudre la question des boutiques Bouygues Telecom. Free, qui aimerait porter de 50 à 100 le nombre de ses magasins, serait prêt à en racheter quelques-unes. En toile de fond de l’opération, le volet social est le plus délicat. Bouygues Telecom emploie 7 500 salariés. SFR et Free sont-ils prêts à donner des garanties en termes d’emploi ? Les pouvoirs publics ne veulent pas de casse sociale. En apparence, il semble difficile d’arriver à 6 milliards d’euros de cessions. D’autant que, en face, SFR, très endetté, et Free n’ont peut-être pas les poches aussi pro-
Des « Frenchies » lancent une école dans la Silicon Valley Ouverte à San Francisco, la Holberton School affiche des méthodes iconoclastes pour apprendre l’informatique - correspondance
san francisco
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as de salles de classe ni même de professeurs. Bienvenue à la Holberton School, une nouvelle école d’ingénieurs informatiques, qui a ouvert ses portes vendredi 22 janvier à San Francisco (Californie). Ambiance art déco, canapés et fauteuils, cafétéria, large open space où sont alignés les ordinateurs Mac… L’endroit ressemble davantage à l’une des nombreuses start-up de la ville. A l’origine du projet, trois Français installés dans la Silicon Valley. L’an passé, ils ont quitté leur emploi chez Apple, LinkedIn et Docker, une jeune société spécialisée dans le cloud computing. Ils ambitionnent désormais d’apprendre aux Américains à coder avec des méthodesd’enseignementimportées de France. Plus précisément de l’Epitech et de l’Ecole 42, lancée en 2013 par Xavier Niel, le fondateur d’Iliad (également actionnaire à titre individuel du Monde). « Il n’y a pas cours formels, où l’on apprend par cœur avant de tout oublier. L’enseignement est basé autour de projets que les étudiants réalisent en équipe », résume Julien
Barbier, l’un des trois fondateurs de l’école – dont le nom rend hommage à Betty Holberton, qui a participé dans les années 1940 à la création du premier ordinateur. « Nous fournissons à nos étudiants des éléments pour les mettre sur la piste mais jamais toutes les informations nécessaires. L’objectif est de leur ap prendre à apprendre », poursuit-il. Le cursus s’étale sur deux ans, dont six mois de stage en entreprise. Reversement de salaires
« La formation universitaire dans l’informatique reste fortement théorique. Pourtant, dans mon entreprise, je n’ai pas d’examen mais des projets à accomplir », explique Ayesha Mazumdar, ingénieur chez Salesforce qui fait partie de la centaine de « mentors » qui participeront à la formation des étudiants. « L’approche de la Holberton répond à un besoin vital de changement. Elle est en phase avec le marché de l’emploi car elle est évolutive et repose sur la pratique » , renchérit William Brendel, chercheur au sein d’un des laboratoires d’Amazon et autre mentor. Ces professionnels remplacent les professeurs, « parfois décon-
nectés du terrain », selon Sylvain Kalache, autre fondateur de l’école. Tous volontaires, ils travaillent dans les grandes sociétés (Google, Microsoft…) ou les start-up de la région. Ils proposeront des projets, suivront des étudiants ou tiendront des conférences. « De cette manière, nous sommes certains que l’enseignement correspondra toujours aux évolutions de l’industrie », ajoute M. Kalache. L’école veut aussi être une alternative aux « bootcamps », ces formations intensives qui ont vu leur popularité exploser ces dernières années. Pour entrer à la Holberton School, aucune expérience en informatique n’est requise. « Ce qui compte, c’est la motivation » , explique M. Barbier. L’inscription s’effectue en ligne par l’intermédiaire de plusieurs tests. « Pour les débutants, cela représente entre soixante et quatre-vingts heures de travail », poursuit cet ancien étudiant de l’Epitech. La première promotion compte 32 élèves, dont 40 % de femmes. Parmi elles, Naomi Veroczi, 51 ans. « J’ai été restauratrice, menuisière, technicienne dans une usine de semi-conducteurs ou encore mère de famille », liste la doyenne de
l’école. « Passionnée » par l’informatique depuis qu’elle mit la main sur son premier PC, au milieu des années 1970, elle voulait en faire son métier. Dora Korpar, de 27 ans sa cadette, cherchait, elle, sa voie. « Après mon diplôme universitaire, aucun métier dans mon secteur ne m’intéressait. Mes comptes bancaires étaient dans le rouge, donc j’ai accepté un emploi dans une grande surface. Mais j’ai toujours su que cela serait temporaire », explique la jeune femme. William McCann, 37 ans, dont dix ans en tant que journaliste pour une chaîne de télévision locale, voulait changer de carrière. S’il a pensé aux bootcamps, il a renoncé car « la plupart de ces pro grammes exigent unniveau deconnaissance minimum ». Ouverte à tous, la Holberton School se distingue aussi par son modèle économique. Les deux ans de scolarité sont gratuits. En échange, les étudiants s’engagent à reverser 17 % de leurs salaires au cours des trois années qui suivent leur sortie de l’école. Ses fondateurs espèrent ainsi attirer des profils différents dans un secteur en proie à un problème de diversité. « C’est aussi un moyen de par-
tager le risque avec nos étudiants, ajoute M. Barbier. Le succès de l’école va entièrement dépendre de la réussite de ses élèves. » En attendant les premières rentrées financières, Holberton dispose d’un matelas de 2 millions de dollars (1,85 million d’euros), levés auprès d’investisseurs et de personnalités de la Silicon Valley, comme Jerry Yang, l’un des deux fondateurs de Yahoo!. Une deuxième promotion devrait être lancée au cours de l’année. Mais les responsables de la Holberton voient beaucoup plus loin. « Notre ambition est d’avoir des centaines d’étudiants dans le monde entier, lance M. Kalache. Notre modèle re pose sur une structure de faibles coûts d’opération, ce qui va nous permettre de facilement le reproduire ailleurs. » Les trois associés le savent : les besoins en main-d’œuvre qualifiée sont immenses. Les entreprises de la Silicon Valley manquent cruellement d’ingénieurs informatiques. Une pénurie qui touche aussi les acteurs européens et asiatiques. « Nous pensons p ouvoir aider à résoudre ce problème », souffle M. Kalache. p jérôme marin
fondes. « Il n’y a qu’un seul acheteur naturel par actif, ce qui les place en position de force. Personne ne veut surpayer », dit-on chez l’un d’entre eux. Et ce, même si SFR et Free, tous deux déjà dotés en fréquences, réseau et boutiques, ne rachètent pas que des actifs mais aussi la disparition d’un concurrent. Et la perspective d’une stabilisation, voire d’une remontée des tarifs. En creux, se dessine donc la question de la valorisation de Bouygues Telecom. Vaut-il toujours 10 milliards d’euros, le prix auquel Martin Bouygues avait refusé de vendre sa filiale à Patrick Drahi, en juin ? Natixis estime la valeur de l’opérateur à 8,4 milliards d’euros. Martin Bouygues serait-il prêt à baisser son prix ? Inversement, Orange est-il prêt à céder les actifs de Bouygues à prix cassés ? Au sein du gouvernement, on s’interroge sur la pertinence d’une opération qui pousserait Orange à faire un chèque pour acheter la paix concurrentielle. Si tous ont intérêt à la disparition de Bouygues Telecom, la partie de poker menteur a commencé. p sarah belouezzane et sandrine cassini
COMMERCE EN LIGNE Amazon veut créer des milliers d’emplois en Europe
Amazon a annoncé, vendredi 22 janvier, vouloir créer, en 2016, « plusieurs milliers de nouveaux postes » en Europe, dont plus de 500 en France. Les effectifs augmenteront d’un quart dans l’Hexagone, pour être portés à 3 500. Cela concerne le siège, situé à Clichy (Hauts-de-Seine), et les centres de distribution situés à Lauwin-Planque (Nord), Montélimar (Drôme), Saran (Loiret) et Sevrey (Saône-etLoire). – (AFP.) T ÉLÉVISION Fleur Pellerin pour une chaîne d’information publique « sans pub »
La ministre de la culture, Fleur Pellerin, s’est dite favorable, vendredi 22 janvier, à ce que la future chaîne d’information en continu du service public, qui devrait être lancée en septembre, ne diffuse pas de publicité, comme l’avait annoncé la présidente de France Télévisions, Delphine Ernotte. « Si on a une chaîne d’information en continu qui affiche aussi sa singularité en étant totalement sans pub, cela me va très bien », a déclaré la ministre sur RTL.