dddqddddqddddddqdq
Douglas Dunlop les ravages d’une éducation coloniale
E
n contemplant le monde musulman contemporain, il est assez malaisé de concevoir l’idée que celui-ci ait connu un âge d’or et une civilisation qui, unifiée par la langue arabe et la religion, a grandement contribué à la culture et aux sciences en Europe. Les faits sont là et le musulman ne peut que dresser un bilan accablant du monde arabo-musulman où l’analphabétisme est largement répandu et le système d’éducation en ruine.
nouveau passé. Dès lors, il fallait lui instiller une nouvelle éducation qui, à long terme, susciterait une transformation intrinsèque de sa société.
Chez les musulmans, les dégâts de l’enseignement colonial devinrent immesurables. Plusieurs historiens affirment que c’est par le biais de cet enseignement que sont nés les différents types de nationalismes2 qui ont déchiqueté le monde musulman. C’est aussi par cet enseignement que les principes séculiers se sont enracinés dans En cherchant des les terres d’Islam : la remèdes aux maux de sécularisation de la la Oumma, cette gouvernance, la observation peut sécularisation de s’avérer salutaire, l’enseignement et, mais pas salvatrice. bien plus critique, la Des solutions sécularisation de la réalistes et viables ne pensée et la raison sont humaine. qu’envisageables si L’enseignement elles contiennent un colonial devint ainsi diagnostic de la l’arme la plus racine des redoutable pour problématiques anéantir les valeurs et contemporaines ainsi L’enseignement colonial permit aux principes séculiers de s’enraciner dans les idéaux qu’incarne les terres d’Islam par le biais d’une sécularisation de la gouvernance, de qu’une étude des l’enseignement et de la pensée. la civilisation facteurs qui ont mené musulmane3. à la destruction de l’enseignement au sein du monde islamique. Et qui dit destruction, dit très souvent Les répercussions de ce « grand remplacement de colonisation… valeurs » se font sentir au Maghreb, en Afrique Noire et dans certaines régions d’Asie. Or, ce fut probablement en Égypte que le délabrement de LE « GRAND REMPLACEMENT » DE VALEURS l’enseignement a été le plus méthodique. Sous l’occupation française (1789-1801), Napoléon réussit La politique du colonialisme a toujours été à disloquer les structures éducationnelles4, mais caractérisée par une agression idéologique perpétuée seulement après avoir décapité l’université al-Azhar par des institutions spécialisées dans l’enseignement de ses érudits. et l’instruction. Le colonisateur estimait que pour civiliser la « bête musulmane », il fallait réformer sa religion1, transformer sa culture et lui inculquer un 2 En Islam, le nationalisme est condamné au même degré que le 1
racisme. 3 « Majm'a al-Fiqh al-Islâmi », Vol.4, p.699 4 Voir « Les Origines de l’Acculturation du Monde Musulman. »
Voir « La France, peut-elle réformer l’Islam ? » 2
En 1801, l’armée française quitte l’Égypte après Moins d’un siècle plus tard, en 1882, les Anglais avoir saccagé le Caire qui fut alors le berceau de la occupent l’Égypte7 et poursuivent la « mission civilisation musulmane. Les changements sociaux et civilisatrice » des Français. Le nouvel occupant politiques prescrits par les Français furent néanmoins exprima de fortes aspirations colonialistes et poursuivis par Mohammed Ali Bacha (1769 – 1849). souhaita prouver au monde qu’il était plus apte à Le fondateur de « l’Égypte moderne » — qui n’apprit « civiliser » l’Arabe que ne l’étaient les Français. Les à lire et écrire qu'à l’âge de 45 ans — dévalorisa le autorités britanniques décidèrent d’engager une statut reconnu des savants et plaça des enseignants réforme encore plus profonde et allèrent à leur tour français à la tête d’un bouleverser les grand nombre d’écoles. structures locales. Il poursuivit la 5 politique de Kleber en Le cerveau de « la envoyant des étudiants réforme d’Égypte » fut égyptiens en France Evelyn Baring (a.k.a. pour y être formés et Earl of Cromer, 1841– acculturés. De retour au 1917) qui arrive au pays, ils jouirent d’un Caire en tant que grand prestige et diplomate britannique. obtinrent les plus Quatre ans plus tard, en hautes fonctions 1879, il est nommé gouvernementales. Il Consul Général d’une s’agit d’une pratique Égypte sous occupation qui n’a jamais militaire. réellement été interrompue et qui En Égypte, Napoléon sema les graines qui finiront par dévaster En tant explique pourquoi les l’Orient. Parmi ces graines se trouvaient les prêtres catholiques qui ne qu’administrateur aucun effort pour enseigner le français à la jeunesse dictateurs des ménagèrent colonial, Baring égyptienne. anciennes colonies ont espérait civiliser l’esprit souvent été formés en des indigènes afin « de Occident. les rendre capables de réfléchir ». Il mena un combat féroce contre le voile et estima que l’Islam et la raison des Arabes — qu’il traita de semi-sauvages L’ÉGYPTE BRITANNIQUE, LA REFORME OU LA — étaient inférieurs, déficients et un obstacle pour la MORT mission impérialiste. Cette déficience fut une raison suffisante pour prolonger l’occupation britannique ; Napoléon Bonaparte n’avait pas quitté l’Égypte sans « tant que l’Égypte n’est pas réformée, la Grandey avoir semé les graines d’une sécularisation Bretagne doit y rester »8. occidentale qui germeront et finiront par dévaster l’Orient. Parmi ces graines se trouvaient aussi les L’Égypte, toujours selon Evelyn Baring, ne pouvait prêtres catholiques qui ne ménagèrent aucun effort réussir dans le « monde moderne » qu’en éliminant pour enseigner la langue française à la jeunesse. Ils toute spécificité islamique de sa culture9. La société étaient parfaitement conscients que par cet égyptienne n’était pas assez « élastique » et enseignement, les nouvelles générations allaient nécessitait une restructuration totale en commençant nécessairement s’imprégner des coutumes et idées par la religion. L’Islam devait être réformé pour européennes6. permettre au système social et pénal de se « détacher des valeurs musulmanes ». La langue administrative L’Égypte resta sous occupation militaire durant 40 ans, jusqu’en 1922. Le gouvernement en place était sous contrôle de l’Empire britannique. 8 Evelyn Baring, « Modern Egypt ». 9 Leila Ahmed, « Women and Gender in Islam ». 7
Le général Kléber, sous l’ordre de Napoléon, avait envoyé entre 500 et 600 Égyptiens en France pour y être formés. 6 C’est ce qu’affirme le diplomate britannique Evelyn Baring dans « Modern Egypt », p. 235 5
3
ENSEIGNER POUR DOMINER ET EXPLOITER
devint l’anglais et la loi égyptienne fut réécrite et codifiée d’après le Code Napoléon10.
Très vite, le peuple égyptien devint victime d’une rivalité intercolonisatrice. L’historien égyptien Mahmoud Shaker nous explique comment Baring aspira à remplacer l’enseignement mis en place par les Français par un nouveau système britannique :
Dans le domaine de l’enseignement, Baring commence par remplacer de nombreux enseignants égyptiens par des instructeurs anglais11. L’administration coloniale fait de l’anglais la langue d’enseignement principale. Presque toutes les matières sont maintenant enseignées en anglais, quelques-unes en français. Baring marginalisa entièrement l’apprentissage de la langue arabe, tout en promettant au peuple qu’une fois les enseignants égyptiens suffisamment formés (c.-à-d. occidentalisés), les cours seront à nouveau dispensés en langue arabe12. Puis, il y avait le problème de l’université al-Azhar qui était encore « trop attachée à la religion » et représentait « un barrage pour la réforme éducative ». Baring estimait que les diplômés sortaient de l’université avec un « acharnement religieux » et une « inflexibilité de raisonnement »13. Il proposa que la réforme d’al-Azhar se fasse de l’intérieur. Et en cas d’échec, les autorités coloniales devaient « instaurer un système d’enseignement reformé afin de concurrencer l’université ». Cela plaçait la direction d’al-Azhar face au choix suivant : la réforme ou la mort14.
« Après le départ (des Français), des jours et des années passèrent jusqu’à l’occupation anglaise qui commença le 2 de Dhul Hijja 1299 (15 septembre 1882). Les Anglais ne cessèrent de consolider leur présence dans le pays. Très vite, ils virent que la faction (napoléonienne) engendrée par l’orientalisme français contrôlait l’ensemble des étudiants dans les écoles égyptiennes. L’orientalisme anglais se mit alors à détruire et à désunir toutes les écoles fondées par les Français. Une fois l’occupation anglaise fermement implantée sur le sol égyptien, l’orientalisme britannique créa sa propre faction qui le fera triompher en exerçant une tyrannie dans l’enseignement. »15
Alors que le peuple égyptien ne s’était pas encore rétabli du « déracinement culturel » Le cerveau derrière le projet de « la réforme entamé par le premier d’Égypte » fut Evelyn Baring (1841–1917), un occupant, le voilà à nouveau diplomate anglais qui mena un combat féroce abattu sauvagement sur le sol. contre le voile islamique. Une fois de plus, le système éducatif était détruit par un nouveau colonisateur qui, à son tour, venait imposer sa vision du progrès et de « la civilisation ». L’enseignement dispensé par le colon devint la source duquel s’abreuva toute une génération et par laquelle se répandirent les bactéries endémiques de la pensée, les idéologies destructrices ainsi que la culture dépravée et « passe-partout ». Cet enseignement produisit des penseurs, écrivains, journalistes et artistes qui, issus de la communauté musulmane, sacrifièrent leur vie dans le combat pour la destruction des fondations sur lesquelles avait été
10
Robert L. Tignor « Modernization and British Colonial Rule in Egypt, 1882–1914. » 11 En 1896, il y avait 631 enseignants égyptiens (officiels) et 92 européens. En 1906, ils furent 794 Égyptiens et 160 Européens. 12 Evelyn Baring, « Modern Egypt », p. 293. 13 Pour Baring, le raisonnement n’était flexible que chez la personne qui accepte le procès d’occidentalisation. 14 « Majm'a al-Fiqh al-Islâmi », Vol.4, p.700
15
4
Mahmoud Shâkir, « Risâla Fi al-Tarîq ila Thaqâfatina »
érigée la civilisation musulmane. Avec un mal sournois, ils détruisirent l’éthique et les mœurs islamiques causant de profondes divisions entre les peuples musulmans. Ces « enfants du colonisateur » générèrent une confusion et une frustration générale qui se sont exacerbées et qui ont développé le complexe d’infériorité dont souffrent aujourd’hui les musulmans16.
occidentaliser les générations à venir. L’enseignement permit de dominer les peuples. Une fois les peuples sous domination, on pouvait dominer et exploiter leurs richesses et ressources en toute tranquillité21.
Que ce soit en Inde, en Algérie, en Égypte, en Tunisie, ou en Bosnie, l’Empire britannique souhaitait mener des « réformes civilisatrices » suivant les standards européens17. L’entreprise de la colonisation fut gérée comme une grande agence de consultation où l’on tire profit des accomplissements antérieurs. En Égypte, beaucoup de décisions furent ainsi prises sur le modèle colonial en Inde britannique où l’éducation islamique fut largement restreinte.
Partageant les mêmes objectifs et adoptant les mêmes méthodologies, le colonialisme et l’évangélisation ont toujours coopéré et se sont mutuellement fortifiés. Evelyn Baring fut directement rattaché à la mission évangélique et souhaita que la réforme de l’enseignement se fasse au nom de la charité chrétienne :
CHARITÉ DUNLOP »
CHRETIENNE
ET
« SYSTEME
« Il faut qu’au nom de charité chrétienne, nous prenions entièrement en considération les défaillances morales et intellectuelles des Égyptiens. Nous devons faire tout notre possible pour les rectifier. »22
En 1898, les Anglais placèrent les Kuttâb18 des villages, alors encore autonomes, sous régulation gouvernementale. Les Suivant le modèle colonial en Inde britannique, l’éducation islamique Civiliser l’Arabe, le écoles coraniques fut largement restreinte. En 1898, les Anglais placèrent les Kuttâb des Noir et l’Asiatique était villages, alors encore autonomes, sous régulation gouvernementale. furent pour Baring « le systématiquement fardeau de l’homme inspectées par les autorités coloniales. La religion du blanc »23. En fin de compte, tout ce que faisait le peuple, en manque de réforme, ne pouvait plus être colonisateur n’était qu’altruisme et philanthropie en enseignée de façon libre et indépendante19. Peu faveur du bien-être des « semi-sauvages ». Il fallait après, les administrateurs coloniaux prévirent de donc bien que les musulmans, de leur côté, coopèrent former eux-mêmes les enseignants des Kuttâb, mais un minimum en sacrifiant leur identité. cette manœuvre ne remporta que peu de succès20. Inspiré par la « piété chrétienne », Evelyn Baring Les colons avaient parfaitement saisi l’importance de collabora étroitement avec les prêtres prosélytes qui l’éducation des jeunes. Ce fut une arme efficace pour accompagnèrent les colons britanniques. En 1890, une fois l’occupation militaire bien établie, il chargea le missionnaire écossais Douglas Dunlop (186116 « Majm'a al-Fiqh al-Islâmi », Vol.4, p.699 Evelyn Baring, « Modern Egypt », p. 5. 18 Les écoles locales où les enfants apprenaient l’arabe, les mathématiques et le Coran. 19 Le nombre d’écoles sous régulation coloniale augmenta ainsi de 310 écoles avec 7536 étudiants en 1898 à 4432 écoles avec 156 542 étudiants en 1906. 20 Robert L. Tignor « Modernization and British Colonial Rule in Egypt, 1882–1914. » 17
21
« Majm'a al-Fiqh al-Islâmi », Vol.4, p.699 Evelyn Baring, « Modern Egypt », p. 226. 23 Ce concept est basé sur le poème « Le Fardeau de l’Homme Blanc » écrit en 1899 par Rudyard Kipling (Bombay 1865 Londres 1936). Le poème devint le symbole de l’eurocentrisme (ou plutôt celui du racisme eurocentrique) justifiant la colonisation en tant que mission civilisatrice. 22
5
LA DICTATURE COLONIAL
1937) de l’organisation de l’enseignement égyptien24. Dunlop était un christianiste venu en Égypte pour convertir les esprits des « petits arriérés » à l’adoration de Jésus (‘Aleyhi as-Salâm). Il fait preuve d’une ferveur fanatique et va très vite prendre du galon. Le 24 mai 1906, le missionnaire devient conseiller au ministère de l’Instruction publique où il est nommé Secrétaire Général. La majorité des réformes liées à l’enseignement durant l’occupation britannique porteront sa signature. Dans l’administration coloniale, Dunlop fut l’un des plus grands opposants aux aspirations nationalistes du peuple égyptien en matière d’éducation. Il fut décrit par son entourage comme étant une personne froide et extrêmement arrogante qui manifestait du mépris pour la population locale25.
DE
L’ENSEIGNEMENT
Tout comme Baring, Douglas Dunlop voulait faire disparaître la langue française en Égypte. Il la supprime dans l’enseignement primaire et dans la section sciences de l’enseignement secondaire26.
Dunlop gérait l’éducation nationale comme un dictateur. Les écoliers n’avaient plus qu’un seul examen en langue arabe et dont les questions devaient traiter de la réglementation du Département d’éducation. Le missionnaire mit tout en place pour que les enfants n’entrent plus en contact avec leur culture, leur religion, ni même avec la littérature arabe27. Le « Fardeau de l’Homme Blanc » devint le symbole de la colonisation en tant que mission civilisatrice. Ce « fardeau » est dessiné dans cette illustration qui représente l’homme blanc qui, par altruisme, porte les « sauvages » des différentes colonies vers la « civilisation ».
Toujours sous le régime de Dunlop, les enseignants égyptiens ne pouvaient pas être diplômés d’al-Azhar, mais de l’université Dar alTotalement indifférent aux spécificités culturelles, il Ulûm qui offrait une formation séculière aux futurs imposa une uniformité rigide dans le curriculum et la enseignants avant d’intégrer le système éducatif28. méthode d’enseignement à travers le pays. Il créa un Pour les instructeurs anglais qui désiraient enseigner réseau éducatif très controversé mieux connu sous en Égypte, les conditions d’embauche furent « the Dunlop System ». Le nouveau système également marquantes. Dunlop exigeait, entre autres, d’enseignement servait entièrement les intérêts de qu’ils ne connaissent pas la langue arabe29. l’occupation britannique et fut une pierre d’achoppement majeure pour le progrès du pays. Imaginez-vous un instant la situation inverse. C’est ainsi que pour la seconde fois en moins d’un Imaginez-vous un imam venu d’Algérie pour prêcher siècle, les représentants de la civilisation occidentale l’Islam en France. Il devient conseiller au ministère vinrent chambouler la vie et l’éducation de toute une de l’Éducation nationale et remplace les enseignants génération … 26
En 1875, le français fut, de loin, la langue étrangère la plus enseignée dans les écoles publiques. Avec la réforme britannique, l’enseignement du français connaîtra un recul très net entre 1906 et 1922. 27 Ceci fut bien entendu le cas dans tous les pays colonisés et cela explique pourquoi dans les pays du Maghreb, par exemple, on enseigne aujourd’hui Voltaire plutôt qu’Ibn Khaldoun. 28 Robert L. Tignor « Modernization and British Colonial Rule in Egypt, 1882–1914. » 29 Charles William Richard Long, « British Pro-consuls in Egypt, 1914–1929: The Challenge of Nationalism. »
24
Dunlop fut conseillé à Baring par son partenaire de tennis. Robert L. Tignor « Modernization and British Colonial Rule in Egypt, 1882–1914. » 25
6
d’enfants musulmans. La nomination de Dunlop signifia la fin des écoles coloniales établies par le colon français.
français (dit de souche) par des enseignants du bled. Ceux-là, pour pouvoir être acceptés, doivent remplir la condition de « ne pas connaitre la langue française ». Maintenant imaginez-vous les têtes blondes dans leurs classes, assis devant un enseignant barbu qui ne leur parle qu’en arabe tout en exigeant d’eux des réponses en arabe. La colonisation, c’était ça et bien plus.
Cette gestion coloniale de l’enseignement nous donne une idée de l’ampleur de la « tyrannie éducative » citée par Mahmoud Shaker. Le peuple égyptien vit les Français débarquer chez eux, détruire leur culture et remplacer l’arabe par une langue Selon Mahmoud Shâkir, la nomination de Douglas étrangère dans leurs écoles. Quelques décennies plus Dunlop attisa la rivalité entre les Anglais et les tard, il vit les Britanniques occuper leur pays et Français qui redoutèrent une perte d’influence : obliger leurs enfants à étudier en anglais suivant un programme scolaire conçu par un missionnaire. À « La gestion de l’enseignement (national) fut confiée nouveau, il vit ses enfants perturbés et désorientés et à un missionnaire insolent et perfide au nom de son système d’éducation écorché… Dunlop. La faction française devint effrayée et le journal francophile “Al Ahraam” traita la LA « VIDANGE » CULTURELLE nomination de Dunlop d’une Douglas Dunlop façon qui indique fut un exemple parfaitement la parfait de la frayeur collaboration qu’éprouva la étroite établie entre faction française les missionnaires pour ce grand et l’administration changement. »30 coloniale. À l’instar des L’historien colonisateurs, égyptien continue Dunlop à expliquer réfléchissait à long comment les terme et pensait signes de tension déjà à l’aprèsentre les deux se colonisation. multipliaient, puis Image de l’orphelinat Saint-Charles en Kabylie où une sœur française « civilise » des filles algériennes. Pour le colonisateur, la réforme de l’enseignement devait se cite le passage de faire au nom de la charité chrétienne. Plusieurs savants l’article islamiques ont profrançais en question : méticuleusement étudié les méthodes employées par l’occupant occidental pour diffuser l’idéologie « Les jeux sont faits. Les hautes instances ont pris la séculière dans les pays musulmans. Parmi eux se décision de nommer Monsieur Dunlop comme trouvait Sheikh ‘Abdel-’Azîz Bin Bâz qui décrit Secrétaire Général de la direction de l’Instruction comment Douglas Dunlop a créé une classe publique. Après un accord avec Lord Cromer (c.à.d. Evelyn Baring), Monsieur Dunlop a désormais gouvernante qui, instruite à l’occidentale, se montra si dévouée à l’égard du pouvoir colonial : commencé avec la destruction de l’enseignement secondaire qui constitue le pilier principal de « Ils (les gouvernements occidentaux) tentent de l’instruction. »31 contrôler et de diriger le programme scolaire dans L’éducation devint une bataille impitoyable entre les pays musulmans et de déterminer sa politique de gestion. Cela peut se faire de façon indirecte ou de deux adversaires pour la conquête des cœurs façon directe comme ce fut dans le cas du missionnaire Dunlop qui mena une campagne 30 Mahmoud Shâkir, « Risâla Fi al-Tarîq ila Thaqâfatina » d’évangélisation dans certains pays musulmans. Une 31 Journal al-Ahrâm, 18 mars 1897
7
l’envahisseur, de l’histoire de l’envahisseur et de la langue de l’envahisseur… »33
fois sa mission achevée, les meilleurs étudiants diplômés des écoles Dunlop se sont manifestés en tant que pioches destructrices dans leur pays d’origine où ils constituèrent l’arme la plus redoutable des ennemis. Ces étudiants diplômés (du système Dunlop) se sont efforcés de diriger le programme scolaire en adoptant des orientations séculières qui sont basées sur une idéologie qui n’est pas centrée autour de la religion. »32
Les enfants égyptiens, de par ce vide qui fut instauré en eux, subirent un lavage du cerveau, du cœur et de l’esprit. Toutes les matières enseignées par les colons n’étaient que « des épluchures et des extraits (de certaines sciences) qui entretenaient l’illusion chez les esprits vidés qu’ils avaient atteint quelque chose digne d’intérêt ». Or la réalité est qu’ils ont été nourris avec « une alimentation qui maintient en vie les morts-vivants, rien de plus ». Mahmoud Shâkir explique que la vidange culturelle fut organisée de façon structurée afin d’être appliquée dans l’ensemble du pays :
Après avoir ébranlé le système éducatif durant un quart de siècle dans une Égypte sous occupation coloniale, le système Dunlop donna naissance aux « enfants de la colonisation ». Formés depuis leur plus jeune âge pour occuper les postes d’influence, ils furent programmés pour détruire le Le colon britannique souhaita engager une réforme au sein de l’université d’alAzhar qui, pour lui, était encore « trop attachée à la religion » et consistait « un pays dans les barrage pour la réforme éducative ». « À l’ère de Dunlop, décennies, voir les il ne suffisait plus, siècles, à venir. De cette perspective, l’occupation comme le firent les Français, d’envoyer des anglaise fut plus perfide que celle des Français : étudiants à l’étranger pour être formés, car l’éducation (coloniale) devait se répandre à plus « L’orientalisme anglais est venu pour réformer et grande échelle. Il fallait donc produire des renouveler la culture du peuple égyptien en la générations successives d’étudiants issus du système brisant funestement et d’une manière plus fourbe que des écoles Dunlop qui allaient être farouchement l’avait fait l’orientalisme français et avec une attachés à la transformation sociale, culturelle et audace encore plus effrontée. Dunlop a jeté les politique du pays. »34 fondations pour permettre “la vidange” totale des étudiants scolarisés de l’Égypte. J’entends par “la C’est ainsi que l’enfant égyptien devint affaibli. Il ne vidange” le processus de vider les enfants de leur lui restait plus rien de sa culture pour pouvoir passé qui jaillit dans leur sang et qui les lie à la contester ce nouveau passé d’un autre peuple et langue arabe et l’Islam. Ils (les colons) frayèrent maintenir son propre passé qui, bien que plus riche, ainsi le chemin pour remplir la jeunesse avec un se trouvait sur le point d’être réduit en miettes et passé insignifiant qui n’est pas le leur et qui sème en étouffé par une succession de « vidanges ». Ce eux la confusion… Ce vide (chez les enfants) fut procédé a engendré des générations d’étudiants alors rempli par des sciences, de la littérature et des scolarisés qui « demeurent dans une confusion arts qui n’ont aucun lien avec leur propre passé. destructrice entre deux appartenances » ; entre Plutôt, il s’agit des sciences de l’envahisseur, des l’appartenance à la culture arabo-musulmane qui est arts de l’envahisseur, de la littérature de clairement détaillée dans les livres de leurs ancêtres ‘Abdel-’Azîz Bin Bâz, « Majmû’ Fatâwa ‘Abdel-’Azîz Bin Bâz », Vol. 3, p. 432 32
33 34
8
Mahmoud Shâkir, « Risâla Fi al-Tarîq ila Thaqâfatina » Ibid.
et l’appartenance à l’européanisme sulfureux qui a l’administration gouvernementale… qui fut bien sûr causé le génocide de leur culture dont subsistent britannique. aujourd’hui que les vestiges35… La langue arabe a certes été réintroduite, mais le système de gouvernance et d’éducation est resté L’ARABISATION DU MODELE COLONIAL celui de l’occupant. L’arabisation des structures présentes en 1919 constitua en quelque sorte une En mars 1919 éclate la révolution égyptienne contre approbation non officielle du procès de réforme l’occupant britannique. L’armée anglaise tue au coloniale. Le nationalisme arabe n’a donné qu’un moins 800 Égyptiens, brûle un grand nombre de faux semblant de liberté dans lequel le fond n’a villages et détruit les chemins de fer. La révolution jamais suivi la forme. Le peuple égyptien n’a pas pu s’intensifie et Douglas Dunlop se voit contraint de retourner à son état initial, car le colon l’avait rendu résigner ses fonctions de conseiller. Quelques mois quasi analphabète dans sa propre langue et lui avait plus tard, il se sauve du pays où il a perturbé fait oublier quel était ce l’éducation égyptienne passé auquel il aurait été en depuis sa racine. mesure de se référer. Saad Zaghlul, le ministre égyptien de l’Éducation qui jusque-là fut une marionnette des autorités britanniques, se place à la tête du mouvement nationaliste et commence par arabiser la langue d’instruction dans les écoles égyptiennes. Mais peu saisirent qu’en réalité il ne faisait qu’arabiser le système d’éducation colonial.
Mahmoud Shâkir résume merveilleusement comment le « système Dunlop » fut un outil indispensable pour consolider un long projet de colonisation :
« Le monde s’est clairement divisé en deux camps : le monde des puissants et riches s’oppose au monde des faibles et pauvres. Le monde des envahisseurs est représenté par la civilisation européenne qui veut Les nationalistes font effectuer une transformation d’énormes progrès et leurs sociale, culturelle et initiatives mènent à la politique dans le monde des Déclaration du 28 février peuples affaiblis… Ce (la 1922 qui reconnaît l’Égypte colonisation) fut une chasse comme un état indépendant. fructueuse par laquelle ils En 1923 le gouvernement Après la révolution de 1919, Saad Zaghlul, arabise la langue d’instruction. En réalité il ne faisait que d’arabiser (les colons) étendirent leur ratifie une nouvelle le système d’éducation colonial. civilisation par tous les constitution qui n’est qu’un moyens possibles : la force, calque du système parlementaire occidental. En l’autorité, l’argent et la contrainte. L’unique objectif 1924, les élections sont instaurées et le pays devient était de subjuguer le monde “arriéré” dans sa une République populaire à l’image de certains États totalité pour servir les besoins insatiables du monde communistes de l’époque. La même année, les “civilisé”. Cette hégémonie politique qui s’est rapports d’ordre administratif ainsi que les aujourd’hui ramifiée a commencé en Égypte, au communiqués gouvernementaux, qui ne se faisaient cœur même du monde islamique et arabe avec les qu’en anglais, furent à nouveau publiés en arabe. pionniers de l’époque de Mohammed Ali jusqu’à Zaghlul va ainsi réinstituer la langue arabe dans l’occupation en 1882 par les Anglais qui prirent directement contrôle de toutes les affaires du pays et plus particulièrement de l’éducation. Et puis, le 17 35
Ibid.
9
L’abolition de l’enseignement islamique par le colon occidental fut l’un des vecteurs capitaux de l’ethnocide qui a démantelé l’identité culturelle chez une grande partie de la masse musulmane. Que ce soit en Afrique, en Asie ou au Moyen-Orient, les Aujourd’hui, de plus en plus d’Égyptiens pays colonisés n’ont jamais connu de développement reconnaissent que l’échec de l’enseignement durable et sa jeunesse a été incapable d’exploiter ses égyptien est avant tout dû au système de Dunlop qui talents. introduisit un programme européen nullement adapté au contexte égyptien. Ils voient enfin Evelyn Baring Les colons ont expérimenté leurs plans sur plusieurs pour ce qu’il était : un charlatan qui fit régresser le générations d’écoliers qui ont été dévastées à cause développement social et qui détruisit le système du narcissisme culturel de puissances racistes qui se scolaire en concurrençaient. abaissant le Et tout ça, niveau d’étude pourquoi ? Pour déjà affaibli par quel résultat ? les Français. Pour quel Ignorant la progrès ? Aucun. richesse de leur Aujourd’hui, la passé et démunis grande majorité de leur culture du peuple ancestrale, ils égyptien ne parle n’ont à présent ni français, ni plus d’alternatives l’anglais, ni même à présenter. La l’arabe (fosha) de seule chose qu’ils façon correcte. La sont encore seule chose qu’ils capables de faire ont appris est de est de continuer à suivre l’Occident chercher un Image d’un bar à Alger après le retrait de l’occupant français. L’abolition de dans toute chose l’enseignement islamique fut l’un des vecteurs capitaux de l’ethnocide qui a progrès et de se rattacher à démantelé l’identité culturelle chez beaucoup de musulmans. imaginaire en tout ce que les copiant l’Occident qui leur a appris à agir par Occidentaux leur jettent aux pieds. Voici les mimétisme. accomplissements remarquables de la réforme coloniale de leur enseignement, voici comment La description des efforts titanesques qui furent l’Européen, avec tout son orgueil et sa prétention déployés pour déraciner les enfants musulmans de vaniteuse, a civilisé le peuple égyptien… leurs croyances et traditions musulmanes déconstruit le mythe d’un échange culturel qui se serait fait de façon naturelle entre l’Orient et l’Occident. Après avoir passé trente ans en Égypte, Dunlop et Baring n’ont jamais fait l’effort d’apprendre l’arabe ou de s’adapter aux coutumes locales. Il n’y a jamais eu d’échange, il n’y a eu que de l’oppression, de l’exploitation outrancière et de la haghra. Comment peut-on d’ailleurs s’attendre à ce qu’un occupant présomptueux de par son statut échange quoi que ce soit avec un peuple qu’il considère être semisauvage ? mars 1897, Dunlop débarqua dans le pays. Il instaura dans notre communauté un système éducatif destructif que nous suivons malheureusement jusqu’à ce jour. »36
36
Ibid.
10
SE LIBERER DU « FARDEAU DE L’HOMME sous le slogan si démagogique de « la guerre contre le terrorisme ». BLANC » Le combat pour les esprits musulmans se poursuit également à l’intérieur de certaines sociétés occidentales. Certains historiens parlent de « colonisation interne » pour décrire la politique d’acculturation que mènent effectivement des pays comme la France et la Belgique. On y impose une « Avec Dunlop, des centaines d’écoles étrangères éducation exclusive qui supprime toute spécificité culturelle et furent implantées religieuse de dans le pays. Leur l’enfant. C’est nombre ne cessa de toujours et encore le croître avec le dogme du « fardeau temps tout comme le de l’homme blanc » nombre de garçons qui motive ces et filles égyptiens gouvernements à qui s’y inscrivent. protéger les petites C’est exactement ce écolières semique cherchaient à sauvages du danger accomplir les de leur voile. En envahisseurs et 2017, l’altruisme aujourd’hui, la colonial qui a situation dans gangréné le monde laquelle nous nous règne trouvons comble Des organismes comme l’UNESCO et la Francophonie poursuivent la musulman toujours leurs colonisation culturelle des gouvernements occidentaux qui s’immiscent dans la toujours au sein des classes belges et désirs. Pire encore, culture des autres par voie de réforme, éducation et démocratisation. françaises. leur projet s’est propagé dans les quatre coins du monde d’une façon bien plus hypocrite et de manière plus approfondie. L’étude historique nous apprend que de nombreux musulmans d’Occident sont tombés victimes d’une Et ceci sous différents prétextes… »37 double colonisation. Dû à la première colonisation Au XXIe siècle, la machination de l’enseignement (externe) que subirent leurs ancêtres, ils n’ont pas colonial est toujours de vigueur dans les pays du tiers hérité du patrimoine socioculturel et religieux, monde. Des organismes comme l’UNESCO et puisque – évidemment – une fois perdu, il devient l’Organisation internationale de la francophonie impossible de le transmettre aux générations à venir. poursuivent la colonisation culturelle initiée par les Quand à la seconde colonisation (interne), elle les gouvernements occidentaux. Plutôt que de laisser empêche aujourd’hui de revenir à leurs origines et de chaque peuple vivre selon ses propres valeurs et se réapproprier leur identité. Leur société de coutumes, l’Occident considère qu’il est toujours de « liberté, égalité, fraternité » met tout en œuvre pour son devoir de s’immiscer dans la culture des autres prévenir l’apparition d’une nouvelle génération de par voie de réforme, éducation et démocratisation. musulmans conscients et cultivés, bien éduqués Les politiques et les médias occidentaux ne parlent islamiquement et fiers d’être qui ils sont. Cela ne se plus de « mission civilisatrice » ou de « semi- dira jamais de manière explicite, mais les dirigeants sauvages », mais leur perception du monde français et belges préfèrent voir « le musulman de musulman est restée identique à celle du colonisateur chez eux » comme il fut modelé à l’ère coloniale ; au XIXe siècle. Les mêmes crimes sont perpétrés, comme une copie ratée de l’homme occidental. mais avec un peu plus de tact et de diplomatie et Dans les quatre coins du monde, les services de renseignements, avec l’aide des néo-orientalistes, Douglas Dunlop réussit à laisser une empreinte profonde qui n’allait plus s’effacer. Mahmoud Shâkir fut l’un des rares historiens à avoir saisi le fait que le « système Dunlop » représentait la conception avantgardiste de la néocolonisation culturelle :
37
Ibid.
11
guettent les musulmans qui désirent reconstruire leurs sociétés par l’enseignement islamique et par un retour à la pratique de la tradition prophétique. Qu’ils soient accusés de « radicalisme » les laisse entièrement indifférents, dès lors qu’ils ont retrouvé une culture, une identité et une dignité qui semblaient à jamais effacées. En éduquant les futures générations, ils sèment les graines pour demain et refusent d’être des « enfants de la colonisation ». Ils rétablissent l’enseignement de leur religion avec tout ce qu’il contient et reprennent ainsi possession de l’héritage dont ils ont été dépouillés.
Depuis son apparition, la civilisation musulmane a été fondée sur la foi, la pratique et l’apprentissage. Le Messager (‘Aleyhi as-Salâm) enseigna sa communauté que l’étude de la religion est non seulement un chemin qui mène au paradis, mais aussi une obligation pour tout croyant. C’est cette éducation qui permet aujourd’hui aux musulmans du XXIe siècle d’élucider leur passé et de prendre conscience de qu’était vraiment leur communauté avant toute « réforme » occidentale.
Petit à petit, une nouvelle génération renait sur les ruines du monde colonisé ainsi qu’en Aujourd’hui, les Occident, au seinmusulmans cultivés même des cités et comprennent que ce banlieues sont les Arabes, les défavorisées. Des Africains, les États-Unis à Amérindiens et les l’Indonésie, les Asiatiques qui, au musulmans long des différentes En semant la peur au sein des populations civiles, les groupes extrémistes ont redécouvrent quelles adopté les coutumes des colonisateurs qui menèrent des campagnes de terreur occupations étaient leurs racines à l’échelle mondiale. coloniales, ont dû que de perfides porter le terrible missionnaires, tels fardeau qu’était l’Occident. Non l’inverse. Ils savent que Douglas Dunlop, ont voulu couper. aussi qu’il est impossible de défaire plusieurs siècles de colonisation en quelques années. C’est pour cela Le processus de décolonisation suit son cours. Le qu’ils commencent par reconstruire ce qui a été chemin est long, mais un jour on y arrivera et du détruit en eux, chez eux et autour d’eux, perturbant « fardeau de l’homme blanc », on se libérera… par-là le statu quo postcolonial qui arrange si bien l’Occident. Kareem El Hidjaazi39 Il va sans dire que le combat pour se libérer des séquelles de la colonisation ne peut se faire par le Pour plus d’articles, visitez : terrorisme comme nous le font croire les groupuscules extrémistes. En commettant des www.histoiredislam.com horreurs, en massacrant des innocents et en semant la & www.islamologues-de-france.com peur au sein des populations civiles, ces gens-là ont délaissé la voie prophétique pour adopter les Suivez les ‘Islamologues de France’ coutumes et la « sounna » des colonisateurs et de leurs propres ennemis. Voilà leurs précurseurs qui, bien avant eux, menèrent déjà des campagnes de terreur à l’échelle mondiale38. Comparer les organisations terroristes (dites « islamistes ») avec les colons occidentaux n’est pas vraiment justifié du fait que les attentats terroristes, de nos jours, ne représentent pas grand-chose comparés à la barbarie coloniale qui a perduré plusieurs siècles et sous laquelle ont péri des dizaines de millions d’innocents. 38
39
12
Couverture : @NiyahDesign