Les oscillateurs couplés Un exemple d’utilisation de l’algèbre linéaire en physique
Par J-M Lemasquerier IPEST Tunis Les phénomènes de couplage (ou interaction) entre plusieurs systèmes sont fréquents en Physique. L’algèbre linéaire est alors souvent un outil d’étude privilégié. Les dénominations employées pour décrire les systèmes couplés sont ainsi directement issues du vocabulaire de l’algèbre linéaire.
Exemple On considère deux oscillateurs à ressorts. Ces deux oscillateurs sont couplés par un ressort central.
k 1
k 2
m
k 3
m
x 1
x 2
On désigne par x1 et x2 les déplacements par rapport aux positions à l'équilibre des deux masses. Le principe fondamental de la dynamique appliqué successivement à chaque masse conduit à un système de deux équations différentielles couplées : m x1 = − k1x1 + k2 ( x2 − x1)
m x = − k ( x − x ) − k x 2 2 1 3 2 2
(Σ )
Les conditions initiales x1 ( 0), x2 ( 0), ) , x1 ( 0) et x2 ( 0) sont supposées connues. On prendra : x1 (0)
= 1,
x2 (0)
= x1( 0) = x2 ( 0) = 0
: les masses sont initialement immobiles et la masse 1 est écartée d’une unité de
longueur.
k1 + k 2 m
= 6 s −2 ,
k2
+ k 3 m
= 3 s −2
et
k 2 m
= 2 s −2 : le ressort n°1 est plus raide que le n°2 lui même plus raide que le
n°3. Le système peut s’écrire sous forme matricielle :
x1 x = M 1 = x2 x2
avec
k 2 − k1 + k 2 m m M= k2 + k 3 k 2 − m m
Découplage du système Pour résoudre le système, on va le découpler, c’est-à-dire trouver deux combinaisons linéaires de x1 et x2:
y1 = a11 x1 + a12 x2 y = a x + a x 2 21 1 22 2
telles que:
y1 = λ 1 y1 y = λ y 2 2 2
La solution en y1(t) et y2(t) est aisée à exprimer et on en déduit la solution en x1(t) et en x2(t). Pour l’exemple proposé,
− λ 1 et − λ 2
représentent les pulsations propres du système d’oscillateurs couplés.
Remarquons que les pulsations propres peuvent être trouvées directement en écrivant que les deux masses vibrent sinusoïdalement à la même pulsation. Le système (Σ) s’écrit en utilisant la notation complexe :
− mω 2 x1 = − k1 x1 + k 2 ( x 2 − x1) (Σ ) − mω 2 x 2 = − k2 ( x2 − x1) − k3 x2 Ce système n’admet des solutions non nulles que pour deux valeurs de ω : les deux pulsations propres du système ω1 et ω2.
Utilisation de l’algèbre linéaire On pose x
= x1ex1 + x2 ex 2 .
x1 x = M 1 montre que M est la matrice de l’opérateur linéaire f tel que x2 x2 y1 a11 a12 x1 x1 Le découplage se fait en écrivant: = = Q . y2 a21 a22 x2 x2 ex1 = a11e y1 + a21e y 2 y1 et y2 sont les coordonnées de x dans une nouvelle base (e y , e y ) avec: 1 2 ex 2 = a12e y1 + a22e y2 L’écriture matricielle du système
( ) dans la base (e y , e y )
(
x = f ( x)
)
Q est la matrice de passage de la base e y , e y à la base e x , e x , c’est-à-dire la matrice dont les colonnes sont 1 2 1 2 les composantes de e x , ex 1 2
1
2
(voir annexe I)
Les solutions y1(t) et y2(t) étant trouvées, on exprime x1(t) et x2(t) à l’aide de
(ex , e x ) à la base (e dans la base (e x , e x ) .
passage de la base
e y1 et e y2
1
2
1
y1 , ey 2
x1 y1 = P où P=Q-1 est la matrice de x2 y2
) c’est-à-dire la matrice dont les colonnes sont les composantes de
2
On veut que ey vérifie: 1
f ( ey 1 ) = λ 1ey 1
et que e y vérifie: 2
f ( ey 2 ) = λ 2 ey 2
e y1 et e y 2 sont deux vecteurs propres associés aux valeurs propres λ 1 et λ 2 de f
Recherche des valeurs propres On résout en λ f ( u) = λ u soit (M − λ I)( u) = ( 0) avec u non nul. Les valeurs de λ possibles sont les valeurs propres racines du polynôme caractéristique Det (M-λI)=0.
Pour l’exemple étudié, avec M =
2 − 6 2 − 6 − λ = 0 conduit à , − 3 − λ 2 2 − 3
λ 1 = −2 λ = −7 2
Remarque : les valeurs propres de M sont toujours négatives et distinctes (sauf si k 2=0 et k 1=k 3)
Recherche des matrices de passage P et Q A11 A11 A11 λ 1 Cherchons par exemple e y = . On veut f ( e y ) = λ 1ey , soit M = 1 1 1 A12 A12 A12 A11 0 Cela revient à résoudre le système linéaire dégénéré: ( M − λ 1I) = , ce qui ne pose pas de problème : A12 0 a12 ou tout autre vecteur proportionnel plus facile à exprimer. ( a11 − λ 1) A11 + a12 A12 = 0 conduit à e y = 1 − (a11 − λ 1) Le même procédé est utilisé pour trouver e y et on obtient la matrice de passage P de la base 2
(ey
1
)
, ey 2 .
La matrice de passage Q nécessaire pour définir les fonctions y1(t) et y2(t) s’obtient en inversant P
(e x
1
)
, e x2 à la base
Solution de l’exemple proposé Pour l’exemple étudié, on trouve e y 1
Le système s’écrit:
1 = et 2
ey2
−2 1 −2 = , d’où P = et 1 2 1
1 −1 = 5 Q=P − 2 5
2
5 1 5
y1 = λ 1 y1 = − 2 y1 y = λ y = − 7 y 2 2 2 2
avec les conditions initiales
1 y1(0) x (0) = Q 1 = 5 y2 (0) x2 (0) − 2 5
y1 ( 0) x ( 0) 0 = Q 1 = y2 ( 0) x2 ( 0) 0 y (t ) = 1 cos(ω t ) 1 1 5 d’où y2 (t ) = − 2 cos(ω 2t ) 5 et
x ( t ) = 1 cos(ω t ) + 4 cos(ω t ) 1 2 x1 ( t ) y1 ( t ) 1 5 5 = P ⇒ x2 ( t ) y2 ( t ) ( ) = 2 cos(ω ) − 2 cos(ω ) 1t 2 t x2 t 5 5
et en définitive:
Les modes propres d’oscillations On observe un mode propre de l’oscillateur lorsque les deux masses oscillent avec la même pulsation. Un mode propre n’est observé que si y2(t)=0 ou (exclusif) y1(t)=0, c’est-à-dire en fait si x est un vecteur propre. On obtient cette situation avec des conditions initiales particulières :
y1(0) = y1(0) = 0 ou y (0) = y (0) = 0 2 2 Pour l’exemple proposé, le mode propre correspondant à lorsque
y2(t)= y2 (t) = 0,
x1(0) v v = P = x2 (0) 0 2v
d’où
x1( 0) = x2 ( 0)
ω=ω1 est P
obtenu
a a = et 0 2 a
où a et v représentent un déplacement et une
vitesse initiale arbitraires de la masse 1. Les deux masses oscillent alors en p hase comme le montre la figure.
De la même façon, le mode propre correspondant à y1(t)= y1(t) = 0,
x1( 0) = x2 ( 0)
P
d’où
0 − 2v = v v
ω=ω2 est
obtenu lorsque
x1( 0) 0 − 2b = P = et x2 (0) b b
où b et v représentent un déplacement et une
vitesse initiale arbitraires de la masse 2. Les deux masses oscillent alors en opposition de phase comme le montre la figure.
Phénomène de battements Le phénomène de battement est observé lorsque les deux pulsations propres sont voisines : l’amplitude de chacune des deux vibrations est lentement modulée (battements) Les courbes suivantes ont été obtenues avec les deux ressorts latéraux plus raides que le « ressort de couplage »:
k 1 m
= 10 s −2 ,
k 3 m
= 8 s−2 et
k 2 m
= 1 s −2
Les deux pulsations propres sont alors voisines: ω1=2,93 s-1 et ω2=3,38 s-1 On observe la transmission des oscillations de la première masse vers la seconde de façon périodique.
Annexe I : définitions des matrices de passage
(
)
(
)
Soit B= e x , e x une base de E (dite ancienne base) et B’= e y , ey une autre base de E (dite nouvelle base). 1 2 1 2 La matrice de passage P de B à B’ est par définition la matrice dont les colonnes sont les composantes de e y , e y selon 1
2
e x1 , e x 2 . P est une matrice inversible. Si
e y1 = a11ex1 + a21e x 2 e = a e + a e y 2 12 x1 22 x2
alors : P =
a11 a21
a12
a22
Formules de changement de base :
y1 x1 ses coordonnées dans B’. les coordonnées du vecteur x dans la base B et y x2 2 x1 y1 On a =P , ce qui nécessite d’inverser la matrice P pour obtenir les nouvelles coordonnées x2 y2 y1 -1 x1 -1 anciennes : =P où P est la matrice de passage de B’ à B. y2 x2 Soient
Annexe II : ordres MAPLE pour étudier l’exemple proposé > > > > > > > > > > > > >
restart: f:='f':g:='g': sys := diff(x1(t),t$2)=f, diff(x2(t),t$2)=g; fcns := x1(t), x2(t): condinitial:=x1(0)=-2,D(x1)(0)=-2,x2(0)=1,D(x2)(0)=1: f:=-k1*x1(t)+k2*(x2(t)-x1(t)); g:=-k2*(x2(t)-x1(t))-k3*x2(t); k1:=4:k2:=2:k3:=1: unassign(x1):unassign(x2): solution:=dsolve({sys,condinitial},{fcns}); solutionnumerique:=evalf(solution); assign(solutionnumerique): plot({x1(t),4+x2(t)},t=0..40);
en fonction des