Ecrits Des gens, des lieux, des choses. Par
KOURDE Abdelhaï Yacine
Table des matières Ces gens-là ......................................................................................................4 Amrouche ...................................................................................................5 Elbassaouia .................................................................................................7 Le vieux Mokabli. ........................................................................................9 Le dentier ................................................................................................. 10 Ammi Saïd. ............................................................................................... 12 Houria ...................................................................................................... 14 Amira........................................................................................................ 22 L'étourdi ................................................................................................... 23 Hamid et le loup....................................................................................... 26 Le car ........................................................................................................ 29 Hamoud et sa mère ................................................................................. 31 Le ftaïri ..................................................................................................... 33 Escales .......................................................................................................... 39 Les canaris ................................................................................................ 40 La patate douce ....................................................................................... 43 Mille-feuille .............................................................................................. 44 Le Stylo ..................................................................................................... 47 Poésie........................................................................................................... 50 Réveil........................................................................................................ 51 Le sourire ................................................................................................. 53 Il suffit seulement .................................................................................... 56
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Vouloir ..................................................................................................... 57 L‘oubli ...................................................................................................... 59 Articles ......................................................................................................... 62 INTRODUCTION A L’AGRICULTURE BIOLOGIQUE. ................................... 63 SOUTIENS ET SUBVENTIONS AGRICOLES ................................................. 70
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Ces gens-là
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Amrouche
Tout le monde dans le quartier connaît Amrouche et Amrouche connaît tout le monde dans le quartier. Le quartier n’a pas vu naître Amrouche, et Amrouche a vu naître presque tout le quartier. Il a vu se dresser les maisons et grandir les arbres. Homme à tout faire et travailleur infatigable, il a été fait appel à lui par toutes les familles de la région pour remuer la terre, creuser des tranchées, abattre des murs, mélanger le mortier, niveler des terrains, réparer les tuiles, déblayer les cours et défricher les jardins. Nous savons seulement qu’il vit le jour il y a très longtemps, làbas, au nord, dans ces montagnes boisées qui ne montrent que leurs sommets. Lorsqu’il aménagea son gourbi, il ne se doutait pas que la ville qui somnolait tout en bas, grimperait et le rejoindrait au milieu des rochers et des chardons. Hier, il s’est arrêté dans la petite rue déserte où j’habite pour bavarder un peu au sujet de tout et de rien. Il a parlé de la pluie et du beau temps, et ensuite évoqué sa mère, morte alors qu’il avait à peine cinq ans. C’est du moins ce 5
qu’il avait compris jusqu’à l’âge de 16 ans quand il apprit que la mère, chassée par le père, a été recueillie par une vague tante dans un hameau éloigné. Puis il partit trimbaler sa misère en mille lieux, arrosant mille métiers de mille sueurs et ne songeant qu’à survivre. Cinquante années plus tard, il y a une semaine, il apprend que cette mère inconnue qu’il croyait morte, s’était remariée et qu’il avait des frères et sœurs éparpillés dans les villages alentour. Alors ce matin, plutôt que de se rendre au marché hebdomadaire il s’est rendu dans ces villages et rencontré ces frères et sœurs dont il n’a jamais soupçonné l’existence. Son récit achevé, il m’a reparlé de ce que seront les moissons au bout d’un avril si frais.
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Elbassaouia
Il a beaucoup été question (questions ?) de couleurs : couleur des yeux, couleur de cheveux ou couleur changeante du ciel. Mais de quelle couleur peindre l’émoi ou le sourire ? Quelles teintes étaler sur la toile d’un cœur qui frémit d’amour ? Comment habiller le pinceau qui voudra nuancer l’ennui, le dépit ou la lassitude. Quels mélanges de Rouge, Vert et Bleu pour crier la joie, murmurer la paix ou simplement suggérer le bonheur d’être. Le rire quant à lui, prendra certainement des couleurs opposées selon que l’on rit avec les gens ou que l’on rit des gens. Il est encore question de couleur. Cette fois ci de la blancheur des dents de Yamna quand elle sourit. La grandmère de Yamna, s’appelleYamna aussi, mais les gens la surnomment ElBassaouia du nom de sa région natale, Bassa. Elle a 107 ans, toute sa raison et presque toutes ses dents. D’après sa petite fille, elle se souvient de l’éclipse qui aurait eu lieu au début du siècle. Le siècle passé 7
évidemment. Un siècle qui passe peut voir vaciller des empires et choir des rois. Mais il peut aussi auréoler Elbassaouia d'une couronne de cheveux noirs. Et que dire de la petite fille, qui raconte avec son gentil sourire, les souvenirs de sa grand-mère, lorsque cette dernière n'était encore qu'une petite fille écoutant les chansons que lui chantait son père. Cela ressemble à un voyage merveilleux dans le temps.
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Le vieux Mokabli.
Le vieux Mokabli a largement dépassé 90 ans. Il est souvent assis près de l'épicerie de son fils Kamel. Toujours habillé d'une kachabia ou d'une abaya blanche, il vous accueille d'un large sourire qui éclaire sa barbe. C'est comme si vous étiez un ami ou un membre de sa famille. N'y voyez aucune politesse d'artifice. Vous le verrez parfois, derrière quatre ou cinq moutons, qu'il mène paître dans les rares enclaves alentours qui ont survécu au béton. Prenez le temps de le saluer et si votre poignée de main lui va au cœur, il vous offrira un bonbon. Ecoutez ce vieillard survoler aujourd’hui, hier, jadis, il y a longtemps ou simplement le temps hors du temps. Qu’il vous parle de ses moutons, du ciel, de ses guerres ou simplement de la vie, vous vous apercevrez que nulle colère, nulle haine n’assombrit ses propos. C’est sur le même ton amusé qu’il vous racontera les horreurs subies en 39/45 en France et en Allemagne ou le travail à l’usine de lin, il y a soixantequinze ans. 9
Le dentier
Est-ce encore une histoire de vieux ? Il s’agit cette fois d’un homme qui a dépassé les 60 années. Son visage ne vous dira certainement pas de combien. Cependant toute sa personne exprime une vie de dur labeur. Entrevu trois ou quatre fois chez le commerçant du quartier, il est de toute petite taille. Il n’a plus aucune dent et sa bouche exprime une moue bizarre. Un bandage de fortune laisse apparaître une main pleine de sang. D’une voix égale, il raconte à son voisin comment la veille, il était parti faucher un peu d’avoine dans un petit lopin à la lisière de la foret. Durant sa moisson, il avait dissimulé derrière une pierre, une bouteille d’eau, un sachet de tabac à chiquer et son dentier, soigneusement enroulé dans un mouchoir. Au retour de son fauchage, le désordre le plus total régnait : La bouteille d’eau gisait loin de la pierre. Le sac de tabac avait disparu. Le mouchoir contenant le précieux dentier était vide. Le voisin écoute attentivement l’histoire et conclue qu’il ne
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devait pas s’agir d’un vol, car le voleur aurait pris le dentier avec le mouchoir. Selon lui, c’est un chien qui aurait reniflé le mouchoir, pris le dentier et il suffira au malheureux édenté de retourner sur les lieux pour retrouver son précieux bien. Jack London ne saura certainement pas s’il faut en rire ou en pleurer. Mais notre vieux faucheur étale sa mésaventure avec comme un rire dans la voix, tout en sachant pourtant, que ses très maigres ressources ne lui permettront jamais plus de regarnir sa pauvre bouche.
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Ammi Saïd.
Un autre vieil homme raconté par un ami au hasard d’une conversation au téléphone. A l’opposé des deux autres, Ammi Said exprime sa haine chaque fois qu’il en a l’occasion. Il faut dire aussi que les aventures qu’il a vécues laissent une emprunte profonde : Il avait moins de 20 ans et accompagnait son père au marché hebdomadaire. Cela se passait durant la deuxième guerre mondiale. A la sortie du marché, des soldats l’arrêtèrent. Avant qu’il ne comprit ce qui lui arrivait, il se retrouva enrôlé dans l’armée Française et embarqué sur un bateau à destination de la lointaine France. Sitôt arrivé, il fut mis dans un avion, harnaché d’un parachute et balancé au-dessus de la Normandie. Tout cela bouleversa le pauvre Said, qui ne connaissait de la vie que la mule de son père et le chemin de montagne qui mène au marché. Mais ce qui lui déplut le plus et qu’il n’oubliera plus jusqu’à sa mort, c’est le coup de pied qu’il reçut à cause de sa réticence à sauter dans les airs. Cela lui était
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inadmissible. Ce coup de pied cependant, allait élargir son horizon au-delà de la mule paternelle et du chemin de montagne. La guerre cessa. Il revint au pays et s’installa à la ville. Comme beaucoup de gens de toutes les après-guerres, il s’adonna au marché noir de l’huile, le savon et d’autres produits avant de trouver un travail stable dans une petite entreprise de peinture. Cette petite entreprise appartenait à un Français qui quitta le Pays dès l’indépendance de l’Algérie. Ammi Said hérita donc de l’entreprise et la fit prospérer si bien, qu’à présent il règne sur un véritable empire. Mais ni les guerres, ni la fortune, ni le pouvoir n’arrivent à éteindre de son cœur la haine des français à cause du coup de pied reçu soixante ans plus tôt dans le ciel de Normandie.
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Houria
Les ennuis de Houria commencèrent très tôt. Dès la naissance. Ou peut-être même avant sa naissance, quand elle était encore dans le ventre de sa mère. En effet dans les années cinquante, attendre un enfant pour une fille non mariée était le scandale suprême. Si la fille survit à l’avortement, le suicide ou le meurtre, elle devra cacher sa grossesse à tous les regards et s’accrocher à l’espoir que l’enfant naisse mort. Mais l’enfant naquit vivant, et comble du malheur, fille. Elle fut recueillie par un couple qui brava tous les tabous. Ce couple sans enfants adopta la petite Houria et lui donna même son patronyme. La société musulmane
distingue
l’adoption
simple
(kafala)
de
l’adoption avec usage du nom patronymique (tabani). Si la première est licite, la seconde est moralement interdite et expose ses auteurs au désaveu de leur entourage. Houria grandit donc dans l’amour de ses parents adoptifs qui la protégèrent du pesant secret de sa naissance. Personne ne
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sait ce qu’il advint de la mère biologique. Mais un secret, si lourd
soit-il,
empeste
parfois
l’air
d’inoffensifs
chuchotements et d’innocentes allusions. La petite fille devint femme, se maria, eut des enfants et gravit la pente de ses trente ans sans vraiment comprendre le sens de certaines insinuations. Avec ses parents, son mari et ses enfants, elle sortit indemne d’un terrible séisme qui ravagea toute sa ville. Ils vécurent quelques années dans les conditions précaires qui succèdent à ce genre de catastrophe. Le vieil homme tomba malade. Sa vie durant, il avait formellement interdit que ne soit révélé à Houria qu’il n’était pas son vrai père. Au cours de sa maladie, de fortes pressions furent exercées sur lui pour que Houria soit mise au courant. Il refusa catégoriquement, ne voulant à aucun prix la tourmenter. Ces pressions étaient le fait de quelques parents, notamment une sœur et une vague cousine. Le malade aurait peut être cédé si les tardifs conseillers étaient seulement animés par un soucis de vérité. Il comprenait bien que ces démarches étaient uniquement dictées par la jalousie et la
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méchanceté. Les vigilants parents osèrent même lui demander de retirer son nom à Houria, subitement conscients, avec trente années de retard, que leur prestigieux nom ne pouvait revenir à une inconnue. Le vacarme de ce snobisme imbécile finit par atteindre un peu la jeune femme qui menait paisiblement sa petite vie avec son mari et ses enfants tout en vouant une grande affection pour ses parents. Et le doute s’installa. Le doute, ce mal pernicieux qui ronge le cœur et trouble l’esprit. Ses parents firent tout pour la préserver. Ils y parvinrent un peu. Jusqu’à la mort du père. Avant même l’enterrement, certains regards se firent fuyants, d’autres carrément hostiles. Si la plupart des gens exprimèrent à Houria une sincère compassion, quelques
un
de
ses
tantes
et
oncles
l’ignorèrent
ostensiblement. Sitôt le corps mis en terre, et sans aucun égard pour son chagrin, ils lui assénèrent brutalement leur vérité assortie de haine et de reproche. Ce qui n’était qu’une vague appréhension devint subitement une réalité dans toute son horreur. Elle se sentit quatre fois orpheline. Orpheline
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de ceux qui l’ont conçue. Orpheline de ce père qui l’a élevée avec tendresse. Orpheline même de sa mère adoptive, qui malgré son amour, n’est pas sa vraie mère. Elle réalisa également qu’elle n’avait plus aucun oncle, aucune tante, ni de cousines, ni de cousins. Elle le réalisa d’autant plus fort que certaines personnes lui signifièrent clairement qu’elle venait du néant et dans lequel elles entendaient la repousser. La mort de son père aurait précipité Houria en enfer, sans l’amour de sa mère et la présence de ses enfants et de son mari. La vie continua et reprit son cours, avec ses soucis bien réels : soigner la toute dernière, trouver un toit qui résiste à la terre qui tremble, tenter de mater sa peur, au moindre bruit, au moindre orage et élever les enfants. Ses rares sourires dessinaient désormais dans ses yeux une ombre et une larme rebelle sillonnait souvent sa joue. Mais elle chevaucha vaillamment les tumultes de ses douleurs. Sa mère mourut aussi. Houria fut très triste mais admit cette fatalité et sa foi en Dieu la soutint pour poursuivre sa
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route. Il lui restait ses enfants et son mari. Elle leur consacra toutes ses énergies. N’étaient-ils pas tout ce qu’elle avait ? Elle se dévoua entièrement à eux et retira de ce dévouement la force de supporter les coups du sort. Mais son mari tomba malade, gravement. Pendant de longs mois, elle se tint à ses côtés, prit soin de lui, le veilla, eut mal de le voir souffrir et espéra ardemment sa guérison. Mais le vent ne souffle pas toujours au gré des bateaux. Le destin vint lui arracher encore une fois l’un des êtres les plus chers qui lui restaient. Elle perdait son mari, son soutien et son ultime rempart à tous les vents. Comment élever seule ses jeunes enfants, les nourrir et les protéger contre la malveillance dont ellemême a souvent fait l’objet ? Elle les éleva pourtant, travaillant beaucoup, surveillant leur éducation, leur scolarité, attentive à leur santé et anxieuse au moindre mal. Quelques années passèrent qui virent des liens étroits et profonds se tisser entre les membres de cette famille. La fille aînée termina ses études et se maria. La cadette réussissait de brillantes études au grand bonheur de sa mère.
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Le temps commençait un peu à reprendre un cours normal, lorsqu’un tragique incendie ravagea la maison en bois qu’ils habitaient. Houria et sa fille purent être sauvées, mais, sous leurs yeux, et en quelques minutes, leur habitation brûla entièrement avec tout ce qu’elle contenait. Impuissantes, elles regardèrent tomber en cendre le fruit de toute une vie de peine et de privation. Pendant quelques instants Houria crut qu’elle se réveillerait au bout d’un cauchemar. Mais le bruit des flammes, les odeurs et la fumée étaient trop forts pour laisser le moindre doute sur la réalité du drame. Le feu détruisait tout ce qu’elle avait si patiemment construit et amassé. Avant que les secours n’arrivèrent, elle vit disparaître sa maison, ses biens, les livres et les cahiers de ses enfants, ses papiers, ses photos et les mille riens qui soutenaient sa mémoire. Enfant de personne, la voilà enfant de rien, dans l’inexorable brasier. Elle trouva un abri chez ses voisins. Ces derniers l’entourèrent de leurs soins et de leur prévenance. Une chaîne de solidarité s’organisa à son profit, menée par un
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pâtissier au grand cœur qui mobilisa toutes les âmes charitables de la ville. Il donna l’exemple en payant luimême une grande partie des matériaux nécessaires à la reconstruction. En quelques mois, la maison fut rebâtie. Houria s’y installa avec sa fille et reprit sa difficile route vers des jours calmes. Elle ne voyait plus la vie qu’à travers sa fille, sur le point de terminer ses études. Elle était sa lumière, son unique source de joie et le seul baume à ses peines et ses souffrances. Le temps ne se mesurait plus qu’au rythme de ses entrées, de ses sorties, de ses réveils et de ses repas. Ce fut pourtant cette voie que le destin choisit pour atteindre cruellement Houria dans son cœur, dans son âme, dans sa chair. Une voiture échappant au contrôle de son conducteur, monta sur le trottoir, heurta violemment la fille et la traîna sur plusieurs mètres. La vitesse et la force du véhicule étaient telles qu’il arracha un arbre et défonça le pan d’un mur. Non loin de là, Houria, qui attendait comme tous les jours le retour de l’étudiante fut glacé d’effroi par le bruit. Elle sortit en courant sans se douter de ce qui
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l’attendait. Les mots ne diront jamais la terreur de cette mère devant le corps inerte de son enfant, jeté dans la poussière dans une posture bizarre. Après une lutte contre la mort qui dura sept jours et sept nuits sa fille se réveilla enfin. Elle fut opérée pour de multiples fractures, séjourna quelques temps à l’hôpital et fut transférée ensuite à la maison pour y poursuivre sa convalescence. Hier, j’ai rendu visite à la fille et la mère. J’ai scruté le visage de Houria. Une lueur s’échappe parfois de son regard morne. Les plis de son front semblent raconter tour à tour un demi-siècle de tourment, de douleur, mais aussi d’espoirs à chaque fois recommencés.
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Amira.
Amira ne marche pas. Elle glisse. Lentement. Comme un cygne sur un lac bleu. Amira ne parle pas. Elle murmure calmement et gentiment les mots justes. Amira ne sourit pas. Elle éclaire la nuit et le jour d’une douce lumière. Amira ne regarde pas, elle imprime dans ses grands yeux l’élévation de toute chose Amira ne dort pas, elle ferme les yeux pour laisser le pire devenir meilleur Amira n’écoute pas, elle tend l’oreille au chant du papillon courtisant la fleur. Amira est amira, princesse majestueuse qui supplie les épines des roses de ne plus blesser les enfants. Amira n’ouvre pas les portes. Elle leur dit la liberté et la sagesse. Et les portes, TOUTES LES PORTES, s’ouvrent. Elles s’ouvrent à un cygne qui dit les mots justes, aux fleurs et aux papillons, dans la douce lumière d’un lac bleu. 22
L'étourdi
On ne compte plus les étourderies de Amrane. On va juste déguster la dernière en date. Hier, sitôt la paie mensuelle en poche, il s'en est allé faire des achats dans ce beau magasin qu'on appelle Monoprix et qui vient d'ouvrir ses portes. Au bout de quelques va-et-vient entre les étagères et la caisse, trois ou quatre sachets en plastiques sont remplis d'achats et payés environs huit cent dinars. Notre ami charge ses emplettes dans la malle de sa voiture, monte dans sa voiture, conduit jusqu'à la maison, descend de la voiture, décharge ses emplettes et transporte les sachets jusqu'à sa maison située au premier étage. Il remet les provisions à ses enfants et ressort se promener. La nuit tombée, retour à la maison. Au menu du dîner, purée de pomme de terre et merguez, qu'il mange avec un bel appétit. Le lendemain, au déjeuner : couscous au poulet. « Combien avez-vous payé ce poulet ? » demande Amrane à ses enfants. L'une de ses fille s'étonne : « Mais Papa, nous n'en
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savons rien, c'est toi qui l'a acheté ». Se sachant distrait et oublieux, il réfléchit un instant, mais ne se rappelle pas avoir acheté un poulet. Il en est certain. Mais alors, comment donc le volatile est-il arrivé à la maison ? Toute la famille se concentre, cherche, délibère et conclue qu'il n'y a pas d'explication. De question en hypothèse, de théorie en concertation, le débat débouche sur des craintes : Et si le poulet était empoisonné ? Et s'il était l'œuvre de quelques jaloux usant de sorcellerie ? Amrane est troublé. Il passe en revue tous ses faits et gestes de la journée. Les achats, les étagères, la caisse, les sachets défilent dans sa tête. Les sachets. Mais combien de sachets ? Il ne se rappelle pas très bien. Aurait-il pris, sans faire attention, le sachet d'un autre client ? Un client qui aurait acheté un poulet dans un autre magasin, puisque le monoprix ne vend pas de poulet. Il faut en avoir le cœur net. Il se précipite dans sa voiture et se rend immédiatement au magasin. « Non, je ne me souviens pas qu'un client ait réclamé quelque chose hier » répond le caissier. Amrane pressent que son trouble glisse vers
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l'inquiétude. Le poulet est peut-être le fruit d'une intention malveillante. Mais ce qui l'inquiète davantage, c'est de ne plus se rappeler avoir acheté un poulet et d'oublier une chose aussi importante. Avant que notre malheureux ne sombre dans l'angoisse, un garçon du magasin s'est souvenu d'un incident survenu la veille : Un homme, environs la cinquantaine, circulait dans les allées en recherchant un poulet par lui égaré.
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Hamid et le loup.
En temps normal, il faut il faut une heure pour rejoindre cette petit ville. La route sinueuse traverse la montagne haute et brumeuse. La région est peu habitée. Quelques rares maisons éparses, tout en bas, se dérobent aux regards. Hamid conduit calmement sa voiture, en surveillant le ravin profond à gauche de la route. Il bavarde avec son frère. Les essuie-glaces chassent les premiers flocons de neige. Soudain, en face, à quelques mètres, un loup. Surpris puis apeuré, l’animal regarde la voiture en face de lui, les contrebas ravineux à sa droite, et à sa gauche, les flancs rocheux se dressant à la verticale. Son choix est vite fait. Il fait demi-tour et détale de toutes ses forces. Ses pattes glissent et patinent sur l’asphalte déjà enneigée Les deux frères éclatent de rire. Hamid accélère. Le loup coure à perdre haleine, mais il entend le bruit de la voiture se rapprocher. Alors son instinct ou sa raison lui dictent la seule solution qui reste. Il plonge à gauche et
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dévale la pente abrupte au risque de se casser les os. Dans la voiture, la joie est à son comble. Le trajet se poursuit dans la bonne humeur. La neige continue à tomber. Lorsque les deux frères arrivent à la maison, il fait encore jour. La femme de hamid n’est pas rentrée. Deux fois par semaine, avec d’autres malades, elle doit se rendre en ambulance dans la ville voisine pour des soins médicaux qui durent depuis plusieurs années. Au fur et à mesure que la neige tombe, que le jour décline, l’inquiétude de Hamid monte. Il passe en revue toutes les hypothèses : une panne de l’ambulance, la route coupée par la neige… Alors il remonte dans la voiture et décide de refaire le trajet inverse, seul. A mi-chemin, le véhicule ne peux plus avancer dans la neige amoncelée sur la route. Une nuit blafarde enveloppe rapidement la montagne. Hamid comprend que l’ambulance aussi est bloquée et que les passagers ont étés recueillis par quelque famille paysanne. Il sort de la voiture et avance de quelques pas. Le froid lui mord les oreilles. Il lui semble apercevoir deux ou trois maisons, tout en bas. Alors il
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entreprend de descendre la pente enneigée. C’est difficile de progresser parmi les rochers glissants et dangereux. Soudain, une pensée lui glace les genoux : le loup.
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Le car
Ce matin, avant de sortir il avait regardé par la fenêtre et interrogé le bout de ciel. Il lui avait semblé que la journée serait ensoleillée. Et à présent il était trop loin de la maison pour retourner chercher un parapluie. Le temps d’arriver à la station des cars, il serait mouillé. Il remonta le col de sa veste et pressa le pas en baissant la tête pour affronter le léger vent d’est. La pluie, silencieuse et très fine lui mouillait déjà les cheveux. Involontairement, il regardait l’heure presque toutes les minutes. Le froid mordait sa main gauche chaque fois qu’il la sortait de sa poche pour consulter sa montre. Le chemin n’offrait aucun abri. D’ailleurs, il ne pouvait pas se permettre de rater l’unique car matinal. Il se mit à courir. Il rythmait ses pas et les lointains aboiements. Il aurait voulu étouffer le bruit de ses chaussures sur la terre battue. Il ralentit l’allure pour calmer sa poitrine et faire moins de bruit. Enfin les premières lumières de la station de car. Une heure de trajet et il
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pourrait rejoindre son travail. Dorénavant, il sortirait plus tôt de la maison et se couvrirait mieux afin de ne pas tomber malade. Il avait tellement eu de difficulté à trouver cet emploi et il ferait tout pour le garder. Il était le premier arrivé à la station et le car n’y était pas encore. Encore un coup d’œil à la montre pour s’assurer qu’il n’était pas en retard. Il n’était que six heures du matin. Il se protégea un peu du vent derrière un poteau et attendit. C’est curieux qu’il n’y ait personne et même pas de car. Il réfléchit un instant et se tapa brusquement le front avec le plat de sa main. C’était vendredi. Ce n’était que le lendemain, samedi, qu’il reprendrait le travail. L’angoisse de perdre son travail avait détraqué l’horloge de sa tête.
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Hamoud et sa mère
Hamoud et sa mère. Hamoud ou sa mère. Est-il seulement possible de parler de Hamoud en quelques lignes sans une incursion sous le voile de la mère ? Il y a tellement de petites histoires et d’événements entremêlés. Alors on fait comme le tailleur de rosier : on coupe, on élague, on réduit les pousses, on rabat les branches, on raccourcit les rameaux pour ne laisser que quelques bourgeons. A présent Hamoud a 14 ans. Calme, intelligent, studieux il grandit paisiblement aux cotés de sa mère. Il ne connaît pas son père et n’en porte pas le nom. Il y a cinq ou six ans, il apprit la mort de son père, se posa quelques questions puis reprit le cours de sa vie sans rien savoir de ce père inconnu. Sauf le nom. Croyant bien faire et sans doute pour le protéger, la mère ne confia à son fils que quelques généralités au sujet du père. Il s’en contenta. Jusqu’à cette annonce qu’il lut d’abord distraitement sur internet. Le message, émanant d’une jeune fille de 28 ans et résidant à New York recherchait des cousins et cousines portant le même nom.
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Le nom de son père. Par curiosité, Hamoud répondit au message. Le contact est établi. Le soir même un échange approfondi se déroula entre la jeune américaine et le petit français. Stupéfaction : La jeune fille et le petit garçon sont frère et sœur, nés du même père. Hamoud découvre également qu’il a un frère, âgé de 23 ans et habitant une ville à deux heures de train. L’entretien avec la sœur dura toute la nuit et une partie du lendemain. La jeune fille aussi ignorait l’existence de son frère. En fait, les deux mères, par un accord tacite, et bien que sachant tout, dissimulaient la vérité à leurs enfants. Pour Hamoud et durant cette longue veille, une lueur éclaira un peu ce père enténébré par le reniement et la mort. Contrairement au garçon qui ne l’a jamais connu, la jeune fille a vécu auprès de son père et le portrait qu’elle en fit jeta le trouble dans l’âme et l’esprit de Hamoud. Selon elle, même le décès paternel est entouré de mystère. Hamoud ne reprocha rien à sa mère. Avec son calme, sa gentillesse et sa douceur habituelle, il lui dit simplement : « maman ! Ne me fais plus d’embrouilles. »
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Le ftaïri
Assis en tailleur sur son établi, au milieu des grandes casseroles et des réchauds, le père dessine des cercles audessus de l’huile bouillante. La pression de son index sur le bout de l’entonnoir laisse couler la quantité exacte de pâte molle. Le mélange grésille dans un bruit de friture et prend rapidement une teinte dorée. Ce matin l’homme s’est levé aux premières lueurs. Il a fait ses ablutions et sa prière dans la chambre qu’il partage avec son fils, à la sortie de la ville. La pièce est petite, sombre, mais propre. Deux caisses en bois servent à la fois de lits et d’armoires. Quelques vêtements sont accrochés aux murs. Le père sortit et referma la porte basse sans un regard pour le jeune homme endormi et encore épuisé par le travail. La clarté blanchâtre annonçait une journée encore plus chaude que la veille. Il savait qu’il ne rencontrerait personne sur le chemin et cela lui convenait, sachant la hauteur dédaigneuse que les gens expriment à l’égard des étrangers en général et des noirs tunisiens en particulier.
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Durant ce ramadhan arrivé en aout, toute la population reste dans les rues jusqu’à la fin de la nuit, profitant du moindre souffle de fraicheur. Hommes et femmes dorment tard dans la journée, pour éviter la chaleur et surtout la soif. Mais pour le vieil homme, c’est durant ce mois de jeûne, qu’il doit assurer l’essentiel des revenus nécessaires à la survie de sa pauvre famille. Alors qu’importent la fatigue et la soif. Ce matin, comme tous les matins de Ramadhan, il s’est rendu dans le minuscule réduit qui lui sert de boutique, a relevé le rideau métallique, nettoyé et disposé ses ustensiles selon un agencement établi depuis un quart de siècle. Au fond du magasin : La jatte, le réchaud, la marmite, la grande casserole, la louche et l’entonnoir ; près de la porte : le chaudron, l’égouttoir, les plateaux, la balance, le papier d’emballage et une petite caisse en bois avec deux compartiments, l’un pour les billets et l’autre pour les pièces de monnaie. Lorsque tout fut mis en ordre, il se lança dans ses préparations, en commençant par la plus importante et la plus demandée : la zlabia. Il
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délaya de la levure dans une tasse à moitié pleine d’eau. Il remplit la jatte de farine et y versa lentement l’eau. Il ajouta un peu de sel et pétrit longuement le mélange avec ses deux mains. Il s’arrêta de malaxer lorsqu’il ressentit aux bouts de ses doigts cette consistance familière indiquant que la pâte est à point. La jatte fut couverte d’un linge et mise de côté pour une longue période de fermentation. Plus tard, il y mettrait d’autres ingrédients, comme le safran, la cannelle, l’eau de rose et même du yaourt, dans des proportions connues de lui seul et qui faisaient de sa zlabia, la confiserie la plus recherchée de la région. Il entreprit la confection des autres gâteaux. Le soleil était déjà haut dans le ciel et une chaleur humide se répandait dans la pièce. Les rues étaient encore désertes, mais dans peu de temps les premiers clients commenceraient à venir. Alors il alluma deux réchauds à gaz préalablement garnis de récipients métalliques remplis d’huile. Pendant que l’huile chauffait, il prépara sur un troisième feu le sirop à base de sucre, d’eau et de citron. Il
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s’installa enfin sur son établi, les jambes croisées, une serviette sur l’épaule. Le fils entra, l’air ensommeillé, et en silence, debout, se mit à empiler les gâteaux sur les plateaux. Il s’était éveillé la bouche sèche et le front en sueur et avait eu bien du mal à se lever. Mais il y’ a tant à faire, et le vieil homme, tout seul, ne pourrait pas tout à la fois s’occuper de la pâte, des fourneaux, de l’égouttoir et de servir les jeûneurs. Invariablement, ces derniers se partagent en deux catégories : Ceux qui arrivent en milieu d’après-midi, en général des paysans, des ouvriers agricoles ou simplement des ruraux, leurs besognes achevées. Ceux-là sont habitués aux durs labeurs et supportent aisément la fatigue, la faim et la soif. Ils attendent tranquillement leurs tours pour être servis et ressentent de la compassion pour cette famille. Et il y a les autres, des citadins de fin de journée, souvent de jeunes gens oisifs, ayant déambulé toute la nuit, mangeant des sucreries, buvant du thé et fumant la chicha jusqu’à l’aube. Ils s’endorment alors et ne se réveillent que lorsque le soleil
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eut disparu, revêtant d’ocre les collines à l’ouest, et annonçant la rupture du jeûne. C’est durant cette courte période qu’ils se ruent vers la petite boutique. Engourdis par le sommeil, déjà étourdis par la chaleur, le manque de tabac et de café, ils veulent tous être immédiatement servis. Pour ceux-là, jeûner n’est qu’un prétexte pour se livrer aux « olympiades de la bouffe ». Sur son établi semblable à présent à une fournaise, le père retourne ses volutes dans l’huile incandescentes, les maintient un instant avec la grande cuillère avant de les plonger dans le récipient contenant le sirop. Il s’essuie le visage et refait l’opération. Près de la porte, son fils, épuisé mais toujours silencieux, toujours debout, ruisselant, essaie de satisfaire les derniers clients qui se bousculent devant le magasin. Les anneaux de zlabia rouge sont vites retirés de l’égouttoir, pesés, emballés et remis aux mains tendues. Un jeune homme se fraye son chemin et ordonne d’un air mauvais : -
« Eh, toi, le noir, un kilo de zlabia ».
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-
« Un instant » répond poliment le fils.
-
« Sale tunisien » fulmine méchamment le jeune
homme.
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Escales
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Les canaris
C'est une petite boutique de viandes et poissons congelés. On y trouve aussi de la rechta, et lorsque c'est la saison, on peut également y trouver ces fruits rares qu'on appelle ici plaquemines et ailleurs kaki. Tout est toujours propre dans cette boutique. Le patron est occupé à hacher de la viande dans un gros hachoir électrique encastrée dans un coin, au fond de la boutique. L'air vibre d'un chant d'oiseaux, un chant pur, clair, agréable et qui domine tout autre bruit. A côté de la porte d'entrée une cage est accrochée au mur. C'est d'ici que viennent ces sons qui inondent le local et sortent dans la rue. Deux petits oiseaux, jaunes comme des citrons, sautillent dans l'étroite cage. -Ce sont des canaris? - Oui, répond l'homme, en souriant et en manipulant sa machine. - Pourquoi ce carton qui divise la cage en deux compartiment ?
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- Pour séparer les deux mâles et éviter qu'ils ne se battent. - Ah. ce sont des mâles. - Oui bien sûr, les femelles ne chantent pas aussi bien. Insensibles à la discussion, les oiseaux continuent de rouler leurs gammes. Leurs pépiements harmonieux couvrent largement le ronflement du moteur. - Pourquoi chantent-ils donc autant ? - C'est la saison de la reproduction et ils appellent la femelle - Quelle femelle ? - Il y a une femelle dans une volière, derrière la boutique. - ….. - Je ne veux pas les coupler avec cette femelle. D'une part parce que c'est leur sœur et d'autre part, parce que je veux obtenir un mulet. - C'est quoi un mulet ? - C'est le croisement d'un canari avec un chardonneret. J'attends qu'on me livre un chardonneret pour procéder à l'accouplement.
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D'habitude peu bavard, l'homme traduit le langage des signes que les oiseaux lui envoient. Lorsque vous regardez ces deux minuscules boules de plumes et que la mélodie de leur ramage, limpide comme les sons d'une flûte, enchantent vos oreilles, vous comprenez la passion du marchand pour ces passereaux qui tiennent à peine dans le creux d'une main et qui remplissent l'air de leurs trilles cristallines.
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La patate douce
Vous souvenez-vous de la patate douce cuite lentement dans la cendre encore chaude ? Ah le doux souvenir ! La mère surveille la cuisson de la galette, et de temps à autre, à mains nues, retourne les tubercules. En cercle autour du « canoun », les enfants se chauffent les mains pour calmer leur impatience. Voilà les premières plantes que l'on retire. Les unes sont arrondies, les autres allongées. Nul besoin d'un couteau pour enlever la fine pelure encore brûlante : Avec l'index et l'ongle du pouce on arrache la peau. Alors apparaît la chaire, rose, blanche, et encore fumante. Qu'il est bon ce légume qui ressemble à une pomme de terre mais n'en est pas une ! Il laisse sur la langue cette saveur tout à la fois farineuse, tendre et sucrée ; et dans notre mémoire la douceur de l'enfance.
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Mille-feuille
Si vous allez à Alger, chaque fois que vous allez à Alger, ne manquez pas de rendre visite à la librairie « Millefeuille » en face de la mosquée Errahma à la rue Khelifa Boukhalfa. L'enseigne, bien que discrète attirera déjà votre attention par sa subtile ambiguïté. Va –t-on se remplir la tête ou l'estomac ? La porte franchie, on est étonné de l'exiguïté de l'endroit, réparti sur deux petits niveaux. Vous vous rendrez rapidement compte de la richesse et de la diversité des titres qui occupent rationnellement les deux petits espaces de la boutique. Vous vous plairez à regarder la littérature siéger aux côtés de l'histoire, le roman trôner près de la poésie. Quelles que soient vos lectures vous trouverez votre bonheur. Trois ou quatre marches vous mèneront au deuxième niveau. Vous y serez accueilli par les regards et les sourires de personnages illustres d'ici et d'ailleurs : En face, bien en évidence, les photos de Mouloud Feraoun, Kateb Yacine, Mohamed Dib et d'autres
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encore. A droite, une photo de l'Abbé Pierre, magnifique de générosité et d'humanisme. Et sur les murs, sur presque tous les murs, des phrases, des mots : Des lapsus, des perles, un trésor de délicieuses confusions, de bourdes succulentes. Au fil du temps, les maîtres du lieu ont patiemment recueilli ces joyaux et les ont consignés, à la main, sur les murs de leur boutique. C'est avec gentillesse qu'ils vous feront partager les joies de ce recueil géant. Vous rirez beaucoup grâce à ces proverbes, ces phrases célèbres ou ces expressions, dont une malencontreuse coquille, commise de bonne fois, a changé complètement le sens. Les yeux brillants, vous vous surprendrez à rechercher et à reconstituer la formule originelle. Le rire et la réflexion fusionneront dans une alchimie particulière. Et vous replongerez dans les livres. N'hésitez pas à engager la discussion avec le libraire. Ce libraire-là a lu beaucoup des ouvrages qu'il expose. C'est en fin connaisseur qu'il vous parlera de Anna Gavalda, de Amin malouf, de Cheikh Abderrahmane El Mejdoub ou d'autres romanciers, d'autres poètes. Si vous avez un peu de
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chance, vous assisterez à une séance de dédicace. Il arrive aussi que des poètes déclament leurs œuvres. Vous-même, si le cœur vous en dit, pourrez lire ces vers, que les rayons déclinent au masculin, au féminin, au collectif, au classique ou au moderne. Aimerez-vous avoir des nouvelles de votre écrivain préféré, d'un homme de lettre ou d'un artiste ? Il se trouvera peut-être quelqu'un pour vous parler de Yasmina Khadra dans son centre culturel, ou de Halim Zenati, ce photographe génial, parti au Brésil, trimbaler sa sensibilité à fleur d'objectif. Alors les textes prendront pour vous un autre aspect. Un peu comme on mange un fruit cueilli sur un arbre. Vous retrouverez l'envie de lire, la joie de lire et vous penserez comme Penac que « le temps de lire, comme le temps d'aimer dilate le temps de vivre »
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Le Stylo
Tout comme un homme, le stylo monte, descend, s’arrête, se couche. Il parcourt la feuille comme on parcourt la vie. Il hésite, reprend son souffle et repart. Il traverse les lignes comme des années, les mots comme des jours. Les unes comme les autres, sont franchis au bout de mille peines et de mille joies. Autant de stylos que de vies, autant de vies que de feuilles. « Les feuilles mortes se ramassent à la pelle….. » Le stylo avance, peu importe vers où. «Laissez parler les p'tits papiers, à l'occasion papier chiffon, puissent-ils un soir, papier buvard, vous consoler». Parfois il se retourne sur une portion de trajet, l’observe, l’évalue. Selon les cas, il s’en réjouit ou la déplore. Alors il barre un mot, déplace une virgule ou supprime une ligne. Le stylo glisse avec aisance sur le chemin des jours quand un bon vent gonfle la voile, ou s’écorche sur les mots acérés d’une phrase ardue.
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Qui nous dira l’âme du stylo au seuil d’une page vierge ? Il sera peut-être d’humeur légère, guilleret, résolu, la fleur au fusil jusqu’au point final. Il lèvera la tête au ciel, abattu, épuisé à la seule pensée des montagnes à franchir. Ou alors, il posera un pied, lentement, la peur au ventre, la sueur au front, comme on traverse un champ de mine ; ensuite l’autre pied, étonné d’être encore debout, mais déjà effrayé par le prochain pas. Que nous dira le stylo au seuil d’une page blanche ? Que la mère est heureuse « apprenant que son fils est guéri » ; que l’âne a mal, « qui reçoit des coups de pied au ventre ». Il suera toute son encre à nous raconter la joie de l’une et la peine de l’autre. Le stylo s’habille de tous les visages. Il est toi, il est nous, il est je. C’est le ravissant minois de l’élève appliqué. C’est la frimousse rieuse de ce gamin espiègle. C’est la face soucieuse de l’homme que l’on juge et la figure ravinée du vieillard résigné.
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Tour à tour, et souvent tout à la fois, le stylo est docile, rebelle, fidèle, implacable. Il se soumet à vos pensées et les parsème en phrases fluides et claires. Mais il peut aussi vous bâillonner et encager le cri qui vous étouffe. Il dessinera l’aube apaisée de vos longues soirées d’hiver. Il tracera la ligne de vos certitudes.
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Poésie
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Réveil
Que le jour semble loin, dans cette aube hivernale Et ce matin qui n'en finit pas de naître. Et pourquoi dans nos tête, ce mélange infernale Qui marie les contraires et trouble tout notre être ? La laideur dans les rues, ta beauté et ta grâce La misère et le froid, l'éclat de ta lumière En images alternées, se cèdent sans cesse la place Sans que ne se dessine une quelconque frontière. Marchons dans la ville qui accouche lentement De cet instant confus, ce moment indécis Quand la nuit et le jour dans leur accouplement Dessinent un clair-obscur aux contours imprécis. Regarde, sous les ponts, les escaliers, les arcades. Regarde les tous, vieillards usés, infirmes, mendiants Accrochés au sommeil, désespérés, malades Et prolonger le rêve dans l'assoupissement. Les fauves du matin blême s'acharnent sans répit Sur cette humanité au bord de l'épuisement 51
Et qui tente de noyer sa peine et son dépit Dans la torpeur brumeuse de l'engourdissement. Sens, sens, les odeurs acres et les relents fétides Exhalés par ce monde en décomposition. Les ordures, les immondices, dans la brume humide Enveloppent les dormeurs de leurs émanations. Bien sûr, les jardins, les parfums et la musique Exaltent, louent et chantent l'harmonie de ta splendeur. Mais par-dessus le murmure de ton charme magique Une foule, déchue, misérable, hurle sa douleur. Ecoute : une vielle femme tousse le feu de sa poitrine Et raconte aux cendres, les débris de sa vie. Entend : un petit chat blessé pleure de famine Mais nulle mère alentour, ne répond à ses cris. Il y a les oiseaux, dis-tu. Il y a la douceur Et les étoiles, et la féerie des rires d'enfants. Les fleurs s'enivrent et dansent au rythme des couleurs Dans l'éternelle ronde enchantée des saisons.
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Le sourire
Il pleuvait ce jour-là et le ciel larmoyait C’était la mi- printemps mais les arbres étaient noirs En cette heure matinale vous auriez pu croire Que la ville, dans un voile ténébreux s’est noyée. Une fille est morte qui n’a que vingt-deux ans. Elle aimait bien la vie sans la connaître bien. Le temps indomptable continue son chemin. La fille qui est morte n’avait que vingt-deux ans. Le silence ce jour-là avait l’étrange saveur D’une sirène de bateau ou d’un glas qui sonne, D’un appel déchirant qui dans les cieux résonne Et semble supplier : je veux vivre O Seigneur. !
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La douleur et le vent d’un mystérieux accord, Faisaient courber la tête à cette foule en deuil Qui pleuraient sous la pluie derrière le lourd cercueil De celle qui, la veille, heureuse, riait encore. Quand au fond d’un tombeau le corps s’en alla Et qu’une dalle de granit l’eut a jamais couvert Les hommes en procession, vers la ville s’en allèrent, Coupables d’être encore alors qu’ELLE n’est plus là.
La nature se complait parfois à effacer Une nymphe naissante qui eut pu l’embellir. D’une image du bonheur, une fille d’avenir, Nous qui sommes présents, nous parlons au passé. Un départ avant l’heure laisse un goût si amer, Qu’à la face du temps je dirai si j’ose Que le temps bien souvent brise l’ordre des choses Et fait que l’enfant soit pleuré par la mère.
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Et pendant que chacun de ceux-là qui cheminent S’en allait tristement vers des jours incertains Un sourire turquoise servira de festin A la poussière, le sable, les vers et la vermine. Le temps se chargera d’estomper peu à peu Ce rêve inachevé à l’aube d’un mois d’avril, Et l’on ne verra plus désormais dans la ville, Ces yeux qu’on aimait tant, les connaissant si peu. Mais au fond de nos cœurs vivra le souvenir D’un regard azuré, d’une image, d’une voix Et d’une ombre voilée entrevue quelques fois Et que l’on ne pouvait appeler que sourire.
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Il suffit seulement
Pour que les poèmes refleurissent dans Le jardin de nos cœurs, Pour que la faux de l’espoir sarcle Les herbes sauvages de l’ennui, Pour que la sève d’un sourire redonne Vie aux racines de nos joies Pour que germent les épis du bonheur Dans les sillons de nos futurs, Pour que le vent et la foudre brisent L’arbre de nos nuits Et pour que le soc de l’amour enfouisse A jamais Nos fatigues, nos douleurs et Nos peurs, Il suffit seulement….
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Vouloir
Vouloir construire des courbes Qui ne voudront rien dire Pour personne. Vouloir que nos pensées et nos rêves Eclatent en en un feu d’artifices Qui illuminera le ciel noir de nos peurs. Vouloir que nos cœurs explosent En mille chansons célestes. Vouloir ne plus dormir Et dériver indéfiniment Sur les flots de la musique. Vouloir se dissoudre Dans toutes les couleurs présentes et à venir. 57
Et vouloir être l’heureux spectateur D’une ronde ou se tiennent par la main La musique, la bonté, l’amitié, les couleurs Le pardon et la liberté.
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L‘oubli
Le silence résonne Sur l’enclume du vide Pour forger l’oubli. La conscience est au cauchemar Ce que le rêve est à nos misères. Je rêve de forêts vertes, et de champs fleuris. De sourires Dans les yeux d’enfants Et de gens qui s’aiment. Mais L’oubli, bien souvent Trébuche sur un souvenir. L’oubli, bien souvent 59
Se cogne à un regard. L’oubli, bien souvent Se blesse à une chanson. L'oubli, bien souvent Se heurte à un prénom. L’oubli, bien souvent Se tourmente Sur les vagues affolées D’un air de guitare. L’oubli, bien souvent Oublie d’oublier Que des amours fragiles En des matins glacés Accouchent en pleurant 60
D’affres abhorrées Féroces et cruelles Comme la solitude.
61
Articles 62
INTRODUCTION A L’AGRICULTURE BIOLOGIQUE.
Toutes les définitions relatives à l’agriculture biologique font référence au respect des cycles biologiques des cultures et à l’absence d’intrants de synthèse ou contenant des organismes génétiquement modifiés. Les produits bio sont exempts d’adjonctions chimiques et non manipulés génétiquement. L’agriculture biologique se fonde sur des valeurs telles que la santé et le respect de la nature dans son sens le plus large.« L’agriculture biologique doit être l’étalon-or des bonnes
pratiques
culturales
respectueuses
de
l’environnement » Les produits bio reposent sur un ensemble de règles, de directives et de principes spécifiques, appliqués à tous les niveaux de la filière : production, transformation, transport, distribution… Ces règles sont définies à l’échelle mondiale, européenne et/ou nationale par des organisations internationales, des
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états ou des organismes reconnus. Les principaux acteurs de définition de ces règles sont la FAO, l’OMS, le codex alimentarius, l’IFOAM, le conseil des ministres de l’UEE, les ministères (en général de l’agriculture) des états et les organismes certificateurs homologués. Toutes ces règles et ces directives tendent à :
Maintenir un équilibre entre les plantes cultivées, les animaux et leurs environnements.
Produire des denrées alimentaires de haute valeur nutritive.
Interdire les fertilisants chimiques de synthèse et veiller plutôt à l’activité biologique des sols et l’enrichissement de leur fertilité par l’utilisation de matière organique et la rotation de cultures compatibles, complémentaires et résistantes.
Exclure tout herbicide, lui préférer la lutte manuelle, mécanique ou thermique et mettre l’action sur la prévention.
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Ne pas utiliser les organismes génétiquement modifiés et les produits qui en sont issus.
Eviter de soumettre les produits à des rayonnements ionisants, des irradiations ou des régulateurs de croissance.
N’utiliser que des semences, plants et matériels de multiplication végétative provenant d’exploitations biologiques et n’ayant pas subi de manipulation génétique.
Préserver la bio-diversité au sein d’un écosystème en équilibre écologique stable.
Mener des élevages selon des techniques qui tiennent compte du bien-être et des besoins physiologiques et éthologiques des animaux.
Nourrir les animaux essentiellement avec des aliments biologiques et limiter le recours aux antibiotiques.
Reproduire les animaux par des méthodes naturelles ou par insémination artificielle et ne pas recourir aux
65
transferts
d’embryons
et
aux
manipulations
génétiques. Parlant de l’agriculture biologique, le professeur Francesco Panese de l’Université de Lausane dira : « Ainsi, il y a d’abord le souci de soi, puis le souci de la nature et enfin le souci du monde. Ces trois soucis convergent ». L’agriculture biologique puise ses idées fondatrices dans différents
mouvements
comme
la
biodynamie
et
l’agriculture organique. Ces mouvements sont apparus un peu partout en Europe et aux Etats-Unis d’Amérique. Nous les devons à des précurseurs tels que Rudolf Steiner, philosophe autrichien qui jeta les bases de l’agriculture bio dynamique en 1924 ou Sir Albert Howard dont le « testament agricole » inspira en 1940 le courant de l’agriculture organique. D’autres pionniers, médecins, agronomes, agriculteurs, consommateurs, écologistes, réagirent aux effets néfastes des produits chimiques et prirent diverses initiatives. Nous citerons parmi ces hommes :
66
Les Français, Raoul Lemaire, agriculteur, Jean Boucher et André Louis, agronomes ainsi que Matteo Tavera.
Le scientifique américain Rachel Carlson et son célèbre ouvrage « le silence des oiseaux » par lequel il dénonce en 1960 les conséquences des pesticides.
La même époque vit naître des associations comme la GABO (Groupement d’agriculture biologique) ou encore « Nature et Progrès ». En 1972 est créée l’International Fédération Of Organic Agriculture Movement. La destruction des écosystèmes, la pollution des nappes phréatiques, les scandales relatifs à la crise de la vache folle (ESB), à la dioxine, la controverse autour des OGM et même du clonage font hisser l’agriculture biologique d’un simple mouvement de société à un véritable mode de production. Les
consommateurs,
notamment
ceux
des
pays
développés, s’impliquent davantage dans les filières
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agroalimentaires, manifestent le souci et expriment la demande croissante d’une alimentation saine, indemne de pesticides, colorants, conservateurs et hormones. Certains auteurs parlent de « consom’acteurs ». Les médecins mènent des études et établissent parfois des relations entre les produits de l’agriculture conventionnelle
et
les
maladies
dégénératives,
fonctionnelles récidivantes ou chroniques. Et et
enfin,
les
pouvoirs
publics,
nationaux
transnationaux, mettent en place des cadres
réglementaires, de la production à la commercialisation des produits bio. Certains Etats assortissent leurs réglementations
de
véritables
programmes
de
développement et de soutien de l’agriculture biologique. Contrairement à une idée largement répandue, ce mode de production n’est pas un retour à l’agriculture traditionnelle. Il nécessite des notions agronomiques approfondies et repose sur des méthodes très élaborées. Les exploitants sont en général des jeunes bien formés
68
qui compensent les produits chimiques par des connaissances techniques.
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SOUTIENS ET SUBVENTIONS AGRICOLES
Lorsque l’on parle d’actions des autorités publiques en agriculture, nous rencontrons fréquemment les termes de subvention, de soutien, d’aide et d’indemnités. Ces termes font l’objet de définitions détaillées, mais pour les besoins de ce travail, arrêtons-nous à ces quelques éclairages. Une subvention est toujours une dépense publique qui ne doit pas être confondue avec le soutien qui « est un concept plus large que subvention » et qui n’est pas toujours une dépense publique. Les droits douaniers par exemple, sont une recette pour
le pays importateur et une mesure de
soutien pour les producteurs de ce pays. Selon les politiques suivies, les subventions s’étendent sur une large gamme d’objectifs. Elles peuvent être directement ou indirectement liées à la production, à l’exportation, à l’utilisation d’intrants, à l’irrigation, à la commercialisation ou la mise en œuvre de mesures agro-environnementales. Elles peuvent être calculées par zone, par exploitation, par surface, par tête de bétail ou pour des quantités produites. 70
Elles garantissent des revenus aux producteurs, des prix aux consommateurs ou plus globalement la sécurité ou la souveraineté alimentaire. Les mesures de soutiens sont diversement appréciées selon que l’on soit décideur, producteur, consommateur ou simplement contribuable. La complexité du sujet est à la mesure des polémiques qu’il suscite aussi bien à l’échelle d’un pays que dans les négociations commerciales internationales. Les politiques agricoles assignent souvent aux subventions des objectifs et leurs contraires. C’est ainsi qu’on les souhaite tout à la fois transparentes,
ciblées,
efficaces,
adaptées,
flexibles,
équitables, découplées et sans effet de distorsion du marché. La controverse touche également les instruments de mesure des subventions et des soutiens. Les indicateurs de l’OCDE étant les plus utilisés, en voici les principaux :
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L’estimation du soutien aux producteurs (ESP) : c’est le plus fondamental des indicateurs utilisés. L’estimation du soutien aux consommateurs (ESC) L’estimation du soutien aux services d’intérêt général (ESSG) L’estimation du soutien total (EST)
L’OMC, quant à elle, utilise plutôt la mesure globale de soutien (MGS). Et enfin, selon ce que l’on veut illustrer, les subventions sont exprimées en pourcentage du PIB, du PIB agricole, des recettes ou du revenu agricoles. Les derniers bilans font ressortir que le budget global alloué au secteur de l’agriculture (fonctionnement, équipement et tous les soutiens) durant toute la période du PNDA est évalué à 399.7 milliards de dinars. Cela donne une estimation de 49 euro par hectare et par an. Le soutien moyen direct aux agriculteurs de l’union européenne est 72
de 288 euro par hectare et par an soit 5.8 fois plus. Cela sans compter toutes les autres formes d’intervention. Pourtant, en Algérie le secteur agricole contribue pour 10 % dans le produit intérieur brut et occupe 25 % de la population active contre respectivement 1.6 % et 5.2 % pour l’Union Européenne. Il faut enfin préciser que si dans l’Union Européenne et les autres pays de l’OCDE, les subventions agissent sur les revenus des exploitants agricoles, en Algérie, les soutiens sont essentiellement destinés à des investissements dans la ferme. En matière de soutiens agricoles les chiffres qui vont suivre ne rendront donc compte que partiellement de l’énorme écart entre l’Algérie et les pays développés.
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Estimation du Soutien aux Producteurs (ESP) par pays En pourcentage des recettes agricoles Pays
ESP en % des RA
Islande
66,23
Norvège
66,22
Suisse
65,78
Corée
63,03
Japon
54,71
UE
33,71
Turquie
24,13
Canada
21,81
USA
14,34
Mexique
14,17
Sources : les politiques agricoles des pays de l’OCDE.
74
En Algérie ce pourcentage est évalué à une moyenne de 5 %.
75
Estimation du Soutien aux Producteurs (ESP) par pays. 2004/2006 En pourcentage des recettes agricoles
70
60
50
40
30
20
10
0
Il s’agit de l’estimation du soutien aux producteurs. L’écart entre l’Algérie et les autres pays figurant dans le graphe serait encore plus grand si l’on tenait compte de tous les autres soutiens octroyés à l’agriculture dans ces pays. En pourcentage des recettes agricoles, l’Islande, la Norvège et la Suisse occupent le haut du tableau.
Par contre, en valeur absolue, l’agriculture de l’Union Européenne et celle des Etats Unis sont les plus subventionnées dans le monde comme l’illustre la figure suivante.
Indicateurs du Millénaire: 'Subventions agricoles dans les pays de l’OCDE-2005. Algérie : Moyenne annuelle durant le PNDA (en millions de $US) 160 000
140 000
120 000
100 000
80 000
60 000
40 000
20 000
0 UE
USA
Japon
Corée
Turquie
Canada
Mexique
Suisse
Norvège
Australie
Algerie
Les pays de l’OCDE subventionnent leur agriculture à environs un milliard de dollars US par jour. Le budget de la Politique agricole commune (PAC) représente 40% du budget de l’Union européenne et « chaque vache de l'UE est subventionnée à 2,2 € par jour, soit plus que ce qu'ont pour survivre 2,8 milliards d'êtres humains selon la Banque mondiale! ». Il est important de signaler que l’agriculture dans ces pays est soutenue de longue date et dans de plus importantes proportions et que ces subventions sont remises en cause dans le cadre des négociations commerciales traitées à l’OMC.
A titre d’exemple, entre 1999 et 2003, les agriculteurs de coton nord-américains ont reçu 13.9 milliards USD, ce qui représente un taux de subvention de 89.5%. En Algérie, le soutien à l’agriculture n’a pris de l’importance que depuis la mise en œuvre du PNDA c’est à dire en 2001.
Selon un rapport officiel, paru en novembre 2007 le montant moyen des subventions en France était de 27 440 € par exploitation agricole en 2005. Les plus subventionnées sont les céréaliers (43 106 € par an) et les éleveurs de bovins ( plus de 38 000 € par an). En Algérie, d’après nos calculs, le montant annuel moyen des subventions durant toute la période du PNDA atteint
à peine 750 € par exploitation
soutenue. Plus de 60 % de ces subventions sont des investissements destinés à la mobilisation des ressources hydriques. Un dernier point à souligner : L’organisation Oxfam
international a
largement montré et dénoncé les « énormes inégalités dans les dépenses relatives à l’agriculture qui existent au Royaume-Uni, en Espagne, aux PaysBas, en Belgique, au Danemark, en Slovaquie » et en France. La plupart des petits agriculteurs - environ 90% d’entre eux - obtiennent seulement 17% des subventions. En Algérie, 75 % des exploitations bénéficiant du soutien FNRDA ont moins de 20 hectares
En conclusion, les subventions accordées aux agriculteurs algériens restent très faibles en volume et relativement au produit intérieur brut agricole en comparaison de ce qui se pratique dans les pays de l’OCDE. Par ailleurs la répartition de ces subventions est moins inégalitaire qu’il n’y paraît à première vue.
Bibliographie Politiques agricoles des pays de l’OCDE -- suivi et évaluation. Le soutien à l’agriculture : comment est-il mesuré et que recouvre-t-il ? Le découplage du soutien à l’agriculture : synthèse OCDE . février 2007. Danielle Beaugendre : LES MAINS VIDES - octobre 2003 L'agriculture dans l'Union européenne- Informations statistiques et économiques 2006. Le rapport d’OXFAM INTERNATIONNAL sur les subventions agricoles – juin 2005. Synthèse du GREDAL.