S E U Q I X O T S T N E M I L A
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INADMISSIBLE ! Ils mettent des additifs dans nos yaourts
Ces aliments qui nous empoisonnent
E I Pesticides, R additifs, É sucres cachés... S S Comment R les repérer O H
Toxiques ? Pas toxiques ?
100 PRODUITS DÉCRYPTÉS 8 1 0 2 N I S U 5 J - 2 I 1 A ° M N
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Magazine édité par l’Institut national de la consommation (Établissement public à caractère industriel et commercial) 18, rue Tiphaine, 75732 Paris Cedex 15 Tél. : 0145 66 20 20 www.inc-conso.fr
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TOUR DE PASSE-PASSE
Directrice de la publication Agnès-Christine Tomas-Lacoste Rédactrice en chef Sylvie Metzelard Rédactrice en chef déléguée (hors-série) Adeline Trégouët Rédacteurs en chef adjoints Benjamin Douriez (mensuel) Christelle Pangrazzi (hors-série) Directrice artistique Véronique Touraille-Sfeir Secrétaire générale de la rédaction Martine Fédor Rédaction Sabine Casalonga, Hélène Colau, Cécile Coumeau, Gwénaëlle Deboutte, Valérie Devillaine, Emmanuelle Figueiras, Gilles Godard, Gwen Hamp, Pascal Nguyên, Christelle Pangrazzi, Adeline Trégouët, Julia Zimmerlich Collaboration technique Farid Bensaid, ingénieur Secrétariat de rédaction Bertrand Loiseaux, Jocelyne Vandellos Vandellos (premiers secrétaires de rédaction) Jean-Emmanuel Dèbes, Gilles Godard Maquette Valérie Lefeuvre (première rédactrice graphique) Guillaume Steudler Responsable photo Michèle Héline Photos de couverture «60» ; DR iStock ; Fotolia ; J. Chiscano/ «60» Site Internet www.60millions-mag.com Fabienne Loiseau (coordinatrice) Matthieu Crocq (éditeur Web) Brigitte Glass (relations avec les internautes)
[email protected] Diffusion William Tétrel (responsable) Gilles Tailliandier Tailliandier (adjoint) Chloé Leroi (assistante) Relations presse Anne-Juliette Reissier-Algrain Tél. : 0145 66 20 35 Contact dépositaires, diffuseurs et réassorts : Promévente. Tél. : 01 42 36 80 84 Service abonnements 60 Millions de consommateurs 4, rue de Mouchy, 60438 Noailles Cedex. Tél. : 0155 56 70 40 Tarif des abonnements annuels 11 numéros mensuels + Spécial impôts : 46 € ; étranger : 59,50 € ; 11 numéros mensuels + Spécial impôts + 7 hors-séries : 78 € ; étranger 103 € Dépôt légal : avril 2018 Commission paritaire : N° 0922 K 89330 Photogravure : Key Graphic Impression : RFI Distribution : Presstalis ISSN : 1270-5225
A
C
S I H
C J .
Quel est l’ingrédient principal d’une boîte de Nesquik, « la boisson cacaotée la plus vendue au monde » (dixit
Nestlé). Du cacao ? Si vous examinez la composition, vous verrez que le premier ingrédient est le sucre, la part de cacao ne représentant qu’un maigre 21 %. Mais alors, quelle est la quantité de sucre ? Reportons-nous aux informations nutritionnelles apposées par la marque sur l’emballage. Dans la colonne “sucres”, on peut lire l ire : « 9,5 g pour 100 ml. » Et, à côté : « Pour 1 bol de Nesquik + 200 ml de lait ½ écrémé : 20 g de sucres. » Faites le test autour de
vous. Si vous demandez quel est le pourcentage de sucre du produit, on vous répondra 9,5 %. Erreur : en réalité, Nesquik contient 76 % de sucres ! Petit tour de passe-passe de Nestlé, par ailleurs fervent opposant au système NutriScore (voir page 10) . Car si les clients se rendaient compte qu’ils achètent surtout du sucre, à 3 fois son prix qui plus est, nul doute qu’ils prendraient la poudre… d’escampette. Ce genre d’entourloupes, nous en dénonçons quotidiennement à «60». Bien sûr, cela ne plaît pas aux géants de l’agroalimentaire, prompts à nous accuser d’en faire trop. Mais les statistiques sont têtues, et nous aussi. Les aliments ultratransformés (pauvres en nutriments, riches en sucres, graisses et additifs) participent désormais pour 25 à 50 % des apports caloriques dans les pays développés. Même si les maladies sont multifactorielles – pollution, stress, tabac sont également à l’œuvre –, la mauvaise qualité nutritionnelle de nombreux produits industriels ne doit pas être sous-estimée. Nous n’entendons pas rester silencieux face aux dérives des tartuffes du “manger sain”, les mêmes qui saupoudrent nos yaourts d’additifs en contournant la réglementation. Nous sommes les yeux, la loupe et le décodeur des consommateurs. Et nous assumons de frapper les esprits pour que l’information passe !
Imprimé sur papier : Galerie Lite Bulk 54 g Origine du papier : Kirkniemi, Finlande Taux de fibres recyclées : 0 % recyclées Certification : PEFC. Eutrophisation : 0,00 kg/t
ADELINE TRÉGOUËT RÉDACTRICE EN CHEF DÉLÉGUÉE
© Il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement les articles contenus dans la présente revue sans l’autorisation de l’INC. Les informations publiées ne peuvent faire l’objet d’aucune d’aucune exploitation commerciale ou publicitaire.
60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
3
sommaire graisses
sel
sucres
LES TO DE L’IN
DÉSÉQUILIBRE DANS L’ASSIETTE
émulsifiants
Nous avons examiné à la loupe les produits que nous consommons au quotidien. Beaucoup contiennent encore trop de sel, trop de sucre ou trop de gras. Souvent cachés, ces ingrédients nuisent pourtant à notre santé. D’autant que les “portions” affichées par les fabricants ne sont pas toujours réalistes. Reste que succomber à la mode du “sans” (gluten, produits laitiers ou viande) n’est pas une solution. Au contraire. Ces régimes “tendance” peuvent engendrer des carences. Plus que jamais, la vigilance s’impose !
12
60Millionsde consommateurs.Hors-Série N 1 18 S - j an vi er /f év ri er 2 01 6 °
colorants 6 0 M li li on s de c on so mm at eu rs . Ho rs -S ér ie N 118S -janvier/février 2016
Édito ...........................................................3 Ces ingrédients qui fâchent .....................6 Des produits annoncés comme sains sont parfois loin de l’être. Entre les allégations des industriels et la réalité des compositions, il y a un monde !
DÉSÉQUILIBRE DANS L’ASSIETTE ......... 12 Nous avons examiné à la loupe les aliments que nous consommons au quotidien. Beaucoup contiennent encore trop de sel, trop de sucre ou trop de gras.
°
13
Sans gluten : très cher régime .............. 42 Les indices qui peuvent alerter ...................... 45
Aliments vegan : sans viande, mais pas sans reproche.......................... 48
EXCLUSIF : LES 50 ADDITIFS À PROSCRIRE p. 57 Leur nombre a explosé depuis 20 ans, ce qui n’a fait que renforcer la méfiance
Sucre : l’ennemi public ...........................14
des consommateurs.
Décoder les mentions ..................................... 19 Édulcorants de synthèse ou naturels ? .........21
autorisés dans l’Union
Sel : un faux ami .....................................22 Lipides : débusquer le mauvais gras .....28 À la recherche du bon équilibre .....................33
Laitages : le lait est-il si blanc ? .............34
Près de 400 additifs sont
LA LI S TE D À P RO S C RI RE ES 5 0 AD DI TI FS O rd re n u mé ri q u e
E 10 2 • T ar t ra z in e E 10 4 • J aune d e E 110 qui • J aune or a nol éi n e E 12 2 ngé S • Az or ubi n E 12 4 e , ou c ar m • oi s in e P onc ea u E 12 9 4 R , • R ouge al l u ou r ouge c oc he n i l E 13 1 le A r a • Bl eu p at e AC E 15 0c nt é V • C ar ame l am E 15 0d moni ac al • C ar ame l au E 17 0 s • C ar bonat e ul fit e d ’ ammoni um E 17 1 d • • Di ox yd e d e c al ci um E 17 2 e t • O x yd e e t d it ane E 17 3 io x • Alumi ni um y de d e f er E 21 1 • Be nz oat e d E 21 8 e s od iu m • 4 -h y dr o x y E 22 0 be n • Anh y dr i de s z oat e d e mé t hy l e E 22 1 u • S ul fit e d e s l fu r eu x E 22 2 o • S ul fit e ac d i um E 22 3 id e d e s o • d iu m, ou h Di s ul fit e d E 22 4 yd r ogé nos e s • ul fit e d e s Dis ul fit e d od i um E 22 6 od ium e p • S ulfi te d e c ot as s iu m E 22 7 al ci um • S u E 22 l 8 fit e ac i de d e c al ci u m, • S E 24 9 u l fit e ac i de d ou h yd r ogé e p ot as s i n • os u l fi N t e d E 25 i t u 0 ri te d e p o m, ou h yd r ogé nos u e c al ci um • N i tr it e d e s t as s iu m l fit e d e p o E 25 1 t as s iu m od • N it ra t e d e s i um E 25 2 o • N it ra t e d e p d iu m E 32 0 ot as si um • • But yl hy d r E 32 1 ox y ani s ol ( • B But y lh y dr H A) E 43 2 • •
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européenne. Qu’ils soient sous la
R IS Q UE S AS SO C I É S : Al le rg i s an t C an c é r o g è ne b é t o gè n • D ia e • P er t u r b a t e u r e nd o c a m • I nfl m a t o i r e • P er t u r b e l e m i cr o b i r ou b l e s n e • T ur o l o g i r ou b l e u c • T om p e t d e l ’a ts t d e n t i o n c hoe • Ad di t i f po d es n an o p u a v a n t c on rt i c u l e s M a • ux d le s p er s oe n t ê t e , r ou g ne s s en s p ri s e d e p oi d s … ) •
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forme numérique ou alphabétique, tous ne sont pas à mettre dans le même panier. Où se nichent- ils ? Lesquels sont les plus dangereux ? De l’E171 (dioxyde de titane), souvent sous de taille nano, à l’E951 (aspartame), en passant par l’E250 (nitrite de sodium) ou l’E466 (gomme cellulosique),
«60» a dressé la liste des 50 additifs à proscrire.
À chaque lait ses qualités nutritionnelles .....38
K C O T S I
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60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
SOMMAIRE interactif
pesticides
Pour revenir au sommaire
toxines
IQUES USTRIE
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bactéries
LES ENNEMIS DANS LA CUISINE
nitrites Peu de matières nobles, mais beaucoup d’artifices… Les aliments ultratransformés occupent une bonne place dans les rayons des supermarchés. Très utilisés par les industriels, certains additifs, parmi les 390 autorisés dans l’Union européenne, ne sont pourtant pas sans conséquences sur la santé. D’autant qu’ils peuvent aussi se retrouver sous la forme nano. Et qu’en est-il de leur combinaison et des effets cocktails ? Sans compter la problématique des pesticides. Manger bio peut-il nous protéger ?
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salmonelles
Listérias, salmonelles, staphylocoques… Invisibles et pourtant bien connus, ils sont nombreux, ces virus et bactéries qui guettent le moment où s’installer dans une aile de poulet, un œuf ou un hamburger. La cuisine est un terrain de jeux de choix. Le mieux est encore de leur barrer l’entrée des lieux. Après avoir dressé l’inventaire de ces indésirables, «60» vous dévoile toutes les parades pour éviter les intoxications alimentaires.
virus
LES TOXIQUES DE L’INDUSTRIE ............ 52
LES ENNEMIS DANS LA CUISINE ........ 96
Peu de matières nobles, beaucoup d’artifices et d’additifs. Les aliments ultratransformés occupent une bonne place dans les rayons. Doit-on manger bio pour se protéger ?
Le frigo est le terrain de jeux préféré des listérias, salmonelles et staphylocoques. Le mieux est d’interdire l’entrée à ces bactéries indésirables.
Additifs : lesquels sont les plus dangereux ? ...............................54
Intoxications : comment les éviter ........ 98
Ne touchez pas à nos yaourts ! ..................... 59
Pesticides : la coupe est pleine .............. 64 L’insecticide gâche le miel .............................. 67
Les dangers biologiques transmissibles par les aliments ................... 102
Le frigo : ne brisez pas la chaîne du froid ! ................................ 108
Manger bio : un atout santé ? ............... 72 Comprendre les labels ................................... 75
Viandes rouges : trop de fer tue ............76 Le fer et les femmes, affaire de compromis ...79
Charcuteries : haro sur les nitrites ! ......82 Poissons : peut-on se fier aux produits de la mer ? ........................88
Bibliographie ......................................... 110 À NOTER • Les produits cités dans ce numéro sont indiqués à titre d’exemples. La totalité de l’offre commerciale des fabricants ne peut être représentée. Les prix ont été relevés en magasin ou sur Internet : ils peuvent fortement varier selon les points de vente.
L’huître triploïde inquiète ............................... 93
60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
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CES INGRÉDIENTS QUI FÂCHENT Trop gras, trop salés, trop sucrés… et, bien sûr, trop transformés, les produits fabriqués par les grandes marques de l’agroalimentaire sont loin d’être de “petits saints”, contrairement aux allégations flatteuses figurant sur les emballages. Malgré les jolis discours des grandes marques et la signature de chartes de “bonnes pratiques”, nous n’en avons pas fini avec la malbouffe.
Pire, les déséquilibres s’aggravent. D’après l’Étude nationale individuelle des consommations alimentaires (Inca 2) exploitée en 2017, plus de 4 Français sur 10 dépassent le seuil maximal de consommation de sucre fixé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS). En 2006, ils n’étaient que 26 % à franchir la ligne jaune. Les Français absorbent en moyenne 8 g de sel par jour, soit 60 % de plus que la recommandation de l’OMS. Aujourd’hui, 17 % des enfants et la moitié des adultes sont en surpoids. Parmi ces derniers, 1 personne sur 6 souffre d’obésité.
On sait depuis longtemps qu’une alimentation trop “riche” favorise les maladies cardio-vasculaires, le diabète ou l’hypertension. Mais d’autres indices mettent en cause les produits industriels.
LES EXCÈS DE L’ALIMENTATION INDUSTRIELLE MIS EN CAUSE En 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) a épinglé les viandes transformées et les charcuteries comme cancérogènes probables. Dans une étude internationale publiée début 2018 dans le British Medical Journal, un lien sérieux a été fait entre nourriture ultratransformée (pauvre en nutriments et riche en sel, sucres, graisses et additifs) et risque de cancer. Les assiettes réelles des Français ont été analysées à grande échelle, grâce aux données fournies quotidiennement par 105 000 volontaires au programme NutriNet, initié en 2009 par le Pr Serge Hercberg.
UN GROS CUBE DE SEL Kub Or
• 63 % de sel • 0,5 % de fibres
SUCRE, SEL, GRAISSES… SAVENT BIEN SE CACHER
Les progrès de quelques bons élèves de l’agroalimentaire pèsent malheureusement peu face à la déferlante de produits trop gras, trop salés et trop sucrés. 80 % du sel absorbé par les Français proviennent des aliments transformés. 70 % des sucres sont ajoutés et cachés. Cachés, parce que les consommateurs ne soupçonnent pas leur importance. Dans les compositions,
60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
les sucres avancent aussi masqués, avec des dénominations telles que fructose, dextrose ou maltodextrine. Pas évident de les repérer, même en scrutant l’étiquette. Surtout, quantité de sucres se nichent dans des aliments salés, et vice versa . Par exemple, une petite barquette de carottes râpées peut contenir dans sa vinaigrette un demi-morceau de sucre. De la même façon, le sel s’invite dans des denrées sucrées, comme les biscuits ou les céréales du petit déjeuner (Corn Flakes Kellogg’s).
8 TOMATES ET 22 SUCRES Tomato ketchup Heinz
• 23 % de sucre • Peu de fibres
DES ALLÉGATIONS EN TROMPE L’ŒIL Pour couronner le tout, nombre d’ingrédients qui fâchent sont dissimulés derrière des allégations alléchantes. « La saveur légumes et sauce soja s’inspire d’une tech- nique culinaire japonaise, le kinpira. C’est une préparation de légumes d’automne croquants sautés et mijotés dans une sauce soja », peut-on lire sur le pot de nouilles instantanées Tanoshi. Un exemple parfait de storytelling (récit marketing). Dans ce produit – qui, soit dit en passant, n’a rien de japonais –, il n’y a que 0,4 % de légumes déshydratés. Pour leur donner un semblant de saveur et de texture,
DES ADDITIFS AJOUTÉS DANS NOS YAOURTS ! Q C’est une spécificité
française : notre réglementation prohibe l’ajout d’additifs dans les yaourts. Pourtant, les grandes marques en incorporent en quantité dans leurs yaourts aux fruits, comme le montrent les exemples ci-contre. Comment est-ce possible ? Q Les industriels prétendent ne pas ajouter d’additifs au yaourt lui-même, mais au mélange de fruits qu’il contient (voir page 59). Un subterfuge qui ternit un produit supposé sain.
pas moins de 12 additifs ont été incorporés, dont 4 figurent dans notre liste des 50 additifs à proscrire (voir page 56) . Pire : la plupart des grandes marques n’hésitent pas à user d’allégations
santé ou de visuels en trompe l’œil pour faire croire à un produit sain, alors qu’il ne l’est pas. On ne compte plus les aliments ciblant les enfants et les ados qui comportent des mentions
CARREFOUR YAOURT AUX FRUITS RECETTE CRÉMEUSE
9 ADDITIFS !
E120 carmin de cochenille, E160c extrait de paprika, E163 anthocyanes, E407 carraghénanes, E412 gomme de guar, E440i pectine, E1403 amidons modifiés (tapioca, maïs, pomme de terre).
TAILLEFINE YAOURT FRAISE
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7 ADDITIFS !
E270 acide lactique, E330 acide citrique, E331 citrates de sodium, E407 carraghénanes, E950 acésulfame K, E955 sucralose, E1422 amidon modifié.
VELOUTÉ FRUITS FRAISE, FRAMBOISE, PÊCHE, ABRICOT
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3 ADDITIFS !
E330 acide citrique, E331 citrates de sodium, E1422 adipate de diamidon acétylé.
MAMIE NOVA GOURMAND YAOURT AUX FRUITS
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7 ADDITIFS !
E120 carmin de cochenille, E160c extrait de paprika, E161b lutéine, E407 carraghénanes, E415 gomme xanthane, E440i pectine, E1403 amidon modifié.
PANIER DE YOPLAIT NATURE SUR FRUITS
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12 ADDITIFS !
E100 curcumine, E160c extrait de paprika, E161b lutéine, E163 anthocyanes, E202 sorbate de potassium, E330 acide citrique (acidifiant et correcteur d’acidité), E331 citrates de sodium, E407 carraghénanes, E415 gomme xanthane, E440i pectine, E1403 amidon modifié.
60 Millions de consommateurs. Hors-Sé rie N 125S - mai/juin 2018 °
Î
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“riche en lait” (Lulu l’ourson, de Lu) ou “riche en vitamines”. Il s’agit d’appâter les parents, soucieux de la bonne forme de leur progéniture. Super Poulain met en avant ses 4 vitamines et 2 minéraux. « Complète parfaitement un petit déjeuner équilibré » , peut-on lire sur la boîte. En fait, ce Super Poulain n’est en rien un bon cheval pour démarrer la journée. C’est une bombe de sucre, et même une superbombe, avec près de 86 % de sucre, et donc, forcément, très peu de cacao. Quant aux Kinder Bueno, malgré le verre de lait et les noisettes en gros plan sur l’emballage, leur cœur fondant recèle autant de matières grasses que de vulgaires rillettes. Pas bueno , tout cela !
1 A B C
DES PRODUITS “SANS” PIRES QUE LES AUTRES
❏ ❏ ❏
Le sucre blanc Le fructose Le sucre inverti
On me prête des origines turques. Les Français raffolent de mon pot, dans lequel grouillent au moins 1 milliard de bactéries vivantes. Qui suis-je ?
2
Que dire aussi de ces produits “sans sucre”, “veggie” ou “sans gluten” qui se révèlent aussi peu recommandables que leurs homologues “classiques”, voire d’une qualité encore plus exécrable. Tel le Cordon bleu Vegan Deli Monoprix, qui recourt à pas moins de 12 additifs. Les tartuffes du “manger sain” n’ont pas froid aux yeux. Dans des aliments supposés allégés, ils remplacent un ingrédient honni par un autre. Ainsi, cette tablette de chocolat Ligne gourmande Poulain contient 99 % de sucre en moins que son homologue non allégé, mais ses matières grasses ont été augmentées de 52 %. Même logique dans la sauce de soja Kikkoman à teneur en sel réduite : elle affiche 43 % de sel en moins que la classique, mais il
Pour ne pas augmenter son cholestérol, il ne faut pas dépasser, par semaine, une consommation de…
3
A B C
❏ ❏ ❏
2 œufs 4 œufs 7 œufs
faut comparer les deux références pour constater que la référence moins salée a vu sa quantité de sucre bondir de 550 % !
DES PROCÉDÉS QUI RENFORCENT L’ADDICTION DU CONSOMMATEUR
PAR ICI LA MAUVAISE SOUPE ! Nouilles japonaises Tanoshi • 12 additifs • 0,4 % de légumes 8
Lequel de ces sucres est le plus calorique ?
Mais pourquoi les industriels ne proposent-ils pas de produits plus équilibrés et plus sains ? La concurrence effrénée, la pression sur les prix et, in fine , les comportements d’achat des consommateurs jouent un rôle essentiel. Dans Cochonneries (éd. La Découverte, 2017), Guillaume Coudray décortique l’engrenage qui tire le marché vers le bas, en relatant l’introduction des nitrites dans les charcuteries. À la fin du XIXe siècle, aux
60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
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Réponses
Laquelle de ces portions est la plus riche en graisses saturées ? A ❏ 100 g de Caprice des dieux B ❏ 100 g de rillettes du Mans C ❏ 100 g de Juste Sèche
4
(Justin Bridou)
Lorsqu’ils sont d’origine naturelle, les colorants carmin sont extraits de… A ❏ Jus de carotte noire B ❏ Cochenilles C ❏ Concentré de tomate
5
Combien de temps après avoir mangé un aliment contaminé par la Listeria peut-on déclarer une intoxication alimentaire ? A ❏ 8 heures B ❏ 2 jours C ❏ 2 mois
7
Quelle est la particularité d’une huître triploïde ?
8
A ❏ Elle n’est jamais laiteuse, même en été
Âgé de 110 ans, je suis capable de changer le sel en or. Avec ma tête au carré, il m’arrive de bouillir à petit feu. Qui suis-je ?
6
B ❏ Elle grandit en 2 ans au lieu de 3 C ❏ Elle possède 3 yeux, au lieu de 2
États-Unis, les meat packers de Chicago trouvent un intérêt à ces additifs, qui permettent de colorer saucisses et jambon en rose. Non seulement les denrées sont plus appétissantes, mais le processus de fabrication est accéléré. Les importations américaines à vils prix de bacon, de faux jambons de Westphalie et de knacks déferlent sur l’Europe, évinçant par la même occasion les savoir-faire locaux. Aujourd’hui, les géants de l’agroalimentaire se livrent une bataille acharnée pour un demipoint de part de marché. Il faut rogner sur les matières premières pour dégager des marges ou casser les prix. Sel, sucre et graisses sont les ingrédients les moins coûteux. Leur combinaison stimule les pics de glycémie, entraînant des réactions addictives. Quant aux additifs
(voir page 7).
6 Je suis le Bouillon Kub. Commercialisé en 1907, je suis une mine de sel… et aussi d’or pour Maggi (voir page 22). 7 B et C • La durée d’incubation moyenne de la Listeria est de 17 jours, mais elle peut varier de 2 à… 88 jours ! (voir page 102). 8 A et B • L’huître triploïde est un organisme vivant modifié par l’homme (voir page 93).
UN CŒUR FONDANT DE GRAISSES Kinder Bueno
• 37 % de matières grasses • 11 % de noisettes broyées
60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
1 Aucun des trois • Tous les glucides possèdent la même valeur calorique (voir page 18). 2 Je suis le yaourt (voir page 59) . 3 C • Contrairement à une idée reçue, 1 œuf par jour n’augmente pas le taux de cholestérol dans le sang (voir page 29). 4 A • 2 Mini-Caprice des dieux suffisent à atteindre 88 % du seuil d’alerte journalier en acides gras saturés (voir page 31). 5 B • L’E120 peut être fabriqué avec des carapaces de cochenilles, petits insectes originaires du Pérou
z 9
50 PRODUITS À
– colorants, conservateurs et (ou) exhausteurs de goût –, ils donnent aux aliments une “hypersaveur” qui excite les papilles.
La plupart des produits que
LES ADDITIFS S’INVITENT MÊME DANS LES YAOURTS
nous avons étudiés obtiennent une note égale ou inférieure à D.
Et voilà que nos yaourts sont à leur tour colonisés par des additifs. En principe, pourtant, la réglementation française (contrairement à celle de l’Union européenne) les interdit. Le décret du 30 décembre 1988 énonce qu’ils « peuvent être additionnés des produits suivants : arômes ainsi que, dans la limite de 30 % en poids du produit fini, sucres et autres denrées alimentaires conférant une saveur spécifique ». Il s’agit d’une énumération “positive” : tout ce qui n’est pas mentionné est interdit. Les additifs n’étant pas des denrées, ils n’ont donc pas droit de cité. Mais l’industrie laitière a trouvé la parade en ajoutant colorants, édulcorants et additifs aux fruits des yaourts. Ce n’est donc pas le yaourt lui-même qui contient des additifs, mais le mélange de fruits, assimilé à une denrée alimentaire. Un subterfuge qui dénature un produit simple et bon pour la santé. Et une dérive inadmissible, symbole d’une perte de repères. n
Mis en place en octobre 2017, le NutriScore est un système d’étiquetage officiel, mais non obligatoire. Il permet aux consommateurs de comparer les produits d’une même catégorie (céréales, barres chocolatées, chips, plats surgelés…) et d’identifier ceux qui sont à privilégier. Il vise à participer à la lutte contre l’obésité, le diabète et les pathologies cardio-vasculaires, favorisés par une mauvaise alimentation. Reste que, simplification oblige, le NutriScore comporte quelques lacunes. Les scores de Nesquik et de Super Poulain sont calculés en diluant la poudre dans du lait. Les additifs ne sont pas comptabilisés non plus. Selon nos calculs, les nouilles japonaises Tanoshi ont une note C Nutri-Score, mais elles affichent 12 additifs ! Moins gras qu’un beurre classique, noté E, le beurre allégé La Payse récolte pour sa part un D, malgré ses 5 additifs.
UN BOL DE SUCRE AU LEVER
LE NUTRI-SCORE EXPLIQUÉ Le système Nutri-Score repose sur un code de 5 couleurs : A B C D E
Super Poulain
• 86 % de sucre • 14 % de cacao » 0 6 «
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Comme avec l’étiquette énergie, les aliments les plus sains portent la lettre A (verte), et les moins équilibrés, la lettre E (rouge). • Les produits avec un score A ou B, les plus favorables en termes de nutrition, peuvent être consommés régulièrement. • Les produits portant les lettres C et D sont à consommer en quantité modérée et moins fréquemment. • Les produits notés E doivent être consommés le moins souvent possible.
60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
L’ÉPREUVE DU NUTRI-SCORE NOM DU PRODUIT
Valeurs moyennes pour 100 g
Nutri-Score
Trop de sucres
Barres céréales chocolat, Carrefour bio Carottes râpées, Carrefour bio Chips aromatisées Texas barbecue, Pringles Chips de betterave, panais et carotte au sel de mer, Tyrrells Crêpes au fondant et morceaux de chocolat, Paysan breton Lulu l’ourson chocolat, Lu Nesquik, préparation en poudre, Nestlé Nutella, Ferrero Pim’s L’Original orange, Lu Smacks blé soufflé caramélisé, Kellogg’s Super Poulain, préparation en poudre, Poulain Tomato ketchup, Amora Tomato ketchup, Heinz Trésor goût chocolat noisettes, Kellogg’s Véritable Petit Beurre, Lu
Valeurs moyennes pour 100 g
Nutri-Score
Trop de gras (acides gras saturés)
Barres céréales chocolat riz croquant sans gluten, Gerblé Caprice des dieux Chocolat noir ligne gourmande, Poulain Croc’sec nature, Cochonou
33 g
D
6,3 g
A
4,6 g
D
22,5 g
E
42 g
E
31 g
D
76 g
B
56,3 g
E
49 g
E
41 g
C
85,5 g
D
22 g
D
22,8 g
D
29 g
D
Trop d’additifs
23 g
E
Beurre doux à teneur réduite en matière grasse, La Payse Bouillon de volaille, Belle France Bridelight doux 15 % de matière grasse Cappuccino en poudre, Maxwell House Coca-Cola Zero sucres
1,13 g
A
4,65 g
C
62,8 g
B
1,3 g
D
1,13 g
B
1,8 g
D
1,9 g
D
1,9 g
D
1,63 g
E
2,2 g
D
2,5 g
D
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Extra pépites, Kellogg’s Fleuron de canard, mousse pur canard, Fleury Michon Grany Noisettes 5 céréales, Lu Kinder Bueno, barres chocolatées lait et noisettes, Ferrero Lulu l’ourson chocolat, Lu Tarama aux œufs de cabillaud, Auchan Trésor de grand-mère, pâte brisée, Herta Trésor goût chocolat noisettes, Kellogg’s NOM DU PRODUIT
Trop de sel
American sandwich riche en fibres, Harrys Banzaï Noodle saveur bœuf, Lustucru Bouillon Kub Or, Maggi Chips extra craquantes nature, Vico Corn Flakes, Kellogg’s Knacki végétale blé et pois, Herta Nuggets bio sans viande, Bjorg Nuggets végétariens surgelés, Carrefour Veggie Palmito, Lu Petit Crisp Skorpor gluten free, Schär Schnitzel nature végétalien, Vegan Deli Monoprix
NOM DU PRODUIT
6,8 g
D
22 g
D
27,5 g
D
18 g
E
11 g
E
21 g
E
6g
D
17,3 g
E
3,3 g
D
4,4 g
D
8,8 g
D
4g
D
Additifs
Nutri-Score
5
D
5
E
5
D
3
E
5
B
Kitkat ball, Nestlé
5
E
Lulu l’ourson chocolat, Lu
6
D
M & M’s, bonbons Nouilles façon poulet thaï Mon Asian Pot, Knorr Nouilles japonaises saveur légumes et sauce soja, Tanoshi Pané “façon cordon bleu”, Vegan Deli Monoprix Repas minceur complet crèmes saveur vanille, Gerlinéa
9
E
8
C
12
C
12
D
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B
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graisses
sel
DÉSÉQ DANS
Nous avons examiné à la loupe les produits que nous consommons au quotidien. Beaucoup contiennent encore trop de sel, trop de sucre ou trop de gras. Souvent cachés, ces ingrédients nuisent pourtant à notre santé. D’autant que les “portions” affichées par les fabricants ne sont pas toujours réalistes. Reste que succomber à la mode du “sans” (gluten, produits laitiers ou viande) n’est pas une solution. Au contraire. Ces régimes “tendance” peuvent engendrer des carences. Plus que jamais, la vigilance s’impose !
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sucres
UILIBRE L’ASSIETTE
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SUCRE L’ennemi public
Les preuves des dégâts du sucre sur la santé s’accumulent. Consommé en excès, car souvent caché dans de nombreux produits industriels, il se révèle aussi dangereux que les graisses. La chasse au sucre est ouverte, mais elle se révèle délicate. Les Français consomment 35 kg de sucre par an, contre 20 kg en moyenne dans le reste du monde. Et pas moins de 4 Français sur 10 mangent trop de sucres dits “libres”. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande depuis 2015 que ces sucres ajoutés par le fabricant ou par le consommateur ainsi que ceux présents naturellement dans le miel, les jus de fruits et les sirops ne représentent pas plus de 10 % des apports énergétiques totaux (soit 50 g par jour). Or, d’après l’enquête Inca 2, exploitée en 2017, 41 % des Français dépassent ce seuil. En 2006, ils n’étaient que 26 % à franchir la ligne jaune. L’OMS conseille même de réduire les apports en sucres ajoutés à 25 g par jour, c’est-à-dire 6 cuillerées à café.
Une canette de 33 cl de Coca-Cola, avec ses 35 g de sucre, dépasse largement ce niveau. 6 cuillerées à café de sucre par jour, cela correspond à la dose que notre organisme peut métaboliser sans danger.
LE NOMBRE D’OBÈSES POURRAIT FONDRE Au-delà, le glucose se transforme en gras. La responsabilité du sucre dans l’obésité et le surpoids est aujourd’hui démontrée. D’après une étude publiée dans The Lancet en 2016, si les industriels diminuaient de 40 % la quantité de sucres ajoutés dans les sodas, et ce pendant 5 ans, la Grande-Bretagne compterait 1 million
T rop, ’ s t t rop ! c e UN CONCENTRÉ DE SUCRES Tomato ketchup Heinz Au milieu de l’étiquette au design “American way of life” trône une tomate. Pourtant, le fruit rouge est loin d’être le seul ingrédient de cette préparation. Nous avons calculé qu’un flacon de tomato ketchup de 700 g (photo ci-contre) nécessite 8 tomates et… 22 morceaux de sucre. Les proportions sont à peu près les mêmes pour l’ensemble des ketchups commercialisés. En fin de compte, une pression de sauce (20 g) contient autant de sucre que 2 Petit-Beurre de la marque Lu… Il s’agit d’un véritable problème, d’autant que nous avons l’habitude de consommer le ketchup avec des aliments gras et souvent, eux aussi, sucrés, tels les frites et les hamburgers. Enfin, rappelons que cet apport en sucre stimule et entretient
V ALE UR E N SUCR E
P our 100 g P our 20 g
22,8 g 4,6 g
une appétence pour les aliments sucrés.
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d’obèses en moins. Le sucre attaque nos artères. Lorsque ce dernier représente un quart de l’apport énergétique quotidien, le risque de décès par maladie cardio-vasculaire triple. Autre conséquence de l’abus de sucre, le diabète, en tout cas de manière indirecte. De nombreuses études ont en effet prouvé que l’obésité abdominale en était un facteur. L’abus de sodas est aussi à l’origine d’une pathologie récente, la stéatohépatite non alcoolique, appelée aussi “maladie du foie gras”, ou “nash” (acronyme de non-alcoholic steatohepatitis, lire également page 110). Les sucres, transformés en graisses, provoquent une inflammation du foie qui peut aller jusqu’à nécessiter une greffe. En revanche, les liens entre sucre et cancer ne sont pas établis. Il faciliterait la croissance des tumeurs, mais aucun régime sans sucre n’est pour le moment recommandé aux malades du cancer.
OUBLIEZ LA DISTINCTION ENTRE SUCRES LENTS ET SUCRES RAPIDES Les méfaits du sucre pèsent d’autant plus lourd qu’il n’apporte ni vitamines, ni fibres, ni minéraux, seulement des “calories vides”. Notre organisme a certes besoin de 250 à 300 g de glucides par jour. Et il sait les trouver dans l’amidon du pain, les féculents, les céréales, les fruits et le lait. De fait, tous les sucres ne se valent pas. Les monosaccharides, tels que le glucose et le fructose, ou les disaccharides (saccharose) qui sont ajoutés aux aliments sont des sucres simples, contrairement aux polysaccharides, tels que l’amidon, présents dans les céréales entières ou les légumineuses, qui sont complexes. Ils se digèrent tous à la même vitesse. La distinction entre sucres lents et sucres rapides a vécu. En revanche, ils ne possèdent pas tous le même index glycémique (IG). Cet index mesure la capacité d’un glucide à faire élever la glycémie. Quand il est compris entre 70 et 100, il est considéré comme élevé et provoque des pics d’insuline, qui favorisent le
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stockage des graisses. C’est le cas des sucres libres. Les glucides complexes (riz sauvage, quinoa, mais aussi pommes) ont tendance à avoir un IG bas. Mais attention : des aliments composés de glucides complexes peuvent aussi avoir un IG élevé. Leur mode de préparation, la présence d’autres nutriments ou la rapidité d’absorption changent la donne. Alors que des pâtes complètes cuites al dente ont un IG modéré, des spaghettis blancs bien cuits tombent dans la catégorie IG élevé. De même, le fructose contenu dans une pomme ne présente aucun danger si on croque le fruit. Il aura donc un IG bas. Sous la forme de jus, il présentera un IG élevé.
Lefebvre, nutritionniste canadienne et auteur de Sucre : vérités et conséquences (éd. Edito, 2017). « Mais la surconsommation de fruits, nous en sommes loin. » Utilisé dans les produits transformés, le fructose est considéré comme « la toxine publique n° 1 », selon le Dr Robert Lustig, endocrinologue pédiatrique à l’université de Californie, à San Francisco. « C’est la combinaison entre le fructose et très peu de fibres qui est à l’origine des maladies mé- taboliques chroniques », affirme-t-il. En fait, l’industrie agroalimentaire remplace le saccharose par du sirop de glucose-fructose. Le fructose passe dans le foie et provoque une augmentation des graisses dans notre organisme. Ce sucre n’offre pas non plus de sensation de rassasiement. Dans certains gâteaux, le sirop de glucose-fructose arrive en tête de la liste des ingrédients. C’est le cas pour les biscuits Pim’s, de Lu. Le terme maltodextrine cache lui aussi un sucre prisé de l’industrie agroalimentaire. Les maltodextrines servent à donner du goût à une boisson
LE FRUCTOSE ÉLEVÉ AU RANG DE TOXINE PUBLIQUE N° 1 il faut presser 3 ou 4 oranges. Un petit déjeuner sain comprend une seule orange. « Certaines personnes en viennent à se demander si elles ne doivent pas limiter leur consommation de fruits », témoigne Catherine Pour 1 verre de 20 cl,
QUELLES DIFFÉRENCES ENTRE CES POUDRES ? Préparation en poudre Nesquik Sur l’étiquette, un logo indique : « Opti-déj : fer, vitamine D, zinc. » La préparation a, en effet, été enrichie de vitamines C, B1 et D. Un argument vendeur auprès de parents en quête d’aliments affichant une promesse santé. Évidemment, aucune mention ne spécifie « riche en sucre », alors qu’il s’agit du premier ingrédient de la préparation. Un seul bol de Nesquik couvre RES C U S N E VALEU R 80 % de l’apport quotidien recommandé par l’OMS (25 g). C’est beaucoup trop, g 5 9, l Pour 100 m d’autant que ce dernier est souvent accompagné d’une ou deux tartines sucrées. it) 1 bol (200 ml la
20 g
Préparation en poudre Super Poulain La devise de ce chocolat en poudre : « Réveille tes matins ! » À condition toutefois de digérer après son petit déjeuner. Le premier ingrédient de Super Poulain est le sucre, présent à … 85,5 %. Le cacao n’est qu’un alibi (14,5 % de la formule). Un bol de Super Poulain dépasse l’apport maximal quotidien de sucres ajoutés recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour un adulte (25 g). Et dépasse de 30 % l’apport maximal quotidien pour un enfant de moins de 6 ans. V ALE UR E N SUCR ES Le fabricant revendique sur l’étiquette P our 100 g « 4 vitamines et 2 minéraux ». Résultat ? 85,5 g 1 bol (200 ml la it Cette poudre jouit d’une image de “produit ) 27 g sain”. Un comble !
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et à donner de la consistance à une sauce. Peu sucrées, elles ont en revanche un index glycémique élevé. Fabriqués à partir de l’amidon de blé, de maïs ou de pomme de terre, ces glucides ont prouvé leur intérêt pour les sportifs. D’ailleurs, de nombreuses boissons énergisantes en contiennent. En revanche, les maltodextrines pourraient modifier le microbiote intestinal et favoriser la maladie de Crohn.
DES QUANTITÉS DE GLUCIDES DANS LES BISCUITS ET LES CHIPS Reste que, alors que le consommateur se doute qu’il y a du sucre dans le gâteau de Lu, 70 % des sucres que nous avalons sont ajoutés et cachés. Des quantités importantes de glucides se nichent dans des aliments salés. Ainsi, les chips Pringles goût barbecue contiennent le triple de la moyenne des sucres dans les chips. Une barquette de 300 g de salade de chou peut contenir l’équivalent de 6 à 7 morceaux de sucre. L’expérience menée par le réalisateur australien du
LES CONSEILS DE «60» Faites la chasse aux gros pourvoyeurs de sucres. Les gâteaux, le miel, la confiture, les confiseries, la pâte à tartiner, le chocolat, les biscuits et les desserts laitiers apportent plus de 60 % des sucres libres.
Diminuez la quantité de boissons sucrées, aussi bien les sodas que les jus. 1 verre contient l’équivalent de 4 morceaux de sucre.
Préférez une cuisine faite maison ou artisanale à
des aliments transformés. La quantité de sucres d’une préparation industrielle peut être 4 fois plus élevée.
Mangez les aliments sucrés en fin de repas
et évitez de les prendre à jeun. Mélangés aux autres aliments, les sucres seront métabolisés plus lentement. Vous serez rassasié plus vite et éviterez les pics de glycémie.
Diminuez les doses de sucre
si vous avez craqué la veille sur un aliment trop sucré. L’équilibre alimentaire se calcule sur la semaine.
Réduisez progressivement la quantité de
sucre de votre café pour vous déshabituer de ce goût.
Choisissez des pâtes, du riz et du pain complet. V ALE UR E N SUCR ES
P our 100 ml 6,3 g 1 mug (200 ml lait ) 13 g
Nesquik moins de sucres Cette poudre revendique 42 % de sucres en moins. Il faut retourner le produit pour lire : « Par rapport à la moyenne des boissons cacaotées enfants. » En réalité, elle ne contient que 33,7 % de sucres de moins que le Nesquik classique. Pour obtenir ce résultat, Nestlé a diminué la concentration de cacao. Le produit étant moins amer, il nécessite moins de sucres. Le goût sucré a été préservé grâce à l’ajout de 3 substituts : la dextrine de maïs, le sirop » 0 6 «
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de glucose et la maltodextrine. Ce dernier sucre possède un index glycémique élevé et favorise les pics d’insuline et
Ils contiennent plus de fibres, qui ralentissent la digestion de l’amidon et donc diminuent le risque de fringale. Préférez la cuisson al dente. L’indice glycémique des pâtes grimpe quand elles sont trop cuites.
Évitez de calmer un enfant qui pleure ou
qui fait un caprice avec un bonbon. Plus grand, il risque d’avoir besoin de sucre pour apaiser ses angoisses.
Chez les personnes âgées, les capacités
de détection des goûts salé, amer et acide diminuent. En revanche, le goût sucré s’émousse moins, ce qui explique l’appétence des personnes âgées pour cette saveur. Il faut donc faire attention à ne pas avoir un régime alimentaire déséquilibré. Chez les personnes âgées dénutries (environ 30 % chez les personnes dépendantes), la consommation de produits sucrés ne doit pas être limitée.
les risques de diabète. Un produit aux allégations “light”,
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mais qui entretient l’envie de sucré. Dommage !
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QUELS SONT CES SUCRES ? FRUCTOSE « pouvoir sucrant : 120 ; index glycémique : 20 Origine : issu principalement des fruits, mais également du miel, du sirop d’agave.
Utilisation : présent naturellement dans les jus de fruits, les compotes.
Risques associés : les maladies cardio-vasculaires, la prise de poids, l’obésité ainsi que le diabète de type 2. Il stimule l’appétit.
GLUCOSE « pouvoir sucrant : 70 ; index glycémique : 100 Origine : présent naturellement dans les fruits, le miel. Le dextrose, la forme en poudre du glucose, est obtenu à partir de l’amidon de blé.
Utilisation : employé dans les pâtisseries, non pour son pouvoir sucrant, mais pour garantir une meilleure conservation. Utilisé aussi dans les glaces, pour en améliorer la texture.
Risques associés : il favorise la résistance à l’insuline, les maladies cardio-vasculaires.
LACTOSE « pouvoir sucrant : 20 ; index glycémique : 46 Origine : issu du lait de vache et, en moindre quantité, du lait de chèvre et de brebis.
Utilisation : produits laitiers, aliments pour bébés, confiseries.
Risques associés : faibles, sauf allergie à la lactase, qui provoque ballonnements, diarrhée, urticaire… L’intolérance à la lactase (moins grave) toucherait de 30 à 50 % de la population.
MALTODEXTRINE « pouvoir sucrant : très faible ; index glycémique : entre 106 et 136 Origine : amidon (de blé ou de maïs) ou fécule (de pomme de terre).
Utilisation : boissons énergisantes, sauces, yaourts, poudres chocolatées… Utile pour les sportifs en cas d’effort physique intense.
Risques associés : pics d’insuline, favorise le diabète et pourrait perturber la flore intestinale.
SACCHAROSE « pouvoir sucrant : 100 ; index glycémique : 70 Origine : issu principalement de la canne à sucre et de la betterave sucrière.
Utilisation : 80 % par l’industrie agroalimentaire et 20 % par les ménages (sucre de table).
Risques associés : augmente la résistance à l’insuline, favorise la prise de poids et l’obésité, et stimule la production d’insuline. La différence entre sucre blanc et sucre roux est surtout gustative.
SIROP DE GLUCOSE-FRUCTOSE, OU SUCRE INVERTI, OU SIROP DE MAÏS, OU ISOGLUCOSE « pouvoir sucrant : entre 80 et 110 (selon la proportion de glucose et de fructose) ; index glycémique : 115 Origine : mélange de glucose et de fructose, fabriqué à partir d’amidon de maïs ou de blé.
Utilisation : très employé par l’industrie agroalimentaire dans les boissons, glaces, gâteaux, yaourts, crèmes desserts, céréales…
Risques associés : augmente la résistance à l’insuline, favorise l’obésité, les maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2.
Attention ! Tous les glucides possèdent la même valeur calorique : 400 calories pour 100 g. C’est le pouvoir sucrant qui fait la différence. Cet indice indique la puissance du goût sucré dégagé par le glucide. Le saccharose, qui possède un pouvoir sucrant de 100, est la référence. En toute logique, plus le pouvoir sucrant est élevé, plus on peut limiter l’apport en glucides, et moins l’aliment sera calorique. Mais, les sucres étant ajoutés par l’industriel, le consommateur ne peut pas réduire la charge calorique.
sorti en janvier 2018, montre combien notre consommation de sucres ne dépend pas des glaces ou des bonbons. Pendant 2 mois, Damon Gameau s’est imposé un “régime” de 40 cuillerées à café de sucre par jour, soit la moyenne australienne. Non pas avec des sodas ou de la junk food, mais avec des aliments apparemment sains, tels que des boissons light, des smoothies, des barres de céréales ou du thé glacé. Résultat : 8,5 kg et 10 cm de documentaire Sugarland ,
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tour de taille supplémentaires, et un début de stéatose hépatique, cette “maladie du foie gras”. Pour faire la chasse aux sucres, certains optent pour des produits “allégés”. La recette consiste à les remplacer par des édulcorants de synthèse. En termes de calories, la stratégie est gagnante. Un Coca light affiche 0,5 kcal pour 250 ml, contre 105 kcal pour un Coca-Cola traditionnel. Pourtant, le light ne ferait pas perdre de poids. Une série de 3 études parues dans le New England Journal of 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
Medicine a même montré que ceux qui boivent des sodas light consomment plus de nourriture que les consommateurs de sodas classiques (100 kcal par jour en plus). Une étude parue en janvier 2018 dans Obesity Facts confirme les dangers du light. Après avoir analysé 30 études sur 245 000 personnes, le lien entre boissons édulcorées et corpulence est mis en évidence. En mars 2017, l’équipe de Guy Fagherazzi, chercheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), a apporté une nouvelle fois la preuve que les personnes qui consomment « toujours ou presque » des édulcorants voient grimper leur risque de diabète de 83 % par rapport à celles qui n’en consomment « jamais, ou rarement ». Des chercheurs de l’Inserm ont montré que 1,5 l de boissons light par semaine augmente de 59 % le risque de diabète.
DÉCODER LES MENTIONS Vous vous perdez dans les étiquettes ? «60» vous explique les 5 allégations santé
qui font référence au sucre.
LES RATS DE LABORATOIRE PRÉFÈRENT LE SUCRE À LA COKE Les édulcorants augmenteraient la sensation de faim, en faisant sécréter moins d’hormones de la satiété. Seule certitude : consommer des produits avec des édulcorants entretient le goût pour le sucre. Or, selon certains chercheurs, le sucre présenterait un fort pouvoir addictif. Serge Ahmed, neurobiologiste au Centre national de la recherche scientifique (CNRS), a mené des études chez des rats. Entre une dose de cocaïne et une boisson sucrée, les animaux choisissent cette dernière 9 fois sur 10. « Le sucre entraîne l’augmentation de la libération de dopamine et active le circuit de la récompense, ce qui donne envie de renouveler l’expérience. La perte de contrôle, l’incapacité à réguler sa consommation alors que l’on perçoit déjà les dommages d’un tel comportement sont communes à toutes les addictions », souligne le chercheur.
UNE TAXE SUR LES BOISSONS FAIT CHUTER LA CONSOMMATION
A I L O T O F ; K C O T S I
C’est pourquoi Serge Ahmed estime que « même une personne avec une forte volonté aura du mal à réduire sa consommation de sucres cachés ». Trois scientifiques avaient lancé un appel dans la revue Nature en 2012. Selon eux, le sucre mériterait des mesures aussi draconiennes que l’alcool et le tabac. La dangerosité du sucre a conduit la France à instaurer en 2012 une taxe 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
« Sans sucres » L’aliment ne contient pas plus de
0,5 g de sucres pour 100 g ou 100 ml. « Sans sucres ajoutés » L’industriel n’a ajouté aucun
type de sucres ou de matières sucrantes au moment de la fabrication. Cependant, l’aliment peut être très sucré à cause des sucres naturellement présents dans l’aliment. C’est le cas des jus de fruits et des compotes. Par ailleurs, l’association de consommateurs belge Test-Achats a révélé en février 2018 qu’un grand nombre de produits étiquetés « sans sucres ajoutés » contiennent en fait des édulcorants. « Glucides, dont sucres » Derrière cette formule
obscure se cache la somme des glucides simples et des glucides complexes. Il est impossible de distinguer les sucres ajoutés des sucres naturellement présents dans le produit, mais plus la quantité de glucides simples est élevée, plus le risque que des sucres aient été ajoutés augmente. « Allégé en sucres » ou « réduit en sucres »
Le produit contient au moins 30 % de sucres de moins que la moyenne dans la gamme concernée. Pour pouvoir apposer cette mention, la valeur énergétique du produit doit aussi être inférieure ou égale à celle d’un produit similaire. « Light » ou « léger » Ces termes marketing
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n’offrent aucune garantie d’allégement du produit. Ils ne relèvent d’aucune législation. 19
primer 18 000 tonnes de sucres de ses produits d’ici à 2020. L’industriel a déjà mis sur le marché une poudre Nesquik annoncée avec « – 42 % de sucres » (voir encadré page 17). Pour ses céréales, Nestlé a diminué la dose de 30 % en enveloppant les pétales de cristaux de saccharose.
Repères
LE POIDS DU SUCRE DANS LES DOM Q Si
les départements ultramarins vivent du sucre, ils en souffrent aussi. Les habitants des Dom vivent en partie grâce à la canne à sucre. Mais ils consomment des produits plus sucrés qu’en métropole (+ 48 % dans certaines boissons).
DES RECHERCHES POUR RÉDUIRE LES QUANTITÉS DE SUCRE
Q Une loi a été votée en 2013 pour offrir la même qualité
nutritionnelle dans les Dom et en métropole, mais il a fallu attendre 3 ans pour qu’un arrêté définisse la règle. Les produits distribués dans les Dom ne pourront contenir plus de sucres ajoutés que le plus sucré des produits vendus dans l’Hexagone. Q La prévalence du surpoids dans les Dom est de 50 %,
contre 32 % dans l’Hexagone.
sur les boissons sucrées contenant des sucres ajoutés ou des édulcorants de synthèse. Dans les années qui ont suivi la mise en place de cette taxe de 7,53 € par hectolitre, les ventes de sodas ont diminué de 4 %, et celles de jus de fruits, de 13 %. Mais l’effet a été de courte durée. En octobre 2017, une nouvelle loi a été votée. La taxe varie désormais selon la quantité de sucres. De 7,55 € par hectolitre, elle monte à une vingtaine d’euros pour les boissons contenant plus de 11 g de sucres ajoutés pour 100 ml. Depuis le 27 janvier 2017, les machines qui distribuent des boissons sucrées à volonté, gratuitement ou pour un prix forfaitaire sont interdites. L’impact de cette mesure risque d’être limité, mais le législateur a précisé qu’« il serait sou- haitable, pour respecter l’esprit de la loi, que les boissons soient servies dans des contenants dont le volume correspond aux usages habituels, c’est-à-dire du volume d’un verre (25 cl) à celui d’une canette (33 cl). » Le grand verre de Coca chez McDonald’s contient 50 cl, et le moyen 40 cl. Cependant, les industriels ont perçu l’envie des consommateurs d’avoir accès à des produits moins sucrés. Le syndicat professionnel Boissons rafraîchissantes de France (BFR) annonce un taux de réduction des sucres ajoutés de 14 % en 10 ans. Il y a 1 an, Nestlé s’est engagé à sup20
Si les efforts sont réels, nous en sommes aux balbutiements. Les industriels utilisent des arguments marketing que certains experts contestent. « Quand un industriel écrit en gros “sans sucres ajoutés” sur son pack de jus, le consommateur peut penser que le produit est sain. Mais le fructose des fruits pressés est déjà présent en quantité », s’insurge la nutritionniste Catherine Lefebvre. De son côté, le Centre d’études et de documentation du sucre (Cedus) veut démontrer que les sucres ne sont pas cachés. Sur son site, il déroule les obligations d’information nutritionnelle auxquelles les industriels doivent se plier. « Il faut avoir un bac + 5 pour déchiffrer ces étiquettes », estime le neurobiologiste Serge Ahmed. Certes, la recette pour diminuer la quantité de sucres n’est pas facile à trouver, car les industriels l’utilisent pour séduire les consommateurs, mais aussi pour donner de la consistance au produit, diminuer le risque de développement microbien, donner du goût aux aliments allégés en gras… C’est pourquoi la Commission européenne a lancé en 2012 le projet de recherche TeRiFiQ, pour réduire les quantités de sucre, mais aussi de sel et de matières grasses dans les aliments transformés. 8 instituts de recherche et 11 PME y ont collaboré. « Nous avons mis au point des madeleines et des muffins avec 25 % de sucres et 40 % de matières grasses en moins grâce à l’emploi d’émulsions multiples et à l’ajout de polymères d’origine végétales de type inuline. Les consommateurs ont parfois préféré ces produits », indique Christian Salles, chercheur à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) et coordonnateur du projet. Ces méthodes ne sont certes pas révolutionnaires ; certains jus, produits laitiers ou barres de céréales contiennent déjà de l’inuline. « Mais cela a tout de même demandé 3 ans de recherche », souligne Christian Salles. Le projet est maintenant clos. La balle est Q dans le camp des industriels.
60 Millions de consommateurs. Hors-Série N °125S - mai/juin 2018
E I N A H P / R E G R U B ; K C O T S I
CHOISIR ENTRE ÉDULCORANTS DE SYNTHÈSE ET NATURELS Ces additifs alimentaires sont utilisés, notamment par les industriels, pour donner un goût sucré. Aujourd’hui, les chercheurs ne sont pas en mesure de dire lesquels, entre ceux issus des laboratoires et ceux provenant des plantes, sont les meilleurs pour la santé. Depuis une dizaine d’années, des études sèment le doute sur l’innocuité des édulcorants de synthèse. Les consommateurs se sont alors laissé séduire par de nouveaux édulcorants naturels, comme la stévia et le sirop d’agave. Les études manquent pour affirmer que les édulcorants naturels peuvent être consommés sans modération. Naturels ou synthétiques, ils entretiennent notre appétence pour le sucre. Des recherches sont encore nécessaires pour mesurer l’impact des édulcorants sur la santé, notamment l’effet combiné de plusieurs édulcorants. LES ÉDULCORANTS INTENSES • L’aspartame (E951) a longtemps été le principal
édulcorant de synthèse. Mais il a été accusé de favoriser le cancer et les accouchements prématurés. Réévalué par l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), il a été jugé, en 2013, sans danger à condition de respecter la dose journalière admissible (DJA) de 40 mg par kilogramme de poids corporel.
• Le sucralose (E955) aurait plus la cote auprès des industriels aujourd’hui. Cet édulcorant a notamment fait son apparition dans le Pepsi Cola en 2015. Le sucralose pourrait augmenter le risque de maladies inflammatoires de l’intestin, mais rien n’est confirmé. • Le cyclamate (E952) est très utilisé, notamment dans les boissons light et dans les sucreries. Sa DJA est limitée à 11 mg/kg de poids corporel. Des études chez l’animal ont mis en évidence un surrisque de cancer des testicules. Sa commercialisation a été interdite au Japon et aux États-Unis. • L’advantame (E969) se distingue par son pouvoir sucrant 30 000 fois supérieur à celui du saccharose. Autorisé en 2013 par l’Efsa, cet édulcorant contient du palladium et du platine. La DJA est relativement basse (5 mg/kg de poids corporel). LES ÉDULCORANTS NATURELS • Les glycosides de stéviol sont issus d’une plante,
la stévia, venue du Paraguay. Ses feuilles séchées et broyées donnent une poudre verte avec un arrièregoût de réglisse. Une version raffinée plus neutre a été mise au point par les industriels. En 2014, la DGCCRF estimait que « ces deux produits sont bien différents. L’origine végétale de la molécule puri- fiée est mise en avant comme plus “naturelle” que les édulcorants de synthèse. Or, les glycosides de stéviol sont purifiés à plus de 95 %, ce qui en fait un produit aussi éloigné de la plante d’origine que le saccharose l’est de la betterave. » • Le sirop d’agave provient aussi d’une plante
exotique, cultivée au Mexique. Pour la transformer en sirop, la plante est chauffée pendant de longues heures. Ce processus peut faire grimper son index glycémique autour de 90, ce qui le rend quasi identique à celui du traditionnel sucre blanc. Très concentré en fructose, le sirop d’agave pourrait avoir les mêmes travers que ce dernier. 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
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SEL Un faux ami Bien qu’essentiel, le sel augmente le risque d’hypertension, de maladies et de décès lorsqu’il est consommé en excès. Or, les Français en mangent encore trop, souvent à leur insu, puisque 80 % du sel qu’ils avalent proviennent des aliments transformés. « Le sel est indispensable à la vie, affirme le Pr Jacques Blacher, cardiologue et spécialiste de l’hypertension à l’Hôtel-Dieu de Paris. Sans lui, nous risquerions de mourir de déshydra- tation ! » De fait, le sel (chlorure de sodium) joue un rôle essentiel dans la régulation de la teneur en eau de notre corps, ainsi que dans la production des influx nerveux et la contraction musculaire. « L’apport minimal pour vivre est d’environ 2 grammes par jour (2 g/j) », précise Jacques Blacher. Cette quantité est fournie par les aliments non transformés (comme les légumes, le lait ou les œufs), qui contiennent tous naturellement un peu de sel.
Chez une personne en bonne santé,
les reins
Toutefois, un excès chronique de sel augmente les risques d’hypertension artérielle, de maladies cardiovasculaires ou rénales, mais aussi de cancer de l’estomac, et il peut favoriser l’ostéoporose. éliminent le sel absorbé en excès.
LA MOITIÉ DES FRANÇAIS CONSOMME TROP DE SEL « Le sel provoque une hausse de la tension artérielle, ce qui accroît le risque d’hyperten- sion. Or, l’hypertension est un facteur de risque de maladies cardio-vasculaires, en particulier d’hypertrophie ventriculaire gauche, d’infarc-
T rop, ’ s t t rop ! c e 516- ,¼7: -< 516- ,- ;-4 Bouillon déshydraté Kub De l’or en barre, ou plutôt du sel en barre ! Ces cubes (environ 8,30 €/kg) coûtent 2 fois plus cher que du sel de table. Une portion (1/2 cube) couvre 20 % de l’apport maximal en sel recommandé par l’Organisation mondiale de la santé (5 g/j) ! Le fabricant les a assaisonnés de glutamate monosodique, de guanylate et d’inosinate disodiques, additifs qui renforcent la perception salée. Mais INGR ÉD IE NT S ces cubes délicats sont aussi des bombes sucrées : le sirop de glucose est Sel, sir op de glu le 2e ingrédient ! Acide citrique, arômes, extraits… On est loin, finalement, ar ômes (blé, cé cose, ler i), ex haust du bouillon traditionnel. À en croire les mentions sur l’emballage, on devrait glut amat e mon eur s de goût : et inosinat e di osodique, guany lat e en mettre partout : « Pour vos cuissons à l’eau, soupes, pâtes, riz, légumes, so de palme, sucr diques ; huile e, oignon, hu pour vos plats mijotés, pour un consommé rapide de 1 à 2 cubes par demi-litre ile de t our nesol, acidifiant : ac id ci e t r i qu e d’eau bouillante. » Le fabricant a tout même la délicatesse de préciser : ; ail, sucr e car amélisé, gr aines de co r iandr e, ex tr a « Inutile de saler. » Merci pour ce conseil ! it s nat ur els de poiv re et de céler i.
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tus, d’accident vasculaire cérébral et d’insuffi- sance cardiaque, mais aussi de détérioration des fonctions rénales », souligne le Pr François
Delahaye, vice-président de la Fédération française de cardiologie. Les Français consomment en moyenne 8 g de sel par jour (7 g/j pour les femmes et 9 g/j pour les hommes), selon les résultats de la dernière Étude individuelle nationale des consommations alimentaires (Inca 3) menée en 2014 et 2015, et publiée en 2017 par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). « Ce qui est sûr, c’est que la moitié de la population consomme trop de sel (plus de 9 grammes par jour), et c’est ce qui nous préoccupe », confirme le Pr Irène Margaritis,
chef de l’unité d’évaluation des risques liés à la nutrition à l’Anses.
DÉSACCORD SUR LA DOSE QUOTIDIENNE Face au problème de santé publique que pose la surconsommation généralisée de sel, en particulier dans les pays riches, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande de ne pas dépasser 5 g/j. Aux États-Unis et dans plusieurs pays européens, l’objectif se situe entre 5 et 8 g/jour. En France, il n’existe pas de seuil officiel, mais des objectifs de santé publique établis par le Programme national nutrition santé (PNNS 3) à 6,5 g/j chez les femmes et les enfants, et à 8 g/j chez les hommes. Il s’agit d’objectifs pragmatiques qui visaient à réduire la consommation de sel des Français de 20 % entre 2002 et 2015.
UNE CERTITUDE : MIEUX VAUT ÉVITER LES EXCÈS Les recommandations du PNNS 4, en cours de préparation, ne sont pas encore connues. Seule certitude : il faudra encore et toujo urs rédui re
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les apports. « Si le bénéfice d’une
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forte réduction des apports en sel (de 5 à 6 g/j) est évident pour les hypertendus, soit un quart des adultes en France, il est moins clair pour le reste de la population », indique le 23
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Pr François Delahaye. Plusieurs travaux récents, dont une étude réalisée auprès de plus 130 000 personnes publiée en 2016 dans la revue médicale britannique The Lancet, suggèrent qu’une faible consommation de sel (moins de 7,5 g/j) peut être paradoxalement associée à un risque de maladies cardiovasculaires chez les personnes sans hypertension. « Des études isolées ne remettent pas en cause un consensus établi depuis 50 ans par des dizaines d’expertises collectives sur le risque de l’excès de sel chronique pour la population », déclare Pierre Meneton, chercheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) et fer de lance de l’alerte sur le sel. Il faut néanmoins rappeler que le sel n’est qu’ un des facteurs de risques d’hypertension et de maladies cardio-vasculaires parmi d’autres, à côté du tabac, notamment. Par ailleurs, les effets délétères de l’excès de sel
seraient majorés par un déficit en potassium, qui contribuerait à l’hypertension artérielle. Selon l’Organisation mondiale de la santé, le rapport entre les apports en sodium et en potassium doit être proche de 1. Or, de nombreux Français absorbent à la fois trop de sel et trop peu de potassium.
LE PAIN, UN GRAND POURVOYEUR QUI SE FAIT DISCRET Certes, la situation est moins dramatique qu’il y a 20 ans. Entre 1999 et 2007, les Français ont diminué leur consommation de sel moyenne de 5 % et la part des forts consommateurs (plus de 12 g/j) a baissé de 20 à 30 %. Reflet de ces changements de comportements, entre 2000 et 2015, les ventes totales en France de sel, destiné à la fois aux particuliers, aux industriels et aux restaurateurs, ont diminué de 16,8 %. Et pourtant, la part du sel dans nos assiettes semble n’avoir que très peu baissé depuis 2007. La consommation excessive de sel est la plupart du temps involontaire et inconsciente.
LEQUEL EST LE PLUS SALÉ ? Le pain de mie Harrys Pain de mie riche en fibres American sandwich Harrys L’étiquette joue la carte éthique et santé, en vantant les bienfaits d’un pain de mie « à la farine complète de blé et riche en fibres ». Un produit sain ? Pas vraiment. Une tranche de pain est 50 % plus salée qu’un paquet de chips de 25 g. Pourtant, le fabricant avance qu’une portion (2 tranches) couvre 16 % des « apports de référence pour un adulte type ». L’allégation est fallacieuse. Il ne s’agit pas d’apports journaliers recommandés, mais maximaux, qu’il convient de ne pas dépasser. Le pain et le pain de mie, surtout s’ils sont complets, VALEUR EN SEL
Pour 100 g Pour 1 tranche
1,13 g 0,48 g
figurent parmi les premiers pourvoyeurs en sel de l’alimentation. En effet, les fabricants neutralisent avec du sel l’amertume des farines. Or, celles qui sont en riches en fibres sont encore plus amères que les autres.
Chips extra craquantes nature Vico L’emballage indique que ce paquet de chips de 25 g couvre 5 % de l’apport de référence en sel pour un adulte type. La formulation est trompeuse, il s’agit des apports maximaux conseillés en sel. Reste que le sel n’est pas “caché” dans les chips, tout le monde sait qu’il s’agit d’un aliment qui en contient beaucoup. Pas de quoi toutefois abuser de ce produit « de qualité », même s’il revendique son « expertise et son savoir-faire français ».
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V ALEUR EN SEL
Pour 100 g Pour 1 paquet
1,30 g 0,32 g
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De fait, l’ajout de sel à table ou lors de la cuisson ne représente que de 15 à 20 % de l’apport quotidien, tandis que de 80 à 85 % proviennent des aliments transformés.
Le pain est le premier pourvoyeur de sel en France (23,4 % des apports moyens). Cela inclut le pain artisanal (baguette, pain aux céréales, de campagne ou biologique), le pain industriel (pain de mie, pain pour sandwich…) et les produits céréaliers (biscottes, galettes de blé ou de riz…). Une baguette de tradition française (250 g) contient ainsi en moyenne 4 g de sel (1,6 g/100 g), soit 80 % de l’apport maximal quotidien préconisé par l’OMS (5 g/j). Cela reste un taux élevé, en dépit des efforts consentis par les boulangers, qui sont passés de 24 à 19,3 g de sel par kilogramme de farine entre 2002 et 2009. Une charte signée en 2014 prévoyait de diminuer encore la teneur en sel, pour la faire passer à 18 g par kilo de farine, mais l’objectif n’aurait été atteint que par une minorité d’artisans.
Repères
CES ALIMENTS TROP SALÉS QUI DEVRAIENT INCITER À LA PRUDENCE Q Gare aux excès de l’apéro ! Les olives noires (8,45 g
de sel pour 100 g de produit), le jambon sec ou cru (5,7 g) et le saucisson sec (4,75 g) figurent parmi les aliments les plus riches en sel, selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses)… Q Le record est détenu par les bouillons de viande
et de légumes en cubes (54,1 g/100 g) : 1 tasse de 250 ml contient 2,6 g de sel. Attention aussi à la sauce soja (18,6 g), aux algues séchées de type wakamé (12,9 g), à la moutarde (6,3 g), aux sauces préparées (comme le pesto, 2,64 g, ou la bourguignonne, 2,71 g) et au ketchup (2,59 g). Q Les filets d’anchois (11,3 g/100 g) sont également très salés, mais cela n’interdit pas d’en manger de temps à autre, car ils sont d’excellentes sources d’oméga 3.
DES PROGRÈS MITIGÉS, MALGRÉ DES EFFORTS DU SECTEUR D’après les données de l’étude Inca 3, les autres principaux aliments contribuant à l’apport en sel sont les condiments et les sauces (12 %), les sandwichs, pizzas, tartes, pâtisseries et biscuits salés (10 %), les soupes et les bouillons (9,4 %), la charcuterie (7,8 %) et le fromage (5,6 %). S’il n’est pas toujours facile de réduire sa consommation de pain, on peut veiller à limiter ses apports en charcuterie (dont l’excès est par ailleurs déconseillé, lire également pages 82 à 87 ), en fromages et en plats transformés. « Le consommateur a très peu de leviers vu l’offre existante, estime néanmoins Pierre Meneton. Et tout le monde n’a pas le temps ou les moyens de cuisiner chez soi tous les jours. Si les industriels et les artisans réduisaient la teneur en sel de 50 % de leurs produits, la question serait réglée. »
Pointé du doigt depuis plusieurs années, le secteur agroalimentaire a signé 37 chartes d’engagement volontaire pour un progrès nutritionnel entre 2008 et 2016, dont 27 prévoyaient une réduction du sel. Le bilan réalisé par l’Oqali, section nutritionnelle de l’Observatoire de
l’alimentation, est néanmoins plus mitigé. « Certains industriels ont fait des efforts, mais cela ne concerne qu’une minorité de produits. Nous n’avons pas observé d’effets sur la consommation globale de sel des Français »,
confirme le Pr Irène Margaritis. La part de sel a certes baissé dans certaines catégories d’aliments, par exemple de 21 % dans les quiches lorraines (ce qui correspond à une baisse somme tout modeste de 0,27 g/100 g) et de 6 à 15 % dans les pizzas surgelées entre 2009 et 2015. Des progrès sont aussi observés pour les céréales du petit déjeuner, les chips et les pâtés, mais les résultats sont décevants pour les autres produits de charcuterie, les pains industriels et les gâteaux. À titre d’exemple, les petits-beurre ont vu leur taux en sel croître de 83 % entre 2008 et 2011. Chez Lu, le Véritable Petit Beurre
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(1,38 g/100 g) n’est pas le seul à contenir des sels “cachés” : son Palmito (1,63 g/100 g) a également un taux en sel élevé, même s’il faut manger près de 10 biscuits pour atteindre 1 g de sel. Paradoxalement, les Sablés caramel au sel de Guérande Jardin bio’ en contiennent moins (0,46 g/100 g) !
UN INGRÉDIENT DIFFICILE À REMPLACER Il est vrai que les industriels se heurtent à des difficultés, car le sel est un ingrédient bon marché doté de multiples fonctions (exhausteur de goût, conservateur, agent texturant, etc.), qu’il n’est pas toujours facile de remplacer. Par exemple, il permet de neutraliser l’amertume d’un aliment. Il évite également de trop sucrer. « Quand on réduit le sel, il faut revoir la formulation du produit, afin qu’il reste stable et respecte le goût du consommateur, souligne Esther Kalonji, directeur alimentation et santé à l’Association nationale des industries alimentaires (Ania). C’est une démarche qui se fait pas à pas. » De nouvelles chartes de progrès nutritionnels devraient être signées par les industriels après la publication du Programme national nutrition santé 4. Le sel est aussi indispensable à la fabrication ou à la conservation du pain, de la charcuterie et des fromages affinés. Certaines marques ont réussi néanmoins à développer des gammes allégées en sel, à l’instar de
Bon à savoir
LE SEL AUSSI EST ADDICTIF ! Résister à la tentation d’une poignée de cacahuètes ou d’un sachet de chips exige beaucoup de détermination. Serions-nous donc “accros” au sel comme on l’est au sucre ? Certaines études le suggèrent. Et le fait de manger souvent très salé modifierait la perception gustative. Néanmoins, avec un peu de bonne volonté, il est possible de réduire de moitié sa consommation ! Après 3 ou 4 semaines, la sensation d’insipidité disparaîtrait. Nous serions donc capables de nous déshabituer du goût salé et de mieux apprécier ainsi les saveurs plus subtiles de nos repas.
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Fleury Michon, qui a remplacé une partie du sel dans son jambon par un bouillon à base d’épices, d’aromates et d’oignons frits, ce qui montre qu’il existe une marge de manœuvre. Et, pour ces produits light, le succès est au rendez-vous. Les produits de charcuterie allégés en sel représentaient près de 23 % des volumes de la catégorie en 2017, malgré leur prix plus élevé. Les substituts du sel le plus utilisés seraient le chlorure de potassium, le chlorure de magnésium, le glutamate de calcium, l’acide glutamique, les arômes et les extraits de minéraux de lait, devant les algues marines (wakamé) ou des conservateurs de remplacement tels que l’extrait de romarin ou les ascorbates (E301 à E303). Le monoglutamate de sodium, ou glutamate monosodique (E621), autorisé sous conditions, n’est pas recommandé par l’Organisation mondiale de la santé, car il contribue à augmenter l’apport en sodium, et donc le risque d’hypertension. Il affecte par ailleurs les personnes ayant une hypersensibilité (lire aussi page 61). Quant au chlorure de potassium, s’il semble bénéfique pour la majorité des consommateurs en rééquilibrant le rapport entre le sodium et le potassium, il n’est pas recommandé aux personnes souffrant d’insuffisance rénale ou sous diurétiques.
VERS UNE RÉGLEMENTATION DE LA TENEUR EN SEL ? Face à l’absence de réels progrès dans l’offre alimentaire et dans la réduction de la consommation de sel, les agences sanitaires préconisent la mise en place d’une réglementation. Dans son rapport publié à la fin de 2017 en vue du prochain Programme national nutrition santé, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) suggère ainsi la mise en place de limites maximales en sel pour certains aliments, comme le pain. En attendant, mieux vaut limiter sa consommation d’aliments riches en sel, notamment les plats préparés, la charcuterie et les chips, et privilégier la cuisine maison à partir d’aliments frais ou surgelés, et augmenter la proportion des fruits et de légumes, bien Q pourvus en potassium. 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
LES CONSEILS DE «60» Ne salez pas les plats en sauce,
surtout s’ils contiennent déjà de la moutarde ou de la sauce soja. En effet, 2 cuillerées à café (10 g) de sauce soja contiennent 1,86 g de sel, soit 37 % de l’apport maximal (5 g/j) établi par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), 1 cuillerée à soupe (15 g) de moutarde en renferme 0,94 g, soit près de 19 % de ce maximum journalier. Limitez donc l’usage de sauces préparées ou privilégiez les versions allégées en sel.
Remplacez le sel par des épices
(poivre,
curry, cumin, curcuma, gingembre, paprika, muscade…), des herbes aromatiques (thym, cerfeuil, ciboulette estragon, basilic, aneth), que l’on peut trouver fraîches, lyophilisées ou surgelées, voire des piments ! Pour relever le goût des viandes et des légumes, pensez également à l’ail, à l’échalote, à l’oignon (frais ou en poudre) et à la poudre de céleri.
Privilégiez, pour le petit déjeuner,
Rincez les légumes en conserve
salées et remplacez les biscuits apéritifs par des fruits (tomates cerises, billes de melon) ou des légumes (carottes, concombre, céleri) accompagnés d’une sauce au fromage blanc agrémentée d’herbes ou d’épices (menthe, paprika, etc.).
pour éliminer l’excès de sel (et ne salez pas le plat ensuite !).
Optez pour une sauce tomate maison pour accompagner les pâtes. À titre d’exemple, 100 g de sauce Provençale Carrefour contiennent 1,3 g de sel, soit 26 % de l’apport quotidien maximal établi par l’OMS.
En matière de fromages, variez
les plaisirs. Tous n’ont pas la même teneur en sel. Les plus salés sont ceux à pâte persillée (roquefort, bleus), certaines pâtes dures (mimolette, cantal, gouda), la feta et les fromages à tartiner. Les moins salés sont les fromages frais de type ricotta, chèvre frais et mozzarella, mais aussi l’emmental, le comté et le gruyère.
Consommez avec modération K C O T S I
et très occasionnellement les jambons crus, les saucissons secs, le salami, les lardons et certaines saucisses (alsacienne, morteau) ou l’andouillette.
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un muesli ou des flocons d’avoine, très pauvres en sel, plutôt que des pétales de maïs ou de blé. Par exemple, 1 bol de 40 g de Muesli aux fruits Bjorg bio (0,25 g/100 g) ne contient quasi pas de sel (0,1 g), tandis que 1 bol de céréales Fitness Nestlé nature (0,95 g/100 g) en renferme 0,38 g.
Préférez les noix de cajou aux cacahuètes
Lisez bien les étiquettes des aliments,
celles des eaux minérales en particulier. Certaines eaux sont riches en sel, à l’instar de la St-Yorre, qui en renferme 0,53 g par litre et qui possède un taux élevé de bicarbonate de sodium, dont l’effet sur la tension artérielle est controversé.
2I ZSYW ¿I^ TEW EY\ QEVUYIW
aux labels ou aux allégations nutritionnelles. Les produits allégés en matières grasses, en sucres ou bio peuvent aussi être riches en sel ! Par exemple, une part de 80 g de fromage Léger Président contient 1,1 g de sel ; un steak de soja et blé Herta Le Bon Végétal (150 g) en renferme 2,25 g.
Soyez vigilant pendant un traitement médical. Un comprimé de Doliprane contient 1 g de sel (0,4 g de sodium).
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LIPIDES Débusquer le mauvais gras Longtemps diabolisées, les graisses trouvent désormais leur place dans le cadre d’une alimentation équilibrée. Encore faut-il les sélectionner : privilégiez les oméga 3, 6 et 9, et limitez les acides gras saturés, très présents dans les produits de l’agroalimentaire. Les graisses ont souvent été accusées de favoriser la prise de poids et les maladies cardiovasculaires. « Jusqu’à récemment, le principe du “je suis ce que je mange” prévalait », se souvient le Pr Philippe Legrand, spécialiste en nutrition humaine à Agrocampus-Ouest-Institut national de recherche agronomique (Inra). « Comme le tissu adipeux est essentiellement constitué de
graisses, on pensait perdre du poids en réduisant les apports… en gras. » D’où l’apparition des régimes amincissants pauvres en lipides et des produits allégés de l’agroalimentaire. Mais les recherches scientifiques ont montré que le mécanisme du stockage des graisses est plus complexe qu’il n’y paraît. Davantage que les lipides, c’est surtout la consommation excessive de glucides (céréales, féculents et sucres), couplée au manque d’exercice, qui fait grossir. Les conclusions des chercheurs vont aujourd’hui toutes dans le même sens : dans le cadre d’un régime équilibré, les graisses doivent être réhabi-
litées. Ainsi, l’étude canadienne
Pure (pour Prospective Urban Rural Epidemiological ), menée sur plus de 135 000 personnes dans 18 pays, a montré récemment qu’un régime riche en graisses n’était pas associé à un risque accru de morta-
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T rop, ’ s t t rop ! c e XFLEURON DE CANARD OU DE GRAS ? Fleuron de canard, mousse pur canard, Fleury Michon Ce produit joue le haut de gamme : d’abord par sa présentation, façon terrine, mais aussi par le biais de ses allégations : cette recette est « développée par Joël Robuchon, le chef le plus étoilé au monde ». Pourtant, 48 % de ce “fleuron”sont constitués de lipides. Au foie de canard ont été ajoutées de la crème fraîche ainsi que de l’huile de palme. Le gras est, en effet, un exhausteur de goût, et il évite l’ajout de matière noble – de canard, en l’occurrence –, plus cher. La présence de nitrite de sodium, un conservateur, peut également se révéler problématique (voir page 82).
lité ou de maladies coronariennes. Mais pas question pour autant de dévorer un paquet de chips en ayant bonne conscience ! L’excès de graisses est toujours présenté comme néfaste pour la santé. L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) estime que les lipides doivent représenter entre 35 et 40 % de l’apport calorique journalier. Pas plus ! En outre, il faut bien se méfier car toutes les graisses ne se valent pas. « Elles ne constituent pas un groupe homogène », précise Philippe Legrand. Les lipides sont en effet composés de chaînes d’atomes de carbone, d’hydrogène et d’oxygène, appelés “acides gras” (voir encadré page 33). En fonction de leur organisation et de leur longueur, ces derniers assurent différentes fonctions dans l’organisme. Et certains peuvent être plus nuisibles que bénéfiques. Voici dans le détail ceux à privilégier et ceux à éviter, ainsi que les aliments dans lesquels les trouver.
toutes les matières grasses, ils favorisent la prise de poids lorsqu’ils sont consommés en trop grande quantité. Parmi les acides gras essentiels au corps humain, les oméga 3 et les oméga 6 sont apportés par les acides gras polyinsaturés. Les oméga 6 se trouvent en abondance dans la nature, surtout dans les céréales (blé) et les huiles issues des graines (maïs, tournesol, soja, noix…). Ils sont aussi présents en quantité importante dans les viandes dès lors que les animaux ont été nourris de ces céréales et de ces graines. Les oméga 3, moins présents dans notre alimentation, se trouvent plutôt dans les poissons gras (saumon, thon, sardine, maquereau, hareng), ainsi que dans les huiles de lin
À PRIVILÉGIER : LES OMÉGA 3, 6 ET 9
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INGRÉDIENT S Canar d : 58 %. F oie ma igr e de canar d, gr aisse de canar d, œuf , cr è î che, huile de palme, sel, su me f ra cr e, poiv re , antioxy dant : ascor bate de sodium, conser va teur : nitr ite de sodiu m, color ant : lutéine.
En termes scientifiques, les oméga 9 sont des acides gras mono-insaturés. Le plus courant est l’acide oléique, très présent dans l’huile d’olive. Une cuillerée à soupe (15 g) contient ainsi 75 % d’oméga 9. L’huile de colza en est aussi majoritairement dotée (60 % de sa composition). On en trouve également en plus ou moins grande quantité dans les produits d’origine animale et leurs dérivés : beurre (21 %), viande de porc (4 %) ou de bœuf (6 %)… Les oméga 9 n’auraient pas d’incidence dans l’apparition des maladies cardio-vasculaires. Toutefois, comme 60 Millions de consommateurs. Hors-Sé rie N°125S - mai/juin 2018
Repères
MANGER DES ŒUFS DONNE-T-IL DU CHOLESTÉROL ? Q Comme le jaune d’œuf contient une grande quantité
de cholestérol (de 200 à 250 mg environ par œuf de 60 g), on l’a longtemps accusé d’augmenter le taux de cholestérol dans le sang. À tort. Q Rappelons qu’un tiers seulement du cholestérol provient de l’alimentation. Le reste est endogène, c’est-à-dire produit par l’organisme. Les études scientifiques ont par ailleurs démontré que celui qui est apporté par les œufs serait plutôt du “bon” cholestérol. Q Aussi les recommandations sur la consommation des œufs ont-elles changé. Chez les individus en bonne santé, une moyenne de 1 œuf par jour est tout à fait acceptable.
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et de colza. « Il existe un déséquilibre entre nos apports en oméga 6, très nombreux, et nos apports en oméga 3, trop peu nombreux », alerte Philippe Legrand. Depuis la Seconde Guerre mondiale, notre régime alimentaire a évolué. Nous nous sommes tournés vers les produits céréaliers, riches en oméga 6. Par ailleurs, les animaux d’élevage sont davantage nourris avec du soja et du maïs, qui ne contiennent pas ou renferment peu d’oméga 3, qu’avec de l’herbe et du foin, qui en recèlent beaucoup. Par conséquent, la consommation des produits animaux et de leurs dérivés (œufs, produits laitiers) crée un excès en oméga 6 qui expliquerait l’apparition de maladies inflammatoires (système digestif, articulations, système nerveux) et de maladies cardio-vasculaires. « Dans l’idéal, il faudrait doubler nos apports en oméga 3 », insiste Philippe Legrand. Comment ? « On peut commencer par remplacer l’huile de tournesol ou d’arachide par de l’huile de colza pour assaisonner les plats au quotidien, conseille Brigitte Coudray, diététicienne et nutritionniste. L’huile de tournesol doit être utilisée plus occa-
sionnellement, pour la cuisson par exemple. » Les poissons gras, riches en oméga 3, doivent être consommés 1 fois par semaine (1 portion de 100 à 150 g). Depuis 10 ans, les produits portant l’estampille Bleu-Blanc-Cœur sont élaborés à partir d’animaux (porcs, vaches, poulets…) dont l’alimentation a été enrichie en lin. Mais, si ces aliments ont un apport intéressant en oméga 3, ils coûtent souvent plus cher.
À LIMITER : LES ACIDES GRAS SATURÉS Les acides gras saturés (AGS) ont longtemps eu mauvaise réputation. Et, même si ces derniers sont aujourd’hui réhabilités par les scientifiques, les risques de développer des maladies cardio-vasculaires restent forts en cas de consommation excessive. La limite fixée par l’Anses est de 25 g par jour. Un seuil très rapidement atteint, car les acides gras saturés sont partout dans notre alimentation : dans les produits d’origine animale (fromage, beurre, crème fraîche, viandes grasses…), mais aussi dans les huiles végétales incorporées dans
LEQUEL EST LE PLUS GRAS ? Les Kinder Rillettes du Mans pur porc Carrefour L’étiquette revendique une « nouvelle recette sans conservateur ». En effet, la composition affichée n’en contient pas : de la viande de porc, du gras de porc, du sel, de l’arôme naturel et du poivre. Une portion de ces rillettes ONNELLES INFOS NU TRI TI (constituée de 2 tartines de 10 g chacune) ur 100 g Valeurs mo yennes po comporte 7,4 g de lipides et 3 g d’acides gras 3 7 g Ma tières grasses saturés (AGS). Soit 2 fois moins de graisses que és 15 g don t acides gras sa tur 2 Kinder Bueno lait et noisettes.
Barres chocolatées lait et noisettes Kinder Bueno
NNELLES INFOS NU TRI TIO
ur 100 g Valeurs mo yennes po 3 7,3 g Ma tières grasses és 1 7,3 g don t acides gras sa tur
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Comme pour nombre de produits Kinder, l’emballage de ces barres chocolatées arbore la photo d’un grand verre de lait et de quelques noisettes. Outre ces ingrédients “sains”, on note la présence de beurre de cacao, de beurre concentré, d’huile de palme et de lécithine de soja, autant d’éléments riches en lipides et en graisses saturées. Seulement 2 Kinder Bueno couvrent un tiers des apports maximaux recommandés en acides gras saturés. À portions égales, peu de produits de charcuterie en contiennent autant !
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les viennoiseries, les pâtisseries, les barres chocolatées, les biscuits, les produits frits ou panés, ainsi que dans les plats cuisinés. À titre d’exemple, une portion de camembert au lait cru (30 g) renferme 4 g d’AGS. C’est encore pire pour un mini-Caprice des dieux (50 g), qui en apporte 11 g. Avec les charcuteries, la balance se régale : 10 tranches de saucisse Juste Sèche de Justin Bridou (100 g) en apportent ainsi 16 g, quand 100 g de rillettes traditionnelles en contiennent 15 g. Pour l’Anses, il est donc impératif de limiter sa consommation de charcuterie (jambon, saucisson, saucisse, pâté, etc.) ; la consommation de viande (bœuf, porc, agneau…), en dehors des volailles, ne devrait quant à elle pas dépasser 500 g par semaine. Pour débusquer les graisses cachées dans des produits parfois insoupçonnés, il faut décrypter les étiquettes. On savait déjà que les céréales du matin, appréciées surtout des enfants, étaient trop sucrées. Elles se révèlent également des bombes de graisses. Les céréales chocolatées Trésor de Kellogg’s, par exemple, apportent, pour une portion de 100 g, 16 g de matières grasses, dont 4 g sont des acides gras saturés. La palme revient à Extra Fruits, de Kellogg’s également, avec 21 g de lipides, dont 11 g d’AGS. Dans le même registre, les barres de céréales sont aussi à modérer. Une seule barre Grany Noisettes 5 céréales de Lu (d’environ 21 g) renferme ainsi 4,5 g de lipides, dont 1,3 g d’acides gras saturés. Autres graisses cachées : celles des pâtes feuilletées. Confectionnée à partir d’huiles de palme et de colza, la pâte à tarte Trésor de grand-mère Herta est composée à 24 % de lipides, dont plus de 10 % d’AGS. Soit une portion à plus de 6 g d’acides gras saturés, avant même de l’avoir agrémentée de sa garniture ! Plus surprenant : les poêlées de légumes. La Poêlée du sud de Bonduelle, par exemple, renferme 3,7 g de matières grasses pour 100 g, en raison de la présence d’huile d’olive et de tournesol. Celle de légumes verts de Picard, qui contient de l’huile de tournesol, a quant à elle un ratio de lipides de 2,4 g pour 100 g. Le fabricant conseille d’ailleurs dans son mode d’emploi de ne pas ajouter de matières grasses lors de la cuisson à la poêle. 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
LES CONSEILS DE «60» Rééquilibrez
les apports entre oméga 3
et oméga 6. Mieux vaut consommer la viande
d’animaux nourris à l’herbe, au lin ou au colza. C’est aussi valable pour les produits dérivés (œufs, lait). Le label Bleu-Blanc-Cœur, adopté par la plupart des marques, garantit que les animaux ont été nourris avec des plantes riches en oméga 3. Les poissons gras, comme le saumon ou le maquereau, doivent aussi apparaître au menu 1 fois par semaine (1 portion de 100 à 150 g).
Doublez vos apports en oméga 3.
Optez plutôt pour l’huile de colza, de lin ou de caméline lorsque vous assaisonnez vos plats. Comme l’huile de colza est de goût neutre, pourquoi ne pas l’associer à de l’huile d’olive ? Riche en oméga 9 et en antioxydants, cette dernière constitue un autre atout pour la santé. De 3 à 4 cuillerées à soupe par jour sont recommandées (moitié huile de colza ou de lin, moitié huile d’olive). Gardez les huiles d’arachide ou de tournesol pour la cuisson : elles supportent mieux les hautes températures.
Limitez vos apports en acides gras saturés (AGS). Pour cela, réduisez vos apports
en matières grasses animales. Sachez aussi qu’une noix de beurre de 5 g contient déjà plus de 2,5 g d’AGS. Et qu’une portion de camembert au lait cru (30 g) en renferme 4 g. Sans surprise, les charcuteries sont aussi parmi les aliments les plus riches. Ainsi, 10 tranches de saucisse Juste Sèche de Justin Bridou apportent 16 g d’AGS. Les biscuits et viennoiseries complètent ce podium. Un croissant au beurre contient par exemple 9 g d’AGS. La limite (fixée à 25 g par jour) peut donc être vite dépassée !
Surveillez la composition des produits. Margarine, pâte à tartiner, biscuits apéritifs, gâteaux fourrés… L’huile de palme fait également grimper la consommation d’acides gras saturés, dont elle est très riche (50 %). Attention également aux aliments renfermant de l’huile de coco, encore plus saturée (90 %).
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À ÉVITER : LES HUILES DE PALME ET DE COCO Parmi les ingrédients qu’il faut traquer sur les étiquettes, l’huile de palme arrive en bonne place. « Elle est très riche en acides gras satu- rés, à hauteur de 50 %, relève Philippe Legrand. En soi, elle n’est pas nocive pour la santé. »
Pour autant, son omniprésence dans les produits de l’agroalimentaire peut présenter un danger. Selon l’Anses, cette huile ne devrait pas représenter plus de 8 % des apports en acides gras. Or, l’étude Inca 3 (réalisée auprès de 5 800 personnes en 2014 et 2015) a montré que, pour certains groupes à risques, comme les adolescents, l’acide palmitique représentait la moitié des apports en acides gras. Le résultat, entre autres, d’une consommation excessive d’aliments ultratransformés. Depuis une dizaine d’années, l’huile de palme a en effet conquis l’industrie agroalimentaire. Pour les fabricants, elle présente plusieurs avantages : peu chère, elle a un goût neutre, est solide à température ambiante et fait croustiller Repères
POURQUOI SOMMES-NOUS ATTIRÉS PAR LE GRAS ? Q Tout se joue dans le cerveau ! Une équipe
du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), dirigée par le neurobiologiste Serge Luquet, a mis en évidence que les triglycérides, issus des matières grasses, activent les mêmes zones du cerveau que lors de la prise de drogues dures. Q Il s’agit du fameux circuit de la récompense. Une équipe américaine a quant à elle montré en 2015 que manger en grande quantité des aliments riches en graisses pouvait provoquer des dérèglements des signaux cérébraux de satiété. Résultat : le corps en réclame toujours plus ! La prochaine fois que vous mangerez un gâteau à la crème, n’écoutez donc pas trop votre cerveau…
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les aliments panés. Pas étonnant qu’elle entre dans la composition d’un nombre si important de produits : margarines, pâtes à tartiner, biscuits apéritifs, gâteaux roulés et fourrés… Face à la pression de certains consommateurs, qui dénoncent les méfaits de la production de l’huile de palme sur l’environnement, certains industriels ont pris le taureau par les cornes et revu la composition de leurs produits. C’est le cas des fabricants de margarine, jusqu’alors très décriés. St Hubert 41 sans huile de palme est ainsi désormais composée d’huiles de colza, de coco et de karité. Fruit d’Or Bio sans huile de palme va plus loin en jouant la transparence sur la composition de son mélange : 50 % de colza, 16 % d’allanblackia et 4 % de coco, l’allanblackia étant un arbre cultivé en Afrique, dont l’huile, tirée de ses graines, est moins riche en acides gras que l’huile de palme. « Le remplacement dans les produits finis de l’huile de palme par de l’huile de colza, riche en oméga 3, va dans le bon sens », estime Brigitte
Coudray. De plus en plus de produits dans les rayons en contiennent en petite quantité. Nous en avons trouvé, par exemple, dans les biscuits Prince de Lu ou dans la pâte brisée de Marie. À l’inverse, le remplacement de l’huile de palme par l’huile de coco doit être surveillé, afin qu’il ne se généralise pas. Celle-ci se montre en effet encore plus riche en acides gras saturés (90 %) et pourrait jouer un rôle dans l’augmentation du “mauvais” cholestérol LDL (pour Low Den- sity Lipoprotein, lipoprotéines à faible densité). Nous en avons trouvé – en quantité minime et associée à des huiles de meilleure qualité nutritionnelle (colza, tournesol) – dans la pâte à tartiner sans huile de palme Auchan ou dans le dessert glacé Viennetta parfum crème brûlée.
À OUBLIER (SANS REGRETS) : LES ACIDES GRAS TRANS Il existe deux sortes d’acides gras trans. Il y a ceux qui sont produits naturellement dans l’estomac des ruminants et que l’on retrouve dans les graisses des viandes et des produits laitiers. Ces derniers n’ont aucun impact négatif sur la santé. Puis il y a ceux d’origine technologique. Présentés sur les étiquettes comme « huiles végétales partiellement hydrogénées », ils sont issus de l’opération visant à rendre solides et 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N °125S - mai/juin 2018
stables à température ambiante certaines huiles. Ils sont les bêtes noires des nutritionnistes et des autorités de santé. On en trouvait beaucoup dans les produits croustillants (biscuits apéritifs, viennoiseries, gâteaux…). Mais la formation de ces acides gras trans pendant le processus chimique posait des problèmes de santé publique. Les études épidémiologiques ont montré qu’une consommation excessive de ce type d’acides gras était associée à une augmentation des risques de maladies cardio-vasculaires et d’inflammations chroniques. Ces effets néfastes sont engendrés par une augmentation du “mauvais” cholestérol (LDL) et une baisse du “bon” cholestérol HDL (pour High Density Lipoprotein, lipoprotéines à haute densité). Depuis qu’ils se sont tournés vers l’huile de palme, les fabricants n’utilisent quasi plus cette technique. Lors de nos recherches, nous n’avons trouvé aucune graisse végétale hydrogénée.
K C O T S I
À LA RECHERCHE DU BON ÉQUILIBRE Les acides gras sont indispensables à notre santé. Encore faut-il savoir où les trouver et dans quelle proportion les consommer. LES MONO-INSATURÉS Le principal acide gras monoinsaturé est l’acide oléique, très présent dans l’huile d’olive. On en trouve aussi dans l’huile de colza. Les acides gras mono-insaturés, encore appelés oméga 9, constituent une part importante de nos apports en lipides et sont neutres en ce qui concerne les risques de maladies cardio-vasculaires et d’hypertension, ainsi que le taux de “mauvais cholestérol”.
À BANNIR : LES PRODUITS ALLÉGÉS
LES POLYINSATURÉS
De nombreuses gammes de produits sont présentées comme allégées en matières grasses. Gare aux faux-semblants ! Le chocolat Ligne gourmande de Poulain est ainsi plus gras que le chocolat Noir Intense 70 % de Lindt Excellence (42,2 g de lipides pour 100 g de produit, contre 41 g/100 g). Ce qui est allégé, c’est le taux de sucre. Tout comme dans les céréales Spécial K, réputées diététiques, et qui renferment plus de lipides que les corn-flakes Frosties (1,5 g pour les Spécial K, contre 0,6 g pour les Frosties). Concernant les produits laitiers, il faut se méfier des ajouts d’ingrédients. Pour texturiser le St Môret 8 %, le fabricant ajoute de l’inuline, une fibre alimentaire extraite de la racine de chicorée. En plus d’être légèrement sucrée, celleci apporte une sensation huileuse qui rappelle celle des matières grasses. Le beurre Elle & Vire 20 % est, lui, enrichi d’amidon modifié. Résultat : il contient 8,1 % de glucides, alors que l’on n’en trouve que 0,5 % dans un beurre classique. Les desserts allégés renferment quant à eux des épaississants naturels. Dans le cas des Paniers de Yoplait 0 %, il s’agit par exemple de pectine, de gomme de guar et de carraghénanes. Finalement, l’apport énergétique s’allège toujours au Q détriment du goût et du naturel du produit.
LES SATURÉS
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Les oméga 3 proviennent surtout des poissons gras (saumon, thon, sardine, maquereau, hareng…), ainsi que des huiles de lin et de colza. Les oméga 6 sont abondants dans la nature : céréales (blé, notamment), fruits à coque (amande, noix), huiles issues des graines (maïs, tournesol, soja…). On les trouve aussi dans la viande des animaux nourris avec ces céréales et graines. Le régime alimentaire occidental est trop riche en oméga 6. Il faut multiplier les sources d’oméga 3 pour rétablir l’équilibre entre oméga 6 et oméga 3, afin d’éviter les risques de maladies inflammatoires, neurologiques ou cardio-vasculaires.
Ils proviennent des règnes animal (viande et produits laitiers) et végétal (huile de coco, de palme…). On les trouve dans une très grande diversité de produits, y compris dans les aliments transformés. Les acides gras saturés n’ont pas d’incidence sur la santé quand ils sont consommés raisonnablement. Mais, en excès, l’un d’eux, l’acide palmique, est associé à une hausse des risques de maladies de cardiovasculaires et d’obésité. Leur consommation ne doit donc pas dépasser 25 g par jour. Pour contrôler son apport en acides gras saturés, il est important de consulter les emballages, où leur teneur est indiquée. 33
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LAITAGES Le lait est-il si blanc que cela ? Si les produits laitiers peuvent être bons pour la santé, ils risquent également, à forte dose, de provoquer certaines maladies. Les autorités de santé envisagent donc de revoir à la baisse les quantités journalières recommandées. Dans les années 1950, le gouvernement avait instauré la distribution quotidienne d’un verre de lait pour les petits écoliers. L’objectif était double : lutter contre les carences alimentaires de l’après-guerre et soutenir l’industrie laitière nationale. À l’époque, on ne trouvait que des qualités à ce liquide blanc, riche en protéines bon marché, en calcium et en vitamines. Il n’est pas sûr pourtant qu’il en serait de même aujourd’hui. Plus d'un demi-siècle plus tard, l’image du lait est en effet plus trouble. Preuve de
cette méfiance,
les Français en consomment de moins en moins : 50 l en moyenne par personne
en 2016, contre près de 60 l en 2008, soit une baisse de près de 17 % en 8 ans.
LES DÉTRACTEURS NE MANQUENT PAS DE GRIEFS Sur la Toile, on ne compte plus les forums et les blogs qui vantent les mérites d’une alimentation sans produits laitiers. « Nous sommes dans une période d’orthodoxie alimentaire,
T rop, ' s t t rop ! c e RICHE EN SUCRE… Lulu l’ourson Lu Malgré la mention « riche en lait » du paquet, chaque ourson ne contient que 5 % de lait en poudre. Pour absorber l’équivalent d’un petit verre de lait, il faudrait par conséquent avaler plus de 10 oursons. Sachant qu’un biscuit (30 g) apporte près de 5 g de lipides. Et énormément de sucre : 9,3 g, soit 2 petits morceaux de sucre ! Sans oublier des additifs (3 émulsifiants et 1 stabilisant), employés pour donner au biscuit une texture moelleuse. Contrairement à ce qu’il suggère, ce produit ne constitue pas un goûter équilibré.
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INGRÉDIEN TS op de glucose- fruc tose, Farine de blé 23 %, sir la t le de colza 11 %, choco œu fs 12 %, sucre, hui , sucre, cacao maigre noir 6 % [pâ te de cacao arôme], t (léci thine de soja), en poudre, émuls ifian en tier 2 % t lai t e % t écrémé 3 lai ), rol ycé (gl t an ilis s tab blé), t lai t 53 %), amidon (de te en poudre (équi valen na bo car e, iqu od ha te dis poudres à le ver (diphosp n ts (E4 72b, E4 75, léc ithine uls ifia acide de sodium), ém s. igre en poudre, arôme ma ao de soja), sel, cac
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avec le développement de régimes restric- tifs sans fondement médical : sans sucre, sans gluten, et le lait n’échappe pas à cette mode », analyse Marie-Christine Boutron-
Ruault, directrice de recherche à l’Institut Gustave-Roussy et à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Mais, pour les antilait, l’argumentaire va plus loin et porte sur un vrai problème de santé publique. Selon eux, les produits laitiers causeraient pêle-mêle une mauvaise digestion, des cancers, du diabète, des problèmes respiratoires, la sclérose en plaques et même l’autisme…
UNE MAUVAISE RÉPUTATION INFONDÉE ?
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O N A C S I H C . J ; A I L O T O F
Alors, qu’en est-il réellement ? Les produits laitiers rendent-ils malades ou sont-ils, comme le prétendent les producteurs laitiers, « nos amis pour la vie » ? Le lait possède une spécificité qui explique pour beaucoup sa mauvaise réputation : une grande partie de la population ne le supporte pas, ou mal. La faute en revient à un sucre qu’il renferme, le lactose. Pour le digérer, l’estomac a besoin d’une enzyme, la lactase. Présente naturellement chez les nourrissons, cette capacité à la sécréter disparaît après le sevrage du lait maternel, sauf chez les individus qui ont développé une particularité génétique leur permettant de continuer à produire la lactase tout au long de leur vie. Statistiquement, il s’agit surtout des populations du nord de l’Europe, d’Amérique du Nord, d’Afrique de l’Ouest et de la péninsule arabique. À l’inverse, en Asie, jusqu’à 90 % des habitants présentent une intolérance au lactose. En France, cette malabsorption est également assez fréquente. De 30 à 50 % de la population serait concernée, avec des disparités géographiques marquées : 20 % des habitants du nord de l’Hexagone seraient intolérants, contre 50 % dans le Sud.
UNE INTOLÉRANCE QUI REVÊT DES FORMES DIVERSES Pour certains, cette intolérance se manifeste de façon asymptomatique, c’est-à-dire sans désagréments apparents. Pour les autres, elle peut s’accompagner de ballonnements, de douleurs abdominales, de diarrhées ou encore 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
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de maux de tête, dont l’intensité dépend du niveau d’intolérance de l’individu. Ces signes apparaissent généralement de 15 à 20 minutes après la consommation, le plus souvent à partir de 12 g de lactose, soit l’apport d’un grand verre de lait. Pour autant, même dans ces cas, il n’est pas indispensable d’exclure tous les produits laitiers de manière systématique. En effet, si 100 ml de lait contiennent de 4 à 5 g de lactose, il n’en reste pratiquement plus dans le beurre ou dans les fromages du fait de leur transformation. Ces derniers peuvent donc être consommés sans provoquer de réaction d’intolérance. Par ailleurs, l’industrie laitière a développé des produits spécifiques destinés à ce public : les laits sans lactose. Il s’agit par exemple de Matin léger de Lactel ou de Grand Lait « léger et digeste » de Candia. Dans ces cas, le lactose contenu dans le lait classique a été “prédigéré” par l’enzyme (retirée ensuite) pour ne plus poser de problèmes aux estomacs sensibles. En revanche, « l’intolérance au lactose ne doit pas être confondue avec une allergie aux protéines
de lait qui, pour sa part, nécessite une éviction totale des produits laitiers », précise MarieChristine Boutron-Ruault.
UNE ALLERGIE TOUCHANT ENVIRON 3 % DES NOUVEAU-NÉS Cette allergie rare est présente à la naissance : de 2 à 3 % des nourrissons sont touchés. Elle peut avoir des conséquences très graves, allant de problèmes digestifs à des réactions cutanées, en passant par des troubles respiratoires, voire des chocs anaphylactiques potentiellement mortels. C’est pourquoi un diagnostic doit impérativement être posé, et les produits laitiers évités. Par chance, dans 90 % des cas, cette affection se résorbe d’elle-même avec l’âge. Elle peut aussi toucher les adultes, en particulier les très gros consommateurs de laitages. Dans ce cas, c’est le système immunitaire surmené par un excès de protéines de lait qui réagit. Là encore, l’éviction des produits renfermant du lait est recommandée. Pour autant, en dehors de toute indication médicale, de plus en plus
QUELLES DIFFÉRENCES ENTRE CES BOISSONS ? Boisson de soja Sojasun
Lait d’amande Bjorg
Contrairement au lait de vache, le soja
Si l’amande est naturellement riche
ne contient quasiment pas de calcium.
en calcium, cette boisson végétale
L’appellation « lait de soja » n’est pas
de Bjorg n’en contient que 2,8 %.
autorisée. Il faut donc en ajouter
Pour atteindre 120 mg de calcium,
artificiellement. Ici, Sojasun a choisi
l’équivalent des apports du
du phosphate de calcium, dont
lait de vache, le fabricant
la biodisponibilité dans l’organisme est
a ajouté une algue, le
inférieure à celle du lait de vache.
Lithothamnium calcareum.
Par ailleurs, la consommation en grande
Riche en 19 oligoéléments,
TS ING RÉD IEN % 99 Jus de soja s (eau, graine de soja 7 %), calcium, phospha te de me gellane. om s tabilisan t : g
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INGR É DIE N T S Eau, sucr e de canne r ou x , amandes 2,8 %, amidon de r iz , algue mar ine Li th o t h a m n i u m r e u m 0,4 %, sel mar c al c a in.
quantité de phosphate, déjà
elle pousse sur les côtes
très présent dans notre
bretonnes et d’Europe du
alimentation, est suspectée
Nord, et elle fournit un calcium bien
de favoriser certaines
assimilé par l’organisme. Pour autant,
maladies chroniques.
cette boisson à base d’amandes est
En revanche, cette boisson
trop pauvre en protéines (0,5 g
au soja reste intéressante, car elle
seulement pour 100 ml, contre
renferme 3 fois moins de matières
3,2 g dans le lait de vache). Il faudra
grasses saturées que le lait de vache
donc trouver d’autres sources si l’on veut compléter
en étant tout aussi riche en protéines.
ses apports journaliers en ce nutriment.
60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
d’adultes se détournent des laitages. Anne, 22 ans, a par exemple voulu tenter l’expérience il y a 3 mois, et elle en est entièrement satisfaite : « Depuis que j’ai chassé les produits laitiers de mon alimentation, je me sens mieux et mes problèmes de peau ont disparu », se
réjouit-elle. Marie-Christine Boutron-Ruault appelle néanmoins à la plus grande prudence avant de tirer des conclusions hâtives de quelques cas individuels. « Le lien de cause à effet est difficile à établir, nuance-t-elle. Par exemple, une personne qui bannit les produits laitiers de son régime alimentaire a aussi tendance à faire davantage attention, en consommant moins de sucres rapides et de plats transformés riches en matières grasses saturées, et plus de fibres et de légumes. Tout cela peut améliorer l’état de sa peau ou réduire un inconfort gastrique. »
Il reste que, face à ces doutes, les scientifiques s’interrogent depuis des décennies sur l’influence des produits laitiers sur l’organisme. L’un des thèmes les plus étudiés est leur rôle dans l’apparition des cancers. En effet, la présence d’hormones de croissance naturelle dans le lait de la vache est une source d’inquiétude, en particulier pour ce qui est de l’IGF-1, car il joue un rôle dans la division cellulaire. Celui-ci serait parfaitement adapté à la croissance du veau, mais beaucoup moins aux besoins de l’être humain. Résultat, il pourrait favoriser la prolifération des cellules, à l’origine de la survenue des cancers. DES EFFETS VARIABLES SELON LES TYPES DE CANCERS
En réalité, les recherches révèlent des résultats paradoxaux, avec des distinctions au cas par cas en fonction des pathologies. « Il ressort
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que des niveaux de consommation de 3 ou 4 produits laitiers sont associés à une diminution du risque de cancer colorectal, résume MarieChristine Boutron-Ruault. Ils ne semblent pas avoir d’effet sur le cancer du sein. En revanche, une consommation élevée augmenterait le risque de cancer de la prostate. »
Dans le détail, une méta-analyse réalisée pour le Fonds mondial de recherche contre le cancer (WCRF) a ainsi démontré que le risque de cancer colorectal était diminué de 9 % pour une 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
LES CONSEILS DE «60» Pour les nourrissons, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande l’allaitement exclusif, en dehors de tout autre type d’aliments, jusqu’à l’âge de 6 mois. En France, cependant, 1 enfant sur 4 est encore allaité à cet âge. À défaut d’allaitement, les fabricants proposent des préparations spécialement formulées à partir du lait de vache. La réglementation en distingue 3 types : les « préparations pour nourrisson » (lait 1er âge), proches de la composition du lait maternel et prévus pour les bébés de la naissance à 6 mois ; les « préparations de suite » (laits 2e âge) et les « laits de croissance », de 1 à 3 ans. Ces derniers, enrichis en fer et en bonnes matières grasses, sont préférables au lait de vache, trop riche en protéines. Après 1 an, il pourra être consommé de manière ponctuelle, en privilégiant le lait entier.
Le recours aux boissons végétales,
de type boisson à base de soja ou d’amande, est en revanche déconseillé par les autorités de santé avant l’âge de 1 an, car leur composition ne répond pas aux besoins nutritionnels des tout-petits.
En cas d’allergie aux protéines de lait
(de 2 à 3 % des jeunes enfants), l’éviction des produits laitiers devra se faire sous contrôle médical. Le médecin orientera alors vers des préparations spécialement développées pour les bébés allergiques et vers les aliments les plus riches en calcium.
Chez les adultes, l’intolérance au lactose (sucre contenu dans le lait) est fréquente et concerne de 30 à 50 % de la population française. Ils peuvent cependant continuer à consommer des laits “sans lactose” ou des fromages à pâte dure, dans lesquels le lactose a été détruit pendant leur élaboration.
Les besoins en calcium fixés par les autorités
de santé évoluent aussi avec l’âge. Alors que les adultes ont besoin de 900 mg, cette quantité monte à 1 200 mg pour les adolescents en pleine croissance, les femmes ménopausées et les personnes âgées. Les sources de calcium – produits laitiers, légumes verts et aromates, sardines, fruits à coque ou algues – doivent donc être multipliées.
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consommation quotidienne de 200 g de lait ou de 50 g de fromage. En d’autres termes, les produits laitiers jouent ici un rôle protecteur. Au contraire, une étude de l'American Society for Nutrition réalisée en 2015 en compulsant 32 analyses prospectives a jeté un sérieux pavé dans la mare concernant le cancer de la prostate. Selon ses auteurs, une augmentation du risque de 7 % a été observée pour chaque augmentation de 400 g de produits laitiers par jour, et de 9 % pour chaque augmentation de 50 g de fromage par jour.
DES PRÉCONISATIONS REVUES À LA BAISSE EN FRANCE Si ces surrisques restent modérés et si d’autres facteurs, comme les antécédents familiaux ou une alimentation trop riche, peuvent entrer en jeu, les niveaux de preuve ont été jugés suffisamment suggestifs pour pousser les autorités de santé françaises à revoir leurs conseils en nutrition envers la population. En 2017, le Haut Conseil de la santé publique
(HCSP) a donc proposé de réduire le niveau de recommandations pour les adultes, de 3 produits laitiers actuellement à 2 à l’avenir. Rappelons qu’une portion représente, par exemple, 1 verre de lait, 1 yaourt de 125 g ou 30 g de fromage. Du fait de leur teneur en lipides, le beurre et la crème fraîche en sont exclus et sont à classer du côté des matières grasses animales. Les
Repères
LES PRODUITS LAITIERS FAVORISENT-ILS LE DIABÈTE ?
À CHAQUE LAIT SES LE LAIT CRU
Reconnaissable au bouchon jaune de sa bouteille, il est refroidi, puis embouteillé directement sur le lieu de production après la traite. Comme il n’a subi aucun traitement, c’est le plus riche des laits, avec des vitamines A, B et D, des protéines et des lipides (près de 10 g pour 1 verre de 25 cl). Il est aussi très aromatique. Mais, revers de la médaille, les enzymes continuent de le dégrader. C’est pourquoi il doit être conservé au réfrigérateur et consommé dans les 72 heures après ouverture de la bouteille. Avant de le boire, il doit être chauffé à 70 °C au moins pour éliminer les germes éventuels. LE LAIT FRAIS
Pour allonger sa durée de conservation – une dizaine de jours au réfrigérateur –, ce lait a subi un traitement. Le plus courant est la pasteurisation, qui consiste à le chauffer
■ C’est l’un des reproches les plus fréquents formulés
à l’encontre des produits laitiers. Ils seraient à l’origine de l’augmentation des cas de diabète de type 2. ■ Depuis 2010, plusieurs études scientifiques se sont
penchées sur la question, et leurs résultats vont tous dans le même sens : une consommation quotidienne de 400 g de produits laitiers diminue en fait de 5 à 10 % le risque de diabète de type 2. ■ Par ailleurs, les yaourts nature, le fromage ainsi que les laitages à faible teneur en matières grasses seraient, de ce point de vue, les plus efficaces.
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desserts lactés (crèmes desserts, flans…) sont aussi de faux amis, car ils contiennent trop peu de lait pour appartenir à la catégorie des produits laitiers. En vue de la réactualisation de ses repères pour la période 2017-2021, le Programme national nutrition santé (PNNS), qui claironne notamment le fameux « 5 fruits et légumes par jour », est appelé à rendre son avis dans les prochaines semaines. Cependant, il n’a pas encore été indiqué si ces nouvelles recommandations concerneront toute la population ou seulement les hommes et si les préconisations 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
QUALITÉS NUTRITIONNELLES à environ 70 °C pendant 15 secondes. La quantité de matière grasse est ensuite standardisée : 3,5 % pour le lait entier, 1,5 % pour le demi-écrémé, entre 0,1 et 0,5 % pour l’écrémé. Si la pasteurisation lui conserve des qualités nutritionnelles très proches de celles du lait cru, son goût est légèrement altéré en raison de la modification des protéines avec la chaleur.
LE LAIT MICROFILTRÉ Pour conserver la saveur du lait presque intacte, une nouvelle technique a été développée : la microfiltration. Le lait n’est plus chauffé, mais passé au travers d’un microfiltre, qui retient les micro-organismes. Ce lait peut aussi se conserver une dizaine de jours au réfrigérateur, et sa qualité nutritionnelle est très semblable à celle du lait cru.
LE LAIT UHT Avec 95 % des ventes en France, c’est le plus courant. Ce lait est stérilisé à ultra-haute température (UHT) : il est chauffé à 140 °C pendant 2 secondes, puis refroidi brutalement. Tant que la brique ou la bouteille n’a pas été ouverte, ce processus permet de le conserver 3 mois à température ambiante (après ouverture, il est à conserver au réfrigérateur et à consommer rapidement). Cependant, avec la chaleur, une petite partie des vitamines thermosensibles peut être détruite : c’est surtout le cas de certaines vitamines B et de la vitamine C, mais le lait en contient naturellement très peu. Le traitement dénature aussi les protéines et les composés organoleptiques, d’où son goût plus standardisé.
pour les enfants et les personnes âgées (4 portions de laitage par jour) évolueront également vers une réduction.
DES APPORTS EN CALCIUM DIFFICILES À PRÉSERVER
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En attendant, cette perspective est vue d’un œil critique par l’industrie laitière et par certains nutritionnistes. « Ce jugement sous-entend qu’il y a un problème avec la prise de 3 produits laitiers par jour, ce qui n’est pas le cas », tranche Jean-Michel Lecerf, chef du service de nutrition 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
LE LAIT DE CHÈVRE Sa composition en protéines et en matières grasses est très proche de celle du lait de vache, mais son goût est plus fort. Pour ceux qui pensent contourner une intolérance ou une allergie au lait de vache avec du lait de chèvre, attention : son taux de lactose et ses protéines sont très équivalents à ceux du lait de vache.
LE LAIT DE BREBIS Plus calorique que le lait de vache (75 g/l de lipides, contre 40 g/l), le lait de brebis fournit aussi plus de nutriments. Leurs taux de lactose et de protéines sont équivalents. Le lait de brebis est plus onctueux que le lait de chèvre ou le lait de vache.
de l’Institut Pasteur de Lille et membre du comité scientifique du Centre national interprofessionnel de l’économie laitière (Cniel). « Cela risque donc de jeter encore plus le trouble, alors que nous sommes déjà dans une période de méfiance envers ces produits. » Selon lui, un abaissement de la consommation mettrait aussi en péril les bénéfices observés sur plusieurs pathologies, comme les maladies cardio-vasculaires ou le diabète (voir Repères page précédente). « De plus, avec 2 produits laitiers, il n’est plus possible d’atteindre les apports nutritionnels
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conseillés en calcium », poursuit Jean-Michel Lecerf, qui participe au comité de l’Observatoire Cniel des habitudes alimentaires. En France, ils sont fixés à 900 mg par jour pour l’adulte par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses). Or, les produits laitiers font effectivement partie des aliments les plus riches en calcium. Ainsi, 200 ml de lait, 1 yaourt nature et 30 g de comté apportent déjà environ 700 mg de calcium. Mais sont-ils les seuls ? « Le lobby du lait nous a martelé depuis des années que les produits laitiers sont indispensables au quotidien, car eux seuls sont source de calcium. Or, c’est faux, d’autres produits en contiennent. Les laitages sont donc des aliments comme les autres, qui
doivent être consommés avec modération », s’insurge Thierry Souccar, journaliste scientifique et auteur du livre Lait, mensonges et propagande (2008). Pour trouver du calcium, on peut par exemple se tourner vers les algues. L’ao nori sèche, disponible dans les enseignes bio, en contient par exemple 1 610 mg pour 100 g. Ou vers les herbes aromatiques : 100 g de persil frais renferment ainsi 218 mg de calcium. Une boîte de sardines à l’huile en apporte environ 700 mg, ainsi que de la vitamine D, qui aide à le fixer sur les os. 50 g d’amandes contribuent à hauteur de 120 mg. Les eaux enrichies, comme Hépar ou Courmayeur, en contiennent également 500 mg par litre. Les légumes verts en sont aussi de bonnes sources. IL FAUT AVOIR CONSCIENCE DES CARENCES POTENTIELLES
Repères
BOIRE DU LAIT RENFORCE-T-IL LES OS ? Q La controverse fait rage. Pendant des années, le lien
entre consommation de produits laitiers et lutte contre les fractures et l’ostéoporose semblait établi. Mais il est aujourd’hui remis en cause. Q En 2014, une étude suédoise parue dans le « British Medical Journal » a par exemple conclu que la forte consommation de lait (plus de 3 verres par jour) induisait une augmentation des fractures de la hanche chez les femmes. Mais ces résultats sont à analyser avec prudence. Q D’autres facteurs, comme l’hygiène de vie, entrent en ligne de compte. Outre le manque de calcium, la sédentarité fragilise les os, de même qu’une carence en vitamine D. Pour entretenir son squelette, il n’y a rien de tel que varier les sources de calcium et faire de l’exercice au soleil et au bon air !
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Mais attention à la biodisponibilité du calcium. Autrement dit, le minéral contenu dans certains légumes sera moins bien assimilé et utilisé par l’organisme que celui d’origine laitière. C’est le cas, par exemple, des épinards. Sur le papier, ils sont une bonne source : 100 g d’épinards crus en apportent 114 mg et, quand ils sont cuits, 140 mg. Mais, en réalité, les oxalates qu’ils renferment limitent l’assimilation du calcium par le corps, d’où une biodisponibilité limitée à seulement 10 %. À l’inverse, le calcium contenu dans les choux est assimilable à hauteur de 50 %, ce qui est un bon score. « Un régime alimentaire sans produits laitiers est donc possible, mais il doit se faire sous contrôle médical et avec de bonnes connais- sances en nutrition », souligne Marie-Christine Boutron-Ruault. Dans le cas contraire, les apports seront inférieurs à 500 mg de calcium par jour, comme l’estime l’Anses, ce qui peut entraîner des carences. C’est pourquoi Marie-Christine Boutron-Ruault met particulièrement en garde les parents de jeunes enfants. « À ces âges, les enfants ont besoin de calcium, de matières grasses et de protéines pour grandir, assuret-elle. Sinon, ils pourront se retrouver avec une masse osseuse plus faible à l’âge adulte. » Ainsi, sans diabolisation ni excès, la consommation raisonnable de produits laitiers peut largement trouver sa place, sans risques, dans le cadre Q d’une alimentation variée. 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
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SANS GLUTEN Très cher régime Le gluten serait-il un poison ? Pour les intolérants à ces protéines, oui ; pour la majeure partie de la population, non. Les consommateurs en quête d’une alimentation saine devraient même se méfier de certains produits sans gluten. Explications. Le gluten est un ensemble de protéines contenues naturellement dans les grains des différentes variétés de blé (l’épeautre notamment), de seigle et d’orge. Cette substance, dont l’origine latine du nom signifie “colle”, texturise les aliments et participe à leur élasticité. Durant la levée de la pâte à pain, par exemple, en emprisonnant les gaz de fermentation, le gluten confère du volume et du moelleux au produit fini. Des qualités qui ont encouragé les industriels à en ajouter dans les pâtes à gâteaux, dans les brioches, dans les pizzas, etc., et aussi dans les préparations de mets qui n’en contenaient pas à l’origine : charcuteries, plats en sauce… Leur ob-
jectif est d’améliorer la consistance, le goût et le volume de leurs produits. On estime aujourd’hui que 1 % de la population serait allergique au gluten. Pourtant, depuis une dizaine d’années, les produits “sans allergènes” se sont multipliés.
UN MARCHÉ QUI CONNAÎT UNE CROISSANCE À 2 CHIFFRES Au point que, selon une étude de l’institut Xerfi, ce marché s’est élevé à 520 millions d’euros en 2016 et a connu une croissance à 2 chiffres (+ 10 %) par rapport à l’année précédente. En 2018, la vente de ces produits d’épicerie sans gluten devrait encore afficher une belle
T rop, ’ s t t rop ! c e GRAS, SALÉ ET HORS DE PRIX Petit Crisp Skorpor Schär gluten free Ces petits pains grillés sont 20 % plus gras que leurs homologues classiques (Krisprolls dorés, par exemple). Ils sont aussi presque 2 fois plus riches en acides gras saturés (7,3 g/100 g, contre 4 g/100 g). Consommés en excès, ces derniers augmentent les risques de maladies cardio-vasculaires. Ils sont aussi très salés (2,2 g/100 g, contre 0,7 g/100 g). 4 petits pains grillés (4 x 10 g) couvrent 17,6 % de l’apport maximal recommandé en sel. Nous avons aussi relevé la présence de 5 additifs, alors que les Dorés Krisprolls n’en contiennent aucun. Enfin, ces pains sans gluten s’affichent à 23 €/kg, c’est-à-dire qu’ils sont 4 fois plus chers que leurs homologues avec gluten. Le tout est plutôt difficile à déglutir !
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INF OS NUT RIT I ONNELLES
V aleur s moy ennes 100 g 4 pains Lipides 12 g dont 4,8 g dont 7,3 g d’AGS* 2,8 g d’ AGS* Sel 2,2 g 0,88 g
* AG S = a ci d e s g ra s s at u r és
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santé, selon les estimations divulguées par Xerfi. Existe-t-il des risques à bannir le gluten de son alimentation ? Et que valent vraiment les produits sans gluten ?
LA MALADIE CŒLIAQUE SE RÉVÈLE TRÈS HANDICAPANTE Le gluten n’est pas anodin pour tout le monde. Les personnes atteintes de la maladie cœliaque présentent une allergie ou une intolérance à cette protéine. Lorsqu’elle est absorbée, le système immunitaire réagit. Une inflammation de l’intestin grêle endommage alors la paroi intestinale. Cette dernière finit par se déformer. Résultat ? Les vitamines et les nutriments ne sont plus aussi bien absorbés. Il reste que cette maladie ne toucherait que 1 % de la population. L’hypersensibilité au gluten non cœliaque (HSNC), plus difficile à diagnostiquer, nécessite de réduire les apports en gluten, sans les exclure totalement. Elle aussi ne toucherait qu’une faible partie de la population. Pour la grande majorité des consommateurs, les produits qui contiennent du gluten sont absolument inoffensifs, voire nutritionnellement importants.
LES CÉRÉALES MODERNES SONTELLES PLUS RICHES EN GLUTEN ? Et pourtant, après avoir touché les États-Unis, le sans gluten (no glu) a conquis la France. Et pour cause : il fait écho aux différents scan60 Millions de consommateurs. Hors-Série N °125S - mai/juin 2018
dales sanitaires de ces dernières années et à la méfiance généralisée des consommateurs vis-à-vis de l’industrie agroalimentaire . Pour expliquer ces nouvelles intolérances au gluten, certains courants dénoncent ainsi des céréales modernes plus riches en gluten qu’autrefois, d’où des troubles digestifs qui se généralisent. D’autres incriminent un blé dont la qualité se serait dégradée du fait des modes intensifs de production agricole. Nathalie Vergnolle, directrice de l’Institut de recherche en santé digestive (IRSD), tempère : « Les études sont contradictoires. On ne peut pas affirmer cela. Quant aux pesticides, leurs effets sur la santé sont connus de longue date, mais on ne peut pas dire qu’il y a un lien
Bon à savoir
DES STARS ACCROS AU “NO GLU” Des sportifs comme Novak Djokovic ou Jo-Wilfried Tsonga, les actrices Gwyneth Paltrow et Jennifer Aniston, la chanteuse Lady Gaga ou encore la présentatrice Oprah Winfrey… Selon ces personnalités, ce régime permettrait de garder la ligne. Pas étonnant, dans la mesure où il bannit pâtes, pain et gâteaux. Autre argument avancé : une qualité de vie améliorée. Possible ! Mais de nombreux adeptes du “no glu” adoptent aussi un mode de vie sain : moins d’alcool et de tabac, davantage de sommeil, de fruits, de légumes et de légumineuses pour pallier le manque de féculents.
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direct avec l’intolérance au gluten ou l’hyper- sensibilité au gluten non cœliaque. » Cependant, le gluten est désormais considéré comme une bête noire. Des effets nocifs lui sont ainsi attribués, alors qu’il est inoffensif pour la très grande majorité de la population. Parallèlement, la gluten free attitude (sans gluten) élève les produits dépourvus de gluten au rang de nourriture saine, à l’instar du bio.
BANNIR DE SES REPAS LES FIBRES COMPLÈTES EST RISQUÉ « La suppression de certains types d’ali- ments contenant du gluten peut causer des carences », prévient Nathalie Vergnolle. En éliminant les produits à base de blé, par exemple,
vous vous privez d’une source importante de fibres et de protéines. Une étude de scientifiques des universités Harvard et Columbia, parue en mai 2017 et portant sur plus de 110 000 personnes, mettait en évidence un risque de maladie cardio-vasculaire plus élevé chez des personnes qui ne souffrent pas de la maladie cœliaque et qui suivent un régime sans gluten et réduisant de ce fait leur consommation de graines. C’est également la réduction des fibres complètes chez cette même population qui serait à l’origine d’un risque accru de diabète de type 2, selon une autre étude menée par la fédération américaine de cardiologie et parue en mars 2017.
QUELLES DIFFÉRENCES ENTRE CES BARRES DE CÉRÉALES ? Barres céréales chocolat Carrefour Bio Les logos de l’agriculture biologique (AB et européen) sont bien en évidence. S’il est bio et moins gras que son homologue Gerblé sans gluten, le produit n’en reste pas moins sucré (73 g de glucides pour 100 g, contre INGRÉDIEN TS ites de Sirop de glucose*, pép pâ te de chocola t 12 % (sucre*, *), flocons cacao*, beurre de cacao %, de blé* 11,3 d’a voine* 11,4 %, farine cre*, farine de riz* su pé tales de ma ïs* 10, %, *, farine d’orge* sol rne 4,4 %, huile de tou igre en poudre* ma ltée 3,4 %, cacao ma 1,3 %, arôme na turel 1,5 %, farine de ma ïs* mes na turels, de cacao a vec au tres arô he en tocophérols, sel. an tio x ydan t : e x tra it ric biologique. * Issu de l’agricul ture
68 g/100 g pour la barre Gerblé) et faible en apport de fibres (3,3 g/100 g, contre 7,4 g/100 g pour le produit sans gluten). En revanche, il ne contient qu’un seul additif (contre 5 pour la barre sans gluten). Même si elle est bio, la barre de céréales est une gourmandise à consommer avec modération.
Barres céréales chocolat sans gluten Gerblé Le paquet met bien en évidence la mention « sans gluten » et le logo de l’Association française des intolérants au gluten (Afdiag). Il joue sur la couleur verte, souvent associée à une nourriture saine. Qui plus est, la marque Gerblé s’autoproclame « l’expert diététique ». Tout est là pour laisser entendre au consommateur que c’est un aliment des plus sains. Pourtant, 1 barre de ce paquet est 32 % plus grasse qu’une barre de céréales bio de marque Carrefour. Pire, elle affiche une proportion d’acides gras saturés égale à près du double de celle de sa concurrente. Nous avons relevé la présence de 5 additifs, ce qui est élevé pour un produit de ce type. Sans compter la présence de graisse de palme.
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INGRÉDIENT S Riz 24,5 %, chocolat no ir 23 % (cacao, sucr e, beu r re de cacao, ar ôme natur e l de v anille), sir op de glu cose, sucr e, inuline, gr aisse de pa lme, f ar ine de maï s 4,1 %, humecta nts : sor bitols et gly cér ol d’or igine v é gétale, épaississant : gomme ar a émulsifiant : lécithines bique, sel, de so ja, ar ôme, poudr e à lev e r : car bonates de sodium.
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Comme pour le régime végétalien, il faut compenser les lacunes d’une alimentation sans gluten. Les cœliaques ont, à leur corps défendant, appris à le faire. « Pour remplacer
LES INDICES QUI PEUVENT ALERTER
les apports du blé, il y a les légumes secs, les légumineuses, le riz, les pommes de terre, le sorgho, le millet… Il faut donc s’informer »,
Des symptômes peuvent vous mettre
indique Brigitte Jolivet, présidente de l’Association française des intolérants au gluten (Afdiag), qui regroupe 6 000 familles et dispose d’un comité scientifique rassemblant de nombreux spécialistes de la maladie. Or, de nombreuses personnes qui ont désormais adopté le régime sans gluten n’ont pas intégré cette gymnastique alimentaire contraignante. Résultat ? La tentation est grande d’aller piocher dans les rayons des produits industriels. Mais les aliments sans gluten sont-ils plus sains que ceux en contiennent ? DES ALIMENTS NO GLU RICHES EN GRAISSES ET EN SUCRES
En mai 2017, une étude menée par des chercheurs de l’Institut d’investigation sanitaire La Fe de Valence (Espagne), qui ont passé au crible 654 produits sans gluten et 655 produits équivalents avec du gluten, a démontré que les “sans” se révélaient beaucoup moins intéressants d’un point de vue nutritionnel que les autres. Ainsi, pour compenser l’absence de protéines, les spécialistes du sans gluten se servent de farine de riz, de fécule de pomme de terre, de soja… Des substituts naturels, mais pas forcément meilleurs pour la santé. L’indice glycémique de la farine de riz, par exemple, est plus élevé que celui de la farine de blé. Or, une consommation excessive d’aliments à fort indice glycémique accroît les risques de diabète et d’obésité. Ils favorisent également la graisse abdominale, précurseur de maladie cardio-vasculaire. Et comme ces ingrédients ne permettent pas d’obtenir les textures onctueuses procurées habituellement par le gluten, les industriels usent de subterfuges. Premier d’entre eux, l’usage d’additifs alimentaires comme les épaississants et les émulsifiants, qui permettent de donner du volume et du liant aux produits, telles la gomme de guar ou de caroube, ou encore 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
sur la piste d’une intolérance ou d’une sensibilité au gluten. Les présentez-vous ? Avez-vous des troubles digestifs récurrents (diarrhée chronique, constipation, douleurs abdominales, gaz) ? R OUI R NON Subissez-vous une perte de poids injustifiée ? R OUI R NON Êtes-vous souvent fatigué ? R OUI R NON Avez-vous une carence en fer ou en vitamine B9 ? R OUI R NON Êtes-vous sujet aux aphtes ? R OUI R NON Avez-vous des réactions cutanées ? R OUI R NON Souffrez-vous d’ostéoporose ? R OUI R NON Avez-vous des maux de tête fréquents ? R OUI R NON Avez-vous des douleurs musculaires ou articulaires ? R OUI R NON RÉPONSES
Si vous répondez oui à 3 au moins de ces questions, demandez conseil à votre médecin. Ce dernier vous demandera de réaliser des examens pour poser ou non le diagnostic de la maladie cœliaque. Il convient surtout de ne pas éliminer le gluten de votre régime alimentaire avant ces examens. En effet, une prise de sang permet la recherche de présence d’anticorps révélateurs. Sans gluten dans votre alimentation, il n’y aura pas ces anticorps. Ensuite, un typage génétique est réalisé pour connaître vos prédispositions à la maladie. Enfin, en cas de doute, une endoscopie et une biopsie de l’intestin grêle peuvent être réalisées.
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l’hydroxypropyl méthylcellulose… Mais ils recourent aussi plus volontiers à des matières grasses. Le gras permet également de texturiser un aliment transformé en lui donnant plus de liant. Dans nombre de produits que nous avons étudiés, nous avons également relevé la présence importante de sucre et de sel. Ces ingrédients confèrent eux aussi de l’épaisseur à des aliments. Ils peuvent également masquer l’âpreté de certaines farines ne contenant pas de gluten, comme la farine de sarrasin, de maïs, de quinoa ou encore de teff. Ainsi, le pain campagnard sans gluten de la marque Schär affiche 3,1 g de matières grasses pour 100 g de produit (3,1 g/100 g), contre 1,3 g/100 g pour le Pain complet bio Campanière. Et c’est encore pire pour la baguette Schär, qui contient 6,3 g de sucres ajoutés aux 100 g (alors qu’une baguette classique compte en moyenne seulement 2,7 g de sucres). En ce qui concerne les pâtes, par exemple, les coquillettes sans gluten de la marque Barilla contiennent pour leur part près de 2 fois
moins de protéines que celles avec du gluten de la même enseigne (6,5 g/100 g, contre 12,5 g/100 g).
DES GAMMES TRÈS CHÈRES ET SANS BÉNÉFICES « Les produits sans gluten sont à l’origine fabriqués pour les malades. Ils ne sont pas plus sains. En revanche, ils sont plus chers »,
confirme Brigitte Jolivet, qui justifie elle-même ces écarts de prix par l’utilisation d’ingrédients plus coûteux, la fabrication dans des usines particulières, les nombreuses analyses nécessaires et les quantités produites plus faibles. Il reste que, pour des produits analogues (un pain sans gluten et pain avec gluten, par exemple), il est possible de payer jusqu’à 4 fois plus cher (voir l’encadré Trop c’est trop page 42) . Adopter un régime sans gluten est donc synonyme d’un budget alimentation plus élevé sans pour autant obtenir des bénéfices supérieurs pour la santé, voire d’une certaine nocivité pour les personnes non malades. Q À bon entendeur…
Repères
COMMENT RECONNAÎTRE LES PRODUITS SANS GLUTEN ? C’est devenu une jungle : de plus en plus de produits s’affichent avec la mention « sans gluten », « gluten free » ou « no glu ». Que valent-ils ? Dans cette guerre au blé, comment trier le bon grain de l’ivraie ? Q Un seul logo
dispose d’un contrat de licence géré par l’Association française des intolérants au gluten (Afdiag). Mentionné sur 3 449 produits pour 246 marques, ce logo participe d’une démarche volontaire des industriels, qui sont soumis à un audit annuel. Q La mention « sans gluten » est
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réglementée. Elle impose une teneur inférieure à 20 milligrammes de gluten par kilogramme de produit. En revanche, les appellations « gluten free », « no glu » ou « no gluten » n’ont aucune valeur légale. Leur utilisation n’impose aucune norme. Q Toutefois, certains industriels
affichent la mention « sans gluten » ou apposent le logo “épi de blé barré” sur des produits qui ne contenaient pas de gluten à l’origine. Preuve que l’argument du « sans gluten » est vendeur. Cependant, ce logo peut aussi figurer lorsque la transformation d’un produit, même sans gluten, implique qu’il puisse être contaminé
par un autre produit en contenant. C’est le cas, par exemple, de la semoule de maïs de la marque Monoprix. Il s’agit donc d’une information importante pour les personnes atteintes de maladie cœliaque, puisque la moindre trace de gluten peut leur être nocive. Q Il existe
désormais un logo « sans gluten » pour les restaurants, validé par l’Afdiag. Ce dernier garantit un quota de plats qui en sont dépourvus. Sur son site Internet (Afdiag.fr), l’Afdiag détaille la liste des restaurants concernés.
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ALIMENTS VEGAN
Sans viande, mais pas sans reproche Être végétalien ne pose pas forcément de problèmes en matière de santé. Mais, afin d’éviter tout risque de déficits en minéraux et en vitamines, B12 notamment, mieux vaut consulter un diététicien, maîtriser les ficelles de la nutrition, et bien lire les étiquettes… Le végétalisme intégral, ou “véganisme”, est à la mode. Le nombre des adeptes de ce régime excluant tous les produits d’origine animale, y compris le poisson, le lait et les œufs, est estimé à 90 000 personnes en France. Néanmoins, de nombreux Français seraient tentés par ce choix, poussés par des motifs éthiques et environnementaux.
En termes d’espérance de vie, il n’existe pas de différence entre les végétaliens et le reste de la population. « À l’instar des végétariens,
mais peut-être de façon moins marquée, les vegans ont un moindre risque de développer des maladies cardio-vasculaires et du diabète que le reste de la population, affirme François Mariotti, professeur de nutrition à AgroParisTech. C’est assez logique, car leur régime se
rapproche des recommandations nutritionnelles de santé (davantage de fruits et de légumes, de légumineuses et de noix…) que le régime occidental standard. »
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T rop, ’ s t t rop ! c e 50 INGRÉDIENTS EN BARQUETTE Pané “façon cordon bleu” Vegan Deli Ce cordon bleu végétalien comporte une cinquantaine d’ingrédients, alors qu’un cordon bleu classique en nécessite 7. Avec 14 g de matières grasses pour 100 g, il se révèle aussi gras qu’un pain au chocolat. Il est aussi très salé : un seul cordon bleu couvre un peu moins de la moitié de l’apport quotidien maximal. Nous avons relevé la présence de 12 additifs pour l’épaissir, le colorer, l’acidifier ou lui donner du goût. Pourquoi tant d’efforts pour ressembler à la viande ? Enfin, pourquoi ce produit a-t-il été décongelé ? Trop de mauvais points. INGRÉDIENTS Eau, farine de blé, protéines de blé, oignon, huile de tournesol, fromage vegan 8,7 % [eau, amidon modifié, huiles de coco et d’olive, protéines de riz, sel, fibres, stabilisant (E417), conservateur (E202), acidifiant (E330), colorant
(E160a), arôme], jambon vegan 4,9 % [eau, huile de colza, protéines de pois, stabilisants (E410, E415, E407), épices, maltodextrine, sel de mer, extrait de levure, arôme naturel, acidifiant (E333), concentré de betterave rouge], moutarde, (eau, graines de moutarde, vinaigre, sel, sucre, épices), sel,
En outre, ils consomment plus de fibres, « ce qui est un facteur de protection contre le cancer colorectal. Ils ont également de meil- leurs apports en vitamines C et E », souligne Benjamin Allès, chercheur en épidémiologie nutritionnelle à l’université Paris 13. Néanmoins, une étude française récente indique que les végétaliens présentent plus de risques d’avoir des apports insuffisants en
Repères
LA VITAMINE B12 Q Indispensable à
notre santé, la vitamine B12 (ou cobalamine) est absente du règne végétal. Synthétisée par des bactéries présentes dans la terre et dans le tube digestif des ruminants, elle se trouve dans les viandes, le lait et les fromages. Pour les végétaliens, une supplémentation est obligatoire. Q Attention : ni les formes homéopathiques, ni le matcha (poudre de thé vert), ni les algues ne sont des sources fiables de B12. La spiruline contient une molécule analogue à la B12, mais elle est inactive !
certains nutriments, notamment en vitamines B12, A et B2, en zinc et en calcium. Mener un régime vegan équilibré implique donc d’avoir de bonnes bases en nutrition. Aussi est-il préférable de s’informer auprès d’un diététicien ou d’un médecin spécialisé en nutrition avant de s’y adonner.
LE DÉFICIT EN PROTÉINES : UN VRAI CASSE-TÊTE ? On a longtemps pensé que le principal problème du régime végétalien était le manque de protéines, constituants essentiels de nos cellules et de nos muscles. Il est vrai que les céréales ou les légumes contiennent 4 fois moins de protéines que la viande, et les légumineuses (lentilles, haricots secs, pois chiches), 2 fois moins. Le mythe découle aussi du fait que les protéines végétales présentent une quantité légèrement plus faible en certains acides aminés dits essentiels, ces maillons élémentaires des chaînes de protéines que notre corps n’est pas capable de synthétiser. Les céréales manquent de lysine, et les légumineuses, de méthionine. D’où l’intérêt d’alterner les apports de céréales et de légumineuses au cours de la journée ou du repas, en associant par exemple riz et haricots rouges. « Les personnes qui réduisent leurs apports en protéines animales risquent plutôt une insuf-
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maltodextrine, extrait de levure, sucre, épices (contient céleri), extrait de céleri, amidon de maïs modifié, protéines de pommes de terre, fibres de pommes de terre, épaississant (E407), amidon (maïs, blé), émulsifiant (E412), levure, curcuma. Peut contenir soja et noix. Produit décongelé. Ne pas recongeler.
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fisance d’apport en protéines qu’un problème de qualité, par un manque de lysine », indique François Mariotti. Il est donc nécessaire de consommer suffisamment de légumineuses, mais aussi de fruits à coque et de graines (cacahuètes, noix, amandes), riches en protéines. Nous avons besoin d’environ 0,8 g de protéines par kilogramme de poids et par jour. Une personne de 50 kg doit ainsi manger 40 g de protéines par jour, soit l’équivalent de 2 steaks de 100 g de bœuf. « Pour compenser 200 g de viande, poisson ou œufs par jour, un vegan doit consommer de 300 à 400 g de légumineuses accompagnées de céréales », souligne Vanessa Gouyot, diététicienne à
Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). Cette gymnastique fastidieuse pousse de nombreux végétaliens à se tourner vers les aliments transformés à base de soja comme le tofu et le tempeh, empruntés aux menus asiatiques, ou vers les steaks végétaux industriels, qui imitent les produits à base de viande. « Les vegans consomment en moyenne 60 g par jour d’ali- ments à base de soja. Leur consommation de steak végétal est de 6 à 12 fois supérieure à celle des omnivores », précise Benjamin Allès. Une portion de 150 g de tofu ou d’un steak à base de soja contient de fait à peu près la même quantité de protéines (environ 20 g) qu’un steak de bœuf haché de 100 g.
QUELLES DIFFÉRENCES ENTRE CES NUGGETS VÉGÉTAUX ? Nuggets bio Bjorg Veggie Sur l’emballage, le fabricant annonce « Nuggets Veggie ». On s’attend donc à ce que le produit convienne aux végétaliens. Or, il contient du blanc d’œuf et potentiellement des traces de lait. Autant d’ingrédients qui ne peuvent convenir à un régime végétalien. INGRÉDIEN TS issées 14,8 %, Eau, fè ves de soja dégra de blé e chapelure ( farine blanch ma), rcu 11, 7 %, sel, le vure, cu orisée, sod dé rnesol oignons, huile de tou 2 1 %, jus blé de nche blanc d’œu f, farine bla re, ter de e mm de ci tron, amidon de po ons, ail, panais, gn prépara tion d’épices (oi blé, sucre de canne de ten glu ), cis poi vre, ma n t : gomme guar. blond, sel, épaississa s de céleri, lai t, Peu t con tenir des trace t graines de sésame. e ue mou tarde, frui ts à coq
Le produit est également “gras” : 15 g de lipides pour 100 g de nuggets, contre 7,5 g/100 g pour les Nuggets en Box Crispy de la marque Maître Coq. Il est également très salé. Une portion de 154 g renferme 2,9 g de sel, soit près de 60 % de l’apport journalier maximal recommandé par les autorités sanitaires ! C’est beaucoup trop.
Nuggets végétariens Carrefour Veggie Même si la gamme se nomme Veggie, l’emballage indique « végétariens ». Un effort de transparence qui mérite d’être salué. Ce produit peut en effet convenir à des végétariens, mais pas à des végétaliens. Il contient des ingrédients d’origine animale tels que du blanc d’œuf et des protéines de lait. Grâce au gluten de blé (10 %) et aux protéines de pois (6 %), ces nuggets se révèlent riches en protéines végétales. En revanche, ils sont beaucoup trop salés : 1,9 g de sel pour 100 g, soit, pour 6 nuggets (120 g), près de la moitié de l’apport maximal quotidien recommandé. Enfin, nous avons noté la présence de dextrose, un sucre dont nous avons du mal à voir l’utilité dans une telle préparation salée.
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INGR ÉD IE NT S Eau, chapelur e 16,5 % (f ar ine de blé, lev ur e , sel, papr ik a en poud en poudr e), p r e, cur cuma r o (glut en de blé t éines v égét ales 16 % 10 %, pr ot éines 6 %), huile de t our nesol, f ar de pois ine de blé, blanc d’ œuf d e de maï s modifi poule, amidon é, sel, ar ôme (cont ient céle r i), pr ot éines nat ur el de la dex tr o se, poiv re , ail en poud it , r e.
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ATTENTION AUX EXCÈS DE SOJA ! Face à une offre croissante de similicarnés à base de soja, il est possible de se laisser entraîner à en consommer de façon excessive, ce qui n’est pas recommandé dans le cadre d’une alimentation diversifiée. Toutefois, il n’y a pas de risque avéré lié à un excès de soja. Certes, le soja contient des isoflavones, des phytoœstrogènes ayant un mécanisme similaire à celui des hormones féminines. Et des études chez l’animal ont montré un impact néfaste sur le système hormonal… mais à des doses très élevées. « Même un vegan qui ne mangerait que du soja aurait du mal à atteindre ces doses délétères pour l’organisme », affirme Benjamin Allès. Par précaution, une consommation modérée est conseillée chez les femmes enceintes, les jeunes enfants et les adolescents.
Même avec le mot “végétal” sur l’emballage, certains similicarnés ne sont pas vegan !
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Ne cherchez pas à improviser !
Avant de vous lancer dans le végétalisme, apprenez à bien maîtriser les principes alimentaires de base. Un tel régime peut être source de carences.
Supplémentez-vous en vitamine B12.
Le déficit en vitamine B12, le seul nutriment totalement absent des végétaux, est le risque principal pour les végétaliens. Il conduit à une dégradation neurologique, hématologique et génétique pouvant mener au décès. Une supplémentation de 10 microgrammes (µg) par jour, ou 2 000 µg par semaine, ou encore 5 000 µg tous les 15 jours, est indispensable.
Visez les aliments riches en calcium.
DES TAUX DE SEL QUI PEUVENT EXPLOSER
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LES CONSEILS DE «60»
Ainsi, le Steak soja et blé Le Bon Végétal d’Herta contient de l’œuf (du blanc d’œuf en poudre et du jaune d’œuf) ! Il n’est donc pas adapté à un végétalien. Idem pour le Steak Côté végétal Soja et pois Fleury Michon, qui affiche en gras la mention : « Sans viande, riche en protéines, source de fibres. » Adapté aux végétariens, il ne l’est pas pour les véganes, car il contient de la poudre de blanc d’œuf… Sans compter que certains steaks végétaux ne sont pas idéaux d’un point de vue nutritionnel. Par exemple, une Galette épeautre & boulghour aux petits légumes Céréal bio (100 g) ne renferme que 5,7 g de protéines, alors qu’une teneur minimale de 15 g est nécessaire pour remplacer des protéines animales. On trouve également des galettes dont le taux de sel explose, à l’instar des Steaks soja & blé Grill végétal, de Céréal, qui affichent 1,3 g de sel pour 100 g, soit 1,17 g par portion de 90 g, ce qui représente 23 % de l’objectif de 5 g par jour fixé par l’Organisation mondiale de la santé (OMS) pour l’apport maximal en sel. Mieux vaut privilégier le tofu nature bio, un produit peu transformé avec seulement deux coagulants (chlorure de magnésium et sulfate de calcium) nécessaires Q à sa fabrication. 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
Le calcium est peu présent dans l’alimentation végétalienne. Pour limiter le risque de fractures et d’ostéoporose après la ménopause, les femmes vegan peuvent consommer du tofu coagulé au sel de calcium, des eaux minérales riches en calcium ou des jus végétaux enrichis (par exemple, le Lait d’amande bio sans sucres La Mandorle (121 mg de calcium/100 ml), ainsi que des graines de sésame, de pavot ou de chia.
Veillez à absorber du zinc.
Les vegans ont souvent des apports en zinc insuffisants. Cela s’explique par leur consommation importante de fibres végétales. Ces dernières contiennent des phytates, qui freinent l’assimilation du zinc. Pour y remédier, il faut manger régulièrement du pain complet, des germes de blé, ainsi que des noix et des graines (de courge et de sésame, en particulier).
Fiez-vous aux bons logos.
Il existe des labels fiables, tels le logo Vegan avec une fleur de la Vegan Society, le V-label végane de l’Union végétarienne européenne (attention : il existe aussi un V-label végétarien), Vegan OK et Eve vegan, créé en 2016 par l’organisme de contrôle français Expertise Végane Europe. Le V-label et Eve vegan garantissent l’absence d’OGM, et Eve vegan, le caractère vegan de l’emballage.
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LES TO DE L’IN émulsifiants
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pesticides
XIQUES DUSTRIE nitrites Peu de matières nobles, mais beaucoup d’artifices… Les aliments ultratransformés occupent une bonne place dans les rayons des supermarchés. Très utilisés par les industriels, certains additifs, parmi les 390 autorisés dans l’Union européenne, ne sont pourtant pas sans conséquences sur la santé. D’autant qu’ils peuvent aussi se retrouver sous la forme nano. Et qu’en est-il de leur combinaison et des effets cocktails ? Sans compter la problématique des pesticides. Manger bio peut-il nous protéger ? K C O T S I
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ADDITIFS Lesquels sont les plus dangereux ? Ils peuvent être cancérogènes, perturbateurs endocriniens, provoquer des troubles neurologiques, etc. Le caractère nocif de certains additifs, au-delà de la dose prescrite, est démontré. Mais on ne sait rien des combinaisons. Le principe devrait être la précaution. Une nourriture ultratransformée serait potentiellement associée à un risque plus élevé de cancer. C’est la conclusion d’une étude scientifique française publiée en février 2018 dans le très sérieux British Medical Journal . L’étude a porté sur près de 105 000 participants, dont les habitudes alimentaires ont été scrutées à la loupe. De nombreux produits industriels sont ultratransformés, en raison de l’ajout massif d’additifs destinés à donner un goût et une texture à des ingrédients bon marché
(voir Repères page 60) . Mais les chercheurs ne peuvent établir un lien certain de cause à effet, car ils ne s’appuient pas sur des expériences de laboratoire, au cours desquelles ils auraient pu isoler chaque facteur. Néanmoins, certains biais, comme le tabac ou l’activité physique, ont pu être écartés. Ainsi, l’accroissement du risque de cancer se retrouve aussi bien chez les fumeurs que chez les non-fumeurs, et chez les sportifs comme chez les sédentaires… En outre, à
T rop, ’ s t t rop ! c e DU SUCRE ET DES ADDITIFS AU MENU Repas minceur Crèmes saveur vanille Gerlinéa Ce « repas minceur » est une aberration nutritionnelle. La marque prétend fournir un produit destiné à « équilibrer son déjeuner » ou à « compenser un excès ». Mais le premier ingrédient de cette poudre à mélanger avec du lait est… le sucre (29 % du produit) ! C’est aussi un cocktail d’additifs : pas moins de 16, dont 4 de notre liste des additifs à bannir. Parmi ceux-ci, l’E466 (carboxymethyl-cellulose sodique), perturbateur du microbiote intestinal suspecté d’être cancérogène, et l’E551 (dioxyde de silicium), sous la forme nano, comme le fabricant a l’honnêteté de le préciser. Notons aussi qu’il contient des protéines de blé hydrolysées riches en glutamate.
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16 ADDI TIFS*
ifian t (es ters acé tiques Amidon modi fié, émuls d’acides gras), épaississan t : es san ts des mono- e t dig lycérid mme d’acacia, épaissis ha tes, go de es fibr a, tar sp gomme ho dip e, iqu x yme th yl-cellulose sod s de s ue (carraghénanes, carbo triq , émuls ifian t (es ters ci phospha tes de sodium) an ts (acésu lfame K, or ulc éd s), gra es cid d’a es rid ycé mono- e t digl cium [nano], éran t : dio x yde de sili aspar tame), an tiagglom tio x ydan ts (es ters d’acides gras de l’acide s, an coloran t : caro téno ïde ascorbique). en tocophérols, acide he ric i t nés . tra x e e, s ont s ur li g ascorbiqu r s cr i r e p * Les ad di t i f s à o
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Bon à savoir
LA RUMEUR DE VILLEJUIF Quarante ans qu’il circule de bouche à oreille, et aujourd’hui par courriel et via les réseaux sociaux. Le “tract de Villejuif” est une liste d’additifs prétendument dangereux et prétendument publiée par l’hôpital de Villejuif. Cette liste complètement fantaisiste a même été publiée par des quotidiens régionaux. Il s’agit d’un faux. Ne vous laissez pas abuser : ne la faites pas circuler et prévenez celui qui vous l’a communiquée.
Les additifs sont des substances ajoutées aux aliments non pour leur valeur nutritionnelle, mais pour leur intérêt technologique (conservation, couleur, texture…). Cela fait des millénaires que les humains utilisent le vinaigre ou le sel pour conserver les aliments, les épices pour les colorer ou leur donner de la saveur… Quoi de plus naturel ? Mais, depuis près d’un siècle, la chimie est venue s’en mêler chez les industriels qui cuisinent pour nous. Les nitrites ont supplanté le sel, le rouge allura AC colore les fruits des céréales de petit déjeuner, la carboxyméthylcellulose donne de la tenue à des crèmes desserts, les édulcorants ont remplacé le sucre dans les produits allégés…
AUTORISÉS POUR DES GAMMES DE PRODUITS PRÉCISES quantités équivalentes de sucres, de sel ou de graisses saturées, l’augmentation du risque de cancer associé à un régime riche en aliments ultratransformés reste marquée. Pour le Dr Mathilde Touvier, chercheur à l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm) qui a dirigé cette étude, trois autres aspects des aliments ultratransformés pourraient être en cause : les composés néoformés (des substances générées lors du processus de préparation), des éléments nocifs provenant des matériaux d’emballage ou encore certains additifs.
Au total, on compte environ 390 additifs alimentaires autorisés dans l’Union européenne. Pour l’être, ils doivent en principe avoir fait la preuve de leur utilité et de leur innocuité par une batterie de tests en laboratoire. Un dossier scientifique est soumis par le fabricant aux
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experts de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), qui rend un avis consultatif. Avis qui peut être suivi ou non par la Commission européenne et par les États membres, qui ont le dernier mot. Les additifs sont alors autorisés pour des gammes de produits précises et dans des quantités parfois limitées. On parle de dose journalière admissible (DJA), c’est-à-dire la quantité d’une substance qu’un individu peut ingérer quotidiennement tout au long de sa vie sans risques pour sa santé.
TROP DE QUESTIONS RESTENT SANS RÉPONSES La DJA est calculée en divisant au moins par 100 la dose à partir de laquelle un effet est noté chez l’animal. C’est pourquoi des substances classées cancérogènes peuvent continuer à être employées par les industriels. Citons notamment le caramel E150d, utilisé pour colorer des colas ou des vinaigres balsamiques, ou encore l’E320, alias butylhydroxyanisol (BHA), un antioxydant.
Outre le risque cancérogène, qu’en est-il d’éventuels troubles métaboliques, immunitaires ou neurologiques, ou bien des perturbateurs endocriniens ? Qu’en est-il quand plusieurs additifs sont mélangés ? Quels effets ces additifs ont-ils pendant toute une vie d’humain ou à certaines périodes sensibles (grossesse, enfance, puberté…) ? Silence radio. Pour autant, tous les additifs ne sont pas à mettre dans le même panier. Certains sont utilisés de longue date et ne présentent pas de risque particulier. Ils servent, par exemple, à empêcher les aliments de rancir, comme l’E300 (acide ascorbique), qui n’est autre que de la vitamine C. Mais de plus en plus de doutes ternissent leur image au vu de l’augmentation de leur nombre et de leur omniprésence dans l’alimentation industrielle, et au regard de l’augmentation de pathologies comme les cancers, les allergies ou les maladies inflammatoires intestinales. En 2008, l’Union européenne a d’ailleurs (Suite page 60)
4-9=-4 ) 4- 84=; ,¼),,1<1.; ' Tanoshi Nouilles japonaises saveur légumes et sauce soja Tanoshi Cette “cup” – malgré la mention « sans glutamate ajouté » – se révèle un concentré de 12 additifs, dont 4 problématiques. Aussi bien les nouilles que l’assaisonnement contiennent du BHA (butylhydroxyanisol) et du BHT (butylhydroxytoluène), des perturbateurs endocriniens. Le BHA est en outre classé « cancérogène possible ». Pour éviter les grumeaux, l’industriel a ajouté du dioxyde de silicium, sans préciser son caractère nano. On retrouve aussi de l’E466 (carboxymethyl-cellulose sodique), perturbateur du microbiote 12 ADDI TIFS* : bu t ylh ydro x y-anisol, Nouilles : an tio x ydan ts correc teurs d’acid ité : bu t ylh ydro x y- toluène, po tassium, iques, carbona tes de od tas n pe tes a sph ho trip cellulose ifian t : carbo x ymé th yluls ém ; m diu so de r de goû t : carbona tes de silicium, e xhaus teu yde x dio : re ud Po méran t : sodique. te disodique, an tiagglo yla an gu e, iqu od dis te y-anisol, inosina x ydan ts : bu t ylh ydro x tio an ; m ciu nés . sili de s ont s ur li g dio x yde s cr i r e * Les ad di t i f s à p ro . ne uè tol y x ro yd bu t ylh
intestinal suspecté d’être cancérogène. Pour couronner le tout, le produit contient 2 exhausteurs de goût et de l’extrait de levure, riche en glutamate “naturel”.
Nouilles petits légumes d’Asie Suzi Wan Suzi Wan met Tanoshi au tatami. Sa “cup” contient 6 fois moins d’additifs que celle de son rival. Les carbonates de potassium et de sodium sont les 2 seuls additifs ajoutés au produit. Ils ne sont pas problématiques, puisqu’il s’agit de poudres à lever utilisées dans la fabrication des nouilles. Pour donner du goût à l’ensemble, l’industriel a recours à un arôme naturel et à un mélange d’épices.
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2 ADD ITIFS m, Carbona te de po tassiu . carbona te de sodium
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LA LISTE DES 50 ADDITIFS À PROSCRIRE Ordre numérique E102 E104 E110 E122 E124 E129 E131 E150c E150d E170 E171 E172 E173 E211 E218 E220 E221 E222 E223 E224 E226 E227 E228 E249 E250 E251 E252 E320 E321 E432 E433 E434 E435 E436 E466 E520 E521 E522 E523 E541 E551 E554 E620 E621 E622 E623 E624
E625 E950 E951
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Tartrazine Jaune de quinoléine Jaune orangé S Azorubine, ou carmoisine Ponceau 4R, ou rouge cochenille A Rouge allura AC Bleu patenté V Caramel ammoniacal Caramel au sulfite d’ammonium Carbonate de calcium Dioxyde de titane Oxyde et dioxyde de fer Aluminium Benzoate de sodium 4-hydroxybenzoate de méthyle Anhydride sulfureux Sulfite de sodium Sulfite acide de sodium, ou hydrogénosulfite de sodium Disulfite de sodium Disulfite de potassium Sulfite de calcium Sulfite acide de calcium, ou hydrogénosulfite de calcium Sulfite acide de potassium, ou hydrogénosulfite de potassium Nitrite de potassium Nitrite de sodium Nitrate de sodium Nitrate de potassium Butylhydroxyanisol (BHA) Butylhydroxytoluène (BHT) Monolaurate de polyoxyéthylène sorbitane (polysorbate 20) Monooléate de polyoxyéthylène sorbitane (polysorbate 80) Monopalmilate de polyoxyéthylène sorbitane (polysorbate 40) Monostéarate de polyoxyéthylène sorbitane (polysorbate 60) Tristéarate de polyoxyéthylène sorbitane (polysorbate 65) Carboxyméthylcellulose, ou gomme cellulosique Sulfate d’aluminium Sulfate d’aluminium sodique Sulfate d’aluminium potassique Sulfate d’aluminium ammonique Phosphate d’aluminium sodique acide Dioxyde de silicium Silicate alumino-sodique Acide glutamique Glutamate monosodique Glutamate monopotassique Diglutamate de calcium Glutamate d’ammonium Diglutamate de magnésium Acésulfame K Aspartame
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RISQUES ASSOCIÉS : •
Allergisant
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Cancérogène
•
Diabétogène
•
Perturbateur endocrinien
•
Inflammatoire
•
Perturbe le microbiote intestinal
•
Troubles neurologiques
•
Troubles du comportement et de l’attention chez les enfants
•
Additif pouvant contenir des nanoparticules
•
Maux de tête, rougeurs (pour les personnes sensibles), prise de poids…)
Des quelque 390 additifs autorisés dans l’Union européenne, nous avons répertorié les plus problématiques, en raison de leurs risques avérés ou suspectés sur la santé.
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Nous avons notamment listé les substances contenues dans les additifs classées cancérogènes par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) ou par l’Agence européenne des produits chimiques (Echa), et les substances appartenant à la liste des perturbateurs endocriniens potentiels, établie par l’Union européenne. Sont aussi présents les additifs identifiés par la réglementation européenne comme « pouvant avoir des effets indésirables sur l’activité et l’attention chez les enfants ». Q
Enfin, nous avons également sélectionné les additifs épinglés dans une ou plusieurs études scientifiques ayant eu un fort retentissement. Il s’agit, par exemple, de l’étude de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) sur les risques du dioxyde de titane (E171) sous la forme nanométrique ou encore de celles de l’Institut Ramazini (Italie) sur l’aspartame (E951). Bien sûr, toutes les hypothèses émises par les études ne sont pas forcément confirmées. D’où de possibles controverses sur les excès du principe de précaution.
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LA LISTE DES 50 ADDITIFS À PROSCRIRE Ordre alphabétique 4-hydroxybenzoate de méthyle Acésulfame K Acide glutamique Aluminium Anhydride sulfureux Aspartame Azorubine, ou carmoisine Benzoate de sodium Bleu patenté V Butylhydroxyanisol (BHA) Butylhydroxytoluène (BHT) Caramel ammoniacal Caramel au sulfite d’ammonium Carbonate de calcium Carboxyméthylcellulose, ou gomme cellulosique Diglutamate de calcium Diglutamate de magnésium Dioxyde de silicium Dioxyde de titane Disulfite de potassium Disulfite de sodium Glutamate d’ammonium Glutamate monopotassique Glutamate monosodique Jaune de quinoléine Jaune orangé S Monolaurate de polyoxyéthylène sorbitane (polysorbate 20) Monooléate de polyoxyéthylène sorbitane (polysorbate 80) Monopalmilate de polyoxyéthylène sorbitane (polysorbate 40) Monostéarate de polyoxyéthylène sorbitane (polysorbate 60) Nitrate de potassium Nitrate de sodium Nitrite de potassium Nitrite de sodium Oxyde et dioxyde de fer Phosphate d’aluminium sodique acide Ponceau 4R, ou rouge cochenille A Rouge allura AC Silicate alumino-sodique Sulfate d’aluminium Sulfate d’aluminium ammonique Sulfate d’aluminium potassique Sulfate d’aluminium sodique Sulfite acide de calcium, ou hydrogénosulfite de calcium Sulfite acide de potassium, ou hydrogénosulfite de potassium Sulfite acide de sodium, ou hydrogénosulfite de sodium Sulfite de calcium Sulfite de sodium Tartrazine Tristéarate de polyoxyéthylène sorbitane (polysorbate 65)
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E218 E950 E620
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Allergisant
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Cancérogène
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Diabétogène
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Perturbateur endocrinien
•
•
Inflammatoire
•
Perturbe le microbiote intestinal
•
Troubles neurologiques
•
Troubles du comportement et de l’attention chez les enfants
•
Additif pouvant contenir des nanoparticules
•
Maux de tête, rougeurs (pour les personnes sensibles), prise de poids…)
• •
E173
•
E220
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E951 E122 E211 E131 E320 E321 E150c E150d E170 E466 E623 E625 E551 E171 E224 E223 E624 E622 E621 E104 E110 E432 E433 E434 E435 E252 E251 E249 E250 E172 E541 E124 E129 E554 E520 E523 E522 E521 E227 E228 E222 E226 E221 E102 E436
RISQUES ASSOCIÉS :
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Ne touchez pas à nos yaourts ! En principe, les additifs sont interdits dans les yaourts. Mais le décret qui définit cette spécialité comporte une faille, dans laquelle les industriels se sont engouffrés. Qu’il soit d’origine turque ou bulgare n’y change rien. Le yaourt est devenu une spécialité tricolore, qui a conquis le monde entier et qui possède sa réglementation propre. En France (et seulement chez nous !), pour avoir le droit de porter la dénomination “yaourt”, le lait lait doit avoir été été ensemencé ensemencé uniquement uniqueme nt avec les bactéries Lactobacillus bulgaricus et et Streptococcus thermophilus . Elles doivent rester vivantes à raison d’au moins 10 millions de bactéries par gramme jusqu’à la date limite de consommation. Cet aspect vivant a contribué à la réputation d’un produit naturel et sain, sans ingrédients artificiels.
LES ADDITIFS ONT COLONISÉ LES FRUITS Le décret n° 88-1203 du 30 décembre 1988 relatif aux laits fermentés et au yaourt spécifie les ingrédients autorisés. Il s’agit d’une énumération “positive” : tout ce qui n’est pas mentionné est interdit. Puisqu’il n’y a aucune référence aux additifs, ils sont en principe prohibés. Pourtant, le texte réglementaire comporte une faille. faille. L’article ’article 3 indique indique : « Les laits fermentés peuvent être additionnés des produits suivants : arômes ainsi que, dans la limite de 30 % en poids du produit fini, sucres et autres denrées alimentaires conférant une saveur spécifique. » Qu’entend la réglementation par « autres denrées alimentaires conférant une saveur spécifique » ? En utilisant une formulation aussi vague, le pouvoir exécutif
a laissé la porte ouverte à toutes les interprétations. Yoplait, Mamie Nova et consorts ont ainsi décidé d’incorporer des “préparations de fruits” à leurs yaourts et, à l’intérieur de ces préparations, une pléthore d’additifs : colorants, épaississants, correcteurs d’acidité et même conservateurs.
LES CONSOMMATEURS SONT BERNÉS Le mélange de fruits sert en somme de cheval de Troie pour contourner la loi. Ainsi, les Panier de Yoplait Nature sur fruits contiennent 12 additifs ; on en comptabilise 7 dans les Mamie Nova Gourmand aux fruits, et 9 dans les yaourts Recette crémeuse Carrefour. Danone est parfois “honnête” (sa Recette crémeuse, avec 8 additifs, porte le nom de “spécialité laitière sucrée”), parfois “filou” (3 additifs dans le Velouté Fruix fruits rouges et 7 dans son Taillefine aux fraises). Certes, la plupart de ces additifs ne sont pas parmi les plus problématiques (voir pages 7 et 57-58). Mais s’arroger le droit d’étiqueter “yaourt” un produit dénaturé qui contient autant voire davantage d’additifs qu’un “vulgaire” dessert lacté revient à berner le consommateur. Et à altérer ses papilles et ses yeux avec des leurres sous la forme d’amidon modifié, de carraghénanes, de citrate de sodium, de rouge carmin de cochenille… Sans compter le recours fréquent au sirop de glucose-fructose. Une dérive inadmissible que nous dénonçons avec la plus grande fermeté.
S F I F S T I T I DI 3 AD D
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décidé de procéder à une réévaluation de tous les additifs mis sur le marché avant 2009. En juillet 2016, l’Efsa a finalisé l’examen de 41 colorants alimentaires. Les DJA de 3 colorants (E104, E110 et E124) ont été réduites et le colorant rouge 2G (E128) a été retiré du marché. comme l’acide montanique (E912), un agent de glaçage. En revanche, l’Efsa n’a pas fait évoluer sa position sur les nitrites, pourtant mis en cause dans le classement des charcuteries comme cancérogènes (lire page 82) et malgré le risque, qu’elle a constaté, de dépassement des DJA chez les enfants.
POUR LE DIOXYDE DE TITANE, L’EFSA BOTTE EN TOUCHE Par ailleurs, toute réévaluation est à prendre avec des pincettes, car l’Efsa arguë de l’insuffisance d’études pour établir des seuils de toxicité. Ainsi, en 2016, concernant le très
controversé E171 (dioxyde de titane), présent dans de nombreuses sucreries, l’Autorité a conclu que ce colorant ne présentait pas de danger pour la santé, tout en reconnaissant ne pas pouvoir déterminer de DJA… faute de données. Elle ajoute que le dioxyde de titane n’est pas à considérer comme un nanomatériau, car il ne contiendrait pas plus de 3,2 % de particules de taille inférieure à 100 nanomètres (millionièmes de millimètre). Difficile, néanmoins de se fier les yeux fermés aux avis de l’Efsa. En effet, au début de 2017, deux chercheurs de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) ont trouvé entre 10 et 45 % de nanoparticules dans les échantillons de dioxyde de titane alimentaire qu’ils ont examinés. «60» a également fait procéder à des analyses sur 18 gâteaux et bonbons contenant de l’E171. Elles ont révélé la présence systématique de nanoparticules, à une concentration variant entre 10 et 100 % ! (Voir «60» n° 529, de septembre 2017.)
Les chercheurs de l’Inra ont de leur côté fait ingérer à des rats du dioxyde de titane utilisé par l’industrie pâtissière, à des doses équivalentes à celles que les humains absorberaient. Après 100 jours d’exposition, ils ont vu apparaître des lésions précancéreuses de l’intestin et une accélération de la maladie chez des animaux déjà atteints de tumeurs. « Ce n’est qu’une pre- mière étude, mais c’est alarmant, soulignent Éric Houdeau et Fabrice Pierre, chercheurs à l’Inra, Repères
QU’EST-CE QU’UN ALIMENT ULTRATRANSFORMÉ ? Q Le concept de “nourriture ultratransformée”
a été présenté en 2009 par le département nutrition de l’université de Sao Paulo (Brésil). Q À
la différence des aliments industriels classiques (boîtes de conserve de légumes ou de poissons, fromages pasteurisés…), les ultratransformés (soupes instantanées, desserts lactés…) ont la particularité d’être fabriqués avec très peu de matières premières brutes (fruits, lait, viande…) et beaucoup d’additifs ou d’ingrédients dénaturés (fibres reconstituées, maltodextrine…) dans le but de leurrer le goût du consommateur et d’obtenir un produit facile à utiliser.
60
car cet additif est utilisé depuis les années 1960 en quantités suffisantes pour avoir ces effets. Il est autorisé sur la seule base qu’il est faiblement absorbé par l’intestin. Or, nous montrons qu’il est suffisamment actif pour induire des effets biologiques. »
CHAQUE JOUR, UN ENFANT AVALE UNE CINQUANTAINE D’ADDITIFS Le dioxyde de titane n’est pas le seul additif pouvant être incorporé sous la forme nano. L’E170 (carbonate de calcium), l’E172 (oxyde de fer) et l’E551 (dioxyde de silicium) peuvent également contenir des nanoparticules. C’est ce qu’ont montré des analyses de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF), révélées au début de 2018 lors des États généraux de 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N °125S - mai/juin 2018
l’alimentation. La présence de nanoparticules a été détectée dans 29 des 74 produits alimentaires prélevés. Pourtant, un seul produit arborait sur son étiquetage la mention “nano”, comme l’impose la réglementation ! Nous avons pour notre part relevé de l’E170 utilisé comme correcteur d’acidité dans des billes chocolatées KitKat Ball, de l’E551 dans une boîte de Cappucino en poudre Maxwell House ou dans le Gerlinéa Repas minceur (voir encadré page 54) . Quand on examine l’alimentation industrielle d’un enfant, on peut compter plus de 50 additifs pour une seule journée ! En pleine croissance, les enfants mangent en quantité importante par rapport à leur poids. Ils peuvent donc, plus facilement qu’un adulte, dépasser les DJA. Et cela sans compter les autres sources d’exposition. Ainsi, le dioxyde de titane (E171) est présent dans certains dentifrices, ce qui fait des enfants les personnes les plus exposées, parce qu’ils consomment plus de bonbons « et qu’ils ont aussi plus tendance à avaler du dentifrice », note Éric Houdeau.
RETIRÉES DES MALABAR, LES NANOS SONT DANS LES M & M’S Heureusement, certains industriels ont entendu le signal d’alarme concernant l’E171 : il a par exemple été retiré de la recette des Malabar. Mais il reste présent dans les bonbons M & M’s ou Skittles. Plusieurs colorants sont également connus pour causer des troubles tels que l’hyperactivité chez les enfants (voir tableaux pages 57 et 58) . La mention « peut avoir des effets indé- sirables sur l’activité et l’attention chez les enfants » doit alors apparaître sur l’emballage,
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à la suite du ou des colorants incriminés. Les grandes marques ont préféré retirer ces additifs de leurs recettes de sucreries. On les trouve encore néanmoins dans de nombreux cocktails apéritifs, avec ou sans alcool. Impossible, bien sûr, de passer en revue l’intégralité des études récentes, mais parcourons encore quelques exemples. L’aluminium est utilisé comme colorant (E173) et sous d’autres formes et pour d’autres fonctions, comme le sulfate d’aluminium (E520, épaississant) et, plus fréquemment, le phosphate d’aluminium (E541, stabilisant). Il contamine aussi nos aliments via les casseroles ou le papier d’aluminium, ou 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
DANS LA FAMILLE DES “E”, JE DEMANDE… Que signifient les chiffres après le “E” dans les compositions des produits ? Voici quelques explications. Un conseil, n’oubliez pas votre loupe. Les additifs alimentaires sont référencés dans l’Union européenne par la lettre “E” suivie de 3 ou 4 chiffres. Le premier de ces 3 chiffres (ou les 2 premiers lorsqu’ils sont 4) donne une idée de sa fonction. 8 CATÉGORIES
• E1XX, colorants ; • E2XX, conservateurs ; • E3XX, antioxydants ; • E4XX, agents de texture (émulsifiants, épaississants, gélifiants…) ; • E5XX, acidifiants ; • E6XX, exhausteurs de goût ; • E9XX, édulcorants ; • E14XX, amidons et amidons modifiés. DANS LE BIO ÉGALEMENT
Ces indicatifs donnent une… indication, mais les frontières des catégories ne sont pas étanches : certains conservateurs sont aussi acidifiants, l’édulcorant sorbitol est codé E420 (agent de texture), la lécithine (émulsifiant) est codée E322 (antioxydant)… Et parmi les E300 (antioxydants) peuvent figurer des conservateurs (E200). Par ailleurs, rappelons que 45 additifs sont autorisés pour les produits issus de l’agriculture biologique. Rien ne les distingue au niveau de leur indicatif. La plupart, d’origine naturelle, sont indispensables à la préparation ou à la conservation des aliments. Leur présence ne nuit pas à l’obtention du label.
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encore par les végétaux eux-mêmes contaminés par des sols pollués : les céréales, les légumes et les feuilles de thé seraient le plus concernés. Cécile Vignal, maître de conférences à la faculté de médecine de Lille, a cherché à voir l’impact de l’aluminium sur les pathologies intestinales
qu’elle étudie. Résultat : à des doses équivalentes à celles d’une alimentation standard et sur des animaux en bonne santé, l’aluminium est sans effet notable. Mais, sur des animaux souffrant déjà de maladie inflammatoire, il peut aggraver la pathologie.
l’intestin et participent à la digestion. Ces molécules favoriseraient les bactéries inflammatoires, faisant le lit d’éventuelles pathologies, comme la maladie de Crohn. Elles accélèrent et aggravent la prolifération des tumeurs chez des animaux qui en sont déjà atteints ; elles provoquent aussi une prise de poids et augmentent leur anxiété. Benoît Chassaing estime qu’il est possible d’extrapoler ces résultats à d’autres émulsifiants, mais des travaux sont en cours pour le vérifier.
ADDICTIONS EN HAUSSE POUR DES PRODUITS HYPERGRAS OU SUCRÉS
UN ÉMULSIFIANT MIS EN CAUSE POUR LA MALADIE DE CROHN
David Val-Laillet, de l’Inra, note que « l’on a très
Benoît Chassaing, chercheur français exerçant aux États-Unis, étudie quant à lui les effets de deux émulsifiants, l’E433 (polysorbate 80) et l’E466 (carboxyméthylcellulose, ou gomme cellulosique). On trouve fréquemment l’E466 dans des margarines ou des beurres allégés, par exemple le Bridelight. Le chercheur a notamment mis en évidence que ces molécules modifient le microbiote intestinal, c’est-à-dire les différentes populations de micro-organismes qui peuplent
peu de recul sur les interactions entre différents aliments industriels et différents additifs ».
Le chercheur regrette le manque de transparence de certains industriels, qui ne dévoilent que les études qui leur sont favorables. Pour lui, aucun doute que certains additifs contribuent à l’épidémie d’obésité : « On a un accès plétho-
rique à des aliments extrêmement palatables [agréables au palais, ndlr], jusqu’à développer des addictions pour les produits hypergras ou sucrés. Les troubles du comportement alimen-
QUELLES DIFFÉRENCES ENTRE CES 2 SODAS ? Coca-Cola Zero sucres
Breizh Cola sans sucres
La recette du géant d’Atlanta (Géorgie)
Le « cola du phare Ouest » se
contient 5 additifs, dont 3 problématiques.
revendique comme la « première
L’E150d est un caramel industriel, classé
alternative régionale » au soda
cancérogène possible par le Centre
américain. Mais si le Breizh Cola est
international de recherche sur le cancer
fabriqué et mis en bouteille au
(CIRC). En Californie, depuis 2012, la loi impose
Roc-Saint-André (Morbihan), sa recette
de mentionner ce risque sur l’étiquette, si bien
est quasi identique à celle de
que Coca-Cola a retiré l’E150d uniquement
la multinationale. Comme le Coca-Cola,
pour les boissons vendues en Californie. Pour
ce soda breton ne contient pas moins
donner un goût sucré à son “Zero sucres”,
de 5 additifs, dont 3 problématiques :
Coca-Cola a recours à 2 édulcorants intenses,
l’E150d, l’acésulfame K et l’aspartame.
l’E950 (acésulfame K) et l’E951 (aspartame), controversés. 5 ADDI TIFS* ; Eau gazé ifiée ; coloran t : E150d ci tra te e, riqu pho phos acidifian ts : acide e, tam ar asp : ts an lcor de sodium ; édu taux), gé ts vé trai x ls (e ture na acésul fame K ; arômes de phén ylalanine. don t ca féine. Con tien t une source né s. s ont s ur li g s cr i r e * Le s ad di t i f s à p ro
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5 ADDIT IF S* Eau gazéifiée, color ant : car amel E150d ; acidifiants : acide phosp hor ique, acide citr ique ; édulcor ants : aspar tame et acésulf ame K, caf é ine, ar ôme natur el de cola av ec autr es ar ômes natur els. Contient une sour ce de phény lalanine. * Le s a dd i t i f s à p ro s c r i r e s on t s ur l i g n é s .
60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
taire sont d’ailleurs entrés dans le DSM-5 [clas [classification des troubles mentaux de l’Association Association américaine de psychiatrie]. » Cette hypersaveur est notamment le fait d’une catégorie d’additifs appelés exhausteurs de goût. Parmi eux, le glutamate est sur la sellette de longue date. On l’a accusé de bien des maux : toxique pour le rein et le système nerveux chez l’animal, responsable chez l’homme de rougeurs, sensations de chaleur, maux de tête et nausées (ensemble de symptômes communément appelé “syndrome “syndro me du restaurant chinois”, car le glutamate est très utilisé dans la cuisine asiatique), responsable également de prise de poids, puisqu’il pousserait à manger davantage. Le débat sur son cas continue de faire rage entre scientifiques. L’Efsa, de son côté, a complété sa réévaluation du glutamate à l’été 2017 2017 et conclu que « l’exposition peut […] dépasser les doses
associées à certains effets indésirables chez l’homme (par exemple, maux de tête), chez les nourrissons, les enfants et les adolescents fortement exposés ». LA TOMATE ET LE ROQUEFORT SONT RICHES EN GLUTAMATE
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L’Autorité a donc recommandé une DJA de 30 milligrammes par kilogramme ki logramme de poids corporel pour le glutamate et pour 5 molécules de la même famille. Certaines personnes seraient plus sensibles que d’autres à cet additif. Soyez donc attentif à d’éventuels symptômes et, le cas échéant, limitez les doses en évitant les plats comme les nouilles asiatiques, les tablettes de bouillon concentré et les sauces soja, qui en contiennent souvent. Et si vous êtes sensible au glutamate, sachez qu’il est aussi présent naturellement, et à des doses aussi élevées que celles de l’additif, dans les tomates, le parmesan et le roquefort. D’autres ingrédients, comme l’extrait de levure (de Saccharomyces cerevisiae, la levure qui sert à faire fermenter la bière et lever le pain) ou les protéines végétales hydrolysées, sont également riches en glutamate. Il est encore difficile de déterminer les effets cocktails des additifs. Les chercheurs sont sur le pont. D’ici là, par précaution, évitez les additifs le plus problématiques (voir nos tableaux pages 57 et 58) . Q 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
LES CONSEILS DE «60» Repérez les catégories d’additifs dans
les compositions. Tous Tous les additifs présents dans un produit ou dans ses sous-produits (le jambon d’une pizza, par exemple) exemple) doivent être indiqués dans la liste des ingrédients par catégories (conservateurs, émulsifiants, colorants, épaississants, amidons modifiés, correcteurs d’acidité, antioxydants…), antioxydants…), suivies du nom de l’additif ou de son code. Par exemple, « Épaississants : carraghénanes » ou « Antioxydant : E320 », « Conservateur : nitrite
de sodium ».
Privilégiez les produits dont les listes
d’ingrédients sont les plus courtes. Ils ont souvent moins de choses à cacher. L’abondance ’abondan ce d’ingrédients est souvent le signe d’une tambouille t ambouille destinée à compenser la mauvaise qualité des matières premières.
1r¿I^ZSYW HIW VE]SRW traiteur ou pâtisserie en libre-service. Les produits frais des grandes surfaces ne sont pas forcément moins chargés en additifs. Nous avons, par exemple, exemple, relevé que des parts de fraisier en barquette barquette contenaient une quinzaine d’additifs !
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Quelques indices pour les repérer : la présence d’ingrédients dénatur dénaturés, és, comme les amidons modifiés ou les émulsifiants (E466, E468, E469…), d’exhausteurs de goût (glutamate, par exemple), de sirop de glucose ou de fructose. Préférez les aliments frais, nature ou surgelés aux denrées en conserve.
4VMZMPrKMI^ PI PEFIP %& Moins de 50 additifs sont autorisés pour les produits biologiques.
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Sans aucun intérêt nutritionnel, ces aliments sont riches riches en additifs, notamment en colorants.
%XXIRXMSR %XXIRXMSR EY ´PMKLXµ Dans les aliments
allégés, les sucres sont remplacés par des édulcorants, et les graisses par des agents de texture ou des émulsifiants.
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PESTICIDES
La coupe est pleine Le glyphosate est la substance herbicide qui cache la forêt. Quantité d’intrants chimiques sont épandus sur les champs et sur les fruits et légumes, avec des conséquences graves sur la santé. Les consommateurs soucieux de leur bien-être doivent se montrer vigilants. Combien de résidus de pesticides avalons-nous chaque jour ? 10 ? 50 ? 100 ? Dans son rapport publié en 2016, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (European Food Safety Authority, Efsa) indiquait qu’un tiers des fruits et des légumes analysés en contenait au moins 2. Et certains, tels les raisins, les fraises, les pommes, les poires et les poivrons, en affichaient jusqu’à 10. Si les pesticides ont permis à l’agriculture d’obtenir une rentabilité exceptionnelle, il n’en demeure pas moins que nous n’en maîtrisons pas aujourd’hui toutes les conséquences sanitaires et environnementales. En 20 ans, les résidus multiples dans les fruits, légumes et céréales ont explosé : en 2015, ils étaient présents dans 28 % des échantillons analysés, contre 15,4 % en 1997.
UN SURSIS DE 5 ANNÉES POUR LE GLYPHOSATE « Nous sommes potentiellement exposés aux 423 substances actives autorisées en Europe. Mais aussi à de nombreuses autres, désormais interdites », pointe Emmanuelle Kesse-Guyot, épi-
démiologiste à l’Institut national de la recherche recherche agronomique (Inra). Les pesticides se révèlent très persista persistants nts dans l’envi l’environne ronnement. ment. Ainsi, le DDT est encore présent dans certains fruits et légumes, alors que ce produit considéré comme hautement cancérogène est interdit en France depuis 1971. On peut noter une recrudescence de l’utilisation d’une molécule dans les années qui suivent son interdiction. « Les agriculteurs veulent écouler leurs stocks. Un an après l’interdiction effective effective de l’atrazine en Suisse (en 2011), la contamination d du u 64
lac Léman a augmenté, puis a baissé les années suivantes », souligne Nathalie Chèvre, écotoxico-
logue à l’université de Lausanne. Observera-t-on le même phénomène avec le glyphosate, dont la fin de la commercialisation est reportée à l’après-2022 ? À ce jour, la substance active du Roundup reste la matière active herbicide déclarée la plus utilisée au monde. Elle représente à elle seule près de 13 % des ventes de pesticides en France, selon Générations futures, association qui se consacre à la lutte contre les pesticides.
LES CONSOMMATEURS DE FRUITS PLUS EXPOSÉS Quels sont les impacts d’une exposition chronique à ces molécules de synthèse ? De nombreux travaux tendent à établir un lien entre la manipulation des pesticides et le risque de développer certaines pathologies, notamment la maladie de Parkinson, le lymphome non hodgkinien, le cancer de la prostate ou le myélome multiple, comme le souligne une synthèse de l’Institut national de la santé et de la recherche recherche médicale (Inserm) publiée en juin 2013. Cette étude a aussi établi un lien entre l’exposition de professionnelles pendant la grossesse et la survenue de tumeurs cérébrales,
60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
T rop, rop ! t t r e ’ s t c ’ 4¼)..)1:- ,-; µ=.; )= .18:7614 Sous la coquille, une molécule interdite Fin juillet 2017, des œufs contaminés au fipronil sont détectés en Belgique. En quelques mois, des milliers de produits contenant des œufs au fipronil sont retrouvés dans 25 des 28 États membres de l’Union européenne. Cet insecticide est suspecté de toxicité chez l’homme (troubles neurologiques et vomissements) et participe à la mortalité des abeilles. Interdit pour un usage agricole en France et dans la plupart des pays européens depuis 2004, il est toujours autorisé en LA F RANCE IMP AC T ÉE Belgique et aux Pays-Bas. Le 10 août 2017, la société Imp Im por tés de Belgique et des Pay s-Bas, plus d BASF annonce arrêter, arrêter, « pour des raisons économiques », de e 200 000 œuf s contaminés au fipr on il ont la commercialisation de ce pesticide. Il n’est plus été mis sur r lle mar ché en F r ra nce. en vente, officiellement, depuis le 30 septembre 2017.
de leucémies, de malformations congénitales ou de troubles neurodéveloppementaux chez leurs enfants. Pour les habitants voisins de domaines agricoles et les consommateurs, les risques pour la santé restent peu documentés. L’Organisation ’Organisation mondiale mondi ale de la santé (OMS) estime estim e que l’alimentation est la principale source d’exposition aux pesticides. Ces dernières années, plusieurs travaux de recherches ont été publiés sur la famille des insecticides pyréthrinoïdes, pyréthrinoïdes, qui
constituent constituent 30 % de l’utilisation mondiale des pesticides, selon Générations futures. Ils concluent que cette classe de produits a des effets sur le système nerveux, provoquant des troubles cognitifs, notamment chez l’enfant, ainsi qu’une puberté précoce chez les garçons. Une équipe de l’Institut de recherche en santé, environnement et travail (Irset) de Rennes, qui mène des recherches sur l’impact des pesticides, a étudié les sources d’exposition des enfants bretons aux pyréthrinoïdes, dont l’alimentation. Leurs travaux, publiés pub liés en avril avr il 2017 2017, indiquent indiqu ent que les plus gros consommateurs de fruits (4 ou 6 fruits non bio par semaine) sont plus susceptibles de développer des troubles que ceux qui en mangent moins !
AUTISME, PERTE DE MÉMOIRE ET TREMBLEMENTS Des pesticides de la classe des néonicotinoïdes sont aussi suspectés d’avoir des effets sur le système endocrinien. Dans une étude publiée au début de février 2018 portant sur l’exposition humaine chronique à cette classe de produits, des chercheurs de l’American Society for Nutrition ont identifié des « conséquences développementales développementales ou neurologiques neurologiques défa- vorables », comme », comme l’augmentation du risque d’autisme, de troubles de la mémoire, de tremblements et de malformation congénitale du cœur. Dans tous ses rapports, l’Efsa se félicite que moins de 3 % des aliments échantillonnés 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
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dépassent les limites maximales de résidus (LMR). Au-delà de ce taux, l’aliment est considéré comme impropre à la consommation humaine. « Ces seuils sont déterminés en
fonction de la toxicité probable du pesticide et de la place de l’aliment dans le panier moyen de la ménagère », précise François Veillerette,
président de Générations futures. Par exemple, les LMR des pesticides sont très basses pour l’eau, car nous en consommons énormément. Cependant, si les LMR protègent des effets à court terme, elles sont loin de prendre en compte tous les paramètres. « Il existe un risque lié tant à l’exposition chronique qu’à la multiplication des composés », estime Hélène
Budzinski, directeur de recherche CNRS et responsable du Laboratoire de physico et toxico-chimie de l’environnement, à Bordeaux.
« En revanche, il faudra vraisemblablement une ou deux générations pour mesurer réellement leurs impacts. »
DES COCKTAILS SURPUISSANTS DE MOLÉCULES Autre problème, ces seuils résiduels ont été établis à partir du couple aliment-substance active. Ils ne considèrent pas le produit tel qu’il est commercialisé. Gilles-Éric Séralini, professeur de biologie moléculaire à l’université de Caen, a ainsi comparé 9 pesticides parmi les plus vendus dans le monde – 3 herbicides (Roundup, Matin EL, Starane 200), 3 insecticides (Pirimor G, Confidor, Polysect Ultra) et 3 fongicides (Maronee, Opus, Eyetak) – avec la substance active seule de chacune de ces préparations. Chaque produit (Suite page 68)
QUELLES DIFFÉRENCES ENTRE CES TOMATES ? Tomates Cœur-de-pigeon Savéol Comme c’est le cas de la majorité des tomates présentes sur nos étals, ces tomates Savéol sont cultivées en serre, hors-sol, et non en pleine terre. La marque revendique une démarche réduisant l’utilisation des pesticides de synthèse et affirme que, pour 80 % des tomates cultivées de façon conventionnelle, les traces de pesticides ne dépassent pas la limite de quantification (LQ). Cette limite correspond à la plus petite concentration d’une substance qui peut être N CŒUR-DE-PIGEO e. cré su te no , tes Croquan Toma tes cerises. Origine France. Poids ne t : 250 g.
quantifiée avec une précision acceptable. Les 20 % restants sont des tomates qui respectent les limites maximales de résidus (LMR) fixées par l’Europe. Malheureusement, à ce jour, il n’est pas possible de distinguer celles qui présentent le moins de résidus des autres.
Une tomate Savéol « sans pesticides » La coopérative développe depuis 4 ans une gamme de tomates étiquetées « cultivées sans pesticides ». Ce ne sont pas pour autant des tomates bio. La charte de cette gamme interdit le recours aux pesticides « de la fleur à l’assiette ». Si, pour des raisons de productivité, le recours à des pesticides a été nécessaire pendant la phase de croissance des tomates, elles ne peuvent plus porter cette allégation. En outre, le fabricant s’impose d’attendre 2 mois – la durée d’un cycle de floraison – avant de revenir dans la gamme sans pesticides. La tomate garantie sans pesticides n’a donc pas subi de traitement à partir de la floraison, mais le plant
CŒ UR S-D E C ult iv ées sans -P IGE ON pest icides. Démar che na t ur e. Or igine F ra nce, 100 % br et onne. P oids net : 25 0 g.
initial, pour sa part, en a peut-être reçu.
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60 Millions de consommateurs. Hors-Série N°125S - mai/juin 2018
L’insecticide gâche le miel On savait déjà que les néonicotinoïdes décimaient les ruches. Des chercheurs suisses viennent de découvrir que ces insecticides, et d’autres, étaient aussi présents dans le miel. Pas de risques pour la santé humaine, semble-t-il. Mais les abeilles continuent de souffrir. Une équipe de chercheurs suisses de l’université de Neuchâtel a analysé 198 échantillons de miel du monde entier. Les trois quarts contenaient des résidus de néonicotinoïdes, des pesticides utilisés dans les champs de maïs et de colza, et connus pour leur rôle dans le déclin des colonies d’abeilles. Dans le détail, 30 % de ces échantillons relevaient la présence de 1 insecticide, et 45 %, de 2 à 4 insecticides.
UNE SUBSTANCE QUI TUE LES ABEILLES ET CONTAMINE LE MIEL Les échantillons le plus contaminés provenaient d’Amérique du Nord (86 % des miels de cette région analysés), d’Asie (80 %) et d’Europe (79 %). Si les taux moyens de pesticides retrouvés ne présentent pas de risques pour la santé humaine, ils se révèlent en revanche problématiques pour la survie des abeilles et de nombreux insectes. En effet, les néonicotinoïdes provoquent des troubles dits “sublétaux” : la mort des abeilles n’est pas immédiate, mais elles présentent différents troubles qui mettent en danger la survie de la colonie : baisse de l’immunité, sensibilité à certains germes pathogènes, désorientation des butineuses, qui ne retrouvent plus le chemin de la ruche.
EN CHINE, LES POMMIERS SONT POLLINISÉS À LA MAIN
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L’étude montre que, en Europe, 52,8 % des échantillons étaient contaminés par du thiaclopride, un insecticide du groupe des néonicotinoïdes qui sera interdit en France à partir du 1 er septembre 2018 et dont l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) vient d’appeler à « réduire au maximum les usages » dans un rapport publié le 5 mars 2018. « Ce pesticide se révèle très efficace contre les nuisibles du colza tels les pucerons ou les méligèthes, d’où sa surreprésentation dans les pays européens, où ces cultures sont abondantes », détaille Alexandre Aebi, chercheur à l’université de Neuchâtel et l’un des 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
auteurs de l’étude. Il reste que le thiaclopride est très persistant dans le sol. Même s’il est interdit, il faudra de longues années avant que ses effets ne cessent. De fait, les abeilles seront, elles aussi, en danger, en butinant des plantes qui auront poussé sur un terrain contaminé. Les abeilles assurent la pollinisation de 80 % des espèces de fleurs et de plantes sur Terre. Leur disparition progressive pose déjà de graves problèmes. Dans le Sichuan, en Chine, les hommes sont obligés de polliniser à la main les pommiers.
LA PRODUCTION DIVISÉE PAR 3 EN FRANCE Selon l’Union nationale de l’apiculture française (Unaf), la mortalité dans les ruches en 2015 était de 30 %. En France, la production de miel a été divisée par 3 en 20 ans. Les importations ont été multipliées par 4, avec le risque non négligeable de mise sur le marché de miels frelatés. En 2015, une étude menée à l’initiative de la Commission européenne constatait que 1 miel sur 3 n’était pas conforme et contenait du sirop de sucre et du miel récolté prématurément. 67
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a été testé in vitro sur des cellules humaines. Résultat ? Sur les 9 pesticides, 8 formulations se sont révélées plus toxiques que le principe actif seul. De nombreux adjuvants – tels des métaux lourds, comme l’arsenic ou le plomb, ou encore le POEA, un tensioactif – sont ajoutés à la substance active. Le laboratoire BioMEA de l’université de Caen a mesuré l’effet du POEA seul sur des larves d’huîtres, à des concentrations similaires à celles mesurées dans les cours d’eau proches de champs traités au Roundup. Après 24 heures d’exposition, le POEA stoppe le développement de 50 % des larves.
LA MATIÈRE TRÈS NOIRE DE LA TOXICOLOGIE Ces adjuvants, jamais recherchés dans l’environnement, se révèlent être la matière noire de la toxicologie des pesticides. « Les doses journalières admissibles (DJA) devraient prendre en compte les formulations des pesticides dans leur ensemble. De fait, ces dernières devraient alors être divisées par 1 000 : cela suffirait pour assurer une protection efficace, mais ce serait admettre aussi la fin programmée de l’agricul- ture intensive ! » relate le Pr Gilles-Éric Séralini. Mais les substances actives ne sont pas pour autant dénuées de toxicité. C’est le cas du
Bon à savoir
SANS LIMITE DANS LE VIN Q Les vignes françaises occupent
755 000 hectares en France, soit 3 % de la surface agricole. Mais elles utilisent environ 20 % du volume des pesticides épandus en France. Q Contrairement à l’eau, le vin n’a pas de concentration maximale de pesticides autorisée. Auteurs de l’ouvrage « le Goût des pesticides dans le vin » (voir page 110), le chercheur Gilles-Éric Séralini et le chef cuisinier Jérôme Douzelet ont fait analyser de nombreuses bouteilles de vin. Q Le chercheur a ainsi montré que des pesticides étaient présents à des taux plus de 10 000 fois supérieurs à ce qui est autorisé dans l’eau du robinet. Ces pesticides dénaturent le goût, à tel point que les auteurs estiment qu’il est difficile de se faire une idée exacte de ce qu’est un vin.
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glyphosate. Le 27 novembre 2017, il a bénéficié d’une nouvelle autorisation européenne pour 5 ans, contre l’avis de la France. Au centre des débats, une question : le glyphosate est-il cancérogène ? En mars 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC) des Nations unies le désignait comme « cancérogène probable ». Or, ce classement empêchait d’office sa commercialisation, puisque la réglementation européenne interdit l’usage des pesticides cancérogènes certains ou probables. Pourtant, en 2017, l’Agence européenne des produits chimiques (Echa) publiait un avis niant le risque cancérogène du glyphosate pour l’homme ! Beaucoup se sont interrogés sur le poids des lobbys et les raisons d’un tel revirement. D’autant que, peu de temps après le rapport de l’Echa, l’association autrichienne Global 2000 révélait dans un rapport publié en juin 2017 que les agences d’évaluation de l’Union européenne avaient ignoré 7 des 12 études disponibles sur la souris et le rat montrant des augmentations significatives des tumeurs sous l’influence du glyphosate. Il faudra donc attendre 5 ans pour réévaluer la toxicité de cette substance. La France a choisi d’appliquer le principe de précaution en interdisant le glyphosate dans les espaces publics en France depuis le 1er janvier 2017, et pour les particuliers au 1er janvier 2019. D’autres États ont fait de même, telle la Californie, qui reconnaissait, l’année dernière, le caractère cancérogène du glyphosate et ordonnait que soit mentionnée sur les emballages la présence de la substance.
LE SUBSTITUT DU GLYPHOSATE PEUT-ÊTRE PIRE ENCORE « Les enjeux et les débats autour de cette molé- cule permettent de sensibiliser le grand public aux pesticides, mais l’interdire ne réglerait pas le problème. Aux États-Unis, les agriculteurs l’ont remplacée par le dicamba, car les cultures sont devenues résistantes au glyphosate », explique Nathalie Chèvre. Herbicide dont la toxicité serait de 75 à 400 fois supérieure à la substance active du glyphosate, le dicamba est autorisé et déjà utilisé (en petites quantités) en France. « Il y a des produits autorisés tout aussi préoccupants pour la santé publique. Je pense notamment aux néonicotinoïdes, à l’origine de la disparition pro- (Suite page 70) 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
Quels fruits et légumes choisir ? De très nombreux fruits et légumes contiennent des résidus de pesticides, parfois jusqu’à une dizaine. Certains sont plus touchés que d’autres, probablement parce qu’ils ont subi plus de traitements ou parce qu’ils y sont plus perméables.
Légumes les plus Légumes les contaminés moins contaminés Céleri branche, herbes fraîches, endive
Maïs, asperge, igname
Fruits les plus contaminés
Fruits les moins contaminés
Raisin, clémentine, cerise
Avocat, kiwi, prune, mirabelle
S E R U T U F S N O I T A R É N É G : E C R U O S
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gressive des abeilles. Une fois que les produits sont autorisés, il est très difficile de revenir en arrière », poursuit Nathalie Chèvre. Selon Générations futures, de 8 à 9 ans sont nécessaires pour retirer du marché un produit jugé dangereux.
FRUITS, LÉGUMES ET THÉ, CIBLES PRIVILÉGIÉES DES PESTICIDES Aujourd’hui, de nombreuses études montrent que certaines catégories d’aliments sont plus contaminées que d’autres. Cela tient à la perméabilité du fruit ou du légume, mais aussi au type des pesticides utilisés. Générations futures a ainsi récemment publié une étude à partir des données des plans de surveillance réalisés par la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) de 2012 à 2016. « Ces chiffres ont le mérite d’exister, mais ils sont imparfaits, com-
mente François Veillerette. La distinction entre bio et non-bio n’est pas faite, on ne connaît ni la provenance des fruits et légumes analysés ni le détail des substances actives qui y ont été retrouvées. Notre objectif était de rendre acces- sibles ces informations. » Sur les 19 catégories de fruits analysées, près de 75 % portent des traces de pesticides quantifiables, contre 41 % des légumes. Des résidus ont été retrouvés dans plus de 80 % des raisins, clémentines, mandarines, cerises, pamplemousses, fraises, nectarines, pêches et oranges ! Dans le panier à légumes, le céleri, les herbes fraîches et les endives dépassent les 70 %. Autre produit problématique, le thé. «60» a analysé dans son n° 531, de novembre 2017, 26 thés, de marques bio ou non bio. Résultat : des LMR respectées, mais des traces de pesticides, d’arsenic, de mercure et d’alcaloïdes pour toutes les marques. Avec un record pour le thé noir parfumé Earl Grey Yin Zhen, de Dammann frères, pollué par 17 substances. Car les feuilles de thé ne sont lavées ni à la récolte ni pendant la transformation, pour conserver le goût.
UN CONTAMINANT TRÈS UTILISÉ, MAIS BIEN PEU RECHERCHÉ
Repères
BIEN QU’INTERDIT, LE CHLORDÉCONE CONTINUE DE POLLUER LES ANTILLES Q Cet insecticide cancérogène et perturbateur endocrinien a
longtemps été utilisé contre le charançon dans les bananeraies de Guadeloupe et de Martinique, avant d’être interdit, en 1993. Un rapport de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation publié en décembre 2017 montre que les produits (œufs, légumes, volailles, poissons, crustacés) issus des zones polluées sont susceptibles de contenir des taux de chlordécone supérieurs aux normes. Q Cette surexposition chronique serait à l’origine d’une augmentation du nombre des naissances prématurées et des cancers de la prostate. Le consommateur n’a aucun moyen de savoir si les produits en provenance de la Martinique et de la Guadeloupe en contiennent des traces.
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En septembre 2017, Générations futures avait aussi épinglé les céréales du petit déjeuner. Selon l’association, 7 céréales sur 8 analysées (toutes de marques non bio) contenaient des traces de glyphosate. Ainsi que 7 légumineuses sur 12 analysées, parmi lesquelles des lentilles, des pois chiches et des haricots rouges. Bien que le glyphosate soit l’une des substances actives parmi les plus utilisées, elle apparaît très peu comme “contaminante” dans les rapports officiels. Explication : « Les analyses pour établir la présence de cette substance sont 2 fois plus chères que pour les autres pesticides. Ainsi, en 2015, l’Efsa ne l’a recherchée que dans 6 % des échantillons », pointe François Veillerette.
UNE AGRICULTURE RAISONNÉE, VRAIMENT ? Alors quelle est la solution ? « On ne passera pas au tout bio du jour au lendemain », estime Philippe Lassalle Saint-Jean, directeur général de la Maison Meneau, fabricant de boissons bio, et président d’Interbio Nouvelle-Aquitaine. « Cette transition se fera sur plusieurs générations. Entre 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
l’agriculture intensive chimique et le bio, il y a une troisième voie, que certains vont appeler “agri- culture raisonnée” ou labelliser “zéro résidu de pesticides”. » L’équipe d’Hélène Budzinski, l’une des pionnières en France de l’étude de l’impact des pesticides sur l’environnement, travaille sur l’optimisation de l’emploi des intrants chimiques : « On en utilise trop. C’est vrai aussi pour les médicaments. Les agriculteurs cherchent l’effet curatif ou protecteur de façon assurée. Au cas par cas, en fonction des conditions hydrométriques, de la qualité des sols, des cultures, etc., on peut travailler sur la dose utile. »
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MOINS 50 % DE PESTICIDES EN 2025, UN VŒU PIEUX ? Selon l’écotoxicologue Nathalie Chèvre, « trop d’agriculteurs se contentent encore de suivre les plans d’épandage recommandés par les industriels, dont l’objectif n’est pas de limiter l’impact sur l’environnement, mais de vendre leurs produits. Beaucoup vont ainsi traiter en préventif ». En matière de réduction des pesticides, les discours des politiques sont pavés de bonnes intentions. Déjà, en 2008, le plan Écophyto prévoyait de réduire de 50 % l’utilisation des pesticides en France en 10 ans. Or, la courbe a bondi dans l’autre sens, avec 22 % d’augmentation entre 2008 et 2015… Le gouvernement a donc lancé en 2015 le plan Écophyto II, qui prévoit une diminution de l’utilisation des pesticides de 25 % d’ici à 2020, et de 50 % d’ici à 2025. « Mais, là encore, les moyens financiers pour y parvenir ne sont pas au rendez-vous », juge Laure Ducos, chargée de campagne agriculture au sein de Greenpeace. « Les plans de filière pour amorcer cette transition sont très insuffisants. À l’heure actuelle, il est impossible d’atteindre ces objectifs d’ici à 2025. » Hélène Budzinski appelle à une responsabilité collective : « L’agriculteur n’est qu’un mail- lon de la chaîne. Il est tout aussi victime que responsable d’un mode de production intensif. Il baigne au quotidien dans cette ambiance chimique. Le pire qui pourrait nous arriver, c’est que l’on n’ait plus d’agriculture dans notre pays et que l’on soit obligé d’importer des produits de pays beaucoup moins respectueux de Q l’environnement. » 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
LES CONSEILS DE «60» Privilégiez le bio, même si, selon le dernier rap-
port de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), 13,5 % des échantillons bio contenaient des résidus de pesticides, contre 46,7 % des aliments en “conventionnel”. Les parcelles sont parfois contaminées par les résidus dans l’eau ou l’air. Les traces de pesticides dans les produits bio peuvent aussi venir du sol et de pollutions passées. Les grandes surfaces développent des gammes de fruits et légumes “zéro résidu de pesticides”. Cela ne signifie pas qu’ils n’ont reçu aucun produit phytosanitaire, mais que leurs résidus ne dépassent pas le seuil de détectabilité.
Épluchez les fruits et légumes conventionnels. Enlevez la peau des pommes et d’un maximum de fruits. Un passage sous l’eau ne suffit pas. « Si des champignons ou des insectes vont à l’intérieur du fruit, les pesticides pulvérisés par l’agriculteur y vont aussi », pointe Nathalie Chèvre, écotoxicologue à l’université de Lausanne. Brossez les courgettes, aubergines et concombres, et ôtez les premières feuilles des endives, salades, choux. Ne trempez plus une rondelle de citron traité dans votre thé ou limonade !
Repérez les provenances. Plus un produit vient de loin, plus il risque d’avoir reçu un dernier pesticide après la récolte, pour qu’il ne pourrisse pas en route. C’est l’une des sources de contamination des produits bio quand ils ne sont pas séparés des récoltes conventionnelles. Et comment fait-on pour conserver les produits bio sur de longues périodes ? « On joue sur le froid, et leur environnement est souvent stérilisé avec des ultraviolets, détaille Hélène Budzinski, directeur de recherche CNRS. C’est pourquoi ils sont la plupart du temps dans des emballages en plastique. »
Mangez de tout ! En diversifiant son alimentation, on évite de s’exposer aux mêmes substances actives.
Cultivez votre potager 100 % au naturel.
Avant de vous lancer, assurez-vous que votre sol ne présente pas de traces de pesticides. Autre solution : le potager en carré surélevé. De bonnes associations de plantes vous permettront d’éviter les produits chimiques pour lutter contre les insectes.
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MANGER BIO
Un atout santé ? Les aliments issus de l’agriculture biologique nous protègent-ils de certaines affections ou en minimisent-ils les risques ? Une vaste étude publiée en 2017 dans la revue scientifique Environmental Health apporte un nouveau faisceau d’indices en leur faveur. Est-ce un sain réflexe de se tourner vers les aliments issus de l’agriculture biologique ? D’après la dernière enquête de l’Agence bio (février 2018), 90 % des Français consomment au moins occasionnellement des produits bio dans l’année, contre 54 % en 2003. Soit presque 2 fois plus qu’il y a 15 ans. Une très large majorité de consommateurs (82 %) fait en effet confiance aux produits bio, persuadée qu’ils sont meilleurs pour la santé (69 %).
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Pour bénéficier d’un label bio, l’aliment doit
être produit suivant un cahier des charges précis, même si celui-ci autorise certains traitements : il exclut l’utilisation de produits de synthèse (herbicides, pesticides, engrais…), d’antibiotiques, d’organismes génétiquement modifiés (OGM), d’exhausteurs de goût, de colorants et d’arômes non naturels, tout comme il limite le nombre d’additifs, autorisés à 47, contre 390 en conventionnel. L’éviction des produits chimiques suffit-elle à rendre les aliments bio meilleurs pour la santé ? Voilà des années que les chercheurs planchent sur la question, sans réussir à clore ce débat qui divise toujours la communauté scientifique. C’est pour tenter d’apporter des réponses plus précises que le Parlement européen a commandé une nouvelle enquête, la plus vaste à ce jour, publiée dans la revue Environmental Health en octobre 2017. Menée par différents chercheurs d’universités, elle regroupe 280 études inter-
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nationales qui comparent les effets sur la santé d’une alimentation bio par rapport à ceux d’une alimentation conventionnelle. Que faut-il retenir de ces nouvelles études ?
Repères
LE BIO FRANÇAIS EN CHIFFRES
DES DIFFÉRENCES CERTAINES, MAIS TÉNUES
Q Dans l’Union européenne,
la France se situe au 2e rang du marché bio (derrière l’Allemagne) et au 3e rang des surfaces cultivées en bio (derrière l’Espagne et l’Italie). Q Le marché français du bio représente plus de 8 milliards d’euros (7,15 milliards d’euros en 2016), soit 4,2 % du marché alimentaire global. Q 1,77 million d’hectares sont cultivés en bio, soit 6,5 % de la surface agricole utile (+ 15 % par rapport à 2016). Q 36 664 producteurs sont référencés en bio ( + 13,6 % par rapport à 2016), la majorité en Occitanie (8 156), en AuvergneRhône-Alpes (5 375) et en Nouvelle-Aquitaine (5 316). Q On compte 4 752 distributeurs bio ( + 18 % par rapport à 2016) et 12 238 transformateurs ( + 15,5 %).
Plusieurs conclusions soulignent les valeurs nutritionnelles du bio. En premier lieu, les scientifiques relèvent que les produits d’origine animale (laitages et, dans une moindre mesure, viande), contiennent davantage d’acides gras oméga 3 que leurs homologues conventionnels. Ensuite, les fruits et les légumes bio ont une teneur plus élevée en composés phénoliques (+ 20 %) et en vitamine C (+ 6 %), tandis que les céréales bio affichent une teneur plus faible en cadmium, un métal toxique pour la santé humaine. Le rapport d’analyse scientifique remis au Parlement européen précise que « ces différences ont probablement une signification nutritionnelle marginale ». Autrement dit, les aliments non bio ne
sont pas pour autant “carencés” en nutriments. Cela étant, les études comparatives réalisées in vivo sur des animaux nourris en bio et en conventionnel apportent des données intéressantes et étonnantes : elles ont démontré une croissance plus rapide des poulets nourris en conventionnel et un renforcement du système immunitaire, avec une meilleure récupération, chez les poulets nourris en bio.
UN IMPACT SUR LA SANTÉ DE LA MÈRE ET DE L’ENFANT les chercheurs ont constaté une diminution des allergies et des troubles associés (urticaire, eczéma, respiration sifflante…) chez l’enfant de moins de 2 ans dont la famille consomme régulièrement des produits bio, en particulier des produits laitiers. En outre, le suivi de 28 000 femmes enceintes consommant très régulièrement des fruits et légumes bio pendant leur grossesse a démontré une réduction des risques de prééclampsie, une poussée brutale de la pression artérielle susceptible de déclencher un accouchement prématuré. Enfin, 3 études menées aux ÉtatsUnis rappellent les effets négatifs des insecticides sur les fonctions cérébrales au cours des 7 premières années de vie : elles démontrent Concernant la santé humaine,
que l’exposition de la mère pendant la grossesse à des insecticides organophosphorés a un impact sur le développement cognitif de l’enfant, avec un quotient intellectuel plus faible, un retard de développement psychomoteur et mental, et une tendance accrue à l’hyperactivité.
CANCER LYMPHATIQUE, OBÉSITÉ : DES RISQUES DIMINUÉS Quant aux liens entre consommation bio et réduction des risques de cancer, une seule étude a été menée sur cette question, grâce à un échantillon de 623 080 consommatrices de produits bio suivies pendant plus de 9 ans au Royaume-Uni. Les chercheurs ont constaté une diminution significative du risque de lymphome non hodgkinien, un cancer du système lymphatique. Faut-il y voir un lien avec la quasi-absence de pesticides ? Comme l’a révélé la dernière grande enquête de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa), les produits bio contiennent très peu de résidus de pesticides. Plusieurs études ont en tout cas fait le lien entre l’exposition aux pesticides des agriculteurs, voire des riverains, et le risque accru de développer certaines maladies (maladie de Parkinson, diabète de type 2…), dont ce type de cancer.
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D’autres travaux menés en France sur une cohorte de 62 000 personnes ont révélé une baisse de 31 % du risque d’obésité chez les gros consommateurs de produits bio, ainsi qu’une réduction des maladies chroniques comme l’hypertension, le diabète de type 2 ou l’hypercholestérolémie. Mais les scientifiques tempèrent les résultats de l’étude, rapportant que « la preuve n’est pas concluante, car les consommateurs d’aliments biologiques ont généralement un mode de vie plus sain ».
PRODUITS BIO ET HYGIÈNE DE VIE, LA MEILLEURE ÉQUATION D’après les premiers résultats de l’étude BioNutriNet lancée en France en 2014 dans le cadre du programme NutriNet-Santé, on sait en effet qu’il existe plusieurs profils de consommateurs de produits bio. Et, contrairement aux idées reçues, les gros consommateurs de bio ne sont ni plus riches ni plus citadins que les consommateurs occasionnels ou les nonconsommateurs. Mais ils sont davantage éduqués et sportifs, tout en suivant un régime nutritionnel plus équilibré.
Les consommateurs réguliers de produits
bio mangent plus de fruits (+ 20 % pour les hommes et + 31 % pour les femmes), de légumes (+ 27 %) ou de légumes secs (+ 49 % pour les hommes et + 85 % pour les femmes), et ils consomment moins d’alcool (– 18 %), de boissons sucrées (– 34 % pour les hommes et – 46 % pour les femmes), de charcuteries (– 31 %) ou de viande (– 34 %). Bien sûr, une hygiène de vie plus saine est bénéfique pour la santé, et même si les scientifiques tiennent compte de ce facteur, celui-ci ne peut jamais être complètement éliminé.
MOINS D’ANTIBIORÉSISTANCE GRÂCE AUX ÉLEVAGES BIO L’enquête scientifique commandée par le Parlement européen ne compare pas le taux éventuel de résidus d’antibiotiques dans les viandes issues d’élevages bio et conventionnels. Mais, dans ses conclusions, elle insiste sur l’aspect « préoccupant de l’utilisation répandue d’anti- biotiques dans la production animale conven- tionnelle, comme facteur clé de la résistance aux antibiotiques ». D’après l’Organisation
VIN CONVENTIONNEL, VIN BIO : QUELLES DIFFÉRENCES ? Vin rouge conventionnel du Val de Loire
Vin rouge bio du Val de Loire
• 19 traitements effectués en moyenne (vignes) :
fongicides, insecticides – cuivre (6 kg/ha/an),
herbicides, insecticides, fongicides, hormones
huiles essentielles… Herbicides interdits.
de croissance…
Les traitements en bio sont plus fréquents
• 76 additifs autorisés (vinification) : polyaspartate de
qu’en conventionnel car les produits
potassium, chlorure d’argent, chitosane, dicarbonate de diméthyle, ferrocyanure de potassium… • Le sulfate de cuivre est autorisé en conventionnel
VIN ROUGE DU VAL DE LOIRE 2013
sont moins rémanents. • 45 additifs autorisés (vinification) :
azote, levures bio sans OGM, ovalbumines,
pour combattre
tanins, phosphate diammonique, gélatine
le mildiou (champignon
alimentaire, sucre, soufre…
parasite). Il empêche
• Ajout de sulfites :
aussi le goût de réduit
100 mg/l au maximum.
(composés soufrés donnant une mauvaise odeur) dans la bouteille. La dose est limitée à 1 mg/l. • Ajout de sulfites : 150 mg/l au maximum.
Sources : Institut français de la vigne et du vin (IFV) ; Agreste (Enquête sur les pratiques culturales en viticulture, campagne 2013) ; Écocert.
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• 23 traitements en moyenne (vignes) :
V IN ROUGE BIO DU V AL DE LOIRE 2013
Sources : Institut français de la vigne et du vin (IFV) ; Agreste (Enquête sur les pratiques culturales en viticulture, campagne 2013) ; Écocert.
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mondiale de la santé (OMS), la résistance aux antibiotiques constitue l’une des plus graves menaces pesant sur la santé. Celle-ci tue déjà près de 25 000 personnes par an en Europe, et elle pourrait provoquer jusqu’à 10 millions de décès annuels, au point de devenir l’une des principales causes de mortalité dans le monde d’ici à 2050. Or, même si l’exposition globale des animaux d’élevage aux antibiotiques a diminué de 36,6 % en France entre 2011 et 2016, selon l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), des efforts restent à faire. Les élevages biologiques doivent accorder davantage d’importance au bien-être animal (espace, accès au plein air, durée de transport plus courte…) et aux soins homéopathiques, ce qui n’est pas forcément le cas des élevages conventionnels, qui utilisent encore des antibiotiques de façon préventive sans faire de distinction entre animaux malades et animaux sains. Quelles sont les conséquences de ces pratiques sur la santé humaine ? Le rejet dans les eaux et les sols de bactéries résistantes aux antibiotiques risque de transférer cette résistance à des bactéries pathogènes pour l’homme. De ce fait, l’arsenal des médicaments actifs tend à diminuer. C’est tout le problème de l’antibiorésistance. L’OMS a alerté à plusieurs reprises à propos des dangers de l’utilisation excessive d’antibiotiques chez l’animal. Une nouvelle étude effectuée par des chercheurs de l’Institut Pasteur et publiée dans la revue The Lancet Infectious Diseases le 27 novembre 2017 fait le lien entre l’usage de pénicilline dans les élevages des années 1950 et la résistance à l’ampicilline, l’un des antibiotiques les plus courants en médecine humaine. Conclusion ? L’OMS a adressé de nouvelles recommandations aux éleveurs en novembre 2017 : pour remplacer les antibiotiques utilisés en prévention, il est proposé d’améliorer l’hygiène et l’utilisation des vaccins, et de modifier les pratiques d’hébergement et d’élevage des animaux. Ce qui est considéré comme un minimum dans la filière bio… Ce problème conduit à s’interroger sur les modes d’élevage et de production. Il n’est pas certain que le bio nous rende plus forts, mais il est fort possible que l’excès de traitements nous Q affaiblisse durablement. 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
COMPRENDRE LES LABELS Plusieurs organismes défendent la culture bio, avec des exigences parfois plus strictes que celles du label officiel européen. LE LABEL BIO EUROPÉEN Obligatoire depuis le 1er juillet 2010 sur les produits alimentaires préemballés dans l’Union européenne, il est facultatif pour les produits importés. L’“Eurofeuille” garantit le respect du règlement sur l’agriculture bio européenne – sans produits chimiques de synthèse, mixité bio-non bio autorisée, 0,9 % au maximum d’organismes génétiquement modifiés (OGM), 95 % de bio pour les produits transformés…).
DEMETER Ce label certifie les produits issus de la biodynamie, initiée par Rudolf Steiner en 1924. Son cahier des charges est plus strict que celui de l’Eurofeuille (produits transformés 100 % bio, dont 90 % Demeter, traces d’OGM interdites…). Par ailleurs, si le label européen autorise, à certaines conditions (séparation dans le temps et dans l’espace, déclarations spécifiques…), la culture de variétés végétales bio et conventionnelles distinctes sur une même exploitation, celle-ci est interdite chez Demeter.
BIO COHÉRENCE Plus strict que l’Eurofeuille, ce label créé en 2010 par un groupement de professionnels et de consommateurs garantit un produit 100 % bio, sans mixité bio-non bio, vendu en circuit court, avec un seuil d’OGM limité à 0,1 %.
NATURE & PROGRÈS Indépendant de l’Eurofeuille, ce label privé créé par une association de professionnels et de consommateurs née en 1964 milite pour une agriculture bio paysanne et locale. Les produits sont issus de fermes 100 % bio, sans mixité, sans huile de palme (même bio), sans traces d’OGM. 75
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VIANDES ROUGES
Trop de fer tue C’est pour leur teneur en fer qu’elles ont longtemps été recommandées. C’est pour la même raison que les viandes bovine, porcine et ovine sont désormais placées sous haute surveillance. À trop forte dose, le fer favorise l’apparition des cancers. Pour avoir une santé de fer, la consommation régulière de viandes rouges a longtemps été recommandée. Aussi bien le bœuf, le porc que le veau et l’agneau couvrent les besoins du corps humain en certains nutriments essentiels, en raison de leur richesse en protéines, en zinc, en sélénium, en vitamines B, et surtout en fer. Cet oligoélément, principal constituant des globules rouges, transporte l’oxygène depuis les poumons vers les muscles, afin qu’ils puissent fonctionner correctement. Une carence importante en fer conduira à l’anémie, une pathologie grave. Elle entraîne non seulement une augmentation dangereuse du rythme cardiaque – le cœur tentant de compenser le mauvais transport de l’oxygène en accélérant le débit sanguin –, mais aussi des difficultés respiratoires et d’autres symptômes gênants (fatigue, pâleur, chute de cheveux…). Dans les cas les plus extrêmes, les personnes non traitées tombent dans le coma et meurent.
environ 4 mg de fer, mais une escalope de poulet du même poids, seulement un peu plus de 1 mg. Difficile de croire qu’un composé aussi crucial puisse se retourner contre nous. « Pourtant, c’est le cas », assure Fabrice Pierre, directeur de recherches à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra). « Les études que nous avons menées montrent que le fer
LE FER, UN ALLIÉ QUI SE RETOURNE CONTRE VOUS Mais alors, qu’est-ce qui pose problème dans le fait de consommer de la viande rouge ? Paradoxalement, la présence du fer contenu dans le sang, appelé fer héminique. Même s’il joue un rôle essentiel, il est potentiellement nocif. Cet oligoélément, qui donne sa couleur rouge à la viande, est facilement assimilé par l’organisme (à hauteur de 25 %). Plus la teneur en fer est importante, plus le rouge de la viande est foncé. Ainsi, une entrecôte de bœuf crue de 180 g renferme 76
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héminique agit comme un promoteur du cancer colorectal », indique le chercheur. L’effet promoteur, c’est important de le préciser, concerne les cellules qui sont déjà prédisposées au cancer. Malheureusement, plus on avance en âge, plus on est susceptible d’héberger des cellules dormantes pouvant être activées par le fer présent dans la viande. Ce mécanisme pernicieux a été étudié par le laboratoire Toxalim de l’Inra. Dans le côlon, le fer va interagir avec les graisses présentes, produire une réaction d’oxydation et libérer des aldéhydes. Ces composés sont toxiques et vont favoriser les mutations génétiques des cellules défectueuses vers un état cancéreux. Pire, ils vont tuer les cellules saines, laissant plus de place aux cellules précancéreuses pour se développer. En octobre 2015, le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), une agence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), a classé la viande rouge et les charcuteries nitritées (lire pages 82 à 87) comme étant « pro- bablement cancérogènes ». La compilation des données de 700 études a permis de calculer que le risque de cancer colorectal augmentait de 17 % pour chaque portion de 100 g de viande rouge consommée par jour. Une augmentation du risque certaine, mais à relativiser. Ainsi, une femme fumant de 1 à 4 cigarettes chaque jour augmente de 500 % son risque de développer
Repères
LA VIANDE DE BŒUF PLUS RICHE EN FER QUE L’AGNEAU ET LE PORC Q Plus la viande est rouge, plus elle renferme du fer.
Celle de bœuf affiche des taux compris entre 2,2 et 3,3 mg pour 100 g de viande crue. Le morceau qui en contient le plus est la bavette, tandis que le plat de côtes, le faux-filet et l’entrecôte sont ceux qui en hébergent le moins. Q Le veau et l’agneau sont 2 fois moins riches en fer que le bœuf (1,2 mg/100 g en moyenne). Quant à la viande de porc, les valeurs se situent au-dessous de 1 mg/100 g : 0,66 mg/100 g pour une côte de porc et 0,82 mg/100 g pour un filet mignon. Q Les abats, comme le foie de veau, le cœur ou les rognons de bœuf, affichent des teneurs comprises entre 5 et 8 mg/100 g. Le boudin noir bat tous les records, avec 17 mg pour 100 g de produit frais. Pas si surprenant, puisqu’il est préparé avec du sang de cochon et que le fer est un composant de l’hémoglobine…
un cancer du poumon, selon une étude norvégienne réalisée auprès de 40 000 personnes, et sur une durée de plus de 30 ans.
UN IMPACT DÉMONTRÉ SUR TOUS LES CANCERS Par ailleurs, le spectre de nuisance des viandes rouges ne se limiterait pas au côlon et au rectum. L’analyse des données du programme NutriNet-Santé, coordonné par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), a démontré une incidence sur l’ensemble des cancers. Après avoir suivi les habitudes alimentaires de 61 476 volontaires pendant 5 ans, il a pu être établi que les personnes consommant le plus de viande rouge (près de 100 g/j) voyaient leur risque de développer un cancer augmenter de 30 % par rapport à ceux qui en mangeaient le moins (40 g/j). 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N °125S - mai/juin 2018
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Un type de cancer a été particulièrement étudié, celui du sein. Il reste le plus fréquent chez les femmes (161 nouveaux cas par jour en France) et le plus meurtrier (12 000 décès en 2017). « Un lien significatif a été observé dans l’étude NutriNet-Santé entre consommation de viande rouge et apparition de cancer du sein », détaille le D r Mathilde Touvier, chercheuse à l’Inserm. En 2015, Jingyu Guo, de l’Institut des sciences de la nutrition de Shanghai, était parvenu aux mêmes conclusions après avoir analysé les données de 14 études internationales. « Pour l’heure, il est encore difficile de définir un seuil au-dessus duquel le risque augmenterait sensi- blement », indique Mathilde Touvier.
LES FRUITS ET LES LÉGUMES À LA RESCOUSSE « Lors d’une précédente étude sur l’alimenta- tion, appelée Su.Vi.Max [pour Supplémentation
en vitamines et minéraux antioxydants], nous avions déjà remarqué une corrélation entre fer et cancer du sein. Cette même étude suggérait aussi que l’apport d’antioxydants permettrait de contrecarrer les potentiels effets néfastes provoqués par le fer », ajoute Mathilde Touvier. Les antioxydants, notamment les vitamines C et E, ainsi que le bêtacarotène, neutralisent les molécules toxiques générées par l’oxydation des graisses par le fer. Ils ont en effet le pouvoir de se fixer aux aldéhydes, ces molécules tueuses de cellules saines. En s’accrochant à elles, ils les stabilisent et les empêchent de nuire à l’organisme. « Pour faire le plein d’antioxydants, privilégiez les sources alimentaires comme les fruits et les légumes. Inutile de recourir aux compléments alimentaires, dont les effets à long terme ne sont pas tous connus », précise la chercheuse. Pour la vitamine C, il est conseillé de privilégier
QUELLES DIFFÉRENCES ENTRE CES MORCEAUX ? Steak à griller * (supermarché) Un système d’étoiles (de à ) indique la tendreté des viandes vendues en barquettes. Ici, le steak à griller n’en possède qu’une, ce qui veut dire qu’il ne fait pas partie des morceaux considérés comme nobles. Étonnamment, le type racial est indiqué « viande », alors que, en général, ce genre de produits est plutôt issu de vaches laitières ou mixtes. La dénomination « steak à griller » correspond à un étiquetage simplifié (autorisé en libre-service). Elle recouvre une dizaine de morceaux possibles : talon de tende de tranche, dessus de boule de macreuse, paleron avec nerf central, etc.
VIANDE BO VINE S TEAK À GRILLER* ial : Ca tégorie : vache.T ype rac . viande. Origine : France 8. 3.201 À consommer jusqu’au 1 7.0 Pri x : 18,90 ¤ /kg.
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Tende de tranche (boucher du supermarché) Le label Rouge garantit qu’il s’agit d’une race à viande, ici une blonde d’Aquitaine. Le cahier des charges précise que les animaux ont eu accès pendant au moins 6 mois au pâturage et qu’ils ont été nourris avec des fourrages pendant la saison hivernale. T EN DE DE T R ANCHE Après abattage, la viande reste sur la carcasse durant À BIF TE C K Blonde d’ Aqu 10 jours au minimum, ce qui améliore sa saveur et sa it aine. Label Rouge. tendreté. La tende de tranche à bifteck est un morceau P ri x : 18,90 ¤ / kg É ti q u e t a g e r el e v é .a noble issu de la partie interne de la cuisse de bœuf. u C ar r e f o u r d e Q u im p e r . Elle convient à une cuisson poêlée ou grillée.
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les kiwis, les poivrons et les agrumes. Les
fruits et les légumes orange (carottes, potiron, abricot, mangue…) sont riches en bêtacarotène, tandis que les huiles végétales (colza, olive, tournesol) ont une haute teneur en vitamine E. Une étude chinoise de 2016 a également démontré que les polyphénols présents dans les haricots verts avaient une action antioxydante pouvant protéger du cancer.
CARENCES CHEZ LES FEMMES, EXCÈS CHEZ LES HOMMES En janvier 2017, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) a donné de nouvelles directives nutritionnelles, recommandant une consommation de 500 g par semaine, soit 70 g par jour, de viande rouge cuite. Ces recommandations sont très généralistes au regard des besoins en fer, qui varient selon les individus et selon les sexes. Les hommes ont en effet des besoins en fer d’environ 9 mg/j, alors qu’une femme aux règles abondantes doit en absorber 16 mg/j (lire l’enca- dré ci-contre). En outre, en France, 25 % de la population consomme en excès viandes et charcuteries. Il s’agit majoritairement d’hommes. Leurs besoins en fer étant moins importants, ils sont moins concernés par le risque d’anémie. A contrario, ils s’exposent davantage aux dangers liés à une consommation excessive de fer.
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LE FER ET LES FEMMES, AFFAIRE DE COMPROMIS Pour les femmes, c’est une gageure de vouloir marier la quantité de fer nécessaire à leur corps et les recommandations nutritionnelles. Les besoins en fer des femmes sont de 9 mg par jour si elles sont ménopausées. En revanche, lorsqu’elles sont encore réglées, ils sont plus importants : de 11 mg/j (règles faibles à normales) à 16 mg/j (règles abondantes). En outre, le fer avalé n’est pas totalement métabolisé : le fer héminique (viandes, poissons) est absorbé à hauteur de 25 %, alors que le fer non héminique (œufs, produits laitiers, légumes secs…) ne l’est qu’à hauteur de 5 %.
SUPPLÉMENTATION EN FER UNIQUEMENT SUR AVIS MÉDICAL
LA QUADRATURE DU CERCLE Est-il possible alors, pour une femme aux règles abondantes, de consommer 16 mg de fer par jour sans dépasser les 70 g de viande rouge et les 2 000 calories recommandées ? Prenons un aliment riche en fer héminique, le steak haché. Un morceau de 100 g n’apporte que 1/6 des apports nécessaires (2,6 mg). L’objectif de 16 mg/j semble alors inatteignable. Dans son rapport sur les viandes rouges, l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) l’avait mentionné : « Pour les femmes dont les pertes menstruelles sont élevées s’ajoute l’impossibilité d’atteindre la référence nutritionnelle en fer. »
Lorsque l’on veut éviter une carence, notamment pour les femmes, la consommation d’aliments riches en fer ne suffit pas toujours. Du fer en comprimés est donc parfois administré. Est-il moins néfaste pour l’organisme que celui de la viande rouge ? « Cela reste du fer, donc les conséquences sont probablement les mêmes », analyse le Dr Marie-Christine Boutron-Ruault, directeur de recherche à l’Inserm. Une hypothèse confirmée par l’Iowa Women’s Health Study, une étude américaine qui a démontré qu’une supplémentation en fer systématique et non supervisée médicalement augmentait significativement la mortalité des femmes. Le fer est donc à manier avec la plus Q grande précaution. (Suite page 81)
LES SIGNES DU DÉFICIT Heureusement, le corps peut s’acclimater à de faibles apports en fer en augmentant sa capacité d’absorption. En revanche, si vous remarquez une fatigue inexpliquée, une accélération de votre rythme cardiaque ou une perte de cheveux, consultez votre médecin. Un faible taux d’hémoglobine avec des globules rouges de petite taille, un fer actif de la circulation sanguine (fer sérique) bas ou un dosage de fer stocké dans l’organisme (ferritine) en berne signent un déficit. « Une ferritine basse, sans baisse des globules rouges, n’est pas très inquiétante : les réserves se reforment en ajustant son alimentation. En revanche, si le taux d’hémoglobine est insuffisant, une supplémentation est nécessaire », précise le Dr Marie-Christine BoutronRuault, directeur de recherche à l’Inserm.
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LES CONSEILS DE «60» Faites bouillir ou mijoter vos viandes
Si vous êtes friand de produits carnés et si vous souhaitez limiter votre exposition au fer, faites bouillir ou mijoter vos viandes. Une étude conjointe de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) et du Centre d’information sur les impacts sociétaux de l’élevage et des viandes (CIV) a démontré que ces types de cuissons permettaient de faire chuter de 50 à 70 % le niveau de fer dans la viande. Durant la préparation, il est en partie détruit ou migre dans l’eau (c’est aussi le cas pour la vitamine B6). Pour le bœuf, les morceaux qui s’y prêtent le mieux sont le paleron, le plat de côtes, la macreuse ou le jumeau à pot-au-feu. En revanche, les cuissons au gril ou à la poêle ne dégradent que très peu le fer (10 % environ), tandis que les pertes sont intermédiaires pour les viandes rôties (25 %).
Associez toujours viandes rouges et légumes lors de vos repas.
Les antioxydants présents dans les légumes permettent de contrecarrer les molécules toxiques à l’origine du développement des cancers. Consommez-les au cours du même repas pour bénéficier de leur effet protecteur. Tous les légumes contiennent des antioxydants, qu’il s’agisse des polyphénols présents dans les légumes verts, du bêtacarotène, dans les carottes, ou de la lutéine, dans le maïs.
Après 50 ans, le risque augmente : soyez davantage vigilant.
Le fer peut réveiller les cellules “dormantes” précancéreuses. Plus on vieillit, plus on est susceptible d’en héberger. Chez les femmes, les besoins en fer diminuent presque de moitié après la ménopause. Autant d’éléments qui doivent vous inciter à évaluer, voire à réduire, votre consommation de viande rouge après 50 ans.
Neutralisez les composés toxiques des grillades et du barbecue. A I L O T O F
Pensez aux marinades et aux épices. En imprégnant la viande à cœur, certains ingrédients sont d’efficaces
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inhibiteurs de la formation des molécules nocives engendrées par les hautes températures. Des chercheurs de l’université de Porto (Portugal) ont fait griller sur un barbecue au charbon de bois des morceaux de porc qui avaient mariné pendant 4 heures dans de la bière brune. Cette préparation a permis de réduire de 68 % l’émission d’hydrocarbures nocifs. Des expériences similaires ont donné des résultats concluants sur la viande de bœuf grillée à la poêle. Et l’ajout d’herbes aromatiques ou d’épices (thym, romarin, sauge, ail, gingembre, piment, poivre rouge…) permet de décupler ces effets. Jusqu’à une température de 200 °C, dans certains cas, la totalité des substances nocives peut être neutralisée.
Pas plus de 500 g cuits par semaine.
Les autorités sanitaires recommandent de ne pas dépasser 500 g de viandes rouges par semaine, soit 70 g par jour. Mais attention : cette quantité correspond au poids de l’aliment cuit, et non cru. Pour vous aider à estimer votre consommation de viande cuite, voici quelques conversions.
PRODUIT Steak haché de bœuf Entrecôte 2 côtes d’agneau (sans os) 1 tranche de rôti de porc
CRU
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125 g cru = 100 g cuit 180 g crue = 140 g à point 130 g crues = 105 g cuites
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150 g crue = 120 g cuite
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CHARCUTERIES Haro sur les nitrites ! Puissants antibactériens et conservateurs, les nitrites se retrouvent de nombreux produits transformés à base de porc. Pointés du doigt par des études scientifiques, ils ont été inscrits dans la liste des « substances probablement cancérogènes ». Impossible d’échapper aux nitrates ou aux nitrites lorsque l’on consomme régulièrement de la charcuterie. Historiquement, le salpêtre, ou nitrate de potassium, était utilisé dans la poudre à canon et les cartouches des fusils. Son pouvoir conservateur a été découvert au e XVII siècle, quand les chasseurs se sont aperçus que la viande au contact des résidus de poudre périssait moins vite que les autres morceaux.
LA CHARCUTERIE A ÉTÉ INVENTÉE POUR CONSERVER LA VIANDE Son utilisation s’est généralisée avec l’industrialisation de la charcuterie, à la fin du XIXe siècle. Mélangé à de l’eau salée, le nitrate de potassium était alors directement incorporé par massage de la viande ou par injection. Pendant
des siècles, seuls le salage (ajout de sel) et le fumage (exposition à la fumée de bois) ont permis de se passer du froid pour la conservation des aliments. La charcuterie a ainsi été inventée dès l’Antiquité, afin de pouvoir consommer la viande (surtout celle de porc) plus longtemps. Son processus de fabrication nécessite un temps de maturation durant lequel le produit carné est mis au repos et vieillit, un peu comme du vin. Or, le nitrate de potassium accélère ce processus. Au contact des bactéries présentes dans la viande, la molécule de nitrate se transforme lentement en nitrite. Les chimistes, après avoir découvert ce phénomène, ont mis au point, dans leurs laboratoires, des nitrites “prêts à l’emploi”. Alors que le nitrate existe à l’état naturel (sur les murs des maisons humides, par exemple),
T rop, ’ s t t rop ! c e BOURRÉ DE COCHONNER IES Croc’sec nature Cochonou Bien sûr, les charcuteries ne sont pas les produits les plus équilibrés du monde. Mais, avec 45 g de gras (dont 18 g de graisses saturées), 4,8 g de sel et 3,2 g de sucres pour 100 g de produit, les Croq’sec nature Cochonou battent des records. Sans surprise, l’industriel a traité son produit avec du nitrite de sodium (E250). L’enveloppe est un boyau artificiel, reconstitué avec du collagène.
INGRÉDIEN TS e UE, Viande de porc origin se, tro x de sel, lac tose, épices e t plan tes teur : ni tri te aroma tiques ; conser va En veloppe : ts. n de sodium, ferme collagène.
Du coup, on peut s’interroger sur l’origine du fleurage blanc, qui ne peut a priori être naturelle.
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le nitrite est un produit de synthèse. En France, la loi autorise les charcutiers à utiliser ce sel nitrité depuis 1964. Ainsi, un consommateur peut de nos jours acheter indistinctement de la viande conservée soit par du nitrate de potassium, soit directement par du nitrite de potassium ou de sodium. Si la présence de ces conservateurs est indiquée sur l’étiquette, la quantité utilisée ne l’est pas. L’Union européenne a fixé le maximum autorisé à 150 mg de nitrite par kilogramme de viande. Les industriels et les artisans charcutiers français se sont pour leur part engagés à ne pas dépasser 120 mg/kg.
UN RISQUE DE CANCER JUSQU’À 11 FOIS PLUS ÉLEVÉ En 2015, les nitrates et les nitrites ont été classés dans la liste des « substances probablement cancérogènes » établie par le Centre international de recherche sur le cancer (CIRC), agence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Ce « groupe 2A » de substances, dans lequel on trouve aussi le glyphosate, la molécule herbicide controversée, constitue le dernier palier avant le « groupe 1 » des cancérogènes avérés. Selon le CIRC, « chaque portion de 50 g de viande trans- formée consommée tous les jours augmente de 18 % le risque de cancer colorectal. »
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La viande de porc (qui est classée parmi les viandes rouges) favorise le développement de cellules cancéreuses en raison de sa teneur en fer héminique (lire page 76). Sa transformation en charcuterie la rend de 2 à 11 fois plus cancérogène, ce rapport variant selon les études scientifiques. « L’augmentation du niveau de risque est vraisemblablement imputable à l’utilisation de nitrates et de nitrites. Les travaux menés à l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) ont montré que l’interaction entre nitrites et fer héminique est déterminante pour expliquer la hausse du risque de cancer du côlon » , explique Fabrice
Pierre, directeur de recherche à l’Inra. 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
DES RÉACTIONS CHIMIQUES ALÉATOIRES, MAIS DANGEREUSES La classification du CIRC le précise : ces substances ne seraient cancérogènes que dans des conditions favorables à la création de composés dits “néoformés” – “néo” pour “nouveaux“ et “formés” pour “fabriqués“ –, libérés quand certaines molécules se rencontrent. Concernant la charcuterie, ce sont les molécules de nitrites qui sont incriminées. Mais, puisque les nitrates se convertissent en nitrites dans les produits carnés, ils sont également en cause. Lorsque les nitrites interagissent avec des amines, ils font naître des composés néoformés appelés nitrosamines, hautement cancérogènes. Éléments rattachés aux protéines, les amines ne se trouvent heureusement pas systématiquement dans la viande. Elles ne se forment que si celle-ci n’est pas de première fraîcheur ou si elle est stockée dans de mauvaises conditions avant le traitement charcutier. Mais quand cette réaction chimique se produit, elle est délétère. Le fer nitrosylé est un autre composé néoformé associé au développement de cellules précancéreuses dans le côlon. Il découle de l’interaction entre les nitrites et le fer héminique. Cette combinaison est par ailleurs à l’origine de la couleur rose du jambon. Sans cet additif, il serait gris. L’usage de ces conservateurs a été souvent associé au risque de cancer, mais il peut aggraver d’autres pathologies, comme l’asthme. Une étude récente de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm), menée par le Dr Zhen Li auprès de 1 000 participants
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pendant 7 ans, a mis en évidence une corrélation entre une forte consommation de charcuterie (au moins 4 fois par semaine) et l’aggravation des symptômes de l’asthme au fil des ans.
NITRATES D’ORIGINE VÉGÉTALE : LA FAUSSE BONNE IDÉE ? Hormis les rillettes et certains pâtés de campagne, la conservation des charcuteries repose sur l’utilisation de nitrates ou de nitrites. La lecture des étiquettes le confirme : ils sont partout ! Les mentions peuvent cependant prêter à confusion (voir encadré ci-dessous). Ainsi, les jambons cuits commercialisés avec les mentions « sans nitrite ajouté » ou « sans additif » ont tout de même recours aux nitrites, mais d’une ma-
nière détournée. La recette intègre en fait des jus concentrés de légumes naturellement riches en nitrates (céleri, carotte, etc.). Associés à des ferments lactiques, ces nitrates se transforment rapidement en nitrites. La Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) impose aux fabricants d’indiquer la présence de ces nitrites d’origine naturelle. Inutile de préciser que cette mention obligatoire apparaît souvent en petits caractères, au dos ou en bas de l’emballage. Et pourtant, il n’existe à l’heure actuelle aucune étude scientifique qui, concernant les composés néoformés, prouverait que ces molécules naturelles puissent se comporter différemment de celles de synthèse.
QUELLES DIFFÉRENCES ENTRE CES JAMBONS ? Le Bon Paris à l’étouffée qualité supérieure Herta Le macaron « Qualité supérieure » et le symbole tricolore attirent l’œil. Mais les autres jambons Le Bon Paris que nous avons examinés sont aussi des jambons supérieurs (sans phosphates ni gélifiants) fabriqués en France (à partir de porcs français ou espagnols). INGRÉDIEN TS Jambon frais de porc, bouillon (eau, couennes rc, po de porc, oignons, os de u clo , ail l, caro t tes, sel, persi r), sel, de giro fle, poi vre, laurie na turels ; s me arô ïs, de x trose de ma sodium ; de te tri ni conser va teur : a te de an tio x ydan t : isoascorb sodium.
Sans surprise, Herta ne met pas en avant la présence de nitrite de sodium. Pour le savoir, il faut scruter la composition. Le produit contient 1,8 g de sel pour 100 g (dans la moyenne). Des 3 jambons étudiés, c’est le moins cher (14,70 €/kg).
Le Bon Paris à l’étouffée sans nitrite Herta Le « SANS NITRITE », en grosses capitales, est l’argument de vente de ce jambon. Pour sa conservation, Herta affirme avoir utilisé un ingrédient végétal. Lequel ? Mystère… Il se cache probablement dans l’arôme naturel de la composition. Toujours est-il que l’absence de nitrite entraîne un prix bien plus élevé (60 % de plus que celui du Bon Paris classique) et rend le produit plus sensible. Il doit être consommé « 24 heures après ouverture » (au lieu de 2 jours). On regrette que cela soit mentionné en si petits caractères. La teneur en sel, de 1,9 g pour 100 g, est légèrement supérieure à la moyenne de la catégorie.
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INGRÉDIEN TS Jambon frais de porc, de bouillon (eau, couennes rc, po de os ns, porc, oigno sel, persil, ail, clou de , tes t o car sel, sucre, giro fle, po ivre, laurier), arôme na turel.
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LES CONSOMMATEURS VEULENT DU ROSE
Bon à savoir
TROUVE-T-ON DES NITRITES DANS LA CHARCUTERIE FRAÎCHE ?
Si les nitrites peuvent être néfastes pour notre santé, pourquoi les industriels continuent-ils à les utiliser aussi largement ? D’abord, parce qu’ils sont très efficaces pour combattre les bactéries pathogènes. Certaines sont extrêmement dangereuses, comme Clostridium botulinum, à l’origine du botulisme, une maladie potentiellement mortelle qui attaque le système nerveux. Les nitrites permettent de les éliminer à 100 %. Ils limitent également le développement des salmonelles et listérias, deux bactéries incriminées dans de nombreuses intoxications alimentaires
(voir page 98). Même dans la filière biologique, ces conservateurs demeurent autorisés principalement pour cette raison. De nombreux consommateurs sont encore très attachés à la couleur rose du cochon cuit. Il y a 5 ans, l’enseigne Biocoop avait commercialisé un rôti de porc “sans nitrite” élaboré par la charcuterie Société Bio Valeur (SBV). Un produit qui n’a pas connu le succès escompté à cause de sa couleur grise. Il a finalement été retiré de la vente au bout de quelques mois. Enfin, les nitrates et les nitrites permettent de conserver plus longtemps les produits, qui sont consommables pendant des semaines, voire des mois pour les charcuteries sèches, après leur mise en rayon. Ces denrées constituent la source de protéines de familles ou de jeunes actifs qui recherchent un produit économique et facile à manger sur le pouce. Des études ont par ailleurs montré que les plus gros consommateurs de charcuteries appartenaient aux classes les moins favorisées socialement.
INGRÉDIEN TS Jambon de porc, sel, rc, bouillon (eau, os de po s), ice ép rc, po viande de concen trés de x trose de ma ïs, jus ne, ble t te de céleri, be t tera ve jau x ydan t : tio an ts, n me e t caro t te, fer m. diu so ascorba te de
Le Supérieur sans sel nitrité Fleury Michon
25 GRAMMES DE CHARCUTERIE PAR JOUR, PAS PLUS !
Fleury Michon claironne que son jambon est « sans sel
Depuis que l’OMS a déclaré la charcuterie « cancérogène probable pour l’homme », des ajustements ont été faits dans les recommandations nutritionnelles de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses). Désormais, il est conseillé de ne pas manger plus de 25 g de produits charcutiers par jour. Un seuil qui est vite atteint, puisqu’il correspond soit à 1 tranche de jambon, soit à 4 tranches de saucisson, soit au tiers d’une barquette individuelle de lardons. « Une habitude toute simple permet
nitrité ». Mais une mention précise : « Sans nitrite (E250) ajouté, cependant contient des nitrites d’origine végétale. » Ils viennent des jus concentrés de légumes riches en nitrites. L’industriel joue un peu sur les mots, car aucune étude ne permet de dire que les nitrites » 0 6 «
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Souvent emballées sous vide ou conditionnées sous atmosphère protectrice, les saucisses et chipolatas fraîches ne contiennent généralement pas de nitrites. Elles doivent être cuites à cœur et consommées rapidement après ouverture. Les dates limites de consommation sont beaucoup plus contraignantes (moins de 1 semaine) que celles des autres produits de charcuterie.
d’origine végétale sont moins nocifs que ceux de synthèse. Le « sans conservateur ajouté » se paie au prix fort : plus de 20 €/kg (4 tranches), 38 % de plus que pour Le Bon Paris à l’étouffée qualité supérieure.
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de limiter la formation de composés néoformés lors de la digestion : associer systématiquement la consommation de charcuteries à celle de légumes, riches en antioxydants », conseille Fabrice Pierre, de l’Inra. Les travaux du Pr Sidney Mirvish, dans les années 1960, ont démontré qu’ajouter de la vitamine C aux charcuteries nitrées réduisait le risque de développer des nitrosamines dans l’estomac. En 1995, les industriels français ont obtenu l’autorisation d’enrichir leurs produits charcutiers dans les rayons frais avec de la vitamine C. Depuis, les épidémiologistes ont pu constater une baisse significative des cancers de l’estomac liés à leurs habitudes de consommation. De nombreux experts, dont Fabrice Pierre, pensent qu’il est illusoire d’espérer se passer totalement de nitrates ou de nitrites dans la charcuterie. Travailler sur la diminution des quantités utilisées semble, dans un premier temps, un objectif plus réaliste. Ce compromis ne satisfait pas Guillaume Coudray, auteur du livre Cochonneries. Comment la charcuterie est devenue un poison (éd. La Découverte, 2017). Il milite, aux côtés de la députée européenne Michèle Rivasi, pour l’interdiction immédiate des charcuteries nitrées dans les cantines scolaires françaises, avant une interdiction totale au niveau européen. « Il est tout à fait possible de produire, à grande échelle, de la charcuterie sans
Repères
ATTENTION AUX PRODUITS FUMÉS ! Q Les lardons, les jambons
crus ou cuits et les saucissons fumés sont à éviter ou à limiter si l’on souhaite réduire son exposition aux composés néoformés cancérogènes. Cette technique de conservation et d’aromatisation, qui consiste à mettre la viande en contact avec des fumées de bois comme le hêtre, en produit plusieurs, et en quantité importante. Q Les nitrosamines apparaissent quand l’oxyde d’azote de l’air de séchage réagit avec les protéines de viande, tandis que les amines aromatiques hétérocycliques (AAH) et les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) sont engendrés par les hautes températures.
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nitrates ni nitrites. Les quelque 150 salaison- niers qui produisent le jambon de Parme le font depuis 1993, tout en respectant des conditions d’hygiène très strictes, et sans un seul cas de botulisme à déplorer », avance-t-il. Cela implique de laisser le jambon, conservé uniquement avec du sel, sécher plus longtemps. De cette étape dépend la qualité gustative du produit fini. Dans la région de Parme, où 9 millions de jambons sont produits par an, la durée minimale de séchage et d’affinage est de 12 mois, comme spécifié dans la charte du label appellation d’origine protégée (AOP). Le cahier des charges de la spécialité traditionnelle garantie (STG) affecté aux jambons serranos espagnols, traités soit avec du nitrate de potassium, soit avec du nitrite de sodium, impose un temps de maturation minimal de 7 mois, tout comme la charte de l’indication géographique protégée (IGP) du jambon de Bayonne, qui autorise l’utilisation de nitrate de potassium associé à du sel. Certains salaisonniers basques font néanmoins le choix de laisser vieillir leur jambon plus longtemps.
DES PRODUITS “SANS NITRITE” ARRIVENT DANS LES RAYONS Et pour le jambon cuit ? Est-ce possible de ne pas recourir aux composés nitrités ? « C’est plus difficile, mais réalisable. Toutefois, cela a un impact négatif sur la date limite de consomma- tion », explique Perrine Champain, responsable du site de la charcuterie SBV à Louvigné-duDésert (Ille-et-Vilaine). Après la tentative ratée du rôti de porc sans nitrite en 2012, l’entreprise a décidé de “retenter sa chance”. Depuis septembre 2017, elle commercialise un jambon blanc sans sel nitrité ni nitrites d’origine végétale, disponible dans les magasins Biocoop sous la marque Ensemble. Les conservateurs utilisés sont le sel de Guérande (1,9 g pour 100 g, soit un dosage comparable à celui d’un jambon supérieur classique) et un mélange “secret” de plantes aromatiques. Conditionné sous atmosphère modifiée,
ce jambon peut se conserver 21 jours après sa sortie de l’usine, soit 9 jours de moins qu’un jambon emballé de manière dite “standard”. Après ouverture, il doit être mangé dans les 24 heures. C’est le cas du Bon Paris à l’étouffée 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
“sans nitrite” d’Herta (voir encadré page 84). Ces délais de consommation courts indiquent que ces références sans nitrites sont plus sensibles à une contamination bactérienne. Soyez vigilant à ce sujet si vous achetez régulièrement cette catégorie de produits. Malgré son prix moyen environ 3 fois supérieur à celui d’un jambon nitrité (autour de 6 € pour 4 tranches de 45 g) et une couleur grise, le jambon sans nitrite Ensemble de Biocoop est un succès. « Nous sommes agréablement surpris par cet engouement. Certains magasins sont même en rupture de stock », constate Perrine Champain. Ce produit se paie néanmoins au prix fort. Les grandes marques se sont elles aussi positionnées sur ce créneau du “sans nitrite”, avec des prix plus accessibles : Herta, Fleury Michon, puis Monique Ranou (Intermarché).
LES CONSEILS DE «60»
LE SECRET (TRÈS) BIEN GARDÉ DE LA MARQUE HERTA « La formule, tenue secrète, contient un ingrédient d’origine végétale proche du ni- trite. Nous avons travaillé sur cette recette pendant 5 ans, dont 3 passés à réaliser des tests en laboratoire avec différentes bactéries pathogènes », explique Yves Bonneville, directeur recherche et développement de Herta. Les conditions d’hygiène ont été renforcées et un investissement de 22 millions d’euros a été débloqué pour moderniser la ligne de cuisson de l’usine de Saint-Pol-sur-Ternoise (Pasde-Calais). La durée de conservation (26 jours après sortie de l’usine) est quasi identique à celle des jambons nitrités (30 jours). « Un an après le début de sa commercialisation, cette gamme sans nitrite représente déjà 10 % de nos ventes de jambons. Nous allons prochainement lancer des filets de poulet et des lardons sans nitrite », annonce Yves Bonneville. Néanmoins, la couleur de ce produit intrigue. Comment le jambon a-t-il pu prendre cette teinte rosée sans que la réaction chimique entre nitrite et fer héminique ait lieu ? « La coloration se produit pendant la cuisson, sans que l’on puisse l’expliquer », affirme benoîtement le directeur recherche et développement d’Herta. Une justification pour le moins étonnante au regard des 5 années d’études en laboratoire de la recette. Nous prendrait-on (encore) pour des jambons ? Q 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
Restez raisonnable ! Si vous êtes friand de charcuteries, consommez-les de manière occasionnelle, en vous limitant à 70 g par semaine ou à 25 g par jour.
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Consommez au cours du même repas charcuterie et légumes, pour limiter les effets toxiques pendant la digestion.
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Les jambons italiens de Parme ou de San Daniele du Frioul et les spécialités corses (saucisson, lonzu) se conservent uniquement grâce au sel. Même s’ils ne contiennent pas de nitrites, ils sont à apprécier avec modération, car ils affichent, comme toutes les charcuteries sèches, des teneurs en sel très élevées (autour de 5 g de sel pour 100 g de jambon de Parme ou de San Daniele).
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Les rillettes et certains pâtés de campagne sont les rares produits de charcuterie à ne contenir ni nitrites ni nitrates. Leurs teneurs en sel restent raisonnables : 1,3 g pour 100 g de rillettes du Mans, et 1,9 g en moyenne pour 100 g de terrine de campagne. K C O T S I
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POISSONS Peut-on se fier aux produits de la mer ? Réputés bons pour la santé, les poissons et les coquillages sont pourtant la cible de nombreux contaminants aux effets préoccupants. Pour s’en préserver, quelques précautions s’imposent quant au choix des espèces et à leur préparation. Riches en vitamines, en minéraux et en oligoéléments, pauvres en calories… Les coquillages et les mollusques ont tout pour séduire les consommateurs soucieux de leur équilibre alimentaire. Quant aux poissons, bourrés d’oméga 3, ils assurent une protection naturelle contre les maladies cardio-vasculaires. Les produits de la mer auraient-ils tout bon ? De fait, les diététiciens et les autorités de santé s’accordent sur l’importance de leur présence dans un régime équilibré. Et pourtant, depuis quelques années, la méfiance s’est installée : en 2013, l’Agence
nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) a même tiré la sonnette d’alarme, recommandant de se limiter à 2 repas de poisson par semaine.
DES COQUILLAGES MALADES DE LEUR ENVIRONNEMENT C’est que les animaux marins sont le reflet du milieu dans lequel ils vivent, en proie à de multiples pollutions. C’est particulièrement le cas des moules, des huîtres, des coques et des palourdes, des bivalves filtreurs qui se
T rop, ’ s t t rop ! c e ;=:<7=< ,- 4¼)51,76 Petites Croquettes Croustibat Findus Ces croquettes sont à base de « chair hachée », terme qui désigne en général des chutes de poisson (peau, viscères et sang) récupérées et broyées. La proportion de cette « chair » (34 %) INGR ÉD IE NT S C hair hachée de à la purée (23,5 %). Le produit contient 12 g de matières grasses d’ Alask a 34 % colin , f ar ine de blé pour 100 g, soit 17 % des apports quotidiens recommandés 24,8 %, pur ée de t er re 23,5 % (eau de pomme , flocons pour un adulte , et bien plus pour un jeune enfant ! Le fabricant pomme de t e r re ), huiles v é de gét ales (colz a 9,4 %, co se vante de ne pas utiliser d’huile de palme, or Croustibat lev ur e, amidon pr ah 0,4 %), eau, sel, de blé, épic contient du coprah, lui aussi riche en acides gras saturés. Pour nat ur el, ex tr a it s d’ épices. es, ar ôme relever le tout, le produit est trop salé…
est insuffisante, ce qui laisse la part belle à la farine (24,8 %) et
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nourrissent en retenant des particules en suspension dans l’eau, parmi lesquelles se glissent des bactéries, des parasites, des virus, et aussi des phytoplanctons toxiques, voire des polluants chimiques. Ainsi, en 2016, les produits de la mer étaient responsables de 15 % des toxi-infections alimentaires collectives signalées aux agences régionales de santé, ce qui reste relativement modeste… Mais les coquillages, à eux seuls, étaient à l’origine d’un tiers des infections alimentaires par virus ! Le risque d’infection le plus courant provient des norovirus, qui provoquent des gastro-entérites. Ces norovirus peuvent rester 2 mois dans une huître sans se multiplier, ce qui les rend indétectables à l’œil nu.
LES PERSONNES SENSIBLES PARTICULIÈREMENT MENACÉES
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D’autres virus des gastro-entérites, comme les rotavirus, d’une gravité modérée pour les personnes bien portantes, sont plus dangereux pour les malades ou les personnes âgées, sensibles à la déshydratation. Enfin, les coquillages peuvent être porteurs de virus plus agressifs, comme celui de l’hépatite A, qui attaque le foie, même si aucune épidémie n’a été observée en France pendant ces 10 dernières années. Il est difficile pour les amateurs de fruits de mer d’éviter ce fléau. D’origine humaine, ces virus se répandent en période d’épidémie de gastro60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
entérite via les rejets fécaux dans l’environnement. On les trouvera donc davantage en hiver – qui se trouve être la période de plus grande consommation d’huîtres –, surtout lors d’années pluvieuses, quand les stations d’épuration peuvent déborder. Seule solution pour les éliminer : bien cuire les coquillages avant consommation.
UN RÉSEAU DE SURVEILLANCE MIS EN PLACE PAR L’ÉTAT Pour limiter le risque, la contamination d’origine fécale des zones de production est étroitement surveillée par le Réseau de contrôle microbiologique (Remi) de l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer), qui contrôle environ 400 points de suivi sur les côtes françaises et permet leur classement par les services de l’État en 3 catégories : A, les coquillages sont propres à la consommation ; B, ils doivent être purifiés en trempant dans des bassins ; C, ils sont interdits à la vente. Cela assure, par exemple, que les produits mis sur le marché ne seront pas contaminés par des salmonelles. D’autres services de l’Ifremer, les réseaux de surveillance du phytoplancton et des phyco-
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DU POISSON… À QUEL RYTHME ? TYPE DE POISSONS
PRINCIPALES ESPÈCES
RECOMMANDATIONS
Hareng, maquereau, sardine, • 1 fois par semaine. saumon, truite fumée. POISSONS D’EAU Anguille, barbeau, brème, carpe, • 2 fois par mois. silure. • À éviter pour les femmes en âge DOUCE FORTEMENT BIOACCUMULATEURS de procréer, enceintes ou allaitantes, et pour les enfants de moins de 3 ans, les fillettes et les adolescentes. Anguille, bonite, brochet, • À limiter à 150 g par semaine POISSONS PRÉDATEURS civelle, dorade, empereur, pour les femmes enceintes ou allaitantes. SAUVAGES (QUI CONCENTRENT LE MERCURE) esturgeon, flétan de l’Atlantique, • À limiter à 60 g par semaine grenadier, lotte, loup de pour les enfants âgés de moins de 30 mois. l’Atlantique, raie, sabre, thon. • 1 fois par semaine pour les autres personnes. POISSONS QUI RENFERMENT Espadon, lamproie, marlin, • À éviter par les personnes mentionnées requin, siki. ci-dessus. LE PLUS DE MERCURE POISSONS GRAS
Source : Anses.
toxines (Rephy et Rephytox), se chargent de contrôler la présence des microalgues toxiques et des toxines dans les coquillages de nos littoraux. Leurs données sont publiées sur Internet (Envlit.ifremer.fr/resultats/syntheses_et_outils) et transmises à l’Administration, qui se charge d’interdire la pêche en cas de dépassement des seuils réglementaires. Car certaines de ces microalgues ont des effets dévastateurs – et la cuisson n’a aucun effet sur elles. Elles se répar-
Repères
ATTENTION AU POISSON CRU Q L’étude Inca 3, publiée en juillet 2017 par l’Agence
nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses), a montré que les Français étaient de plus en plus friands de poisson cru : ils sont 2 fois plus nombreux (31 %) à en consommer que lors de l’étude précédente, parue en 2007. Q Or, le poisson cru peut transmettre des parasites de la famille des Anisakis, qui occasionnent des nausées, vomissements et douleurs abdominales. Il faut donc être particulièrement attentif à la fraîcheur du poisson et respecter scrupuleusement la chaîne du froid. L’idéal est même de le congeler pendant 7 jours, puis de bien veiller aux conditions de décongélation (le recouvrir d’un film alimentaire, dans un réfrigérateur propre).
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tissent en 3 familles, qui prolifèrent le plus souvent l’été, avec l’augmentation de la température des eaux. Les plus courantes, les Dinophysis, présentes sur l’ensemble du littoral, notamment en Bretagne, provoquent de simples gastroentérites. Mais les Alexandrium produisent des neurotoxines paralysantes et peuvent se révéler mortelles pour le consommateur. Il en existe deux espèces, l’une vivant du côté des côtes bretonnes, l’autre dans l’étang de Thau (Hérault). Enfin, les microalgues Pseudo-nitzschia peuvent entraîner des troubles neurologiques, dont une amnésie irréversible. Elles sont surtout présentes au large de la Normandie et de la Bretagne Sud, où elles affectent les coquilles Saint-Jacques.
LES PLASTIQUES SE RETROUVENT DANS L’ASSIETTE Outre ces risques “immédiats” – la maladie se déclenche juste après l’ingestion, ou dans les 2 jours pour les norovirus –, il faut compter avec des effets plus insidieux, comme l’accumulation de contaminants tels que les microplastiques dans l’organisme des consommateurs réguliers. Une pollution de plus en plus préoccupante,
puisque environ 8 millions de tonnes de plastiques sont chaque année rejetées dans l’océan, parmi lesquels 1 % de microplastiques (de moins de 5 mm). Selon une étude menée à l’université de Gand (Belgique), les consommateurs de fruits de mer, en particulier d’huîtres et de moules, 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
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peuvent ainsi ingérer jusqu’à 11 000 fragments de plastique par an. Si 99 % d’entre eux sont éliminés, le reste passe dans le sang et s’accumule dans le corps. L’effet à long terme est encore mal connu, mais on craint des dommages sur le système hormonal.
LES REJETS DE L’INDUSTRIE CONCENTRÉS DANS LES EAUX En outre, ces plastiques peuvent servir de support à d’autres polluants organiques persistants (POP), dont ils accroissent la concentration non seulement dans les coquillages, mais aussi dans les poissons qui les absorbent. Parmi ces POP figurent des hydrocarbures rejetés dans l’eau de mer, notamment lors des dégazages, dont l’ingestion répétée à long terme est potentiel-
lement cancérigène, et aussi les polychlorobiphényles (PCB), des isolants électriques utilisés dans l’industrie, cancérigènes probables et perturbateurs endocriniens, interdits en France depuis 1987, mais encore présents dans de nombreuses rivières. L’activité industrielle présente ou passée est en effet l’un des facteurs principaux de contamination des poissons et des coquillages : les produits toxiques imprègnent les sols, puis ils s’écoulent dans les rivières proches et finissent par rejoindre la mer. C’est pourquoi l’embouchure des grands fleuves peut présenter des teneurs préoccupantes en PCB ou métaux lourds, les bassins français le plus concernés étant Rhône-Méditerranée et Seine-Normandie. Dans la baie de Seine, par exemple, il arrive
QUELLES DIFFÉRENCES ENTRE CES PRODUITS APÉRITIFS ? Tarama aux œufs de cabillaud Auchan Dans ce produit ultratransformé, les œufs de poisson sont réduits à la portion congrue (25 %). L’huile de colza se taille la part du lion, à tel point qu’elle apparaît en 1re position. La lecture des informations nutritionnelles nous apprend que ce tarama contient 51 g de graisses pour 100 g de produit… Un pot représente INGRÉDIEN TS Huile de colza, œu fs de on) cabillaud fumés* (poiss far ( ine 25 %, eau, chapelure sel – sel), , de blé – con tien t glu ten tron*, sucre, concen tré de jus de ci nser va teur : coloran t : carmins, co Produ its benzoa te de sodium. * ongeler. décongelés, ne pas rec
donc à lui seul 73 % de l’apport de référence journalier en matières grasses (70 g pour un régime à 2 000 kcal/j). Une proportion énorme pour un produit destiné à l’apéritif, consommé souvent sur un support déjà riche en graisses, de type blinis. Par ailleurs, on note la présence dans la recette de sucre, d’une quantité importante de sel (1,3 g/100 g), de colorant et de benzoate de sodium.
Rillettes au crabe Petit Navire Le produit annonce plus de poisson que de crabe : « 39 % de poisson blanc, 20 % de crabe (chair de crabe et concentré de crabe reconstitué). » La mention « poisson blanc » permet de changer d’espèces en fonction des prix sans avoir à s’engager sur une origine. « Chair de crabe » désigne potentiellement des chutes de crabes, une fois les parties nobles ôtées. Enfin, la mention « concentré de crabe reconstitué », trop floue, pourrait faire référence à de la poudre de crabe déshydraté qui, une fois humidifiée, aromatise l’ensemble de la préparation. Des rillettes aux ingrédients bien trop vagues.
INGR É DIE N T S P oisson blanc (3 (20,5 %) (chai 9 %), cr abe r de cr abe, concent ré de cr abe r econst it ué), eau, huile de colz a, oignons, cr èm e (dont cr ust acé en poudr e, ar ômes ), ns de t apioca, se amidon t ra l, blanc d’ œuf e f or mé poudr e, pr ot é n in de pomme de es de lait , fibr es t er re car ra ghénanes et , épaississant s : f ar ine de gr ain de car oube, su es cr e.
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que la pêche soit ponctuellement interdite par arrêté préfectoral. Au niveau européen, la mer Baltique, aux abords très urbanisés, est particulièrement polluée du fait de la stagnation de ses eaux. Dans un rapport de 2012, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) a ainsi estimé que ses harengs, saumons et truites étaient plus contaminés par les PCB que ceux des autres régions.
LES MÉTAUX LOURDS POLLUENT EN SURFACE ET EN PROFONDEUR Les métaux lourds rejetés par l’industrie (exploitation minière, métallurgie…) constituent en effet une autre pollution préoccupante qui touche les coquillages comme les poissons. En particulier, le méthylmercure peut, à haute dose, avoir un effet toxique sur les systèmes nerveux, digestif et immunitaire, ainsi que sur les poumons et les reins. Une étude menée entre 2006 et 2011 dans l’Atlantique Nord, l’une des principales zones de pêche pour le marché français, a montré des teneurs anormalement élevées, non seulement
Repères
DES PRODUITS PRÉPARÉS PAS TRÈS NETS Q Surimi, bâtonnets, soupes,
rillettes… Le marché des produits préparés à base de poisson est en pleine expansion. Mais que contiennent-ils réellement ? Une enquête menée en 2016 par l’association Consommation, logement et cadre de vie (CLCV) a montré que la matière première mise en avant sur l’étiquette représentait parfois à peine 15 % du total ! Q Les plus mauvais élèves sont les plats cuisinés, qui contiennent en moyenne 25 % de poisson. Puis viennent les soupes (29 %), les surimis (35 %), les poissons panés (56,6 %), les rillettes (58,4 %) et enfin les hachés (73,8 %). Q Qui dit faible quantité de poisson dit autres produits, par exemple de la purée ou du fromage dans les panés, qui n’ont pas les mêmes qualités nutritionnelles. À la clé, des plats trop gras et trop salés. Vérifiez l’étiquette : elle doit mentionner l’espèce du poisson, sa quantité, et préciser si le produit a été préparé avec du filet ou de la pulpe (restes broyés). Et une longue liste d’additifs est mauvais signe…
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dans les eaux de surface, mais aussi dans les eaux profondes. « Depuis la révolution industrielle, le développe- ment exponentiel des activités humaines a fait tripler la concentration en mercure dans les eaux de surface des océans », précisent les chercheurs. D’autres métaux lourds se retrouvent dans les mers et les océans, comme le plomb et le cadmium. Bien qu’inférieures aux seuils, des teneurs importantes en plomb, perturbateur endocrinien, ont été observées dernièrement dans la rade de Brest ou du côté de Toulon, et de fortes teneurs en cadmium, toxique pour les reins, ont été enregistrées dans la Gironde.
LES AUTORITÉS DE SANTÉ APPELLENT À LA PRUDENCE Tous les animaux marins ne sont pas égaux face à ces substances, qui présentent la particularité de s’accumuler dans les poissons gras et les espèces prédatrices. C’est pourquoi l’Anses recommande d’en limiter la consommation, notamment pour les personnes fragiles (voir encadré page 90). Ils sont par exemple fortement déconseillés aux femmes enceintes, car le méthylmercure menace le développement de l’enfant à naître. Cette recommandation a été renouvelée en décembre 2017 par l’agence Santé publique France, qui s’est alarmée des niveaux d’imprégnation des femmes enceintes françaises par le mercure et l’arsenic, supérieurs à ceux d’autres pays. L’organisme attribue ces résultats à des « différences de comportement (consommation de produits de la mer) ». Du côté des coquillages, la probabilité d’accumuler des polluants chimiques dépend de plusieurs facteurs. Tout d’abord, du taux de filtration, qui varie en fonction de l’espèce (il est plus important pour les huîtres que pour les moules, par exemple), de l’âge (les individus jeunes filtrent davantage que les plus vieux), de la maturité sexuelle (le taux de filtration est maximal à la fin de l’hiver et au début du printemps). L’environnement de l’animal joue aussi : les fouisseurs (coques, palourdes), qui vivent dans les fonds marins riches en sédiments, accumulent davantage de particules que ceux qui vivent sur des rochers. (Suite page 94)
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L’HUÎTRE TRIPLOÏDE INQUIÈTE Certaines créations de laboratoire deviennent peu à peu majoritaires sur le marché français. Mais l’on dispose d’encore bien peu de recul quant à d’éventuels effets sur la santé humaine et à leur impact sur l’environnement. Apparues dans nos assiettes au début des années 2000, les huîtres triploïdes représenteraient aujourd’hui environ 50 % des ventes en France. En apparence parfaitement semblables aux coquillages “naturels”, ces organismes vivants modifiés comptent en réalité 3 jeux de chromosomes au lieu de 2, ce qui les rend stériles. Ainsi, elles ne sont pas “laiteuses” en été, et les ostréiculteurs peuvent les vendre toute l’année, sous l’appellation « huître des 4 saisons ».
UNE MANIPULATION GÉNÉTIQUE SANS RISQUES POUR L’HOMME ? L’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation (Anses) estime que cette manipulation ne présente pas de risques, arguant que la polyploïdie existe déjà chez des plantes telles que le blé… dont le potentiel allergisant est toujours en cours d’évaluation au niveau européen. Et les détracteurs de l’huître triploïde pointent le manque de recul sur ses effets à long terme et d’études sur la question. Une inquiétude d’autant plus vive que de nouvelles espèces font l’objet de recherches génétiques : les scientifiques tentent d’améliorer le taux de croissance, la résistance aux maladies ou la proportion de chair de nombreux poissons et coquillages d’élevage. Des expériences de poissons transgéniques, pour une croissance plus rapide, sont en cours, notamment chez les truites et les saumons. Et, bien que ces animaux modifiés ne soient pas encore sur le marché, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) s’est déjà attelée à l’élaboration d’un document relatif à l’évaluation des risques environnementaux qu’ils présentent.
cours d’élevage artificiel auraient du mal à affronter un milieu naturel une fois déposées dans les parcs en mer. Or, il devient de plus en plus difficile d’élever des huîtres loin des écloseries converties aux triploïdes. Le brevet américain, dont l’Institut français de recherche pour l’exploitation de la mer (Ifremer) a longtemps détenu l’exclusivité pour l’Europe, étant tombé dans le domaine public en 2015, les ostréiculteurs ont tout loisir de s’en emparer. Ce qui induit un risque de “contamination” des élevages traditionnels, les gamètes des huîtres triploïdes, qui ne seraient pas stériles à 100 %, pouvant atteindre les huîtres naturelles élevées à proximité.
COMMENT S’ASSURER DE NE PAS CONSOMMER DES HUÎTRES MODIFIÉES ?
Si l’impact de l’huître triploïde sur la santé humaine reste globalement inconnu, certains professionnels, avec au premier rang l’association Ostréiculteur traditionnel, l’accusent d’être responsable de la forte mortalité des jeunes huîtres depuis 2008, décimées par le virus de l’herpès. Ces huîtres qui ont subi un par-
L’association Ostréiculteur traditionnel réclame une obligation d’étiquetage de ces produits. Si vous avez l’œil, vous pouvez remarquer un bec remontant vers le haut à la charnière de l’huître triploïde, mais cette méthode n’est pas infaillible. Quant au label AB, il garantit des huîtres diploïdes, mais il est aussi attribué à des huîtres d’écloseries. L’association Ostréiculteur traditionnel a de son côté lancé son logo, assorti de la mention : « Huîtres nées en mer. » Enfin, une liste d’ostréiculteurs produisant des huîtres 100 % nées en mer est en ligne sur le site du documentaire l’Huître triploïde, authentiquement artificielle (Huitretriploide.com/ou-trouver).
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UN MOLLUSQUE PLUS SENSIBLE AUX CONTAMINATIONS
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COMMENT DÉCRYP TER LES ÉTIQUETTES DU POISSONNIER ? Queue de baudroie (lotte) La baudroie est le nom vernaculaire de la lotte, autrement dit l’appellation commune (ou commerciale), mais le nom scientifique (Lophius piscatorius), dont la présence BAUDROIE de Pêchée en mer. Zone rd-Es t, No ue tiq n tla A cap ture : che : FAO 2 7. VII. Engin de pê chalu t. 28,90 € /kg. ri s 15 .
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est pourtant imposée par la réglementation, ne figure pas sur l’étiquette. La région de pêche est bien indiquée : « Atlantique Nord-Est. » La mention « FAO 27.VII » indique la zone de pêche établie par les Nations unies (Food and Agriculture Organization) : 27 correspond à la région qui s’étend de la pointe de l’Espagne à la mer Baltique, et VII indique la Manche et les mers celtiques.
Enfin, la méthode de pêche est bien spécifiée, avec la mention « chalut ». Cette dernière désigne les filets tirés par le chalutier.
Truite portion Cette étiquette ne mentionne ni le nom scientifique du poisson ni l’engin utilisé pour le capturer, bien que la réglementation l’impose. Rien ne précise s’il s’agit de poisson d’élevage ou non. Après renseignements pris auprès du poissonnier, il se trouve que le poisson a été mal étiqueté. Il s’agit en réalité d’une truite française d’élevage. L’étiquette corrigée devra donc mentionner le pays d’élevage, c’est-à-dire celui dans lequel le poisson aura atteint plus de la moitié de son poids final. Enfin, l’appellation
T RUIT E “P ORT ION” Pêchée en mer . Zone de captur e : océan Pacifique. 13,70 € / k g.
É ti q u e t a g e r el e v é à M on o p ri x , P ar i s 15 . e
« truite portion », peu utilisée, désigne une truite arc-en-ciel dont le poids se situe entre 250 et 300 g.
Pour l’ensemble de ces contaminations chimiques, les concentrations les plus fortes dans les coquillages se trouvent en hiver, lorsqu’ils sont “maigres”, et elles sont minimales à la fin de l’été, quand l’émission de semence éjecte les polluants. « Mais tous les polluants que nous suivons déclinent depuis le début des mesures, dans les années 1980, rassure Anne Grouhel, chargée du Réseau d’observation de la contamination chimique (Rocch) à l’Ifremer. Et la pêche étant interdite dans les zones trop polluées, il est normale- ment impossible de trouver des coquillages dépassant les seuils de contamination dans le commerce. » En revanche, la prudence est de mise si vous pratiquez la pêche à pied : renseignez-vous auprès de votre agence régionale de santé, chargée de surveiller les princi94
pales zones de pêche récréative. Les résultats pour la Bretagne sont consultables sur le site Pecheapied-responsable.fr.
LE POISSON D’ÉLEVAGE EST-IL PLUS RECOMMANDABLE ? Pour contourner la pollution des milieux naturels, est-il judicieux de se tourner vers les poissons d’élevage ? Pas forcément. Car si on trouve, en règle générale, davantage de polluants tels que les métaux lourds dans les poissons prédateurs sauvages, il y a plus d’intrants, tels que les pesticides et les antibiotiques, dans les poissons d’élevage. Ainsi, notre enquête de 2014 sur le saumon mettait en évidence des pesticides dans 5 des 7 échantillons d’élevage testés. Une nouvelle enquête, que nous avons menée en 2016 (voir
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«60» n° 521, de décembre 2016), a même mis en évidence la présence de pesticides dans les pavés de saumon bio… et une contamination au mercure, bien qu’en deçà de la limite réglementaire (0,5 mg/kg de poisson frais), plus importante pour les saumons bio que pour les autres ! Est en cause leur alimentation riche en farines et huiles de poissons, qui concentre les polluants. On trouve notamment dans cette nourriture l’éthoxyquine, un conservateur dont l’innocuité n’est pas prouvée : en 2015, un rapport de l’Efsa concluait que l’on manquait de données pour estimer son risque.
VERS UNE DIMINUTION DU RECOURS AUX ANTIBIOTIQUES Les pratiques varient cependant d’un élevage à l’autre. Faut-il, dans ce cas, privilégier une origine précise ? En 2013, les élevages de saumon de Norvège – premier fournisseur du marché français – ont par exemple été épinglés pour leur utilisation contre le pou de mer du diflubenzuron, un pesticide interdit en France en raison de ses effets potentiellement cancérigènes. On les a aussi accusés d’exposer leurs poissons à des pesticides issus de l’agriculture intensive en les nourrissant à l’aide de végétaux tels que le soja. Mais, depuis ce scandale, la filière a réagi, privilégiant la nourriture à base d’huiles de poissons et éliminant pratiquement l’usage des antibiotiques. Les élevages français suivent le mouvement : en 2016, la pisciculture française a consommé 2,54 t d’antibiotiques, contre 5,55 t en 2006.
VARIER LA CONSOMMATION POUR LIMITER LES RISQUES Une évolution salutaire quand on sait que « l’ex- cès d’utilisation des antibiotiques en aquaculture […] augmente la susceptibilité aux infections et la présence de bactéries antibiorésistantes » chez l’homme, d’après l’Académie de pharmacie. Plus que la provenance, ce sont les conditions d’élevage (intensif ou non, nature de l’alimentation et des traitements sanitaires) qui déterminent la qualité d’un poisson. Mais, afin de “diluer” le risque d’accumuler un même contaminant, il est recommandé de varier les lieux d’approvisionnement ainsi que les espèces Q consommées. 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
LES CONSEILS DE «60» Choisissez des poissons jeunes et petits, moins susceptibles d’accumuler les contaminants que les espèces de grande taille et les individus âgés.
Retirez la peau, le gras des filets et les viscères avant la cuisson : ils renferment la plus grande quantité de contaminants. Vous pouvez demander au poissonnier de le faire ou acheter directement des filets.
Cuisez les poissons sur un gril ouvert, qui permet à la graisse de s’écouler, contrairement à la cuisson à la poêle avec des matières grasses.
Faites cuire à cœur le poisson frais, afin de tuer les parasites.
(MZIVWM¿I^ PIW SVMKMRIW IX PIW IWTsGIW
(poissons sauvages et d’élevage, poissons maigres et gras…). Cela permet de ne pas cumuler les mêmes produits dangereux.
Bannissez le poisson cru pour les femmes
enceintes, les enfants de moins de 3 ans, les personnes âgées ou immunodéprimées. Mieux vaut cuire vous-même les coquillages et les crustacés, pour vous assurer qu’ils le sont suffisamment.
Évitez de consommer des coquillages
qui ne proviennent pas d’une zone d’élevage autorisée et contrôlée.
Dégustez les fruits de mer et les coquillages crus dans les 2 heures suivant leur sortie du réfrigérateur.
À l’ouverture des huîtres, vérifiez qu’elles
sont vivantes en y déposant du jus de citron. Si elles ne se rétractent pas, elles sont mortes, donc impropres à la consommation.
Les coquillages doivent être hermétiquement
clos lors de leur achat et se montrer difficiles à ouvrir.
Respectez bien la chaîne du froid :
transportez les poissons et les fruits de mer dans des sacs isothermes avant de les ranger dans le réfrigérateur, dans la partie la plus froide (0-4 °C). Puis consommez-les dans les 48 heures.
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toxines
LES ENNE DANS LA salmonelles
virus 96
bactéries
MIS CUISINE Listérias, salmonelles, staphylocoques… Invisibles et pourtant bien connus, ils sont nombreux, ces virus et bactéries qui guettent le moment où s’installer dans une aile de poulet, un œuf ou un hamburger. La cuisine est un terrain de jeux de choix. Le mieux est encore de leur barrer l’entrée des lieux. Après avoir dressé l’inventaire de ces indésirables, «60» vous dévoile toutes les parades pour éviter les intoxications alimentaires.
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INTOXICATIONS Comment les éviter Salmonella, Campylobacter, E. coli… Ces bactéries qui contaminent nos aliments peuvent
être dangereuses. Elles profitent de notre ignorance et de nos maladresses pour envahir nos cuisines. Heureusement, il existe des parades pour les tenir à l’écart. Les aliments ne sont pas stériles. De nombreuses bactéries en ont fait leur résidence secondaire. Heureusement pour nous, toutes ne sont pas dangereuses. Au contraire, la plupart sont indispensables pour lutter contre les “bactéries ennemies”, en occupant le terrain et en limitant ainsi l’implantation d’autres bactéries qui pourraient être dangereuses. Certaines bactéries sont même utilisées pour donner du goût, de la texture ou de la saveur aux aliments, comme certaines souches de staphylocoques. Les staphylocoques ( Staphy- lococcus carnosus et Staphylococcus xylosus ), par exemple, servent à éviter le rancissement des saucissons secs tout en favorisant le développement des arômes.
Repères
UN LIVRE SAVOUREUX POUR MANGER SANS RISQUES Q Notre article est une adaptation
d’une partie du livre « Manger sans risques » (éd. Quæ, 2011), de Vincent Leclerc. Diplômé d’AgroParisTech, l’auteur a travaillé pendant 21 années dans le domaine des toxi-infections alimentaires et de la maîtrise de l’hygiène. Q Il est possible de commander cet ouvrage de 208 pages, au prix de 22,30 € + 5 € de frais de port, en ligne sur le site Quae.com ou dans les grandes enseignes.
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Pas question, donc, de “psychoter” et de désinfecter en permanence l’ensemble de la maison. Cela pourrait avoir pour conséquence de favoriser l’installation de bactéries pathogènes qui ne seraient plus soumises à aucune compétition ou d’augmenter la résistance à certains agents désinfectants.
DES GESTES SIMPLES POUR PRÉVENIR LES RISQUES Toutefois, même si notre alimentation n’a jamais été aussi sûre, les risques sont bien réels. Il suffit d’avoir été malade une fois pour en prendre conscience. Pire, certaines bactéries peuvent tuer. Une étude ciblant 23 agents pathogènes sur la période 2008-2013 vient d’être publiée par Santé publique France. Ces 23 agents pathogènes seraient responsables en France, annuellement, via une transmission alimentaire, d’environ 1,5 million de malades, de 17 600 hospitalisations et de 256 décès. Et encore ces chiffres sont sous-estimés, car ils ne concernent que les 23 agents infectieux les plus importants, pour lesquels il existe un système de surveillance conséquent. « Contrai- rement à ce qu’il croit, le consommateur n’est pas impuissant, et il a même un rôle important à jouer en apprenant les gestes simples qui lui permettront de prévenir les risques dans sa propre cuisine », affirme Vincent Leclerc, auteur de Manger sans risques (lire Repères ci-contre) . C’est en effet notre ignorance qui peut nous conduire à nous contaminer, alors que nous aurions pu l’éviter.
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ENCORE TROP DE VICTIMES DES SALMONELLES
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En Europe, en 2016, les salmonelles (Salmonella) ont été responsables de près de 94 530 cas confirmés. En France, ce sont elles qui sont le plus souvent retrouvées dans les épisodes de toxi-infections alimentaires collectives pour lesquelles un agent a été identifié. Les œufs et les produits à base d’œufs, les viandes, les charcuteries crues et les fromages au lait cru sont les aliments le plus souvent impliqués. La contamination des œufs se fait généralement en surface, lors du contact de la coquille avec les fientes de la poule. Il faut donc être vigilant lors de la préparation d’une mousse au chocolat ou d’une mayonnaise, et plus généralement lors de la manipulation d’œufs crus. Mais les autres produits ne sont pas en reste. Salmonella peut se retrouver également dans les coquillages, les légumes, etc. Les gastronomes pourront se consoler : en général, le niveau de contamination d’un fromage diminue au cours de son affinage. Lorsqu’un produit contenant peu de salmonelles est conservé à bonne température au réfrigérateur, le risque d’être malade est modéré, mais non nul. Le maintien au-dessous de 5 °C ne permet pas leur multiplication. En revanche, laissée trop longtemps hors du réfrigérateur, une 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
mayonnaise maison peut présenter un danger, car les salmonelles vont se multiplier à température ambiante. La mayonnaise industrielle, certes beaucoup moins bonne, ne comporte pas de risque de salmonellose, car les œufs ont été pasteurisés et le produit a été stabilisé en l’acidifiant. Heureusement, Salmonella ne résiste pas aux hautes températures. Tout comme Escherichia coli (voir page 101), la bactérie est éliminée par une cuisson à cœur du produit.
CAMPYLOBACTER, LA BACTÉRIE
NUMÉRO 1 EN EUROPE
Ce nom ne vous est pas familier ? Pourtant, Campylobacter figure à la première place pour le nombre d’infections en Europe, avec un peu plus de 246 000 m alades déclarés en 2016. Les complications sont rares, mais elles peuvent être très graves : inflammation hépatique ou rénale, voire syndrome de Guillain-Barré (paralysie du système nerveux, séquelles neurologiques définitives). Les aliments incriminés sont souvent les volailles insuffisamment cuites, ainsi que des denrées de toutes sortes, victimes de contaminations croisées. Sur 13 poulets analysés par le centre d’essais comparatif de l’Institut national de la consommation (INC),
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85 % contenaient des Campylobacter (voir «60» n° 534, de février 2018) . On enregistre un pic de contamination lors de la période estivale avec des aliments consommés froids. Même si les germes trouvés dans 11 des volailles analysées restaient au-dessous des limites réglementaires, leur présence confirme l’importance que revêtent le respect de la chaîne du froid et les précautions à prendre pour éviter les contaminations croisées. Les cuissons au barbecue sont souvent mises en cause, en raison de la réutilisation, pour transporter des aliments cuits, de plats qui ont contenu les brochettes et autres pièces à griller crues. Même dans une famille sensibilisée aux “bons gestes dans la cuisine” (lire page 107), des bévues pourront être responsables d’infections graves.
Repères
EST-IL POSSIBLE DE DÉTECTER UN ALIMENT CONTAMINÉ ? Q Sain, pas sain ? Sentir un produit peut parfois renseigner
sur sa qualité. Son aspect peut également suffire à dire qu’il n’a pas été conservé dans les meilleures conditions. Une couche de mucus gluant à la surface d’une tranche de jambon blanc vous incitera à lui faire prendre illico un aller simple pour la poubelle. Est-ce à dire que consommer un produit qui ne sent pas mauvais, qui n’est pas dégradé ou qui présente la texture souhaitée est sans risques ? Q Eh bien, non. Certains aliments contaminés garderont le même aspect qu’un produit sain : pas d’odeur, pas de goût, et même une jolie texture. Le seul moment où le consommateur s’aperçoit de son erreur, c’est une fois malade… sauf s’il a suivi les conseils et précautions de ce dossier !
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Pour le comprendre, voici une petite histoire qui pourrait tout à fait se produire. Plantons le décor… Après une semaine de vacances à la ferme, notre petite famille rentre à la maison. Les enfants ont adoré jouer avec les animaux, notamment avec Cocotte, leur poule préférée. Juste au moment de partir, le fermier a donné un poulet de sa production : il est prêt à cuire, plumé et vidé, et soigneusement emballé dans un sac isotherme avec des blocs réfrigérants. De retour à la maison, et après avoir fait le plein de courses, il faut trouver un peu de place dans le réfrigérateur familial. Le poulet y est glissé, posé sur une assiette. Le lendemain matin, après avoir expulsé de la cuisine toute forme de vie (chien, chat, mouches, enfants avec les doigts sales) et être passé par un soigneux lavage des mains, Papa s’occupe du poulet. Le frigo est si rempli qu’il est un peu difficile de ressortir l’assiette. Mais, en la penchant légèrement et en forçant le passage, carcasse contre rôti de porc cuit, le résultat est là : le poulet est maintenant dehors. Direction le four, pour le manger à midi. C’est délicieux. Bien entendu, pas question pour les enfants de manger un copain de “l’adorable Cocotte”. Heureusement, il y a du rôti de porc déjà cuit. Froid avec un peu de purée, c’est leur plat favori. Ils se régalent. On prend le dessert, et c’est parti pour une belle balade en forêt. Tout le monde revient ravi et épuisé après avoir couru. Un petit encas léger et direction le lit, la nuit sera calme.
QUI EST COUPABLE : LE POULET OU LE RÔTI DE PORC ? Mais, à 4 heures du matin, le petit dernier se plaint de douleurs au ventre. Toute la matinée, il n’est pas en forme, il a de la fièvre et la diarrhée. Il a sûrement attrapé froid lors de la balade en forêt. Cela ne peut être que ça, car lui seul est malade ! La nuit suivante, l’un des deux autres enfants s’est mis à avoir la diarrhée. Le petit dernier, entre-temps, est parti à l’hôpital (ses selles devenaient sanguinolentes). Après quelques jours de grosses inquiétudes, tout est rentré dans l’ordre. L’hôpital dit avoir retrouvé des Campylobacter, et les analyses faites par les directions départementales de la protection des populations ont permis de retrouver ces 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N °125S - mai/juin 2018
mêmes bactéries sur le reste du rôti de porc cuit. C’est à n’y rien comprendre, puisque ces bactéries ne résistent pas à la chaleur. Tout cela pour avoir mangé un simple rôti de porc. Et cuit, en plus… Incroyable ! Mais le fautif, ici, c’était probablement le poulet. La carcasse crue était contaminée en surface et, lors de son passage en force dans le frigo, elle a contaminé le rôti de porc déjà cuit. En rôtissant le poulet, les Campylobacter sont morts, et ceux qui ont mangé de la volaille n’ont donc pas été infectés. En revanche, le rôti de porc n’a pas subi de nouvelle cuisson, ce qui a permis aux Campy- lobacter transférés de rester en vie. Ce sont eux qui ont rendu malades deux des trois enfants. Mais pourquoi pas les trois, puisqu’ils ont tous mangé du rôti de porc cuit ? Probablement parce qu’il n’y avait de Campylobacter qu’au point de contact, et que la tranche du troisième enfant en était dépourvue ou presque. Possible qu’elle ait été moins contaminée, ou que le plus âgé soit moins sensible que ses frère et sœur.
ESCHERICHIA COLI, OU
LA “MALADIE DU HAMBURGER” Escherichia coli (aussi
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appelés E. coli ) sont des bactéries naturellement présentes dans l’estomac des animaux à sang chaud, y compris l’homme. La plupart sont inoffensives. Certains E. coli, plus rares, sont pourvus de facteurs de virulence et peuvent se révéler dangereux. La première souche virulente a été identifiée en 1982 aux États-Unis. Mais ce n’est que 10 ans plus tard, en 1992, que les autorités sanitaires américaines ont réellement pris la mesure de sa dangerosité à grande échelle, à la suite d’une épidémie de diarrhées sanglantes chez des personnes ayant pour point commun d’avoir mangé dans des fast-foods McDonald’s. Sur 501 patients identifiés, 193 ont dû être hospitalisés, 45 ont été victimes d’un syndrome hémolytique et urémique (SHU), une complication pouvant endommager définitivement les reins, 3 sont décédés. La chaîne de restauration rapide a alors dû détruire 250 000 steaks hachés afin d’éviter 800 000 victimes potentielles supplémentaires. Cette mauvaise farce aurait pu s’appeler la maladie de Ronald (le clown mascotte de McDonald’s), mais c’est l’expression “maladie du hamburger” qui est restée dans les esprits.
Les femmes enceintes doivent éviter de consommer des fromages à pâte molle au lait cru, du saumon fumé et des produits achetés à la coupe (pâté, par exemple).
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On sait aujourd’hui que la viande hachée n’est pas le seul aliment sensible. Les fromages au lait cru, les fruits et les légumes mangés crus sont également à risques. Mais pourquoi plus particulièrement ces produits ? Pour le comprendre, il faut remonter à l’un des réservoirs importants d’Escherichia coli pathogènes : le tube digestif des bovins. Si Escherichia coli entre en contact avec la viande, celle-ci est contaminée. Même principe avec le lait, qui peut être souillé par les fèces lors de la traite.
LES BACTÉRIES SE MOQUENT DES FRONTIÈRES Quant aux fruits et légumes crus, il est question de pratiques agricoles et d’épandage sur les sols. La fumure contaminée sera mise en contact avec la terre. Les légumes présents dans la terre ou les fruits tombés au sol seront alors susceptibles d’être contaminés. Statistiquement, Escherichia coli ne tue pas si souvent, même s’il peut causer de graves séquelles. Mais, récemment, une autre souche de la bactérie s’est révélée particulièrement virulente.
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LES DANGERS BIOLOGIQUES TRANSMISSIBLES PAR BACTÉRIE OU TOXINE
PRINCIPAUX ALIMENTS À RISQUES
BACILLUS CEREUS
• Plats cuisinés, produits agrémentés d’épices, d’herbes ou d’aromates, aliments déshydratés (potages en poudre, flocons de purée, lait en poudre, pâtes, riz, semoule…).
CAMPYLOBACTER
• Viandes, notamment les volailles et produits carnés, et aussi eau, lait cru.
CLOSTRIDIUM BOTULINUM (TOXINE BOTULIQUE)
• Aliments conservés peu acides : – conserves familiales, de légumes notamment, comme les asperges, haricots verts, carottes ou poivrons ; – produits de fabrication artisanale, tels que les charcuteries (saucisses, pâtés, jambon cru…), les salaisons à base de bœuf, le poisson salé et séché, en marinade ou emballé sous vide.
CLOSTRIDIUM PERFRINGENS
• Préparations culinaires réalisées à l’avance et en grande quantité, et refroidies pas assez rapidement (viandes en sauce, haricots en sauce…).
ESCHERICHIA COLI PRODUCTEUR DE SHIGA-TOXINES
• Viande hachée de bœuf, produits laitiers non pasteurisés, végétaux crus (graines germées, notamment), produits d’origine végétale non pasteurisés (comme le jus de pommes), eau de boisson.
LISTERIA
• La contamination peut survenir à tous les stades de la chaîne alimentaire (par exemple, les aliments cuits peuvent être contaminés lors de manipulations réalisées après la cuisson). Seuls les produits dans lesquels la listéria peut se développer sont des causes potentielles de listériose lorsque les règles de conservation (température, temps) ou de préparation ne sont pas respectées. • Sources des dernières épidémies en France : mortadelle, tartinettes, époisses, pont-l’évêque, brie, rillettes, langue de porc en gelée.
SALMONELLA
• Principalement œufs et produits à base d’œufs crus. • Produits laitiers (lait cru ou faiblement thermisé), viandes (bovine, porcine et volailles). • Et aussi végétaux, coquillages, graines germées…
STAPHYLOCOCCUS AUREUS (STAPHYLOCOQUE DORÉ)
• Aliments faisant l’objet d’un grand nombre de manipulations (viandes de volailles, jambon en tranches, salades composées, gâteaux à la crème, plats cuisinés…). • Aliments fermentés à acidification lente (certains fromages ou salaisons telles que des salamis). • Produits séchés ou à teneur en eau réduite (lait en poudre, pâtes, poisson séché…).
Source : Fiches de description de danger biologique transmissible par les aliments de l’Agence nationale de sécurité sanitaire
En 2011, en Allemagne et en France, une mystérieuse épidémie liée à Escherichia coli a rendu malades quelque 4 000 personnes et causé la mort d’une cinquantaine d’entre elles. Des graines germées bio ont été mises en cause. Mais on n’a trouvé aucune trace d’épandage de fumure dans l’entreprise. L’hypothèse est que les graines auraient été manipulées et contaminées en Égypte, leur pays d’origine. 102
LES STEAKS SURGELÉS SONT DES “DURS À CUIRE” Les personnes fragiles (immunodéprimées) et les enfants de moins de 15 ans (plus particulièrement ceux de moins de 5 ans) sont les populations à risques. Il suffit d’ingérer quelques centaines d’Escherichia coli pathogènes pour que cela provoque un syndrome hémolytique et urémique – une diminution du taux de glo60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
LES ALIMENTS DURÉE D’INCUBATION
PRINCIPAUX SYMPTÔMES
• Forme nauséeuse : de 30 minutes à 6 heures. • Forme diarrhéique : de 8 à 16 heures.
• Forme nauséeuse : nausées, vomissements, malaises, diarrhée et douleurs abdominales occasionnelles. • Forme diarrhéique : diarrhée aqueuse, douleurs abdominales, nausées occasionnelles.
• De 1 à 8 jours (de 2 à 5 jours en moyenne).
• Diarrhée, douleurs abdominales, selles sanguinolentes, fièvre, céphalées, vomissements, inflammation intestinale, spontanément résolutive dans 80 % des cas.
• De 1 à 10 jours (de 1 à 3 jours en moyenne).
• Troubles digestifs (vomissements, diarrhée) de façon inconstante en début d’évolution, constipation fréquente en fin d’évolution. • Paralysie des muscles de l’accommodation : vision floue ou double, pupilles dilatées. • Paralysie au niveau buccal : sécheresse de la bouche, difficultés de déglutition et d’élocution. • Formes les plus graves : paralysie des membres et des muscles respiratoires.
• De 6 à 24 heures (de 10 à 12 heures en moyenne).
• Diarrhée, violents maux de ventre, nausées (parfois), vomissements, fièvre (rares).
• De 3 à 4 jours (variable : de 2 à 12 jours).
• Diarrhée banale ou colite hémorragique : crampes abdominales et diarrhée initialement aqueuse, puis sanglante, chez un patient généralement pas ou peu fébrile.
• Toutes formes : de 2 à 88 jours (17 jours en moyenne). • Forme materno-néonatale : de 14 à 88 jours (28 jours en moyenne). • Forme neuro-méningée : de 2 à 19 jours (10 jours en moyenne).
• Septicémie/bactériémie, méningite, méningoencéphalite, rhomboencéphalite, abcès cérébral, infections locales. • Femmes enceintes : syndrome pseudo-grippal (fièvre, frissons, lombalgie), avortement spontané, prématurité, infection néonatale.
• De 6 à 72 heures (de 12 à 36 heures en moyenne).
• Nausées, vomissements, douleurs abdominales, diarrhée, maux de tête, frissons, fièvre (de 39 à 40 °C).
• De 30 minutes à 8 heures (3 heures en moyenne).
• Nausées suivies de vomissements caractéristiques incoercibles (vomissements en fusée), douleurs abdominales, diarrhée, vertiges, frissons, faiblesse générale, parfois accompagnée d’une fièvre modérée. • Lors des cas les plus sévères : maux de tête, prostration et hypotension.
de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses).
bules rouges et une insuffisance rénale – chez un enfant de moins de 5 ans. Les amateurs de steak tartare vivent donc un peu plus dangereusement que les amateurs de viande bien cuite. En effet, Escherichia coli peut être totalement détruit par une cuisson à cœur (le centre du steak doit être brun, et non pas rosé, lire page 107 ). Voilà pourquoi les produits déjà emballés doivent porter la mention : « À 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
consommer cuit à cœur » (mais cela est souvent écrit en caractères minuscules). Cette cuisson à cœur est encore loin d’être une évidence pour de nombreux consommateurs qui apprécient une consistance tendre et juteuse. Les steaks hachés surgelés passent souvent directement du congélateur à la poêle. Or, pour qu’ils soient cuits à cœur, leur surface doit rester plus longtemps au contact de la poêle. Ils devront donc
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être encore plus cuits qu’un steak non congelé. Ils seront en conséquence moins appétissants et moins moelleux, d’où le risque.
LA LISTÉRIOSE, OU “MALADIE DU RÉFRIGÉRATEUR” Les seules Listeria pathogènes pour l’homme sont les Listeria monocytogenes. Leur particularité : elles sont encore capables de se reproduire (très lentement) à des températures de conservation proches de 0 °C. Les dégâts qu’elles provoquent peuvent être importants et aller jusqu’à la mort (dans 20 à 30 % des cas), notamment chez les personnes “à risques” (immunodéprimées, âgées, diabétiques ou souffrant d’une surcharge en fer, ou chez l’embryon). Les aliments à risques sont le lait cru, les fromages au lait cru à pâte molle à croûte fleurie ou lavée, les végétaux crus, les charcuteries cuites et les poissons fumés. Listeria monocytogenes apprécie les aliments manipulés, qui se conservent au froid plusieurs jours et sont prêts à être consommés en l’état (sans cuisson). Encore faut-il qu’il y en ait plus de 100 par gramme pour que cela soit susceptible de poser quelques problèmes. Heureusement, de gros progrès d’hygiène ont été réalisés, et les niveaux de contamination par Listeria monocytogenes n’ont plus rien de comparable avec ce que l’on trouvait encore il y a une vingtaine d’années.
Bon à savoir
MAINS PROPRES, MAINS SALES Ces trois images montrent le développement en culture à partir de bactéries présentes sur une main sale, une main propre essuyée avec un torchon sale et une main propre essuyée avec un torchon relativement propre. Plus le nombre de bactéries augmente, plus le risque d’être malade est élevé. Dans des conditions idéales, à 37 C, une bactérie se multiplie par 8 en 1 heure. 10 bactéries vont donc donner naissance en 5 heures à une population de 327 680 congénères ! °
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Pour éviter tout risque de contamination par Escherichia coli, les steaks hachés doivent être cuits à cœur. Ceux qui sortent du congélateur passeront encore plus de temps dans la poêle.
DES SPORES QUI RÉSISTENT À LA CUISSON ! Pas mauvais, ce petit ragoût ! Demain, on réchauffera encore une fois les restes. Plus c’est réchauffé et gardé au chaud, meilleur c’est. C’est le bonheur pour tout le monde… Ce n’est pas faux ! “Tout le monde” va effectivement profiter de ces douces conditions. Les Clostridium perfringens, qui contaminent éventuellement le produit, adorent aussi ce plat en sauce réchauffé, mais pas recuit. Clostridium perfringens est une bactérie qui se trouve dans le tube digestif des animaux ou dans la terre. Présente dans des aliments comme les viandes ou les légumes, elle peut produire des spores. Or, ces spores résistent à la cuisson et possèdent la capacité de germer lorsque l’aliment refroidit. La bactérie a alors toute latitude pour se multiplier dans un plat chaud (mais pas trop) qui refroidit lentement dans la cuisine ou sur le rebord de la fenêtre. 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
P I S B / T E N E S S A H C
UN ÉTERNUEMENT QUI PEUT COÛTER CHER Le staphylocoque doré (Staphylococcus aureus) est également une bactérie particulièrement pernicieuse. Lorsqu’ils se multiplient en nombre, les staphylocoques dorés sécrètent de l’entérotoxine, une toxine qui, comme les spores de Clostridium perfringens, résiste à la cuisson ! Ainsi, le lait cru qui vient d’être tiré doit immédiatement être conservé au froid, pour éviter la multiplication des staphylocoques dorés éventuellement présents. Sinon, gare aux entérotoxines, qui résisteront même si le lait est bouilli ! Les aliments à risques sont, outre le lait cru, le fromage, les gâteaux à la crème, les salades composées, les plats cuisinés, les produits fermentés… Plus l’aliment est manipulé, plus le risque augmente, car l’homme peut contaminer les aliments (il abrite la bactérie sans être malade ; c’est la multiplication des staphylocoques dans
l’aliment qui permet seule la production de toxines). Atchoum ! Un bon éternuement, et voilà les staphylocoques dorés hébergés par le nez du cuisinier qui s’envolent à près de 200 km/h. Une demi-seconde plus tard, la flore nasale entre donc en contact avec l’aliment mis à refroidir, sans protection, sur l’étagère. Ce plat est juste précuit, il sera à nouveau chauffé avant d’être servi. Pas de souci donc, il ne restera plus de bactéries. Enfin, c’est ce que l’on peut imaginer…
COCKTAIL GAGNANT POUR LES STAPHYLOCOQUES Le temps passe, et le plat refroidit sur son étagère, tout doucement. Il est encore trop chaud pour être mis au frigo. Staphylococcus aureus, quant à lui, se plaît bien dans ce plat trop chaud pour être mis au réfrigérateur, mais pas assez pour le tuer (certaines souches se développent jusqu’à 48 °C). Il se multiplie donc rapidement. Puis le plat est mis dans le réfrigérateur à bonne
Repères
OÙ COUREZ-VOUS LE PLUS DE RISQUES D’ÊTRE VICTIME D’UNE INTOXICATION COLLECTIVE ? Q Un foyer de
toxi-infection alimentaire collective (TIAC) est défini par l’apparition d’au moins deux cas similaires (généralement un symptôme gastro-intestinal) qui ont la même origine. En France, les TIAC sont à déclaration obligatoire pour les médecins et pour les établissements de restauration collective à caractère social. Q La déclaration peut aussi être faite par des consommateurs, mais c’est rare. Selon Santé publique France (SPF), en 2016 (1), 1 455 TIAC ont été déclarées en France, affectant 13 997 personnes, dont 630 ont été hospitalisées et 3 sont décédées. Les trois agents pathogènes le plus fréquemment confirmés ou suspectés étaient Staphylococcus aureus (28 %), Bacillus cereus (20 %) et Salmonella (17 %).
6 1 0 2 S E É N N O D . S E V I T C E L L O C S E R I A T N E M I L A S N O I T C E F N I I X O T S E D E C N A L L I E V R U S , E C N A R F E U Q I L B U P É T N A S : E C R U O S
9% 7% 4%
33 %
6% 41 %
À la maison Au restaurant Cantine scolaire Restaurant d’entreprise Institut médico-social (2) Autre collectivité (3) Q Nombre de foyers de TIAC déclarés en 2016
auprès des agences régionales de santé (ARS) et (ou) aux directions départementales de la protection des populations (DDPP).
(1) Nombre de foyers de TIAC déclarés en 2016 auprès des agences régionales de santé (ARS) et (ou) aux directions départementales de la protection des populations (DDPP). (2) Établissement pour personnes âgées, maison d’accueil spécialisée, centre d’hébergement et de réinsertion sociale, foyer de jeunes travailleurs… (3) Banquet, centre de loisirs…
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souvenir du consommateur. Une faute d’hygiène doublée d’une rupture de la chaîne du froid, et c’est le cocktail gagnant pour ces staphylocoques producteurs d’entérotoxines. On leur a donné le doux surnom de “maladie des banquets” : un mariage, un buffet, et de nombreux invités malades de 30 minutes à quelques heures après le début de la réception. Succès garanti !
PRUDENCE AVEC LES CONSERVES MAISON !
Même s’ils ont été cueillis dans le potager, les légumes devront être lavés.
température. La multiplication de la bactérie est alors très ralentie. Enfin, voici venu le temps de le réchauffer. Tous les staphylocoques meurent. Il fait maintenant trop chaud dans ce plat pour que la bactérie survive sans équipement adapté. Le problème, c’est que, avant que l’aliment ne soit placé au réfrigérateur, ces staphylocoques ont eu le temps de laisser leur empreinte : une ou plusieurs toxines. Et celles-ci, contrairement aux bactéries qui les ont produites, résistent très bien au réchauffage. Ingérées avec l’aliment, elles sauront se rappeler, très rapidement, au bon Bon à savoir
UN BIOFILM, C’EST QUOI ? Dans certaines conditions d’humidité, de fréquence de contacts, de type de surfaces, de flore, etc., des micro-organismes arrivent à s’accrocher aux surfaces. D’autres communautés peuvent les rejoindre et former un amas qui aura une meilleure résistance aux désinfectants. C’est un biofilm. Une fois fixées, les communautés peuvent se multiplier et étendre le biofilm sur la surface. Puis une fraction des micro-organismes du biofilm peut être relarguée et aller contaminer d’autres lieux.
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Il faut être particulièrement vigilant lors de la fabrication de conserves artisanales. Il peut y avoir des spores de Clostridium botulinum – qui produisent la toxine botulique – sur certains aliments. Dans ce cas, la stérilisation n’est pas toujours suffisante pour les éliminer en totalité. Par exemple, lors de la récolte de quelques légumes souillés par la terre, on prend le risque de rapporter également quelques spores de Clostridium botulinum. Si les légumes sont mangés rapidement, il existe peu de risques de tomber malade avec seulement quelques spores. Le problème survient lors de la préparation des conserves artisanales. Certaines spores de Clostridium botulinum sont thermorésistantes. Il est donc nécessaire de chauffer le produit à 121 °C pendant au moins 3 minutes pour le stériliser. Mais, pour monter à 121 °C avec de l’eau qui bout à 100 °C, il faut une forte pression.
DES CONDITIONS IDÉALES POUR LA PRODUCTION DE TOXINES Les anciens stérilisateurs montent bien à 100 °C, et c’est déjà très chaud, mais ce n’est pas suffisant pour détruire toutes les spores éventuellement présentes. Ainsi, lorsque la température redescend, la germination des spores se produit. La bactérie libérée a alors tout le loisir de se multiplier dans la conserve artisanale : pas de “flore de compétition” (les autres bonnes bactéries qui auraient pu lui faire de la concurrence ont été détruites par la chaleur), des nutriments, une température de cellier de 10 à 15 °C, idéale pour la production de toxines sur une longue durée. Plus rarement, les conserves industrielles ou les produits fumés peuvent être contaminés. Il faut donc impérativement jeter Q une conserve bombée. 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
K C O T S I ; A I L O T O F
LES CONSEILS DE «60» Tant pis pour le gaspillage ! Il peut arriver que, en mangeant, un doute survienne avec un goût un peu différent de la saveur habituelle. Mieux vaut ne pas prendre le risque de tomber malade et jeter le produit.
« Tout ce qui pue ne tue pas,
tout ce qui tue ne pue pas. » Cette citation attribuée à Henri Bouley (1814-1885), vétérinaire et président de l’Académie des sciences, a été reprise par Pasteur.
Posez une cloche grillagée sur les aliments mis à refroidir sur le rebord de la fenêtre. Un oiseau ou une mouche pourraient les contaminer.
Il est indispensable de cuire à cœur
les viandes comme la volaille, le porc et, bien sûr, les steaks hachés. Le centre de la viande ne doit pas être rosé. Vous pouvez au besoin utiliser un thermomètre alimentaire pour vérifier que la température interne a atteint 70 °C au minimum.
Décongelez les aliments au réfrigérateur, notamment s’il s’agit de steaks congelés.
Gare aux contaminations croisées :
mains, économe et planche à découper doivent être nettoyés avant toute manipulation d’un aliment différent. Il ne faut pas servir les grillades des barbecues dans les plats qui ont été utilisés pour les transporter crues.
le plus tôt possible. Si la marmite est trop grande, utilisez des récipients plus petits.
Ne lavez jamais des œufs, même si
les coquilles sont sales : elles sont protégées par une cuticule, et les laver les rendrait poreuses.
Épluchez les légumes que vous consommez crus. Lavez soigneusement les fruits et les légumes, même s’ils vous paraissent propres.
Les personnes fragiles (immunodéprimées,
enfants, femmes enceintes…) doivent éviter de manger des viandes ou des poissons crus (tartare, carpaccio), des viandes hachées, ainsi que des fromages au lait cru non cuits (à l’exception de ceux à pâte pressée, comme le comté).
En cas de gastro-entérite, faites-vous
remplacer en cuisine. Si c’est impossible, soyez très vigilant quant au lavage des mains et privilégiez les aliments déjà préparés. Tant pis pour les papilles, mais tant mieux pour les intestins…
Le site de l’Agence nationale de sécurité
sanitaire de l’alimentation (Anses) fournit conseils et informations pour prévenir les risques de contamination dans la cuisine. Reportez-vous à : Anses.fr/fr/content/conseils-dhygiène-dans-la-cuisine
Ne lavez jamais un poulet cru .
Vous risquez de répandre dans la cuisine des Campylobacter via les éclaboussures d’eau.
Ne déposez pas le cabas des courses
ou un sac à main sur le plan de travail de la cuisine. Le dessous du sac a pu être contaminé par des bactéries (crachat, matières fécales…) lorsqu’il a été posé par terre.
Pour éviter la prolifération des toxines
de Clostridium perfringens, ne laissez pas refroidir plus de 2 heures un plat en sauce à température ambiante. Mettez-le au réfrigérateur
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LE FRIGO Ne brisez pas la chaîne du froid ! Selon les produits, les températures de conservation diffèrent. Certains aliments nécessitent des précautions particulières pour garantir la sécurité sanitaire du foyer. Est-ce important de respecter la chaîne du froid ? C’est fondamental, car le froid bloque ou limite très fortement la multiplication des bactéries. Ne pas la respecter, c’est donner aux bactéries pathogènes la possibilité de se multiplier rapidement et de se trouver en grand nombre dans l’aliment. Ainsi, à une température de 4 °C, il faudra 10 jours aux Listeria monocytogenes pour atteindre le nombre qu’elles auraient formé en 1 jour à 20 °C. Plus les bactéries sont nombreuses, plus elles sont dangereuses. La plupart des bactéries, en effet, ont besoin d’être ingérées en quelques milliers d’exemplaires pour survivre à l’acidité de l’estomac et aux enzymes digestives. Pour d’autres, c’est dans l’aliment qu’elles doivent se multiplier en
Bon à savoir
DÉTECTER UNE PANNE DE CONGÉLATEUR C’est la hantise des vacanciers : le congélateur en rade pendant leur absence. Voici une astuce pour savoir si cela s’est produit. Mettez un gobelet d’eau au congélateur. Une fois l’eau congelée, placez au-dessus une pièce de monnaie. Si une panne se produit en votre absence, la pièce coulera. L’eau se figera à nouveau dès le retour de l’électricité. Et, même si le congélateur repart, la pièce restera au fond.
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grand nombre pour libérer leur toxine. Respecter la chaîne du froid, c’est donc limiter fortement le risque de tomber malade. Gardez en tête que le froid ne tue pas les bactéries, mais les “endort”. Le respect des durées de conservation, une fois les aliments sortis du réfrigérateur ou ouverts, ainsi que la connaissance des bons gestes dans la cuisine demeurent indispensables (voir ci-dessous). Pour les produits sensibles sur lesquels ne figure pas une date limite de consommation (produits traiteur, gâteaux à base de crème…), une durée de conservation inférieure à 3 jours est fréquemment recommandée.
DU MAGASIN À LA MAISON, NE ROMPEZ PAS LA GLACE Pendant que vous faites vos courses, placez toutes les denrées sensibles (viandes, steaks hachés, charcuteries, poissons, produits congelés…) dans un sac isotherme. Ces sacs sont souvent assez encombrants et rigides. Sachez qu’il existe des sacs plastique plus souples et légers, en vente dans certains supermarchés (environ 0,50 €), qui peuvent facilement être pliés. Certes, ils sont moins isolants sur la durée, mais leur efficacité est réelle. Arrivé à la maison, lavez-vous les mains et rangez en priorité les aliments frais et surgelés dans le réfrigérateur et le congélateur. Veillez à les placer dans les zones de température pré-
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0 À 2 ° C*
Viandes fragiles de type steaks hachés, poissons frais, fruits de mer
À CHAQUE TYPE D’ALIMENTS SA TEMPÉRATURE En respectant les différentes zones d’un réfrigérateur, on assure une température optimale de conservation pour chaque catégorie d’aliments. La porte (de 10 à 15 °C) recevra les boissons, la moutarde, la confiture…
N’ENTASSEZ PAS TROP LES DENRÉES POUR LAISSER L’AIR CIRCULER Pâtes fraîches, jambons, pizzas, salades emballées,
charcuteries, viandes entières destinées 4 ° C* à être cuites
6 ° C*
Yaourts et produits laitiers, gâteaux
Fromages, beurre 8 ° C*
Quoi qu’il en soit, cela ne mange pas de pain de contrôler de temps à autre la température au moyen d’un thermomètre pour réfrigérateur (environ 3 €). La présence permanente d’une condensation sur les parois intérieures est le signe d’une température déréglée ou provoquée par une mauvaise étanchéité. N’ouvrez pas trop longtemps la porte de votre frigo, vous feriez inutilement augmenter la température. N’entassez pas non plus les aliments car vous risquez de favoriser les contaminations croisées (perforation des emballages et écoulement de jus de viande sur des légumes destinés à être mangés crus) et de limiter le passage de l’air entre les produits. Ôtez aussi les suremballages (cartons des packs de yaourts, notamment) et protégez tous les produits entamés (au moyen de film plastifié ou de boîtes hermétiques).
PEUT-ON METTRE DU CHAUD AU RÉFRIGÉRATEUR ?
10 ° C*
Fruits et légumes
* Au maximum.
conisées (voir illustration ci-dessus). Attention : selon les appareils, l’emplacement des zones les plus froides pourra être différent. Par exemple, dans certains modèles, les viandes devront être placées tout en haut, tandis que, dans d’autres, cette étagère se trouvera au bas de l’appareil, juste au-dessus du bac à légumes. La lecture du mode d’emploi de votre réfrigérateur est donc importante. 60 Millions de consommateurs. Hors-Série N 125S - mai/juin 2018 °
Le dîner est terminé. Mais que faire de la marmite de bourguignon encore chaude ? Pas question de la mettre instantanément au réfrigérateur, car cela aurait pour effet de faire remonter la température intérieure, et donc de mettre en danger les autres aliments qui y sont conservés. Pas question non plus d’aller faire dodo en laissant la marmite refroidir sur la table. Rappelez-vous : lors du refroidissement du plat, les spores éventuellement présentes vont germer, et les bactéries qui en résultent auront tout le loisir de se multiplier aux températures tièdes atteintes pendant le refroidissement. Une règle : pas plus de 2 heures à température ambiante avant le rangement des aliments dans le frigo. Il faut donc veiller à refroidir rapidement le plat chaud, quitte à déposer la marmite dans l’évier avec de l’eau et des glaçons, ou à la transvaser dans de plus petits récipients pour accélérer la baisse de température. Souvenez-vous : la cuisson n’est pas à elle seule garante de votre sécurité… Q 109
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BIBLIOGRAPHIE
Pour en savoir plus Voici une sélection d’ouvrages pour vous aider à débusquer les nombreux intrus qui se cachent dans notre alimentation (pesticides, additifs, sucres ajoutés…) et à choisir les produits le moins dénaturés. Que manger ? Normes et pratiques alimentaires Sous la direction de François Dubet
Que peut-on manger, et que doit-on manger ? Critères de qualité, recommandations nutritionnelles, végétarisme, véganisme… L’alimentation est devenue une affaire de normes, défendues au nom de la sécurité alimentaire, du terroir ou de la santé. Sont-elles efficaces ? Quels en sont les enjeux ? Pour répondre à ces questions, l’ouvrage présente les travaux de chercheurs lauréats de l’appel à projets lancé en 2016 par la Fondation pour les sciences sociales sur le thème : « Que manger ? » Ils montrent que nos pratiques alimentaires sont loin
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d’obéir à ces injonctions, parfois contradictoires, et que nous suivons d’abord nos goûts, au détriment parfois de notre santé.
une expérience inédite de “dégustation” à l’aveugle de 11 pesticides parmi les plus répandus. Un comble !
Éd. La Découverte, 2017, 23 €.
Éd. Actes Sud, 2018, 14,80 €.
Le Goût des pesticides dans le vin
Le Nouveau Guide des additifs
en contiennent, les problèmes rencontrés et un code couleur : rouge pour les additifs à éviter, orange pour signaler une mise en garde, gris pour les cas douteux, vert pour ceux qui ne présentent pas de problèmes majeurs identifiés.
Jérôme Douzelet, Gilles-Éric Séralini
Sous la direction d’Anne-Laure Denans
Thierry Souccar éditions, 2017, 11,90 €.
Tout n’est pas bon dans le vin, en particulier les pesticides, dont des résidus se retrouvaient dans 60 % des échantillons analysés, selon une enquête de l’Institut national de la recherche agronomique publiée en 2005. Ces résidus ont-ils une influence sur le goût du vin ? Pour le savoir, les auteurs ont proposé à des cuisiniers et à des vignerons, à l’instar des jurys d’œnologues,
Nash. La maladie de la malbouffe Dr Dominique Lannes, avec Catherine Siguret
Difficile de s’y retrouver parmi les quelque 390 additifs autorisés en Europe. C’est la raison d’être de ce guide qui s’appuie sur les données scientifiques les plus récentes. Environ 150 additifs parmi les plus répandus sont présentés, famille par famille : colorants, conservateurs, exhausteurs de goût, édulcorants… Des tableaux indiquent, pour chacun d’eux, la dose journalière à ne pas dépasser, les catégories d’aliments qui
Nash est l’acronyme de la non-alcoholic steato- hepatitis, la stéatose hépatique non alcoolique (en français), une maladie de la malbouffe, du trop sucré et du trop gras, qui peut entraîner une fibrose, une cirrhose ou un cancer du foie chez des personnes qui n’ont pas bu une goutte d’alcool. Le but de cet ouvrage est d’expliquer en quoi consiste ce fléau lié à nos habitudes alimentaires. Bien sûr, tous les problèmes de foie ne débouchent pas sur cette maladie, mais il est bon de la connaître pour changer ses habitudes alimentaires : pratiquer une activité physique, consommer moins de calories et
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croire que ces produits sont “bons pour la santé”. Il propose trois règles d’or : consommer des aliments peu transformés, diversifier son alimentation et manger bio. Thierry Souccar éditions, 2017, 19,90 €.
des aliments de meilleure qualité nutritionnelle. Éd. Flammarion, 2018, 19,90 €.
Cochonneries. Comment la charcuterie est devenue un poison Guillaume Coudray
Halte aux aliments ultra transformés ! Mangeons vrai Dr Anthony Fardet
Les responsables des maladies chroniques ne sont pas les matières grasses ou les sucres, mais l’hyperindustrialisation de l’alimentation. Tel est l’argument du livre d’Anthony Fardet, docteur en nutrition de l’université d’Aix-Marseille, qui étudie 11 aliments (fruits, légumes, céréales, produits laitiers, plats préparés, boissons…) comportant des ingrédients transformés (huiles hydrogénées, protéines hydrolysées, lécithine de soja, sirop de glucose…). L’auteur décortique les astuces des industriels pour nous faire
Les nitrites sont-ils utilisés depuis 5 000 ans dans le saucisson ou le jambon pour prévenir le botulisme, comme le prétend l’industrie charcutière ? Guillaume Coudray démontre qu’il s’agit d’un mythe, inventé par le lobby des meat packers (les
emballeurs de viande), né à Chicago, aux États-Unis, à la fin du XIXe siècle. Documents à l’appui, l’auteur révèle que l’emploi d’additifs sert à colorer et à accélérer la transformation de la viande. Tel un historien de l’agroalimentaire, il raconte l’irrésistible ascension des charcuteries nitrées au détriment de la santé des consommateurs. Éd. La Découverte, 2017, 18 €.
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ADEIC (Association de défense, d’éducation et d’information du consommateur) 27, rue des Tanneries, 75013 Paris. Tél. : 01 44 53 73 93. Courriel :
[email protected] Internet : www.adeic.fr Q AFOC (Association Force ouvrière consommateurs) 141, avenue du Maine, 75014 Paris. Tél. : 01 40 52 85 85. Fax : 01 40 52 85 86. Courriel :
[email protected] Internet : www.afoc.net Q ALLDC (Association Léo-Lagrange pour la défense des consommateurs) 150, rue des Poissonniers, 75883 Paris Cedex 18. Tél. : 01 53 09 00 29. Fax : 01 56 55 51 82. Courriel :
[email protected] Internet : www.leolagrange-conso.org CGL (Confédération générale Q du logement) 29, rue des Cascades, 75020 Paris. Tél. : 01 40 54 60 80. Fax : 01 47 66 18 17. Courriel :
[email protected] Internet : www.lacgl.fr Q CLCV (Consommation, logement et cadre de vie) 59, boulevard Exelmans, 75016 Paris. Tél. : 01 56 54 32 10. Fax : 01 43 20 72 02. Courriel :
[email protected] Internet : www.clcv.org Q CNAFAL (Conseil national des associations familiales laïques) 108, avenue Ledru-Rollin, 75011 Paris. Tél. : 01 47 00 02 40. Fax : 01 47 00 01 86. Courriel :
[email protected] Internet : www.cnafal.org Q CNAFC (Confédération nationale des associations familiales catholiques) 28, place Saint-Georges, 75009 Paris. Tél. : 01 48 78 82 74. Fax : 01 48 78 07 35. Courriel :
[email protected] Internet : afc-france.org Q CNL (Confédération nationale du logement) 8, rue Mériel, BP 119, 93104 Montreuil Cedex. Tél. : 01 48 57 04 64. Fax : 01 48 57 28 16. Courriel :
[email protected] Internet : www.lacnl.com Q CSF (Confédération syndicale des familles) 53, rue Riquet, 75019 Paris. Tél. : 01 44 89 86 80. Fax : 01 40 35 29 52. Courriel :
[email protected] Internet : www.la-csf.org Q Familles de France 28, place Saint-Georges, 75009 Paris. Tél. : 01 44 53 45 90. Fax : 01 45 96 07 88. Courriel :
[email protected] Internet : www.familles-de-france.org Q
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Familles rurales 7, cité d’Antin, 75009 Paris. Tél. : 01 44 91 88 88. Fax : 01 44 91 88 89. Courriel :
[email protected] Internet : www.famillesrurales.org Q FNAUT (Fédération nationale des associations d’usagers des transports) 32, rue Raymond-Losserand, 75014 Paris. Tél. : 01 43 35 02 83. Fax : 01 43 35 14 06. Courriel :
[email protected] Internet : www.fnaut.asso.fr Q INDECOSA-CGT (Association pour l’information et la défense des consommateurs salariés-CGT) 263, rue de Paris, 93516 Montreuil Cedex. Tél. : 01 55 82 84 05. Fax : 01 48 18 84 82. Courriel :
[email protected] Internet : www.indecosa.cgt.fr Q UFC-Que Choisir (Union fédérale des consommateurs-Que Choisir) 233, boulevard Voltaire, 75011 Paris. Tél. : 01 43 48 55 48. Fax : 01 43 48 44 35. Internet : www.quechoisir.org Q UNAF (Union nationale des associations familiales) 28, place Saint-Georges, 75009 Paris. Tél. : 01 49 95 36 00. Fax : 01 40 16 12 76 Internet : www.unaf.fr Q
LES CENTRES TECHNIQUES RÉGIONAUX Chambre de consommation d’Alsace (CTRC) 7, rue de la Brigade-Alsace-Lorraine, BP 6, 67064 Strasbourg Cedex. Tél. : 03 88 15 42 42. Courriel :
[email protected] Internet : www.cca.asso.fr Q CTRC Aquitaine 89, rue Porte-Dijeaux, 33000 Bordeaux. Tél. : 05 57 14 26 30. Courriel :
[email protected] Q CTRC Auvergne (UROC) 17, rue Richepin, 63000 Clermont-Ferrand. Tél. : 04 73 90 58 00. Courriel :
[email protected] Q CTRC Bourgogne Boîte NN7, 2, rue des Corroyeurs, 21068 Dijon Cedex. Tél. : 03 80 74 42 02. Courriel :
[email protected] Internet : www.ctrc-bourgogne.fr Q Maison de la consommation et de l’environnement (MCE) Bretagne 48, boulevard Magenta, 35000 Rennes. Internet : www.mce-info.org Q CTRC Centre 10, allée Jean-Amrouche, 41000 Blois. Tél. : 02 54 43 98 60. Courriel :
[email protected] Q
CTRC Corse (UROC) Les Salines 1, tour I, rue François-Pietri, 20090 Ajaccio. Tél. : 04 95 22 24 39. Fax : 04 95 22 60 94. Courriel :
[email protected] Q CTRC Franche-Comté 37, rue Battant, 25000 Besançon. Tél. : 03 81 83 46 85. Q UROC Hauts-de-France 6 bis, rue de Dormagen, 59350 Saint-André-lez-Lille. Tél. : 03 20 42 26 60. Courriel :
[email protected] Internet : www.uroc-hautsdefrance.fr Q CTRC Île-de-France 100, boulevard Brune, 75014 Paris. Tél. : 01 42 80 96 99. Fax : 01 42 80 96 96. Internet : www.ctrc-idf.asso.fr CTRC Languedoc-Roussillon Q 31, allée Léon-Foucault, résidence Galilée, 34000 Montpellier. Courriel :
[email protected] Internet : conso-languedocroussillon.org Q CTRC Lorraine 58 bis, rue Raymond-Poincaré, 54000 Nancy. Tél. : 03 83 28 02 68. Fax : 03 83 40 02 01. Courriel :
[email protected] Q CTRC Midi-Pyrénées 1, avenue Maurice-Hauriou, résidence Port-Garaud, 31000 Toulouse. Tél. : 05 61 62 37 41. Courriel :
[email protected] Internet : www.ctrc-mp.fr Q CTRC Normandie 51, quai de Juillet, Maison des solidarités, 14000 Caen. Tél. : 02 31 85 36 12. Fax : 09 55 69 36 12. Courriel :
[email protected] Internet : www.consonormandie.net Q CTRC Poitou-Charentes 23, avenue Robert-Schumann, 86000 Poitiers. Courriel :
[email protected] Q CTRC Provence-Alpes-Côte d’Azur 23, rue du Coq, 13001 Marseille. Tél. : 04 91 50 27 94. Courriel :
[email protected] Internet : www.ctrc-paca.org Q
LES DÉPARTEMENTS D’OUTRE-MER Guadeloupe Q UDAF 2, rue Lardenoy, 97100 Basse-Terre. Tél. : 05 90 81 12 80. Réunion Q CNL Région Réunion 9513 Immeuble Europe, 1, rue Raymond-Barre, 97470 Saint-Benoît Tél. : 0262 58 40 35. Courriel :
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