Emboutissage des tôles Importance des modes de déformation par
Alain COL Ingénieur-conseil, Consultac, expert en mise en forme des tôles minces Ancien responsable mise en forme à Sollac
1. 1.1 1.2 1.3 1.4
Différents modes de déformation ..................................................... Examen d’une pièce .................................................................................. Exemples industriels ................................................................................. Marquage des réseaux.............................................................................. Mesure des déformations .........................................................................
2. 2.1 2.2
Courbes limite de formage.................................................................. Représentation des déformations ............................................................ Détermination des courbes limite de formage ....................................... 2.2.1 Moyens de déformation .................................................................. 2.2.2 Méthodes de détermination de la striction.................................... Paramètres influents ................................................................................. 2.3.1 Épaisseur du métal .......................................................................... 2.3.2 Moyens de déformation .................................................................. 2.3.3 Influence de la grille utilisée ........................................................... 2.3.4 Méthodes d’estimation de l’apparition de la striction .................. 2.3.5 Influence des trajectoires de déformation ..................................... Prédiction des courbes limite de formage............................................... Utilisation industrielle des CLF................................................................. 2.5.1 Utilisations les plus courantes........................................................ 2.5.2 Quelques pièges à éviter.................................................................
— — — — — — — — — — — — — — —
6 6 8 8 9 10 10 11 11 11 11 11 12 12 13
Caractérisation de la formabilité des tôles .................................... Essais simulatifs ........................................................................................ Latitude de réglage de la force de serre-flan........................................... Essai de traction conventionnel ............................................................... 3.3.1 Domaine élastique ........................................................................... 3.3.2 Limite d’élasticité ............................................................................. 3.3.3 Consolidation ................................................................................... 3.3.4 Striction ............................................................................................ 3.3.5 Allongement à rupture .................................................................... Essai de traction rationnel ........................................................................ 3.4.1 Lois constitutives ............................................................................. 3.4.2 Coefficients d’anisotropie ............................................................... Influence du mode de déformation sur les contraintes ......................... 3.5.1 Cas de la limite d’élasticité.............................................................. 3.5.2 Comportement dans le domaine plastique ...................................
— — — — — — — — — — — — — — —
13 13 14 15 16 16 16 16 17 17 18 19 19 19 20
2.3
2.4 2.5
3. 3.1 3.2 3.3
3.4
3.5
Pour en savoir plus .........................................................................................
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Doc. M 3 182
’emboutissage des tôles est une opération qui permet d’obtenir des pièces de formes complexes non développables, contrairement aux opérations plus simples que sont le pliage, le roulage ou le profilage à froid. Ce procédé, d’utilisation très générale, permet de fabriquer les pièces de carrosserie automobile, des appareils électroménagers ou des ustensiles de cuisine, des emballages métalliques, des pièces mécaniques... Outre la forme de l’outil, qui dépend de la complexité de la pièce à obtenir, de nombreux paramètres conditionnent la réussite de l’opération : ceux liés au
L
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process d’une part, tels que réglages de la presse, vitesse d’emboutissage, lubrification, et ceux liés aux qualités de la tôle elle-même et à sa capacité de formage, encore appelée formabilité, qui fait l’objet de cet article. La mesure des caractéristiques mécaniques des tôles ainsi que l’interprétation de leur relation avec l’aptitude au formage ont fait de grands progrès. Il en est de même pour la compréhension de l’opération d’emboutissage, entre autre par le biais de la simulation numérique qui permet maintenant de visualiser virtuellement le comportement du métal dans l’outil. Les systèmes de mesure de déformation sont également un outil qui permet des analyses quasi quantitatives sur pièces réelles. Néanmoins, la conception des outils et l’emboutissage restent encore partiellement un art basé sur l’expérience. On peut cependant prédire que, d’ici cinq à dix ans environ, les méthodes de conception et de fabrication automatique des outils auront pris le pas sur celles actuellement pratiquées. Ce qui suit est surtout axé sur le matériau. Nous essayerons de montrer quelles sont les caractéristiques des tôles métalliques qui sont influentes vis-à-vis de la mise en forme, en particulier en relation avec les modes locaux de déformation qui jouent ici un grand rôle. Ce texte traite essentiellement des tôles minces, c’est-à-dire, dans la pratique, les tôles d’épaisseur comprise entre 0,2 et 3 ou 4 mm. Pour le formage des tôles épaisses, on se reportera à l’article « Formage des tôles fortes ». Les matériaux considérés sont essentiellement l’acier et les alliages d’aluminium. Il sera fait quelques allusions aux alliages cuivreux, dont l’emploi tend à décroître pour des questions de prix. Les « tôles sandwich », les « flans soudés » sont des matériaux relativement nouveaux qui nécessiteraient un article à eux seuls. Ils ne sont donc pas considérés.
L’étude complète du sujet comprend les articles : — M 3 180 - Emboutissage des tôles. Importance des modes de déformation (le présent article) ; — M 3 181 - Emboutissage des tôles. Aspect mécanique ; — Doc. M 3 182 - Emboutissage des tôles.
1. Différents modes de déformation Les métaux en feuille sont très sensibles au mode de déformation qu’on leur applique. Pour un matériau donné, les efforts nécessaires ainsi que les capacités de déformation peuvent différer profondément d’un mode à l’autre et c’est la raison pour laquelle nous allons aborder l’étude de la formabilité des tôles par la définition de ces différents modes, en utilisant la terminologie conventionnellement utilisée en emboutissage.
Sur la figure 1, l’extrémité de la pièce repérée R résulte de l’avalement du métal à travers une partie semi-circulaire de la matrice : ses éléments convergent vers le centre. La comparaison de la bordure initiale du flan, en tiretés, et de celle de la pièce emboutie montre que la tôle a subi une compression circonférentielle ; le segment R 1 s’est raccourci pour donner le segment R 2 . La déformation dans la collerette est dite en rétreint pur. Assemblés, trois secteurs du genre de R donneraient un godet cylindrique.
1.1 Examen d’une pièce
E1 E
La figure 1 présente une pièce simple, un carter de chaîne de distribution, qui va nous servir à identifier les principaux modes de déformation. On part d’un élément de tôle prédécoupé à la forme voulue, qui prend alors le nom de flan (en tiretés sur la figure 1). L’outil, schématisé en coupe sur la figure 2, comporte une matrice, ayant sensiblement la forme extérieure de la pièce et un poinçon qui oblige la tôle à pénétrer dans la matrice ; on dit que la tôle est avalée dans la matrice. Avant l’emboutissage, le flan est pincé sur ses bords contre la matrice par une pièce annulaire appelée serre-flan qui, d’une part s’oppose à la formation de plis, d’autre part freine et régularise l’entraînement de la tôle à l’intérieur de l’outil.
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E2
TP R R2 R1
TP2 TP1
Figure 1 – Carter de chaîne
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B
Matrice
Serreflan
Poinçon
Serreflan
A FSF
FSF FSF force de serre-flan
Figure 2 – Outil d’emboutissage du carter
Le côté repéré TP a subi un mode de déformation appelé traction plane ou encore traction large. Sous l’effet des efforts résistants dus à la pression du serre-flan et aux efforts de pliage et dépliage sur le rayon de matrice rm (ces notions seront précisées dans l’article [M 3 181]) se produit un allongement dans la direction verticale. Le bord de la matrice étant rectiligne, le métal ne subit pas l’effet de « convergence » ou rétreint déjà vu à propos de la zone R. Il n’y a donc pas de modification de la largeur de ce secteur droit et c’est pourquoi un segment tel que TP 1 vient en TP 2 sans que sa longueur ne change.
Figure 3 – Embouti en « oméga »
La partie supérieure du « dôme », marquée E, a été poussée par le poinçon, surtout vers la fin de l’emboutissage (1), alors que le métal du flan était retenu de toutes parts ; la surface du dôme a donc augmenté au détriment de son épaisseur (conservation du volume). Le cercle E1 tracé sur le flan est devenu le cercle E 2 plus grand. Le dôme est une zone dite en expansion.
E
TP
Nota (1) : dans la réalité, l’emboutissage commencerait par le dôme. Mais l’outil, nettement plus compliqué, ne se prêterait pas bien à une description introductive.
Nous venons d’examiner les trois principaux modes de déformation existant en emboutissage. Avant d’en aborder l’étude d’une façon plus détaillée, nous allons montrer que ces modes se retrouvent sur tous les types de pièces embouties.
1.2 Exemples industriels
Joncs
Figure 4 – Coupelle hémisphérique
Il n’existe pas de pièces embouties sur lesquelles un mode strictement unique soit présent. ■ L’embouti dit en « oméga » de la figure 3 est souvent cité comme l’archétype de la traction plane. Le métal est retenu latéralement par la pression de serre-flan et les efforts nécessités par son passage sur le rayon de matrice. Les bords de celle-ci étant parfaitement rectilignes, la déformation majeure est effectivement de type traction plane, dirigée perpendiculairement au grand axe. Néanmoins, les rives A et B de la pièce sont libres. Elles sont donc partiellement en traction uniaxiale, ce qui entraîne parfois un léger rétrécissement sur le nez de poinçon (non visible sur la figure). ■ Une coupelle hémisphérique comme celle de la figure 4, gonflée par pression hydraulique, semble très proche de l’expansion pure. Le bord du flan est retenu par des accessoires appelés joncs qui rendent l’avalement du métal impossible, évitant ainsi le mode rétreint. La partie centrale est donc bien en expansion, mais il n’en est pas de même à la périphérie car, le périmètre ne variant pas, elle se trouve en traction large. ■ Examinons de nouveau le cas du rétreint ; il est intéressant de comparer la coupelle à fond plat de la figure 5 avec la recharge de gaz à fond bombé de la figure 6.
Figure 5 – Coupelle
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R
TP
R TP
E
R
Figure 6 – Recharge de gaz
Figure 8 – Caisson de porte automobile
E
■ Les caissons de porte d’automobiles sont des pièces toujours difficiles à réaliser. On peut identifier, sur la figure 8, les coins en rétreint, des côtés en traction plane et de petits bossages en expansion dans la zone centrale. On remarquera, à l’endroit de la fenêtre, un trou de décharge qui réduit les tensions sur le coin et trois crevés (2) qui évitent la casse de la zone marquée TP. Nota : (2) : le trou est fait en même temps que la découpe du flan, avant emboutissage. En revanche, les crevés sont faits vers la fin d’emboutissage seulement, permettant de « tendre » la pièce avant d’apporter leur effet relaxant. La découpe du crevé peut générer de minuscules particules de métal qui interdisent strictement l’utilisation de cette technique pour les pièces d’aspect.
R
TP
Figure 7 – Carter d’huile pour poids lourd
Selon la géométrie de la pièce, les rayons d’outils, l’efficacité des joncs et la qualité de la lubrification, les ruptures peuvent apparaître dans l’une ou l’autre des zones de ces pièces. Sur le carter de chaîne, ce sera souvent dans la zone marquée R sauf si des joncs trop sévères précipitent la rupture en TP, tandis qu’elles apparaissent plutôt sur les coins de la cuve du carter (sous la lettre E ) et en TP ou E sur le caisson de porte.
Clairement, toutes deux sont fabriquées dans un mode où le rétreint prédomine puisque l’on profite de l’avalement du bord du flan pour former la partie verticale appelée la jupe. Plus on peut rétreindre de métal, plus la pièce pourra être profonde. Mais si l’on mesure l’épaisseur du fond de la coupelle on verra qu’elle n’a pas varié, contrairement à ce qui se passe dans le cas de la recharge où le grand rayon de courbure du nez de poinçon a permis un certain écoulement du métal par expansion.
Ce qu’il est essentiel de retenir c’est, d’une part, qu’il existe différents modes de déformation et, d’autre part, qu’une pièce ne se déforme jamais dans un mode unique. De plus, dans un même outil, l’équilibre entre rétreint et expansion dépend de la façon dont on laisse « entrer » le métal dans la matrice, par ajustement de la pression sur le serre-flan, de la lubrification, de la forme du flan, de la présence de joncs, etc.
Par ailleurs, il est intéressant de remarquer que la jupe des godets subit successivement deux modes différents de déformation au cours de son emboutissage : — d’abord du rétreint pur, tant que le métal considéré se trouve entre le serre-flan et la matrice (dans la collerette) ; — puis de la traction plane quand il entre dans la jupe, ce qui s’explique bien en observant que sa largeur ne peut plus varier (diamètre du corps constant).
Comment appréhender quantitativement les différents modes de déformation ? L’idée est d’appliquer un réseau ou grille sur la tôle avant de la mettre en forme et de mesurer ses déformations ensuite. La modification locale du réseau permet d’avoir une idée précise du mode subi par telle ou telle zone de la pièce et de quantifier le niveau de déformation. Dans le cas où la zone intéressée a subi plusieurs modes (emboutissage en plusieurs passes, par exemple), il est judicieux de ne pas se contenter de la mesure de l’état final.
On dit alors que le trajet de déformation est complexe. ■ Les différents modes se retrouvent sur toutes pièces. Le carter d’huile de la figure 7 présente, lui aussi, les trois modes principaux que nous avons évoqués au paragraphe 1.1. Les coins ont été avalés dans la matrice, ils sont en rétreint. Les côtés latéraux se sont déformés en traction plane tandis que la partie supérieure est en expansion (l’épaisseur peut s’y réduire beaucoup). Bien entendu, les zones de transition se sont déformées dans des modes intermédiaires.
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1.3 Marquage des réseaux Quels sont les différents moyens permettant de tracer ces bases de mesure ? Les procédés les plus simples tels que traçages au crayon, à la pointe à tracer ou au compas ne conviennent que pour des cas simples. On y reviendra au paragraphe 1.4.
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Dans les autres cas, il est nécessaire de disposer d’un réseau couvrant la zone incriminée et apte à permettre : — des mesures multidirectionnelles précises des déformations ; — la mise en évidence des directions principales de celles-ci ; — l’accès aux déformations dans des zones à fort gradient. De plus, le réseau déposé sur le flan doit pouvoir supporter un minimum d’agressions dues aux manipulations et au contact avec l’outil, il ne doit pas trop perturber les conditions de frottement et il ne doit pas non plus être la source d’une éventuelle « fragilisation » du métal. ■ Les solutions actuellement utilisées pour imprimer les réseaux sont, au moins, au nombre de huit, que nous décrivons ci-après, en commençant par les plus rustiques. ● Impression au rouleau : il s’agit d’une technique de précision moyenne mais très rapide. Le réseau est en relief sur un cylindre en élastomère qu’on roule sur la tôle après encrage. La taille des motifs ne peut pas être inférieure à 5 mm. C’est une méthode d’atelier, particulièrement prisée des Japonais. ● Méthode électrolytique : un support de tissu plastifié comporte le réseau dont les lignes constitutives sont percées de trous minuscules qui autorisent le passage de l’électrolyte et du courant électrique. On applique le tissu sur la tôle connectée à l’un des pôles du générateur de courant (la tension est de l’ordre de 10 V, l’intensité pouvant atteindre 100 A), on le recouvre d’un feutre imbibé d’électrolyte et l’on déplace un rouleau métallique relié à l’autre pôle en le pressant sur le flan. Le courant peut être continu ou alternatif et peut soit attaquer localement le métal de la tôle (dissolution anodique), soit l’oxyder. Le choix des meilleures conditions opératoires dépend de la nature du métal ou du revêtement. Une passivation est souvent nécessaire pour éviter une dégradation ultérieure du réseau. Cette méthode, assez rapide mais polluante, convient bien aux travaux en atelier. Il faut ensuite essayer de rétablir au mieux la lubrification de la tôle. Les réseaux obtenus par la méthode électrolytique résistent normalement assez bien au frottement, mais il est préférable de les mettre, dans la mesure du possible, sur la face qui se déplacera le moins vis-à-vis de l’outil. Les traits obtenus souffrent souvent d’une définition moyenne. Signalons un certain raffinement qui peut parfois avoir un intérêt. Il est possible de réaliser les lignes du réseau en attaquant le métal sur une faible profondeur (0,01 mm) et ensuite remplir cette dépression par un dépôt électrolytique (cuivre, par exemple). On obtient ainsi une sorte de marqueterie qui résiste magnifiquement à l’abrasion sur les outils. ● Méthode photochimique : elle est d’un emploi moins aisé mais délivre des réseaux d’une bien meilleure qualité graphique. En revanche, les grilles supportent mal les frottements ; il convient de la réserver à des cas peu sévères nécessitant beaucoup de précision.
méthodes précédentes, comme par exemple les tôles prélaquées ou celles qui sont fragilisées par l’attaque électrolytique, comme c’est le cas pour les alliages d’aluminium. ● Procédé de décalcomanie : les avantages de ce procédé sont la rapidité et le fait de pouvoir s’appliquer sur des supports généralement difficiles à marquer, tels les tôles prélaquées. ● Emploi du laser : le recours à cette technique pour graver la tôle se développe. Les avantages se trouvent au niveau de la précision, de la reproductibilité, du très faible endommagement du substrat et de la résistance à l’abrasion. La déformation à l’intérieur des grains d’un métal a ainsi pu être suivie au microscope électronique à balayage grâce à des réseaux n’ayant que un micromètre de côté ! ● Méthode dite par corrélation d’images de speckle : apparue il y a quelques années, cette méthode consiste à utiliser des points de repère de la tôle visibles en lumière cohérente, résultant par exemple de sa rugosité. On obtient un ensemble de taches disposées de façon aléatoire dont le suivi par un système optique comportant une caméra CCD (Charge Coupled Device ) et un logiciel analyseur d’image permet de mesurer, au cours de la mise en forme, les mouvements relatifs. Il n’y a donc plus de grille à proprement parler. ● Méthode du mouchetis : vulgarisation logique de la précédente, cette méthode utilise la même technique de suivi (corrélation d’image), mais en se contentant de petites taches de peinture réparties aléatoirement sur l’éprouvette. La préparation est donc très rapide et peu onéreuse. Cette méthode très séduisante constitue probablement la technique d’avenir. Pour le moment, elle sert essentiellement à des expériences de laboratoire et, notamment, à faciliter la détermination expérimentale des courbes limite de formage. Il semble que l’application aux mesures 3D soit pour bientôt.
1.4 Mesure des déformations Deux aspects sont à considérer en ce qui concerne le choix des grilles : leur forme et leur taille, cette dernière ne devant pas être choisie en fonction de celle de la pièce mais du degré de localisation des déformations. Si la déformation est homogène et d’un niveau faible, il est souhaitable d’utiliser une grande base de mesure ; sur un capot, une porte, un pavillon d’automobile, on tracera par exemple des cercles de 100 mm de diamètre, au compas à pointes sèches (sans appuyer). Les mesures de faibles déformations sont ainsi très précises (on apprécie bien le demi pour-cent). On emploie souvent des cercles ou des carrés de dimensions moyennes (5 à 10 mm) en atelier pour visualiser les déformations tandis que les mesures de laboratoire nécessitent des bases plus petites : 1 ou 2 mm. La figure 9 présente quelques types de grilles utilisés.
On enduit d’abord le flan d’un feuil photosensible qu’on fait sécher à l’abri de la lumière. On pose ensuite sur la tôle un film photographique (gélatine contre le flan) comportant la trame désirée, en positif ou négatif. On recouvre par une enveloppe transparente sous laquelle on établit un vide primaire de façon à bien appliquer le film sur la tôle. Puis, on procède à l’insolation par un rayonnement ultraviolet de quelques minutes. Enfin, on révèle le réseau à l’aide d’un produit dissolvant les parties du film photosensible non insolées et colorant celles qui l’ont été. Généralement, la machine à insoler comprend le système de création du vide et son emploi limite la taille des flans (typiquement 0,5 à 1 m2). Il existe cependant des systèmes pouvant se poser simplement sur la tôle. ● Méthode sérigraphique : on applique l’encre sur la tôle au travers du tissu de soie comportant la grille souhaitée, et on attend que le dépôt soit sec. Si les grilles ainsi déposées supportent mal le contact frottant avec l’outil, elles ont en revanche l’avantage de pouvoir se déposer aisément sur des tôles qui n’acceptent pas les
Figure 9 – Différents types de grilles
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Tableau 1 – Avantages et inconvénients du type de réseau Type de grilles
Avantages
Inconvénients
Cercles
• Peuvent être facilement entrelacés (voir § 2.3.3) • Mesure optique très longue et pénible • Indication claire des directions principales (mais pas du cisaillement) • Mesure automatique possible mais plus diffi• Appréciation aisée « à l’œil » des déformations principales cile • Caractère didactique utile (un cercle devient une ellipse) • Directions principales moins évidentes à l’œil • Calculs « à la main » plus complexes
Carrés
• Mesure automatique facile • Base de mesure aisément modulable (en groupant plusieurs carrés) • Prend mieux en compte les changements de trajectoire • Détection plus facile du cisaillement • Algorithmes de calcul plus efficaces • Meilleure précision • Base de mesure non figée (peut se définir durant la mesure) • Possibilité d’avoir une base très petite (dizaine de micromètres) • Très grande précision
• Pas de possibilité de visualiser les déformations ou leur direction • Temps de calcul encore long dans certains cas
Mouchetis
Actuellement, la mesure de déformations se fait par quatre méthodes : — avec des feuillards gradués souples en Mylard (grilles d’au moins 5 mm) ; — en utilisant des lunettes grossissantes, comme pour la dureté Brinell, par exemple ; — sur projecteur de profil, mais en diascopie ; — avec des caméras CCD reliées à un ordinateur. Dans ce dernier cas, les premiers logiciels ont été développés pour mesurer des ellipses. Cependant, cette mesure reste délicate et la détermination des directions principales est entachée d’erreur. Depuis l’établissement de la théorie permettant d’exploiter les grilles carrées [1] [2], ces dernières sont apparues plus pratiques, car l’intersection de deux lignes est une chose facile à détecter avec cette technique, et elles autorisent une détermination de l’état complet de déformation (cisaillement compris). De plus, un « lissage » des lignes déformées régularise les mesures. Les avantages et les inconvénients du type de réseau sont résumés dans le tableau 1. Il existe deux façons d’exprimer les résultats de mesure : — en atelier, on utilisera tout simplement les déformations conventionnelles qu’on symbolise par e, en pour-cent, pour rester accessible au plus grand nombre ; — en laboratoire, l’habitude est en revanche d’utiliser les déformations rationnelles :
ε = ln (L /L 0 ) avec L 0 longueur initiale de la base de mesure, L longueur finale.
Cette dernière représentation est physiquement plus satisfaisante et offre le considérable avantage d’assurer l’additivité des déformations (cf. § 3.4), propriété souvent utilisée en mise en forme. Nous déconseillons fortement d’exprimer les déformations rationnelles en pour-cent pour éviter la confusion dans les esprits ainsi que des erreurs d’appréciation. Par exemple, ε = 0,6 (qui pourrait se dire 60 % !) correspond à une déformation conventionnelle de 82,2 %. Les appareils automatiques dédiés à la mesure des déformations sont de plusieurs types : on trouve des caméras portables avec lesquelles on vise un carré ou une ellipse et des caméras plus ou moins fixes donnant, par comparaison de deux images prises sous des angles différents, les coordonnées x, y et z de chaque point significatif du réseau, ce qui permet le calcul des déformations. Celles-ci sont affichées automatiquement dans un diagramme ε1 – ε2 (figure 10) ou e1 – e 2, au choix. Les mesures peuvent aussi être faites par un appareil photo numérique utilisant des éléments géométriques connus posés sur la pièce qui servent de références dimensionnelles. Dans tous les cas, l’erreur est de plus ou moins 2 %. La lecture des grilles est un travail long et fastidieux. Son automatisation, autorisée comme on vient de le voir par les développements de l’électronique et de l’informatique, a redonné une énergie nouvelle à ces techniques qui, très en vogue il y a vingt ans, étaient tombées dans un presque abandon sous l’effet des compressions de personnel. Il est clair que les méthodes utilisant la corrélation d’image, étant par nécessité entièrement automatiques, sont appelées à un grand avenir. Que peut-on faire avec les nombreuses mesures acquises suite à l’examen d’une pièce emboutie ? C’est ce que l’on va voir au paragraphe suivant.
ε1
2. Courbes limite de formage 0
ε2
Figure 10 – Points représentatifs d’une pièce en rétreint
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2.1 Représentation des déformations Pour rendre les notions précédentes plus quantitatives, on mesure les déformations locales et on les porte sur un graphe en observant généralement les conventions suivantes :
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— déformation principale (indice 1) : la plus grande en valeur algébrique, elle détermine alors la direction principale de déformation ; — déformation secondaire (indice 2) : la moins grande en valeur algébrique. En pratique, la direction secondaire est considérée comme étant perpendiculaire à la précédente.
L’ensemble des états successifs de déformation d’un point donné constitue sa trajectoire de déformation, qui peut être directe ou complexe.
2
Rétreint
e ib ré 2
m
ε ent
ε on é 1 = q ε uil
–
Expansion biaxiale
=
Ex pa ns i
C
is ε aille 1
Traction plane ε2 = 0
La tôle s'amincit
La tôle s'épaissit
Comme on l’a vu, les déformations peuvent s’exprimer en pour-cent (déformation conventionnelle e ) ou sous la forme rationnelle (ε ). La première solution est préférée dans les ateliers et la seconde est utilisée pour les études plus théoriques de laboratoire. Le plus souvent, c’est la forme rationnelle que nous adopterons dans la suite, mais tous les raisonnements restent valables en déformations conventionnelles, à l’exception de ce qui concerne l’évaluation de l’épaisseur sur le diagramme.
ε1
ε2
Épaississement Impossible ε2 > ε1
On donne le nom de front de déformation à l’ensemble des états de déformation existant le long d’une ligne particulière de la pièce, par exemple une ligne radiale (cf. § 2.5.2). L’habitude veut qu’on porte sur un graphe la déformation secondaire en abscisse et la principale en ordonnée. Ce diagramme porte le nom de Forming Limit Diagram en anglais (FLD) mais n’a pas d’appellation spéciale en français. La figure 11 indique la répartition des différents modes dans une telle représentation. Un certain nombre d’observations s’imposent. L’espace situé en bas et à droite de la première bissectrice est éliminé par la convention ε 1 ε 2 . D’autre part, face à un état de compression, une tôle mince a tendance à plisser plutôt qu’à s’épaissir, compte tenu de sa faible inertie dans son plan. Les cas de compression et, a fortiori, de compression-compression sont donc rares et l’on utilisera peu le domaine situé sous la deuxième bissectrice, sauf pour les tôles épaisses (plusieurs millimètres). Dans la pratique, le domaine utile est donc limité au quadrant supérieur du diagramme avec de faibles incursions dans la zone de compression. À droite, les deux déformations sont positives, un cercle se transforme en cercle ou en ellipse de plus grande surface : c’est l’expansion : ε1 et ε2 > 0 Par suite de la conservation du volume, l’épaisseur diminue donc et on a aussi :
ε1 + ε2 = – ε3 avec
ε3 < 0, ε3
déformation rationnelle en épaisseur (voir § 3.4 pour plus de détails)
Au centre, ε2 = 0 (pas de variation de largeur), c’est la traction plane. On a donc : ε 1 = – ε3 l’épaisseur varie exactement à l’inverse de la longueur. Les zones se trouvant en traction uniaxiale se situent sur une droite de pente : 1+r – -----------r
Figure 11 – Diagramme des déformations
la collerette d’un godet. Il n’y a pas de variation d’épaisseur le long de cette droite puisque le principe de conservation du volume indique que ε3 = 0. En conséquence, l’amincissement est au-dessus de la seconde bissectrice et l’épaississement est au-dessous dans un diagramme utilisant les déformations rationnelles. On en déduit un principe très utile : toute droite parallèle à la seconde bissectrice est un lieu d’épaisseur constante(3) :
ε3 = – ( ε1 + ε2 ) Nota (3) : pour les courbes limite de formage (CLF) tracées en déformation conventionnelles (%), les lieux d’iso-épaisseur sont des courbes.
Dans le cas de tôles assez épaisses, l’inertie augmente et la résistance à la compression s’améliore : on peut donc voir se développer des déformations de compression. D’autre part, sur un rayon de pliage petit, on ne peut plus faire l’hypothèse, implicitement observée jusqu’à maintenant, de l’égalité des déformations entre les deux faces de la tôle. On peut donc voir également des zones en compression d’un côté et en extension de l’autre. C’est, par exemple, courant sur les voiles de roues automobiles et les pièces de structure. Il faut alors préciser à quoi correspondent les mesures : face extérieure ou intérieure (ou encore à mi-épaisseur). Il est important aussi, lorsque l’épaisseur n’est pas négligeable par rapport au rayon de formage, de tenir compte de celui-ci et de ne pas se contenter de la mesure de la corde des motifs déformés.
qui dépend donc du coefficient d’anisotropie r de la tôle comme on le verra au paragraphe 3.4 (cf. aussi l’article [M 120] Essais mécaniques des métaux. Détermination des lois de comportement ).
Nous parlons ici des problèmes de la mesure des déformations. Mais il faut éviter de considérer les déformations sur petits rayons (comme expliqué § 2.3 et rappelé § 2.5.2).
La seconde bissectrice, d’équation ε1 = – ε2 , correspond au cisaillement plan, autour duquel se fait, par exemple, le rétreint de
Le tableau 2 précise tous les états de déformation qui peuvent se rencontrer sur une pièce.
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Tableau 2 – Modes de déformation d’emboutissage Mode
Déformations
ε1 > 0
Expansion biaxiale Expansion symétrique
ε1 + ε2 = – ε3 ε1 > 0
Déformation plane
ε2 = 0
ε3 < 0 ε1 = ε2 = – ε3 /2 ε1 ≠ ε2 ≠ – ε3 /2
ε3 < 0
ε1 = – ε3 ε1 > 0
Traction uniaxiale
ε2 < 0
ε2 + ε3 = – ε1 ε1 > 0
Cisaillement pur
ε2 < 0
ε1 > 0
Compression uniaxiale
ε2 < 0
ε3 + ε1 = – ε2
σ1 > 0 σ2 > 0 σ3 = 0 σ1 = σ2
ε3 < 0
σ1 > 0 σ2 = 0 σ3 = 0
................................................. ε2 = ε3 = – ε1 /2 ε = r ε = – r ε / (1 + r ) ................................................. 2 3 1
ε3 = 0
σ 1 > 0 σ2 < 0 σ3 = 0 – σ2 = σ1
ε3 < >0 ε1 ≠ ε3 ≠ – ε2 /2 ε1 = ε3 = – ε2 /2
ε1 et ε3 variables dans l’épaisseur, ε2 = 0 ε1 = – ε3 pour un élément de fibre
Essai correspondant (1) Gonflement hydraulique matrice circulaire et matériau isotrope matrice elliptique ou matériau anisotrope
σ1 ≠ σ2 σ1 > 0 σ2 > 0 σ3 = 0 σ2 = σ1 /2
ε2 = – ε1
Rétreint
Pliage sous tension
ε2 > 0
Contraintes
σ1 > 0 σ2 < 0 σ3 = 0
Essai de coupelle cylindrique (matériau isotrope) Traction sur tôle matériau isotrope matériau anisotrope Matériau isotrope Essai en coin modifié Guyot
σ1 > σ3
Essai de coupelle Swift-
σ1 = σ3 = 0
IDDRG (2)
σ1 > 0 σ2 = 0 σ3 > 0
Essai Swift
2.2 Détermination des courbes limite de formage L’idée est venue, dans les années 1960 [3] [4] [5], de faire figurer sur le diagramme de la figure 12 les déformations correspondant à la rupture d’emboutis de laboratoire ou de pièces réelles. Le lieu de ces points est appelé courbe limite de formage, en abrégé CLF (et FLC en anglais). Elle permet de rendre quantitativement compte du fait que les tôles n’ont pas la même capacité de déformation dans tous les modes. C’est un résultat capital, mais encore trop ignoré de nombreux praticiens qui se contentent souvent d’une mesure d’épaisseur pour apprécier le risque de rupture. Cependant, la rupture est un stade trop avancé de la ruine d’une pièce et l’on a ressenti le besoin de prévoir, non la rupture, mais la striction localisée (diminution localisée d’épaisseur) qui la précède et qui rend une pièce impropre à son usage : aspect inacceptable, dégradation du revêtement, affaiblissement local, risque d’amorçage de rupture par fatigue. La démarche s’est donc orientée vers la recherche de l’apparition de la striction localisée, ce qui complique considérablement le problème. Aujourd’hui, la très grande majorité des CLF utilisées sont définies à striction localisée. De nombreuses méthodes de détermination existent, donnant des résultats différents comme on va le voir (§ 2.3.4), et l’on ressent l’impérieux besoin d’une normalisation. Cela amène certains utilisateurs, japonais en particulier, à militer pour un retour aux CLF à rupture (la définition est simple : passage de la lumière à travers la pièce, mais la mesure est difficile). Deux grands aspects sont à prendre en compte en ce qui concerne la détermination expérimentale des CLF à striction : comment sont déformées les éprouvettes et comment est estimée l’apparition de la striction ?
2.2.1 Moyens de déformation Nous en distinguerons quatre.
M 3 180 − 8
Déformation principale e1 (%)
(1) Ces essais sont décris dans l’article M 120 Essais mécaniques des métaux. Détermination des lois de comportement. (2) International Deep Draving Research Group ou encore Groupe de recherche international sur l’emboutissage profond.
Keeler Goodwim
140
120
100
80
60
40
20
0 – 60 – 50 – 40 – 30 – 20 – 10
0 10 20 30 40 50 60 Déformation secondaire e2 (%)
Figure 12 – Courbe limite de formage de Keeler et Goodwin
■ La première solution consiste à utiliser des pièces industrielles. Keeler l’avait fait lors de ses premières études [4]. Elle est très peu utilisée de nos jours. L’expérience montre que la CLF ainsi détermi-
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_____________________________________________________________________________________________________________ EMBOUTISSAGE DES TÔLES
née est en général plus élevée que celles qui sont établies en laboratoire ; comme c’est une CLF « réelle », on ne peut décemment lui reprocher d’être trop optimiste. Il faut donc admettre que ce sont celles établies en laboratoire qui sont plutôt conservatives.
Déformation maximale e1 (%)
■ La deuxième méthode, souvent appelée en France méthode IRSID, fait appel à des emboutis circulaires ou plus ou moins elliptiques gonflés sous pression hydraulique pour la partie droite des courbes (expansion – figure 4) et à des éprouvettes plus ou moins sévèrement entaillées pour la partie gauche (extension-rétreint). Ces dernières ont l’inconvénient de générer de forts gradients de déformation, que l’on souhaite éviter (cf. § 2.3). On préfère donc les remplacer par des éprouvettes non entaillées de différentes largeurs. L’avantage de cette méthode est d’éliminer tout frottement.
60
50
40
■ La troisième méthode, très répandue, consiste à utiliser un seul outil pour réaliser tous les modes de déformation ; c’est la méthode Nakazima [6]. On applique sur une matrice circulaire, à l’aide d’un serre-flan, des éprouvettes de différentes largeurs qu’on déforme ensuite avec un poinçon rigide hémisphérique. Si l’éprouvette est carrée, on obtient une expansion équibiaxée et, en réduisant la largeur de départ, on tend vers la traction uniaxiale en franchissant tous les stades intermédiaires (traction plane, etc.).
CLF
30
20
Il peut être nécessaire, pour certaines trajectoires, d’usiner des encoches circulaires sur les rives du flan. Cette méthode est très simple d’emploi. L’un des inconvénients réside dans la présence inévitable de frottement. Il faut aussi éviter les poinçons trop petits vis-à-vis de l’épaisseur de la tôle, qui engendrent des flexions non négligeables (cf. § 2.3). Un rapport diamètre/épaisseur supérieur à 100 ou 150 est souhaitable, mais rarement adopté. ■ La dernière méthode que nous citerons, dite méthode Marciniak [7], reprend le procédé précédent mais avec un poinçon plat et permet donc de déformer l’éprouvette sans la courber. Comme pour la méthode Nakazima, on utilise des éprouvettes de largeur variable, mais avec interposition d’un contre-flan (posé entre flan et poinçon) pour mieux homogénéiser les déformations et éviter la rupture sur le rayon de poinçon. C’est la réalisation idéale du contre-flan qui constitue la plus grande difficulté du procédé, surtout pour les tôles à hautes caractéristiques.
10
– 20
– 10
succès
0
10
20 30 40 Déformation minimale e2 (%)
striction
rupture
Tôle en alliage d'aluminium (nuance 2036 - état T4)
Figure 13 – Courbe limite de formage selon la méthode Hecker
Les deux dernières méthodes citées sont les plus utilisées de nos jours.
2.2.2 Méthodes de détermination de la striction Elles sont nombreuses. L’objectif est toujours de déterminer, pour une trajectoire donnée, le système des déformations ε1 – ε2 (ou e1 – e2 en %) qui existe juste à l’apparition de la striction localisée, considérée comme l’extrême limite qu’on peut s’autoriser en formage. ■ Une méthode simple, définie par la recommandation internationale ISO 12004 [8], consiste à déformer, par paliers successifs et par tout moyen jugé convenable, un élément de tôle jusqu’à ce qu’on observe l’apparition de la striction, par pierrage le plus souvent. Nota : le pierrage consiste à frotter légèrement la surface de la pièce avec une pierre abrasive douce. La surface ainsi brillantée met en évidence les dépressions qui restent mates.
On déforme ensuite, de la même quantité, une autre éprouvette préalablement tramée et l’on mesure les déformations. La dimension et la forme des grilles utilisées sont également laissées à l’appréciation de l’opérateur si bien que ce manque de rigueur a provoqué un désintérêt général pour cette recommandation. ■ Les autres méthodes sont uniquement employées dans les laboratoires. ● Nous citerons seulement pour mémoire la méthode Kobayashi [9], qui s’appuie sur la mesure de l’évolution de la rugosité superficielle en fonction de la déformation. On mesure l’augmen-
tation de la profondeur maximale Wmax de l’ondulation. Elle s’accélère violemment au moment où apparaît la striction localisée. Cette méthode, demandant beaucoup d’essais et cependant assez imprécise, semble être totalement abandonnée aujourd’hui. ● La méthode Hecker [10], simple et rigoureuse dans son principe mais coûteuse en temps, consiste à déformer des emboutis de laboratoire revêtus de grilles jusqu’à rupture, puis à mesurer tous les cercles (ou carrés) situés dans la zone de rupture en notant de façon différente ceux qui sont cassés, ceux qui sont strictionnés et ceux qui ne le sont pas. On obtient ainsi, pour chaque type de trajectoire, des nuages de points et la séparation entre les points strictionnés et ceux qui ne le sont pas constitue la CLF à striction (figure 13), laquelle est assez précisément définie par ce système d’exploitation. Cette méthode, très proche de la pratique industrielle, sert souvent de référence. La difficulté réside dans la sélection objective des points strictionnés. ● La méthode de Veerman [11] s’appuie sur le fait que, quand la striction apparaît, le cercle (ou carré) où elle se produit se déforme plus vite que ses voisins immédiats. On suit donc l’évolution de trois éléments situés dans la direction de contrainte principale et l’apparition de la striction est réputée avoir lieu quand la déformation de l’élément central devient sensiblement plus rapide que celle de ses deux voisins. La difficulté consiste à prévoir le lieu de la striction. On est obligé de faire de nombreux essais et de nombreuses mesures. C’est donc une procédure assez longue. Elle est également plus sévère que les autres méthodes.
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M 3 180 − 9
Déformation principale e1 (%)
EMBOUTISSAGE DES TÔLES ______________________________________________________________________________________________________________
vu pour les méthodes Veerman ou Kobayashi. Cette méthode prometteuse est facilement automatisable. ● On ne peut finir ce paragraphe sans citer un nouveau concept, également prometteur : les courbes limite de formage en contraintes [14] dont l’origine est due au désir d’éviter les difficultés liées à la variation de forme des CLF en fonction de la trajectoire (abordée au § 2.3). La méthode s’appuie sur le concept de contrainte équivalente et consiste à calculer les contraintes liées à chaque état de déformation composant la CLF classique, à en déduire la contrainte équivalente et à la reporter dans un diagramme σ1 – σ2 .
100
90
80
La courbe obtenue est, en principe, indépendante de la trajectoire et présenterait donc une universalité bien supérieure à celle d’une CLF en déformation qui est, elle, très dépendante de la trajectoire. Les avis sont encore partagés sur la validité de ces courbes mais il semble bien que l’intérêt qui leur est porté soit en constante progression [15].
70
60
Notons qu’une tentative du même type, basée sur le concept de déformation équivalente [16] avait été faite dans le cadre des CLF en déformation. Notons aussi que, les CLF en contraintes étant déduites des CLF expérimentales en déformation (on ne sait pas mesurer les contraintes), elles ne résolvent absolument pas les problèmes de reproductibilité que nous allons évoquer au paragraphe suivant, mis à part ceux liés aux trajectoires.
50
40
30
Enfin, la conversion déformation-contrainte implique de faire appel à un critère de plasticité représentatif du matériau, ce qui, là aussi, peut poser problème (cf. § 3.5).
20
2.3 Paramètres influents 10
0 0
5
10
15
20 x (mm)
ε1 = – 0,192 x 2 4,173 x 43,45 = 66 % (critique) Figure 14 – Répartition des déformations autour de la rupture et courbe extrapolée
C’est pour réduire le temps nécessaire à l’établissement d’une CLF que Bragard [12] a défini une autre façon d’estimer l’apparition de la striction (figure 14). On déforme jusqu’à rupture une éprouvette tramée, on mesure ensuite les déformations des cercles entourant cette rupture et l’on déduit la déformation à l’apparition de la striction par extrapolation de ces déformations. ●
Pour être répétitive, cette méthode nécessite beaucoup de rigueur dans le choix des données présidant à l’extrapolation. C’est pourquoi s’est développé tout un arsenal de règles qui précisent le choix des cercles ou carrés (un centré sur la rupture, symétrie parfaite, etc.) et qui rendent la méthode satisfaisante et très utilisée. Le développement de l’informatique permet de rendre reproductibles les méthodes d’extrapolation de la variation des déformations. ● Une nouvelle façon de procéder est apparue, que nous appellerons méthode Sollac [13], avec le développement des moyens d’acquisition, de mémorisation et de traitement des images. On emploie une caméra CCD qui filme, à une distance constante, la déformation plane d’un embouti (méthode Marciniak). On enregistre jusqu’à rupture. Il est ensuite facile, en visionnant le film à l’envers, de retrouver l’initiation de la striction et de déterminer l’histoire des déformations qui y correspond. Plusieurs critères peuvent être utilisés, concernant la vitesse de déformation, la courbure de la relation déformation-hauteur, etc. Dans tous les cas, c’est une variation rapide du critère suivi qui annonce la striction, comme on l’a déjà
M 3 180 − 10
Nous parlons toujours exclusivement des CLF déterminées à l’apparition de la striction localisée. Il est nécessaire d’indiquer ici que cinq conditions devraient théoriquement être satisfaites pour l’établissement d’une CLF : — état de contraintes planes (pas de contraintes dans l’épaisseur, pas de courbures marquées) ; — il n’y a pas de frottement ; — les trajectoires sont directes ; — les gradients sont faibles (pas de variation locale brusque de la déformation avant striction) ; — le métal n’est pas écroui initialement (pas de métal durci par relaminage(4)). Nota (4) : cette condition était surtout importante au temps de l’apparition des CLF car il était alors très courant d’ajuster les caractéristiques finales par un laminage plus ou moins sévère. Cette pratique existe encore pour les alliages d’aluminium, les aciers inoxydables, les aciers pour emballage, les alliages cuivreux, mais a pratiquement disparu pour les tôles d’acier.
Il serait trop beau que les CLF donnent systématiquement des indications parfaitement pertinentes. En fait, leur forme et leur niveau, pour un matériau donné, dépendent grandement des conditions de leur obtention. Celles-ci interviennent à cinq niveaux au moins : — l’épaisseur du métal ; — les moyens utilisés pour le déformer ; — la forme et les dimensions de la grille utilisée ; — la méthode employée pour estimer l’apparition de la striction localisée ; — l’influence, considérable, de la trajectoire de déformation.
2.3.1 Épaisseur du métal Plus le métal est épais, plus sa CLF est élevée, comme l’ont montré Keeler et Brazier en 1975 [17], pour l’acier doux. Pour les alliages d’aluminium, les choses seraient moins claires ainsi, d’ailleurs, que pour certains aciers récents. Des discussions persistent sur les causes réelles de ce comportement (influence d’une variation locale de la vitesse de déformation, du rapport de la taille de la grille à l’épaisseur...) et la question n’est donc pas absolument résolue. Le fait, en revanche, ne peut être mis en doute dans le cas général.
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2.3.2 Moyens de déformation ε1
Nous avons vu dans le détail les diverses manières de mettre en forme le métal afin de mesurer ses déformations.
0,7
On a déjà dit que la méthode utilisant des pièces réelles embouties industriellement amène à des niveaux de CLF généralement supérieurs à ce que l’on obtient par les méthodes plus classiques de laboratoire. Il est possible que cela résulte de la présence, fréquente dans ce cas, d’une courbure de la pièce, d’un frottement différent ou encore du fait que les critères utilisés sont plus sévères.
0,6
A 0,5
En ce qui concerne les méthodes de laboratoire, il ressort que celles impliquant des gradients assez prononcés (méthodes avec éprouvettes entaillées) provoquent la formation d’un creux marqué pour ε2 = 0 tandis que celles avec gradient faible ont une allure plus monotone (Marciniak, Nakazima). Cette dernière méthode déplace presque systématiquement le point bas de la courbe vers l’expansion (ε = 0,05 environ).
B
0,4
0,3
0,2
De plus, le frottement inévitable ainsi que l’histoire du mouvement du métal qu’impliquent ces deux dernières méthodes ont l’inconvénient d’induire des trajectoires non totalement rectilignes.
C
0,1
2.3.3 Influence de la grille utilisée – 0,3
La forme de la grille permet d’accéder plus ou moins facilement à la zone où va apparaître la striction. De ce point de vue, les cercles entrelacés avaient été préférés pour justement permettre d’avoir toujours l’amorce de la striction située au centre d’un cercle, condition sine qua non d’une mesure pertinente. Une grille plus simple à maille petite, entendons par là 1 à 2 mm, permet d’atteindre ce même objectif. Il est généralement admis, suite à d’anciennes études, que la dimension de la grille a une influence sur les CLF à rupture, mais pas sur celles à striction. Ce dernier point est un sujet de controverse. S’il est vrai que la déformation lors de l’apparition de la striction diffuse (c’est-à-dire après le maximum de force) n’est pas dépendante de la base de mesure utilisée (car la déformation est, jusqu’à ce stade, uniformément répartie), il n’en est plus de même pour la striction localisée, dans le cas des tôles minces et très minces. De plus, la taille de la grille influe sur la valeur du gradient de déformation, donc sur l’estimation de la striction.
2.3.4 Méthodes d’estimation de l’apparition de la striction Elles procèdent, comme on l’a vu, de différentes philosophies. On observe deux grandes familles : — celle utilisant l’appréciation directe de la striction (Hecker, Bragard) ; — celle s’intéressant à la variation d’un paramètre relié à la vitesse de déformation locale (Kobayashi, Veerman, Sollac). Le point faible de toutes les méthodes réside dans l’appréciation du début de la striction locale. Ce n’est pas, en effet, un phénomène brutal, il apparaît de façon progressive. De ce fait, il ne peut être vraiment fixé que par l’extrapolation d’un phénomène mesuré. Mais ce principe n’est pas en accord avec la pratique industrielle dans laquelle on ne rejette pas une pièce parce qu’une striction commencerait à y apparaître de façon imperceptible, mais parce qu’elle y est déjà visible. Il y a donc, sur ce point précis, une faiblesse indiscutable et fondamentale de toutes les méthodes qui procèdent par extrapolation. Seuls les Américains (méthode Hecker ou méthode Keeler, qui détecte la striction « au doigt ») utilisent un critère identique à celui de l’atelier. La façon dont on apprécie la striction est de ce fait une source de différence non négligeable d’un laboratoire à un autre et les tentatives faites ou en cours pour réduire les divergences n’ont pas encore abouti.
A B C
– 0,2
– 0,1
0
0,1
0,2
0,3
0,4
ε2
courbe limite en trajectoire simple déformation en rétreint suivie d'une déformation en expansion déformation en expansion suivie d'une déformation en rétreint
Figure 15 – Courbes limite de formage en trajectoires complexes d’un acier doux
2.3.5 Influence des trajectoires de déformation Nous avons gardé ce facteur pour la fin car il est, de loin, le plus important. La figure 15 [18] montre trois CLF d’un même acier mais déformé selon des trajectoires variées ; leur hauteur varie considérablement. Ce fait a été vérifié expérimentalement à plusieurs occasions et se trouvait connu empiriquement des vieux emboutisseurs : il vaut mieux, quand c’est possible, commencer le formage en rétreint plutôt qu’en expansion. L’influence des trajectoires de déformation sur la capacité de formage est à relier à la formation des cellules de dislocations et à leur plus ou moins grande faculté d’adaptation à la nouvelle trajectoire.
2.4 Prédiction des courbes limite de formage La détermination d’une CLF est complexe ; la réalisation de la CLF expérimentale d’un matériau reste donc rare. Il n’y a pas de fournisseur de métal qui possède plus d’une cinquantaine de courbes relatives à ses produits. Cette constatation a donné naissance à de nombreux travaux visant à simuler les courbes soit par des méthodes physiques, soit par des évaluations statistiques. Dans le premier cas, les travaux théoriques, généralement menés par des universitaires, ont connu une grande ampleur dans les années 1970-1980, leur but étant de mettre en évidence les facteurs physiques influents et de montrer si la CLF était, oui ou non, une caractéristique intrinsèque au matériau. Puis ils se sont taris avant de reprendre un nouvel essor récemment, sous l’impulsion due à l’impérieuse nécessité de disposer de critères de striction ou de rupture dans les codes de calcul simulant l’emboutissage.
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M 3 180 − 11
EMBOUTISSAGE DES TÔLES ______________________________________________________________________________________________________________
Ces modèles théoriques se basent sur l’endommagement [19] ou sur des modèles micro-macro prenant en compte la texture et la taille de grain, les précipités, etc.
ε1
Nota : les modèles micro-macro sont des modèles théoriques qui, considérant les phénomènes au niveau des cristaux (texture, dislocations) les généralisent au grain puis à un élément de métal (souvent 1 000 grains).
Le second cas, études de type statistique, est surtout le fait des Américains, qui ont, beaucoup plus que les Européens, le souci constant de rendre les résultats de la recherche applicables dans l’industrie. Laissant de côté les considérations théoriques, ils ont donc recherché, particulièrement sur les aciers doux, les paramètres influant sur la position et la forme des CLF. Keeler et Brazier [17] ont montré que, pour un type d’acier donné, la forme des courbes était relativement constante. Ils ont donc fait l’hypothèse qu’on pouvait représenter les CLF simplement en translatant verticalement une courbe type. Ils ont montré de plus que sa hauteur, définie par son point d’intersection avec l’axe des déformations principales appelé FLD0 , variait linéairement avec l’épaisseur de la tôle et proportionnellement à son coefficient d’écrouissage n. Ils arrivent donc à une formule, raffinée et complétée par les travaux du NADDRG (North American Deep Drawing Research Group) qui se présente sous la forme suivante : FLD0 = (23,3 + 14,14 e0)n/0,21 avec
FLD0
déformation exprimée en pour-cent (toujours le souci d’être compris dans les ateliers),
e0 (en mm)
épaisseur initiale de la tôle.
Son utilisation peut sembler un peu artificielle ; il est clair en effet que, dans la réalité, les CLF expérimentales présentent des formes plus ou moins variables. Il n’en reste pas moins que les Américains en font avec succès un usage continuel depuis de nombreuses années et que des travaux systématiques menés par la société Sollac [20] ont montré qu’elle s’appliquait relativement bien pour nombre d’aciers, non seulement doux pour emboutissage mais également à haute limite d’élasticité et à haute résistance, à la condition qu’ils ne présentent pas de palier de limite d’élasticité (qui a, entre autres effets, de modifier la signification physique du coefficient d’écrouissage). La Bethlehem Steel Corporation a, elle aussi [21], publié une formule empirique mais basée sur l’allongement à la rupture de l’acier au lieu du coefficient d’écrouissage n. Elle semble être moins fiable. Plus récemment, Cayssials [22] a donné un sens plus physique à la formule de Keeler en y introduisant l’influence de la sensibilité à la vitesse et de l’anisotropie. Ce calcul est adopté dans certains codes de calcul d’emboutissage. Signalons qu’il n’existe pas de formules comparables pour les autres matériaux utilisés en emboutissage.
2.5 Utilisation industrielle des CLF Quelle est, aujourd’hui, la situation des emboutisseurs ? D’un côté, les délais accordés à la mise au point des outils d’emboutissage sont de plus en plus réduits, renouvellement fréquent des produits oblige. De l’autre, une partie de l’expérience acquise par les metteurs au point et les techniciens des « méthodes emboutissage » disparaît suite à la diminution de l’âge de la retraite et aux progrès très rapides des logiciels de simulations de l’emboutissage qui conduisent de plus en plus à vouloir dessiner l’outil définitif sur ordinateur. On y parviendra d’ailleurs certainement d’ici peu. Il est donc ressenti comme un besoin incontournable de pouvoir rapidement estimer les déformations d’une pièce et sa limite de sécurité par rapport aux possibilités du métal. Les courbes limite de formage permettent d’atteindre ces objectifs.
M 3 180 − 12
0
ε2
Figure 16 – Distribution des déformations dans un embouti sensible
2.5.1 Utilisations les plus courantes La mesure des déformations au cours de l’emboutissage est un moyen puissant d’aide à la mise au point de l’outillage en permettant de visualiser les écoulements de métal et en montrant l’influence des modifications de l’outil sur le niveau local et la répartition des déformations. La connaissance du mode est également importante vis-à-vis du choix ou de l’adaptation de la qualité de métal (comme on le verra dans l’article [M 3 181]) et ne peut être approchée par des moyens plus simples tels que la mesure des épaisseurs. ■ Un premier intérêt consiste à évaluer la marge de sécurité de l’emboutissage d’une pièce. Il faut bien se pénétrer de l’idée, en effet, qu’un emboutisseur n’est averti de l’éventualité d’une casse que juste avant celle-ci, par l’apparition d’une striction localisée. Or, il est déjà trop tard... Ces considérations justifient pleinement le fait que l’apparition de la striction localisée soit le critère retenu pour l’établissement des CLF, et non l’apparition de la striction diffuse comme certains le suggèrent après une analyse superficielle de l’essai de traction. Prendre ce dernier critère (Ag ) comme limite de formabilité conduirait certainement à une plus grande sécurité, mais interdirait définitivement la réalisation de pièces qui sont aujourd’hui quotidiennement produites en grande série. Il s’ensuivrait un gros désavantage économique. De plus, la signification de la striction diffuse est très différente dans le secteur droit des CLF. Face à une pièce apparemment correcte, l’emboutisseur ne sait pas objectivement s’il est très loin ou très près de la striction, ce qui peut le conduire soit à négliger de perfectionner un outil « tangent », soit à continuer inutilement de coûteux travaux de mise au point sur un outil déjà très sûr. À titre d’exemple, la figure 16 montre les mesures faites sur une pièce sans striction. Le graphe indique que celle-ci est proche et que la mise au point de l’outil doit être poursuivie (comparer avec le graphe de la figure 10). ■ Une autre application de ces notions peut être de mieux adapter la qualité du matériau à la difficulté de la pièce. Jusqu’à présent, cette fonction était dévolue à des hommes d’expérience qui analysaient la difficulté d’emboutissage par analogie avec les exemples qu’ils avaient eu à traiter précédemment. La référence aux CLF permet d’apprécier de façon plus précise la marge de sécurité et donc de mieux juger des possibilités d’adaptations : — choix d’une qualité inférieure (down grading) si la pièce est jugée facile et peut s’accommoder d’une qualité inférieure à celle initialement spécifiée ;
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— adoption d’une qualité supérieure (over grading) si la qualité prévue s’avère insuffisante. ■ Le positionnement des déformations sévères vis-à-vis de la CLF permet aussi d’imaginer des solutions aptes à rendre l’outil plus fiable. C’est ce que les Anglo-saxons nomment trouble shooting (la recherche des causes d’insatisfaction). Dans de nombreux cas, comme nous l’avons déjà signalé, les ruptures se produisent en traction plane, mode qui correspond toujours à la partie la plus basse de la CLF, quel que soit le matériau considéré. La solution peut alors se présenter sous deux formes : — soit on abaisse le niveau de la déformation principale ε1 , ce qui peut s’obtenir en diminuant la retenue due aux joncs, en réduisant la quantité de métal sous serre-flan, en agrandissant un rayon de matrice, en utilisant ce qu’on appelle des crevés (cisaillage local du métal en fin d’emboutissage pour diminuer les efforts – voir figure 8), en améliorant la lubrification, etc. ; — soit on s’éloigne de la trajectoire traction plane (action sur ε2) en créant des contraintes latérales d’extension (déplacement vers l’expansion), ou à l’inverse de compression (déplacement vers le rétreint). Ces modifications se font par changement du dessin de la pièce, à condition qu’il en soit encore temps, ou par modification de ce qu’on appelle l’habillage, c’est-à-dire ces formes extérieures à la pièce finale qui servent à faciliter son emboutissage (elles se situent en général entre la pièce et le serre-flan). ■ Jusqu’à maintenant, nous n’avons abordé que le cas des ruptures, lesquelles résultent de déformations trop élevées. Mais un embouti peut, à l’inverse, souffrir de compressions qui engendrent des flambements de membrane, donc des plis. La position des points représentant la déformation permet encore de mesurer les risques liés à de telles situations (on ne s’intéresse plus, alors, à la position par rapport à la CLF). En fait, dès qu’un point représentatif se trouve au-dessous de la seconde bissectrice, il révèle une tendance à l’épaississement, donc à la formation de plis. Le technicien averti aura donc une attention spéciale pour tous les points dont la déformation ε2 est inférieure à – ε1, sachant qu’ils constituent un fort risque de plissement. De la même façon, la proximité de zones en compression et en extension est considérée, à juste titre, comme la source potentielle de gros problèmes. Enfin, des déformations très faibles, proches de zéro, sont annonciatrices de manque de rigidité. On évite soigneusement cette absence de déformation, surtout sur les panneaux assez plats. ■ Au cours de la vie de l’outillage, les mesures de déformation restent précieuses en permettant de mesurer l’influence des modifications effectuées ou de mettre en évidence des dérives (par exemple entre le côté gauche et le droit d’une même pièce automobile qui se sont différenciés au cours du temps par usure, rechargements, pierrages, etc.). On peut alors comparer les mesures à celles prises lorsque l’outil était au point et rôdé, donc à son meilleur niveau. Cette tactique peut aussi servir à vérifier la qualité de la tôle employée.
2.5.2 Quelques pièges à éviter Il faut signaler ici que la convention ε1 > ε2 n’est pas toujours très heureuse vis-à-vis de l’interprétation des déformations mesurées. Exemple : on peut facilement imaginer une pièce dans laquelle, en se déplaçant suivant une ligne x – y, les déformations dans une direction donnée augmentent tandis qu’elles diminuent dans la direction perpendiculaire. En un certain lieu, la déformation principale va donc brutalement tourner de 90o, sans que cela n’apparaisse en aucune façon sur le graphe ε1 – ε2 et l’on aura tendance à interpréter le résultat en fonction du sentiment que l’on a de ce que devrait être la déformation et non pas en fonction de la réalité. C’est une erreur que l’on constate quotidiennement, qui peut avoir de fâcheuses conséquences quand il s’agit de déterminer les remèdes appropriés. Pour l’éviter, il est hautement recommandé de ne pas se fier uniquement aux graphes, mais de regarder également les pièces, tout simplement...
X
D0
γ D1
Y
Figure 17 – Expansion + cisaillement
Karima [23] suggère aussi de ne pas utiliser la convention ε1 > ε2 et de préférer l’établissement des fronts de déformation suivant une ligne partant du centre de la pièce et se dirigeant vers l’extérieur, en conservant toujours, par exemple, la direction radiale pour ε1 et circonférentielle pour ε2 . On obtient ainsi une représentation beaucoup plus physique et moins sujette à caution, permettant une meilleure interprétation des données disponibles. Un autre piège classique vient du cisaillement, qui n’est pas facilement mis en évidence par les méthodes classiques. Examinons la figure 17 sur laquelle nous avons représenté un cercle ayant successivement subi une expansion (diamètre D0 qui devient D1) puis un cisaillement γ qui transforme ce cercle en ellipse. L’examen donne seulement à penser qu’il s’est allongé en traction plane selon la direction X-Y. L’origine du problème est double : d’abord, le cercle ne contient aucun point particulier, ce qui interdit l’observation du cisaillement. Ensuite, ce cas correspond à une trajectoire complexe, ce qu’on ne peut savoir que par expérience ou en procédant à des mesures intermédiaires. Il faut aussi rappeler que les CLF sont établies uniquement pour des conditions de contraintes planes. Les CLF ne sont donc pas adaptées à l’évaluation des déformations sur de petits rayons. L’interprétation des mesures de déformations et leur comparaison aux courbes limite de formage est ainsi truffée de difficultés et nécessite l’intervention d’un spécialiste pour ne pas mener, souvent, à des conclusions erronées.
3. Caractérisation de la formabilité des tôles 3.1 Essais simulatifs Quand la transformation des tôles par emboutissage a commencé à prendre des dimensions vraiment industrielles (début du XXe siècle), les problèmes de qualité ont amené les utilisateurs et les fabricants à mettre au point des tests leur permettant de juger la qualité de celles-ci vis-à-vis du formage. L’idée est donc venue, tout naturellement, de réaliser des essais reprenant, à petite échelle, des opérations qui sont réalisées dans l’industrie de l’emboutissage. Ces tests sont appelés essais simulatifs. Leur nombre est impressionnant, plus d’une centaine certainement, mais dont très peu ont survécu à l’épreuve du temps. Nous ne ferons donc que citer les principaux, qui sont encore en usage
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déformer des bandes de largeur variable, sans lubrification, sur un poinçon hémisphérique jusqu’à trouver celle qui casse pour le plus faible déplacement du poinçon.
90 min ø 55 ± 0,1
0,75 ± 0,05
0,75 ± 0,05
20 min
ø 27 ± 0,05
0,75 ± 0,1 0,75 ± 0,1
d 20
05
± 0,
20 min
3 ± 0,1
ø 33 ± 0,1 ø 55 ± 0,1
Figure 18 – Essai Erichsen normalisé (norme NF A 03-652)
limité et, souvent, pour des fonctions qui n’étaient pas celles initialement prévues. On peut les classer en fonction du mode de déformation dominant qu’ils caractérisent. ■ Les essais à dominante expansion sont les plus anciens. On trouve, l’essai Persoz (1903), l’essai Erichsen (1910), l’essai Olsen (1930) plus particulièrement utilisé aux États-Unis, qui se font sur un poinçon rigide hémisphérique et les essais utilisant une pression hydraulique : Jovignot (1930) et les « bulge tests » en général. Le plus connu dans la première catégorie, l’essai Erichsen à flan bloqué, figure 18, a longtemps fait partie de la batterie de tests prévus pour la réception des tôles minces pour emboutissage (ancienne norme NF A 36-401). L’indice Erichsen ou indice d’emboutissage (IE) correspond à la profondeur (en mm) de l’embouti lors de l’apparition d’une fissure. Comme il dépend de l’épaisseur du métal, des abaques définis dans les normes de produit permettaient de s’assurer de leur conformité. Le test est très sensible à la lubrification, qui modifie le lieu de rupture et il est donc important de bien la contrôler. Il a été éliminé de l’actuelle norme EN 10130 définissant les tôles minces en acier laminé à froid pour emboutissage mais est encore utilisé, par exemple, pour tester l’adhérence des revêtements métalliques ou la qualité des soudures laser ou molette des flans soudés. Dans la catégorie des essais d’expansion hydraulique, le test Jovignot n’est plus utilisé (il était trop petit), mais il existe de nombreux appareillages de laboratoire permettant ce genre d’essai appelé bulge test en anglais, le plus souvent dans le but d’établir le côté droit des CLF. On cherche à avoir un diamètre assez grand (100 à 200 mm) pour limiter la courbure de la tôle et rester dans des conditions de contraintes planes. L’avantage de cet essai est de totalement éliminer l’influence du frottement. Par ailleurs, il peut être facilement instrumenté et la mesure simultanée de la courbure au pôle, de l’épaisseur au pôle (par ultrasons) et de la pression interne permet d’accéder à la loi de comportement du métal en déformation équibiaxiale (moyennant quelques hypothèses simplificatrices). On peut modifier le mode de déformation et se rapprocher de la traction plane en utilisant des matrices elliptiques ayant différents rapports grand axe sur petit axe. ■ Il semble n’exister qu’un seul essai reconnu de traction plane, le Limiting Dome Height (LDH, dû à Gosh en 1975). Il consiste à
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Très utilisé aux État-Unis, il n’a jamais connu un grand succès en Europe. L’idée de base est que, la plupart des ruptures d’emboutissage ayant lieu en traction plane, il est industriellement suffisant de juger les propriétés du métal dans ce mode. Le test est donc présenté comme un test d’atelier, destiné à une sélection rapide du métal. ■ Les essais à dominante rétreint sont les essais Guyot (1958) et Guyot modifié (1960), maintenant abandonnés, et surtout l’essai Swift de 1954, modifié en Swift-IDDRG en 1957 puis en 1969. Il s’agit de former un godet cylindrique et de rechercher la plus grande taille de flan circulaire qui peut s’emboutir sans rupture. Des variantes sont utilisées en laboratoire pour juger de l’aptitude au rétreint ou du pouvoir lubrifiant et en contrôle de fabrication pour tester la qualité de certains revêtements (essentiellement le poudrage des revêtements galvanisés alliés, galvannealed en anglais). ■ Il existe enfin des essais à caractère mixte, qui sont : — l’essai Engelhardt (1959), qui se déroule en deux temps. On laisse d’abord le métal former un godet par rétreint, puis on bloque fortement la collerette, ce qui permet de connaître, par un seul essai, la capacité de déformation globale du métal ; — l’essai Swift hémisphérique, où l’on forme un godet cylindrique dont le fond est hémisphérique. L’essai fait donc appel simultanément à la formabilité en rétreint et en expansion. Mais Swift lui-même a montré que le résultat dépendait de la géométrie de l’outil... ? — l’essai de coupelle conique Fukui : il est également supposé donner un résultat dépendant des aptitudes à l’expansion et au rétreint du métal. Il est rarement utilisé de nos jours, surtout en raison de la difficulté d’usinage des éprouvettes ; — l’essai KWI, mis au point par Siebel et Pomp au Kaiser Wilhelm Institüt de Düsseldorf en 1929. Il consiste à provoquer l’expansion d’un trou usiné et à mesurer l’augmentation de diamètre à la rupture. Appliqué à des trous poinçonnés, il permet de juger la sensibilité du métal à l’effet d’entaille.
3.2 Latitude de réglage de la force de serre-flan En présence d’une pièce difficile, l’emboutisseur est toujours confronté au dilemme suivant : — soit il utilise une force de serre-flan (FSF) élevée pour éviter les plis au risque de casser ; — soit il la choisit faible et doit alors accepter la présence de plis. La qualité de la tôle joue un rôle et c’est pour essayer d’établir des comparaisons chiffrées et reproductibles entre produits qu’a été inventé l’essai que nous allons voir, qui est une extrapolation de l’essai Swift sur godet à fond plat. Il consiste à faire varier la sévérité d’emboutissage d’un godet et à déterminer les deux limites du réglage de la force de serre-flan. Le choix du godet à fond plat fait qu’on ne juge en principe que la capacité de rétreint du métal et non sa capacité d’expansion. Pour une matrice et un poinçon circulaires donnés, plus le flan est grand, plus il y a de métal à rétreindre ce qui augmente évidemment : — les efforts de rétreint et les risques de casse ; — la compression circonférentielle et les risques de plissement. La difficulté d’emboutissage augmente, en gros, comme le carré du diamètre du flan. On caractérise la difficulté en considérant non ce diamètre seul mais le rapport d’emboutissage :
β = diamètre du flan/diamètre du poinçon
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Force de serre-flan
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les flans suivants, on augmente la FSF jusqu’au moment où, sous l’effet des efforts résistant de plus en plus élevés, l’embouti se casse ou se strictionne. Soit FSFrup cette force critique. L’écart de force de serre-flan existant entre FSFpli et FSFrup est appelé latitude de réglage de la force de serre-flan (LDRFSF). La figure 19 schématise le phénomène. Il est clair que plus la latitude est grande pour un outillage et une taille de flan donné, meilleur est le matériau du point de vue de l’emboutissage en rétreint.
Rupture
En général, on établit également la latitude pour trois ou quatre diamètres supérieurs. La plage acceptable de FSF diminue et finit par être, quand la force nécessaire à la suppression des plis devient égale à celle qui fait casser la pièce, complètement nulle, comme le montre la figure 19. On dit alors qu’on a atteint le rapport limite d’emboutissage [dont le sigle anglais peut provoquer quelques confusions : LDR : Limiting Drawing Ratio (et non latitude de réglage)].
Bon
Le tableau 3 et la figure 20 indiquent des valeurs de LDR obtenues pour plusieurs matériaux. Plis
(0)
Rapport d'emboutissage
Tableau 3 – Limiting Drawing Ratio (LDR) en fonction du coefficient d’anisotropie moyen
Figure 19 – Latitude de force de serre-flan
9
4
5
6
7
8
Ti
4
FeS
3
AlH CuC AlS
5
2
CuB Laiton 70-30 FeR
Coefficient d'anisotropie moyen r
Zn
1
Matériau
Coefficient moyen r M
Zinc........................................ Aluminium écroui ................ Aluminium recuit ................. Cuivre (A).............................. Cuivre (B) .............................. Laiton 70 CuZn 30 ................ Acier effervescent ................ Acier calmé à l’aluminium .. Acier IF (Interstitial Free) ..... Titane ....................................
0,2 0,7 0,7 0,5 0,9 0,9 1,1 1,8 2,2 5
LDR 1,85 2,02 2,1 2,08 2,2 2,24 2,28 2,42 2,3 3
Quelle est la confiance qu’on peut accorder à ce critère ? Observons d’abord que le LDR dépend de la définition géométrique de l’essai. Plus la partie plate du fond du godet est petite par rapport au rayon de poinçon, plus le résultat sera influencé par la capacité d’expansion du métal.
3 2 1 0 1,8
2
2,2
2,4 2,6 2,8 3 Rapport limite d'emboutissage (LDR)
AlH aluminium écroui aluminium recuit AlS CuB , CuC deux qualité de cuivre FeR acier effervescent acier calmé à l'aluminium FeS
Figure 20 – Corrélation entre le rapport limite d’emboutissage et le coefficient d’anisotropie moyen pour divers matériaux dont les valeurs de r s’échelonnent de 0,10 à 5
L’essai commence avec des flans de petit diamètre et une FSF faible. Des plis apparaissent sur la collerette. On augmente alors progressivement la force jusqu’à disparition des plis : FSFpli . Sur
Observons, de plus, que le frottement intervient, évidemment, dans les forces qui s’opposent à l’emboutissage (ceci sera détaillé dans l’article [M 3 181]) et que, quand il augmente, la FSFrup s’abaisse. C’est donc la source d’une réduction de latitude. Si, à l’inverse, le frottement diminue, les efforts résistants dus au frottement entre matrice et serre-flan sont réduits et cette particularité a amené plus d’un laboratoire à utiliser ce test pour juger de l’efficacité des lubrifiants ou du comportement des revêtements de tôle.
3.3 Essai de traction conventionnel Les caractéristiques du métal jouant un rôle en emboutissage sont toutes fournies par l’essai de traction. C’est pourquoi nous allons l’étudier maintenant. Nous allons examiner, dans l’ordre de leur apparition, les différents phénomènes qui s’observent lors d’un essai de traction traditionnel régi par la norme NF EN 10002-1 dans lequel on soumet l’éprouvette à un allongement croissant (et non un effort croissant). Nous renvoyons aux articles [M 120] Essais mécaniques des métaux. Détermination des lois de comportement et [M 600] Métallurgie en mise en forme pour plus de détails.
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Le graphe comporte : — en abscisse l’allongement pour-cent : 100 δL/L0 ; — en ordonnée la contrainte dite conventionnelle : F/S0 , avec
L0 δL F S0
longueur de la base de mesure choisie pour l’éprouvette (50 ou 80 mm pour les épaisseurs inférieures à 3 mm ou une valeur variable pour les épaisseurs supérieures), accroissement de longueur de la base de mesure, force mesurée à chaque instant de l’essai, section initiale de l’éprouvette.
Contrainte (MPa)
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σ contrainte, δL/L0 déformation, E module d’élasticité ou encore module d’Young.
Pour les métaux, la valeur du module d’élasticité est élevée : — alliages d’aluminium.................. 70 GPa ; — alliages cuivreux......................... 120 GPa ; — fer et aciers ................................. 200 à 210 GPa ; — tungstène .................................... 350 GPa. Le module dépend essentiellement du système cristallin, ce qui explique, par exemple, que les aciers, durs ou mous, aient tous approximativement le même module car c’est celui du constituant principal, le fer. Le même raisonnement tient évidemment pour les autres matériaux. Sur les tôles, le module varie en fait beaucoup plus avec la direction qu’avec la nuance...
A
D
Ag
0,2
A
A (%)
a courbe sans palier
Contrainte (MPa)
avec
C
Rp 0,2
3.3.1 Domaine élastique Le métal a d’abord un comportement élastique, suivant la loi de Hooke : σ = E δL/L0
B
Rm
Rm ReH ReL
B A
C
A'
D
Ae
Ag
A
A (%)
b courbe avec palier Ag allongement uniformément réparti Ae allongement du palier Figure 21 – Courbes de traction conventionnelles
3.3.2 Limite d’élasticité C’est le début de la plasticité, qui correspond au déplacement irréversible des dislocations. Elle peut se présenter sous deux aspects : homogène et continu (figure 21a ) ou hétérogène et localisé (figure 21b ), c’est alors le pic de limite d’élasticité suivi du palier. ■ Dans le premier cas, les dislocations commencent à se déplacer dans les grains ayant une orientation favorable vis-à-vis de la contrainte appliquée, puis le nombre des grains intéressés augmente jusqu’à ce que tous soient concernés. Cela explique l’absence de transition brutale et qu’il soit alors difficile de déterminer la limite d’élasticité, qui dépend beaucoup de la résolution du système de mesure. En pratique, on mesure une limite définie comme étant la déformation permanente correspondant à un très petit allongement prescrit par convention, égal, la plupart du temps, à 0,2 %. La figure 21a illustre aussi la façon de calculer cette caractéristique, appelée dans ce cas Rp0,2 . Ce n’est évidemment pas une véritable limite d’élasticité. La limite véritable peut être très inférieure. Entre les deux existe ce qu’on appelle la microplasticité, phénomène que l’on peut le plus souvent ignorer en emboutissage. ■ Dans le second cas, figure 21b, la déformation élastique s’arrête de façon brutale lorsque le métal atteint une contrainte nommée ReH nécessaire au décrochage des dislocations ancrées par des atomes interstitiels (c’est une interprétation simplifiée). C’est le cas du vieillissement de certaines qualités d’acier doux et de certains alliages légers tels ceux de la série 5XXX. Cela se fait par diffusion, donc migration entre les autres atomes du réseau. C’est un phénomène normalement lent (le vieillissement de l’acier peut demander six mois), ce qui explique que plus la température est basse ou la vitesse de traction élevée, plus la
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contrainte ReH va croître pour forcer les atomes interstitiels à « libérer » plus vite la zone de dislocation. Dans le palier, on mesure très souvent la limite d’écoulement inférieure ReL . Le palier peut avoir pour conséquence la formation de défauts d’aspect, appelés vermiculure, dans les zones faiblement déformées des pièces embouties. De plus, un long palier n’est pas favorable à l’emboutissage car n’assurant pas une bonne répartition des déformations. Il peut même être à l’origine de ruptures.
3.3.3 Consolidation Après que le domaine de déformation plastique ait été atteint, celle-ci progresse régulièrement, le métal s’allonge de façon homogène en diminuant de section (conservation du volume en déformation plastique). Le mouvement des dislocations devient de plus en plus difficile (multiplication, enchevêtrement, empilement), c’est la consolidation. Cette augmentation de la contrainte d’écoulement compense l’affaiblissement dû à la diminution de section. Mais la consolidation se ralentit et, à partir d’un certain allongement appelé allongement uniformément réparti (symbole Ag ) la force passe par un maximum : la contrainte correspondante est la résistance à la traction Rm . Au sommet de la courbe, le métal commence à se rétrécir localement : c’est la striction diffuse.
3.3.4 Striction Selon le matériau, la rupture peut encore nécessiter un allongement supplémentaire de 5 à 30 %.
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Cela s’explique par l’effet de la sensibilité à la vitesse. En effet, la force décroissant, les parties de l’éprouvette hors striction ne se déforment plus, ce qui reporte tout l’allongement sur la striction qui voit donc sa vitesse locale de déformation s’élever notablement. Si la sensibilité à la vitesse du matériau est positive, cas du fer, la contrainte qu’il peut supporter croît, retardant ainsi la rupture. Pour les alliages d’aluminium, la sensibilité peut être positive (série 6XXX) ou négative (série 5XXX). Dans ce cas, l’allongement de striction est très réduit.
Figure 22 – Striction sur tôle épaisse
Deux autres facteurs viennent compliquer les choses : l’endommagement et l’effet de la température. Le premier phénomène correspond à la fracture ou la décohésion des particules de seconde phase (gros précipités, constituants durs, inclusions non métalliques) qui, par coalescence, forment des vides qui facilitent la rupture.
Figure 23 – Striction sur tôle très mince
Allongement (%)
Le second résulte de l’échauffement produit par la déformation plastique. Tous les métaux voient leur contrainte d’écoulement diminuer quand la température s’élève ce qui provoque donc, dans la striction, un effet inverse à celui de la vitesse pour les aciers. La conductivité thermique joue donc aussi un rôle vis-à-vis de l’amplitude de l’allongement de striction. On pourrait croire que l’allongement total est ainsi fixé par ces considérations de métallurgie physique. Nous allons voir qu’il est un autre facteur plus important encore : les dimensions de l’éprouvette...
80 70 60 50
Allongement à rupture
40 30 20
Allongement réparti r
10
3.3.5 Allongement à rupture
0 0
Pour les tôles minces, sujet principal de cet exposé, la striction se décompose en deux séquences :
100
200 300 400 500 Base de mesure L0 (mm)
— la striction diffuse, qui est essentiellement un rétrécissement avec peu d’amincissement ; — puis la striction localisée qui commence à l’endroit le plus étroit et qui consiste en un amincissement se terminant par la rupture.
Figure 24 – Influence de la longueur de la base de mesure sur l’allongement mesuré (acier DC 04)
Les deux strictions se confondent pour les tôles épaisses (> 3 mm – figure 22) tandis que la striction des tôles très minces (quelques 1/10 mm – figure 23) est uniquement localisée, sans rétrécissement préalable.
3.4 Essai de traction rationnel
L’allongement à la rupture A est la somme de l’allongement uniformément réparti Ag et de l’allongement de striction. La figure 24 montre l’évolution de l’allongement lorsqu’on utilise des bases de mesure variables sur des éprouvettes d’un même acier. On y voit très clairement que l’allongement réparti est une constante, ce qui est bien normal puisqu’il correspond à une caractéristique intrinsèque du métal et que l’on porte en ordonnée une déformation relative, tandis que l’allongement de striction augmente (en relatif) quand la base de mesure diminue. La valeur normalisée de L0 , 80 mm, a été choisie pour donner à peu près le même poids à ces deux allongements (20 à 25 % chacun pour un bon acier d’emboutissage). À titre de comparaison, l’éprouvette japonaise no 5 (éprouvette recommandée par la norme JIS Z 2201 pour l’essai des produits plats), de base de mesure 50 mm seulement (et largeur 25 mm) donne un allongement total supérieur d’à peu près 10 % relatifs (exemple : 50 % au lieu de 45 %). Ainsi donc, il est très important de retenir que la mesure d’allongement à rupture délivrée par un essai de traction est une caractéristique totalement conventionnelle, qui n’a de valeur que dans le cadre de comparaisons sur des éprouvettes équivalentes. En aucun cas, il n’est permis d’en déduire la déformation que pourra supporter un métal sur pièce réelle.
On pourra également se reporter aux articles [M 120] Essais mécaniques des métaux. Détermination des lois de comportement et [M 600] Métallurgie en mise en forme. Dans le travail de tous les jours, l’exploitation des caractéristiques mécaniques délivrées par l’essai de traction conventionnel est aisée, car : — les contraintes F/S0 , que nous symboliserons par C dans la suite, sont directement rapportées à la section initiale et ne nécessitent donc pas, pour leur utilisation vis-à-vis du calcul d’une structure, de connaître la section instantanée de la pièce ; — les allongements, exprimés en %, sont facilement interprétables par tout un chacun. Cependant, comme l’éprouvette voit sa section diminuer au fur et à mesure qu’elle s’allonge la contrainte vraie σ n’est pas, à un instant donné, F/S0 mais F/S, où S représente la section actuelle. Malheureusement il est très difficile de mesurer la section instantanée d’une tôle en cours de traction. En notant cependant que : L0 S 0 = L S d’où : S = L0 S 0 / L on calcule la contrainte vraie :
σ = F / S = F L / (S0 L0)
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Notons que, quand la striction apparaît, les déformations cessent d’être uniformes ; la section ne varie donc plus à l’inverse de l’allongement et cette formule n’est plus applicable. Le calcul de la courbe rationnelle s’arrête donc systématiquement à l’instabilité (apparition de la striction diffuse), dans le cas des tôles. Par ailleurs, l’allongement conventionnel :
Son intérêt est depuis longtemps reconnu (Crussard) car il donne une mesure de la consolidation. Notons maintenant que si : n
σ1 = k ε 1 alors :
A % = 100 ∆L /L0
ln σ1 = n ln ε1 + ln k
est mal adapté à la comparaison d’états successifs, en particulier parce que de tels allongements ne sont pas additifs. On lui préfère donc la déformation vraie ou rationnelle (ou encore logarithmique) : ε = ln (L /L0)
La valeur de n est donc la pente de la régression linéaire obtenue sur les couples ln σ1 – ln ε1 saisis durant l’essai de traction.
qui permet d’exprimer simplement la non-variation du volume pendant la déformation plastique :
ε1 + ε 2 + ε3 = 0 ε1 longueur, ε2 largeur, ε3 épaisseur. Il est donc aisé de calculer l’une des déformations principales connaissant les deux autres, ce qui est utilisé pour la mesure du coefficient d’anisotropie (voir § 3.4.2). avec
3.4.1 Lois constitutives L’essai de traction rationnel délivre donc des informations plus physiques que l’essai classique, des informations dites vraies (il est appelé true stress – true strain en anglais). L’intérêt est bien sûr d’en déduire des lois permettant de modéliser facilement le comportement d’un matériau. Les lois les plus utilisées sont : — Hollomon : n σ1 = k ε 1 — Ludwik : n′
σ1 = σ0 + k ′ ε 1 — Kupkrowski ou Swift :
σ1 = k ′′ (ε0 + ε1)n′′ Notons que, par rapport à la première, les deux autres lois permettent une translation soit verticale (Ludwik), soit horizontale (Kupkrowski) de la partie de consolidation monotone (cf. l’article [M 600]). Pour les aciers doux, la loi de Hollomon est la plus généralement employée. Quand la limite d’élasticité s’élève, on préfère la loi de Ludwik. La loi de Kupkrowski permet de tenir compte d’une consolidation modeste du matériau (la loi est plus « plate »). La loi de Hollomon est une loi puissance. On remarque que pour ε1 = 1, σ1 = k. Le paramètre k, appelé consistance, a la dimension d’une contrainte qui serait atteinte pour ε1 = 1, valeur tout à fait inaccessible en traction (mais possible dans d’autres types de formage tels que laminage ou tréfilage). Ce paramètre influe sur l’effort de mise en forme, mais avait été complètement délaissé jusqu’à l’apparition du calcul numérique, où sa connaissance devient indispensable pour la modélisation du matériau. L’exposant n de la loi de Hollomon est appelé coefficient d’écrouissage. Sa valeur est : — de 0,10 à 0,28 pour la plupart des aciers d’emboutissage ; — de 0,07 à 0,30 pour les alliages d’aluminium. Elle peut atteindre : — 0,45 sur les laitons ; — 0,90 sur l’acier inoxydable austénitique (en réalité, on ne devrait pas appliquer la loi de Hollomon à ces aciers. Leur comportement est plus complexe).
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On remarquera que, pour la plupart des matériaux métalliques, la pente donnée par les points expérimentaux est plus forte pour les faibles valeurs de ε1 (vers 5 % d’allongement) que celle correspondant aux valeurs élevées. Ces écarts à la linéarité montrent que la loi d’Hollomon ne s’applique pas parfaitement. C’est l’une des raisons pour lesquelles on mesure généralement le coefficient d’écrouissage n au-delà de 8 ou 10 % d’allongement, les autres raisons étant : — on ne peut plus subir les variations de contrainte résultant des ajustements de vitesse de traction qu’autorisent les normes d’essai (de façon à diminuer la durée de celui-ci) ; — on est assuré que les éventuelles anomalies liées au palier sont terminées (l’auteur de cet article est, quant à lui, absolument opposé à la détermination de n dans le cas d’un matériau présentant un palier. Il n’existe malheureusement pas de lois d’application aisée pour ce cas). Par ailleurs, on démontre facilement que si la loi de Hollomon s’applique parfaitement au métal considéré, ε1 = n à l’instabilité. Ceci n’est vrai que pour les aciers doux. On l’a dit, le coefficient n est une représentation approchée de la capacité de consolidation du métal. Plus il est grand, plus l’affaiblissement d’une zone de l’embouti par amincissement sera compensé par son renforcement dû à l’écrouissage. De la sorte, la zone en train de s’amincir peut supporter une tension plus élevée et donc reporter les déformations sur les zones adjacentes. Cet effet est très important et explique que les déformations sont d’autant plus homogènes – donc la déformation totale possible élevée – que le coefficient d’écrouissage est lui-même élevé. On a vu que la pente de la courbe ln σ1 – ln ε1 était maximale vers 5 % d’allongement, ce qui implique que n n’est pas une constante. On peut alors définir un coefficient d’écrouissage instantané : n* = d ln σ1 /d ln ε1 Or la consolidation instantanée est donnée par d σ1 /d ε1 (appelé module tangent) : n–1
d σ 1 /d ε 1 = k n ε 1 qui peut s’écrire : n
k ε 1 n/ ε 1 = n σ 1 / ε 1 d’où :
n* = (d σ1 /d ε1) (ε1 /σ1)
Pour une déformation ε1 donnée, le coefficient d’écrouissage instantané n* est donc le rapport du module tangent au module sécant. D’autres variables ont une influence sur le niveau des lois de comportement : la vitesse de déformation et la température. La vitesse de déformation est le plus généralement introduite sous la forme d’un. coefficient multiplicateur reliant vitesse de déformation locale ε et un paramètre que l’on appelle facteur de sensibilité à la vitesse et qui se symbolise généralement par m. Par exemple, la loi de Hollomon peut s’adapter de la façon suivante : . σ = k ε n εm
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_____________________________________________________________________________________________________________ EMBOUTISSAGE DES TÔLES
Le coefficient m peut être positif, dans le cas des aciers (la contrainte d’écoulement est d’autant plus élevée que la vitesse est grande), nul (pas d’influence de la vitesse) ou même négatif (la contrainte diminue avec la vitesse). C’est, comme on l’a vu, le cas de plusieurs alliages d’aluminium. Notons cependant que la température augmente la sensibilité à la vitesse ce qui fait que, pour des opérations impliquant une déformation énergique du métal, on voit le coefficient m augmenter.
ε1
IV
I
II
III
1 0,2 0,1 0,5 1
La température est également influente. Une élévation de température augmente l’agitation atomique qui réduit les contraintes d’écoulement, donc adoucit le métal et joue un rôle important dans la localisation des déformations, Keeler a employé l’expression d’entaille thermique. Actuellement, il n’en est pas tenu compte dans les calculs simulatifs d’emboutissage.
r
2
10
5
0,5
3.4.2 Coefficients d’anisotropie Il en existe trois : — le coefficient d’anisotropie plastique, symbolisé par r ; — le coefficient d’anisotropie moyen r ; — le coefficient d’anisotropie planaire ∆ r . Ils dépendent tous de la texture, c’est-à-dire des orientations préférentielles des cristaux de fer dans la tôle. Le premier se définit comme le rapport de la variation de largeur à la variation d’épaisseur durant un essai de traction : r = ε2 / ε3 Ce coefficient, appelé aussi coefficient de Lankford [24], indique donc la tendance du métal à s’amincir ou s’épaissir. Les variations d’épaisseur seront limitées si r est élevé. Étant donné l’impossibilité de mesurer l’épaisseur du métal pendant l’essai, on met à profit la conservation du volume et elle se déduit indirectement des variations de longueur et largeur, pour plus de détails sur la mesure de l’anisotropie, consulter les normes A 03-658 ou ISO 10113). Dans le plan d’une tôle, la valeur du coefficient d’anisotropie normale varie suivant les directions. On est donc amené à définir un coefficient d’anisotropie moyen : r = (r 0 + r 90 + 2 r 45)/4 La figure 25 montre la valeur de r pour différents métaux. Il reste que ces différences de comportement peuvent être, durant le rétreint, à l’origine d’une élongation différente du métal dans les diverses directions, donnant naissance à un défaut appelé cornes d’emboutissage. On définit alors, pour en tenir compte, l’anisotropie planaire : r 0 + r 90 ∆r = ------------------- – r45 2 Cette formule a été mise au point pour les aciers calmés à l’aluminium. Signalons qu’elle peut se révéler incorrecte pour certaines qualités d’aciers sans interstitiels.
3.5 Influence du mode de déformation sur les contraintes Dans la suite [M 3 181], nous allons aborder l’emboutissage proprement dit, en particulier par l’étude des forces qui se développent dans la tôle au cours de la mise en forme. Or, tout comme la ductilité, les caractéristiques mécaniques varient beaucoup avec le mode de déformation. Il est donc du plus haut intérêt de savoir comment évoluent les lois de comportement que nous venons de voir en fonction du mode de déformation imposé. Nous n’entrerons pas dans les détails de la théorie qui sont développés dans l’article, Plasticité en mise en forme.
– ε2 – 1 I II III IV
0 – 0,5
0
Zinc, essai en long Acier inoxydable 18-10, essai en long ou en travers Titane, essai en long Zirconium, essai en travers
Figure 25 – Valeur de r et pente de la courbe de traction pour différents métaux
3.5.1 Cas de la limite d’élasticité Dans la mise en forme d’une tôle mince, on ne considère que les contraintes dites de membrane, celles qui s’exercent dans le plan de la tôle. Notons que cette hypothèse simplificatrice n’est pas toujours justifiée : quand le métal a une courbure prononcée (passage sur de petits rayons), il existe bel et bien des contraintes dans l’épaisseur de la tôle (c’est une des raisons pour lesquelles les courbes limite de formage ne s’appliquent pas en cas de forte courbure. Elles sont déterminées pour des conditions de contrainte planes, uniquement). Néanmoins, cette hypothèse s’applique à beaucoup de cas. On peut toujours distinguer deux contraintes principales σ 1 et σ2 . Examinons quelques cas : — en expansion, elles seront positives toutes deux ; — en traction uniaxiale, une sera positive et l’autre nulle ; — en traction plane la contrainte transversale est égale à la moitié de la contrainte axiale si r = 1, et se trouve multipliée par ( r + 1/ r + 2 ) dans le cas contraire ; — en cisaillement, les deux contraintes sont égales mais de signe contraire ; — en compression, pour finir, les deux contraintes sont négatives. On donne le nom de critère de plasticité à l’équation qui permet de rendre compte du passage du domaine élastique au domaine plastique et de surface de charge ou surface de plasticité au diagramme qui le représente. Ces informations, appliquées à la limite d’élasticité, sont reportées en figure 26 où l’on peut voir trois critères classiques. Le critère de Tresca (figure 26a) est le plus ancien. L’intersection avec l’axe des contraintes σ1 correspond à la limite d’élasticité σ 0 en traction uniaxiale (car σ2 = 0). La limite d’élasticité en compression est supposée égale, au signe près. La première bissectrice correspond à l’expansion équibiaxiale (EEB) pour laquelle σ1 = σ2 . Le critère de Von Mises (figure 26b) fait l’hypothèse qu’une ellipse limite le domaine élastique (interception d’un cylindre par un plan incliné sur l’axe). Ce modèle correspond à un métal ne
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σ2
σ2
TU EEB
σ0
– σ1
– σ0
σ0 TU
0
σ1
σ1 0,25
– σ0
0,15 0,1 0,05
– σ2
a critère de Tresca
Figure 27 – Écrouissage isotrope
σ2
Sur les trois schémas, la zone élastique a été grisée (cas de r = 2 pour le modèle de Hill).
TU EEB
σ0
TP
Cis – σ1
Quand on voit les différences de limite d’élasticité qui peuvent être induites par le mode de déformation, particulièrement dans le cas du critère de Hill on conçoit facilement l’absolue nécessité qu’il y a à en tenir compte dans les calculs de formabilité. L’intérêt pour les critères ne cesse donc de croître.
σ0 TU
0
σ1
Les modèles les plus utilisés sont ceux de Tresca, Von Mises, Hill, Hosford, Barlat, mais il en existe plus de cinquante. Le plus utilisé est le modèle de Hill (1948), en particulier dans les logiciels de simulation de l’emboutissage. Il a l’avantage de tenir compte de l’anisotropie du métal. Comme le montre la figure 26 l’ellipse du modèle initial de Von Mises est allongée suivant son grand axe quand le coefficient r augmente. Donc, plus r est grand, plus la limite d’élasticité en expansion croît. Cela explique que l’accroissement du coefficient d’anisotropie, si favorable à l’emboutissage en rétreint (voir [M 3 181]), ne le soit pas vis-à-vis de l’emboutissage en expansion, car il rend la déformation plastique plus difficile dans ce mode.
– σ2
b critère de Von Mises
σ2
En revanche, on voit nettement que la limite d’écoulement est abaissée en cisaillement, ce qui explique aussi l’influence favorable de r sur le rétreint car les efforts sont réduits.
5 3 2
r=1
3.5.2 Comportement dans le domaine plastique – σ1
EEB expansion équibiaxiale TP traction plane TU traction uniaxiale
0
σ1
– σ2
c critère de Hill 1948
Figure 26 – Critères de plasticité de Von Mises et de Hill
présentant pas d’anisotropie plastique (r = 1). Dans ce cas, la trajectoire de traction plane (TP) a une pente de 1/2. Le critère de Hill (1948), figure 26c est plus élaboré : il allonge l’ellipse en fonction de r. La trajectoire de TP a une pente supérieure à 1/2 pour les valeurs de r > 1.
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On fait couramment l’hypothèse d’un écrouissage isotrope, c’est-à-dire d’une consolidation qui se ferait d’une façon proportionelle par rapport à la surface de charge. La figure 27 représente ce type de comportement. On peut supposer que cette proportionnalité n’existe pas toujours et que les surfaces d’écoulement plastique relatives à différents niveaux de déformation peuvent être distordues. De plus, la surface de charge peut dépendre de l’histoire du chargement, on dit alors qu’on est en présence d’un écrouissage cinématique. Cela est particulièrement important quand le métal subit au cours de son formage des trajectoires complexes. On peut résumer tout cela en disant que les aciers doux habituellement utilisés en emboutissage se satisfont assez bien, pour leur simulation, du modèle de Hill 1948 et d’un écrouissage isotrope. En revanche, il est établi que des aciers à hautes caractéristiques, tels que les dual phase, par exemple, de même que les alliages d’aluminium, ne peuvent plus se contenter de ces modèles simples. Les recherches sont donc très actives dans ce domaine.
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