19ème Congrès Français de Mécanique
Marseille, 24-28 août 2009
Mise en place d’une procédure de surveillance vibratoire de roulements sur une presse transfert du secteur automobile V. MEUNIER, O. COUSINARD, F. BOLAERS, J.P. DRON GRESPI - LMA - UFR Sciences Exactes et Naturelles - Moulin de la House - BP 1039 51687 REIMS cedex 2 - France
Résumé : Cette communication s’inscrit dans un contrat de recherche dont le but est d’établir une procédure de suivi par analyse vibratoire des roulements sur l’arbre transfert d’une presse d’emboutissage du secteur automobile. Cette presse de 5000 tonnes fonctionne à faible vitesse et génère un choc d’amplitude très importante. Ainsi, les signaux vibratoires sont fortement pollués dû à la frappe. Il est donc capital d’analyser attentivement les signaux temporels afin d’en isoler certaines phases avant de pouvoir les traiter.
Abstract : This paper takes part of a research contract whose the objective is to provide a monitoring process by vibratory analysis of bearings on the transfer shaft of a stamp press, within automotive field. This press of 5000 tones works at low speed and generates a shock type signal with very important amplitude. Thereby the vibratory signals are highly contaminated owed at the stamp. It is so essential to analyze attentively the temporal signals in order to isolate a specific part before to be able to process them.
Mots clefs : maintenance, presse, analyse vibratoire, roulement, faible vitesse 1
Introduction
Le concept du juste à temps oblige les constructeurs d’automobiles à ne pas consentir de retard ou d’arrêt de production non maîtrisé. L’optimisation de la production dépend aussi en partie de la méthode de maintenance utilisée. La ligne de presses de transfert à ventouses est unique sur un site de production de carrosserie d’automobiles et bénéficie d’une maintenance conditionnelle. L’arbre, qui commande le transfert, est équipé de roulements qui font l’objet d’une surveillance vibratoire depuis déjà quelques années. Suite à deux avaries identiques qui se sont produites sur l’un des roulements, la production fut stoppée durant plusieurs semaines. Ainsi, le service de maintenance a remis en cause la méthode de suivi de ces roulements, n’ayant pas été capable d’anticiper les pannes. Nous allons donc présenter une procédure permettant de mettre en place une surveillance vibratoire sur ce type de presse.
2 Fonctionnement de la presse Pour réaliser une pièce de carrosserie de voiture, à partir d’un flan (tôle plane prédécoupée), cinq outils sont nécessaires en moyenne pour lui donner sa forme finale. Il faut d’abord engager le flan dans un outil d’emboutissage, puis de détourage, de tombage, de renvoi pour terminer en général sur un outil de calibrage final. Deux gros volants d’inertie commandent la cinématique de la presse d’emboutissage et des presses de reprise. Ils commandent aussi le transfert des tôles ainsi que le bras dépileur qui dépose les flans dans l’outil d’emboutissage. Les mouvements du bras dépileur et des bras de transfert à ventouses sont générés pas des cames rotatives. L’arbre transfert fait la liaison entre la partie commande de la presse et la partie transfert, il est présenté dans la figure 1 suivante.
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FIG. 1 – Plan de coupe de l’arbre transfert
3 Pannes antécédentes C’est le roulement NU348M (figure 1) qui est à l’origine de deux arrêts de production de 5 semaines minimum chacun, et ceci deux années consécutives. Ce roulement à rouleau cylindrique est pourtant instrumenté d’un capteur thermique et de quatre capteurs accéléromètres piézo-électriques (deux radiaux et deux axiaux représentés en figure 1) raccordés à un boitier déporté. Mais le suivi vibratoire n’a pas permis d’anticiper les endommagements sur ce roulement, et la montée rapide du capteur de température n’a pas permis de stopper à temps la production. Cette ligne de presse peut produire environ 8 800 pièces par jour (estimation d’une heure d’arrêt à 2500 €).
4 Analyse du cycle de la presse L’acquisition de signaux temporels avec une chaîne d’acquisition de laboratoire (SigLab™) est nécessaire pour avoir un aspect général quant à sa forme. Ils doivent être d’assez longue durée (environ 10 à 20 secondes) pour contenir plusieurs cycles de presse, dans une gamme de fréquence de 20 kHz. Aussi, il est préférable de réaliser d’autres acquisitions en simultané avec un collecteur industriel (celui servant aux rondes de surveillance vibratoire actuelle) et la chaîne d’acquisition de laboratoire. Ces signaux temporels pourront être analysés et comparés en amplitude. Un film, réalisé durant certaines acquisitions temporelles, nous a permis de décrypter le signal en fonction de la cinématique de la presse. Pour plus de précision, nous avons effectué un montage vidéo, synchronisant le film du cycle de la presse et l’image de l’acquisition du signal temporel (figure 2) avec affichage d’un curseur avançant au fil du temps. Suite à analyse, il s’avère que cinq chocs cycliques sont dus au fonctionnement du transfert de la presse et un choc est dû soit au contact de la matrice sur le serre flan (lors de la descente du coulisseau de presse), soit au PMB (Point Mort Bas : frappe). La visibilité de l’un et de l’autre dépend de la puissance de l’impact (figure 3). Cette analyse a permis d’identifier un espace temporel de 1,6s (entre le PMB et le premier choc de la came) assez long pour réaliser les prochaines acquisitions dédiées à la surveillance vibratoire. Le temps minimum des acquisitions dépend de la plus faible des fréquences de défauts caractéristiques du roulement NU348M, et du nombre de chocs contenu dans le signal, il est défini comme le ∆t troncature suivant l’équation suivante (1) : (1) ∆t troncature = (1/ fr+ faible ) * N choc
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FIG. 2 – Le montage vidéo 5 chocs cycliques du transfert
x10 (g) contact matrice/serre flan Point Mort Bas (PMB)
1,6s
1 cycle = 5,6 s
(s) FIG. 3 – Les chocs dans le cycle de la presse Pour notre exemple, le ∆t troncature sera de 0,41s car fr+ faible = 24,7 Hz (pour le rouleau) et, il est admis qu’il faut une dizaine de chocs répétitifs [1] pour avoir une valeur significative de l’indicateur global ( N choc = 10 ). Cette première analyse nous permet de comprendre l’inefficacité des rondes de suivi vibratoire accomplies jusqu’à ce jour. En effet, les différents chocs identifiés précédemment masquaient la signature vibratoire des composants montés sur l’arbre transfert. De plus, le calcul du spectre en fréquence du signal temporel tronqué nous montre que les fréquences d’engrènements des pignons sont les plus prépondérantes. Elles pourraient, à leur tour, masquer un éventuel défaut sur un élément d’un des roulements de l’arbre transfert. Les prochaines acquisitions vibratoires seront alors tronquées dans cet espace temporel afin de réaliser le diagnostic des composants de l’arbre transfert.
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5 Le déclenchement automatique des acquisitions L’objectif est d’effectuer le déclenchement des acquisitions vibratoires en automatique, lors des futures rondes de surveillance, afin d’enregistrer un signal temporel toujours au même endroit dans l’espace temporel défini précédemment. Le collecteur industriel possède plusieurs options de déclenchement dont celui sur top tour via une lunette tachymétrique. L’idée est de se servir du port de cette lunette, et de commander le déclenchement par un capteur (inductif ou contact sec) alimenté, avec un relais séparant les deux circuits électriques. Avec un capteur positionné au PMB, le coulisseau supérieur de la presse déclenchera le départ des acquisitions en actionnant ce dernier. Le temps d’acquisition sera réglé de façon à ne pas dépasser la zone temporelle définie.
6 Le diagnostic 6.1 Calculs des indicateurs temporels Différentes acquisitions de 8192 points ont été réalisées dans différentes gammes de fréquences, avec le collecteur industriel et la chaîne d’acquisition, en simultanée et sur les quatre voies. Les indicateurs temporels seront calculés dans la troncature et pourront être comparés entre les deux matériels. Les gammes de fréquences choisies : [0 - 200 Hz], [0 - 500 Hz], [0 - 1 kHz], [0 - 2 kHz], [0 - 5 kHz], Le choix des indicateurs s’oriente sur le Kurtosis (rappel des seuils : si K = 3, le roulement est en bon état ; si 3 < K > 6, le roulement est faiblement dégradé ; si K > 6 avec retour à 3, le roulement est dégradé) et le facteur crête (rappel des seuils : si Fcrête ≤ 5, le roulement est en bon état ; si Fcrête > 5, le roulement est faiblement dégradé ; si Fcrête décroît, le roulement est dégradé), couramment utilisés [2]. Après calculs, les valeurs des indicateurs temporels sont corrects.
6.2 Les filtrages sur les signaux temporels Plusieurs acquisitions temporelles en gamme [0 - 10 kHz] et [0 - 20 kHz] ont été réalisées sur les quatre voies avec SigLab™, dans l’espace temporel défini. Puis, des filtrages numériques ainsi que les calculs des indicateurs seront faits. Le tableau 1 suivant affiche un exemple des valeurs obtenues. gamme (kHz) Kurtosis Fcrete
0-20 4,0 5,8
0-5 4,2 5,7
5-10 3,0 4,1
7-12 2,9 4,9
10-15 15-20 11,0 15,5 12,6 15,7
TAB. 1 – Calculs des indicateurs du signal filtré sur la voie 1 Il est intéressant d’observer les indicateurs et les signaux temporels filtrés. On remarque que les valeurs des indicateurs diminuent (divisé par six pour cet exemple) en filtre passe-bande [5 - 10 kHz], le fait de filtrer, les fréquences d’engrènement des pignons, diminue et « tasse » le signal temporel,. Plus le passe-bande sera haut en fréquence, plus l’amplitude du signal temporel diminuera, mais quelques pics resteront apparent (phénomène de leakage). Ce phénomène fait obligatoirement accroître les indicateurs en gamme [10 - 15 kHz] et [15 - 20 kHz]. A travers ces remarques, nous pouvons supposer que le filtrage sera important lors du futur suivi vibratoire. Dans le même temps, par sécurité, nous avons réalisé des enveloppes [3] (transformée de Hilbert) sur le signal temporel filtré, afin d’éventuellement y retrouver une fréquence de défaut de roulement. Pour calculer les fréquences caractéristiques des défauts des roulements, nous devons connaître la vitesse de rotation précise de l’arbre transfert. Elle peut être obtenue simplement à la lecture des spectres, la fréquence d’engrènement du pignon 28 (de 139 Hz) dents nous permet de calculer la fréquence d’arbre, ici 4,96 Hz, le tableau 2 suivant nous indique les fréquences de défaut pour les roulements : Roulement Fréq. déf. bag. int. (Hz) Fréq. déf. bag. ext. (Hz) Fréq. déf. rouleau. (Hz) NU 348 M 46,2 33,2 29,7 32038T 81,6 67,3 49,7 32064T 84 70 51,7 NU 2224 48,7 35,7 31,6 TAB. 2 – Calculs des les fréquences de défaut des roulements
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Les spectres d’enveloppe des signaux ne révèlent pas la présence de défauts. Les indicateurs globaux calculés précédemment étant corrects, alors nous pouvons conclure sur le diagnostic, qu’aucun défaut de roulement n’est constaté. A présent, nous pouvons définir le paramétrage de la surveillance vibratoire.
7 Le paramétrage des rondes de surveillance vibratoire Nous venons de conclure qu’il n’y avait pas de défauts de roulement, alors comment effectuer un paramétrage efficace sans avoir observer de défauts ? Ne pouvant dégrader un roulement et observer la conséquence sur les indicateurs, la simulation de défaut peut être une méthode de substitution.
7.1 La simulation analytique de défauts L’idée est de simuler un signal temporel comportant un défaut sur une bague du roulement NU348M. Puis, ce signal temporel simulé serait ajouté à une acquisition vibratoire déjà réalisée sur un accéléromètre équipant ce roulement. Ainsi, en variant à la hausse l’amplitude du choc du signal simulé, nous pourrons alors observer l’évolution des indicateurs temporels. Pour la création d’un signal temporel comportant un défaut, il faut réaliser en théorie un produit de convolution entre un signal d’une force excitatrice et la réponse impulsionnelle de la structure. Ne connaissant pas exactement les efforts appliqués à ce roulement, et ne pouvant effectuer une analyse structurelle proche de l’arbre transfert, nous nous sommes appuyés sur l’équation de déplacement relatif à la force d’impulsion [4] [5] pour obtenir ensuite une équation dépendante d’une amplitude (2) et des modes propres des bagues des roulements. && yn (t ) = A. ωn . cos (ωn .t ). e −ξωnt (2) Avec A, l’amplitude que l’on fera varier ; ωn , la pulsation propre des bagues du roulement ; ξ , le
facteur d’amortissement ; t, le temps. La pulsation propre des bagues est donnée par l’équation (3) suivante [6] [7] : n n 2 − 1 E. I ωn = (3) 2 µ .R 4 1+ n Où ωn est la pulsation naturelle de la bague [rad/s], E est le module longitudinal d’élasticité (module d’Young) [N/m2], I est le moment d’inertie de la section de la bague [m4], µ est la masse par unité de longueur [kg/m], R est le rayon moyen de la bague [m], et n est l’ordre du mode de vibration en flexion. Dans un premier temps, nous allons construire la réponse au choc impulsionnel comportant la somme des trois réponses impulsionnelles venant des trois premiers modes propres de la bague extérieure. Ensuite, nous allons répéter ce choc au pas de la fréquence de défaut de la bague extérieure (figure 6). Puis, ce signal sera ajouté à celui déjà acquis sur la presse auparavant, pour obtenir alors une réponse temporelle totale (figure 7) comportant la signature vibratoire de la presse et un défaut de roulement.
FIG. 6 - Signal choc simulé, bague extérieure
FIG. 7 - Addition des signaux, bague extérieure
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Dans un second temps, la construction de signaux temporels pour la bague intérieure est légèrement différente. En effet, si la charge est verticale et dirigée vers le bas, elle se répartie sur les billes, l’amplitude de la force n’est donc pas constante et suit une ondulation de Stribeck [8] (figure 8). La réponse temporelle totale (figure 9) comportera donc moins de chocs de défauts.
FIG. 8 - Ondulation de Stribeck
FIG. 9 - Addition des signaux, bague intérieure
Ainsi, avec l’aide de ces simulations, les indicateurs temporels tels que le Kurtosis et le facteur crête peuvent être à nouveau calculés. Sans réaliser de filtrage, nous observerons alors l’évolution des indicateurs par rapport aux fréquences d’engrènements des pignons qui étaient les plus prépondérantes.
8 Conclusion et perspectives Cette étude nous a permis de définir une méthodologie de surveillance vibratoire sur un arbre transfert d’une ligne de presse d’emboutissage (presse de transfert à ventouses). La simulation analytique d’un défaut donne une approche sur la capacité de détection de défauts de type écaillage sur les roulements de l’arbre transfert. Il s’avère qu’il est également possible de réaliser un suivi de l’endommagement des engrenages sur le même principe d’acquisition du signal vibratoire. Notre méthodologie de suivi est actuellement en place sur le site industriel, nous attendons un retour d’expérience à ce sujet, pour ensuite le dupliquer sur les autres sites du constructeur d’automobiles. Nous travaillons actuellement sur l’optimisation de notre modèle analytique de simulation de défauts.
9 Bibliographie [1] Boulanger A., Pachaud C., « Diagnostic vibratoire en maintenance prédictive ». DUNOD, Paris, 1998. [2] Arques P., « Diagnostic prédictif de l’état des machines ». Éditons Masson, 1996. [3] Boulanger A., « Maintenance conditionnelle par analyse des vibrations ». Les techniques de l'ingénieur, Vol. MT 9 285. [4] Preumont A., « Vibrations aléatoires et analyse spectrale », pp 81-86. Presses polytechniques et universitaires romandes, 1990. [5] Thomas M., Laville F., « Simulation des vibrations mécaniques ». Bibliothèque nationale du Québec, pp 141-145, 2005. [6] Sassi S., Badri B., Thomas M., « A numerical model to predict damaged bearing vibrations ». Journal of Vibration and Control, Vol. 13, n°11, p 1603-1628. Sage publications, 2007. [7] Tandon N., Choudhury A., « An analytical model for the prediction of the vibration response of rolling element bearings due to a localized defect ». Journal of Sound and Vibration, 205(3), pp. 275292, 1997. [8] Mc Fadden P. D., Smith J. D., « Model for the vibration produced by a single point defect in a rolling element bearing ». Journal of Sound and Vibration 96(1), pp 69-82, 1984.
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