Université Paris 7 – Denis Diderot Master 1 Géographie Spécialité Géographie des pays émergents et en développement
Tourisme transfrontalier et transnational dans le détroit de Malacca
Elsa FAVREAU Sous la direction de Nathalie FAU, Maître de conférences à l’Université Paris 7
Année 2007 - 2008 1
Remerciements À mon directeur de mémoire Nathalie Fau pour m’avoir orienté vers ce sujet et cette région d’étude et m’avoir conduit dans la réalisation de ce travail. À l’équipe de recherche Transiter pour le cadre de formation apporté par leurs réunions et le financement du billet d’avion. Aux professeurs Amran Hamzah, Mohamed Badaruddin, Kadir Din et Mustafa Ishak pour leur accueil et leurs informations. À toutes les personnes ayant pris le temps de répondre à mes enquêtes sur le terrain.
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Table des illustrations
FIGURE 1. LE DÉTROIT DE MALACCA : LIMITES................................................19 FIGURE 2. MODÈLE DE L’ORGANISATION DES DÉTROITS..................................20 FIGURE 3. COMPLÉMENTARITÉS TOURISTIQUES DANS LE TRIANGLE DE CROISSANCE IMS-GT.....................................................................................33 FIGURE 4. POINTS DE FRANCHISSEMENT DE LA FRONTIÈRE THAÏLANDE/MALAISIE...................................................................................47 FIGURE 5. LIAISONS MARITIMES INTERNATIONALES DANS LE DÉTROIT DE MALACCA.....................................................................................................52 FIGURE 6. AGRANDISSEMENT A.....................................................................53 FIGURE 7. AGRANDISSEMENT B.....................................................................53 FIGURE 8. LIAISONS AÉRIENNES INTERNATIONALES DANS LE DÉTROIT DE MALACCA.....................................................................................................57 FIGURE 9. OFFRE DE CROISIÈRE RÉGIONALE DANS LE DÉTROIT DE MALACCA. . .62 FIGURE 10. TOURISME TRANSFRONTALIER DES POPULATIONS LOCALES À L’EXTRÉMITÉ SUD DU DÉTROIT DE MALACCA..................................................70 FIGURE 11. LA FRONTIÈRE MALAISO-THAÏLANDAISE : UNE ATTRACTION POUR LES ACTIVITÉS DE SHOPPING DES POPULATIONS LOCALES..............................74 FIGURE 12. LE MARCHÉ DE WANG KELIAN/WANG PRACHAN : UNE SITUATION PARTICULIÈRE DE CHEVAUCHEMENT DE LA FRONTIÈRE MALAISO-THAÏ.............75 FIGURE 13. ZONE FRONTALIÈRE DE BUKIT KAYU HITAM (MALAISIE)/DANNOK (THAÏLANDE)................................................................................................76 FIGURE 14. AGENCE DE VOYAGE À KAMPUNG BARU (KUALA LUMPUR) : DES DESTINATIONS EXCLUSIVEMENT INDONÉSIENNES...........................................79 FIGURE 15. L’EMBARCADÈRE DE FERRY À MELAKA : UNE MAJORITÉ D’INDONÉSIENS ET DE MALAIS......................................................................81 FIGURE 16. LES MIGRATIONS : UN INVERSEMENT GÉOGRAPHIQUE ENTRE RÉSIDENCE ET TOURISME..............................................................................82 FIGURE 17. TOURISME TRANSNATIONAL DES ASIATIQUES DANS LE DÉTROIT DE MALACCA.....................................................................................................85 FIGURE 18. CIRCUITS BI-NATIONAUX SINGAPOUR/MALAISIE PÉNINSULAIRE DES TOURISTES OCCIDENTAUX.............................................................................90 FIGURE 19. PRATIQUES TRANSFRONTALIÈRES ET TRANSNATIONALES DES TOURISTES OCCIDENTAUX : LA FRONTIÈRE THAÏLANDE / MALAISIE PÉNINSULAIRE............................................................................................ ..92
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Sommaire
REMERCIEMENTS............................................................................................2 TABLE DES ILLUSTRATIONS.............................................................................3 SOMMAIRE.....................................................................................................4 INTRODUCTION.............................................................................................. ...................5 Définitions....................................................................................... ...............................7 Problématique et hypothèses ............................................................ ..........................10 Méthodologie.............................................................................................. ..................12 PARTIE 1 ............................................................................................................. ............17 LE DÉTROIT DE MALACCA ET LA MONDIALISATION : LA PLACE DU TOURISME DANS L’INTÉGRATION DU TERRITOIRE............................................................. .........................17 INTRODUCTION........................................................................................................................ 17 I. LE DÉTROIT DE MALACCA : UN TERRITOIRE MONDIALISÉ............................... ...............18 1. Un espace-enjeu propice à la mise en place de coopérations sous-régionales................19 2. Les triangles de croissance : du transfrontalier au transnational......................... ............21 II. LE TOURISME : UNE ACTIVITÉ INTÉGRATRICE DES TERRITOIRES ET DES SOCIÉTÉS......22 1. L’accès des sociétés du Sud au tourisme : une complexification des flux touristiques....22 2. La flexibilité du tourisme : intégration politique et économique des territoires................ 23 3. La frontière, symbole d’altérité : un potentiel touristique..................................... ...........23 A. La frontière : contrainte ou attraction touristique ?.................................. .....................24 B. Les frontières touristiques : un espace géographique propice à la coopération transfrontalière..................................................................................... ............................25 III. LA COOPÉRATION TOURISTIQUE RÉGIONALE EN ASIE DU SUD-EST : UN CADRE POUR LES COOPÉRATIONS SUB-RÉGIONALES DANS LE DÉTROIT DE MALACCA..........................26 1. L’Asie du Sud-est : une fréquentation touristique croissante.............................. .............26 2. L’émergence d’un tourisme régional et intra-régional : le rôle de l’ASEAN......................27 CONCLUSION .......................................................................................................... ................28
PARTIE 2 ............................................................................................................. ............30 DES PROJETS INSTITUTIONNELS DE COOPÉRATION TOURISTIQUE À LEUR RÉALISATION : LE LIEN ENTRE ACTEURS PUBLICS ET PRIVÉS........................................................... .......30
INTRODUCTION........................................................................................................................ 30 I. LES TRIANGLES DE CROISSANCE : LA COOPÉRATION TOURISTIQUE À L’ÉPREUVE DES RAPPORTS DE FORCE ENTRE ÉTATS ET RÉGIONS....................................................... .......31 1. Le triangle IMS-GT : une domination singapourienne freinant la coopération..................32 A. La régionalisation touristique : un intérêt commun aux trois parties.............................32 B. Une domination singapourienne générant des rivalités entre les partenaires...............34 L’instrumentalisation singapourienne des territoires voisins au service des ambitions touristiques de la cité-Etat..................................................................... .........................34 Le couple Johor/Singapour : entre concurrence et dépendance touristique.....................36 Mouvements sociaux dans les îles de Riau : la protestation contre une coopération profitant avant tout au secteur privé ....................................................................... .......38 2. Le triangle IMT-GT : de fortes dissymétries limitant la coopération ............................... ..39 A. Une faible réalisation des projets institutionnels................................ ..........................39 Le tourisme, un domaine de coopération prioritaire pour les acteurs institutionnels.......39 La faiblesse de l’offre touristique à Sumatra : un obstacle majeur..................................41 L’échec de la coopération éco-touristique Thaïlande/Malaisie : un exemple révélateur...42 Le Sud de la Thaïlande, pôle touristique peu demandeur de coopération................... .....43 Un bilan globalement négatif ponctué de quelques avancées.............................. ...........44 B. Les initiatives récentes des acteurs institutionnels : un nouveau souffle pour la coopération ?............................................................................................ ........................45 Un programme dynamique d’amélioration des infrastructures de transport....................45 Une promotion touristique triple, non pas commune............................................... ........48 II. L’OFFRE DU SECTEUR PRIVÉ : UN FAIBLE RELAIS DES PROJETS INSTITUTIONNELS.......51 1. Le secteur privé au service d’une révolution des transports........................................ ....51
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Les transports maritimes dans le détroit de Malacca : une offre dissymétrique...............51 Un renouveau de l’offre en transports maritimes freiné par la concurrence aérienne .....54 Les transports aériens : l’explosion des compagnies low-cost ...................... ..................56 L’impact des transports sur le développement des pratiques touristiques transfrontalières et transnationales............................................................................. ....58 2. Les circuits multi-destinations dans le détroit de Malacca : une offre réduite excluant l’île de Sumatra................................................................................................... ......................60 L’absence de circuits touristiques IMT-GT et IMS-GT : un manque de coordination publicprivé.............................................................................................................................. ..60 Des circuits transnationaux dissymétriques.............................................. ......................60 Les circuits transfrontaliers : le développement d’un tourisme insulaire.........................63 CONCLUSION........................................................................................................... ................65
PARTIE 3 ............................................................................................................. ............67 LA RÉALITÉ DES PRATIQUES TOURISTIQUES TRANSFRONTALIÈRES ET TRANSNATIONALES DANS LE DÉTROIT DE MALACCA. POINT DE VUE DES TOURISTES...................................67
INTRODUCTION........................................................................................................................ 68 I. LES TOURISTES NATIONAUX: DES PRATIQUES MAJORITAIREMENT TRANSFRONTALIÈRES ..................................................................................................................... ...................69 1. Les activités de loisirs : des pratiques régulières jouant sur la proximité géographique. .69 Touristes singapouriens à Johor : des flux spécialisés en fonction des destinations.........70 Les singapouriens : première nationalité de touristes sur les îles de Riau.......................72 La frontière Thaïlande-Malaisie : haut-lieu de shopping transfrontalier pour les populations locales........................................................................................................ ..73 2. Le cas particulier de la frontière Malaisie péninsulaire/Sumatra : des flux de tourisme médical............................................................................................................ ...................77 3. Tourisme et migration : un lien étroit............................................................................ ...78 Une correspondance géographique entre origine des migrants et destinations touristiques..................................................................................................... ................79 Un lien migration/tourisme particulièrement fort entre Sumatra et la Malaisie................80 Les singapouriens à Melaka : des flux touristiques aux flux migratoires..........................81 II. PRATIQUES TOURISTIQUES DES OCCIDENTAUX ET DES ASIATIQUES : DES ESPACES SÉPARÉS ?.................................................................................................................. ......83 1. Les touristes asiatiques : un axe linéaire Singapour /côte ouest de la Malaisie péninsulaire / Phuket........................................................................................................................ .......83 A. La recherche d’un tourisme ludique valorisant les activités de groupe...................... ....83 B. Les circuits touristiques des asiatiques : l’exception chinoise .................................... ...85 La nationalité des touristes, facteur de variation de leur itinéraire.......................... ........86 2. Les touristes occidentaux : des flux impliquant majoritairement les territoires de la rive Est du détroit .......................................................................................... ...........................87 A. Culture, nature et exotisme, trio touristique des occidentaux.......................................87 B. Une importante variété de circuits touristiques...................................................... .......89 CONCLUSION........................................................................................................... ................94
CONCLUSION.............................................................................................................. .....96 ANNEXES...................................................................................................100 BIBLIOGRAPHIE..........................................................................................110
INTRODUCTION
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L’articulation entre les problématiques du tourisme et du développement en géographie apparaît relativement récemment, en effet réalisée pour la première fois en 1983 par Georges Cazès dans sa thèse intitulée Les nouvelles colonies de vacances : Le tourisme international à la conquête du Tiers-Monde (Tome 1), Tourisme et Tiers-Monde, un bilan controversé (Tome 2). Dès lors, de nombreux travaux se sont emparés de la problématique des impacts du tourisme sur l’économie, la société, la culture ou encore l’environnement dans les pays en voie de développement, la plupart faisant le procès du tourisme, perçu comme une extériorité s’imposant sur des territoires mal préparés. Pourtant, le tourisme, en tant qu’activité autorisant la mise en relation de territoires et de sociétés plus ou moins éloignés, favorise l’intégration des pays en développement au monde globalisé. Si cette intégration des pays en voie de développement dans le tourisme mondial fait aujourd’hui l’objet de nombreux travaux de recherche, un champ reste encore largement inexploré, qui ouvre pourtant d’intéressantes perspectives, remarquées par Isabelle Sacareau (2006) dans sa récente habilitation à diriger des recherches portant sur le tourisme et les sociétés en développement : celui du tourisme domestique, dans les pays en développement. J’avais alors choisi dans un premier temps de privilégier ce thème d’étude et d’effectuer ainsi une comparaison des pratiques des touristes nationaux et internationaux sur un territoire donné afin de déterminer l’impact des différences sur le développement du territoire touristique et de ses acteurs. Puis, mon projet a évolué sous l’impulsion de Nathalie Fau qui m’a proposé de travailler sur le tourisme transfrontalier et transnational dans le détroit de Malacca et de m’intégrer ainsi au programme de recherche « Transiter » rassemblant des membres des équipes du SEDET, de LASEMA et du CEMCA autour des questions des dynamiques transnationales et recompositions territoriales dans les pays dits « du Sud ». Dès lors, le sujet, mais aussi le thème, prenaient une nouvelle orientation. En effet, si le terme « tourisme » apparaissait toujours dans l’intitulé du sujet, deux autres termes, « transfrontalier » et « transnational » méritaient également une attention particulière. Deux possibilités s’offraient alors à moi pour aborder la question du tourisme transfrontalier et transnational : je pouvais décider de privilégier une approche du sujet soit par la dimension touristique, soit par la dimension des dynamiques transnationales et transfrontalières. J’ai choisi cette dernière solution pour plusieurs raisons : les dynamiques transnationales et transfrontalières me paraissaient relever d’enjeux forts dans un contexte de mondialisation, d’ouverture des frontières et de recompositions territoriales à différentes échelles. Et surtout, le tourisme apparaissait comme l’un des domaines d’application des phénomènes 6
transnational et transfrontalier, au même titre que d’autres domaines de l’activité économique. Dès lors, il était plus pertinent de privilégier une approche par le phénomène et ses dynamiques que par un de ses domaines d’application. Mon thème d’étude devenait alors « les dynamiques transnationales et transfrontalières ».
Définitions
Il convenait alors de définir les termes de « transfrontalier » et « transnational ». L’apparition de ces termes, et surtout leur généralisation, doivent être remises dans un contexte bien précis, celui de la mondialisation et de l’ouverture des frontières, à l’origine de recompositions territoriales en œuvre à toutes les échelles. Ce n’est ainsi pas la « fin des territoires » annoncée qui s’est produite, mais des restructurations prenant en compte l’émergence de ce nouvel ordre mondial, impulsé par l’idéologie libérale, et parmi elles, la restructuration du monde en sous-ensembles régionaux fortement interconnectés entre eux et en eux, articulés autour de réseaux et de constructions transnationales et transfrontalières. L’émergence de ces constructions est ainsi indissociable de l’évolution qu’a connu le concept de frontière depuis les années soixante-dix. Le terme, initialement issu du vocabulaire militaire pour désigner un lieu de face-à-face avec l’ennemi ou l’étranger, est défini depuis le Traité de Westphalie de 1648 comme une ligne imaginaire et symbolique délimitant le territoire sur lequel un Etat-nation est en droit d’exercer sa souveraineté. Elle est alors une discontinuité politique et juridique, marquant la rupture entre l’interne et l’extérieur. Cette conception, inventée en Europe, est ensuite largement exportée, notamment par l’intermédiaire de la colonisation. La frontière connaît un renouveau au moment des décolonisations, de l’effondrement de l’URSS et de la dislocation de la Yougoslavie et dans le contexte de la mise en marche du processus de mondialisation, posant la question de leur effacement. C’est d’ailleurs précisément à ce moment que naissent de multiples ONG se déclarant « sans frontières ». Les frontières, en l’absence de conflit, deviennent alors un lieu de maximisation des échanges, de recentrage de territoires autrefois périphériques et marginalisés à l’échelle nationale, leur rôle de couture s’exprimant pleinement. La frontière devient alors un potentiel, notamment dans le contexte local, favorisant l’émergence de nouvelles constructions transfrontalières et transnationales. Le terme « transfrontalier » apparaît relativement récemment, employé pour la première fois en 1969 au cours d’un colloque européen portant sur les régions frontalières 7
dans l’expression d’ « hinterland transfrontalier » désignant des cas d’imbrications de tissus urbains et socio-économiques à travers les frontières (Hamez G., 2004). Il faut cependant attendre les années quatre-vingts pour que son emploi se généralise, notamment dans le contexte de la construction européenne. Le terme est généralement employé entant qu’adjectif qualificatif. On parlera ainsi de coopérations, de relations, ou encore d’espaces ou de territoires transfrontaliers, ces dernières expressions intéressant particulièrement le géographe. Un espace transfrontalier est caractérisé par une mise en relation particulière d’au moins deux espaces frontaliers contigus à travers une limite internationale. Une attention particulière doit être portée à l’expression « à travers », qui apparaît de façon beaucoup plus évidente dans le terme anglais de cross-border que dans le préfixe trans du terme français. Or, cette expression est essentielle dans la compréhension du terme, indiquant que l’espace transfrontalier ne constitue pas une simple surimposition par-dessus les espaces frontaliers existants et une frontière caractérisée par une certaine porosité, mais créé une nouvelle dynamique de territorialisation. Le périmètre des espaces transfrontaliers consiste en un rayon de quelques kilomètres dont les contours sont généralement relativement flous. On parlera de territoire transfrontalier lorsque l’espace considéré fait l’objet d’un projet commun institutionnalisé, jouant souvent sur un différentiel économique entre les parties impliquées, potentiellement générateur de complémentarités. Les dynamiques transfrontalières jouent donc sur des logiques de proximité, invitant alors à une réflexion sur la définition du « tourisme transfrontalier ». En effet, selon la définition de l’Organisation Mondiale du Tourisme, est considérée comme touriste « toute personne en déplacement hors de son environnement habituel pour une durée d’au moins une nuitée et d’un an au plus ». Cependant, l’échelle d’application des dynamiques transfrontalières rend aléatoire ce séjour d’une nuitée puisque les touristes sont alors susceptibles de réaliser des incursions de quelques heures seulement dans un espace frontalier donné en franchissant successivement la frontière dans les deux sens. Pourtant, si un touriste originaire d’un pays a, visitant un pays b, réalise une telle incursion dans un pays c, cette dernière relèvera d’une pratique touristique. On considérera alors, suivant Timothy Dallen et Richard Butler (1995), et Mark Hampton (2007), qu’un voyage d’une journée est une forme de tourisme lorsqu’il implique le franchissement d’une frontière internationale. Si les dynamiques transfrontalières ont une échelle d’application locale, la caractéristique des dynamiques transnationales ne réside en revanche pas en un critère d’échelle, mais en leur propension à dépasser le cadre de l’Etat-nation en créant des synergies entre des acteurs autres que ce dernier. Ainsi, en économie, sont qualifiées de transnationales 8
les firmes dont les stratégies s’inscrivent au-delà du cadre étatique, s’appuyant sur leurs filiales localisées dans plusieurs pays. Le terme « transnational » se distingue donc de celui d’ « international », désignant les relations entre Etats. Les dynamiques touristiques transnationales consistent alors en une mise en relation de lieux du tourisme localisés dans plusieurs pays par le biais d’acteurs non-étatiques, structurant un espace touristique. Le thème des dynamiques transfrontalières et transnationales connaît aujourd’hui une forte dynamique, étant donné l’espoir que de telles coopérations suscitent, tant chez les politiques que dans le secteur privé. Les travaux se multiplient et connaissent un essor certain depuis environ une décennie, et ce, dans la plupart des aires culturelles existant. Les travaux portant sur l’Europe (Hamez G., 2004 ; Fourny M-C. et Amilhat-Szary A-L., 2006), et notamment sur l’Union Européenne sont particulièrement développés en raison de la multiplication des programmes européens (Ex : INTERREG) favorisant la mise en place de régions transfrontalières et transnationales. De telles recompositions territoriales interviennent donc aujourd’hui dans les pays développés, mais également dans les pays dits du Sud. Ces dynamiques, initiées par le processus de mondialisation, montrent l’intégration grandissante de ces Suds dans un monde global dans lequel l’ancienne opposition Nord / Sud a de moins en moins de sens. L’étude des dynamiques transnationales et transfrontalières s’inscrit donc dans le champ de la géographie de la mondialisation et de l’intégration des pays en développement. Les travaux produits sur les pays du Sud sont nombreux et concernent aussi bien l’Amérique latine que l’Asie et l’Afrique. La frontière américano-mexicaine, les corridors de développement asiatique et latino-américains, les parcs nationaux transfrontaliers africains relèvent entre autres de telles logiques. L’ouvrage Intégrations régionales en Asie Orientale publié par l’équipe Norao (Nouvelles Organisations Régionales en Asie Orientale) [2004] offre un bon aperçu des dynamiques spatiales en présence dans la région asiatique orientale et des formes d’intégration qui s’y déroulent à travers plusieurs études de cas, dont l’une est consacrée à l’organisation spatiale du détroit de Malacca. Son auteur, Nathalie Fau, a également produit de nombreux travaux relatifs aux coopérations transfrontalières et transnationales, connues sous le nom de triangles de croissance, fonctionnant dans le détroit de Malacca sous le mode d’une exploitation du différentiel économique existant entre les régions partenaires. Quelques études ont par ailleurs analysé plus précisément la place du tourisme dans la coopération impliquant la cité-Etat de Singapour, les îles indonésiennes de Riau et l’Etat de Johor en Malaisie (Chang T.C., 1998, 2004 ; Grundy-Warr C. et Perry M., 9
2001 ; Henderson J.C., 2001). Elles s’inscrivent ainsi dans le champ encore relativement peu développé des travaux articulant « tourisme » et « dynamiques transfrontalières et transnationales ». Ce champ est néanmoins en pleine expansion comme l’attestent des travaux récents portant sur l’émergence d’une région touristique transfrontalière tri-nationale autour de la frontière Argentine / Bolivie / Chili (Amlihat-Szary A-L., 2007). Notre étude participera donc au développement de ce champ d’investigation et visera à développer les travaux existants sur les coopérations touristiques en vigueur dans les triangles de croissance du détroit de Malacca.
Problématique et hypothèses
Patrick Picouet et Jean-Pierre Renard, dans leur article « Les détroits : de nouveaux territoires ? L’exemple du Pas-de-Calais », font l’hypothèse que certains détroits constituent des territoires à part entière, construits autour de traits identitaires liés à leur histoire, aux enjeux et aux risques qu’ils représentent (Picouet P., Renard J-P., 2002). Ainsi, les détroits tiennent souvent une place importante dans l’histoire des pays riverains. C’est en effet par le détroit de Malacca que s’est effectuée la colonisation de l’actuelle Malaisie. Les détroits sont par ailleurs source de richesse, en tant que points de passage obligés sur les grandes routes maritimes et représentent donc des enjeux économiques majeurs. Cependant, cette particularité fonde également leur faiblesse, puisqu’un blocus de ces lieux stratégiques serait synonyme de paralysie partielle et momentanée de l’économie maritime mondiale. Ces enjeux et ces risques invitent alors souvent les Etats riverains à coopérer et à reconnaître le détroit comme un espace particulier afin d’en faciliter la gestion. Cette hypothèse nous semble une base intéressante au développement de notre étude et nous nous en inspirerons pour énoncer notre problématique. Ces remarques nous permettent d’énoncer la problématique et les questions de recherche. Nous nous demanderons ainsi si les politiques de coopération touristiques élaborées par les acteurs institutionnels, l’offre en produits touristiques proposée par les entrepreneurs, et les itinéraires suivis par les touristes permettent de conclure à l’existence d’un tourisme transfrontalier et transnational dans le détroit de Malacca et de qualifier ainsi ce dernier de territoire touristique.
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Plusieurs questions orienteront notre recherche : 1) Quelles sont les dissymétries touristiques en vigueur dans le détroit de Malacca et quel est leur impact sur l’élaboration de politiques de coopération touristique, l’offre proposée par le secteur privé, et les itinéraires suivis par les touristes ? 2) La volonté de mettre en place des coopérations touristiques transnationales et transfrontalières trouve-t-elle un relais sur le terrain, en termes d’initiatives entrepreneuriales touristiques et de pratiques des touristes ? 3) Quels sont les pôles, flux et réseaux générés par les pratiques des touristes dans le détroit de Malacca ? La problématique ainsi énoncée vise à appréhender la région du détroit de Malacca dans son ensemble, en tant que territoire touristique potentiel, et à considérer le tourisme comme une combinaison d’éléments (pratiques des touristes, espace touristique, acteurs du tourisme, politique touristique développée par une institution) fonctionnant en système. Plusieurs hypothèses peuvent alors être posées. En ce qui concerne les dissymétries en termes d’offre touristique dans le détroit, on peut émettre l’hypothèse qu’il existe plusieurs types de dissymétries (nombre de touristes, type d’activités touristiques, qualité et quantité des infrastructures touristiques, coûts) et que les impacts sont variables suivant ces types de dissymétrie : - Lorsque la dissymétrie repose sur des types d’activité touristique différents, elle offre une complémentarité susceptible d’encourager la mise en place de politiques de coopération touristique par les acteurs institutionnels, de produits touristiques multi-destinations par les entrepreneurs et de pratiques transfrontalières et transnationales par les touristes dans le détroit de Malacca. - Lorsque la dissymétrie repose sur des coûts et une qualité d’infrastructures différents pour un même type d’activité touristique, elle créé de la concurrence susceptible de freiner la mise en place de politiques de coopération touristique dans le détroit mais peut au contraire générer des pratiques transfrontalières et transnationales de la part des touristes jouant sur le différentiel de coûts. 11
- Lorsque la dissymétrie repose sur le nombre de touristes et apparaît très importante, elle freine la mise en place de coopérations touristiques, la coopération n’étant alors pas essentielle pour la partie la plus fréquentée. En ce qui concerne les réseaux générés par les pratiques touristiques dans le détroit de Malacca, on peut émettre l’hypothèse que ces réseaux varient selon la nationalité des touristes : - Les touristes nationaux (singapouriens, indonésiens de Sumatra, malaisiens de la péninsule, sud-thaïlandais), régionaux (ASEAN + 3 et Inde) et internationaux (autres régions du monde) ont des motivations et des intérêts différents en matière de tourisme. Les réseaux générés par ces différents groupes de touristes diffèrent donc spatialement - Les réseaux générés par les touristes nationaux (singapouriens, indonésiens de l’île de Sumatra, malaisiens de la péninsule, sud-thaïlandais) relèvent de logiques de proximité, plutôt transfrontalières que transnationales tandis que les touristes internationaux réalisent des circuits sur de plus grandes distances et sur différents pays (logiques transfrontalières et transnationales) car ils habitent dans des pays éloignés et n’auront pas nécessairement l’occasion de revenir dans la région.
Méthodologie
Le choix de la méthodologie, s’il constitue toujours un élément important d’un travail de recherche, s’est révélé particulièrement crucial dans le cadre de cette étude. En effet, une difficulté majeure se posait dès le départ et nécessitait la mise en place de stratégies pour tenter d’y faire face : l’étendue du territoire d’étude considéré. Un séjour de deux mois sur le terrain était prévu pour effectuer les recherches, ce qui représentait une durée trop courte pour espérer réaliser un travail exhaustif sur l’intégralité du détroit de Malacca. J’avais alors choisi de concentrer ce travail de terrain sur un pays en particulier, la Malaisie. Cette décision reposait sur trois aspects pratiques. Le fait que la langue anglaise soit pratiquée dans la plupart des villes du pays, contrairement à la Thaïlande et à l’île indonésienne de Sumatra, représentait un avantage indéniable pour la réalisation des enquêtes 12
de terrain. D’autre part, le sujet d’étude impliquait des déplacements relativement fréquents sur le terrain. La qualité des infrastructures et du réseau de transport de la Malaisie péninsulaire constituait alors le deuxième avantage de la Malaisie. Un troisième avantage résidait en la position centrale du pays dans la région du détroit, autorisant des incursions dans les pays voisins. De fait, deux passages de frontière de courte durée ont été réalisés au cours du séjour, à Singapour et dans le sud de la Thaïlande afin de constater les conditions de passage de frontière dans le détroit, d’obtenir des compléments bibliographiques et des compléments d’enquête. Le choix du passage à Singapour et en Thaïlande plutôt que sur l’île de Sumatra a été réalisé pour des raisons économiques. En effet, le passage sur l’île de Sumatra nécessitait d’emprunter des modes de transports (avion ou ferry) plus coûteux que le bus ou le train. Ces passages dans les pays voisins, bien que courts, ont permis de minimiser le biais nécessairement engendré par le choix de séjourner dans un seul des quatre pays concernés par l’étude. Par ailleurs, une attention particulière a été portée à l’espace correspondant au triangle de croissance IMT-GT. En effet, ce triangle a été moins étudié que le triangle IMS-GT, qui a lui fait l’objet de plusieurs études en ce qui concerne la coopération touristique. Il paraissait alors préférable de privilégier le travail de terrain sur cet espace pour lequel l’information bibliographique était moins fournie. D’autre part, l’année 2008 faisant l’objet d’une opération marketing spéciale « Visit Year IMT-GT 2008 » dans le triangle IMT-GT, il était intéressant d’étudier l’impact de cette opération sur le territoire et son développement touristique. Les données mobilisées dans le cadre de cette recherche ont été collectées suivant trois sources principales. Une première source concernait la bibliographie existante touchant au sujet, consultée à Paris et sur le terrain, dans les bibliothèques des universités Utara Malaysia à Sintok (Kedah), Sains Malaysia à Penang et Teknologi Malaysia à Skudai (Johor), à la bibliothèque nationale de Malaisie à Kuala Lumpur et à l’Institute of South-East Asia Studies (ISEAS) à Singapour. L’acquisition de données sur le terrain a ensuite constitué une deuxième source d’information. Cette acquisition a été réalisée sous forme d’enquêtes et d’observations. La volonté de considérer le tourisme en tant que système impliquait de prendre en considération plusieurs populations différentes et d’analyser et confronter leurs pratiques et discours. Une première population regroupait les touristes. Sans touristes, il ne peut y avoir de tourisme. Analyser la réalité du tourisme transfrontalier et transnational dans la région 13
supposait donc de vérifier que de telles pratiques étaient réalisées par les principaux intéressés. Les enquêtes ont consisté dans un premier temps en des entretiens plutôt qu’en des questionnaires. En effet, choisir d’enquêter par le biais d’un questionnaire implique d’avoir une bonne connaissance de la réalité sociale à étudier. Or, avant de partir sur le terrain, peu d’informations étaient disponibles concernant les pratiques transfrontalières et transnationales éventuelles des touristes dans le détroit de Malacca. La méthode de l’entretien était alors particulièrement appropriée, d’autant plus qu’elle permettait de détailler les logiques explicatives et de cerner les motivations des personnes enquêtées en ce qui concerne la pratique du tourisme transfrontalier. Dans un second temps, après avoir progressé dans la connaissance du phénomène étudié, les enquêtes ont évolué en questionnaires de façon à mettre en évidence les tendances globales en matière de pratiques touristiques transfrontalières et transnationales. Trois sous-populations ont été identifiées : les touristes occidentaux, les touristes nationaux résidant dans la région du détroit de Malacca, c’est-à-dire dans le Sud de la Thaïlande, dans l’île de Sumatra, en Malaisie péninsulaire et à Singapour, et les touristes régionaux résidant dans les autres pays d’Asie du Sud-est, en Asie orientale (Chine, Taiwan, Corée du Sud, Japon) et en Inde. Cette distinction devait permettre de comparer les réseaux générés par les touristes selon leur nationalité. Les enquêtes par questionnaires ont été réalisées auprès d’un échantillon de 100 touristes occidentaux ayant eu des pratiques touristiques transfrontalières ou transnationales dans la région du détroit de Malacca, interrogés dans divers sites touristiques de la Malaisie péninsulaire, du Sud de la Thaïlande et à Singapour. L’île de Sumatra est donc la seule portion du territoire d’étude n’ayant pas fait l’objet d’enquêtes auprès de touristes occidentaux. Or, parmi les touristes interrogés en Malaisie, en Thaïlande et à Singapour, très peu ont évoqué un passage à Sumatra (en dehors des îles de l’archipel de Riau), bien que certaines enquêtes aient été réalisées en des points stratégiques, à proximité des terminaux de ferry en partance vers Sumatra dans les villes malaisiennes côtières de Melaka et de Penang. Ceci pouvait alors être interprété de deux façons différentes : soit il n’existait effectivement pas ou très peu de tourisme transfrontalier entre les territoires des rives Est et Ouest du détroit, soit ce résultat était dû au hasard (les touristes interrogés étant sélectionnés au hasard) ou à un contexte ponctuel défavorable au tourisme (l’île de Sumatra était soumise à la saison des pluies, peu propice au tourisme, et à une série de tremblements de terre au moment où ont été réalisées les enquêtes). D’autres méthodes ont alors été utilisées pour examiner ce point : lecture de blogs et forums de voyageurs sur Internet et enquêtes auprès de gérants ou de personnel de compagnies de transport de Melaka et de Penang. 14
Enfin, une dizaine de touristes occidentaux ayant circulé dans un seul des pays inclus dans le territoire d’étude ont été interrogés afin de déterminer les raisons pour lesquelles ces touristes se limitaient à la visite d’un pays. Les enquêtes concernant les touristes régionaux et nationaux ont été réalisées auprès d’échantillons trop peu importants pour être satisfaisants. Plusieurs difficultés se sont en effet présentées. Ainsi, certaines nationalités étaient très peu représentées parmi les touristes interrogés, du fait d’un accès au tourisme concernant une frange très minoritaire de la population de certains pays (Birmanie, Cambodge, Laos, Vietnam, Philippines). Les indiens,, japonais, sud-coréens, chinois et taïwanais représentaient ainsi l’essentiel de la catégorie des touristes régionaux. Il était alors difficile d’obtenir un échantillon satisfaisant de chacune des nationalités concernées et la catégorie des touristes régionaux méritait donc d’être redéfinie. D’autre part, la rencontre avec des nationaux ayant des pratiques touristiques transfrontalières ou transnationales s’est avérée aléatoire : beaucoup d’habitants interrogés n’étaient en effet jamais allés à l’étranger. Enfin, certains touristes asiatiques, notamment les chinois et les indonésiens, ne parlaient pas ou peu anglais, ce qui constituait un obstacle majeur à la passation des entretiens. En raison de ces difficultés, les enquêtes réalisées ont été corroborées par des constatations relevées auprès de professionnels du tourisme (salariés d’offices de tourisme, personnel d’agences de voyage et de compagnies de transport) et d’universitaires malaisiens spécialistes du tourisme. La seconde population enquêtée concernait les acteurs institutionnels. Ceci devait permettre de mettre en évidence les stratégies politiques en œuvre en matière de tourisme et d’analyser la prise en compte ou non des accords de coopération liés aux triangles de croissance dans les plans locaux de développement touristique. Ces institutions ont été enquêtées exclusivement sur l’île de Penang en raison de son statut de hub du triangle de croissance IMT-GT. Il s’agit de Penang Tourism Action Council, Malaysia Indonesia Thailand Tourism Association (MITTAS) et Malaysian Association of Tour and Travel Agents à Penang (MATTA). Enfin, la troisième population enquêtée concernait les agences de voyage et les compagnies de transport. Enquêter auprès de cette population permettait alors de déterminer si les politiques de coopération touristiques élaborées par les acteurs institutionnels trouvaient une continuité chez les acteurs privés du tourisme. Il s’agissait ainsi de constater si des produits touristiques de nature transfrontalière ou transnationale étaient proposés ou non aux voyageurs, si des stratégies marketing étaient mises en place pour promouvoir ce type de
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produits et le niveau de succès de tels produits. Les enquêtes ont été réalisées par entretien dans divers sites touristiques de la Malaisie péninsulaire. La troisième source d’information concernait les données collectées dans les guides touristiques portant sur les pays de la zone d’étude et sur des sites Internet d’offices de tourisme des pays concernés, d’agences de voyage, de compagnies de transport et de blogs et forums de voyageurs. Ces divers supports ont été des sources abondantes d’information en raison de la nécessité d’une accessibilité aisée de l’information destinée aux touristes. Ils ont constitué en particulier un complément essentiel dans le travail consistant à répertorier les différents transports, hébergements touristiques et sites touristiques en présence dans l’espace d’étude considéré. Cette démarche méthodologique permettait ainsi de réunir l’ensemble des éléments nécessaires à la bonne conduite de l’étude, abordée en trois temps. Une première partie est consacrée à la mise en évidence des différents enjeux relatifs au sujet traité, à savoir l’intégration du détroit de Malacca dans un monde globalisé, le rôle joué par le tourisme dans ce processus d’intégration et l’état de la coopération touristique régionale en Asie du Sud-est. La seconde partie porte sur deux types d’acteurs impliqués dans le développement du tourisme transfrontalier et transnational dans le détroit de Malacca : les acteurs institutionnels et le secteur privé. Il s’agira alors dans un premier temps d’analyser les rapports de force et dissymétries touristiques existants entre les régions et Etats impliqués dans les triangles de croissance et de déterminer l’impact de ces rapports de force sur l’élaboration de politiques de coopération touristique. Puis, un second temps sera consacré à l’évaluation de l’offre touristique transfrontalière et transnationale proposée par le secteur privé, relais essentiel de la mise en pratique des projets déterminés par les acteurs institutionnels. Enfin, la troisième partie vérifiera la réalité des pratiques transfrontalières et transnationales dans le détroit de Malacca en analysant les circuits réalisés par les principaux intéressés, les touristes.
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PARTIE 1 LE DÉTROIT DE MALACCA ET LA MONDIALISATION : LA PLACE DU TOURISME DANS L’INTÉGRATION DU TERRITOIRE
INTRODUCTION
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Cette première partie vise à poser l’ensemble des enjeux relatifs à l’étude du tourisme transfrontalier et transnational dans le détroit de Malacca dans le contexte de mondialisation et d’intégration des pays en développement. Un premier temps sera consacré à l’examen des modalités d’intégration du détroit de Malacca dans le monde globalisé en insistant sur les enjeux qu’il représente à différentes échelles et en présentant les recompositions territoriales y opérant. Il s’agira ensuite d’expliquer le rôle joué par l’activité touristique dans l’intégration des territoires et d’évaluer les opportunités offertes par cette activité dans les régions frontalières. Franchir une frontière et combiner ainsi la visite de plusieurs pays au cours d’un même voyage peut constituer une expérience attractive pour le touriste. Ce différentiel induit par la frontière peut alors être exploité dans le cadre de la promotion touristique à plusieurs échelles. Nous examinerons alors dans un troisième temps les politiques touristiques communes à l’échelle de la région Asie du Sud-est et montrerons comment celles-ci offrent un cadre aux coopérations touristiques sub-régionales dans le détroit de Malacca.
I. LE DÉTROIT DE MALACCA : UN TERRITOIRE MONDIALISÉ
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1. Un espace-enjeu propice à la mise en place de coopérations sous-régionales Les détroits sont des passages maritimes resserrés entre deux terres et faisant communiquer deux espaces maritimes. Le détroit de Malacca est situé ente la côte Est de l’île de Sumatra en Indonésie d’une part, et la côte Ouest de la Malaisie péninsulaire et la cité-Etat de Singapour d’autre part. Sa limite Nord est marquée par une ligne imaginaire s’étendant d’Ujung Baka (à l’extrême Nord de l’île de Sumatra), à Laem Phra Chao (à l’extrême Sud de l’île de Phuket en Thaïlande) tandis que sa limite Sud correspond à une ligne joignant Than Datok (à l’extrême Sud-est de la Malaisie péninsulaire) et Tanjung Pergam (à l’extrême Nord de l’île de Bintan en Indonésie) (Figure 1). Figure 1. Le détroit de Malacca : limites
Source : à partir de RIMMER P., 2003
Le détroit de Malacca, et les détroits en général, font l’objet d’enjeux géopolitiques, géostratégiques et économiques cruciaux, aux échelles locale, régionale, nationale et 19
internationale. Ils font partie, au même tire que les fleuves, canaux, ou littoraux, des objets et positions géographiques susceptibles de conférer une puissance ou une richesse supplémentaire à un Etat donné. Tous ont en commun une proximité et un rapport fort à l’espace maritime. Cet intérêt pour divers types d’accès maritimes s’explique par le contexte actuel de maritimisation de l’économie à l’échelle mondiale. Le doublement des exportations mondiales entre 1970 et 2000 a en effet en grande partie été porté par le trafic maritime dont les flux ont été multipliés par cinq sur cette même période. Le détroit de Malacca étant un point de passage obligé sur la route commerciale stratégique reliant les océans Indien et Pacifique, on comprend alors mieux l’enjeu économique qu’il représente, tant pour les Etats riverains que pour de grandes puissances plus ou moins éloignées. Il constitue ainsi une artère vitale pour le Japon, dont l’approvisionnement en pétrole est réalisé en grande partie à partir du Moyen-Orient, pour la région asiatique orientale dont l’intégration économique s’accompagne d’une forte croissance du trafic maritime, et pour les ports des Etats riverains (Singapour, Malaisie et Indonésie). Ces derniers se partagent le détroit selon un principe d’équidistance : la frontière est une ligne tracée à égale distance entre les deux rives du détroit. Cette frontière, maritime, présente une particularité par rapport aux frontières terrestres. Elle autorise des contacts entre les espaces situés de part et d’autre de la ligne symbolique, et permet également un passage en long. La frontière maritime joue donc sur une triple dimension. Ceci implique une structuration originale du détroit autour de deux axes perpendiculaires : l’un longitudinal, liant deux espaces maritimes, le second, transversal, symbolisant les relations, circulations et flux entre les rives opposées du détroit (Figure 2, schéma de droite). Figure 2. Modèle de l’organisation des détroits
Source : PICOUET P., RENARD J-P., 2002
En tant que lieu d’enjeux divers aux échelles internationale, régionale et locale, le détroit de Malacca doit faire l’objet d’une analyse multi-scalaire. L’étude des relations 20
transversales qui s’y nouent ne doit alors pas s’arrêter à la seule interface terre-mer, mais nécessite également une prise en compte du fait que le détroit est un espace intégré à des arrières-pays continentaux où s’opèrent des recompositions territoriales liées à cette situation géographique particulière. Les relations transversales existant dans le détroit trouvent généralement une continuité dans ces zones continentales riveraines, intensifiant ainsi l’intégration des deux rives du détroit. Celui-ci est alors un lieu propice à l’émergence de coopérations transfrontalières et transnationales.
2. Les triangles de croissance : du transfrontalier au transnational Le détroit de Malacca est ainsi organisé par des coopérations connues sous le nom de triangles de croissance, fonctionnant à chacune de ses extrémités, créés dans le contexte du processus de mondialisation et d’ouverture des frontières. En 1989, le premier ministre singapourien Lee Kuan Yew et le président indonésien Suharto sont à l’origine d’un accord marquant la création du triangle de croissance SIJORI (aujourd’hui rebaptisé IMS-GT) qui vise à promouvoir le développement économique des trois sous-régions impliquées dans la coopération : Singapour, l’Etat de Johor en Malaisie, et l’île de Batam en Indonésie. L’ensemble de la province indonésienne de Riau est intégrée au triangle en 1995. Le but est alors de jouer sur le différentiel économique existant entre ces trois sous-régions. Cependant, les échanges se basent essentiellement sur des relations bilatérales entre Singapour et la province de Riau d’une part, et Singapour et l’Etat de Johor d’autre part, n’exploitant ainsi pas les trois côtés du triangle. La cité-Etat de Singapour est alors accusée d’être le principal bénéficiaire de la coopération et le Premier ministre malaisien Mahatir propose la création d’un second triangle malais musulman réunissant la province de Sumatra Nord et le territoire d’Aceh en Indonésie, les Etats de Kedah, Perak, Perlis et Penang en Malaisie et les provinces de Satun, Songkhla, Yala, Narathiwat et Pattani dans le Sud de la Thaïlande afin de contrebalancer le poids de Singapour et des réseaux chinois. Le triangle a subi plusieurs élargissements successifs incluant les provinces thaïlandaises de Trang, Phattalung, Nakhon Si Thammarat, Chumphon, Krabi, Ranong, Surathani, Phuket et Phang Na, les Etats malaisiens de Kelantan, Selangor, Malacca, Negeri Sembilan, Terengganu et englobe aujourd’hui l’intégralité de l’île de Sumatra. Le triangle IMT-GT (Indonesia-MalaysiaThailand Growth Triangle) est géré par la Banque Asiatique du Développement et les gouvernements des Etats impliqués depuis 1993. 21
Les triangles de croissances en présence dans le détroit de Malacca jouent donc sur des logiques transfrontalières et transnationales et font l’objet de coopérations dans de nombreux domaines économiques dont celui du tourisme.
II. LE TOURISME : UNE ACTIVITÉ INTÉGRATRICE DES TERRITOIRES ET DES SOCIÉTÉS
Le tourisme, en tant que facteur de changement des sociétés et territoires, participe pleinement du processus de mondialisation et des recompositions territoriales qui lui sont liées. En effet, il accélère et densifie la diffusion des flux de personnes entre des territoires toujours plus éloignés et nécessite une capacité des territoires et des sociétés à se mobiliser et à se transformer rapidement. Cette activité est alors susceptible de favoriser l’intégration des territoires et sociétés au monde globalisé, et notamment les territoires et sociétés du Sud.
1. L’accès des sociétés du Sud au tourisme : une complexification des flux touristiques Il y a quelques décennies encore, la carte des flux touristiques à l’échelle mondiale révélait une relation forte entre niveau de développement d’un pays et niveau d’émission de touristes. Les pays dits « du Nord » étaient alors les principaux émetteurs, tandis que les flux partant des pays dits « du Sud » apparaissaient beaucoup plus restreints. L’intégration des pays du Sud au tourisme mondial se faisait alors au titre de pays essentiellement récepteurs. Aujourd’hui, l’expansion des couches moyennes à l’échelle mondiale et la tendance à l’orientation des dépenses des foyers vers des activités de loisir entraînent une augmentation marquée de la fréquentation touristique à l’échelle mondiale ainsi qu’une complexification des flux touristiques liée à l’ouverture au tourisme d’un nombre croissant de pays, et notamment de pays dits « du Sud ». Plusieurs de ces pays s’affirment donc dans les échanges touristiques à l’échelle mondiale et viennent grossir les rangs des pays émetteurs, dirigeant leurs flux vers les pays industrialisés, mais également vers d’autres pays dits « du Sud ». Des échanges touristiques Sud-Sud se mettent donc en place, favorisant ainsi la participation des sociétés du Sud au processus de mondialisation. Toutefois, l’intégration au tourisme mondial est très contrastée au sein du groupe des pays dits « du Sud », et ce sont essentiellement les 22
pays émergents (Corée du Sud, Chine, Inde, Malaisie, Brésil, …) qui sont aujourd’hui émetteurs. Dans certains pays dits « du Sud », l’intégration des territoires précède l’intégration des sociétés du point de vue du tourisme, c’est-à-dire que ces pays font partie des destinations prisées du tourisme mondial mais envoient encore peu de ressortissants à l’étranger. Le tourisme est souvent perçu par les gouvernements de ces pays comme un outil propice à l’intégration économique et/ou politique du territoire en raison de son caractère flexible.
2. La flexibilité du tourisme : intégration politique et économique des territoires
Les pays dits « du Sud » bénéficient pour la plupart d’un climat tropical et disposent donc d’abondantes ressources naturelles : soleil, végétation tropicale, faune, … Les pouvoirs publics entendent alors tirer profit du fort potentiel touristique de ces pays et s’investissent de plus en plus dans le domaine du tourisme, auparavant plutôt du ressort des opérateurs privés internationaux. Le tourisme, en tant que fournisseur de devises étrangères, constitue en effet souvent un pilier de l’économie de ces pays. Parfois, des territoires entiers, relevant de différents niveaux d’échelles, se spécialisent dans cette activité, dont dépend alors essentiellement leur économie. Il peut s’agir d’Etats, telles les îles-Etat de la Jamaïque ou des Bahamas, de régions ou encore de localités, tels des villages orientant leur folklore et artisanat à destination des touristes et utilisant ainsi le tourisme comme tremplin pour la reconversion économique du territoire. Le tourisme représente alors parfois l’activité de la dernière chance dans les territoires en déclin ou marginalisés. L’activité peut également être instrumentalisée à des fins politiques et géopolitiques, afin de reprendre le contrôle sur des territoires échappant à l’influence des pouvoirs publics d’un pays. Ainsi, en encourageant le développement du tourisme dans des zones sous contrôle maoïste, le gouvernement népalais espère faire jouer un rôle d’acteur-tampon aux touristes afin de favoriser une réappropriation progressive de ces zones. Le tourisme est donc une activité flexible favorisant l’intégration des territoires et peut être notamment utilisée pour le développement des régions frontalières.
3. La frontière, symbole d’altérité : un potentiel touristique
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Il existe un lien étroit entre tourisme et frontière. En effet, « faire du tourisme » implique de franchir des frontières, qu’elles soient locales, régionales ou internationales. Analyser les frontières est alors essentiel pour déterminer les potentialités de développement de pratiques touristiques transfrontalières ou transnationales dans un ensemble régional donné.
A. La frontière : contrainte ou attraction touristique ?
Le franchissement de frontières est souvent associé à des formalités, plus ou moins contraignantes, susceptibles de constituer un obstacle au développement du tourisme transfrontalier et transnational. Un visa coûteux, des temps d’attente importants, un manque de transports permettant le franchissement ou une importante présence militaire liée à des relations diplomatiques difficiles entre les pays frontaliers sont autant d’éléments susceptibles de rebuter le touriste. Ce franchissement peut alors être perçu comme une difficulté, notamment par les personnes ayant peu l’habitude de voyager à l’étranger. Cependant, le franchissement de frontière peut être considéré par certains comme une expérience excitante, permettant de se retrouver en quelques pas dans un contexte socio-économique et culturel différent : “In the space of a few feet we pass from one geographical entity to another which looks exactly the same but is unique, has a different name, is in many ways a completely separate world from the one we just left… This sense from passing from one world to another, of encompassing within a few steps two realms of experience, enchants and fascinates.” (Ryden K.C., 1993, cité par Dallen J.T., 1995) Nombreux sont d’ailleurs les touristes photographiant des marqueurs du passage de frontière, tels des drapeaux ou panneaux de signalisation écrits dans la langue du pays. Le passage de frontières peut alors jouer sur deux échelles : dans le cas de pratiques touristiques transnationales, la frontière est franchie dans le but de visiter plusieurs pays au cours d’un même voyage. Ce type de pratiques est courant en ce qui concerne les touristes voyageant dans une région éloignée de leur lieu de résidence, souhaitant ainsi rentabiliser le coût et la durée du transport. Le passage de frontière peut également jouer sur une échelle plus locale, relevant de pratiques transfrontalières. Ces pratiques peuvent subvenir sur des laps de temps courts, correspondant à une visite de quelques heures dans la zone frontalière du pays voisin, ou plus longs, impliquant des visites de plusieurs jours dans les zones frontalières d’au moins deux pays différents. Seules les frontières touristiques sont susceptibles de générer de 24
telles pratiques et de constituer ainsi un espace géographique favorable à la coopération transfrontalière.
B. Les frontières touristiques : un espace géographique propice à la coopération transfrontalière
Les frontières touristiques obéissent à plusieurs critères. Il s’agit de frontières ouvertes, politiquement stables, caractérisées par la présence d’un site touristique dans au moins un des deux espaces frontaliers qu’elles délimitent. Trois modèles de frontières touristiques peuvent alors être identifiés : chaque espace frontalier de part et d’autre de la frontière propose un site touristique d’intérêt ; seul un des espaces frontaliers présente un site touristique ; le site touristique chevauche la frontière, étant ainsi localisé sur les deux espaces frontaliers délimités. Ces différentes configurations trouvent de nombreux exemples dans le monde, qui sont à l’origine de coopérations touristiques transfrontalières. Ce type de coopération se multiplie aujourd’hui, tant dans les pays développés que dans les pays dit « du Sud », dans le cadre d’organisations régionales ou sans cadre institutionnel établi. Les exemples sont nombreux au sein de l’Union Européenne, notamment dans le contexte de la création de nouveaux espaces de coopération transfrontalière et transnationale, les Eurorégions. Ces dernières, si elles ne constituent pas un nouvel échelon administratif et ne sont pas dotées de pouvoirs politiques, permettent néanmoins à des administrations de différents niveaux (local, régional) situées de part et d’autre d’une frontière de coopérer dans la limite des compétences qui leur sont accordées. Le tourisme constitue alors un domaine actif de la coopération. La création d’un passeport des Musées du Rhin supérieur autorisant l’accès à plus de 180 musées dans la région Alsace (France), les Etats fédérés du BadeWurtemberg et de la Rhénanie-Palatinat (Allemagne) et les cantons de Baselland, Basel-Stadt, du Jura et d’Aargau (Suisse) vise ainsi à encourager les populations de ces territoires à franchir les frontières afin de bénéficier de l’offre culturelle en vigueur dans les régions voisines. Dans le cas des Eurorégions, le tourisme apparaît comme l’un des domaines des coopérations transfrontalières et transnationales en vigueur. L’existence de partenariats établis sert ainsi d’appui à la mise en place de projets touristiques transfrontaliers et transnationaux, qui renforcent eux-mêmes la coopération, mettant en évidence l’effet de rétroaction positive existant entre tourisme et coopération transfrontalière et transnationale. Parfois, la coopération touristique intervient pour consolider des pratiques initiées par les touristes eux-mêmes. Ainsi, sur le continent sud-américain, l’émergence d’une région touristique transfrontalière tri25
nationale Argentine / Bolivie / Chili est le fruit d’initiatives de touristes européens séjournant dans l’espace frontalier de l’un des trois pays et ayant réalisé des incursions dans les espaces frontaliers voisins (Amilhat-Szary A-L., 2007). Ce n’est que dans un second temps que les pouvoirs publics des trois régions concernées s’organiseront pour donner un cadre à ces pratiques. Les coopérations touristiques transfrontalières et transnationales se développent donc dans différentes régions du monde aujourd’hui. L’Asie du Sud-est n’échappe pas à la tendance et fait l’objet de coopérations touristiques régionales et sous-régionales.
III. LA COOPÉRATION TOURISTIQUE RÉGIONALE EN ASIE DU SUD-EST : UN CADRE POUR LES COOPÉRATIONS SUB-RÉGIONALES DANS LE DÉTROIT DE MALACCA
En raison des reconfigurations territoriales opérant à diverses échelles dans le contexte du processus de mondialisation, l’insertion des territoires dans le monde globalisé se réalise souvent à travers un emboîtement d’échelles. Ainsi, les coopérations en œuvre dans le détroit de Malacca relèvent d’un niveau d’échelle sub-régional mais s’inscrivent également dans le cadre plus large des coopérations opérant à l’échelle de la région asiatique sud-orientale. Prendre en compte l’histoire et les politiques touristiques en œuvre dans la région asiatique sud-orientale permet alors de mieux appréhender les processus à l’œuvre à l’échelle du détroit de Malacca.
1. L’Asie du Sud-est : une fréquentation touristique croissante C’est à partir des années cinquante que la région asiatique sud-orientale s’ouvre de façon significative au tourisme international. Le tourisme, au même titre que l’industrie ou les transports, fait partie intégrante des plans de développement des pays concernés, percevant en cette activité un potentiel de transfert de ressources du Nord vers le Sud. Si dans les années soixante la région ne compte que pour 3% des arrivées de touristes internationaux dans le monde, elle devient rapidement une des destinations touristiques majeures, accueillant 16% des arrivées de touriste internationaux en 1990 (Chang T.C., Ho K.C et Teo P., 2001). En effet, la région connaît un taux de croissance touristique de 15,7% entre 1980 et 1995, largement 26
supérieur à la moyenne mondiale de 9,3%. Les situations en matière d’accueil de touristes étrangers sont cependant très contrastées au sein de la région. Ainsi, si la Thaïlande, la Malaisie,
Singapour
et
l’Indonésie
apparaissent
comme
les
destinations
leader
(respectivement 8,6 millions, 7,9 millions, 6,9 millions et 4,7 millions d’arrivées de touristes étrangers en 1999), certains pays tels le Cambodge et surtout le Myanmar restent relativement peu fréquentés. La région connaît aujourd’hui encore une croissance touristique importante grâce à l’augmentation croissante du nombre de touristes chinois voyageant dans la région et au développement d’un tourisme intra-régional encouragé par l’ASEAN.
2. L’émergence d’un tourisme régional et intra-régional : le rôle de l’ASEAN L’ASEAN (Association of South-East Asian Nations), rassemblant l’ensemble des pays de la région asiatique sud-orientale (Indonésie, Malaisie, Philippines, Singapour, Thaïlande, Brunei, Vietnam, Cambodge, Laos et Myanmar) est aujourd’hui la seule organisation régionale institutionnalisée en Asie du Sud-est. Fondée en 1967 dans le but d’unifier les pays membres et de leur conférer ainsi une meilleure visibilité politique sur la scène internationale, l’association s’est rapidement détournée de son objectif initial pour se concentrer sur l’intégration économique régionale. Le tourisme est alors apparu comme un des secteurs clé de cette intégration. Dès les débuts de l’ASEAN, le tourisme apparaissait comme un domaine important de la coopération régionale, au même titre que le commerce ou les investissements, et faisait l’objet de politiques spécifiques visant à développer un tourisme régional. L’objectif était alors de promouvoir la région asiatique sud-orientale comme une destination touristique unique et de faciliter les voyages entre pays membres afin d’encourager le développement d’un tourisme intra-régional. Le sous-comité au tourisme (Sub-Committee on Tourism), créé en 1976, était chargé de développer des projets touristiques coordonnés par plusieurs pays et de réaliser un marketing touristique commun pour la région, et le forum touristique annuel de l’ASEAN (ASEAN Tourism Forum), initié en 1981, proposait la mise en place du « Visit Year ASEAN 1992 » (Ghimire K.B., 2001). Cet événement, réitéré en 2002 en collaboration avec le secteur privé (ASEAN Tourism Association), visait à encourager les touristes occidentaux séjournant dans la région à circuler dans plusieurs des pays membres au cours de leur voyage. La coopération touristique régionale visait alors essentiellement le marché touristique international. Cependant, constatant la participation importante des ressortissants des pays 27
membres au tourisme intra-régional (représentant 89,6% à Brunei, 73% au Laos, 69,3% en Malaisie, 45,2% en Indonésie, 26,8% à Singapour, 21,3% en Thaïlande et 20,4% au Cambodge en 1998 selon les données de l’Organisation Mondiale du Tourisme), l’ASEAN adopte une nouvelle stratégie en 2005 en permettant à ses ressortissants de voyager dans toute la région sans visa pour une durée de trois semaines. Les politiques mises en œuvre par l’ASEAN pour favoriser l’émergence d’un tourisme intra-régional sont alors susceptibles d’encourager le développement d’un tourisme transfrontalier et transnational dans le contexte sous-régional du détroit de Malacca.
CONCLUSION
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La configuration du détroit de Malacca autour d’axes longitudinaux et transversaux a favorisé la création de deux triangles de croissance, zones de coopération transfrontalière et transnationale impliquant des régions des pays riverains du détroit. C’est à travers ces recompositions territoriales que le détroit de Malacca s’intègre dans la région asiatique orientale, et, à une échelle supérieure, dans le monde globalisé. La participation croissante des pays dits « du Sud » aux flux touristiques internationaux et la flexibilité de l’activité touristique favorisant la mise en relation de sociétés et territoires toujours plus éloignés montrent le potentiel que représente cette activité pour l’intégration des territoires du Sud. Le tourisme constitue en particulier un domaine dynamique des coopérations régionales, transnationales et transfrontalières. En effet, l’ensemble de ces coopérations joue de l’effet de frontière. Or, cette dernière, séparant au moins deux entités politiques distinctes, constitue un symbole du différentiel et de l’altérité, raisons d’être du tourisme, et peut alors représenter une véritable attraction touristique, encourageant ainsi les flux transfrontaliers et transnationaux de touristes. À une échelle régionale, l’ASEAN tente ainsi d’exploiter le potentiel touristique offert par les frontières en présentant la région asiatique orientale comme une destination unique, riche de la diversité des cultures asiatiques qui la composent. De même, la coopération touristique dans les triangles IMS-GT et IMT-GT se fonde sur l’exploitation des complémentarités offertes par les différentes parties.
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PARTIE 2 DES PROJETS INSTITUTIONNELS DE COOPÉRATION TOURISTIQUE À LEUR RÉALISATION : LE LIEN ENTRE ACTEURS PUBLICS ET PRIVÉS
INTRODUCTION
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Cette partie s’attardera sur les politiques touristiques élaborées par les divers acteurs institutionnels en présence dans le détroit de Malacca : Etats, régions, et comité des triangles de croissance IMS-GT et IMT-GT. Il s’agira d’analyser les intérêts et politiques touristiques des Etats et régions considérés afin d’éclaircir les rapports de force existant entre ces derniers et de déterminer si leurs intérêts sont compatibles avec la coopération touristique transfrontalière et transnationale prônée dans le cadre des triangles de croissance. Si les acteurs institutionnels jouent un rôle important en élaborant les politiques en matière de tourisme, la mise en œuvre du projet de territoire et de coopération ne peut cependant être réalisée sans le soutien des entrepreneurs intervenant dans le secteur du tourisme, rendant ainsi indispensable la coopération entre secteurs public et privé. Un examen des initiatives prises par les entrepreneurs du tourisme ou de secteurs liés au tourisme (transports) sera alors nécessaire afin de déterminer si les politiques élaborées par les acteurs institutionnels trouvent bien un relais dans le secteur privé.
I. LES TRIANGLES DE CROISSANCE : LA COOPÉRATION TOURISTIQUE À L’ÉPREUVE DES RAPPORTS DE FORCE ENTRE ÉTATS ET RÉGIONS
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Instaurer des coopérations, dans quelque domaine économique que ce soit, est un exercice délicat supposant de dépasser une situation de concurrence économique entre les parties impliquées pour aboutir à un projet commun dont la réussite dépendra des concessions réalisées par chacune des parties et de leur capacité à instaurer une relation gagnant-gagnant où chacun trouvera son bénéfice : “For economic cooperation to move ahead, a model will be required that can be acceptable to all because it promises equal benefits, and, at the same time, a greater political will to sacrifice at least some national interests for the welfare of the whole if necessary” (Snitowongse K., 1990, cité par Han M.L., 2001).
1. Le triangle IMS-GT : une domination singapourienne freinant la coopération
A. La régionalisation touristique : un intérêt commun aux trois parties
L’idée de combiner les ressources touristiques de la cité-Etat de Singapour, de la province indonésienne de Riau et de l’Etat malaisien de Johor émerge au début des années quatre-vingts, présentant un contexte favorable à la création d’un projet commun. En effet, chacune des parties trouve alors un avantage à l’instauration d’une coopération touristique subrégionale. Les années quatre-vingts sont marquées par un déclin des revenus liés au tourisme et un raccourcissement de la durée de séjour des touristes pour Singapour. La cité-Etat semble alors approcher du point de saturation de son industrie touristique, et doit en outre faire face à une concurrence de plus en plus variée liée à l’émergence de nouvelles destinations touristiques en Asie du Sud-est. Il est alors temps pour elle de modifier sa politique touristique, en misant sur un développement touristique non plus uniquement endogène, limité au seul territoire singapourien, mais également régional, utilisant les ressources des territoires voisins de la région. Cette même période est marquée par l’accession de Mahatir au titre de Premier Ministre de la Malaisie (1981). La région du Kedah, dont est originaire Mahatir, et surtout l’île de Langkawi, où ce dernier a exercé en tant que médecin militaire font alors l’objet d’investissements touristiques massifs de la part du gouvernement au détriment d’autres Etat fédérés de Malaisie, dont l’Etat de Johor. Celui-ci, qui depuis le début des années quatre32
vingts et la libéralisation économique de la Malaisie était devenu un promoteur touristique actif encourageant les investissements touristiques sur son territoire, décide alors de miser sur la coopération subrégionale, présentant un double avantage. L’Etat espérait en effet profiter de sa proximité à l’Etat de Singapour pour encourager la venue des singapouriens et attirer les touristes internationaux visitant la cité-Etat. Coopérer avec Singapour constituait également un moyen pour Johor de gagner en autonomie par rapport à l’Etat central malaisien et de renforcer ainsi son statut particulier au sein de l’Etat fédéral de Malaisie. En effet, le sultanat de Johor était l’un des plus autonomes, sous la direction du Sultan Abu Baker (1862-1895) et avait ainsi été le dernier à tomber sous contrôle britannique en 1914. Dès lors, à l’indépendance, l’Etat de Johor gardait un droit spécifique de négociation de ses schémas de développement avec la cité-Etat de Singapour. Enfin, du côté indonésien, le deuxième plan quinquennal (Repelita II, 1974-1978), élaboré sous l’autorité de Suharto, désignait les îles de l’archipel Riau comme des destinations touristiques à développer. Le plan de développement touristique de Riau recommandait alors de coopérer avec la cité-Etat de Singapour en promouvant l’île de Bintan comme une destination complémentaire à Singapour. Dès lors, les conditions étaient réunies pour la mise en place d’une coopération touristique subrégionale entre les trois parties, et renforcées par la création du triangle de croissance IMS-GT (ex-SIJORI) en 1989 et par les déclarations de Yeao Cheow Tong, Ministre singapourien du commerce et de l’industrie : “Tourism competition needs not to be a negative process and a zero sum game. Our neighbors are countries with abundant beach resorts, scenic landscapes and exotic native cultures. By partnering them, we can create a new, more attractive and mutually beneficial collective tourism product.” (Strait Times, 1995, cité par Han L.M, 2001). La coopération touristique entre Singapour, Johor et l’archipel de Riau était alors présentée comme une relation gagnant-gagnant où Johor et l’archipel de Riau profitaient des capitaux, des compétences managériales et des connexions aériennes et maritimes performantes de Singapour, tandis que la cité-Etat bénéficiait des ressources naturelles, des plages, des terrains disponibles et de la main d’œuvre bon marché de Johor et de l’archipel de Riau (Figure 3).
Figure 3. Complémentarités touristiques dans le triangle de croissance IMS-GT
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Source : à partir de CHANG T.C., 2004
Cependant, cette volonté unanime de coopération et ces intérêts communs se heurtent rapidement aux rivalités et concurrences touristiques, rendant la coopération délicate à établir sur le terrain.
B. Une domination singapourienne générant des rivalités entre les partenaires
En dépit des intérêts partagés quant à la coopération touristique, plusieurs obstacles viennent perturber la mise en place de cette coopération, notamment la remise en question de l’équité de cette dernière qui semble finalement profiter davantage à Singapour qu’aux autres parties impliquées.
L’instrumentalisation singapourienne des territoires voisins au service des ambitions touristiques de la cité-Etat
La cité-Etat apparaît en effet comme l’élément moteur et dominant du triangle, ce dernier reposant alors sur des relations bilatérales entre Singapour et l’archipel de Riau d’une part, et Singapour et l’Etat de Johor d’autre part, plutôt que sur des relations trilatérales. Ainsi, l’accord sur le développement touristique de l’archipel de Riau signé en 1990, un an après la mise en place du triangle de croissance Sud, est uniquement bilatéral, entre l’Etat indonésien et celui de Singapour. De plus, les circuits type bi-nationaux proposés par les tours opérateurs apparaissent généralement à l’avantage de la cité-Etat. Ceux-ci durent en effet environ une semaine, dont cinq jours consacrés à la visite de Singapour, tandis que la destination malaisienne ou indonésienne complémentaire fait l’objet d’une visite beaucoup plus courte 34
d’un ou deux jours. La stratégie marketing de Singapour est alors claire et consiste à profiter de l’accessibilité de ces destinations et de leurs ressources touristiques pour enrichir son offre touristique. Ainsi, ces destinations sont signalées sur le site Internet même de l’office de tourisme de Singapour dans une rubrique intitulée « Autour de Singapour ». La cité-Etat opère d’ailleurs une certaine instrumentalisation de ces ressources touristiques en mettant en avant uniquement les éléments dont elle ne dispose pas sur son territoire. Ainsi, Singapour signale la ville de Johor Bahru pour « la mosquée du Sultan Abu Bakar, les Kampongs, un marché et le centre d’artisanat local, le bazar [et] le Musée du Palais-Royal » (http://www.visitsingapore.com/fr/act_autour.htm) mais ne mentionne pas ses nombreux centres commerciaux et activités de divertissement qui risqueraient de concurrencer ceux de la cité-Etat. Cette dernière emprunte ainsi les attractions des territoires voisins afin de gonfler son offre touristique, comme l’indique le bureau du tourisme de Singapour qui qualifie sa stratégie de « borrowed attractiveness » (Chang T.C., 2004) et la considère comme une métaphore du shakkei, technique de jardinage consistant à incorporer la vue lointaine d’un paysage dans un jardin japonais et à embellir ainsi l’effet obtenu grâce à un élément extérieur. Par ailleurs, la cité-Etat constitue un investisseur majeur dans les projets touristiques développés sur les territoires voisins. Ainsi, le Bintan Resorts Corporation, créé en août 1990 pour développer des stations balnéaires dans la partie Nord de l’île de Bintan (Bintan Beach International Resort) consiste en un consortium joint d’entreprises indonésiennes (60 %) et singapouriennes (40 %) (Chang T.C., 2004). À noter par ailleurs que le Salim Group, qui détient la part la plus importante parmi les entreprises indonésiennes, est contrôlé par l’indonésien chinois Liem Sioe Liong. Ceci permet de signaler le rôle joué par les réseaux d’entrepreneurs chinois dans la mise en place de projets à vocation transfrontalière, dont le site de Kukup constitue un autre exemple. Kukup rassemble en réalité trois villages, Kukup Laut, Kampung Air Masin et Kampung Melayu, dont les deux premiers sont majoritairement peuplés par des chinois Hokkien tandis que le dernier est majoritairement malais. Or, l’essentiel des infrastructures touristiques d’hébergement et de restauration sont concentrées dans les villages chinois et tenues par des chinois. Deux explications peuvent alors être avancées. La première concerne l’esprit d’entreprise des chinois signalée par un malais résidant à Kukup : “We (Malay) don’t have much capital or don’t want to take risks. Not like Chinese people who developed chalets and restaurants […] They are very brave to take risks” (Hampton M.P., 2007). La seconde concerne l’importance des réseaux chinois dans la région, sur lesquels peuvent s’appuyer ces entrepreneurs qui travaillent alors en relation avec des tours opérateur singapouriens chinois pour attirer des touristes également chinois : “First, 35
Chinese Singaporeans purchase a tour to Kukup from Chinese Singaporean tour operator. Once at Kukup, they stay in accommodation owned by local Chinese, eat in the Chineseowned seafood restaurants, are served by Chinese staff, travel in small Chinese-owned boats to visit the Chinese-owned fish farms […] and finally buy some gift for the family in Singapore from a souvenir shop (also Chinese-owned)!”(Hampton M.P., 2007). La cité-Etat de Singapour s’appuie donc sur les ressources touristiques des territoires voisins ainsi que sur les réseaux d’entrepreneurs chinois afin d’enrichir son offre touristique. La coopération touristique subrégionale apparaît alors comme un instrument au service des ambitions singapouriennes définies dans le plan de développement touristique de Singapour Tourism 21 en 1995, dont l’objectif principal concernait l’accès de la cité-Etat au statut de hub touristique d’Asie du Sud-est. Ainsi, en dépit des accords de coopération et des projets réalisés en commun, les intérêts respectifs priment encore, empêchant la coopération de se développer pleinement. Plusieurs incidents illustrent d’ailleurs cette situation, et concernent plus particulièrement Singapour et l’Etat de Johor.
Le couple Johor/Singapour : entre concurrence et dépendance touristique
En 1994, un conflit se dessine en effet entre Singapour et la Malaisie. Sabaruddin Chik, Ministre du tourisme, des arts et de la culture de l’époque accuse ainsi la cité-Etat de Singapour d’exploiter abusivement les ressources touristiques de la Malaisie et de pratiquer un « tourisme Coca-Cola », expression imagée pour dénoncer le fait que les tours opérateurs singapouriens prévoient souvent un passage de quelques heures uniquement dans l’Etat de Johor à partir de Singapour, laissant uniquement le temps aux touristes d’acheter une canette de Coca-Cola et apportant ainsi peu de devises à la Malaisie (Han M.L., 2001). La concurrence entre ces deux destinations est encore bien présente aujourd’hui. En effet, la ville de Johor Bahru attire un nombre croissant de singapouriens grâce à ses centres commerciaux et ses activités de divertissement présentant des tarifs moins élevés que ceux en vigueur dans la cité-Etat. Cette dernière multiplie alors les mesures défensives pour tenter de limiter la fuite des dépenses des singapouriens vers l’Etat de Johor. Les réservoirs d’essence des véhicules franchissant le Causeway ou le Second Link, ponts séparant Singapour et la Malaisie, doivent ainsi être pleins aux trois-quarts lorsque les véhicules roulent en direction de la Malaisie. La cité-Etat souhaite en effet éviter un approvisionnement massif des singapouriens en carburant de l’autre côté de la frontière, où les prix apparaissent nettement moins élevés. En outre, les 36
médias singapouriens mettent régulièrement en garde les habitants de la cité-Etat contre l’insécurité en présence dans l’Etat de Johor, décourageant ainsi certains d’entre eux de faire le déplacement : “My sister was often going to Johor Bahru for groceries. Now she says ‘No, we don’t go anymore’. She read in the papers that so many Singaporeans have been robbed there. She refuses to go.” (Singapourien, cité par Hampton M.P., 2007). La cité-Etat de Singapour souhaite ainsi emprunter les ressources touristiques des territoires voisins pour apporter une plus-value à son offre touristique à destination des touristes internationaux, tout en limitant les flux de singapouriens vers l’Etat de Johor. Les intérêts sont alors exactement inverses à ceux de Johor et de la Malaisie qui encouragent eux la venue des singapouriens sur leur territoire, constituant un apport important en devises étrangères. L’enjeu est d’autant plus important pour l’Etat de Malaisie que la ville de Johor Bahru représente aujourd’hui la seconde porte d’entrée touristique en Malaisie après Kuala Lumpur. L’Etat fédéral de Malaisie et l’Etat fédéré de Johor ont ainsi tous deux intérêt à attirer les touristes singapouriens. Cependant, au-delà de cet intérêt commun, une certaine rivalité se met en place entre ces deux acteurs, comme l’atteste le différend les opposant au sujet du projet proposé par la compagnie malaisienne YTL d’extension jusqu’à Singapour de la ligne ExpressRail Link reliant l’aéroport international et la station centrale de Kuala Lumpur (ChannelNewsAsia, 2006). Le trajet Singapour-Kuala Lumpur s’effectuerait en quatre-vingt-dix minutes et représenterait une concurrence sérieuse pour la ville de Johor Bahru qui pourrait alors voir les flux transfrontaliers de week-end des singapouriens se transformer en flux transnationaux à destination de la capitale malaisienne. Cette configuration révèle ainsi la dépendance de l’Etat de Johor aux flux touristiques issus de Singapour. L’Etat de Johor, s’il attire toujours les singapouriens, peine à fixer les flux de touristes internationaux transitant entre Singapour et la Malaisie. Le passage de ces derniers dans l’Etat de Johor se limite alors généralement à un séjour sur l’ile de Tioman en mer de Chine méridionale et à un transit via la ville de Johor Bahru. Les flux singapouriens sont donc indispensables à la bonne santé de l’activité touristique de cet Etat. Celui-ci n’est donc pas en position de force pour négocier avec les tours opérateurs singapouriens et demander ainsi un allongement des temps de séjour dans l’Etat de Johor dans le cadre des séjours touristiques transfrontaliers. En 1999, lorsque les tours opérateurs singapouriens avaient menacé de mettre fin à l’offre de circuits touristiques transfrontaliers suite à des déclarations du gouvernement central de Malaisie souhaitant interdire l’incorporation d’un visa d’entrée en Malaisie dans ce type de circuits, l’Etat de Johor était ainsi intervenu auprès du gouvernement fédéral en lui demandant de renoncer à sa démarche. La coopération touristique entre Johor et Singapour 37
s’effectue ainsi sur les bases d’une relation déséquilibrée en ce qui concerne les flux de touristes internationaux et d’une relation concurrentielle en ce qui concerne les flux de populations locales.
Mouvements sociaux dans les îles de Riau : la protestation contre une coopération profitant avant tout au secteur privé
La coopération touristique entre Singapour et les îles de Riau apparaît relativement plus équilibrée, en dépit de la politique singapourienne d’emprunt territorial et de la part importante d’investisseurs singapouriens dans les projets touristiques des îles. En effet, les îles Riau constituent des destinations prisées du tourisme international et sont donc moins dépendantes que l’Etat de Johor des flux de singapouriens ou des flux de touristes internationaux de passage à Singapour. Ainsi, en 2006, les îles de Riau ont enregistré l’arrivée de 735 700 touristes étrangers, soit 75% des arrivées de l’ile de Sumatra (998 500) et 22% du total indonésien (3 430 200) [Statistics Indonesia, 2006]. Cependant, la coopération au sein de cette branche du triangle est fragilisée par diverses revendications sociales émanant des populations indonésiennes. Ces dernières regrettent en effet le manque d’implication des populations locales dans le développement touristique dans îles de Riau et dénoncent une opération bénéficiant principalement aux entrepreneurs. Des mouvements de protestation ont ainsi eu lieu au mois de janvier 2000, où les habitants demandaient une réévaluation des compensations financières reçues en échange des expropriations réalisées pour l’acquisition des terrains par les entrepreneurs indonésiens et singapouriens. Les terrains avaient en effet été achetés à hauteur de 100 à 1 000 rupiahs par mètre carré, soit moins de 10 centimes d’euros (Chang T.C., 2004). La coopération touristique dans le triangle IMS-GT se heurte ainsi à plusieurs obstacles tels la concurrence touristique entre Singapour et l’Etat de Johor et la domination singapourienne se traduisant par une utilisation des ressources touristiques des deux autres parties. Finalement, plusieurs dissymétries touristiques apparaissent alors à l’échelle de ce triangle de croissance. Une première dissymétrie entre les trois parties concerne le type d’activités proposées. Cette dissymétrie est fortement valorisée par la cité-Etat de Singapour et constitue la raison même de la politique singapourienne d’emprunt territorial. Celle-ci permet en effet à la cité-Etat d’élargir son offre touristique en profitant d’activités proposées 38
par des territoires voisins très accessibles de par leur proximité et l’importance des services de transport. La cité-Etat ne met alors en valeur que des activités non offertes sur son propre territoire, telles des visites de villages malais ou diverses activités balnéaires. Cette dissymétrie favorise ainsi la coopération touristique. Une seconde dissymétrie, établie entre l’Etat de Johor et la cité-Etat de Singapour, concerne les coûts de pratique d’activités similaires sur les deux territoires. Cette dissymétrie, au contraire de la première, est alors à l’origine d’une concurrence importante entre les deux parties et nuit à la coopération touristique. L’Etat de Johor tente ainsi d’attirer les flux singapouriens grâce à son offre importante en centres commerciaux, discothèques, restaurants, karaokés et autres divertissement, tandis que la cité-Etat de Singapour multiplie au contraire les initiatives pour limiter ces flux et inciter les singapouriens à pratiquer ce type d’activités au sein de la citéEtat. Plusieurs dissymétries touristiques régissent également la coopération touristique du triangle IMT-GT.
2. Le triangle IMT-GT : de fortes dissymétries limitant la coopération
A. Une faible réalisation des projets institutionnels
Le tourisme, un domaine de coopération prioritaire pour les acteurs institutionnels Dès l’institutionnalisation du triangle de croissance IMT-GT en 1993, le tourisme apparaît comme un domaine privilégié des politiques de coopération. Le plan de développement de projets dans l’IMT-GT rédigé par la Banque asiatique du développement en 1994 fixait en effet plusieurs objectifs de coopération dans le domaine du tourisme et des transports (BAD, Juillet 1994). Les deux priorités étaient alors de développer l’offre touristique dans l’espace couvert par le triangle IMT-GT et d’encourager les circulations de touristes entre les trois parties du triangle afin de pallier à plusieurs éléments faisant obstacle à la mise en place d’un tourisme transfrontalier et transnational à cette époque : faible accessibilité de l’île de Sumatra à partir de la Thaïlande, mauvaise qualité des infrastructures de transport à Sumatra entraînant une faible accessibilité des sites touristiques de l’île, et embouteillages
et
lenteur
des
procédures
de
franchissement
de
la
frontière
Thaïlande/Malaisie. La Banque asiatique du développement dégageait alors plusieurs axes à 39
suivre. Les projets de développement touristique visaient majoritairement l’île de Sumatra, dont la fréquentation touristique apparaissait largement inférieure à celle en vigueur dans la branche malaisienne du triangle, et surtout dans le sud de la Thaïlande. Il était alors prévu de miser sur une spécialisation de l’île dans l’écotourisme et de faire du lac Toba une attraction touristique majeure à l’échelle de Sumatra mais également à l’échelle du triangle de croissance dont il aurait alors représenté une des portes d’entrée principales. Le rapport préconisait de s’appuyer sur les réseaux et compétences managériales de la Malaisie, plus développés que dans les autres parties du triangle, afin notamment de proposer une meilleure formation aux futurs professionnels du tourisme de Sumatra. Le développement des circulations de touristes entre les trois parties du triangle devait s’articuler essentiellement autour de projets visant l’amélioration des conditions de transport et d’accessibilité aux sites touristiques des différentes parties. Concernant la frontière Thaïlande/Malaisie, unique frontière terrestre du triangle IMT-GT, les consignes étaient alors de sécuriser et d’améliorer la qualité des axes routiers transfrontaliers et transnationaux existants, d’accroître les services de bus effectuant un franchissement de frontière, de proposer une traduction systématique en thaï, malais et anglais des panneaux de signalisation, de créer de nouveaux postes-frontière et d’étendre les horaires d’ouverture des postes existants afin de réduire le temps de passage de la frontière. Il était également suggéré de simplifier les procédures et de rationnaliser le passage de la frontière en proposant un contrôle commun du franchissement par les deux parties. Les solutions proposées à l’amélioration des circulations entre les frontières maritimes Thaïlande/Sumatra et Malaisie/Sumatra concernaient quant à elles essentiellement le développement de vols internationaux entre les différentes parties. Les autorités des trois parties souhaitaient en particulier l’ouverture de routes aériennes entre Phuket, Penang et Medan et entre Hat Yai d’une part, et Medan, Banda Aceh et Penang d’autre part. Il était ensuite recommandé de proposer des circuits touristiques joints multi-destinations intégrant les trois parties du triangle. La banque asiatique du développement soulignait notamment les opportunités offertes par la complémentarité entre les stations balnéaires du sud de la Thaïlande et de la Malaisie, et les sites montagneux de Sumatra. Si plusieurs recommandations de ce rapport ont été suivies et ont ainsi permis un développement des pratiques touristiques transfrontalières dans le détroit de Malacca, le bilan des quatorze années passées depuis la rédaction du rapport apparaît globalement réduit. En effet, plusieurs projets n’ont jamais été engagés ou ont échoué, et certains des obstacles constatés en 1994 persistent aujourd’hui. 40
La faiblesse de l’offre touristique à Sumatra : un obstacle majeur
Ainsi, l’île de Sumatra apparaît toujours touristiquement moins développée que les parties malaisienne et thaïlandaise du triangle de croissance. En effet, l’Indonésie a connu plusieurs événements ayant retardé la croissance de sa fréquentation touristique depuis le début des années 2000. Depuis les attentats du 11 septembre 2001, plusieurs pays musulmans sont en effet considérés comme des destinations touristiques à risque pour les occidentaux en raison de la montée de l’islamisme radical. L’Indonésie n’échappe pas à cette vision, renforcée par les attentats perpétrés à Bali en octobre 2002 et 2005. Le pays a connu également plusieurs catastrophes aériennes, notamment celle du crash d’un Boeing 737-200 sur un vol de Mandala Airlines en septembre 2005, responsable du décès de 149 personnes. L’aéroport Polonia de Medan pose en effet plusieurs problèmes de sécurité, disposant notamment d’une piste d’atterrissage trop courte, étant situé à proximité de zones résidentielles et apparaissant surchargé avec un trafic aérien de 4,5 millions de passagers en 2005, dépassant largement la capacité prévue de 900 000 passagers par an (The Jakarta Post, 2006). Enfin la région d’Aceh, dans le Nord de Sumatra a dû faire face aux dégâts engendrés par le tsunami de 2004 et la reconstruction a alors primé sur la coopération touristique dans un premier temps. Ces obstacles ont alors freiné la concrétisation des projets sur le terrain. L’accessibilité aux sites touristiques majeurs de l’île n’a en particulier pas été suffisamment améliorée. En effet, si de nombreuses liaisons aériennes et maritimes avec la Malaisie ont été développées grâce au relais du secteur privé, les liaisons entre le Sud de la Thaïlande et Sumatra sont encore aujourd’hui inexistantes puisque aucun vol direct n’a été ouvert depuis la rédaction du rapport. Or, l’avion constitue le moyen de transport le plus approprié pour relier ces deux parties du triangle. Les distances sont en effet importantes, et nécessiteraient des heures de transport dans le cas où la traversée s’effectuerait par ferry. Actuellement, les touristes souhaitant passer du sud de la Thaïlande à l’île de Sumatra transitent ainsi obligatoirement par la Malaisie, et plus précisément par l’ile de Penang. Ainsi, seules deux branches du triangle sont aujourd’hui desservies par divers moyens de transport. De même, l’accessibilité au lac Toba reste insuffisante aujourd’hui pour espérer développer un tourisme transfrontalier et transnational entre cette île, la Malaisie péninsulaire et le Sud de la Thaïlande. Pourtant, la situation pourrait évoluer dans les années à venir. En effet, l’ouverture d’un aéroport local en 2005 à Silangit, au Nord du lac Toba, représente une avancée importante et révèle un réel souci d’améliorer l’accessibilité à ce site touristique majeur. Cependant, aucune route aérienne internationale n’a encore été créée et les vols sont 41
aujourd’hui uniquement domestiques, effectués à partir de l’aéroport Polonia de Medan par les compagnies Susi Airlines et Merpati Airlines. La ville de Medan constitue donc toujours un point de transit obligé pour les touristes venant de la rive opposée du détroit.
L’échec de la coopération éco-touristique Thaïlande/Malaisie : un exemple révélateur
D’autre part, l’offre en éco-tourisme et tourisme de nature de l’île de Sumatra n’a pas été réellement mise en valeur depuis les années quatre-vingt-dix malgré le potentiel important de l’île. En revanche, le Sud de la Thaïlande et la Malaisie misent de plus en plus sur ce type de tourisme, et sont ainsi susceptibles de présenter une certaine concurrence pour l’île de Sumatra. Des coopérations transfrontalières en matière d’écotourisme avaient d’ailleurs été envisagées entre le parc national de Thaleban dans le Sud de la Thaïlande et le parc de l’Etat du Perlis dans le Nord de la Malaisie afin de renforcer l’attractivité de l’offre éco-touristique de la Thaïlande et de la Malaisie grâce à la mise en commun des richesses respectives des deux parcs naturels, telles certaines espèces rares de fougères du côté malaisien (Amat R., 2006). L’objectif était alors de créer une zone protégée transfrontalière fonctionnant comme une entité unique au lieu des deux zones protégées séparées que constituaient ces parcs naturels. Une telle réalisation aurait ainsi permis d’éviter un dédoublement des projets mis en œuvre par les parcs, et de générer une certaine standardisation en matière de gestion du parc et de conservation de la nature, favorisant la migration des espèces. Sur le plan touristique, ceci aurait également autorisé une formalisation du franchissement de frontière entre les deux parcs, qui n’était auparavant pas possible pour les visiteurs ne possédant pas de documents de voyage et freinait ainsi en particulier les circulations touristiques transfrontalières des populations locales. Plusieurs initiatives ont alors été prises pour rendre effectif ce projet. Ainsi dès les années quatre-vingt-dix, un accord était signé entre les autorités de la province de Satun en Thaïlande et celles de l’Etat du Perlis en Malaisie afin d’autoriser le franchissement de frontière dans un rayon de deux kilomètres au poste de Wang Kelian/Wang Prachan, sans document de voyage, par les populations locales malaisienne et thaï. De même, le département forestier de l’Etat du Perlis encourageait le développement d’activités jointes entre les deux parcs en mettant en place un système d’échange d’informations et de publications concernant les parcs naturels, en invitant le personnel du parc national de Thaleban à participer aux activités de recherches du parc de l’Etat du Perlis, ainsi qu’en organisant des visites d’études dans chacun des parcs afin que l’équipe thaïlandaise puisse 42
prendre connaissance des pratiques managériales de l’équipe malaisienne et vice-versa. Cependant, ces initiatives se sont révélées globalement infructueuses en raison de plusieurs problèmes de fonctionnement. L’échange d’information et les visites de formation, notamment, se sont révélés extrêmement coûteux en raison des nécessités de traduction des documents et interventions. La langue constitue ainsi un obstacle important à l’établissement de coopérations, les salariés thaïs du parc de Thaleban ne parlant ni l’anglais, ni le malais. D’autre part, le contrôle des passages de frontières a dû être renforcé, et l’ouverture aux populations locales annulée en raison de l’augmentation de migrations clandestines et de trafics de drogue et d’armes à feu. La constitution d’un parc naturel transfrontalier représente ainsi un exemple de projet de coopération non abouti dans le cadre du triangle IMT-GT. De même, plusieurs projets de croisières entre Medan en Indonésie, Penang et Langkawi en Malaisie, et Satun en Thaïlande ont été abandonnés. D’autre part, plusieurs décisions prises dans le cadre de groupes de travail de l’IMT-GT consacrés exclusivement au domaine du tourisme ont eu peu de retentissement sur le terrain. Ainsi, la création du MITTAS (MalaysiaIndonesia-Thailand Tourism Association), association destinée à réaliser une promotion jointe du triangle IMT-GT et à encourager la réalisation de circuits touristiques communs a en réalité très peu d’emprise sur le terrain puisque cette dernière ne possède pas de bureaux propres et est peu connue des professionnels du tourisme. De même, le site Internet « The Charm of the Southeast Asia Triangle » dédié à la promotion du tourisme dans l’IMT-GT et élaboré au début des années 2000 montre bien le décalage existant entre les discours tenus par les acteurs institutionnels et la réalité du terrain. Le site est en effet difficile d’accès en raison d’une adresse peu évidente (http://www2.tat.or.th/imt-gt/introduction.htm). D’autre part, le design est beaucoup moins soigné que celui d’autres sites Internet officiels destinés à une promotion nationale du tourisme en Thaïlande, Indonésie ou Malaisie. Enfin, plusieurs rubriques n’ont jamais été mises à jour. Il s’agit notamment de celles qui étaient destinées à indiquer les liaisons aériennes et horaires de vols entre les différentes destinations du triangle IMT-GT, les coordonnées du secrétariat de l’IMT-GT, ainsi que les circuits multi-destinations incluant des destinations comprises dans chacune des trois parties du triangle. La coopération s’est donc soldée par des nombreux échecs pouvant être expliqués par plusieurs éléments.
Le Sud de la Thaïlande, pôle touristique peu demandeur de coopération
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La différence majeure entre les triangles de croissance IMT-GT et IMS-GT du point de vue du tourisme concerne les intérêts respectifs des parties concernées. En effet, dans le cas du triangle IMT-GT, le Sud de la Thaïlande apparaît comme l’élément dominant du point de vue de la fréquentation touristique en raison notamment des nombreuses îles de la mer d’Andaman attirant fortement les touristes occidentaux. Dans ces conditions, l’île de Sumatra et le Nord de la Malaisie, moins fréquentées par les touristes, peuvent retirer un réel avantage de la coopération leur offrant une possibilité de capter les flux de touristes du sud de la Thaïlande, tandis que la coopération touristique n’apparaît pas indispensable au tourisme thaïlandais. La situation est alors différente de celle en vigueur dans le triangle IMS-GT, où la coopération touristique représente un intérêt pour l’élément dominant du point de vue de la fréquentation touristique, Singapour. En effet, on a vu précédemment que les îles de Riau et l’Etat de Johor apparaissaient comme un moyen pour la cité-Etat de compenser la faible superficie de son territoire et représentaient ainsi des extensions touristiques de cette dernière. Ainsi, le fait que la coopération touristique apparaisse nécessaire pour les trois parties dans le triangle IMS-GT, tandis que seules deux parties ont réellement à y gagner dans le cas du triangle IMT-GT, induit une implication moins importante des acteurs dans le triangle IMTGT. Par ailleurs, la Thaïlande, par sa position centrale en Asie du Sud-est et par le statut de hub de sa capitale Bangkok, offre une bonne accessibilité à de nombreux pays d’Asie du Sudest, propice à la mise en place d’un tourisme transfrontalier et/ou transnational entre la Thaïlande et ces pays. De tels déplacements touristiques se sont ainsi multipliés depuis les années quatre-vingt-dix marquées par l’ouverture des frontières thaïlandaises avec le Laos, le Cambodge et la Birmanie, l’inauguration du pont de l’amitié liant les villes de Nong Khai en Thaïlande et de Vientiane au Laos, et la mise en place de vols charter entre Chiang Raï (Thaïlande) et Keng Tung (Birmanie) (Cohen E., 1996). La Malaisie et l’île de Sumatra sont alors aujourd’hui en situation de concurrence avec plusieurs pays pour coopérer avec les autorités thaïlandaises et espérer ainsi capter les flux thaïlandais de touristes internationaux.
Un bilan globalement négatif ponctué de quelques avancées En dépit de ces contraintes, plusieurs éléments ont tout de même pu être améliorés depuis la rédaction du rapport réalisé par la Banque asiatique du développement en 1994, tels les conditions de franchissement de la frontière entre la Thaïlande et la Malaisie. L’ensemble des projets signalés précédemment concernant cette frontière ont en effet pu être réalisés et les 44
temps d’attente, réduits. Un pont a notamment été inauguré en décembre 2007, franchissant le fleuve Golok pour relier les villes de Bukit Bunga (Malaisie) et de Ban Buketa (Thaïlande). Il ne s’agit pas d’un nouveau poste-frontière puisque le franchissement à ce niveau de la rivière s’effectuait auparavant par bateau, mais la construction de ce pont marque la volonté de renforcer les échanges entre les deux pays. D’autre part, les années 2000 ont été marquées par la fin des taxes de sortie de territoire, mises en place par le gouvernement indonésien en 1987 afin de limiter les flux d’émigration. Ces taxes s’élevaient à 100 000 rupiahs (environ 8 euros) en cas de sortie par voie maritime, et à 250 000 rupiahs (environ 18 euros) par voie aérienne. Dorénavant, les populations des Sumatra souhaitant se rendre dans une destination incluse dans le triangle IMT-GT ne sont ainsi plus tenues de s’acquitter de cette somme. Ainsi, malgré les nombreux échecs de la coopération touristique dans le triangle IMT-GT, le bilan des quatorze premières années de coopération fait valoir quelques points positifs. La mise en place d’une réelle coopération et le développement d’un tourisme transfrontalier et transnational dans le triangle IMT-GT nécessite cependant une meilleure concrétisation de ces projets.
B. Les initiatives récentes des acteurs institutionnels : un nouveau souffle pour la coopération ?
Le bilan dressé par les trois parties impliquées dans le triangle IMT-GT lors d’un sommet tenu le 11 décembre 2005 à Kuala Lumpur, réunissant les premiers ministres malaisien et thaïlandais et le président indonésien, a alors amené ces derniers à statuer sur la mise en place d’un plan quinquennal de développement du triangle opérant à partir de l’année 2007 jusqu’en 2011 (IMT-GT, 2007). Ce plan, dont le contenu a été élaboré à partir de consultations et réunions réalisées avec la participation du secteur privé et des gouvernements locaux et nationaux des parties considérées, a ainsi pour ambition de relancer la coopération touristique dans le triangle Nord. Nous nous intéresserons ici en particulier aux projets prévus dans le domaine du tourisme mais également dans celui des infrastructures de transport.
Un programme dynamique d’amélioration des infrastructures de transport
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L’amélioration de l’offre et de la qualité des infrastructures de transport, indispensable au déplacement des touristes entre les différentes destinations de la sous-région du triangle IMT-GT, apparaît comme un élément-clé du développement du tourisme transfrontalier et transnational au sein de cet organe de coopération. De nombreux projets sont alors prévus afin d’améliorer l’offre des divers types de transport. Concernant le transport maritime, la priorité est accordée à la mise en place de ferries Ro-Ro, autorisant le transport de véhicules, entre Penang et Belawan, et Melaka et Dumai. Est également prévue la reconstruction des ports de Lhokseumawe, Sabang et Kuala Langsa à Aceh, détruits au moment du tsunami de 2004. L’impact de ce projet risque cependant d’être modéré en ce qui concerne le développement du tourisme transfrontalier et transnational, ces ports étant situés au Nord de l’île de Sumatra où le passage maritime séparant cette île et la péninsule est le plus évasé. Les traversées de ferries à vocation touristique entre la province d’Aceh et le sud de la Thaïlande ou le Nord de la Malaisie sont donc relativement improbables. En ce qui concerne le transport aérien, la proposition majeure concerne la création d’une compagnie aérienne IMT-GT Airlines, dans le but de renforcer les liaisons aériennes internationales existantes entre les destinations du triangle et d’en créer de nouvelles. Les gouvernements des trois parties ont ainsi proposé la mise en place de vols directs entre Penang et Banda Aceh, Penang et Lhokseumawe, Hat Yai et Langkawi, Batam et Langkawi, Langkawi et Phuket, Medan et Hat Yai et Padang et Hat Yai. La création d’une compagnie aérienne propre au triangle permettrait ainsi de faciliter la mise en place de telles liaisons, en réduisant la dépendance aux décisions d’autres compagnies aériennes. Ainsi, la compagnie AirAsia a par exemple refusé la mise en place de ces liaisons, indiquant que la demande n’était pas assez forte. Cependant, la proposition de création d’une compagnie aérienne propre au triangle de croissance, qui serait le résultat d’un consortium entre trois compagnies de chaque partie, ne constitue pas réellement une nouveauté. L’idée a en effet été discutée à plusieurs reprises depuis le début des années 2000, particulièrement en 2006 lors d’une réunion du Joint Business Council, instance chargée de mobiliser le secteur privé afin de faire appliquer les politiques décidées par le secteur public de l’IMT-GT. Ceci révèle ainsi les difficultés à concrétiser les projets proposés au cours des différentes réunions effectués dans le cadre de l’IMT-GT. Le choix des compagnies formant le consortium est notamment délicat et varie fréquemment. Ainsi, en 2006, les compagnies retenues par chacune des parties étaient Air Asia Berhad pour la Malaisie, Thai Air pour la Thaïlande et Riau Airlines pour l’Indonésie. Les plans ont cependant été modifiés au dernier sommet du Joint Business Council, tenu en janvier 2008 à Hat Yai, puisque les compagnies aériennes retenues étaient désormais Nok Air pour la Thaïlande et Asmara Air pour la Malaisie, Riau Airlines 46
étant la seule maintenue par rapport au choix de 2006. La mise en œuvre du projet apparaît donc une fois encore relativement lente. De plus, les propositions futures de nouvelles liaisons aériennes pourraient être confrontées à un autre obstacle : la volonté du gouvernement malaisien de faire de l’île de Penang le hub majeur du triangle IMT-GT. Si le développement de vols directs entre le Sud de la Thaïlande et l’île de Sumatra paraît indispensable au développement d’un tourisme tri-national, on peut supposer que la partie malaisienne cherchera à limiter ce développement de façon à rester un pôle incontournable dans la redistribution des flux du triangle de croissance. Le ministre du tourisme malaisien a ainsi récemment demandé à la compagnie low-cost malaisienne Firefly, basée à Penang depuis 2007, de développer des liaisons aériennes entre Penang et plusieurs villes de l’île de Sumatra, en particulier Medan, Banda Aceh et Lhokseumawe. Les seules liaisons internationales actuellement proposées par la compagnie s’effectuent à destination des îles de Koh Samui et Phuket en Thaïlande. Cette initiative est appuyée par les gouverneurs des provinces de l’île de Sumatra, qui semblent miser sur la Malaisie plus que sur le Sud de la Thaïlande pour développer un tourisme transfrontalier et transnational et attirer ainsi de nouveaux flux de touristes. Le gouverneur de la province d’Aceh Muhammad Nazar a ainsi déclaré espérer la venue de nombreux touristes malaisiens à Aceh (Bernama, 2007b). Enfin, concernant les transports routiers entre la Thaïlande et la Malaisie, les principaux projets concernent la construction d’une route Satun-Perlis via le poste frontière Wang Prachan/Wang Kelian et la construction d’une section de route de 4 kilomètres entre Ban Prakob (Thaïlande) et Durian Burong (Malaisie) afin de connecter les réseaux routiers des deux pays et de créer ainsi un nouveau point de franchissement de frontière qui porterait à huit le nombre de postesfrontière entre la Thaïlande et la Malaisie (Figure 4).
Figure 4. Points de franchissement de la frontière Thaïlande/Malaisie
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Source : rapport IMT-GT, 2007, guides touristiques
Une promotion touristique triple, non pas commune
Les projets concernant l’amélioration des infrastructures de transport sont ainsi relativement nombreux et diversifiés. Si les projets relatifs au tourisme sont également nombreux, ces derniers paraissent relativement peu convaincants, à l’image du projet touristique majeur de ce plan de développement du triangle IMT-GT, le Visit Year IMT-GT 2008-2009, dont l’objectif est d’augmenter les arrivées touristiques dans le triangle de 30% sur les deux années de l’événement, puis de 10% les années suivantes. Les « Visit Year », destinés à mettre à l’honneur une destination particulière en proposant un plan marketing et des moyens financiers importants, sont très utilisés en Asie du Sud-est, et particulièrement dans la région du détroit de Malacca. Ainsi, les publicités relatives au « Visit Year Malaysia 2007 » sont extrêmement nombreuses en Malaisie, et apparaissent dans tous les sites touristiques, dans des journaux, sur des panneaux d’affichage dans les différentes villes du pays ou encore sur le pare-brise des taxis. L’événement a donc eu un fort retentissement et une visibilité réelle, à l’inverse du Visit Year IMT-GT. En effet, aucune publicité n’était visible à Penang, pôle touristique majeur du triangle IMT-GT aux mois de mars et avril 2008. D’autre part, les salariés de l’office de tourisme de l’île n’avaient pas été informés de l’événement de même que plusieurs professeurs spécialistes du tourisme et travaillant sur des zones comprises dans le triangle IMT-GT. Le constat était identique lors du Forum de voyage de l’ASEAN 48
tenu
fin
janvier
2008 :
“You
said
“Visit
Year
IMT-GT?”
ASEAN meetings are full of surprises. In a conversation with chairperson of ASEAN NTO Dr. Sasithara Pichaichannarong, media learned that the Indonesia-Malaysia-Thailand Growth Triangle […] is hosting a Visit Year in 2008. […] Great idea as this region offers some superb sightseeing and tourism products. Except that no one really heard about a Visit Year […]” (ETurboNews, 2008b). Au-delà du manque d’information et de promotion de l’événement, le contenu invite également au questionnement. En effet, le Visit-Year IMT-GT consiste en une série d’une cinquantaine d’événements tels des salons, foires, festivals, ou exhibitions sportives tenus dans les trois parties du triangle IMT-GT au cours des années 2008 et 2009, accueillant systématiquement chacun des partenaires. Ces derniers ont ainsi la possibilité de réaliser la promotion de leurs sites touristiques respectifs dans les deux autres parties du triangle et d’attirer ainsi de nouveaux flux de touristes. Le festival gastronomique de Penang en Malaisie et la Foire internationale du voyage de Sumatra constituent ainsi deux exemples d’événements. Si ces événements visent à inciter les touristes à voyager entre les différentes destinations de l’IMT-GT, on peut cependant s’interroger sur le degré de coopération impliqué par cette démarche et se demander notamment s’il ne s’agit pas plutôt pour chacune des parties de promouvoir ses propres intérêts sous couvert de réaliser une activité commune. Le projet semble ainsi constituer en une triple promotion touristique plutôt qu’en une promotion commune. La rédaction d’un guide répertoriant l’ensemble des hôtels trois étoiles du triangle IMT-GT renforce également cette impression et ne paraît pas réellement utile au développement d’un tourisme tri-national. La rédaction d’un plan de développement touristique de l’IMT-GT est également prévue. Cependant, de même que les projets précédents, il ne s’agit pas de réaliser un plan global, mais trois plans séparés pour chacune des parties représentées, selon l’assistante de Syed Idid, président du MITTAS (MalaysiaIndonesia-Thailand Tourism Association). Cette présentation compartimentée se retrouve également sur le site Internet Focus IMT-GT, remplaçant l’ancien site The Charm of the Southeast Asia Triangle, dans la rubrique « Travel and Shipping » présentant les liaisons maritimes et aériennes existant entre les diverses destinations du triangle IMT-GT, dont plusieurs ne sont d’ailleurs pas répertoriées. De plus, au contraire de son prédécesseur, le site n’est plus destiné exclusivement à la promotion touristique mais rassemble des informations liées à la coopération dans l’IMT-GT dans divers secteurs économiques. Finalement, l’idée de réalisation d’un logo touristique de l’IMT-GT apparaît comme le seul projet appelant une mise en œuvre commune. Dès lors, seule la partie « transports » du plan de développement de
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l’IMT-GT semble en mesure d’avoir un apport réel pour renforcer les pratiques touristiques transfrontalières et transnationales. Finalement, deux dissymétries touristiques majeures apparaissent dans le triangle de croissance IMT-GT. L’une d’entre elles concerne le type d’activités touristiques et s’applique aux trois parties du triangle. En effet, le Sud de la Thaïlande propose essentiellement un tourisme insulaire, tandis que l’île de Sumatra est plutôt spécialisée dans le tourisme de nature et d’aventure. La partie malaisienne ne connaît en revanche pas de spécialisation, proposant aussi bien un tourisme insulaire que des activités touristiques culturelles, gastronomiques, et de nature et aventure. Cette dissymétrie ne génère cependant pas une volonté de coopération touristique, contrairement à la situation en vigueur dans le triangle IMS-GT où cette diversité d’activités était fortement valorisée par Singapour. Ceci peut s’expliquer en partie par la seconde dissymétrie en vigueur dans le triangle, concernant la fréquentation touristique et s’exprimant entre le Sud de la Thaïlande et la Malaisie d’une part, et l’île de Sumatra d’autre part. La fréquentation touristique de l’île de Sumatra apparaît en effet nettement inférieure à celle des deux autres parties du triangle puisqu’en 2006, l’île comptait l’arrivée de 244 800 touristes uniquement, hors archipel de Riau (Statistics Indonesia, 2006), tandis que les seules îles de Phuket en Thaïlande et de Penang en Malaisie totalisaient respectivement 4,79 et 3,52 millions de visiteurs en 2004 (Phuket Tourism, Penang Statistics, 2005). L’intérêt d’une coopération avec l’île de Sumatra est alors relativement limité pour les parties thaïlandaise et malaisienne du triangle du point de vue de l’attraction de flux touristiques internationaux. En revanche, certains Etats de Malaisie ont intérêt à coopérer avec l’île de Sumatra afin de capter les flux touristiques des populations locales de l’île. La coopération apparaît en revanche peu utile au Sud de la Thaïlande, disposant de nombreuses îles fortement attractives pour les touristes occidentaux, dont l’île de Phuket, premier pôle touristique du triangle IMT-GT. Finalement, si plusieurs politiques de coopération touristiques sont élaborées dans le cadre des triangles de croissance IMS-GT et IMT-GT, ces dernières se heurtent fréquemment aux intérêts propres des Etats et régions impliqués dans la coopération. Ainsi, la concurrence touristique entre l’Etat de Johor et Singapour freine la coopération dans le triangle IMS-GT, tandis que la différence d’attractivité touristique des diverses parties du triangle IMT-GT révèle le caractère peu indispensable de la coopération touristique pour les parties dominantes. L’examen de l’offre touristique proposée par le secteur privé permettra alors de vérifier si les projets de coopération décidés sont néanmoins réalisés sur le terrain.
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II. L’OFFRE DU SECTEUR PRIVÉ : UN FAIBLE RELAIS DES PROJETS INSTITUTIONNELS
Les politiques en matière de coopération touristique transfrontalière et transnationale dans le détroit de Malacca sont établies par des institutions opérant à différentes échelles (comités de l’IMT-GT et de l’IMS-GT, collectivités territoriales étatiques, régionales et locales). Cependant, la mise en œuvre du projet de territoire et de coopération élaboré ne peut se faire sans le soutien des entrepreneurs intervenant dans le secteur du tourisme et nécessite alors une coopération entre secteurs public et privé. L’enjeu consiste ainsi à trouver un compromis entre deux partenaires ayant des intérêts différents (intérêt général dans le cas du secteur public ; fructification du capital dans le cas du secteur privé), rendant indispensables des négociations. Dans le cadre du triangle IMT-GT, un organe spécial, le Joint Business Council (JBC) est d’ailleurs chargé de mobiliser le secteur privé afin de faire appliquer les politiques énoncées par les gouvernements concernés. Les entrepreneurs sont ainsi fréquemment conviés à des réunions organisés par des représentants du secteur public pour leur permettre de prendre connaissance des politiques énoncées et leur offrir l’occasion de discuter de leur application. Nous nous intéresserons alors à l’offre proposée par les entrepreneurs œuvrant dans les domaines du tourisme et des transports.
1. Le secteur privé au service d’une révolution des transports Le développement des services de transports internationaux constitue un élément fondamental au renforcement de l’offre touristique transfrontalière et transnationale dans le détroit de Malacca mais également à la territorialisation de ce dernier puisque les transports, maritimes ou aériens, créent du lien entre les rives du détroit. L’offre de transport en vigueur dans le détroit présente cependant plusieurs dissymétries.
Les transports maritimes dans le détroit de Malacca : une offre dissymétrique
La cartographie des liaisons maritimes internationales dans le détroit de Malacca met ainsi nettement en évidence une première dissymétrie entre la portion Sud du détroit séparant Johor, Singapour et les îles de Riau, et le reste du détroit (Figures 5, 6 et 7).
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Figure 5. Liaisons maritimes internationales dans le détroit de Malacca
Source : enquêtes auprès des compagnies maritimes, sites Internet des compagnies
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Figure 6. Agrandissement A
Source : enquêtes auprès des compagnies maritimes, sites Internet des compagnies
Figure 7. Agrandissement B
Source : enquêtes auprès des compagnies maritimes, sites Internet des compagnies
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L’offre en transports maritimes apparaît en effet nettement plus importante dans la portion Sud du détroit, en particulier entre Singapour et les îles de Riau (Figure 6). Si les îles de Kundur et de Karimun sont accessibles en ferry à partir de la cité-Etat, c’est entre cette dernière et les îles de Bintan et Batam que l’offre explose véritablement. Plus de quarante ferries effectuent ainsi quotidiennement le trajet entre les ports singapouriens du Harbour Front Center et de Tanah Merah et les ports de Nongsapura, Batam Center, Sekupang et Waterfront city à Batam. Le nombre de ferries, s’il apparaît moins conséquent en direction de l’île de Bintan, atteint néanmoins la dizaine quotidiennement. Moins nombreuses et de fréquence moins importante, les liaisons maritimes entre Singapour et l’Etat de Johor s’effectuent principalement du côté Est, à partir des ports singapouriens de Changi, vers l’Est de la péninsule, particulièrement fourni en terrains de golfs. Enfin, les deux seules liaisons entre l’Etat de Johor et les îles de Riau s’individualisent entre Kukup et Karimun d’une part, et entre Johor Bahru et Bintan d’autre part. L’offre en transports maritimes est alors finalement révélatrice des rapports de force existants dans le triangle de croissance IMS-GT, signalés précédemment. L’importance des liaisons entre Singapour et Bintan et Batam reflète ainsi la volonté singapourienne d’opérer une reterritorialisation au niveau local en faisant de ces deux îles des excroissances touristiques de la cité-Etat. De même, le faible nombre de liaisons entre Johor et les îles de Riau révèle le manque de coopération de cette branche du triangle. Néanmoins, l’offre en transports maritimes apparaît globalement importante et surpasse quantitativement l’offre en vigueur dans le reste du détroit. En effet, si les liaisons maritimes entre Sumatra et la Malaisie sont variées, impliquant trois ports indonésiens (Belawan, Tanjung Balai Asahan et Dumai) et sept ports malaisiens (Penang, Lumut, Port Klang, Port Dickson, Melaka, Muar et Batu Pahat), la fréquence apparaît relativement faible, toujours inférieure à trois ferries par jour et ne comptant plus que quelques ferries par semaine lorsque le détroit s’élargit (Figure 5). Cependant, plusieurs initiatives entrepreneuriales récentes démontrent un potentiel de développement de nouvelles liaisons maritimes en des lieux spécifiques du détroit.
Un renouveau de l’offre en transports maritimes freiné par la concurrence aérienne
Ainsi, la compagnie Esnergy Entreprise, assurant actuellement la liaison maritime Batu Pahat/Tanjung Bali Karimun annonce la mise en place imminente de deux nouvelles liaisons Batu Pahat/Batam et Batu Pahat Bengkalis (Figure 5), cette dernière étant alors 54
localisée dans une zone fortement resserrée du détroit. L’extrémité Nord du détroit, marquée par la présence d’îles thaïlandaises et d’une île malaisienne, Langkawi, constitue la seconde zone de développement de transports maritimes transfrontaliers et transnationaux. Deux entreprises, Mashuri Travel and Tours (Malaisie) et Tigerline Travel (Thaïlande), ont alors décidé de profiter de cette particularité et ont ainsi combiné leurs efforts pour proposer des liaisons maritimes entre l’île de Langkawi et certaines îles thaïlandaises de la mer d’Andaman. Une liaison directe entre Langkawi et Koh Lipe est notamment proposée aux touristes (Figure 7). Plusieurs autres îles thaïlandaises sont ensuite accessibles à partir de Koh Lipe. Le circuit « The Andaman Route » permet ainsi d’atteindre l’île de Koh Lanta à partir de Langkawi via Koh Lipe, le port d’Hat Yao (province de Trang), Koh Mook et Koh Ngai, tandis que le circuit « The North Andaman Route » propose des liaisons entre Langkawi et Phuket ou le port d’Ao Nang (Krabi) via Koh Lipe et Hat Yao. Les passagers peuvent alors choisir de faire escale un ou plusieurs jours sur les étapes intermédiaires ou de se rendre directement au point final du trajet. La formule connaît pour l’instant une réussite satisfaisante puisque deux mois après la mise en place de ces lignes, réalisée en novembre 2007, les compagnies dénombraient 3000 passagers (Bernama, 2008b), rejoignant les prévision de Che Isa Aji, manager de Mahsuri Travel and Tours. Ce dernier signalait en effet que les lignes connaîtraient un vif succès en raison du nombre important de touristes souhaitant séjourner sur les îles de Phuket et Langkawi au cours d’un même voyage (The Nation, 2008). Finalement, l’extrémité Nord du détroit et la partie la plus resserrée, au niveau de la ville malaisienne de Melaka) offrent alors des opportunités de développement de nouvelles liaisons maritimes qui pourraient rééquilibrer l’offre en vigueur à l’échelle du détroit. En revanche, la portion du détroit comprise entre un axe liant Banda Aceh et le Sud de Langkawi et un second liant Port Klang et Dumai pourrait elle subir une évolution inverse et voir décliner l’offre en liaisons maritimes, concurrencée notamment par le développement des transports aériens. Le passage entre les deux rives apparaît en effet très évasé à cet endroit, impliquant des distances relativement importantes et des temps de traversée de ferries plus longs. Ainsi, la liaison maritime Penang/Lhokseumawe initiée par la compagnie malaisienne ASDP en janvier 2006 nécessitait treize heures de trajet. La compagnie a par ailleurs été rapidement sommée par le gouvernement indonésien de mettre fin à cette initiative. Celle-ci avait en effet signé un accord avec le Free Aceh Movement alors que ce dernier n’était pas autorisé par le gouvernement indonésien à établir des coopérations avec des pays étrangers. De même, les liaisons maritimes Penang/Medan sont aujourd’hui menacées. En effet, selon un salarié de Fast Ferry Ventures, consortium de trois compagnies assurant l’offre de transport, la 55
compagnie pourrait cesser son activité dans les cinq ans à venir. Cette dernière a déjà dû réduire fortement ses services, passant d’une offre de trois ferries par jour il y a cinq ans, à cinq ferries hebdomadaires aujourd’hui. Le salarié signalait en effet une forte baisse de fréquentation, aussi bien de la part des indonésiens que des touristes occidentaux et expliquait cette situation par le développement important des transports aériens low-cost dans la région, proposant un rapport coût/temps de trajet bien plus avantageux que le ferry. La liaison maritime Penang/Medan s’effectue ainsi en cinq heures et demie en ferry pour un coût de 150 ringgits tandis que quarante-cinq minutes sont suffisantes par voie aérienne pour des prix similaires. Les ferries souffrent alors clairement de la concurrence aérienne, d’autant plus que les gouvernements des deux pays multiplient les mesures incitatives au développement du transport aérien, notamment le gouvernement malaisien souhaitant faire de l’avion le premier mode de transport dans la région. Ce dernier subventionne alors massivement les compagnies aériennes nationales, et en particulier la compagnie AirAsia, premier low-cost de la région Asie du Sud-est, fonctionnant aujourd’hui avec deux filiales thaïlandaise (Thai AirAsia) et indonésienne (Indonesia AirAsia, anciennement Awair). Ces mesures permettent ainsi à la compagnie de maintenir une offre extrêmement compétitive en dépit de l’augmentation massive des prix du pétrole depuis le début des années 2000, tandis que les compagnies de ferry se voient au contraire contraintes d’augmenter leurs prix afin de faire face à cette hausse, devenant chaque fois moins compétitives face à la concurrence aérienne. Les compagnies low-cost apparaissent alors comme un acteur essentiel du développement des transports aériens dans le détroit de Malacca, assurant aujourd’hui un nombre important de liaisons dans la région du détroit et offrant une alternative aux compagnies régulières pour la mise en place des nouvelles routes aériennes préconisées par les comités des l’IMT-GT.
Les transports aériens : l’explosion des compagnies low-cost
Le binôme Malaisie péninsulaire/Sumatra constitue l’exemple le plus abouti du rôle joué par les compagnies aériennes low-cost dans le développement des transports transfrontaliers et transnationaux dans le détroit de Malacca. Au début des années quatrevingt-dix, l’offre en transports aériens entre ces deux territoires apparaissait relativement limitée puisque seules les villes de Medan en Indonésie et de Penang en Malaisie faisaient l’objet d’une liaison aérienne. L’offre s’est alors fortement diversifiée depuis, avec l’ouverture de onze nouvelles routes aériennes mettant en jeu les villes de Banda Aceh, Medan, Padang, 56
Pekanbaru et Palembang à Sumatra, et Penang, Ipoh, Kuala Lumpur, Melaka et Johor Bahru en Malaisie (Figure 8), portée essentiellement par les compagnies low-cost. Figure 8. Liaisons aériennes internationales dans le détroit de Malacca
Source : sites Internet des compagnies aériennes, rapport IMT-GT, 2007
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En effet, Malaysia Airlines, seule compagnie régulière proposant des vols entre ces deux territoires, officie uniquement sur les liaisons Kuala Lumpur/Medan et Penang/Medan. La diversification de l’offre est alors venue de la compagnie AirAsia, couvrant dix des douze liaisons existant entre les deux territoires (Annexe A). Les liaisons Medan/Ipoh et Pekanbaru/Melaka, non couvertes par cette dernière, sont en revanche assurées par les compagnies low-cost indonésiennes Kartika Airlines (Medan/Ipoh uniquement) et Riau Airlines. De même, trois des cinq routes aériennes existant entre la Malaisie et le Sud de la Thaïlande sont couvertes uniquement par des compagnies low-cost (Annexe B). La liaison Kuala Lumpur/Krabi est ainsi assurée par AirAsia, tandis que la compagnie malaisienne Firefly propose des vols Penang/Phuket et Penang/Koh Samui plusieurs fois par semaine. Enfin, les compagnies low-cost sont également très présentes dans les liaisons aériennes entre Singapour et Sumatra (Annexe D). La compagnie singapourienne Silk Air assure ainsi les vols Singapour/Palembang et Singapour/Medan, cette dernière liaison étant également couverte par Jetstar/Valuair. Enfin, la compagnie Tiger Airways, également singapourienne, assure la liaison Singapour/Padang. L’impact des compagnies low-cost est en revanche moins marqué dans le cas des liaisons aériennes opérant entre Singapour et la Malaisie péninsulaire. Ces compagnies jouent ainsi un rôle important dans le développement des transports dans le détroit de Malacca et la mise en place de nouvelles liaisons aériennes s’effectue souvent par leur intermédiaire. Ce développement des compagnies aériennes low-cost, de même que celui d’autres modes de transports, permet ainsi de renforcer les pratiques touristiques transfrontalières et transnationales dans la région.
L’impact des transports sur le développement des pratiques touristiques transfrontalières et transnationales
Le développement de l’offre en transport a un impact sur plusieurs secteurs économiques, non pas exclusivement sur celui du tourisme. Nous tenterons donc de déterminer les liaisons aériennes, maritimes et terrestres servant en particulier les déplacements touristiques. L’offre en transports maritimes semble ainsi servir les déplacements touristiques essentiellement à l’extrémité Sud du détroit, entre l’Etat de Johor, Singapour et les îles de Riau, et à l’extrémité Nord du détroit entre les îles thaïlandaises et malaisiennes. En revanche, l’apport touristique des liaisons localisées entre ces deux points 58
apparaît moins évident, ces dernières étant en effet majoritairement empruntées par les populations migrantes indonésiennes. Cependant, ces mouvements migratoires donnent alors lieu à des déplacements liés aux visites familiales constituant une forme particulière de tourisme. De même, on peut supposer que les liaisons transfrontalières Ipoh/Medan et Melaka/Pekanbaru, assurées uniquement par des compagnies indonésiennes, relèvent plutôt de migrations de proximité des populations locales. Si la liaison Banda Aceh/Kuala Lumpur a en revanche été initiée dans le but d’encourager le déplacement touristique des malaisiens à Banda Aceh, les liaisons impliquant l’île de Sumatra apparaissent relativement peu destinées au tourisme. L’absence de vols (et de négociation de vols) vers les pôles touristiques de Langkawi et surtout, de Phuket est d’ailleurs révélatrice (Figure 8). L’île de Phuket est en effet très accessible à partir des deux autres pays riverains du détroit, Singapour et la Malaisie puisqu’une dizaine de vols quotidiens sont référencés entre Phuket et Singapour d’une part, et Phuket et Kuala Lumpur d’autre part (Annexes B et D). De même, l’accessibilité à l’île de Phuket à partir du Nord de la Malaisie est bonne, comptant la nouvelle liaison en ferry proposée par les compagnies Mahsuri Travel and Tours et Tigerline Travel, plusieurs vols hebdomadaires et des liaisons quotidiennes en mini-van à partir de Penang, et une nouvelle route aérienne en négociation à partir de Langkawi. Cette dernière devrait de plus bénéficier prochainement de deux autres nouvelles liaisons avec Hat Yai (Thaïlande) et l’île indonésienne de Batam, dont la vocation touristique apparaît clairement. Enfin, les liaisons aériennes proposées par la compagnie malaisienne Berjaya Air concernent également le tourisme de façon exclusive. La compagnie dessert en effet l’île de Koh Samui (Thaïlande) à partir de Kuala Lumpur et les îles de Redang et Tioman (Malaisie) à partir de Singapour et s’adapte au rythme de la saison touristique, proposant par exemple sept vols par semaine entre Singapour et Pulau Redang aux mois de juin, juillet et août contre quatre uniquement aux mois de mars, avril, mai, septembre et octobre. Finalement, les liaisons destinées plus particulièrement au tourisme sont relativement nombreuses dans la région du détroit de Malacca. Cependant, ces liaisons laissent apparaître une certaine dissymétrie. Ainsi, si les destinations touristiques de Singapour, de Malaisie péninsulaire, du Sud de la Thaïlande et des îles de Riau sont bien desservies entre elles, les flux transversaux entre Sumatra et les pays de la rive opposée du détroit n’ont pas de vocation touristique marquée, et semblent ainsi plus particulièrement destinées aux pratiques migratoires entre les deux rives. L’offre en transports favorise donc des pratiques touristiques transfrontalières et transnationales sur l’axe Thaïlande/Malaisie/Singapour/Riau essentiellement. Cette dissymétrie se retrouve dans les produits touristiques proposés par les tours opérateurs. 59
2. Les circuits multi-destinations dans le détroit de Malacca : une offre réduite excluant l’île de Sumatra
L’absence de circuits touristiques IMT-GT et IMS-GT : un manque de coordination publicprivé
La réalisation de circuits touristiques joints, regroupant des destinations de trois pays différents, constitue un projet fréquemment signalé dans les rapports et plans de développement touristique élaborés dans le cadre des triangles de croissance IMS-GT et IMTGT. Cependant, la plupart des salariés et patrons interrogés dans les agences de voyages locales ignoraient l’existence même des triangles de croissance IMS-GT et surtout IMT-GT, et des politiques de coopération touristique en vigueur, révélant ainsi un manque certain de coordination entre secteurs public et privé et la difficile mise en place sur le terrain de circuits tri-nationaux IMT-GT ou IMS-GT. En revanche, plusieurs circuits touristiques transnationaux et transfrontaliers sont proposés dans la région du détroit en dehors du cadre des triangles de croissance.
Des circuits transnationaux dissymétriques
Les circuits multi-destinations sont devenus un produit touristique courant ces dernières années, particulièrement apprécié des touristes souhaitant diversifier leurs expériences touristiques en un laps de temps réduit. Les pays riverains du détroit de Malacca n’échappent pas à ce dispositif et de nombreuses agences de voyage localisées en Europe, en Océanie, en Amérique du Nord, en Inde ou encore en Chine vendent ainsi ce type de circuits. Ceux-ci sont en revanche encore très peu proposés dans les agences de voyage tenues par des entrepreneurs malaisiens. En effet, aucune des agences de voyage enquêtées ne vendaient de circuits multi-destinations déjà négociés et préparés. Il était uniquement possible, à la demande, de combiner plusieurs destinations touristiques. Dans ce cas, les agences de voyage cumulaient deux circuits (Ex : un voyage « Lac Toba » et un voyage « Phuket » pour un client demandant un circuit « Lac Toba-Phuket ») ou proposaient un voyage personnalisé au client,
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impliquant des prix relativement élevés. Actuellement, l’offre de circuits transnationaux est donc impulsée essentiellement de l’extérieur. La plupart des circuits offerts ne sont pas limités au seul espace du détroit de Malacca. En effet, les circuits incluant la Thaïlande offrent systématiquement un passage par Bangkok. Ceci permet en effet de réaliser un trajet suivant un axe d’orientation méridienne Bangkok/Côte Ouest ou Est de la Malaisie/ Singapour, du Nord vers le Sud ou du Sud vers le Nord en fonction des circuits, les hubs touristiques de Bangkok et Singapour constituant alors les portes d’entrée et de sortie du circuit. D’autre part, l’offre apparaît largement dissymétrique, n’incluant jamais l’île de Sumatra dans les circuits. Ainsi, les circuits bi-nationaux proposés concernent uniquement les couples Malaisie/Thaïlande et Singapour/Malaisie et quelques circuits tri-nationaux proposent la combinaison Thaïlande/Malaisie/Singapour. En ce qui concerne les circuits proposés par des agences situées en Chine, cette situation s’explique par le fait que les touristes sont peu demandeurs quant à cette destination selon un guide-accompagnateur travaillant pour une agence de voyage chinoise de Pékin. La situation est similaire en ce qui concerne les offres de croisières, dominées par Star Cruise, premier groupe dans l’industrie de la croisière dans la région asiatique orientale. En effet, l’île de Sumatra n’est incluse dans aucune des croisières proposées par le groupe dans la région du détroit (Figure 9).
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Figure 9. Offre de croisière régionale dans le détroit de Malacca
Source : site Internet de la compagnie StarCruise
Les bateaux de croisière font escale uniquement dans les ports de Singapour, Port Klang (Kuala Lumpur), Penang, Langkawi, Phuket et Krabi. Plusieurs hypothèses peuvent être avancées pour expliquer ce phénomène. Le détroit de Malacca constitue une zone de passage importante par laquelle transitent de nombreux cargos chargés en matières premières et hydrocarbures attirant les convoitises. En l’an 2000, soixante-quinze plaintes pour actes de piraterie survenus dans le détroit ont ainsi été enregistrées par le Bureau Maritime International (Rimmer P., 2003). De plus, des risques d’attaques terroristes sont signalés dans cette région soumise à une montée de l’islamisme depuis plusieurs années. Prises d’otages et sabotages sont autant de menaces pour les bateaux de croisières circulant en pleine mer et peuvent contribuer à expliquer le fait que ces bateaux naviguent uniquement le long de la côte Ouest de la Malaisie péninsulaire. D’autre part, lors d’un voyage en croisière, il est courant de réaliser plusieurs escales permettant de réaliser quelques heures de visites sur la terre ferme. Ce dispositif implique que les sites visités ne soient pas trop éloignés du port d’escale afin de ne pas perdre de temps dans les transports terrestres. Si cette condition est bien remplie en ce qui concerne la côte Ouest de la Malaisie et le Sud-ouest de la Thaïlande, il n’en 62
est pas de même pour l’île de Sumatra où l’accès au site touristique majeur, le lac Toba, nécessite un trajet en bus de cinq heures à partir de la ville côtière de Medan, et celui à Bukittinggi, centre de la culture Minangkabau, un trajet de sept heures en minibus à partir de la ville côtière de Dumai. Il n’existe ainsi aucune offre de croisière incluant des escales dans l’ensemble des pays riverains du détroit. L’intitulé « Strait of Malacca Cruises » ou « Straits adventure » de certaines croisières relève donc plus d’une opération marketing que d’un voyage réel à travers l’ensemble du détroit. Le détroit est ainsi appréhendé comme une unité touristique uniquement dans le nom du produit. L’île de Sumatra apparaît finalement largement exclue des circuits et croisières transnationaux élaborés par les entrepreneurs touristiques. En revanche, les îles indonésiennes de Bintan et Batam sont fréquemment mobilisées dans l’élaboration de circuits transfrontaliers.
Les circuits transfrontaliers : le développement d’un tourisme insulaire
Les circuits transfrontaliers proposés par les entrepreneurs touristiques dans le détroit de Malacca sont relativement peu nombreux et relèvent de localisations bien spécifiques. Les îles apparaissent notamment comme un objet géographique propice à la mise en place de tels circuits. Un tourisme insulaire transfrontalier se développe ainsi aux deux extrémités du détroit de Malacca. On a vu précédemment l’initiative prise par les compagnies Mahsuri Travel and Tours et Tigerline Travel de mettre en place plusieurs liaisons de ferry entre l’île de Langkawi et diverses îles thaïlandaises de la mer d’Andaman. Cette dernière n’est pas isolée puisque l’entreprise malaisienne Langkawi Dolphin Cruise propose depuis 2005 des croisières partant de l’île de Langkawi vers les îles thaïlandaises de la mer d’Andaman. La durée des croisières varie entre quatre et douze jours et les îles visitées dépendent de la durée de la croisière. Ainsi, les croisières de quatre jours sont consacrées aux îles de Koh Lipe, de l’archipel Butang, et de Koh Tarutao tandis que les croisières de huit et douze jours se terminent à Koh Phuket et incluent un nombre plus important d’îles. L’extrémité Sud du détroit est également marquée par la présence de nombreuses îles malaisiennes et surtout indonésiennes, localisées à proximité de la cité-Etat de Singapour. Cependant, seules deux d’entre elles font l’objet de circuits combinés : les îles de Batam et de Bintan. Le circuit type dure alors six jours, dont quatre consacrés à la visite de Singapour et 63
deux à l’une de ces deux îles, plus fréquemment celle de Bintan. Plus rarement, les circuits proposent une journée d’excursion en Malaisie, dans le village de Kukup, apprécié pour ses fruits de mer et ses plantations d’huile de palme, ou dans la ville de Johor Bahru. Certains circuits transfrontaliers proposés dans la région incluent donc des territoires indonésiens. Cependant, la dissymétrie Est-Ouest observée dans le cadre des circuits transnationaux est conservée, puisque ces circuits incluent uniquement des îles de l’archipel de Riau, situées à proximité de Singapour, et que l’île de Sumatra en reste exclue. Cette dissymétrie s’observe également dans les réseaux générés par les itinéraires des touristes dans le détroit de Malacca.
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CONCLUSION
Si le tourisme apparaît comme un domaine important des projets de coopération existant dans le cadre des triangles de croissance IMS-GT et IMT-GT, la concrétisation de ces projets connaît plusieurs obstacles. Ainsi, si l’Etat malaisien de Johor, la cité-Etat de Singapour et les îles indonésiennes de Riau ont un intérêt commun à coopérer en raison des dissymétries d’activités touristiques offrant une certaine complémentarité aux trois destinations, cette opportunité est altérée par plusieurs rivalités et concurrences existant entre les parties. En effet, la cité-Etat de Singapour apparaît comme l’élément dominant du triangle, ce dernier consistant alors en des relations bilatérales Singapour/Johor et Singapour/Riau plutôt qu’en des relations trilatérales. La cité-Etat pratique ainsi une politique de borrowed attractiveness, exploitant le potentiel touristique des territoires voisins afin d’améliorer son offre. Cette politique avantage en revanche peu l’Etat de Johor, apparaissant alors comme un bonus singapourien et faisant l’objet de courtes visites rapportant peu de devises. Cette situation a d’ailleurs généré plusieurs tensions entre les deux parties qui se sont aujourd’hui renforcées en raison de la concurrence que représente l’Etat de Johor pour Singapour. En effet, s’il existe une dissymétrie en termes de type d’activité touristique entre les deux parties, une seconde dissymétrie s’individualise, concernant les coûts de pratique d’autres activités proposées dans les deux Etats, telles le shopping. L’Etat de Johor pratique ainsi des tarifs inférieurs à ceux de Singapour attirant d’importants flux singapouriens. En revanche, si une certaine concurrence se dessine également dans le triangle IMT-GT entre Phuket, pôle touristique du triangle et Penang, souhaitant devenir le hub de transports du triangle, les difficultés de coopération touristique dans l’IMT-GT tiennent plutôt à l’absence d’un réel besoin de coopération du Sud de la Thaïlande, élément dominant. En effet, les nombreuses îles de la mer d’Andaman assurent un débouché touristique très important à cette partie, ne nécessitant pas d’alliances avec la Malaisie, ni avec Sumatra, dont la fréquentation touristique est par ailleurs très faible. Les projets touristiques consistent alors souvent en une superposition de trois plans plutôt qu’en une réalisation commune, et participent peu au renforcement des pratiques touristiques transfrontalières et transnationales. Cependant, les gouvernements des pays participant à l’IMT-GT nourrissent de fortes ambitions d’amélioration de l’offre en transports transfrontaliers et transnationaux, notamment aériens. Ceci pourrait alors réduire la forte dissymétrie actuelle existant entre l’île de Sumatra et la rive opposée du détroit, îles de Riau inclues. Sumatra apparaît en effet systématiquement 65
exclue des flux de croisière et des circuits multi-destinations vendus par les agences de voyage, et ne bénéficie pas de liaisons directes avec les pôles touristiques de Langkawi et Phuket.
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PARTIE 3 LA RÉALITÉ DES PRATIQUES TOURISTIQUES TRANSFRONTALIÈRES ET TRANSNATIONALES DANS LE DÉTROIT DE MALACCA. POINT DE VUE DES TOURISTES
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INTRODUCTION
Cette dernière partie vise à analyser la réalité des pratiques touristiques transfrontalières et transnationales dans le détroit de Malacca et sera donc consacrée à l’examen des circuits réalisés par les touristes. En effet, si l’offre touristique proposée par les entrepreneurs constitue un indicateur important de la réalité du terrain, elle s’adapte néanmoins à la demande des principaux intéressés, comme l’atteste la forte variabilité des lignes de ferry en présence dans le détroit de Malacca. Ainsi, sans touristes, il ne peut y avoir de tourisme. Les origines des pratiques touristiques transfrontalières et transnationales dans le détroit de Malacca remontent à la fin du XVIIIème siècle. C’est en effet à cette période que les britanniques, attirés par la prospérité croissante du port de commerce de Melaka, repoussent progressivement les hollandais installés dans la région pour s’emparer de Penang puis de Melaka. Durant la période d’occupation qui s’ensuit, de nombreuses stations d’altitude (Penang Hill, Fraser’s Hill, Cameron Highlands) sont construites sur le territoire de l’actuelle Malaisie péninsulaire par les britanniques, soucieux d’échapper au climat local chaud et humide et de retrouver des conditions climatiques plus proches de celles en vigueur dans leur pays d’origine. Ces stations accueillaient alors les colons fixés non seulement sur le territoire de l’actuelle Malaisie, mais également sur l’île voisine de Sumatra. C’est donc à ces derniers que l’on doit les premières pratiques touristiques transfrontalières dans le détroit de Malacca, qui se sont aujourd’hui généralisées. Nous étudierons alors les réseaux actuels générés par les pratiques des touristes en proposant une comparaison selon la nationalité de ces derniers. Ceci permettra de déterminer si ces réseaux dessinent un ou plusieurs territoires du tourisme dans le détroit de Malacca et comment les différentes nationalités de touristes contribuent à la mise en place de dynamiques touristiques transfrontalières et transnationales dans la région.
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I. LES TOURISTES TRANSFRONTALIÈRES
NATIONAUX:
DES
PRATIQUES
MAJORITAIREMENT
Dans le contexte de mondialisation, l’expansion des couches moyennes dans les pays dits « du Sud » a permis l’accès au tourisme d’un nombre croissant de populations. Les pays riverains du détroit de Malacca n’échappent pas à la tendance et les déplacements des malaisiens, indonésiens, thaïlandais et singapouriens se multiplient dans le monde mais également dans la région du détroit de Malacca, contribuant fortement à la mise en place de pratiques touristiques transfrontalières et transnationales. Ces populations représentent en effet des parts importantes des arrivées de touristes dans les pays du détroit. Ainsi, sur les 20,9 millions de touristes accueillis par la Malaisie en 2007, 10,4 millions étaient des singapouriens, 1,8 millions des thaïlandais, et 1,2 millions des indonésiens. De même, les indonésiens (toutes îles confondues) et les malaisiens constituaient respectivement les première et cinquième nationalités de touristes à Singapour en 2006 (Singapore Tourism Board, 2007). Par ailleurs, 28,26% des thaïlandais ayant quitté leur territoire à des fins touristiques en 2007 se sont rendus en Malaisie (Tourism Authority of Thailand, 2008). Les malaisiens représentaient eux 11,88% des arrivées de touristes en Thaïlande en 2005 (Songsak S., 2006). À noter que ces chiffres concernent les arrivées à l’échelle nationale de la Thaïlande et que la part de touristes malaisiens dans les provinces du Sud incluses dans le triangle IMTGT est certainement bien supérieure. De même, les arrivées de touristes par nationalité en Indonésie ne sont disponibles qu’à l’échelle nationale et ne proposent donc pas de comparaison par province, mais montrent néanmoins la nette domination des flux singapouriens (1 401 804) et malaisiens (769 988), supérieurs au total des flux européens (730 398) [Statistics Indonesia, 2006]. Les motivations de ces touristes ressortissants de la région du détroit de Malacca sont bien spécifiques et concernent principalement les activités de loisirs et les visites familiales et amicales.
1. Les activités de loisirs : des pratiques régulières jouant sur la proximité géographique Le temps de loisirs des thaïlandais, malaisiens, singapouriens et indonésiens résidant dans la région du détroit de Malacca s’organise autour de plusieurs activités : shopping, vie nocturne, gastronomie, pratiques sportives et activités balnéaires. Si ces activités peuvent être 69
pratiquées dans l’ensemble des pays du détroit, leur qualité et leur coût varie selon les lieux, incitant les populations à se déplacer en dehors des frontières de leur pays afin de jouer des avantages comparatifs offerts par ces différents lieux, et du différentiel ainsi engendré. Ces déplacements relèvent alors essentiellement de logiques transfrontalières. En effet, ces pratiques étant relativement fréquentes, elles doivent être réalisées dans des lieux accessibles relevant de distances courtes par rapport au lieu de résidence. Plusieurs tendances sont ainsi identifiables pour les différentes dyades en présence dans la région du détroit de Malacca.
Touristes singapouriens à Johor : des flux spécialisés en fonction des destinations
L’extrémité Sud du détroit de Malacca regroupant l’Etat de Johor en Malaisie, la citéEtat de Singapour et les îles indonésiennes de Riau est le lieu de nombreux franchissements de frontières par les populations locales en fin de semaine et pendant les vacances scolaires (Figure 10). Figure 10. Tourisme transfrontalier des populations locales à l’extrémité Sud du détroit de Malacca
Source : enquêtes auprès des populations et de professionnels du tourisme
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Ces franchissements sont majoritairement réalisés de Singapour vers l’Etat de Johor dans le sud de la Malaisie, où les coûts des activités de loisirs sont généralement inférieurs à ceux en vigueur dans la cité-Etat. Les salariés de l’office de tourisme de la Malaisie à Singapour estiment d’ailleurs que le document le plus demandé par les singapouriens est la carte routière détaillée de l’Etat de Johor. Si ces derniers rayonnent dans l’ensemble de l’Etat de Johor, plusieurs destinations principales se dessinent. La ville de Johor Bahru apparaît ainsi la destination la plus prisée des singapouriens en quête de shopping et de loisirs nocturnes tels les discothèques et karaokés. De gigantesques centres commerciaux se sont en effet développés dans la ville afin de répondre à l’importante demande singapourienne, attirée par les prix bon marché. La ville de Johor Bahru jouit par ailleurs d’une très bonne accessibilité, séparée de la cité-Etat uniquement par le Causeway, pont long d’un kilomètre, aisément franchissable en voiture ou en bus. En moyenne, 825 000 singapouriens se sont ainsi rendus chaque mois à Johor Bahru en 2005 (Johor Bahru Immigration Department, 2007, cité par Hampton M., 2007). Les singapouriens friands de fruits de mer se rendent eux à Kukup, village de pêcheurs de la côte Ouest de la Malaisie, où de nombreux restaurants proposent des dégustations. Cette destination touristique a été développée par les singapouriens, pour les singapouriens, attirés dès les années quatre-vingt par la qualité des fruits de mer consommés sur place. Ainsi, les prix des menus des restaurants sont adaptés au standard de vie des singapouriens et apparaissent relativement élevés par rapport aux tarifs en vigueur dans le reste de la Malaisie. Les singapouriens représentent en effet 50 à 80% des clients des magasins de souvenirs du village (Hampton M., 2007), et chaque week-end, un millier de voitures et plusieurs dizaines d’autocars assurant les « Kukup Tours » organisés par les tours opérateurs singapouriens sont dénombrés aux alentours de Kukup. Une jetée a même été construite afin de permettre l’arrivée de ferries partant du port singapourien de Tuas et effectuant la traversée en 90 minutes. Enfin, les singapouriens préférant s’adonner à des activités balnéaires investissent l’île de Tioman ou encore les îles de Pulau Besar, Pulau Sibu, Pulau Sibu Tengah et Pulau Rawa, accessibles en moins d’une heure à partir des villages de Mersing et de Tanjung Leman, situés sur la côte Est de la Malaisie péninsulaire. Ceux souhaitant conjuguer activités balnéaires et sportives choisissent plutôt d’aller à Desaru, offrant une plage de vingt kilomètres et disposant également d’un golf de dix-huit trous. Le golf est en effet un loisir très apprécié des singapouriens qui se rendent régulièrement dans les trente terrains existant dans l’Etat de Johor. 71
Des spécialisations touristiques de certains lieux interviennent donc à l’échelle locale de l’Etat de Johor, qui déterminent les choix de destination des singapouriens. Ceci illustre bien la théorie de Dann (1977) qui divisait les motivations touristiques en deux groupes de facteurs, « push » et « pull », les facteurs « push » étant ceux donnant l’idée à une personne d’entreprendre un voyage touristique, et les facteurs « pull » correspondant aux attributs et caractéristiques d’un lieu intervenant dans le choix de la destination finale. Les facteurs « pull » sont néanmoins particuliers dans le cas des flux de singapouriens en direction de Johor Bahru. Ces flux répondent en effet à une volonté de pratique d’activités de shopping et de divertissement, mais relèvent également d’une exploitation du différentiel de coût de pratique de ces activités entre la cité-Etat et l’Etat de Johor. Finalement, les dissymétries en termes de coût pour une même activité touristique créent une concurrence entre les Etats et entre les régions concernés et freinent ainsi la coopération politique, mais motivent les populations locales à franchir la frontière. Cet exemple met ainsi bien en valeur la nécessité de prendre en compte les pratiques des touristes pour évaluer les dynamiques touristiques transfrontalières et transnationales.
Les singapouriens : première nationalité de touristes sur les îles de Riau
Les pratiques touristiques transfrontalières des singapouriens ne se limitent pas au Sud de la Malaisie. En effet, nombreux sont ceux profitant de la proximité des îles indonésiennes de l’archipel de Riau. Les îles de Batam et surtout de Bintan sont appréciées des singapouriens pour leurs stations balnéaires de luxe et sont facilement accessibles depuis la cité-Etat en quarante-cinq minutes par bateau. En 1995, 53% des touristes arrivant sur l’île de Batam étaient ainsi de nationalité singapourienne (Han M.L., 2001). De même, en 2007, les singapouriens représentaient 31,85 % des clients du Bintan Beach International Resort, le plus important complexe hôtelier de l’île (Bintan Resorts Statistics, 2007). Par ailleurs, les malaisiens (94 442) et singapouriens (98 711) représentent 99% des arrivées de touristes sur l’île indonésienne de Karimun (New Straits Times, 2006). Le cas de l’île de Penyengat est plus particulier puisque ce sont essentiellement des singapouriens malais, mais également des malais résidant dans l’Etat de Johor qui investissent le lieu. L’île représente en effet un lieu majeur de l’histoire et de la culture malaises, abritant la tombe du Sultan Haji, auteur de la première grammaire en langue malaise et pilier de la résistance face aux colons hollandais au début des années 1780. Avant la création des Etats modernes, le monde malais constituait une 72
vaste entité territoriale regroupant les Etats actuels de Malaisie, Indonésie, Singapour, Brunei et les provinces thaïlandaises de Pattani, Yala et Narathiwat. Ceci explique qu’aujourd’hui encore, les malais de Singapour et de l’Etat de Johor considèrent cette île indonésienne comme un élément fort de leur culture et la visitent régulièrement. Les liens ethniques ont ainsi une influence sur les pratiques touristiques transfrontalières des populations locales. De la même façon, il existe un lien entre l’origine ethnique des entrepreneurs du tourisme et les touristes eux-mêmes. Ainsi, l’offre touristique dans le village de Kukup en Malaisie est essentiellement le fait de coopérations entre des tours opérateurs, compagnies de transport, restaurateurs et directeurs d’établissements d’hébergement singapouriens et malaisiens d’origine chinoise et attirent une clientèle également d’origine chinoise, essentiellement singapourienne. Se dessine ainsi une géographie ethnique du tourisme transfrontalier, liée au fort multiculturalisme en vigueur dans ces pays où cohabitent malais, chinois et indiens. L’ensemble de ces déplacements transfrontaliers sont réalisés en des laps de temps réduits. Si certains singapouriens profitent des prix meilleur marché des hôtels de luxe de l’Etat de Johor, la plupart souhaitent économiser une nuit d’hôtel et effectuent donc le déplacement dans la journée, ce qu’autorise la proximité entre Singapour et l’Etat de Johor. Cette stratégie est également très utilisée par les populations des régions frontalières du Nord de la Malaisie et du Sud de la Thaïlande.
La frontière Thaïlande-Malaisie : haut-lieu de shopping transfrontalier pour les populations locales
La frontière entre la Malaisie et la Thaïlande fait l’objet de nombreux franchissements par la population locale, principalement motivés par les activités de shopping (Figure 11).
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Figure 11. La frontière malaiso-thaïlandaise : une attraction pour les activités de shopping des populations locales
Source : enquêtes auprès des populations et de professionnels du tourisme
En effet, la zone est marquée par la présence de magasins détaxés au niveau de certains postes-frontière : Padang Besar (Malaisie)/Padang Besar (Thaïlande), Bukit Kayu Hitam/Dannok, Keroh/Betong et Rantau Panjang/Sungai Golok. Les thaïlandais s’y rendent notamment pour acheter des liqueurs et cigarettes. Les malaisiens, s’ils profitent également des duty-free, continuent leur chemin jusqu’aux premières villes du Sud de la Thaïlande (Satun, et surtout Hat Yai) afin de se fournir en vêtements, bien meilleur marché en Thaïlande, et de profiter de la vie nocturne et de la gastronomie thaïlandaise. En revanche, si les malaisiens représentaient un des plus gros contingents de touristes à Pattani, Yala et Narathiwat, ils désertent aujourd’hui ces lieux en raison des insurrections perpétrées par des groupes indépendantistes islamistes depuis 2001 dans ces provinces sous triple influence chinoise, thaï et musulmane (Ahmad M., Badaruddin M., Husna S., 2006). Les flux de sud-thaïlandais et nord-malaisiens se dirigent également vers le poste frontière de Wang Kelian/Wang Prachan situé entre l’Etat de Perlis en Malaisie et la province de Satun en Thaïlande. Les populations sont en effet attirées par un important marché se tenant chaque fin de semaine, du samedi après-midi au dimanche soir, proposant denrées alimentaires, vêtements et matériel de maison à des prix très bas. Sur la route Wang Kelian/Satun, sur une distance d’environ deux kilomètres, soit un kilomètre de part et d’autre de la frontière, le marché jouit d’une situation particulière de chevauchement de la frontière malaiso-thaï (Figure 12).
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Figure 12. Le marché de Wang Kelian/Wang Prachan : une situation particulière de chevauchement de la frontière malaiso-thaï
Source : http://micheginny.com/blog/2008/01/04/thai-border-kampung-wang-kelian/
La plupart des stands acceptent d’ailleurs indifféremment un paiement en bahts ou en ringgits. Un accord signé en juin 1991 par les autorités de l’Etat de Perlis et celles de la province de Satun autorisait en effet les populations locales thaïlandaises et malaisiennes à franchir le poste-frontière sans passeport dans la limite de la zone du marché tous les samedis et dimanches. Cependant, la destination souffre aujourd’hui de la remise en cause de cet accord depuis le mois de décembre 2007. Selon le Ministre de la sécurité malaisien Mohd Johari Baharum, l’accord a en effet donné lieu à des abus de la part des populations locales, entraînant un accroissement des activités de contrebande et des entrées illégales. Les populations de la province de Satun et des Etats de Perlis, du Kedah, du Perak et du Kelantan sont ainsi sommées d’acheter des laissez-passer à 10 ringgits (environ 2 euros) valables pour une durée de six mois, tandis que les populations issues d’autres provinces thaïlandaises ou d’autres Etats malaisiens doivent désormais s’acquitter d’un passeport (Bernama, 2007a). Selon les commerçants, cette mesure a entraîné d’importantes pertes financières liées à une forte diminution du nombre de clients. Ces derniers, dont le nombre variait généralement entre deux et cinq mille avant la mesure, ne seraient en effet plus qu’une centaine par jour (New Straits Times Online, 2008). Ceci s’explique par le fait que ce sont essentiellement les classes ouvrières qui sont concernées par ces pratiques. Disposant de moyens financiers restreints, ces dernières effectuent donc le trajet en voiture en une journée afin d’éviter d’avoir à payer une nuit d’hôtel. Acquérir un passeport s’avère alors coûteux pour ces populations (300 ringgits soit 60 euros) pour lesquelles l’intérêt de ce marché consistait précisément en 75
des prix très bas. Les populations des Etats frontaliers ne sont en effet pas les seules à effectuer le déplacement. Cependant, la mesure prise en décembre 2007 est en passe d’être remise en cause puisque des négociations sont en cours entre le gouvernement de l’Etat du Perlis et le ministre de l’intérieur de la Malaisie pour autoriser une entrée libre de commerçants et clients thaïlandais dans une nouvelle zone commerciale créée du côté malaisien de la frontière. En revanche, les malaisiens ne sont toujours pas autorisés à franchir la frontière sans laissez-passer. Le contrôle s’est également durci au niveau d’autres postesfrontière entre la Thaïlande et la Malaisie. Ainsi, les malaisiens souhaitant se rendre dans la zone duty-free située en territoire malaisien juste après la douane de Bukit Kayu Hitam doivent dorénavant présenter leur carte d’identité biométrique au poste-frontière bien qu’ils ne franchissent pas la frontière (Figure 13). Figure 13. Zone frontalière de Bukit Kayu Hitam (Malaisie)/Dannok (Thaïlande)
Source : à partir de Google Earth
Finalement, les pratiques touristiques transfrontalières des populations locales sont essentiellement motivées par des activités de loisirs en ce qui concerne les frontières Thaïlande / Malaisie et Malaisie / Singapour / archipel de Riau. La frontière Malaisie péninsulaire / Sumatra constitue alors un cas particulier.
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2. Le cas particulier de la frontière Malaisie péninsulaire/Sumatra : des flux de tourisme médical Les pratiques touristiques transfrontalières impliquant la frontière séparant la Malaisie péninsulaire et l’île indonésienne de Sumatra diffèrent des pratiques évoquées jusqu’alors, essentiellement motivées par des activités de shopping et de divertissement. En effet, le franchissement de cette frontière maritime ne peut s’effectuer que par avion ou ferry, ce qui implique des coûts relativement élevés ne justifiant pas un déplacement destiné aux seules activités de shopping ou de loisirs. Les déplacements touristiques des populations locales s’effectuent alors essentiellement de Sumatra vers la Malaisie et relèvent du tourisme médical. La Malaisie a commencé à développer cette forme de tourisme à la fin des années quatre-vingt-dix, qui consiste à proposer des formules de type « deux en un » combinant un acte médical et des activités de détente et de visites. Les indonésiens se sont alors révélés très intéressés par cette offre et constituent aujourd’hui les principaux clients de la Malaisie : ils représentaient 63% des touristes médicaux en 2003, et 74% en 2004 (Ghazali M., Oon K., 2006), la majorité d’entre eux résidant sur l’île de Sumatra. Plusieurs explications peuvent être avancées pour expliquer l’importance de ces flux. L’offre médicale en vigueur sur l’île de Sumatra apparaît quantitativement limitée, l’île comptant par exemple huit centres d’urgences orthopédiques contre plus de quatre cents en Malaisie. Les hôpitaux sont alors dans l’incapacité d’assurer les soins de l’ensemble de la population de l’île, et pratiquent de plus des tarifs élevés (la demande surpassant l’offre) obligeant les habitants à se faire soigner en dehors de leurs frontières. Le tourisme médical étant fortement développé dans la région d’Asie du Sud-est, plusieurs choix s’offrent alors à eux : les grands centres médicaux localisés sur d’autres îles indonésiennes, la Malaisie, la Thaïlande et Singapour. Ces deux dernières destinations figurant parmi les leaders mondiaux en la matière remportaient il y a quelques années encore l’adhésion des indonésiens, mais le développement du tourisme médical en Malaisie a suscité une modification des pratiques. En effet, la Malaisie, située juste entre ces deux pays, se devait de proposer une offre de qualité afin d’espérer pouvoir concurrencer ces derniers, et a ainsi misé sur le recrutement d’un personnel hautement spécialisé et qualifié, et sur la mise en place d’infrastructures hospitalières modernes, le tout à des prix globalement moins élevés que ceux en vigueur dans les hôpitaux singapouriens. Le rapport qualité-prix devenait un atout important auquel se conjuguait le fait d’être un pays musulman, partageant une langue commune avec l’Indonésie. 77
Ceci offrait alors aux indonésiens venant se faire soigner en Malaisie la possibilité de communiquer avec le personnel médical dans leur langue maternelle, de pratiquer leur religion au sein de la structure hospitalière et de pouvoir bénéficier de repas Halal, éléments fortement mis en valeur dans une enquête étudiant les motivations des indonésiens séjournant dans des hôpitaux malaisiens (Ghazali M., Oon K., 2006). Il n’est ainsi pas étonnant que les deux principaux sites du tourisme médical en Malaisie soient la ville de Melaka et l’île de Penang, faisant directement face à l’île de Sumatra et étant facilement accessibles depuis cette île par ferry ou par avion. Ces deux sites concentraient ainsi respectivement 40% et 32% des revenus du tourisme médical en Malaisie en 2004 et multiplient aujourd’hui les actions visant à attirer la clientèle indonésienne. Ainsi, l’hôpital de Makhota, situé dans la ville de Melaka, dispose de deux bureaux de promotion à Pekanbaru et Padang, sur l’île de Sumatra, et les hôpitaux de Penang proposent des services de change de monnaie, des chambres destinées à l’accueil des familles ou encore des services de navette entre l’aéroport et le lieu de soin. Par ailleurs, les indonésiens bénéficient de la récente décision gouvernementale d’extension des visas, passant de trente jours à six mois pour les touristes médicaux. Les flux pourraient donc augmenter dans les années à venir, notamment sur l’île de Penang dont l’offre est particulièrement développée en ce qui concerne la chirurgie esthétique. Or, ce type d’intervention est propice au tourisme médical, ne nécessitant pas un alitement continu des patients et leur autorisant ainsi les visites touristiques. Le gouvernement malaisien souhaite par ailleurs faire de l’île de Pulau Jerejak, à proximité de Penang, le premier centre du tourisme médical du pays dans le cadre du projet NCER (Northern Corridor Economic Region) visant à accélérer la croissance économique dans les Etats du Nord de la Malaisie. Finalement, les flux touristiques transfrontaliers entre Sumatra et la Malaisie sont essentiellement le fait du tourisme médical. Cependant, un autre phénomène d’importance doit être pris en compte, celui des flux migratoires, en relation étroite avec les flux touristiques.
3. Tourisme et migration : un lien étroit Le détroit de Malacca est marqué par d’importantes circulations migratoires de travail, certaines légales, d’autres clandestines, mais ayant toutes pour conséquence d’éloigner momentanément le migrant d’amis ou de membres de sa famille et d’encourager alors les pratiques de visites, soit de la part de la famille et des amis vers le nouveau lieu de résidence 78
du migrant, soit du migrant vers son ancien lieu de résidence, considérées comme du tourisme.
Une correspondance géographique entre origine des migrants et destinations touristiques
Le quartier de Kampung Baru à Kuala Lumpur est un bon exemple de mise en évidence de ce lien existant entre migration et tourisme. La région urbaine de Kuala Lumpur constitue l’un des grands bassins d’emploi en vigueur dans la région du détroit de Malacca et suscite donc l’arrivée de migrants obéissant à des logiques de polarisation économique. Ceuxci se regroupent alors généralement dans des quartiers spécifiques en fonction de leur pays d’origine. Kampung Baru constitue ainsi un quartier d’installation privilégié des migrants indonésiens. Or, le quartier est marqué par une forte présence d’agences de voyage de type familial vendant des billets de transport uniquement à destination de l’Indonésie, mettant bien en valeur ce rapport tourisme-migration (Figure 14). Figure 14. Agence de voyage à Kampung Baru (Kuala Lumpur) : des destinations exclusivement indonésiennes
Source : prise de vue personnelle, Kuala Lumpur, avril 2008
Ces recompositions familiales et territoriales liées aux circulations migratoires s’établissent sur le temps long puisque le détroit de Malacca constituait un lieu d’échanges intenses dès les périodes pré-coloniale et coloniale en raison de son appartenance au monde 79
malais, culturellement unifié. Les circulations entre le Nord de l’actuelle Malaisie péninsulaire et le Sud de l’actuelle Thaïlande, l’actuelle Singapour et le Sud de l’actuelle Malaisie péninsulaire, et la côte Est de l’actuelle Sumatra et la côte Ouest de l’actuelle Malaisie péninsulaire, étaient alors courantes et les populations de la côte Est de Sumatra se sentaient d’ailleurs culturellement plus proches de celles de la Malaisie péninsulaire que de celles de la côte Ouest de l’île (Fau N., 2000). Ceci se traduit aujourd’hui par une diversité culturelle en vigueur dans certains quartiers, villes et/ou régions de chacun des espaces concernés. Ainsi, les Etats du Kedah, du Perlis, du Kelantan et du Terengganu dans le Nord de la Malaisie péninsulaire sont marqués par une présence importante de thaïlandais, en particulier dans les villes de Tumpat et Pasir Mas (Kelantan), d’Alor Setar (Kedah) et de Kampung Kluang (Terengganu), tandis que les provinces musulmanes du Sud de la Thaïlande, notamment celles de Narathiwat, Yala et Pattani, abritent un nombre important de malais. De même, de nombreux malais résident aujourd’hui sur la côte Est de Sumatra tandis que la côte Ouest de la Malaisie péninsulaire accueille des indonésiens de Sumatra comme l’atteste par exemple la présence de villages nommés Kampung Aceh dans l’Etat malaisien du Kedah. Cette situation est renforcée par la continuité des flux migratoires en provenance de Sumatra vers la Malaisie, profitant à la fois à la Malaisie, dont le Nord souffre d’un déficit en main d’œuvre non qualifiée dans plusieurs secteurs de l’industrie, et aux migrants indonésiens, pour lesquels ce changement de pays signifie également un salaire plus élevé. Enfin, l’Etat malaisien de Johor accueille de nombreux singapouriens, attirés par les prix de l’immobilier bien meilleur marché que ceux en vigueur dans la cité-Etat. Ces prix élevés expliquent d’ailleurs que la plupart des malaisiens travaillant à Singapour préfèrent effectuer des migrations pendulaires quotidiennes qu’élire domicile dans la cité-Etat. Certains d’entre eux résident néanmoins à Kampong Glam, quartier malais de Singapour.
Un lien migration/tourisme particulièrement fort entre Sumatra et la Malaisie
L’ensemble de ces migrations jouent sur des logiques de proximité géographique et sont alors à l’origine de flux touristiques transfrontaliers entre le nouveau et l’ancien lieu de résidence, principalement motivés par les visites à la famille et aux amis. Ces motivations peuvent par ailleurs éventuellement se combiner avec celles évoquées précédemment, relatives au shopping et aux divertissements. Ces pratiques sont particulièrement vivaces entre la côte Ouest de la Malaisie péninsulaire et la côte Est de Sumatra. Les malais, et surtout les 80
indonésiens, sont alors les principaux clients des compagnies de ferry reliant Penang et Medan d’une part, et Melaka et Dumai ou Bengkalis d’autre part. Les indonésiens représentent en effet 85% de la clientèle selon le patron d’une compagnie de transport opérant à Penang et des enquêtes effectuées à plusieurs reprises à l’embarcadère de ferry de Melaka auprès des voyageurs ont permis de constater que les indonésiens et les malaisiens malais étaient bien les nationalités les plus représentées (Figure 15). Les panneaux affichant les horaires et tarifs de transport de Melaka sont d’ailleurs écrits uniquement en langue locale et ne sont pas traduits en anglais. Figure 15. L’embarcadère de ferry à Melaka : une majorité d’indonésiens et de malais
Source : prise de vue personnelle, Melaka, mars 2008
Les circulations migratoires sont ainsi à l’origine de flux touristiques transfrontaliers et transnationaux dans le détroit de Malacca. Cependant, le lien entre tourisme et migration est également valable en sens inverse, les flux touristiques entraînant alors une mobilité migratoire, comme l’atteste l’exemple des singapouriens à Melaka.
Les singapouriens à Melaka : des flux touristiques aux flux migratoires
La ville de Melaka constitue le premier lieu de destination touristique des touristes singapouriens en Malaisie en dehors de l’Etat de Johor dont on a vu l’importance des pratiques transfrontalières qu’il suscitait. La ville présente en effet un double-avantage aux 81
yeux des singapouriens, celui d’être accessible en quelques heures de voiture et d’offrir une large palette d’activités appréciées de ces derniers : golf, parcs à thème, shopping, et gastronomie nonya mêlant les cuisines malaise et chinoise. De nombreuses familles singapouriennes passent alors régulièrement leurs fins de semaine à Melaka, et certaines franchissent un pallier supplémentaire en y achetant une résidence secondaire, offrant un plus grand confort qu’une chambre d’hôtel. La ville de Melaka a ainsi accueilli 218 681 singapouriens en 2005, qui représentaient le premier groupe de touristes par nationalité (State Economic Planning Union, 2005). La dernière étape consiste alors à s’installer définitivement dans la ville à l’âge de la retraite. Cette trajectoire, adoptée par un nombre non négligeable de singapouriens selon Amran Hamzah, professeur au département d’aménagement touristique de l’université Teknologi Malaysia à Johor Bahru, constitue alors un cas d’inversement géographique entre lieu de résidence et lieu de pratique touristique (Figure 16). Les personnes concernées avaient donc au départ des pratiques touristiques transnationales de Singapour vers la ville de Melaka. Ces pratiques se sont ensuite inversées, de Melaka vers Singapour, afin de rendre visite à la famille et aux amis après migration définitive dont l’achat d’une résidence secondaire constitue une étape intermédiaire. Figure 16. Les migrations : un inversement géographique entre résidence et tourisme. L’exemple des singapouriens à Melaka
Source : enquêtes auprès de professionnels du tourisme
Les pratiques touristiques des singapouriens dans le détroit de Malacca ne se limitent donc pas à l’Etat de Johor ou aux îles de l’archipel de Riau, et relèvent ainsi de logiques aussi bien transnationales que transfrontalières. En dehors de la ville de Melaka, les destinations 82
favorites des singapouriens en Malaisie sont les villes de Kuala Lumpur et Ipoh, l’île de Penang et la station de Genting Highlands. La Malaisie péninsulaire est ainsi une destination très prisée des singapouriens, offrant de nombreuses possibilités de divertissement, étant facilement accessible en voiture depuis Singapour et étant dotée d’infrastructures de transport de bonne qualité. Elle correspond ainsi aux attentes touristiques des singapouriens, qui se rendent alors très peu sur l’île indonésienne de Sumatra qu’ils jugent peu accessible et dotée d’infrastructures de transport de mauvaise qualité. Les malaisiens sont également peu nombreux à se rendre sur l’île de Sumatra en dehors des circulations liées aux visites familiales. Leurs préférences vont plutôt à la cité-Etat de Singapour où ils profitent des centres commerciaux gigantesques, aux îles indonésiennes de Bintan et Batam, et à l’île thaïlandaise de Phuket. Les destinations des singapouriens et des malaisiens rejoignent alors les goûts des touristes asiatiques en général, mais diffèrent de ceux des touristes occidentaux. Les itinéraires suivis par les touristes varient ainsi selon la nationalité de ces derniers.
II. PRATIQUES TOURISTIQUES DES OCCIDENTAUX ET DES ASIATIQUES : DES ESPACES SÉPARÉS ?
Les touristes occidentaux et asiatiques (hors asiatiques de la région du détroit) profitent souvent de leur séjour dans le détroit de Malacca pour combiner la visite de plusieurs pays au cours d’un même voyage et ont ainsi des pratiques à la fois transfrontalières et transnationales. Cependant, les itinéraires choisis par ces deux groupes de touristes présentent des différences.
1. Les touristes asiatiques : un axe linéaire Singapour /côte ouest de la Malaisie péninsulaire / Phuket
A. La recherche d’un tourisme ludique valorisant les activités de groupe
Comprendre les différences en termes d’itinéraires suivis par les touristes occidentaux et asiatiques dans la région du détroit suppose d’identifier préalablement leurs centres d’intérêt et leurs rythmes respectifs en matière de tourisme. 83
Deux grands types de motivation touristique peuvent être identifiés chez les touristes asiatiques. Le premier type rejoint les intérêts des singapouriens, malaisiens, indonésiens et sud-thaïlandais signalés précédemment puisqu’il concerne les activités de shopping et celles ayant trait au divertissement. Les asiatiques apprécient ainsi particulièrement les parcs d’attraction et les activités de karaoké et de casino pour leur aspect ludique et animé, mais également pour leur propension à être réalisées en groupe. La culture asiatique valorise en effet le groupe par rapport à l’individu et les asiatiques voyagent alors fréquemment en famille ou en voyage organisé, permettant de faire de nouvelles connaissances. Les lieux réputés pour la qualité de leur gastronomie sont d’ailleurs prisés des ces populations pour lesquelles le repas constitue un moment important de sociabilité. L’intérêt des asiatiques pour les activités de divertissement et de loisir se traduit également par une tendance à la visite de parcs à thème sur le modèle du parc « Chine magnifique » de Shenzhen reproduisant sur trente hectares une carte de la Chine ponctuée de modèles réduits reproduisant les principaux sites et monuments du pays. Ces parcs, outre la consommation ludique d’un patrimoine culturel et historique, permettent une contraction de l’espace-temps favorisant la pratique d’un « tourisme hors-sol » selon l’expression d’Isabelle Sacareau (2007), particulièrement apprécié des asiatiques, et surtout des chinois qui ne disposent que de trois fois une semaine de congés payés par an et sont donc relativement pressés par le temps lors de leurs visites touristiques. Enfin, l’achat de souvenirs pour la famille et les amis représente une part importante du budget des touristes asiatiques. Le souvenir, en tant que preuve des différentes visites touristiques réalisées, constitue en effet un objet de prestige social, valeur fortement développée chez les asiatiques, et en particulier chez les chinois pour lesquels la place de l’individu dans la société chinoise est fonction de ce que ce dernier a prouvé (Taunay B., 2005-2006). Visiter plusieurs lieux touristiques, en Chine ou à l’étranger, permet ainsi aux chinois d’augmenter leur prestige social auprès de leurs proches ou de leurs collègues. La présence de malls est alors un élément essentiel à la réussite du voyage, expliquant que les touristes asiatiques soient peu enclins à se rendre dans des lieux reculés. Le second centre d’intérêt des touristes asiatiques correspond à la recherche d’éléments liés à la religion ou à la culture et à l’histoire de leur pays ou de la région asiatique. Ces centres d’intérêt permettent alors de comprendre les itinéraires touristiques choisis par les asiatiques dans la région du détroit de Malacca.
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B. Les circuits touristiques des asiatiques : l’exception chinoise
Le circuit type réalisé par les touristes asiatiques suit un axe méridien s’étendant de Singapour à Phuket et passant par Melaka, Kuala Lumpur, la station des Genting Highlands, Ipoh, l’île de Penang, et éventuellement l’île de Langkawi (Figure 17). Figure 17. Tourisme transnational des asiatiques dans le détroit de Malacca
Source : enquêtes auprès des touristes et de professionnels du tourisme
Les villes de Singapour et de Kuala Lumpur apparaissent comme des points de passage obligé en raison de leur statut de capitale. La station des Genting Highlands, située à 50 kilomètres au Nord de Kuala Lumpur et entièrement dédiée aux activités de divertissement, est très fréquentée par les touristes asiatiques pour son casino et ses nombreux parcs d’attraction. Le site Internet officiel de la station est d’ailleurs décliné en huit versions différentes, chacune s’adressant aux clients potentiels d’un pays asiatique en particulier et s’adaptant aux spécificités de ce public. Les indiens, singapouriens, taïwanais, hongkongais, thaïlandais, indonésiens, vietnamiens et chinois sont concernés par cette initiative. Ainsi, la version 85
destinée aux indiens insiste par exemple sur la qualité de la nourriture indienne proposée dans les restaurants de la station et rappelle que la cérémonie des oscars de Bollywood s’est déroulée aux Genting Highlands en 2007. De même, certains séjours sont exclusivement destinés aux singapouriens en fonction du calendrier de vacances de ces derniers. Ainsi, un marketing spécifique est réalisé à destination des populations asiatiques en raison de leur forte fréquentation de la station. La ville de Melaka est, elle, appréciée des touristes asiatiques pour sa proximité au site d’Ayer Keroh rassemblant notamment un zoo, une ferme aux crocodiles et aux papillons, ainsi qu’un vaste parc à thème « Mini ASEAN » et « Mini-Malaysia » présentant des maisons traditionnelles des différents Etats de l’ASEAN et des Etats fédérés de la Malaisie. Les touristes chinois accordent eux un temps important à la visite du Chinatown de Melaka où ils se plaisent à converser avec les commerçants malaisiens chinois dans leur langue maternelle. La région d’Ipoh est ensuite très visitée par les chinois pour ses temples-grottes dans lesquels ces derniers viennent se recueillir, révélant l’existence d’un lien entre géographie du tourisme et géographie du sacré. L’île de Penang constitue également un lieu de passage privilégié des asiatiques. En plus d’être réputée pour sa gastronomie, l’île offre de nombreuses attractions touristiques, telles un temple aux serpents, une ferme aux papillons, une autre aux fruits tropicaux, et plusieurs bâtiments historiques. L’île de Langkawi est également fréquentée par les asiatiques, profitant des nombreuses attractions proposées par cette dernière (ferme aux crocodiles, télécabines, pont suspendu, …), et de son statut de duty-free. Enfin, les asiatiques apprécient particulièrement l’île de Phuket, présentant la plus forte fréquentation touristique parmi les îles de la région, et regorgeant de bars, restaurants et discothèques. Ce choix s’explique par le fait que les asiatiques sont avant tout à la recherche de lieux de sociabilité. Ils ne sont ainsi pas particulièrement intéressés par la pratique d’activités nautiques et peu d’entre eux savent d’ailleurs nager. De même, le bronzage ne constitue pas une pratique courante chez les asiatiques, comme en témoignent les chinoises s’abritant sous des ombrelles.
La nationalité des touristes, facteur de variation de leur itinéraire
Ce circuit connaît cependant quelques variations selon les nationalités. Les destinations de Singapour, Kuala Lumpur, les Genting Highlands, Penang et Phuket sont 86
prisées par l’ensemble des touristes asiatiques. En revanche, la ville de Melaka fait surtout l’objet de visite des chinois (193 000 en 2005), les taïwanais (29 000), japonais (22 000), et surtout indiens (6 800) et sud-coréens (5 745) étant moins nombreux à visiter la ville (State Economic Planning Union, 2005). Les chinois sont également la nationalité la plus représentée à Ipoh. Le parcours touristique des chinois suit ainsi un corridor ethnique chinois incluant les principales villes chinoises de Malaisie et révélant encore une fois l’importance des liens ethniques dans la compréhension des flux touristiques. Un second circuit-type transfrontalier réalisé par les touristes asiatiques semble par ailleurs exister dans la région. Il s’agit des combinaisons Singapour/Batam et surtout Singapour/Bintan. Les enquêtes réalisées sur le terrain n’ont pas permis de quantifier l’importance de ces circuits, mais l’importance de l’offre proposée par les agences de voyages de divers pays asiatiques permet de supposer que la demande est également importante. Les touristes asiatiques (hors singapouriens) représentaient d’ailleurs 46,28% des clients du Bintan Beach International Resort en 2007 (Bintan Resort Statistics, 2007). L’importance des circuits transfrontaliers tri-nationaux entre les îles de Riau, Singapour et l’Etat de Johor en Malaisie est également méconnue. L’examen de l’offre des entrepreneurs du tourisme indique toutefois que ce type de circuits semblent beaucoup moins courant que les circuits binationaux. Finalement, le circuit-type réalisé par les touristes asiatiques s’effectue uniquement dans les pays de la rive Est du détroit de Malacca. Il existe alors une forte dissymétrie EstOuest, les touristes asiatiques étant peu intéressés par la visite de l’île de Sumatra. Cette dernière est en effet propice à un tourisme culturel et de nature, répondant plutôt aux attentes des touristes occidentaux.
2. Les touristes occidentaux : des flux impliquant majoritairement les territoires de la rive Est du détroit
A. Culture, nature et exotisme, trio touristique des occidentaux
Voyager dans la région du détroit de Malacca implique la découverte d’un continent différent pour les touristes occidentaux, contrairement aux touristes asiatiques. La recherche d’exotisme constitue alors un élément majeur des motivations touristiques des occidentaux, 87
qui se traduit par un intérêt prononcé pour les activités liées à la nature, au sport et à l’aventure, tels la plongée et les activités nautiques, l’escalade ou des treks en forêt tropicale à la rencontre de la faune et de la flore locales. Leurs intérêts diffèrent alors de ceux des asiatiques, peu enclins à pratiquer des activités sportives pendant leurs voyages, et pour qui la forêt tropicale apparaît avant tout comme un milieu répulsif. C’est ce qui explique que le Taman Negara, plus grand parc national de la Malaisie péninsulaire, constitue une étape majeure de l’itinéraire de la plupart des touristes occidentaux, et que ces derniers incluent dans leur circuit un séjour sur plusieurs îles thaïlandaises et/ou malaisiennes. Les îles du Sud de la Thaïlande et celles de l’archipel de Riau et des côtes Ouest et Est de la Malaisie péninsulaire présentent en effet des attraits variés. Les occidentaux en quête de divertissement et de vie nocturne animée apprécient les îles de Batam et surtout Bintan au Sud du détroit, et celles de Langkawi, Phuket et de Koh Samui à l’extrémité opposée. L’île de Langkawi est également appréciée pour son parc marin, de même que l’île thaïlandaise de Tarutao. Cependant, leurs choix ne se limitent pas à ces seules îles et nombreux sont ceux qui choisissent d’en combiner la visite avec d’autres îles de la région. Les fonds marins très poissonneux de Koh Tao (Golfe de Thaïlande), Pulau Perenthian et Pulau Tioman (Mer de Chine méridionale) attirent ainsi les amateurs de plongée, tandis que Koh Phangan (Golfe de Thaïlande) et Koh Phi Phi (Mer d’Andaman) attirent les touristes à la recherche de plages paradisiaques propices à la baignade et aux séances de bronzage. Par ailleurs, le calme et un relatif isolement constituent deux critères importants dans le choix des occidentaux. Ainsi, les forums de voyageurs sur Internet regorgent de messages s’enquérant d’îles « pas trop touristiques » (http://www.e-voyageur.com/forum/voyage-12149.php) ni « trop construites » (http://voyageforum.com/voyage/thailande_quelle_ile_thailandaise_choisir_D879434/). L’ « authenticité » apparaît alors une valeur maîtresse pour les occidentaux, qui se plaisent à sortir des sentiers battus, loin des attractions touristiques réservées à la « masse » et à alimenter ainsi le mythe de la distinction entre touristes et voyageurs. Les îles moins fréquentées de Koh Lanta et Koh Lipe attirent ainsi les touristes occidentaux. Ces derniers valorisent également les expériences permettant de vivre au rythme et à la manière des populations locales, telles les pratiques écotouristiques, le logement chez l’habitant dans les kampung malais ou la visite de villages d’ethnies locales. Certains donnent alors priorité à la visite de la côte Est de la Malaisie péninsulaire, moins urbanisée, où les malais sont majoritaires. Ils y visitent notamment les villes de Kota Bharu, célèbre pour son marché nocturne, et de Kuala Terengganu. Toujours sur la côte Est, la plage de Cherating est également fréquentée pour son Club Med. 88
D’autre part, la contemplation du paysage constitue un point fort des voyages des occidentaux, et en particulier des européens, expliquant leur intérêt pour les stations d’altitude offrant des vues spectaculaires, tandis que les vues panoramiques représentent un intérêt secondaire pour les asiatiques en général, qui appartiennent pour la plupart à des sociétés nonpaysagères. En effet, selon Augustin Berque, seules les civilisations chinoise et européenne de l’ouest répondent à l’ensemble des critères permettant de qualifier une société de paysagère, à savoir l’existence d’un ou plusieurs mots de la langue signifiant « paysage », un goût pour l’art du jardin et l’existence d’œuvres littéraires ou picturales mettant en valeur la beauté du paysage (Berque A., cité par Sacareau I., 2006). Les touristes occidentaux aiment alors profiter des vues sur les plantations de thé de la station d’altitude des Cameron Highlands. Enfin, les touristes occidentaux ont également un intérêt fort pour le patrimoine et la culture et apprécient les visites de musées, de monuments historiques et d’édifices religieux. C’est pourquoi ils se rendent généralement sur l’île de Penang visiter le quartier colonial de la ville principale de Georgetown et dans la ville de Melaka pour son quartier chinois, ses monuments témoins des colonisations successives qu’à connues la ville, et ses nombreux musées dont les livres d’or sont d’ailleurs essentiellement remplis par des européens.
B. Une importante variété de circuits touristiques
Les combinaisons de pays les plus prisées des touristes occidentaux concernent les couples Malaisie / Thaïlande, Singapour / Indonésie et Malaisie / Singapour, et le trinôme Malaisie / Thaïlande / Singapour. Cette combinaison est choisie par les touristes séjournant pour une période suffisamment longue, généralement supérieure à un mois. Ceux-ci passent alors en moyenne trois semaines en Thaïlande, trois autres semaines en Malaisie, et de trois à six jours seulement à Singapour, en raison de la superficie réduite du territoire de la cité-Etat. L’itinéraire le plus fréquent est alors celui passant par Singapour, Melaka, Kuala Lumpur, les Cameron Highlands, le Taman Negara, Penang et Langkawi (cette dernière étant parfois remplacée par la visite des îles Perenthian ou Tioman), puis par une ou plusieurs îles de la mer d’Andaman et/ou du Golfe de Thaïlande, avant de rejoindre Bangkok, ou inversement, de Bangkok à Singapour. Plus rarement, certains touristes optent pour une visite de la côte Est de la Malaisie péninsulaire. Ce circuit suit alors un axe méridien exploitant le statut de hub de Bangkok et Singapour. Les touristes disposant d’un temps de séjour plus restreint favorisent eux les combinaisons de deux pays. Dans les combinaisons Malaisie / Singapour, la cité-Etat 89
constitue généralement le point de départ et d’arrivée, impliquant alors un itinéraire en forme de boucle partant de Singapour puis passant par Melaka, Kuala Lumpur, les Cameron Highlands, Penang, Kota Bahru, le Taman Negara et par une ou plusieurs îles (Langkawi, Perenthian, Tioman) avant de revenir à Singapour (Figure 18). Figure 18. Circuits bi-nationaux Singapour/Malaisie péninsulaire des touristes occidentaux
Source : enquêtes auprès des touristes
D’autres touristes choisissent de combiner la visite de la cité-Etat aux îles indonésiennes de Batam ou de Bintan. En revanche, seuls quelques touristes occidentaux, notamment les ouesteuropéens, incluent la visite de Sumatra dans leur programme touristique. Ainsi, la plupart des touristes interrogés ne projetaient pas de se rendre à Sumatra. Les raisons principales évoquées étaient le manque de temps et la nécessité de faire des choix parmi les nombreuses destinations qu’offre l’Asie du Sud-est. Cependant, ces raisons étonnent quelque peu lorsqu’elles sont signalées par des touristes voyageant dans la région pour une période longue de plusieurs mois. De même, la plupart des expatriés occidentaux dans la région ne se sont jamais rendus et ne projettent pas de se rendre à Sumatra, tandis qu’ils envisagent des séjours dans d’autres lieux de la région du détroit de Malacca (Singapour, îles du Sud de la Thaïlande, 90
Malaisie) et d’Asie du Sud-est. On peut alors penser que l’île de Sumatra apparaît comme une destination moins attractive pour les touristes que d’autres destinations de la région. Néanmoins, les flux transfrontaliers transversaux existent même s’ils sont secondaires par rapport aux flux longitudinaux impliquant la rive Est du détroit de Malacca. Ces flux s’effectuent essentiellement depuis ou vers la Malaisie, par ferry entre Melaka et Dumai, et par ferry ou avion entre Penang et Medan. Les flux entre le sud de la Thaïlande et l’île de Sumatra sont en revanche très restreints en raison de la faiblesse actuelle de l’offre en transport. Les touristes transitent alors généralement par l’île de Penang en Malaisie à partir de la Thaïlande pour rejoindre la ville de Medan à Sumatra. Enfin, d’autres touristes privilégient la combinaison Thaïlande / Malaisie. Leurs circuits relèvent alors généralement de flux transfrontaliers : les touristes réalisent la majeure partie de leur séjour en Thaïlande, et profitent de leur séjour dans les îles du Sud pour visiter quelques sites du Nord de la Malaisie, notamment les îles de Penang et de Langkawi. Plusieurs modes de transport sont utilisés par les touristes pour franchir la frontière entre la Malaisie et la Thaïlande (Figure 19).
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Figure 19. Pratiques transfrontalières et transnationales des touristes occidentaux : la frontière Thaïlande / Malaisie péninsulaire
Source : enquêtes auprès des touristes et des professionnels du tourisme
La plupart optent pour les mini-bus reliant Hat Yai et Penang via le poste-frontière Bukit Kayu Hitam / Dannok. Hat Yai est accessible à partir des villes de Trang, Surathani et de Krabi, villes transit vers et à partir de Koh Lanta, Koh Phuket ou Koh Phi Phi, vers et à partir de Koh Samui, Koh Phangan et Koh Tao (Surathani), et vers et à partir de Koh Phi Phi et Koh Lanta (Krabi). Les plus pressés préfèrent la voie aérienne et choisissent alors un vol reliant Phuket et Penang. D’autres rejoignent Langkawi via Satun en ferry à partir des îles de la mer d’Andaman ou optent pour les speed-boat et ferries reliant Koh Lipe et Langkawi. Enfin, certains choisissent de prendre le train reliant Butterworth et Bangkok via Alor Setar, Arau, Padang Besar, Hat Yai et Surathani. Le franchissement de la frontière Thaïlande / Malaisie péninsulaire s’effectue alors majoritairement dans la portion Ouest du territoire. En effet, c’est sur cette portion que se situent les postes frontaliers (Padang Besar/Padang Besar et Bukit 92
Kayu Hitam/Dannok) les plus proches de la ville d’Hat Yai, point de transit majeur du sud de la Thaïlande. Ceci s’explique également par la localisation des îles de Penang et Langkawi, sites touristiques principaux du nord de la Malaisie, au large de la côte Ouest du pays. En revanche, peu de touristes franchissent la frontière malaiso-thaïlandaise dans la portion Est du territoire, malgré la présence de la ville de Kota Bahru, site touristique relativement fréquenté par les touristes décidant d’inclure une visite de la côte Est de la Malaisie à leur programme. Le franchissement est en effet peu aisé, nécessitant deux changements de bus à Rantau Panjang puis à Sungai Golok à partir de Kota Bahru. De plus, les insurrections perpétrées par des indépendantistes islamistes dans le sud de la Thaïlande classent cette portion de territoire dans la catégorie des zones à risque. Le poste-frontière est d’ailleurs marqué par une importante présence militaire comme l’atteste le témoignage d’un touriste ayant franchi la frontière au début de l’année 2007 : “(I) managed to cross the border at Rantau Panjang/ Sungai Kolok. […] it's definately not very safe in this part of Thailand. There was a very strong military presence in town (Many soldiers with light arms such as M16s & MP5s)” (http://www.singaporebikes.com/forums/showthread.php?t=119402).La situation géopolitique influe ainsi sur les trajets réalisés par les touristes dans la région. Finalement, la majorité des circuits bi- ou tri-nationaux réalisés par les touristes occidentaux dans le détroit de Malacca s’effectuent à Singapour, en Malaisie péninsulaire, dans le sud de la Thaïlande et dans l’archipel indonésien de Riau. Les flux en direction de l’île de Sumatra, bien qu’existants, apparaissent ainsi secondaires, révélant une nouvelle fois l’existence d’une dissymétrie Est-Ouest du détroit de Malacca en termes de fréquentation touristique.
93
CONCLUSION
L’examen des pratiques des touristes, élément essentiel du système touristique, révèle un certain décalage avec les politiques de coopérations touristiques prônées dans le cadre des triangles de croissance. Si les pratiques touristiques transfrontalières et transnationales sont relativement fréquentes entre Singapour et les îles de Riau et/ou la Malaisie péninsulaire à l’extrémité Sud du détroit, et entre la Malaisie et le sud de la Thaïlande à l’extrémité Nord, elles apparaissent plus réduites entre l’île de Sumatra et les trois pays de la rive Est du détroit, se limitant aux flux du tourisme médical des indonésiens de Sumatra vers la côte ouest de la Malaisie, aux flux de visite à la famille et aux amis des populations locales malaisiennes et indonésiennes, et à de faibles flux de touristes occidentaux souhaitant concilier la visite de l’île de Sumatra et de la péninsule. La frontière Sumatra/Malaisie péninsulaire constitue en effet une contrainte plus qu’une attraction touristique aux yeux des touristes en raison des coûts de trajets en ferry ou avion relativement importants, des risques d’attaques pirates relatifs aux transports maritimes, et de la qualité médiocre des infrastructures de transport en vigueur sur l’ile de Sumatra, dont le visite des différents sites touristiques implique alors une durée de séjour relativement importante. Les frontières en présence sur la rive Est du détroit constituent en revanche des attractions touristiques, étant aisément franchissables et présentant des sites touristiques majeurs des deux côtés, jouissant d’une bonne accessibilité. Le franchissement de frontière apporte alors une plus-value au séjour des touristes internationaux et régionaux. De même, les populations locales exploitent les différentiels de coût lié à l’effet-frontière dans la pratique d’activités de loisirs en fin de semaine ou en période de vacances. La portion Est de la frontière malaiso-thaï constitue cependant une exception en raison des insurrections islamistes créant une situation géopolitique instable peu propice au tourisme. Une dissymétrie Est-Ouest s’individualise alors entre les deux rives du détroit de Malacca, et les flux touristiques transfrontaliers et transnationaux sont essentiellement longitudinaux, non pas transversaux. Or, c’est justement cette possibilité de franchissement d’un espace maritime resserré qui pouvait constituer une particularité du détroit de Malacca et amener ainsi à le considérer comme un territoire touristique à part entière. Les flux touristiques repérés sur le terrain révèlent alors l’existence d’un tourisme transfrontalier et transnational uniquement dans l’extrême sud de l’Asie du Sud-est péninsulaire, non pas dans le détroit de Malacca. 94
L’examen des flux de touristes révèle également certaines disparités entre les itinéraires réalisés dans la péninsule suivant la nationalité des touristes, liées à des motivations de déplacement différentes propres à ces derniers. Ainsi, les asiatiques recherchent avant tout des activités de loisirs et de divertissement, pouvant être réalisées en groupe, tandis que les occidentaux apprécient les activités liées à la nature et à la découverte du patrimoine historique. Dès lors, la station des Genting Highlands, célèbre pour ses casinos et parcs d’attraction est très fréquentée par l’ensemble des asiatiques, tandis que cette étape n’apparaît pas essentielle aux yeux des touristes occidentaux. A l’inverse, le Taman Negara, les Cameron Highlands et la plupart des îles de la région sont des destinations plus prisées par les occidentaux que par les asiatiques. Cependant, les singapouriens sont tout de même nombreux à se rendre dans les Cameron Highlands et les îles de Phuket et Langkawi accueillent également des asiatiques. Par ailleurs, certains lieux n’ont pas la même fonction selon les nationalités de touristes. Ainsi, si les postes-frontière de la frontière malaiso-thaï et les villes sud-thaïlandaises de Satun et Hat Yai font office de points de transit pour les touristes occidentaux franchissant la frontière Malaisie/Thaïlande, ils constituent en revanche des destinations touristiques à part entière pour les nord-malaisiens. De même, la ville de Johor Bahru, destination touristiques des singapouriens, ne représente souvent qu’un point de passage vers ou depuis Singapour pour les touristes occidentaux.
95
CONCLUSION
L’ouverture des frontières initiée dans les années quatre-vingts dans un contexte de mise en place du processus de mondialisation a généré une restructuration du monde en sousensembles régionaux, animés par de nouvelles dynamiques territoriales. Le détroit de Malacca, lieu d’enjeux économiques et géopolitiques majeurs du fait de son statut de passage obligé sur les grandes routes maritimes asiatiques, constitue alors un espace privilégié pour la mise en place de ces nouvelles dynamiques. Ainsi, dès les années quatre-vingt-dix, les gouvernements des pays riverains du détroit créaient des zones de coopération économique connues sous le nom de triangle de croissance, favorisant la mise en place de dynamiques transfrontalières et transnationales. Le tourisme représentait l’un des domaines concernés par la coopération. L’objectif de cette étude était alors de déterminer si les divers acteurs du tourisme (politiques, entrepreneurs, touristes) participaient à la création et au renforcement de liens entre les sites touristiques du détroit, produisant ainsi des logiques transnationales et structurant un territoire touristique. Trois points semblaient en effet favoriser une telle évolution. D’une part, le tourisme, en tant qu’activité facteur de changement rapide des territoires et des sociétés, joue un rôle important dans l’intégration des territoires au monde globalisé et participe ainsi des recompositions territoriales liées au processus de mondialisation. D’autre part, le détroit de Malacca s’inscrit dans un cadre régional asiatique sud-oriental favorable à la mise en place de coopérations touristiques, l’ASEAN travaillant depuis plusieurs décennies à la promotion d’un tourisme régional. Enfin, le tourisme se nourrissant d’altérité et de découverte, le franchissement de frontières et la visite de plusieurs pays au cours d’un même voyage peuvent souvent constituer un élément attractif. Cependant, l’analyse des acteurs du tourisme dans le détroit de Malacca révèle une coupure touristique majeure entre les deux rives du détroit, amenant à rejeter cette hypothèse du détroit comme territoire touristique. En effet, l’île de Sumatra apparaît clairement en marge du processus de développement touristique de la région, tant du point de vue de l’offre proposée par les entrepreneurs que des itinéraires suivis par les touristes. L’île est ainsi systématiquement exclue des circuits multinationaux créés par les tours opérateurs et aucune escale indonésienne n’est au programme des croisières pourtant intitulées « Strait of Malacca », proposées par la compagnie Star Cruise. De même, si les liaisons aériennes entre l’île de Sumatra et les pays de la rive opposée du détroit se sont diversifiées depuis les années quatre-vingt-dix, l’offre présente plusieurs lacunes, l’île n’étant en particulier pas desservie 96
par les pôles touristiques de Phuket et Langkawi. La situation est similaire en ce qui concerne les pratiques des touristes eux-mêmes. La majorité des itinéraires transfrontaliers ou transnationaux réalisés par les touristes occidentaux et asiatiques (hors pays riverains du détroit) impliquent en effet le Sud de la Thaïlande, la Malaisie péninsulaire, Singapour et les îles indonésiennes
de Batam et Bintan uniquement.
De même,
les frontières
Malaisie/Thaïlande, Johor (Malaisie)/Singapour et Singapour/Bintan-Batam font l’objet de flux transfrontaliers importants de la part des populations locales, majoritairement motivés par la pratique d’activités de divertissement ou de shopping. Les quelques flux transversaux sont générés par les touristes occidentaux et les populations indonésiennes en situation migratoire ou combinant des activités touristiques à un programme de soins médicaux. Les flux sont donc essentiellement longitudinaux, concentrés uniquement sur les territoires de la rive Est du détroit. En effet, l’île de Sumatra constitue une destination touristique secondaire à l’échelle de l’Indonésie par rapport aux îles de Bintan, Batam, Bali et Lombok. Elle souffre également d’une image négative véhiculée par une série de crashs aériens, plusieurs catastrophes naturelles, et une montée de l’islamisme en Indonésie dévoilée par les attentats de Bali. Enfin, plusieurs dissymétries majeures s’individualisent entre l’île de Sumatra et les territoires situés sur la rive opposée du détroit, qui concernent la qualité de l’offre en infrastructures de transport et le type d’activité touristique. Le réseau de transports de l’île de Sumatra apparaît ainsi moins développé que celui en vigueur dans les pays de la rive opposée du détroit, impliquant de longues heures de trajet pour rejoindre les sites touristiques de l’île et représentant alors une contrainte touristique. D’autre part, l’offre touristique de l’île apparaît relativement spécialisée, concernant majoritairement le tourisme de nature et d’aventure, ainsi que le tourisme culturel. Or, ce type d’activités est généralement exclu des motivations touristiques des asiatiques et l’île est aujourd’hui concurrencée par le développement de ce type d’activités en Malaisie. Ces données expliquent la faible fréquentation touristique de Sumatra, nettement inférieure à celle des territoires de la rive opposée du détroit, dont l’archipel de Riau. Cette dissymétrie de fréquentation constitue alors une contrainte à la mise en place de coopérations touristiques dans le cadre du triangle de croissance IMT-GT et explique les divers échecs rencontrés. Le plan récent de développement touristique de l’IMTGT proposé par les acteurs institutionnels ne semble par ailleurs pas en mesure de renforcer véritablement la coopération, consistant souvent en la combinaison de trois projets pour chacune des parties du triangle plutôt qu’en en projet commun. Si la coopération s’avère plus fructueuse au sein du triangle IMS-GT, relayée notamment par la mise en place de circuits transfrontaliers par le secteur privé, certaines 97
dissymétries en vigueur à l’échelle de ce triangle représentent cependant un frein à la coopération. La dissymétrie de coût entre la cité-Etat de Singapour et l’Etat malaisien de Johor, tournant à l’avantage de ce dernier, engendre ainsi une certaine tension entre les deux partenaires, Singapour cherchant notamment à limiter les flux de singapouriens attirés par les prix bon marché de l’Etat voisin. En revanche, la dissymétrie d’activités touristiques entre ces deux parties profite plutôt à la cité-Etat de Singapour, exploitant ainsi les attractions touristiques de son voisin pour augmenter son offre. Cette exploitation extra-territoriale s’individualise également dans la seconde branche active du triangle en matière de coopération touristique, celle impliquant la cité-Etat et les îles de Riau. Les entrepreneurs singapouriens détiennent généralement des parts importantes des infrastructures touristiques des îles de Bintan et Batam, dont la population de la cité-Etat constitue le client principal. Finalement, l’ensemble des acteurs du tourisme en présence dans le détroit de Malacca contribuent à la mise en place de logiques transfrontalières et transnationales dans la région : les comités de l’IMT-GT et de l’IMS-GT en élaborant des politiques de coopération touristique et en marquant, par leur existence, une volonté de créer de telles dynamiques ; les entrepreneurs du tourisme en proposant des produits touristiques combinant des destinations de pays différents ; les touristes, en suivant des itinéraires incluant le franchissement de frontières. Cependant, si ces dynamiques se mettent en place progressivement et jouent un rôle dans la structuration de l’espace régional, elles apparaissent encore relativement limitées dans le domaine du tourisme. En effet, les intérêts propres des régions et Etats impliqués dans les coopérations constituent fréquemment un frein au développement de ces dernières. D’autre part, la méconnaissance des triangles de croissance par les entrepreneurs du tourisme révèle un manque de coordination entre les acteurs. Or, l’établissement de dynamiques transnationales dépassant le cadre étatique nécessite l’implication d’acteurs divers et la création de liens forts entre ces acteurs. Un secteur semble cependant connaître un développement important, celui des transports, notamment porté par le dynamisme des multiples compagnies aériennes low-cost de la région. Ainsi, de nouvelles liaisons maritimes et aériennes s’ouvrent régulièrement et de nombreuses négociations sont en cours pour l’ouverture de routes aériennes inédites. Cette importante flexibilité des systèmes de transport et cette capacité à réorganiser et à transformer rapidement les flux participent alors fortement à la structuration de l’espace et à une territorialisation du détroit de Malacca. Le développement de l’offre en transport représente en particulier une opportunité d’intégration de l’île de Sumatra et de nombreux gouverneurs de provinces indonésiennes misent sur ce développement. La création d’un nouvel aéroport international à Medan, prévue pour 2009 en 98
remplacement de l’aéroport Polonia va ainsi dans ce sens. L’analyse de ce développement de l’offre en transports et de son impact sur la territorialisation du détroit constitue alors une ouverture possible de ce sujet.
99
ANNEXES
100
A. Transports aériens et maritimes Malaisie péninsulaire / Sumatra (Indonésie) Itinéraire
Moyen de transport - Avion
Compagnie
- AirAsia
Durée du trajet
- 45 minutes
- Lion Air (Indonésie) Penang / Medan
- Malaysia Airlines (Malaisie)
Fréquence
Coût du trajet (aller/allerretour)
- 1 par jour - 3 par jour
- 45 minutes
- 1 par jour
- 5h30
- 5 par semaine
150/220 RM
1 par semaine
120 RM (aller)
2 par semaine
100/180 RM
- A venir : Adam Air (Indonésie) - Ferry
- Fast Ferry Ventures
Penang / Lhokseumawe
Ferry (débuté en janvier 2006. Interrompu)
ASDP Sdn Bhd (Malaisie) en partenariat avec Aceh World Trade Center (Indonésie)
Lumut / Medan (Depuis Mars 2007)
Ferry
SpeedGo Sdn Bhd (Malaisie)
13 heures
- Riau Airlines (Indonésie) Ipoh / Medan
Avion - Kartika Airlines (Indonésie)
Melaka / Dumai
Melaka / Bengkalis
Ferry
Ferry
Indomal Express (Tunas Rupat Follow me Express) [Malaisie] - MV Mulia Kencana (Indonésie)
- 50 minutes
- 2 par semaine
1h45
2 par jour
80/150 RM
3 par semaine
50/80 RM
101
Melaka / Pekanbaru
- Avion
- Riau Airlines (Indonésie)
- 50 minutes
- 5 par semaine
- 247 RM (aller)
- Ferry
- Tunas Rupat Follow me Express
- 6h30
- 3 par semaine
- 120/ 210 RM
- NNH Ferry Services Muar / Dumai
Ferry
Muar / Bengkalis
Ferry
Port Dickson / Dumai
Ferry
- 3par semaine 1 par jour
Acob Express
2h
1 par jour
80/150 RM
- Indomal Express
- 2h45
- 1 par jour
- 100 RM (aller)
- 1 par jour
- 80/ 150 RM
Port Klang / Dumai
Ferry
Port Klang / Tanjung Balai Asahan
Ferry
Aerospeed
6 par semaine
Batu Pahat/ Tanjung Balai Karimun
Ferry (Depuis Mai 2007)
Esnergy Entreprise Sdn Bhd (Malaisie)
3 par jour
Ferry
Esnergy Entreprise Sdn Bhd (Malaisie) [À venir]
Batu Pahat/ Bengkalis
Ferry
Esnergy Entreprise Sdn Bhd (Malaisie) [À venir]
Kuala Lumpur / Palembang
Avion
Air Asia
Batu Pahat/ Batam
- MV Pelita Jaya Express/Sabang Marindo II (NKH ferry services)
1h20
70/95RM
4 par semaine
102
Kuala Lumpur / Pekanbaru
Avion
Air Asia
45 min
4 par semaine
Kukup / Tanjung Balai (Karimun)
Ferry
MV Ocean Indoma (Indonésie)
1h
2 par jour
50RM/70RM
4 par jour les mardi, vendredi, dimanche 1 par jour les autres jours 3 par semaine (1 par jour en négociation)
Padang/Kuala Lumpur
Avion
AirAsia
1h10
Kuala Lumpur/Banda Aceh
Avion
AirAsia
1h25
Johor Bahru (Stulang Laut)/Batam Centre
Ferry
90 minutes
16 par jour
69/110 RM
Johor Bahru (Stulang Laut)/Tanjung Pinang (Bintan)
Ferry
150 minutes
5 par jour
86/144 RM
- AirAsia
- 1h
- 5 par jour
- Malaysia Airlines
- 1h
- 2 par jour
Avion
AirAsia
45 minutes
Avion
AirAsia
1h30
Avion
AirAsia
1h10
Kuala Lumpur/Medan
Kuala Lumpur /Pekanbaru Kuala Lumpur /Palembang Johor Bahru/Medan
Avion
4 par semaine 4 par semaine 3 par semaine
Johor Bahru/Palembang 3 par Avion AirAsia (depuis août semaine 2007) Source : sites Internet des compagnies, enquêtes auprès de compagnies maritimes
103
B. Transports aériens, maritimes et terrestres Malaisie / Sud Thaïlande Durée Itinéraire Moyen de Compagnie du Fréquence transfrontalier transport trajet - Mini-van Penang / Hat Yai
Penang / Krabi
- Train (Butterworth)
Prix
- 25RM (aller) - Keratapi Tanah Melayu (KTM) [Malaisie]
- 4h15
- 2 par jour
Mini-van
55 RM (aller)
- Mini-van
- 55RM (aller)
Penang / Surathani - Train
- KTM
- 9h
- 1 par jour
- Ticket joint : Mini-van + ferry
- 75RM (aller)
Penang / Koh Samui - Avion
Penang / Koh Phangan
- Firefly (Malaisie)
- 1h20
- 4 par semaine
Ticket joint : Mini-van + ferry
80 RM (aller)
- Mini-van
- 70RM (aller)
Penang / Phuket - Avion
- Firefly
- 1h15
- 4 par semaine
Penang / Koh Phi Phi
Ticket joint : mini-van + ferry
80 RM (aller)
Penang / Koh Lanta
Ticket joint : mini-van + ferry
75 RM (aller)
Langkawi / Koh Lipe
- Speed boat
- Speed Boat Club
- 1h
- Ferry
- Mahsuri Travel and Tours (Malaisie)/ Tigerline (Thaïlande)
- 1h30
- 3 par semaine - 950 bahts (aller)
104
Langkawi / Trang (Décembre 2003)
Ferry
Langkawi/Tammalang (Satun)
Ferry
Kuala Lumpur / Koh Samui
Avion
Kuala Lumpur/Phuket
Kuala Lumpur/Krabi
ThaiLangkawi Ferryline Ltd Langkawi Ferry service (Malaisie)
2h
1 par semaine
760 Bahts (aller-retour)
1h15
2 par jour
30/60 RM
Berjaya (Malaisie)
2h15
1 par semaine
450 /840 RM
- AirAsia
- 1h15
- 4 par jour
- Malaysia Airlines
- 1h15
- 2 par jour
- Thai Airways
- 1h15
- 4 par jour
Avion
AirAsia
1h15
4 par semaine
- Avion
- AirAsia (arrêt en juin 2006) 14h
1 par jour
Avion
Kuala Lumpur/Hat Yai - Train
- KTM/State Railways of Thailand
KTM/State Ipoh/Hat Yai Train Railways of 10h 1 par jour Thailand KTM/State Alor Setar/Hat Yai Train Railways of 2h 2 par jour Thailand KTM/State Alor Setar/Surathani Train Railways of 7h 1 par jour Thailand KTM/State Arau/Hat Yai Train Railways of 2h30 2 par jour Thailand KTM/State Arau/Surathani Train Railways of 6h30 1 par jour Thailand Source : sites Internet des compagnies, enquêtes auprès de compagnies (ferry, mini-van)
105
Itinéraire transfrontalier Singapour (Changi Ferry Terminal) / Desaru (Tanjung Belangor)
Langkawi / Singapour
Singapour / Pulau Redang
Singapour / Pulau Tioman
C. Transports aériens et maritimes Malaisie / Singapour Moyen Durée du de Compagnie Fréquence trajet transport
Ferry
Cruise Ferry
45 minutes
3 par jour
- Silk Air
- 1h30
- 6 par semaine
- Singapore Airlines
- 1h30
- 6 par semaine
Prix
19/26 S$
Avion
4 par semaine (mars, avril, mai, septembre, octobre) 7 par semaine (juin, juillet, août)
360/ 700 RM
Avion
Berjaya (Malaisie)
90 minutes
- Avion
- Berjaya
- 35 minutes
- 7/ semaine (mars à octobre)
- 300 /590 RM
- Ferry
- Penguin Ferry Services (Singapour)
- 4h
- 1 par jour de mars à octobre
- 100/168 $S
- Avion
- AirAsia
- 1h
- 2 par jour
- Tiger airways
- 55 minutes
- 1 par jour
- Singapore Airlines
- 55 minutes
- 14 par jour
- Malaysia Airlines
- 55 minutes
- 12 par jour
-JetstarAsia/Valuair
- 55 min
- 1 par jour
KTM
- 6h40
- 3 par jour
Kuala Lumpur /Singapour
- Train Penang/Singapour
Avion
Singapore Airlines
1h25
4 par jour
Singapour/Johor
Train
KTM
50 minutes
3 par jour
106
Bahru Singapour (Tanah Merah)/Sebana Cove Singapour (Changi Ferry Terminal)/Selung Belungkor Singapour (Changi Point ferry terminal)/Tanjung Pengelih Kukup/Singapour
Ferry
Ferry
Cruise Ferries
25 minutes
3 à 4 par jour
12$S (allerretour)
3 par jour
27/30 $S
Ferry Ferry
Indo Falcon (suspendu) Source : sites Internet des compagnies
107
D. Transports aériens et maritimes Singapour / Sumatra Itinéraire
Singapour / Medan
Moyen de transport
Avion
Compagnie
Durée du trajet
Fréquence
- Silk Air (Singapour)
- 1h20
- 2 par jour
- Singapore Airlines
- 1h20
- 2 par jour
- Jetstar/Valuair (Singapour) depuis mars 2008
Prix
- 6 par semaine
Singapour/Pekanbaru
Avion
Garuda Airlines
Singapour/Padang
Avion
Tiger airways
1h05
- Silk Air (Singapour)
- 1h10
- 3 par semaine
- Singapore Airlines
- 1h
- 4 par semaine
1h30
3 à 6 par jour
43$S
45 minutes
11 par jour
18/22$S
2h
4 à 6 par jour
37$S (allerretour)
5 à 7 par jour
40$S (allerretour)
Singapour/Palembang
Avion
- Penguin (Singapour)
Singapour (Harbour Front Center) /Tanjung Balai (Karimun)
Ferry
Singapour (Tanah Merah)/Nongsapura (Batam)
Ferry
-Indofalcon (Singapour)
Dino Shipping (Singapour)
Singapour (Tanah Merah)/Tanjung Pinang (Bintan)
Ferry
- Penguin - Dino Shipping - Berlian Ferries (Singapour)
Singapour (Tanah Merah)/Bandar Bentan Telani (Bintan)
Ferry
Bintan Resort Ferries
Ferry
Indo Falcon
Singapour (Harbour Front Center)/Pulau
2 par jour, 3 jours par semaine
2h30
1 par jour (2 par jour le week-end)
40$S (allerretour)
108
Kundur Singapour (Harbour Front Center)/Sekupang (Batam)
Ferry
Penguin Dino Shipping
45 minutes
12 par jour
16/20$S
Ferry
- Penguin - Dino Shipping - Berlian Ferries - Indo Falcon - Widi Exspress
45 minutes
16 par jour
16/20$S
Singapour (Harbour Front Ferry Center)/Waterfront City (Batam)
- Indo Falcon - Dino Shipping
45 minutes
4 par jour
16/20$S
Singapour (Harbour Front Center)/Batam Centre
Source : sites Internet des compagnies
Itinéraire
D. Transports aériens Sud Thaïlande/Singapour Moyen de Durée du Compagnie Fréquence transport trajet - AirAsia
- 1h50
- 1 par jour
- Tiger airways (Singapour)
- 1h45
- 1 par jour
- Jetstar Asia (Singapour) Singapour/Phuket
Prix
- 4 par semaine débuté en octobre 2005, suspendu en mars 2008
Avion
- Silk Air
- 1h50
- 3 par jour
- Singapore Airlines
- 1h50
- 4 à 5 par jour
Source : sites Internet des compagnies
109
Bibliographie
■ OUVRAGES ET ARTICLES
- AHMAD M., BADARUDDIN M., HUSNA S., “The Effect of Unrest in Three Southern Border Provinces of Thailand: A Case Study of Muang District, Pattani Province”, présenté à la National Conference on Tourism, Kuala Lumpur: Asian Strategy & Leadership Institute, 2006 - AMAT R., “Tourism Development in Transfrontier Protected Areas: A Study From Perlis State Park, Malaysia” in Ecotourism in the IMT-GT region: issues and challenges, édité par Kalsom K., Nurhazani M., Khairi M., IMT-GT International Conference on Ecotourism Issues, Universiti Utara Malaysia Press, 2006 - AMILHAT-SZARY A-L., FOURNY M-C. (dir.) [2006], Après les frontières, avec la frontière : Nouvelles dynamiques transfrontalières en Europe, L’Aube, 170 p. - AMILHAT-SZARY A-L., GUYOT S., « Le tourisme transfrontalier dans les Andes centrales : prolégomènes à une géopolitique du tourisme », Pré-actes, 6èmes rencontres de Mâcon, « Tourismes et territoires », 13, 14 et 15 septembre 2007 - BAUM T., KUA J., “Perspectives on the Development of Low-cost Airlines in South-east Asia”, Current Issues in Tourism, 2004, Vol. 7, n° 3 - BEAUTES N., « Dynamiques et tendances actuelles du tourisme dans les pays en développement », in La Mondialisation : L’intégration des pays en développement, Cadène P. (dir.), 2007, Paris, SEDES, 222 p. - BERKANI Y., HAMZAH A., “Developing a vibrant rural tourism on Pontian District, Johor”, présenté à la National Conference on Tourism, Kuala Lumpur: Asian Strategy & Leadership Institute, 2006 - BERNARD S., EBARVIA M., GERVACIO B., GORRE I., ROSS A., THIA-ENG C., The Malacca Straits, Marine Pollution Bulletin, 2000, Vol.41, n°1-6, pp. 160-178 - BUNNELL T., MUZAINI H., SIDAWAY J.D., “Global City Frontier: Singapore’s Hinterland and the Contested Socio-political Geographies of Bintan, Indonesia”, International Journal of Urban and Regional Research, Mars 2006, Vol. 30, n° 1, pp. 3-22 - BUTLER R.W., DALLEN J.T., “Cross-border shopping. A North American Perspective”, Annals of Tourism Research, 1995, 22(1), pp. 16-34 - CARTIER C., “Megadevelopment in Malaysia: from heritage landscapes to ‘Leisurescapes’ in Melaka’s Tourism Sector”, Singapore Journal of Tropical Geography, Déc. 1998, Vol. 19, n° 2, pp. 151-176
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- Forums de voyageurs http://voyageforum.com http://www.e-voyageur.com http://www.lonelyplanet.com/thorntree http://www.singaporebikes.com/forums
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