LPE N° 103 Août 2005
i t it i - i r e d e P o l e t t t r e l e C e t t t e e q u e s t m i q q u e E c o n o i t it i q o l iq u e ir é e d e P t t i r q u e e E c o n o m i q o p p e m e n t D é v e l o a 2 2 d e l a 2 P E D ) n ° 1 ( P CA P E C.
Déficit budgétaire et croissance économique
a politique budgétaire constitue, avec la politique monétaire, l'un des principaux leviers de la politique économique de l'État. Elle consiste à utiliser certains instruments budgétaires (dépenses publiques, endettement public, prélèvements fiscaux, etc.) pour influer sur la conjoncture économique. Les néoclassiques ont cependant souligné, depuis la crise consécutive au choc pétrolier de 1973, les limites de la politique budgétaire et notamment, les effets néfastes des déficits et de la dette publique.
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La réduction du déficit fiscal est donc donc au cœur des programmes de stabilisation et d’ajustement préconisés par le FMI et la Banque Mondiale. Pour ces deux institutions, cette réduction
NGARESSEUM Deuro Kan Toloum
est bénéfique pour la croissance de l’économie à long terme même si, dans la littérature empirique, il ne se dégage pas un consensus sur la relation entre le déficit fiscal et la croissance.
transfert de revenus revenus des des administrations publiques vers les ménages et les entreprises, ce qui atténue mécaniquement l'effet du ralentissement économique sur les revenus de ces derniers mais aggrave le déficit budgétaire.
Le déficit budgétaire résulte de la différence entre les dépenses publiques (le paiement des intérêts inclus mais le remboursement du principal exclus) et les les recettes (fiscales et non fiscales ainsi que les dons moins le remboursement des prêts). Il peut être subi. Ainsi, lorsque l'activité économique baisse, les dépenses publiques ont tendance à s'accélérer tandis que les entrées de recettes ralentissent mécaniquement, ce qui provoque une détérioration du solde budgétaire. La détérioration de l'activité économique provoque alors un
A l'inverse, en période de forte expansion économique, les prélèvements fiscaux et sociaux augmentent mécaniquement, tandis que les dépenses diminuent, ce qui a tendance à freiner la croissance de la demande intérieure. Par conséquent, les recettes et les dépenses publiques fonctionnent comme des « stabilisateurs automatiques » puisqu'elles contribuent à amortir les variations conjoncturelles de l'activité économique. Ce mécanisme de stabilisation automatique ne fonctionne
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pleinement que si les ménages et les entreprises ne modifient pas leur comportement de consommation, et si les taux d'intérêt ne sont pas affectés par la croissance de la dépense publique en période de récession.
L’Etat peut cependant délibérément choisir d’augmenter les dépenses publiques afin de compenser une demande privée insuffisante. En cas de forte dégradation de la conjoncture économique, il peut être tenté de mener une politique budgétaire volontariste. Une telle politique consiste à soutenir l'activité économique à court terme, en faisant jouer le « multiplicateur keynésien ». Ce mécanisme macroéconomique permet de compenser la faiblesse des dépenses privées par un accroissement des dépenses publiques. L’augmentation des dépenses publiques engendre des revenus supplémentaires qui sont pour partie consommés, pour partie épargnés, et pour partie récupérés par les administrations publiques sous la forme d'impôts et de cotisations sociales. Or, la partie de ces revenus supplémentaires qui est consommée vient nourrir la demande intérieure adressée aux entreprises. Ces dernières peuvent dès lors augmenter leurs investissements, leurs emplois, et distribuer des revenus supplémentaires. Le surcroît de dépenses publiques provoque par conséquent un effet cumulatif (un effet multiplicateur) qui stimule
LETTRE DE POLITIQUE ECONOMIQUE
d'autant plus l'activité économique sulte est désirable, dans la mesure que les revenus sont peu épar- où l’objectif poursuivi est désiragnés, peu imposés, et que la de- ble. Si par contre ce déficit a mande de consommation s'adresse servi à financer des dépenses puprincipalement aux entreprises bliques à faible rendement, il n’est nationales. Toutefois, un certains pas désirable. De la même manière nombre d’études, portant qu’un entrepreneur estime justifié essentiellement sur des pays in- l’emprunt, si la rentabilité espérée dustrialisés, semblent indiquer des projets qu’il finance par cet qu’une politique budgétaire ex- emprunt est plus élevée que le pansionniste ne permet pas tou- taux d’intérêt, ce qui importe n’est jours de sortir une économie d’une pas le montant du déficit fiscal, récession. En particulier, lorsque mais le taux d’intérêt payé par l’endettement public est déjà éle- l’Etat par rapport au taux de vé, il se peut qu’une augmentation croissance de ses recettes fiscadu déficit budgétaire entraîne une les : « il est plus facile de rembourser baisse de l’investissement et de la les emprunts réalisés pour financer un consommation privés, ce qui déficit important si le taux de crois- annule l’effet d’une hausse des sance est élevé que de rembourser un dépenses publiques ou d’un faible déficit avec un taux de crois- allégement fiscal sur la demande sance nul ». globale. En général, le déficit fiscal Un certain nombre d’éco- est supposé avoir un impact néganomistes parmi lesquels Pascal tif sur la croissance. Un déficit salin (2003) pensent que le mar- fiscal élevé peut être le signe ché de l’épargne prêtable est un d’une forte pression fiscale à vemarché mondial et que, de ce fait, nir. Cette anticipation peut la dégradation du déficit budgé- décourager l’investissement privé, taire d’un pays d’un ou de deux ce qui pourrait avoir des effets népoints de pourcentage est sans gatifs sur la croissance. C’est le importance. Il trouve injustifié de point de vue développé par Bertofaire de la valeur du taux d’inté- la et Drazen (1993), Giavazzi et rêt un objectif de politique écono- Pagano (1996) et Sutherland mique car l’augmentation du taux (1997). En général, un rééquilid ’ i n t é r ê t n ’ e s t q u ’ u n e brage budgétaire de plus longue conséquence de la poursuite d’ob- durée aide à garantir la stabilité jectifs légitimes et désirés, si les macroéconomique en rassurant emprunts à la base de cette hausse les investisseurs que les impôts et ont servis à financer des emprunts les taux d’intérêt n’augmenteront rentables. Ainsi, si un déficit fiscal pas pour financer de futurs permet de financer un projet pu- déséquilibres budgétaires. blic à très fort rendement, la hausse de taux d’intérêt qui en ré-
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Par contre, un rééquilibrage de courte durée a moins de chance de bénéficier à la croissance, parce qu’il indique que l’amélioration initiale des finances publiques ne peut être maintenue et pourrait être inversée à moyen terme.
Il est important, dans les pays en développement, de réduire le taux et la variabilité de l’inflation ainsi que ceux du déficit budgétaire pour promouvoir la croissance économique. Mais à cela il faut ajouter une bonne gestion de la dette extérieure.
Dans les pays à faible revenu, l’ajustement budgétaire entraîne une accélération de la croissance. Le rééquilibrage budgétaire tend aussi à stimuler l’investissement privé. Le mécanisme le plus important par lequel l’ajustement budgétaire stimule la croissance dans ces pays est la productivité des facteurs. Lorsque les fonds publics ne sont pas utilisés de manière efficiente et que la productivité du secteur public est faible, une amélioration de la composition des dépenses peut dynamiser la croissance.
Il ressort de l'exposé cidessus que certains déficits sont fondés, d’autres sont justifiables et le bon sens requiert de traiter différemment des situations qui ne sont pas identiques dans le temps et dans l'espace. En effet l'Etat peut décider d'augmenter, pour des raisons spécifiques, les dépenses d'une période budgétaire donnée. En le faisant, il accepte une détérioration du déficit pour cette période afin de solutionner une situation économique donnée. Par ailleurs, dans une démocratie, il appartient aux citoyens, ou à leurs représentants, de déterminer le niveau et la répartition des dépenses publiques correspondant à leurs aspirations, qui peuvent être différentes d'un pays à un autre. Il n'est donc pas justifiable, le fait de dicter une même norme à toutes les nations et, à des périodes différentes.
Les pays à faible revenu recourent surtout à des concours extérieurs concessionnels pour financer leurs déficits. Cela signifie que l’investissement privé y est moins sensible aux taux d’intérêt. Le rééquilibrage budgétaire peut stimuler l’investissement privé en réduisant la taille de l’Etat lorsque la gestion publique est médiocre. Une mauvaise gestion réduit la capacité de l’Etat de fournir des services publics de manière efficiente.
Isoler, au sein d’un déficit, ce qui résulte des actions délibérées des pouvoirs publics en vue de réguler l'activité et ce qui résulte de la conjoncture est compliqué (Creel, Latreille et Cacheux, 2002). Certes différentes méthodes d'évaluation de ces
composantes existent. Elles sont soit statistiques (c'est la méthode choisie par la Commission européenne), soit structurelles, c'està-dire établies sur la base d'une formalisation de la fonction de production (c'est le choix du FMI et de l'OCDE). Toutes ces méthodes sont sujettes à caution car elles reposent sur la notion de production potentielle alors que celle-ci n'est pas une grandeur observable. Par ailleurs, la décomposition du solde budgétaire en deux éléments, conjoncturel et structurel, pose un problème indépendamment des difficultés à définir un Pib potentiel. La tendance à interpréter la partie conjoncturelle du solde budgétaire comme la composante automatique de la politique budgétaire et la partie structurelle comme sa composante délibérée n'est pas toujours pertinente. Creel et Sterdyniak (1995) font remarquer que la partie conjoncturelle du solde budgétaire intègre des mesures de stabilisation délibérées ou volontaires qui sont réversibles et temporaires. La complexité du problème amène à se demander s'il ne faut pas envisager, dans le cadre du pacte de stabilité de l'UEMOA, des normes selon la spécificité du pays et l'évolution du niveau de sa production.
Références Bibliographiques
Bertola, Giuseppe et Allan drazen (1993) “Trigger points and budget cuts: explaining the effects of fiscal austerity” American Economic Review, 83, 1, pp. 11-26. Creel, J., Latreille T. et Cacheux J (2002) "Le pacte de stabilité et les politiques budgétaires dans l'Union Européenne", Revue de l'OFCE, hors série.
Creel, J. et Sterdyniak H. (1995) "Les déficits publics en Europe : causes, conséquences ou remèdes à la crise?", Revue de l'OFCE, No 54. Giavazzi, Francesco and Marco Pagano (1996) “Non Keynesian effects of fiscal policy changes: international evidence and the Swedish experience” Swedish Economic Policy review, 3, pp. 1176-1196.
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Sutherland, Alan (1997) “Fiscal crises and aggregate demand: can high public debt reverses the effects of fiscal policy?” Journal of Public Eco- nomics, 65, pp. 147-162.
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La Cellule d'Analyse de Politiques décembre 1992.
Economiques
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Ivoirien de Recherches Economiques et Sociales (CAPEC) a été créée en
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