Stephen M. Stahi
Psychopharmacologie essentielle
PSYCHOPHARMACOLOGIE ESSENTIELLE Bases neuroscientifiques et applications pratiques STEPHEN M. STAHL, M.D., Ph.D. Professeur de psychiatrie adjoint Université de Californie, San Diego
Illustrations de
Nancy Muntner
Traduit de l'américain par
Thierry Faivre Praticien hospitalier, UCPB, CH Le Vinatier, BRON
Avec la collaboration de
Patrick Lemoine Chef de service, UCPB, CH Le Vinatier, BRON
Médecine-Sciences Flammarion 87, quai Panhard et Levassor, 75013 Paris http://www.medecine.flammarion.com
PRÉFACE
Beaucoup de choses ont changé depuis la publication de la première édition de Psychopharmacologie essentielle, il y a six ans. Cette seconde édition se propose de relater les progrès en neurosciences, la compréhension que l'on peut désormais avoir des troubles psychiatriques et l'apparition d'une douzaine de nouveaux médicaments à visée psychiatrique qui, en peu de temps, ont fait faire un bond en avant à la psychopharmacologie. Deux chapitres ont donc été ajoutés, 11 des 12 chapitres originaux ont été considérablement revus, et la taille du texte a été augmentée d'environ 50 %. En revanche, rien n'a changé par rapport à la première édition en ce qui concerne le style qui reste didactique, en s'appuyant en grande partie sur les conférences, les diapositives et les articles de l'auteur, le tout remis à jour. Le nombre des illustrations recolorisées a plus que doublé pour atteindre un total supérieur à 500. Parmi les nouveautés, le lecteur trouvera à la fin de chaque chapitre un résumé destiné à la formation médicale continue. Ce sont d'ailleurs ces mêmes cours qui ont été donnés par l'auteur aux médecins, praticiens et qui ont été accrédités par l'Université de Californie de San Diego, en tant que base éducative pour un crédit allant jusqu'à 54 heures de formation médicale continue de catégorie I, selon les règles édictées par l'Accreditation Council of Continuing Medical Education (ACCME) de l'American Medical Association. Des tests ont été ajoutés pour chaque chapitre avec les instructions nécessaires à leur réalisation ; les frais d'inscription sont également mentionnés à destination des lecteurs intéressés. De façon globale, le texte se veut facile d'accès et a pour but de présenter les bases essentielles de la psychopharmacologie d'une manière délibérément simplifiée. En réalité, l'ensemble de cette matière doit pousser le lecteur à consulter des ouvrages plus détaillés, ainsi bien sûr que la littérature dite professionnelle. L'information s'organise sur les principes d'un enseignement programmé, c'est-à-dire sur la répétition et l'interaction, dont on sait combien elles facilitent la rétention des connaissances. Par conséquent, nous invitons le lecteur novice à aborder cet ouvrage dans l'ordre, du début à la fin, en se limitant aux dessins en couleurs et à leurs légendes. Pratiquement tout ce qui est dans le texte est présent dans les schémas et les dessins. Une fois que le lecteur les aura tous parcourus, il lui est fortement recommandé de se plonger dans le texte, depuis le début, tout en revoyant les illustrations par la même occasion. Pour finir, lorsque le texte aura été lu, le lecteur pourra survoler le livre en ne s'arrêtant qu'aux dessins en couleur. L'interaction répétitive entre la lecture du texte et l'apprentissage visuel au travers des illustrations ne pourra que favoriser un apprentissage programmé. Les concepts appris de
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Préface façon visuelle viennent en effet renforcer l'apprentissage des concepts abstraits issus du texte, en particulier chez les lecteurs qui ont plutôt une mémoire « photographique », c'està-dire ceux qui retiennent mieux l'information visuelle que celle qui a été lue. De leur côté, les lecteurs déjà initiés à la psychopharmacologie ne devraient pas rencontrer de difficultés particulières à la lecture de cet ouvrage. Les allers et retours entre le texte et les illustrations vont produire chez eux une interaction et, une fois le texte lu dans son intégralité, cela ne devrait leur poser aucun problème par la suite de passer le livre en revue simplement au travers de ses dessins. Le texte a volontairement été rédigé à un niveau conceptuel plutôt que pragmatique, et formule ses idées comme un ensemble de simplifications tout en sacrifiant les exceptions à la règle. Le contenu de ce livre n'est donc pas destiné au spécialiste en psychopharmacologie. Une autre restriction concerne les références, puisées dans les manuels et les revues (dont un certain nombre ont été rédigés par l'auteur lui-même) plutôt que dans les articles originaux. Pour les lecteurs intéressés par les mises à jour spécifiques à cette seconde édition, la première section sur les données fondamentales couvre de façon large {avec une douzaine de nouveaux dessins en couleur) l'expression génique et les facteurs de transcription, la neurobiologie du développement, la sélection neuronale, la synaptogenèse et les facteurs de croissance, la génétique complexe des troubles psychiatriques et, enfin, les nouveaux concepts sur la neurodégénérescence comme l'apoptose. La deuxième section concerne les données cliniques. Elle a été augmentée de deux chapitres afin de tenir compte de l'accroissement du nombre de psychotropes et des progrès faits sur la connaissance des troubles psychiatriques. Trois nouveaux systèmes de neurotransmission ont été incorporés et illustrés : la substance P et la famille des neuroldnines ; le monoxyde d'azote ; et les endocannabinoïdes comme l'anandamide (« l'endo-marijuana cérébrale »). Nous avons également insisté sur les systèmes de neurotransmission classiques, surtout en ce qui concerne les intercommunications sérotonine-dopamine et noradrénalinesérotonine. Beaucoup de nouvelles illustrations ont été incorporées afin de figurer les voies noradrénergiques et cholinergiques. Dans les chapitres consacrés aux syndromes cliniques, de nouveaux sujets ont été traités, parmi lesquels le trouble bipolaire, le trouble déficitaire de l'attention, le dysfonctionnement érectile, le rôle des oestrogènes sur l'humeur et les troubles cognitifs de la femme tout au long du cycle de la reproduction, une partie des troubles de l'enfant et de l'adolescent et, enfin, la pharmacocinétique des substances psychopharmacologiques. Certains passages ont été revus, en particulier ceux qui traitent des troubles du sommeil, de la schizophrénie et des troubles psychotiques. Dans les chapitres de thérapeutique clinique, l'expansion des nouvelles thérapeutiques est reflétée par l'ajout de plus de 30 nouvelles icônes de médicaments, apparaissant pour la première fois dans cette seconde édition. On remarque en particulier les nouveaux antidépresseurs, les thymorégulateurs, les neuroleptiques atypiques, les inhibiteurs de l'acétylcholinestérase, les inhibiteurs des phosphodiestérases, les sédatifs-hypnotiques et bien d'autres encore. Il me faut aussi remercier mon éditeur, la Cambridge University Press, pour ses suggestions particulièrement utiles et ses exhortations destinées à réaliser cette seconde édition dans les délais. Et maintenant, bon voyage au centre de la psychopharmacologie, domaine fascinant s'il en est. STEPHEN M. STA HL, M.D., Ph.D.
L'HUMOUR PLEIN DE SÉRIEUX DE LA PSYCHOPHARMACOLOGIE de STEPHEN M. STAHL
ou
DE L'ART D'ENSEIGNER SANS ENNUYER par PATRICK LEMOINE
En acceptant avec Thierry Faivre de traduire Psychopharmacologie essentielle de mon ami Stephen Stahl, et vu l'aridité annoncée par le titre, je ne m'attendais certes pas à éclater de rire au détour de certaines phrases. Stephen a un sens de l'image, de la comparaison, de la parabole et du dessin tellement incroyable qu'il arrive à rendre lumineux et amusants des sujets aussi arides que les neuromédiateurs excitateurs de type glutamate et haletante la saga de la migration neuronale à travers le cortex foetal des futurs schizophrènes. Il faut avoir lu le passage où il décrit la guerre totale que se livrent les différents camps des neurones en danger d'être suicidés par apoptose : une cinquième colonne est lancée, suivie par une avant-garde d'agents toxiques ; intervient alors une armée de spadassins prêts à tout, même à l'extermination. Les sicaires armés jusqu'aux dents décident d'un génocide neuronal et organisent sciemment un accident vasculaire cérébral ou préfèrent une extermination plus douce en déclenchant un processus de type Alzheimer. Je ne me lasse pas non plus de visualiser certains neurones canifiés lapant gentiment leur calcium lorsque le glutamate les berce de bonnes paroles, mais s'empiffrant jusqu'à s'étouffer lorsque ce dernier se fâche, choisissant le suicide si k harcèlement glutamatergique persiste, et entraînant parfois leurs petits copains du voisinage dans un hara-kiri collectif. Même quand il est au plus noir, je ne résiste pas à l'humour de Stephen. Mais l'ouvrage de Stephen Stahl a encore bien d'autres qualités. La première est sa capacité à colliger des informations provenant de tous les horizons, et à synthétiser le tout dans un ensemble d'une actualité hallucinante. Comment ce diable d'homme peut-il arriver tout seul à dominer autant de sujets aussi variés, pour rester à la pointe de la recherche neurobiologique et psychopharmacologique ? Cette question reste un mystère complet à mes yeux. On apprend tout, et plus encore, sur la dépression, l'anxiété, la psychose, l'insomnie, la maladie d'Alzheimer, les désordres alimentaires, la toxicomanie, et même... le sexe.
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L'humour plein de sérieux de la psychopharmacologie Et que le lecteur se rassure, il ne s'agit pas simplement de glaner, digérer et resservir — même avec talent — l'ensemble des données disponibles en psychopharmacologie. Ne nous leurrons pas, il s'agit aussi d'un livre de science-fiction qui par moments étonnerait même Azimov. Stephen Stahl en effet ne se contente pas de nous donner accès au meilleur de la science, il lance des idées, décoiffantes parfois, stupéfiantes souvent. Loin des effets de mode, il se permet par exemple, et dans plusieurs chapitres, d'aller à l'encontre des idées reçues. Pat exemple, la doctrine habituelle en psychopharmacologie — et je confesse l'avoir véhiculée — est celle de la monothérapie. Enfin bon.,. si possibles Pragmatique, en bon Américain californien qu'il est, Stephen observe que les ordonnances de nos confrères, et même les miennes, alignent sans vergogne des médicaments pour le moins variés et parfois s'autorisent certaines associations pour le moins paradoxales. Et plutôt que de condamner a priori, il se pose la question : « et si tout cela avait un sens ? ». Au fond, l'argument est simple : si dans des maladies finalement aussi simples, presque monosymptomatiques comme le SIDA ou le cancer, on prescrit, et à raison, des tri-, voire des quadrithérapies, comment imaginer que face à des processus aussi complexes que la schizophrénie, avec ses signes positifs, négatifs, ses atteintes affectives, motrices, intellectuelles, oui, comment imaginer qu'une seule et unique thérapie pourrait suffire ? Même chose pour la maladie d'Alzheimer. Et notre gentil auteur se met à rêver, propose des mariages moléculaires, des unions pharmacologiques, des alliances pharmaco-stratégiques... Je crois que si j'étais un dirigeant dans l'industrie pharmaceutique, j'obligerais mes chercheurs à lire cet ouvrage et, surtout, à tester sans attendre les hypothèses stahliennes. Bref, et en un mot, au risque de me répéter, à un moment où généralement les traducteurs en ont assez, après de longs mois de trahison, je dis et redis que cet ouvrage est un must — le Lancet et l' American Journal of Psychiatry l'ont d'ailleurs placé au top. Tout psychiatre prescripteur responsable, tout généraliste curieux, tout étudiant en médecine et en biologie devrait en urgence l'adopter comme livre de chevet.
SOMMAIRE
Préface, par S. Stahl
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L'humour plein de sérieux de la psychopharmacologie de Stephen M. Stahl, ou de l'art d'enseigner sans ennuyer, par P. Lemoine
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Chapitre 1 Principes de neurotransmission chimique Chapitre 2 Récepteurs et enzymes, cibles de l'action des médicaments
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Chapitre 3 Propriétés spéciales du récepteur
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Chapitre 4 Neurotransmission chimique, médiateur de l'action des maladies
Chapitre 5 Dépression et trouble bipolaire
99
135
Chapitre 6 Antidépresseurs classiques, inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine et inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline
199
Chapitre 7 Antidépresseurs nouveaux et thymorégulateurs
245
Chapitre 8 Anxiolytiques et sédatifs - hypnotiques
297
Chapitre 9 Traitements médicamenteux du trouble obsessionnel-compulsif, du trouble panique et des troubles phobiques
335
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Sommaire
Chapitre 10 Psychoses et schizophrénie
365
Chapitre 11 Neuroleptiques et antipsychotiques
401
Chapitre 12 Psychostimulants ; médicaments de la mémoire et éveillants
459
Chapitre 13 Psychopharmacologie de la récompense et de l'abus de drogue
499
Chapitre 14 Spécificité de la psychopharmacologie en fonction du genre ; psychopharmacologie de la fonction sexuelle
539
Suggestions de lecture
569
Index
575
Post-test de formation médicale continue (FMC) de psychopharmacologie
CHAPITRE
1
PRINCIPES DE NEUROTRANSMISSION CHIMIQUE
I. La synapse II. Les trois dimensions de la neurotransmission A. Dimension spatiale : le système nerveux, entité anatomique B. Dimension spatiale : le système nerveux, entité neurochimique C. Dimension temporelle : signaux d'apparition rapide et signaux d'apparition lente D. Dimension fonctionnelle : événements présynaptiques E. Dimension fonctionnelle : événements postsynaptiques III. Les différents neurotransmetteurs A. Pharmacopée divine B. Cotransmetteurs IV. Neurobiologie moléculaire V Neurodéveloppement et plasticité neuronale VI. Résumé La psychopharmacologie moderne est en grande partie liée à l'histoire de la neurotransmission chimique. Afin de comprendre l'action des médicaments sur le cerveau, de saisir l'impact des maladies sur le système nerveux central (SNC) et d'interpréter les conséquences comportementales des médicaments à visée psychiatrique, il est nécessaire de connaître le langage et les principes de la neurotransmission. Son importance ne doit cependant pas être surestimée par l'étudiant en psychopharmacologie, même si ce qui suit dans ce chapitre constitue le fondement du livre dans son entier et la « carte routière » d'un voyage au coeur de l'une des questions les plus enthousiasmantes de la science contemporaine : comment les psychotropes agissent-ils sur le SNC ? La synapse C'est au niveau de la synapse, zone de connexion de deux neurones, que la neurotransmission chimique est la mieux connue. Les neurones sont en effet organisés de façon à s'échan1
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Psychopharmacologie ger des informations par son intermédiaire. La Fig. 1-1 est une représentation artistique de la manière dont un neurone est organisé pour envoyer une information synaptique. Ceci se fait au moyen des ramifications terminales d'un long axone prêtes à établir un contact avec d'autres neurones. La Fig. 1-2, à l'inverse, montre comment un neurone est organisé pour recevoir des informations synaptiques sur ses dendrites, son soma et son axone. La synapse est schématiquement agrandie dans la Fig. 1-3, où est représentée la structure spécialisée permettant la neurotransmission chimique.
Les trois dimensions de la neurotransmission
La neurotransmission peut être décrite selon trois dimensions : spatiale, temporelle et fonctionnelle.
FIBRES DE LA TERMINAISON AXONA
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CORPS CELLULAIRE
FIGURE 1-1. Vue d'artiste sur la façon dont un neurone est organisé pour envoyer une information synaptique. Cela se fait au moyen des ramifications terminales d'un axone Long. Chaque terminaison axonale est potentiellement apte à établir des contacts présynaptiques avec d'autres neurones. Le dessin montre également le corps cellulaire qui est le centre de commande du neurone, au sein duquel se trouve le noyau de la cellule, et qui traite les informations entrantes et sortantes. Les dendrites sont organisées en grande partie pour capturer l'information issue d'autres neurones (voir aussi Fig. 1-2).
Principes de neurotransmission chimique
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ÉPINES DENDRITIQUES DENDRITES
CORPS CELLULAIRE
FIGURE 1-2. Organisation d'un neurone pour recevoir l'information synaptique. Le signal présynaptique venant d'un autre neurone est reçu au niveau postsynaptique en plusieurs sites, les dendrites plus particulièrement, et souvent au niveau de structures spécialisées appelées les épines dendritiques. Parmi les autres sites neuronaux postsynaptiques destinés à recevoir les signaux présynaptiques d'autres neurones, on compte le corps cellulaire et la terminaison axonale.
Dimension spatiale : le système nerveux, entité anatomique Classiquement, le système nerveux central a été décrit comme étant formé de séries de câblages permettant la connexion synaptique interneuronale, à l'image des lignes téléphoniques faites de milliers et milliers de câbles (Fig. 1-4). C'est le système nerveux central en tant qu'entité anatomique, qui représente un schéma extrêmement complexe de câbles transmettant des impulsions électriques partout où il est connecté (par l'intermédiaire des synapses). On estime le nombre de neurones à 100 milliards, ce qui fait plus de 100 000 milliards de synapses dans un cerveau humain.
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Psychopharmacologie
NEURONE PRÉSYNAPTIQUE
MITOCHONDRIE
VÉSICULES
NEURONE POSTSYNAPTIQUE
FENTE SYNAPTIQUE
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N
FIGURE 1-3. La structure spécialisée permettant la neurotransmission chimique est représentée dans cette synapse schématiquement agrandie. Un neurone présynaptique envoie spécifiquement sa terminaison axonale vers un neurone postsynaptique pour former une synapse. L'énergie nécessaire à ce processus est fournie par les mitochondries du neurone présynaptique. Le neurotransmetteur chimique est stocké dans de petites vésicules, prêt à être libéré sur ordre du neurone présynaptique. La fente synaptique est la connexion entre le neurone présynaptique et le neurone postsynaptique. Des récepteurs sont présents de chaque côté de la fente ; ce sont des éléments essentiels à la neurotransmission chimique. Les neurones envoient des impulsions électriques d'un point à l'autre de la même cellule via leur axone, mais celles-ci ne sont pas transmises directement à un autre neurone. La communication intemeuronale se fait lorsqu'un neurone envoie un messager chimique — ou neurotransmetteur à un second neurone. La synapse est fréquemment, mais pas exclusivement, le point de connexion où cela se produit (voir Fig. 1-3). La communication entre les neurones est donc chimique et non électrique. Plus précisément, une impulsion électrique émise par le premier neurone est convertie en un signal chimique au niveau de la synapse, située entre le premier et le second neurone. Ce processus est donc appelé neurotransmission chimique. Cela se produit de façon prédominante dans une direction, de la terminaison axonale dite présynaptique vers n'importe quel site d'un second neurone dit postsynaptique. Toutefois, il est de plus en plus établi que le neurone postsynaptique peut « répondre » au neurone présynaptique grâce à un messager propre, un neurotransmetteur qui pourrait être le monoxyde d'azote. La fréquence et l'étendue d'une telle intercommunication devraient un
Principes de neurotransmission chimique
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AXONES DES NEURONES \PRÉSYNAPTIQUES
SYNAPSE
ARBRE DENDRITIQUE DU NEURONE POSTSYNAPTIQUE
FIGURE 1-4. Le système nerveux en tant qu'entité anatomique est formé de séries de câblages permettant la connexion synaptique interneuronale, à l'image des lignes téléphoniques faites de milliers et milliers de câbles. Cette figure représente un câble fait d'axones issus de nombreux neurones différents, établissant tous des connexions synaptiques avec l'arbre dendritique du neurone postsynaptique. jour permettre de déterminer la façon dont la synapse fonctionne. C'est ainsi que, par exemple, un « exercice » mental induirait des changements progressifs de la structure de la synapse, favorisant la neurotransmission à ce niveau (voir Fig. 1-3).
Dimension spatiale : le système nerveux, entité neurochimique Plus récemment, une neurotransmission non synaptique a été décrite et appelée neurotransmission non synaptique par diffusion. Les messagers chimiques envoyés d'un neurone à l'autre diffusent vers des sites éloignés de la synapse. Ainsi la neurotransmission se produit au niveau de sites compris dans le rayon de diffusion du neurotransmetteur, à l'image des
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Psychopharmacologie télécommunications avec les téléphones cellulaires qui fonctionnent dans le rayon de transmission d'un appareil donné (Fig. 1-5). Ce concept dans lequel la neurotransmission est faite de « bouffées » chimiques est donc appelé entité neurochimique du système nerveux (chemically addressed nervous system). Le cerveau apparaît non seulement comme un ensemble de câbles mais aussi comme une « soupe chimique » sophistiquée. Cette notion d'entité neurochimique du système nerveux est particulièrement importante pour comprendre l'action des psychotropes qui se fixent sur les récepteurs de divers neurotransmetteurs, du fait que de telles substances agissent partout où le récepteur approprié est présent et pas uniquement sur les récepteurs anatomiquement reliés aux synapses.
Dimension temporelle : signaux d'apparition rapide et signaux d'apparition lente Certains signaux des neurotransmetteurs surviennent très rapidement, en quelques millisecondes, après la fixation au récepteur. Deux exemples remarquables de signaux rapides sont fournis par le glutamate et l'acide gamma-aminobutyrique (GABA). Le glutamate est un neurotransmetteur qui excite universellement la plupart des neurones, tandis qu'à l'inverse, le GABA inhibe universellement la plupart des neurones (Fig. 1-6). Tous les deux sont des neurotransmetteurs chimiques d'action rapide, induisant une variation du flux ionique qui modifie en quelques millisecondes l'excitabilité neuronale. D'autre part, les signaux d'autres neurotransmetteurs peuvent mettre plus de temps à faire effet, de l'ordre de plusieurs millisecondes jusqu'à éventuellement plusieurs secondes. Comme les signaux à apparition lente (slow-onset signais) peuvent persister suffisamment longtemps pour agir sur une neurotransmission donnée et la moduler par une autre neurotransmission, on appelle parfois ces neurotransmetteurs des neuromodulateurs (voir Fig. 16). Un signal neuromodulateur d'apparition lente mais de longue durée peut agir sur un neurone et l'influencer non seulement par son action propre, mais aussi en modifiant la neurotransmission d'un second messager chimique envoyé avant le premier signal. La noradrénaline et la sérotonine figurent parmi les neurotransmetteurs d'apparition lente et d'action de longue durée, de même que différents neuropeptides. Bien que leurs signaux puissent mettre plusieurs secondes à se développer, les cascades biochimiques qu'ils provoquent peuvent durer plusieurs jours.
Dimension fonctionnelle : événements présynaptiques La troisième dimension de la neurotransmission chimique est fonctionnelle, ce qui signifie que la cascade d'événements moléculaires et cellulaires est mise en oeuvre par un processus de transmission de signaux chimiques. Les événements sont d'abord présynaptiques, puis postsynaptiques. Une impulsion électrique dans le premier neurone (présynaptique) est convertie en un signal chimique au niveau de la synapse par un processus appelé couplage excitation-sécrétion. Lorsqu'une impulsion électrique arrive à la terminaison de l'axone présynaptique, elle provoque la libération du neurotransmetteur stocké à ce niveau (voir Fig. 1-3). Les impulsions électriques ouvrent les canaux ioniques, par exemple les canaux calciques et les canaux sodiques, dépendants du voltage, en modifiant la charge en ions à travers les membranes neuronales. Un flux d'ions calcium pénètre dans le neurone et provoque l'ancrage des vésicules synaptiques à la face interne de la membrane plasmatique. Celles-ci déversent (libèrent) ensuite leur contenu chimique dans la synapse. Cette communication chimique est préparée en amont par la synthèse et le stockage préalables du neurotransmetteur dans la terminaison axonale du neurone présynaptique.
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FIGURE 1-5. Conceptualisation du système nerveux en tant qu'entité chimique. Deux synapses reliées anatomiquement (neurones A et B) sont représentées en train de communiquer (flèche 1) avec leurs récepteurs postsynaptiques correspondants (a et b). Toutefois, des récepteurs du neurotransmetteur a, du neurotransmetteur b et du neurotransmetteur c se trouvent à distance de la connexion synaptique du système nerveux anatomiquement relié. Si le neurotransmetteur A diffuse à partir de sa synapse avant d'être détruit, il va pouvoir interagir avec d'autres récepteurs situés à distance (flèche 2). Si ce neurotransmetteur A rencontre un récepteur différent qui ne peut le reconnaître (récepteur c), il n'interagira pas avec lui quand bien même il diffuse vers lui (flèche 3). Ainsi, un messager chimique envoyé d'un neurone vers un autre peut se répandre par diffusion vers un site localisé à distance de sa synapse. Le phénomène de neurotransmission peut donc se produire au niveau d'un récepteur compatible situé dans le rayon de diffusion du neurotransmetteur appareillé. Tout cela peut être comparé aux moyens modernes de communication à l'aide des téléphones cellulaires qui fonctionnent dans le rayon d'émission d'un élément donné. Ce concept est celui du système nerveux en tant qu'entité chimique au sein duquel la neurotransmission se fait par « bouffées » chimiques. Le cerveau n'est donc pas seulement une collection de câbles (voir Fig. 1-2 et le système nerveux en tant qu'entité anatomique), mais aussi une « soupe chimique » sophistiquée (voir Fig. 1-3 et le système nerveux en tant qu'entité chimique). 7
monoamines/ neuropeptides (modulateurs)
glutamate (excitateur)
GABA (inhibiteur)
FIGURE 1-6. Certains signaux de neurotransmetteurs surviennent très rapidement (neurones lièvres A et C), en quelques millisecondes, alors que d'autres sont lents à apparaître (neurone tortue B). Le neurotransmetteur glutamate (neurone A) est d'apparition rapide et est excitateur (+), tandis que le neurotransmetteur GABA (neurone C) est d'apparition rapide et est inhibiteur (—). Par contraste aux signaux rapides du glutamate et du GABA, la neurotransmission dépendant des neurotransmetteurs appelés monoamines et neuropeptides est d'apparition lente (neurone B) et soit excitatrice (+) soit inhibitrice (—). Dans ce contexte, un signal rapide signifie un signal apparaissant en quelques millisecondes, tandis qu'un signal lent se produit en plusieurs millisecondes, voire en quelques secondes. Les neurotransmetteurs lents peuvent néanmoins avoir une action de longue durée. On les appelle parfois neuromodulateurs car ils sont capables de moduler un signal différent induit par un autre neurotransmetteur. Sur cette figure, trois neurones (A, B et C) sont en train d'établir une transmission vers une dendrite d'un même neurone. Si le signal lent de B est encore présent lorsque le signal de A ou de C arrive, le signal B modulera l'un ou l'autre de ces derniers. Ainsi, le signal de neuromodulation d'action longue du neurone B va « mettre au diapason » le neurone postsynaptique, non seulement au travers d'une action propre, mais aussi en modifiant l'action des neurones A et C.
II
Principes de neurotransmission chimique
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Les neurones à neurotransmetteurs monoaminergiques fabriquent non seulement les neurotransmetteurs eux-mêmes, mais aussi les enzymes nécessaires à la synthèse des monoamines (Fig. 1-7), les récepteurs pour leur recapture et leur régulation (Fig. 1-8), et les vésicules synaptiques contenant le neurotransmetteur. Pour cela, ils reçoivent des instructions du « centre de commande », sorte de quartier général, c'est-à-dire le noyau cellulaire qui contient l'acide désoxyribonucléique (ADN). Cette activité a lieu dans le corps cellulaire, mais ensuite les neurones présynaptiques monoaminergiques envoient tous ces éléments dans les terminaisons présynaptiques, véritables « postes avancés » de ce neurone dans le cerveau (voir Fig. 1-1 à 1-3, 1-7, 1-8). Le neurotransmetteur est ensuite concentré et stocké dans les vésicules du neurone présynaptique, comme un pistolet chargé prêt à tirer. Du fait de la présence dans les terminaisons axonales du matériel enzymatique de synthèse (voir Fig. 1-7), une plus grande quantité de monoamines peut y être produite. De plus, une pompe pour la recapture des monoamines présente au niveau présynaptique (voir Fig. 1-8) permet de capturer et de réutiliser les monoamines utilisées dans telle neurotransmission pour telle autre neurotransmission. Tel est le cas pour la neurotransmission utilisant des neuropeptides (Fig. 1-9). Dans le cas des neuropeptides, la synthèse présynaptique des neurotransmetteurs a lieu uniquement dans le corps cellulaire car la machinerie complexe de synthèse des neuropeptides n'est pas présente dans la terminaison axonale. La synthèse d'un neuropeptide spécifique commence avec un gène pré-propeptide dans le noyau cellulaire (voir Fig. 1-9). Ce gène est transcrit en acide ribonucléique (ARN) primaire pouvant être modifié, ou « corrigé », pour la création de différentes versions de l'ARN appelées « variants d'épissage alternatif » comme l'ARN pré-propeptide. Ensuite, cet ARN est transcrit en pré-propeptide qui entre dans le réticulum endoplasmique (voir Fig. 1-9). C'est le « précurseur du précurseur » ; on dit parfois aussi « grandparent » du neurotransmetteur neuropeptidique. Ce pré-propeptide grand-parent neuropeptidique possède un peptide « queue », appelé peptide signal, qui permet l'entrée du pré-propeptide dans le réticulum endoplasmique, où la queue est coupée par une enzyme appelée peptidase signal formant le propeptide ou « parent » du neuropeptide. Le propeptide est le précurseur direct du neuropeptide neurotransmetteur. Ce propeptide parental quitte ensuite le réticulum endoplasmique et entre dans les vésicules synaptiques, où il est finalement transformé en neuropeptide par une enzyme appelée convertase. Puisque seules les vésicules synaptiques contenant le neuropeptide neurotransmetteur sont transportées le long de l'axone jusqu'à la terminaison, mais pas la machinerie enzymatique de synthèse, aucune synthèse du neuropeptide neurotransmetteur ne peut avoir lieu localement au niveau de la terminaison axonale. Il ne semble pas exister de pompe de recapture des neuropeptides, et donc une fois libérés, il n'y a pas de recapture pour une nouvelle utilisation (voir Fig. 1-9). Les peptidases mettent fin à l'action des peptides en catabolisant le peptide neurotransmetteur en métabolites inactifs.
Dimension fonctionnelle : événements postsynaptiques Une fois que le neurotransmetteur est libéré par le neurone présynaptique, il s'en va à travers la synapse où il recherche el atteint les sites les plus sélectifs (pour lui) sur les récepteurs du neurone postsynaptique. (Cela sera détaillé dans la section venant après la neurobiologie
SYNTHÈSE ENZYMATIQUE /ADN r NOYAU
CORPS CELLULAIRE
ARNm ----> L'ARNm crée une enzyme
.
stunamcm..-a.
TRANSPORT DE L'ENZYME
NEUROTRANSMETTEUR
ENZYME -----TERMINAISON AXONALE
FIGURE 1-7. Transport axonal des enzymes de synthèse des monoamines à l'intérieur d'un neurone monoaminergique. Les enzymes sont des protéines créées (synthétisées) dans le corps cellulaire, avec pour point de départ le noyau. Une fois synthétisées, les enzymes sont transportées le long de l'axone jusqu'à la terminaison axonale afin de réaliser les fonctions nécessaires à la neurotransmission, comme fabriquer ou détruire des neurotransmetteurs. L'ADN, situé dans le noyau, est le « centre de commande », où les ordres de synthèse des protéines enzymatiques sont exécutés. L'ADN est le modèle à partir duquel a lieu la synthèse de l'ARNm qui à son tour est un modèle pour la synthèse protéique destinée à produire des enzymes selon les règles moléculaires classiques.
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SYNTHÈSE DE RÉCEPTEURS
CORPS CELLULAIRE
--TRANSPORT DU RÉCEPTEUR
RÉCEPTEUR
ENZYME --TERMINAISON AXONALE
LE RECEPTEUR EST INSÉRÉ DANS LA MEMBRANE
FIGURE 1-8. Transport axonal d'un récepteur présynaptique dans un neurone monoaminergique. De façon comparable au processus représenté dans la Figure 1-7, les récepteurs sont également des protéines créées (synthétisées) dans le corps cellulaire du neurone. Les récepteurs eux aussi sont transportés dans diverses régions du neurone, dont la terminaison axonale, où ils sont insérés à la membrane neuronale de manière à assurer diverses fonctions pendant la neurotransmission, comme capturer un neurotransmetteur libéré par un neurone voisin ou réagir à ce neurotransmetteur.
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ARNm pré-propeptide pré-propeptide ry,
gène pré-propeptide
réticulum endoplasmique peptidase signal propeptide convertase vésicule synaptique peptide
et° peptidase catabolique
peptide
métabolite Inactif
FIGURE 1-9. Synthèse d'un neurotransmetteur dans un neurone neuropeptidergique. Cette synthèse se produit seulement dans k corps cellulaire car la machinerie complexe de synthèse de neuropeptides n'est pas transportée dans la terminaison axonale. La synthèse d'un neuropeptide spécifique commence avec la transcription d'un gène pré-propeptide dans le noyau cellulaire. Ce gène est transcrit en ARN primaire pouvant être modifié, ou « corrigé », pour la création de différentes versions de l'ARN appelées variants d'épis sage alternatif tel que l'ARN pré-propeptide. Ensuite, cet ARN est transcrit en pré-propeptide qui entre dans le réticulum endoplasmique, où la queue est coupée par une enzyme appelée peptidase signal formant le propeptide, le précurseur direct du neuropeptide neurotransmetteur. Finalement, le propeptide entre dans les vésicules synaptiques où il est lui-même transformé en neuropeptide. Les vésicules synaptiques contenant le neuropeptide neurotransmetteur sont transportées le long de l'axone jusqu'à la terminaison axonale, dépourvue de pompe de recapture pour le neuropeptide. L'action des peptides est achevée par catabolisme par les peptidases qui fractionnent le peptide neurotransmetteur en métabolites inactifs. 12
Principes de neurotransmission chimique
13
= neurotransmetteur
KAI = récepteur
neurotransmetteur (premier messager)
neurotransmetteur lié
1140 ego:. A trry10111111.1■
0 a Pb1'00 fleek
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système effecteur
second messager /-1-1-1 .- actions cellulaires (effet biologique)
FIGURE 1-10. Évolution fonctionnelle de la neurotransmission au niveau d'un neurone postsynaptique. Le neurotransmetteur libéré par le neurone présynaptique est le premier messager. Il se fixe à son récepteur, puis le neurotransmetteur lié induit au niveau du système effecteur la fabrication d'un second messager. Ce dernier se trouve à l'intérieur du neurone postsynaptique. C'est ce second messager qui est ensuite à l'origine de la constitution des actions cellulaires et des effets biologiques. Un exemple de cela est celui du neurone qui commence à synthétiser une substance chimique qui va modifier son taux de décharge. Ainsi, l'information issue du neurone présynaptique est transmise au neurone postsynaptique -par une cascade d'événements. Il s'agit donc de notre représentation du fonctionnement cérébral — penser, se remémorer, contrôler les mouvements, etc. — à travers la synthèse de substances chimiques et la décharge des neurones cérébraux. moléculaire et dans les Chapitres 2, 3 et 4.) L'occupation du récepteur par le neurotransmetteur se liant à des sites très spécifiques provoque la mise en route des événements postsynaptiques de la neurotransmission chimique (Fig. 1-10). Cette réaction est très semblable à la liaison des enzymes à leur substrat au niveau de leur site actif. Le neurotransmetteur est une sorte de clé ajustée sélectivement à une serrure : le récepteur.
14
Psychopharmacologie
Classiquement, il est admis que le complexe neurotransmetteur-récepteur lance un processus qui transforme le signal chimique en impulsion électrique dans le second neurone. Cela est certainement vrai pour la neurotransmission rapide (fast-onset neurotransmission) et peut aussi expliquer l'action initiale de certains neurotransmetteurs à libération lente (slowonset neurotransmitters). Cependant, on sait désormais que le neurone postsynaptique possède un répertoire de réponses beaucoup plus vaste que le simple changement de polarisation de sa membrane l'entraînant plus ou moins à produire un potentiel d'action. De nombreux processus biochimiques ont lieu en fait au sein du neurone lorsque les neurotransmetteurs occupent ses récepteurs. Certains d'entre eux se produisent en quelques millisecondes, tandis que d'autres mettent plusieurs jours à se développer (Fig. 1-11 à 1-13). Dans le neurone postsynaptique, la neurotransmission chimique débute par l'occupation du récepteur par le neurotransmetteur appelé premier messager. Cela conduit à de nombreux événements intracellulaires, en commençant par la production de messagers supplémentaires (voir Fig. 1-10). Le second messager est chimique et intracellulaire. Il est engendré par le neurotransmetteur premier messager lorsque ce dernier se fixe au récepteur situé à l'extérieur de la cellule, dans la synapse reliant le premier neurone au second. Les meilleurs exemples de second messager sont l'adénosine monophosphate cyclique (AMPc) et le phosphatidyl-inositol. Certains récepteurs sont couplés à un seul type de second messager, tandis que d'autres le sont à plusieurs types. Le signal intracellulaire du second messager peut conduire le second neurone à changer ses flux ioniques, à propager ou à interrompre les impulsions électriques neuronales, à phosphoryler des protéines intracellulaires, ou à réaliser bien d'autres actions encore. Cela se produit à travers une cascade biochimique pouvant éventuellement atteindre le noyau cellulaire et provoquer l'expression de certains gènes ou au contraire leur répression (voir Fig. 1-11). Une fois l'expression génique déclenchée, il se produit alors une seconde cascade biochimique directement liée à l'expression ou à la répression de gènes spécifiques (voir Fig. 1-12). Nombre de ces phénomènes demeurent encore mystérieux. Ces événements de neurotransmission postsynaptique ressemblent, au niveau moléculaire, au «pony express» : l'information chimique, encodée dans le complexe récepteur-neurotransmetteur, circule d'un « cavalier » moléculaire à l'autre jusqu'à ce que le message soit glissé dans la boîte à lettre (ADN) appropriée au sein du génome du neurone postsynaptique (voir Fig. 1-11). Ainsi, la fonction de la neurotransmission chimique n'est pas tant de faire communiquer un neurotransmetteur présynaptique avec ses récepteurs postsynaptiques que de convertir un génome présynaptique en un génome postsynaptique : ADN à ADN ; centre de commande présynaptique à centre de commande postsynaptique. En résumé, le message de neurotransmission chimique est transféré à travers trois voies moléculaires séquentielles de type « pony express » : (1) une voie présynaptique de synthèse du neurotransmetteur, où à partir du génome présynaptique se produisent la synthèse et l'emballage du neurotransmetteur ainsi que des enzymes et des récepteurs (voir Fig 1-7 à 19) ; (2) une voie postsynaptique avec la fixation sur le récepteur et les seconds messagers (voir Fig. 1-10) agissant sur le génome avec mise en route de l'expression de gènes (voir Fig. 111) ; et (3) une autre voie postsynaptique, commençant par des gènes postsynaptiques nouvellement exprimés, puis le transfert d'informations, conséquence biochimique de la fameuse cascade moléculaire à travers le neurone postsynaptique (voir Fig. 1-12). Il est clair désormais que la neurotransmission ne doit pas être résumée à la fixation d'un neurotransmetteur à un récepteur, ou même à la modification de flux ioniques ni même à la seule création de seconds messagers. De tels événements apparaissent et disparaissent pendant des durées de l'ordre de la milliseconde ou de la seconde, une fois le neurotransmetteur présynaptique libéré (voir Fig. 1-13). Le but ultime de la neurotransmission réside dans la
w
MISE EN FONCTION D'UN GÈNE gr en,
FIGURE 1-11. Déclenchement d'une cascade aboutissant à la mise en fonction d'un gène. Le neurotransmetteur se fixe à son récepteur en haut de l'image, créant un second messager. Celui-ci active une enzyme intracellulaire qui contribue à la création de facteurs de transcription (pointes de flèche rouges), lesquels provoquent l'activation du gène (segment d'ADN rouge).
15
neurotransmetteur 0
neurotransmetteur lié
11some,*
récepteur complet
11
0. invagination
et-
Golgi rz
• • • Lqi 0 0 3 ribosome
récepteur protéinique en partie formé lysosome secondaire réticulum endoplasmique
ARNm
ADN noyau
FIGURE 1-12. Comme dans les Figures 1-7 à 1-9, l'ADN, situé dans le noyau, est le « centre de
commande », où les ordres de synthèse protéique sont exécutés. L'ADN est un gabarit pour la synthèse de l'ARNm qui est à son tour le gabarit de la synthèse protéique de façon à fabriquer les récepteurs selon les règles moléculaires classiques. Nous pouvons voir ici la neurobiologie moléculaire de la synthèse de récepteurs. Le processus commence dans le noyau cellulaire où un gène (segment d'ADN rouge) est transcrit 16
activation/inhibition des canaux ioniques
activation des seconds messagers
enzyme activée
réponse synthèse de l'AFIN synthèse protéique `d'une enzyme par exemple)
activité enzymatique\%.
6h
12h
1 jour
10 jours
jours FIGURE 1-13. Évolution dans le temps de la réponse postsynaptique vis-à-vis des neurotransmetteurs présynaptiques. En haut, les actions les plus immédiates sont celles des canaux ioniques ou de la formation du second messager. Puis vient l'activation des enzymes intracellulaires, induisant la transcription des gènes en synthèse de l'ARN. Puis, tout naturellement, vient la traduction de l'ARN en protéines. Ces dernières ont des fonctions, dont l'activité enzymatique. Lorsque l'activité enzymatique a commencé, cela fait déjà des heures que le tout premier événement de neurotransmission a débuté. Une fois mise en route, la modification de l'activité enzymatique peut se maintenir pendant des jours. Ainsi, les effets ultimes de la neurotransmission ne sont pas seulement retardés, ils sont aussi de longue durée.
en ARM messager (flèche 1). Ce dernier se déplace dans le réticulum endoplasmique (flèche 2) où les ribosomes assurent la traduction en protéines de récepteur partiellement formées (flèche 3). L'étape suivante consiste en la transformation des protéines partiellement fonnées en molécules de récepteurs complètes dans l'appareil de Golgi (flèche 4). Les molécules de récepteurs complètes sont des protéines ; elles sont transportées vers la membrane cellulaire (flèche 5) où elles peuvent désormais interagir avec le neurotransmetteur (flèche 6). Le neurotransmetteur se fixe à son récepteur (voir Fig. 1-10). En plus de déclencher le système second messager (voir Fig. 1-10), le neurotransmetteur lié peut également induire la formation d'une invagination de la membrane (flèche 7). Ce processus retire de la circulation le récepteur lié, lorsque le neurone souhaite voir diminuer le nombre de récepteurs disponibles. Ce phénomène peut être inversé ou alors il peut être poursuivi dans les lysosomes (flèche 8), siège de la destruction des récepteurs (flèche 9). Ce processus est utile pour supprimer les vieux récepteurs pouvant ainsi êtré remplacés par de nouvelles versions issues de l'ADN du noyau cellulaire. 17
18
Psychopharmacologie modification profonde et durable des activités biochimiques du neurone postsynaptique cible. Puisque l'ADN postsynaptique doit attendre que les messagers moléculaires du «pony express » se soient frayé un chemin depuis les récepteurs postsynaptiques, souvent situés sur les dendrites, jusqu'au noyau neuronal, cela prend forcément du temps pour que la neurotransmission puisse enfin commencer à modifier les processus biochimiques du neurone postsynaptique cible (voir Fig. 1-13). 11 faut habituellement des heures entre la fixation du neurotransmetteur sur le récepteur et son expression génique. De plus, comme le dernier messager, appelé facteur de transcription et déclenché par la neurotransmission, ne provoque que le tout début de l'action du gène (voir Fig. 1-11), il faut encore des heures à l'activation génique pour être totalement mise en oeuvre à travers les événements biochimiques qu'elle déclenche (voir Fig. 1-12 et 1-13). Ces événements biochimiques peuvent ne débuter que des heures, voire des jours après que la neurotransmission a eu lieu, et par la suite ils peuvent encore durer pendant des jours ou des semaines (voir Fig. 1-13). Ainsi, la courte bouffée de neurotransmission biochimique d'un neurone présynaptique peut déclencher une profonde réaction postsynaptique, laquelle mettra des heures à se développer et durera des jours, des semaines ou davantage. Chaque élément de l'ensemble du processus de neurotransmission chimique peut être modifié par les psychotropes. Ils agissent, pour la plupart, sur le processus de contrôle de la neurotransmission chimique, soit au niveau du neurotransmetteur lui-même, soit au niveau des enzymes et, plus particulièrement, des récepteurs. Indubitablement, les psychotropes du futur agiront directement sur les cascades biochimiques, et en particulier sur les éléments de contrôle de l'expression des gènes pré- et postsynaptiques. Selon le même raisonnement, les maladies mentales et neurologiques affectent (ou sont suspectées d'affecter) elles aussi les mêmes aspects de la neurotransmission chimique.
Les différents neurotransmetteurs On connaît à l'heure actuelle plusieurs douzaines de neurotransmissions et de neurotransmetteurs candidats dans le cerveau (Tableau 1—I). En considérant théoriquement la quantité de matériel génétique détenue par les neurones, il pourrait exister des centaines voire des milliers de substances chimiques propres au cerveau. Au départ, environ une demi-douzaine de neurotransmetteurs « classiques » était identifiée. Ces dernières années, un nombre toujours croissant de ces substances a été découvert. Les neurotransmetteurs classiques sont des amines ou des acides aminés de relativement bas poids moléculaire. Mais, actuellement, nous savons que des chaînes d'acides aminés appelés peptides peuvent avoir aussi des actions en tant que neurotransmetteurs. De nombreux neurotransmetteurs récemment découverts sont effectivement des peptides, dénommés spécifiquement neuropeptides (voir Fig. 1-9). Pharmacopée divine Certains neurotransmetteurs naturels peuvent être similaires aux psychotropes que nous utilisons. Par exemple, il est bien connu que le cerveau produit sa propre morphine (la bêta-endorphine) et sa propre marijuana (l'anandamide). Le cerveau peut même fabriquer ses propres antidépresseurs, anxiolytiques ou hallucinogènes, et les psychotropes imitent souvent les neurotransmetteurs cérébraux naturels. Fréquemment, on découvre les drogues avant les neurotransmetteurs naturels. La morphine était connue avant la découverte de la bêta-endorphine ; la marijuana avant les récepteurs cannabinoïdes et l'anandamide ; les benzodiazépines diazépam (Valium®) et alprazolam (Xanax®) avant les récepteurs benzodiazépiniques ; les antidépresseurs amitriptyline (Laroxyl®, Elavil®) et fluoxétine (Prozac®) avant le site de transport de la sérotonine. Tout cela souligne ce qui
Principes de neurotransmission chimique
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Tableau 1-1. Neurotransmetteurs cérébraux Amines Sérotonine (5HT) Dopamine (DA) Noradrénaline (NA, norépinéphrine) Adrénaline (Ad) Acétylcholine (Ach) Tyramine Octopamine Phényléthylamine Tryptamine Mélatonine Histamine Peptides hypophysaires Corticotropine (ACTH) Hormone de croissance (GH, growth hormone) Lipotropine Alpha-melanocyte-stimulating hormone (alpha-MSH) Ocytocine Vasopressine Thyroid-stimulating hormone (TSH) Prolactine Hormones circulantes Angiotensine Calcitonine Glucagon Insuline Leptine Peptide atrial natriurétique (Estrogènes Androgènes Progestérone Hormones thyroïdiennes Hypothalamic-releasing hormones Corticotropin-releasing factor (CRF) Gonadotropin-releasing hormone (GnRH) Somatostatine Thyrotropin-releasing hormone (TRH)
Acides aminés Acide gamma-aminobutyrique (GABA) Glycine Acide glutamique (glutamate) Acide aspartique (aspartate) Gamma-hydroxybutyrate Hormones intestinales Cholécystokinine (CCK) Gastrine Mouline Polypeptide pancréatique Sécrétine Peptide intestinal vasomoteur (VII', vasoactive intestinal peptide) Peptides opioïdes Dynorphine Bêta-endorphine Met-enképhaline Leu-enképhaline Kyotorphine Peptides divers Bombésine Bradykinine Carnosine Neuropeptide Y Neurotensine Delta sleep factor Galanine Oxérine Gaz Monoxyde d'azote (ou oxyde nitrique, NO) Monoxyde de carbone (CO) Lipide neurotransmetteur Anandamide Neurokinines/tachykinines Substance P Neurokinine A Neurokinine B
a été dit plus haut, à savoir que la grande majorité des substances qui agissent sur le SNC agissent sur le processus de neurotransmission. Ceci arrive quelquefois même d'une façon qui souvent reproduit ou mime des actions du cerveau lorsqu'il se sert de ses propres produits chimiques.
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Psychopharmacologie
Cotransmetteurs On pensait à l'origine que chaque neurone utilisait un seul neurotransmetteur et cela au niveau de toutes ses synapses. De nos jours, nous savons désormais que de nombreux neurones recèlent plus d'un neurotransmetteur (Tableau 1—II). C'est ainsi que le concept de cotransmission a émergé. Il implique souvent une monoamine couplée à un neuropeptide. Sous certaines conditions, la monoamine est libérée seule ; sous d'autres conditions, les deux produits sont libérés, augmentant le répertoire des options de la neurotransmission chimique pour ce type de neurones. De façon incroyable, le neurone utilise une certaine « polymédication » propre. Derrière l'utilisation et l'action de nombreux psychotropes, tout un raisonnement a été construit à partir de la conception du neurone n'utilisant qu'un neurotransmetteur, et de l'idée que plus une substance est sélective, plus elle semble pouvoir modifier la neurotransmission. Cela semble vrai jusqu'à un certain point. En fait, nous savons maintenant que la fonction physiologique de nombreux neurones est une fonction de communication à l'aide de plusieurs neurotransmetteurs. Il peut donc être nécessaire d'utiliser les actions d'un psychotrope polyvalent pour remplacer ou modifier une neurotransmission anormale. Si le neurone lui-même pratique la polymédication, peut-être le psychopharmacologue devrait-il faire de même. De nos jours, il manque encore une base de raisonnement pour se servir de l'action de psychotropes spécifiques et multiples comme dans le cas de la cotransmission, et nombre de polymédications sont empiriques ou même irrationnelles. Plus notre compréhension de la cotransmission progressera, plus les psychotropes à action multiple pourront avoir des applications cliniques. Cela, en fait, expliquerait pourquoi les utilisations de substances à mécanismes multiples — ou la combinaison de tels produits — sont, dans la pratique psychopharmacologique, la règle et non l'exception. Toute la difficulté est d'en trouver la rationalité.
Tableau 1—II. Colocalisation des transmetteurs
Amines/Acides aminés Dopamine Dopamine Noradrénaline Noradrénaline Noradrénaline Adrénaline Sérotonine Sérotonine Sérotonine Acétylcholine Acétylcholine Acétylcholine Acétylcholine Acétylcholine Acide gamma-aminobutyrique (GABA) Acide gamma-aminobutyrique (GABA)
Peptides Enképhaline Cholécystokinine Somatostatine Enképhaline Neurotensine Enképhaline Substance P-
Thyrotropin-releasing hormone Enképhaline Peptide intestinal vasomoteur Enképhaline Neurotensine
Luteinizing-hormone-releasing hormone Somatostatine Somatostatine Motiline
Principes de neurotransmission chimique
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Neurobiologie moléculaire
elle"
Comme nous l'avons dit plus haut, le but de la neurotransmission chimique est de modifier le fonctionnement des neurones postsynaptiques cibles. Pour appréhender les conséquences à long terme de la neurotransmission chimique sur le neurone postsynaptique (par exemple voir Fig. 1-13), il faut comprendre les mécanismes moléculaires de régulation de l'expression génique par la neurotransmission. On estime la taille du génome humain à 80 000 à 100 000 gènes, au sein de trois millions de paires de bases d'ADN, situés sur les 23 chromosomes. De façon étonnante, les gènes ne représentent que 3 p. 100 du matériel ADN. On ne sait pas à quoi servent les 97 p. 100 restants, mais on peut raisonnablement supposer qu'ils ont malgré tout une raison d'exister. Il faudra sans doute attendre l'achèvement du Projet de séquençage du Génome Humain, qui tente de séquencer l'ensemble des 3 millions de paires de bases d'ici quelques années, pour mieux comprendre la fonction de tout cet ADN. Une fois que l'ADN sera séquencé, il deviendra plus facile d'établir sa fonction. La fonction générale de divers gènes dans l'ADN cérébral est solidement établie : ils contiennent toute l'information nécessaire à la synthèse de protéines entrant dans la composition de structures impliquées dans les fonctions spécialisées des neurones. En fin de compte, si la neurotransmission chimique active les gènes adéquats, toutes sortes de modifications vont avoir lieu dans la cellule postsynaptique. Il s'agit en particulier de la fabrication, la consolidation et la destruction de synapses ; de la stimulation du bourgeonnement des axones ; et de la synthèse de diverses protéines, enzymes et récepteurs qui régulent la neurotransmission dans la cellule cible. Comment la neurotransmission régule-t-elle l'expression génique ? Nous avons déjà discuté la façon dont la neurotransmission chimique convertit l'occupation du récepteur par un neurotransmetteur en la création d'un second messager (voir Fig. 1-10), puis en l'activation d'enzymes qui à leur tour sont à l'origine de facteurs de transcription qui activent des gènes (voir Fig. 1-11). La plupart des gènes possèdent deux régions, l'une dite codante, l'autre régulatrice (Fig. 1-14). La région codante est le modèle à partir duquel l'ARN est fait à l'aide d'une enzyme appelée ARN polymérase. Toutefois, l'ARN polymérase doit être activée, sinon elle n'est pas fonctionnelle. Par chance, la zone régulatrice du gène peut provoquer ce phénomène. Le gène possède un élément activateur et un élément promoteur (voir Fig. 1-14), qui peuvent démarrer l'expression génique à l'aide de facteurs de transcription. Ces derniers sont activés lorsqu'ils sont phosphorylés, ce qui leur permet de se lier à la région régulatrice du gène (Fig. 1-15). L'ARN polymérase est alors activée à son tour, et la partie codante du gène de transcription crée alors l'ARNm (Fig. 1-16). Bien sûr, une fois que l'ARN est transcrit, il se traduit luimême en protéine correspondante (voir Fig. 1-16). Si de telles transformations dans l'expression génique provoquent des modifications au niveau des connexions et des fonctions gérées par ces dernières, on peut facilement comprendre que les gènes peuvent modifier le comportement. Le fonctionnement neuronal est contrôlé par des gènes et les substances dont ils assurent la production, de même que le comportement issu de ce fonctionnement neuronal. Comme les processus mentaux et le comportement qui en est dérivé naissent des connexions entre neurones cérébraux, on conçoit que les gènes puissent agir sur le comportement. Mais ce dernier peut-il modifier les gènes ? On sait que l'apprentissage, de même que les expériences avec l'environnement, peuvent modifier l'expression des gènes et donc conduire à des changements au niveau des connexions neuronales. Dans cette perspective, les expériences humaines, l'éducation et même une psychothérapie peuvent changer l'expression des gènes qui modifient la répartition et la « force » de connexions synaptiques spécifiques. Cela peut alors provoquer des changements comportementaux à long terme, engendrés par l'expérience originale via des changements génétiques
noyau cellulaire
protéine kinase
facteur de transcription - (inactif)
gène
ARN polymérase (inactive)
activateur
le gène est « éteint »
FIGURE 1-14. Activation d'un gène, première partie. Ici, le gène est .« éteint ». Les éléments de son activa-
tion sont la protéine kinase (une enzyme), un facteur de transcription, l'ARN polymérase (une autre enzyme) et le gène lui-même. Ce gène est « éteint » parce que le facteur de transcription n'a pas encore été activé. Le gène possède une région régulatrice et une région codante. La région régulatrice possède un élément activateur et un élément promoteur, point de départ de l'expression génique par leur interaction avec les facteurs de transcription activés. La région codante est directement transcrite en ARN correspondant une fois que le gène est activé.
noyau cellulaire
facteur de transcription activé
FIGURE. 1-15. Activation d'un gène, deuxième partie. Le facteur de transcription est maintenant activé car il a été phosphorylé par la protéine kinase, ce qui lui a permis de se lier à la région régulatrice du gène. 22
Principes de neurotransmission chimique
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alleprotéine FIGURE 1-16. Activation d'un gène, troisième partie. Le gène lui-même est désormais activé car le facteur de transcription s'est lié à sa région régulatrice, ce qui active ensuite l'enzyme ARN polymérase. Ainsi, le gène est transcrit en ARNm, qui à son tour est traduit en sa protéine correspondante. Cette protéine est donc le produit de l'activation de ce gène particulier. que cette expérience déclenche. On peut donc dire que les gènes modifient le comportement et vice versa. Des exemples spécifiques sont fournis par les enzymes (voir Fig. 1-7) et les récepteurs (voir Fig. 1-8), qui sont des protéines codées par les gènes neuronaux et synthétisées lorsque le gène approprié est mis en route (voir aussi Fig. 1-12). Pour saisir totalement la fonction du récepteur, il est nécessaire de connaître la nature exacte de la protéine qui forme ce récepteur, à partir de sa séquence d'acides aminés. Pour ce faire, on peut cloner le récepteur avec des techniques moléculaires courantes. Ce sont des différences mineures de structure qui permettent d'expliquer les distinctions entre récepteurs dans différentes espèces (par exemple entre l'homme et les animaux de laboratoire), dans certaines maladies (c'est-à-dire, récepteurs sains versus récepteurs « malades »), et parmi les sous-types pharmacologiques de récepteurs (c'est-à-dire, les récepteurs sur lesquels se fixent les mêmes neurotransmetteurs mais de façon différente et avec une gamme étendue de propriétés pharmacologiques différentes). Nous verrons cela en détail dans le Chapitre 2. En révélant aux scientifiques la structure du récepteur, les techniques de neurobiologie moléculaire éclairent son fonctionnement. Ces connaissances permettent aux chimistes d'affiner leurs recherches sur les récepteurs en tant que cibles pour développer de nouveaux médicaments. Plus spécifiquement, on peut établir des comparaisons entre familles de récepteurs de structure similaire pour pouvoir ultérieurement être capable de décrire des modifications de la structure des récepteurs provoquées par les maladies héréditaires et les médicaments. Bien que, la plupart du temps, la découverte des récepteurs ait lieu après celle des neurotransmetteurs et des médicaments qui se lient à eux, le contraire a pu parfois se produire.
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Psychopharmacologie Dans ce cas, lorsque l'on découvre le gène d'un récepteur pour lequel aucun ligand n'est connu, on le dit « récepteur orphelin » en attendant le jour où le ligand sera découvert. 11 est donc fondamental ici de comprendre que le génome (c'est-à-dire l'ADN) est responsable de la production des récepteurs, et que celle-ci peut être modulée par l'adaptation physiologique, les médicaments et les maladies.
Neurodéveloppement et plasticité neuronale La compréhension du développement du cerveau humain progresse à vive allure. La plupart des neurones sont formés à la fin du deuxième trimestre de vie prénatale (Fig. 1-17). La migration neuronale débute dans les premières semaines de la conception et est en grande partie achevée à la naissance. Le développement du cerveau humain est donc plus dynamique avant la naissance qu'à l'âge adulte ; à 5 ans, le cerveau a déjà atteint 95 p. 100 de sa taille adulte. D'autre part, plusieurs processus touchant la structure cérébrale persistent tout au long de la vie. La myélinisation des fibres axonales et l'arborescence des neurones se prolongent au moins jusqu'à l'adolescence. La synaptogenèse, de la même façon, se poursuit tout au long de la vie. Le neurone et ses synapses sont donc « plastiques », variables et malléables. Dans de surprenants et récents comptes rendus, on peut lire que certains neurones se divisent après la naissance, y compris dans le cerveau des mammifères et peut-être même chez l'homme. Tout aussi étonnante, toutefois, est la découverte que, périodiquement, durant la vie entière et sous certaines conditions, les neurones se tuent eux-mêmes dans une sorte de « hara-kiri » moléculaire appelé apoptose. En fait, jusqu'à 90 p. 100 des neurones créés au cours du développement foetal se suicident par apoptose avant la naissance. Comme un cerveau humain arrivé à maturité contient environ 100 milliards de neurones, il est possible qu'il y ait initialement 1 000 milliards de neurones et que des centaines de milliards soient détruits par apoptose entre la conception et la naissance. Comment les neurones se détruisent-ils ? L'apoptose est programmée dans le génome de diverses cellules, y compris les neurones, et provoque, une fois activée, leur autodestruction. Il ne s'agit donc pas de cette lamentable affaire d'empoisonnement ou d'étouffement cellulaire qu'est la nécrose (Fig. 1-18). La mort cellulaire par nécrose se caractérise par une blessure grave et brutale, associée à une réponse inflammatoire. Par contraste, l'apoptose est plus subtile, à l'origine d'un véritable suspense sur sa survenue ou non. Les cellules touchées par l'apoptose rétrécissent, tandis que les cellules nécrosées explosent (voir Fig. 1-18). Les scientifiques qui ont découvert l'apoptose ont forgé ce mot, d'une part pour le faire rimer avec nécrose et d'autre part pour introduire la notion de « chute », comme les pétales tombant d'une fleur ou les feuilles d'un arbre. Le mécanisme de mort cellulaire dépend d'un ensemble de gènes, prêts à entrer en jeu si on les active. Pourquoi donc un neurone « se trancherait-il lui-même la gorge-» ? La réponse est simple : si un neurone ou son ADN sont endommagés par un virus ou une toxine, l'apoptose détruit et supprime sans faire d'histoire les gènes malades, protégeant les neurones sains voisins. Plus encore, l'apoptose semble participer normalement au développement du SNC immature. La redondance des neurones au tout début du développement est l'une des merveilles du cerveau. Ces neurones entrent dans une compétition acharnée pour effectuer leur migration, innerver les neurones cibles et boire les facteurs trophiques ravitaillant ces processus. Apparemment, c'est le plus apte qui survit, car 50 à 90 p. 100 des différentes sortes de neurones meurent à cette étape de la maturation. L'apoptose est un mécanisme naturel d'élimination des neurones indésirables, qui évite la pagaille moléculaire que la nécrose aurait créée.
Principes de neurotransmission chimique
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neurulation
neurogenèse
A
croissance maximale synaptogenèse
élimination compétitive
migration depuis la zone ventriculaire
développement mort cellulaire programmée
myélinisation
arborescence dendritique et axonale
4 8 semaine s CONCEPTION
12 16 20 24 . 28 32 s S S
4 2 5 mois ans ans
18 ans
60+
NAISSANCE
temps FIGURE 1-17. Évolution temporelle du développement cérébral. Les événements du développement cérébral et neuronal humain les plus précoces sont en haut du graphique, alors que les événements consécutifs et de longue durée sont en bas. La croissance maximale des nouveaux neurones est achevée avant la naissance, ainsi que les processus de migration neuronale et de mort cellulaire programmée. Après la naissance, la synaptogenese, la myélinisation et l'arborisation dendritique et axonale se produisent tout au long de la vie de l'individu. L'élimination compétitive des synapses (mais pas des neurones) atteint son apogée à la puberté.
Des douzaines de facteurs neurotrophiques régulent la survie des neurones dans le système nerveux central et périphérique (Tableau 1—III). Une bonne soupe avec des petites nouilles en forme de lettres de l'alphabet (les facteurs neurotrophiques) entre dans l'élaboration, au niveau cérébral, d'un bouillon chimique qui baigne et nourrit les cellules nerveuses. Certains s'apparentent au nerve growth factor (NGF), d'autres au glial tell line-derived neurotrophic factor (GDNF) et d'autres encore à différents facteurs neurotrophiques (voir Tableau 1—III). Certains de ces facteurs peuvent conduire le neurone à commettre un suicide cellulaire en se passant au fil de Pépée de l'apoptose. Le cerveau semble capable de décider
nécrose
\
apoptose
,...-..... Iiiil M.
, meurtre neuronal
suicide neuronal
FIGURE 1-18. La mort neuronale peut survenir soit par nécrose, soit par apoptose. La nécrose est un assassinat, au cours duquel le neurone explose avec pour conséquence une réaction inflammatoire au fait d'avoir été détruit par des poisons ou des toxines (le glutamate, par exemple), ou par suffocation. L'apoptose, d'autre part, ressemble à un suicide et est le résultat d'une activation de la machinerie génétique dont le but est d'induire l'« affaiblissement » du neurone sans provoquer le même gâchis moléculaire que la nécrose.
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Principes de neurotransmission chimique
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Tableau 1—III- Facteurs neurotrophiques : une soupe de tonifiants cérébraux en forme de lettres de l'alphabet NGF P75 TrkA GDNF BDNF NT-3, 4 et 5 CNTF ILGF I et II FGF EGF
Nerve growth factor Proaptotic receptors Antiaptotic receptors Glial tell line- derived neurotrophic factors, dont la neurturine, le c-REF et le R-alpha Brain-derived neurotrophic factor Neurotrophines 3,4 et 5 Ciliary neurotrophic factor Insuline like growth factors Fibroblast growth factor (formes acide et basique) Epidermal growth factor Tableau 1—IV. Molécules de reconnaissance
PSA-NCAM, polysialic acid-neuronal cell adhesion molecule NCAM, molécules neuronales d'adhésion cellulaire (H-CAM, G-CAM et VCAM-1, par exemple) APP, protéine précurseur de l'amyloïde (arnyloid precursor protein) Intégrine N-Cadhérine Laminine Tenscine Protéoglycanes Heparin-binding growth-associated molecule Glial hyaluronate-binding protein Clustérine
quelles cellules nerveuses vivront et lesquelles mourront, en désignant les facteurs neurotrophiques qui les nourriront ou les frapperont à mort. Cela dit, certaines molécules (telles que le NGF) peuvent agir sur les récepteurs proapoptotiques de la « grande faucheuse » et provoquer le décès neuronal par apoptose. Toutefois, si le NGF décide d'être un récepteur neuroprotecteur « garde du corps », le neurone se développera. Non seulement les bons neurones doivent-ils être sélectionnés, mais encore faut-il que leur migration se fasse vers les régions cérébrales appropriées. Tant que le cerveau est en construction in utero, l'ensemble des neurones se ballade. Plus tard, seul leur axone bougera. Au départ, les neurones sont produits au centre du cerveau en développement. Considérons 100 milliards de neurones humains, sélectionnés- parmi 1 000 milliards, et devant effectuer une migration vers l'endroit adapté pour pouvoir fonctionner correctement. Qui peut bien diriger toute cette circulation neuronale ? C'est, en fin de compte, une étonnante forme de communication chimique qui guide les neurones au bon endroit en suivant la bonne séquence. Chacun voyage vers sa propre destination, à une vitesse pouvant atteindre soixante microns par heure, s'installe, puis envoie son axone se connecter à d'autres neurones. Ces neurones savent où se rendre grâce à une série de signaux chimiques remarquables, différents des neurotransmetteurs et appelés molécules d'adhésion (Tableau 1—IV). Les cellules gliales commencent par former une matrice cellulaire. Les neurones suivent les fibres gliales, véritable piste à travers le cerveau, jusqu'à destination. Ensuite, les neurones suivent
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Psychopharmacologie
facteur de croissance répulsif
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facteur de croissance attractif :le
1.
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■
normal
FIGURE 1-19. Les facteurs neurotrophiques peuvent être répulsifs (panneau du milieu), ce qui provoque la croissance de l'axone dans une direction opposée du lieu où ils se trouvent. Les facteurs neurotrophiques peuvent être également attractifs et ainsi favoriser la croissance axonale vers eux. Les facteurs neurotrophiques dirigent donc le trafic axonal au sein du cerveau, et déterminent quelle synapse va se connecter avec telle ou telle cible postsynaptique. l'axone d'autres neurones déjà en place, en suivant la piste ouverte par ces derniers. Les molécules d'adhésion recouvrent la surface du neurone en migration, tandis que des molécules complémentaires, disposées à la surface des cellules gliales, permettent au neurone de s'y fixer. Cela ressemble à une sorte de velcro moléculaire, qui accroche le neurone temporairement et guide sa progression le long d'une route pavée des surfaces cellulaires adéquates. La colonisation du cerveau par les neurones en migration est achevée à la naissance, mais leurs axones peuvent pousser durant la vie entière en cas de stimulation ad hoc. Une fois que les neurones se sont établis sur leurs terres, leur travail est alors de fabriquer des synapses. Comment leur axone sait-il où aller ? Les neurotrophines ne régulent pas seulement la vie ou la mort des neurones, mais aussi le bourgeonnement de l'axone et la cible qu'il doit atteindre. Pendant le développement du cerveau immature, elles guident l'axone à travers le cerveau, en suivant des chemins longs et complexes, afin qu'il atteigne sa cible. Les neurotrophines provoquent la formation d'un axone par le neurone en lui faisant pousser un cône de croissance. Lorsque ce dernier est formé, les neurotrophines, ainsi que d'autres facteurs servent de molécules de reconnaissance pour l'axone en croissance, vraisemblablement à partir de leur sécrétion par les neurones et la glie, au sein de la compote chimique de l'espace extracellulaire cérébral. Ces molécules de reconnaissance peuvent soit repousser, soit attirer les axones en croissance, les envoyant dans une direction comme un sémaphore guide un navire (Fig. 1-19). Par le fait, certaines de ces molécules sont appelées sémaphorines pour traduire cette fonction. Une fois que l'extrémité de l'axone en croissance arrive à bon port, des sémaphorines, les collapsines, le font s'affaisser pour qu'il s'arrime à la région postsynaptique appropriée et l'empêchent de faire voile ailleurs. D'autres molécules de reconnaissance repoussent les axo-
Principes de neurotransmission chimique
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Naissance
6 ans
14-60
ans
FIGURE 1-20. Les synapses sont formées à un rythme frénétique entre la naissance et l'âge de 6 ans. Toutefois, il se produit une élimination compétitive et une restructuration des synapses. Ce phénomène, dont
l'apogée a lieu au cours de la puberté et de l'adolescence, laisse survivre environ de la moitié aux deux tiers des synapses présentes au cours de l'enfance lors de l'entrée dans l'âge adulte, nes par l'émission de signaux de guidage de répulsion de l'axone (repulsive axon guidance signais ou RAGS) (voir Fig. 1-19). Au fur et à mesure que le cerveau se développe, la progression du cône de croissance de l'axone devient plus difficile sans toutefois prendre fin. Le fait que la croissance axonale demeure possible dans le cerveau mature suggère que les neurones continuent de changer leurs cibles de communication, peut-être en réparant, régénérant et reconstruisant des synapses selon l'évolution des fonctions du neurone. Un très grand nombre de molécules de reconnaissance supervise ce processus. Parmi celles-ci, on compte bien sûr les sémaphorines et les collapsines, mais aussi des molécules telles que les natrines, les molécules neuronales d'adhésion cellulaire (NCAM, neuronal cellular adhesion molecules), les intégrines, les cadhérines et les cytokines (voir Tableau 1—IV). Il est intéressant de noter que c'est à l'âge de 6 ans que le cerveau contient le plus grand nombre de synapses qu'à tout autre époque de la vie (Fig, 1-20). Au cours des 5 à 10 années suivantes, et pendant l'adolescence, le cerveau supprimera systématiquement la moitié des synapses présentes à l'âge de 6 ans. Il restera alors environ 100 000 milliards de synapses au total et jusqu'à 10 000 synapses par neurone. L'élagage des synapses se fait par l'intermédiaire de l'excitotoxicité (nous verrons cela en détail dans le Chapitre 4). Fort heureusement, les expériences neurodéveloppementales et la programmation génétique guident le cerveau pour qu'il décide de manière avisée quelles connexions garder et lesquelles détruire. Si cette décision est prise de façon appropriée, l'individu prospère au fur et à mesure des tâches maturatives et entre harmonieusement dans la vie adulte. En revanche, de mauvais choix pourraient théoriquement conduire à des troubles neurodéveloppementaux tels que la schizophrénie ou le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité.
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Psychopharmacologie
FIGURE 1-21. Le neurone est composé d'un corps cellulaire, d'un axone et d'un arbre dendritique (littéralement, des ramifications semblables à celles d'un arbre). L'arbre dendritique est un flux constant qui corrige les connexions synaptiques tout au long de la vie. L'apparition de nouvelles synapses et l'élagage des anciennes se poursuivent tout au long de la vie, mais à une allure beaucoup plus lente et à des distances plus faibles que lors des stades précoces du développement. Il s'ensuit au cours de la vie entière du neurone une modification constante des axones et des dendrites de chaque neurone, établissant ainsi de nouvelles connexions, en supprimant d'anciennes, à l'image des branches d'un arbre (Fig. 1-21). En effet, les termes arborisation des terminaisons neuronales et arbre dendritique traduisent ce processus constant de ramification (Fig. 1-22) et d'élagage (Fig. 1-23) qui a lieu tout au long de la vie de ce neurone. Une fois achevée la spectaculaire diminution du nombre de neurones avant la naissance et de synapses à la fin de l'enfance et au début de l'adolescence, l'activité au sein du cerveau mature devient beaucoup plus calme, consistant en de modeste.s- extensions en vue de l'entretien et du remodelage des synapses, et sur des distances beaucoup plus faibles. Bien que ce remodelage structurel continu des synapses dans le cerveau mature, dirigé par les molécules de reconnaissance, n'ait aucune commune mesure avec la croissance marquée et de longue distance du développement cérébral précoce, cette limitation pourrait être bénéfique en partie parce qu'elle autoriserait une certaine plasticité structurale tout en limitant une croissance axonale anarchique. Les fonctions cérébrales seraient ainsi stabilisées à l'âge adulte et un recâblage chaotique évité, en limitant à la fois la croissance axonale à partir de cibles appropriées ou à partir de neurones inappropriés. D'autre part, on saisit mieux le
Principes de neurotransmission chimique
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facteur de croissance (protéine) •
•
•
neurone hypotrophie
FIGURE 1-22. L'arbre dendritique d'un neurone peut bourgeonner, croître et établir une multitude de nouvelles connexions synaptiques tout au long de sa vie. Le contrôle de la fabrication des connexions dendritiques d'un neurone non développé est réalisé par divers facteurs de croissance dont l'action promeut le processus de bourgeonnement et donc la formation des synapses de l'arbre dendritique. prix attaché à une telle spécificité de la croissance quand un neurone à long axone du cerveau adulte ou de la moelle épinière meurt, et qu'il devient difficile de rétablir la connexion synaptique originale, même si la croissance axonale est enclenchée. Comme nous l'avons vu précédemment, les neurones et la glie voisine de soutien élaborent un riche ensemble de facteurs neurotrophiques, promouvant les connexions synaptiques (voir Fig. 1-22) ou les éliminant (voir Fig. 1-23). Le potentiel de libération des facteurs de croissance est maintenu une fois pour toutes, ce qui contribue à. la possibilité constante de révision synaptique durant toute la vie du neurone donné. Des changements potentiels de la synaptogenèse semblent permettre l'apprentissage, la maturité émotionnelle et le développement d'habiletés motrices et cognitives tout au long de la vie. Quoi qu'il en soit, la façon dont le cerveau délivre ses facteurs neurotrophiques pendant le fonctionnement physiologique de l'adulte normal demeure imprécise. Vraisemblablement, la requête de faire fonctionner les neurones coïncide avec la nécessité de les maintenir prêts à fonctionner, tâche rendue possible par le saupoudrage du bouillon cérébral avec des facteurs neurotrophiques qui maintiennent les neurones en bonne santé. Il est possible que le fait de penser ou d'étudier provoque la libération de facteurs neurotrophiques. Peut-être un principe du genre « pas utilisé = perdu »
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Psychopharmacologie
Dendrites pouvant être élaguées »
Élagage » normal
FIGURE 1-23. L'arbre dendritique d'un neurone ne fait pas que bourgeonner, croître ni établir de multiples connexions synaptiques tout au long de la vie, comme le montre la Figure 1-22. Il est également capable, si nécessaire, de supprimer, de modifier, de tailler ou de détruire de telles connexions. Le processus de démantèlement des synapses et des dendrites peut être contrôlé par la suppression de facteurs de croissance ou par le processus naturel de destruction parfois appelé excitotoxicité. Il existe donc un processus normal « d'élagage » destiné à supprimer les dendrites qui ont besoin d'être taillées. s'applique-t-il aux neurones adultes, avec en prime la préservation des neurones et la création
de nouvelles connexions si le cerveau demeure actif. II est même possible que le cerveau perde sa « force » en l'absence d'exercice mental. Il est en effet concevable que l'inactivité provoque l'élagage de synapses inutilisées ou « rouillées », ou même déclenche le décès par apoptose des neurones inactifs. À l'opposé, la stimulation mentale préviendrait ces phénomènes, et la psychothérapie pourrait dans cette optique conduire les facteurs neurotrophiques à préserver des cellules critiques et à innerver de nouvelles cibles thérapeutiques en vue de modifier certaines émotions et certains comportements. Seules les recherches futures nous éclaireront sur la manière dont il faut utiliser les médicaments et la psychothérapie pour équilibrer au mieux l'assaisonnement de ce délicat ragoût qu'est notre cerveau. •Résumé Le lecteur doit maintenant réaliser que la neurotransmission chimique est le fondement de la psychopharmacologie. Elle est constituée de trois dimensions, spatiale, temporelle et fonctionnelle. La dimension spatiale est faite à la fois d'un câblage physique, le système nerveux en tant qu'entité anatomique, et d'une « soupe chimique », le système nerveux en tant qu'entité chimique. La dimension temporelle montre que la neurotransmission peut être rapide (de quelques millisecondes) ou lente (jusqu'à plusieurs secondes) à se produire, selon
p
Principes de neurotransmission chimique
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qu'elle dépende de neurotransmetteurs ou de neuromodulateurs, dont il existe des dizaines de sortes. La neurotransmission peut également provoquer des actions de courte (quelques millisecondes) ou de très longue durée (des jours, des semaines, voire plus). La dimension fonctionnelle de la neurotransmission chimique est le processus par lequel une impulsion électrique dans un neurone est convertie en un message chimique au niveau de la connexion établie entre deux neurones (la synapse), puis de nouveau en un message chimique qui va modifier l'expression génique dans le second neurone. Ce chapitre souligne également d'autres points : la neurotransmission chimique se produit parfois par l'intermédiaire de plus d'un neurotransmetteur dans un seul neurone. Les substances psychotropes (par exemple la marijuana et la morphine) imitent souvent l'action des neurotransmetteurs naturels. Les techniques de neurobiologie moléculaire montrent que le matériel génétique du neurone est responsable de la production des protéines en général, et des neurotransmetteurs en particulier. Cela peut être modifié par les adaptations physiologiques, les médicaments et Ies maladies. Pour finir, le neurone modifie de façon dynamique ses connexions synaptiques tout au long de la vie, en réponse à l'apprentissage, les expériences de vie, la programmation génétique, les médicaments et les maladies.
CHAPITRE
2
RÉCEPTEURS ET ENZYMES, CIBLES DE L'ACTION DES MÉDICAMENTS
I. L'organisation du récepteur : ses trois parties IL Travail d'équipe de la synapse A. Canaux ioniques B.Transporteurs et pompes de transport actif C. La recapture synaptique du neurotransmetteur : un exemple de transport moléculaire P" utilisant une pompe de transport actif D. Systèmes seconds messagers E. Régulation ionique E Régulation génique III. Les récepteurs, sites de l'action des médicaments IV.Les enzymes, sites de l'action des médicaments V.Résumé : modification de la neurotransmission chimique par les médicaments
Dans le premier chapitre, nous avons vu combien la psychopharmacologie moderne est essentielle dans l'étude de la neurotransmission chimique. Le présent chapitre se veut plus spécifique et discutera, sur le plan pratique, la façon dont les psychotropes (NdT : CNS drags) agissent sur la neurotransmission chimique par une ou deux manières très spécifiques : de façon prépondérante en stimulant (agoniste) ou bloquant (antagoniste) les récepteurs des neurotransmetteurs ; en second lieu, et moins fréquemment, en inhibant les enzymes de régulation. Compte tenu de l'importance capitale des récepteurs et des enzymes pour la compréhension du mode d'action des médicaments, ce chapitre partira à la découverte des propriétés de ces très fascinantes cibles des psychotropes. Tout d'abord, nous considérerons l'organisation du récepteur isolé ainsi que des mécanismes de fixation des neurotransmetteurs et des médicaments. Nous décrirons par la suite la façon dont les récepteurs fonctionnent au sein de l'équipe de neurotransmission synaptique, en incluant les ions, les canaux ioniques, les transporteurs, le système second messager, les facteurs de transcription, les gènes et les produits 35
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Psychopharmacologie
O
= ACIDE AMINÉ (1 UNITÉ)
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CHAÎNE D'ACIDES AMINÉS
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DEDANS
FIGURE 2-1. Diagramme schématique d'un récepteur ; sa structure protéique est organisée essentiellement sous forme d'une longue chaîne d'acides aminés. Cette chaîne s'enroule plusieurs fois en dedans et en dehors de la cellule, ce qui crée trois domaines du récepteur : la première portion, extracellulaire, est la partie de la chaîne totalement en dehors du neurone ; la seconde, la portion intracellulaire, est constituée des éléments de la chaîne situés entièrement à l'intérieur du neurone ; et la troisième, la portion transmembranaire, est faite des domaines du récepteur qui se trouvent dans la membrane du neurone.
géniques. Pour finir, nous discuterons des enzymes et récepteurs en tant que sites d'action des médicaments et verrons de quelle manière ces derniers modifient à leur tour la neurotransmission chimique.
L'organisation du récepteur : ses trois parties Les récepteurs sont constitués de longues chaînes d'acides aminés et sont par conséquent des protéines (Fig. 2-1). Ils sont pour l'essentiel situés dans la membrane du neurone (voir Fig. 2-1 et 2-2). En réalité, les récepteurs affectés à la neurotransmission sont constitués de trois parties : l'une est extracellulaire, l'autre transmembranaire et la troisième intracellulaire (voir Fig. 2-2). La chaîne d'acides aminés constituant le récepteur ne ressemble pas réellement au chapelet représenté de manière simplifiée sur les Fig. 2-1 et 2-2, mais évoque plutôt
Récepteurs et enzymes, cibles de l'action des médicaments
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EXTRACELLULAIRE MEMBRANE
TRANSMEMBRANE
VUE DE CÔTÉ D'UN RÉCEPTEUR À SEPT DOMAINES TRANSMEMBRANAIRES
INTRACELLULAIRE
FIGURE 2-2. Vue transversale d'un récepteur à sept domaines transrnembranaires. C'est la structure commune de nombreux récepteurs des neurotransmetteurs et des hormones. La chaîne d'acides aminés entre et sort plusieurs fois de la cellule, créant ainsi trois portions du récepteur : la première est la partie qui se trouve en dehors de la cellule (c'est la portion extracellulaire) ; la seconde est la partie située dans la cellule (la portion intracellulaire) ; et enfin la troisième est la partie qui traverse la membrane plusieurs fois (dite portion transmembranaire). Tout au long de cet ouvrage, ce récepteur sera représenté de façon schématique comme l'icône figurant dans le petit cadre.
une sorte d'hélice alpha, comparable à une spirale s'enroulant autour d'un noyau central (Fig. 2-3 et 2-4). Le site de liaison du neurotransmetteur se trouve, pour de nombreux récepteurs, à l'intérieur du noyau central (c'est-à-dire au sein de l'hélice des Fig. 2-3 et 2-4). La portion de liaison extracellulaire d'un récepteur est la partie se trouvant à l'extérieur de la cellule. On croyait auparavant qu'elle contenait le site de fixation sélective pour le neurotransmetteur. Mais désormais on sait, comme cela a été mentionné plus haut, que celui-ci est souvent situé dans la deuxième partie du récepteur, c'est-à-dire la partie transmembranaire (voir Fig. 2-3 et 24). Certains médicaments entrent en compétition avec le neurotransmetteur pour se fixer sur le site, et se comportent comme le neurotransmetteur lui-même soit pour se lier au site, soit pour empêcher la fixation du neurotransmetteur. Les médicaments peuvent aussi agir sur des sites de liaison uniques et totalement distincts, situés sur un autre endroit du récepteur. Il nous sera donné de revoir cela en détail dans le paragraphe consacré à la modulation allostérique du Chapitre 3. Toute une recherche est en cours pour localiser ces sites de liaison, qui pourraient en fait se trouver dans les domaines transmembranaires et être distincts du site de liaison du neurotransmetteur lui-même. Ce dernier site est parfaitement différent d'un récepteur à l'autre, et c'est cette différence qui est la caractéristique fondamentale pour distinguer les récepteurs les uns des autres. Certains récepteurs possèdent même des sites de liaison pour deux neurotransmetteurs distincts, qui sont alors appelés cotransmetteurs. Les domaines transmembranaires (voir Fig. 2-2 et 2-3) jouent probablement un rôle structural comme maintenir le récepteur en place et lui permettre certains mouvements par rapport à la membrane. Ils peuvent être semblables d'un récepteur à l'autre et ainsi former de
FIGURE 2-3. Les sept domaines transmembranaires ne sont pas disposés sur une même ligne mais plutôt en cercle. Au milieu de ce dernier se trouve la partie centrale où les neurotransmetteurs trouvent leurs sites de liaison. Cette figure représente chaque domaine transmembranaire sous forme d'une spirale, chacune étant en fait bine hélice alpha. Les sept spirales sont disposées en cercle. Au centre du cercle se trouve le site de liaison du neurotransmetteur. Puisqu'il y a sept domaines transmembranaires (à gauche), l'icône qui les représente porte le numéro sept (à droite).
FIGURE 2-4. Cette figure montre une vue de dessus du récepteur. Tout ce que nous voyons est la portion extracellulaire du récepteur qui dépasse hors de la membrane. Ces domaines extracellulaires sont connectés aux divers domaines transmernbranaires. La partie centrale est le lieu de fixation du neurotransmetteur. 38
Récepteurs et enzymes, cibles de l'action des médicaments
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grandes familles de récepteurs (les superfarnilles) qui sont structuralement semblables mais utilisent des neurotransmetteurs différents. Un exemple de cette classification est celui de la superfamille des récepteurs à sept régions transmembranaires (voir Fig. 2-3). Elle est commune aux récepteurs de nombreux neurotransmetteurs qui utilisent un système de second messager et qui ont un temps de réponse « lent » (par exemple, les récepteurs sérotoninergiques 2A ou adrénergiques bêta 2). Nous reprendrons dans le détail la description de cette superfamille dans la partie consacrée aux systèmes seconds messagers. Un deuxième exemple de structure partagée par plusieurs récepteurs est celui des récepteurs à quatre domaines transmembranaires qui interagissent avec les canaux ioniques (Fig. 2-5), où de nombreux exemplaires d'un récepteur à quatre domaines transmembranaires sont dispersés autour d'un canal ionique central (Fig. 2-6). Cette superfamille sera décrite plus précisément dans le chapitre consacré aux récepteurs interagissant avec un canai ionique. Il existe un troisième exemple de structure de récepteur, celui des systèmes de transport à douze domaines transmembranaires (Fig. 2-7). Pour plus de détails, se reporter au chapitre consacré à la recapture des monoamines. La troisième partie du récepteur du neurotransmetteur est intracellulaire (voir Fig. 2-2 et 2-3). Parfois appelée boucles cytoplasmiques, cette portion interagit avec d'autres protéines transmembranaires ou avec des protéines intracellulaires, et sert à déclencher les systèmes seconds messagers (revoir Fig. 1-10 et 1-11). La grande majorité des récepteurs des neurotransmetteurs ou des hormones interagissent avec les seconds messagers pour modifier la transmission de l'information moléculaire du neurotransmetteur premier messager vers le système second messager et la mécanique génétique (c'est-à-dire l'ADN) du noyau cellulaire.
Travail d'équipe de la synapse
F—
le
11 convient de souligner la grande importance de l'interaction sélective du neurotransmetteur avec son site de fixation unique sur son récepteur, car c'est de cette façon que l'information est encodée et décodée, tant par les neurotransmetteurs que par les substances mimant l'action de ces derniers. On pense en effet que la plupart des substances psychopharmacologiques agissent sur de tels sites appartenant à divers récepteurs. Toutefois, cela ne rend pas compte, loin s'en faut, de la neurotransmission chimique dans son ensemble, ni de tous les sites où les médicaments peuvent potentiellement moduler la neurotransmission. La neurotransmission chimique peut être décrite plus complètement en se servant de l'image d'une équipe d'acteurs moléculaires. Le neurotransmetteur pourrait être le capitaine, mais en fait il n'est qu'un des acteurs principaux. Parmi les autres acteurs moléculaires au sein de l'équipe de transmission synaptique, on compteles ions spécifiques (Fig. 28), qui interagissent avec les canaux ioniques (par exemple, voir Fig. 2-6), diverses enzymes (Fig. 2-9), les transporteurs (Fig. 2-10), les pompes de transport actif (Fig. 2-11), les seconds messagers (Fig. 2-12), les récepteurs (Fig. 2-13), les facteurs de transcription (Fig. 2-14), les gènes (Fig. 2-15) et les produits des gènes (Fig. 2-16). Non contente de jouer son rôle d'acteur de la neurotransmission chimique, chaque molécule constitue un site, connu ou potentiel, d'interaction médicamenteuse. Chacune est aussi le site théorique de dysfonctionnement pouvant être, éventuellement, à l'origine de troubles neurologiques ou mentaux, comme nous le verrons de façon générale dans le Chapitre 4 et
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Psychopharmacologie
FIGURE 2-5. Une structure commune aux nombreux récepteurs liés à un canal ionique est celle qui est composée de quatre domaines transmembranaires. Elle est représentée par l'icône située à droite qui porte le numéro 4. Ce n'est pas le récepteur entier mais une sous-unité (voir Fig. 2-6).
FIGURE 2-6. Les canaux ioniques sont souvent composés de cinq copies de la sous-unité du récepteur à quatre domaines transmembranaires de la Fig. 2-5. Au centre de chaque copie se trouve le canal ionique lui-même. Nous utiliserons l'icône de droite pour représenter plus loin lescomplexes récepteur-canal ionique faits de cinq copies des sous-unités à quatre domaines transmembranaired.".
de façon spécifiquement liée à diverses maladies psychiatriques tout au long de l'ensemble de l'ouvrage. Les acteurs moléculaires au-delà du second messager sont très importants dans la régulation génique. On compte parmi eux les formes actives et inactives de la protéine kinase, une enzyme de phosphorylation de toutes sortes de protéines intracellulaires, ainsi que des enzymes de déphosphorylation, à l'effet inverse (voir Fig 2-9). Les facteurs de transcription sont
Récepteurs et enzymes, cibles de l'action des médicaments
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FIGL! RE 2-7. Un autre exemple remarquable de la façon dont un récepteur peut être organisé est apporté par lcs protéines à douze domaines transmembranaires qui comprennent les sites de liaison de différents systèmes de transport des neurotransmetteurs. L'icône de gauche sera utilisée ultérieurement pour représenter ce type de récepteur.
0
calcium
sodium potassium * *
I
chlore
FIGURE 2-8. Voici différents ions : sodium, potassium, chlore et calcium. Le canal d'un ion donné est différent du canal d'un autre ion. aussi du nombre et activent les gènes (voir Fig 2-14) en autorisant l'ARN polymérase à entrer en jeu, avec transcription de l'ADN en ARN (voir Fig. 1-16 et 2-9). Les gènes précoces (gènes de réponse précoce) aux noms exotiques tels que cfun et cFos sont les premiers transcrits immédiatement après l'action du neurotransmetteur sur le récepteur postsynaptique (voir Fig 2-15). En fait, les produits des « gènes précoces », comme les Fos provenant du gène cFos et Jun provenant du gène cJun, peuvent à leur tour être à l'origine de facteurs de transcription, aux patronymes non moins exotiques, comme la leucine zipper (voir Fig. 2-14). Les gènes tardifs (voir Fig. 2-15) sont mis en jeu par les produits des gènes précoces et perpétuent la cascade qui a—commencé avec le neurotransmetteur. Ces gènes tardifs sont les éléments de régulation ultimes au.niveau du neurone postsynaptique, étant donné qu'ils produisent toutes les protéines importantes du neurone cible, incluant les enzymes, les récepteurs, les facteurs de transcription, les facteurs de croissance, les protéines de structure et bien d'autres encore (voir Fig. 2-16). La disposition spatiale de ces différentes molécules les unes par rapport aux autres facilite leur interaction mutuelle. Les différents éléments de la neurotransmission chimique, représentés dans les Figures 2-5 à 2-16, sont disposés de manière à coopérer entre eux afin d'accomplir divers aspects de la neurotransmission chimique, comme nous le verrons dans les figures qui vont suivre.
enzyme
synthèse par l'enzyme
destruction par l'enzyme
protéine kinase
dephosphatase
ARN polymérase FIGURE 2-9. Les enzymes sont essentielles au bon fonctionnement d'une cellurcCertaines créent (fabriquent) des molécules tandis que d'autres les détruisent (les mettent en lambeaux). L'ATPase est une enzyme responsable de l'utilisation de l'énergie. Trois importantes familles d'enzymes régulent l'expression génique : les formes actives et inactives de protéines kinases, diverses déphosphatases, qui inversent l'action des protéines kinases, et enfin l'ARN polymérase qui catalyse la transcription de l'ADN en ARN.
42
FIGURE 2-10. Un transporteur est destiné au transfert des molécules à l'intérieur de la cellule, molécules qui autrement ne pourraient y pénétrer.
FIGURE 2-11. Le transporteur est appelé pompe de transport actif s'il est couplé à une enzyme comme l'ATPase qui pourvoit à son énergie. 43
44
Psychopharmacologie
FIGURE 2-12. Les seconds messagers sont des molécules intracellulaires produites lorsque certains neurotransmetteurs se lient à leurs récepteurs. De tels récepteurs sont capables de convertir les informations dues à la fixation du neurotransmetteur en synthèse de seconds messagers.
Récepteur à 7 domaines transmembranaires et lié à une protéine G
Canal ionique à 4 domaines transmembranaires dépendant du ligand
Transporteur à 12 domaines transmembranaires
FIGURE 2-13. Icônes de divers récepteurs : récepteur à sept domaines transmembranaires couplé au système protéine G-second messager (à gauche) ; canal ionique dépendant du ligand, fait de cinq sous-unités à quatre domaines transmembranaires (au milieu) ; et transporteur à douze domaines transmembranaires (à droite).
Canaux ioniques Certaines protéines transmembranaires forment des canaux qui garnissent la membrane neuronale afin de permettre aux ions de la traverser (voir Fig. 2-6, 2-17 et 2-18). Il existe des canaux pour de nombreux ions, par exemple, sodium, potassium, chlore et calcium (voir Fig. 2-8). Les canaux ioniques appartenant au système nerveux central peuvent être modulés de façon à être ouverts ou perméables à certains moments (voir Fig. 2-17), ou alors fermés ou imperméables à d'autres (voir Fig. 2-18). Leur ouverture ou leur fermeture est régulée soit par un portier électrique, soit grâce à un gardien moléculaire (Fig. 2-19). Ceux qui se servent de l'électricité sont dits dépendants du voltage ; ceux qui utilisent la liaison d'un neurotransmetteur à un récepteur contigu au canal ionique sont dits dépendants du ligand (voir Fig. 2-19).
inactif
FIGURE 2-14. Facteurs multiples de transcription : formes actives et inactives, cestradiol (E2), cycli c AMP response binding element (CREI3) et leucine zipper constituée de Fos et Jun.
45
46
Psychopharmacologie
promoteur
activateur
10
gène précoce
gène tardif
FIGURE 2-15. De nombreux gènes différents jouent un rôle important dans la régulation neuronale liée aux médicaments et aux maladies. Le gène prototype est une séquence d'ADN qui possède une région régulatrice dotée d'un activateur et d'un promoteur, ainsi qu'une région codante directement transcrite en ARN. Certains gènes sont rapidement activés : ce sont les gènes de réponse précoce. D'autres mettent du temps à être activés ce sont les gènes de réponse tardive.
Transporteurs et pompes de transport actif Le rôle normal de la membrane est de maintenir constant le milieu intracellulaire en s'érigeant en barrière contre l'intrusion de molécules externes et contre la fuite des molécules internes. Toutefois, il est nécessaire qu'existe une perméabilité sélective autorisant la capture ou la libération de molécules spécifiques en fonction des besoins du fonctionnement cellulaire. Ceci a déjà été mentionné au sujet des ions, mais s'applique aussi à nombre de molécules spécifiques. Le glucose, par exemple, est transporté dans la cellule pour apporter l'énergie de la neurotransmission. Les neurotransmetteurs, eux aussi, sont transportés dans le neurone après un mécanisme de recapture qui fait suite à leur libération et leur action dans la neurotransmission. Le neurotransmetteur est ainsi de nouveau stocké dans le but d'être réutilisé à nouveau. Pour pouvoir circuler sélectivement au travers d'une membrane autrement imperméable, certaines molécules doivent se lier à des molécules dites de transport quiles conduisent dans la cellule (voir Fig. 2-11 et 2-20 à 2-22). Le transporteur constitue donc en lui-même un récepteur. Pour concentrer les molécules en circulation dans la cellule, il leur faut de l'énergie. Un exemple de molécule de transport nécessitant de l'énergie est celui de la recapture des neurotransmetteurs par le neurone présynaptique, comme cela a déjà été mentionné plus haut. Dans ce cas, l'énergie est obtenue par la liaison à une enzyme appelée sodium-potassium ATPase (voir Fig. 2-9). L'organisation de deux neurotransmetteurs, c'est-à-dire un transporteur et un système apportant l'énergie, fonctionnant en équipe destinée à transporter les molécules dans la cellule, est appelée pompe de transport actif (voir Fig. 2-11).
Récepteurs et enzymes, cibles de l'action des médicaments
47
Produits des gènes
Q peptide récepteur
cariai ionique facteur de croissance neurotrophique -. .... . • .... -•. ... ,-. ,..,s• .. • • 4 ,liî fe .... • • • r •
enzyme
1.
facteur de transcription
transporteur de recapture
FIGURE 2-16. Les produits des gènes sont des protéines variées dotées d'un large spectre de fonction, comme les récepteurs, les canaux ioniques, les neurotransmetteurs peptidergiques, les enzymes, les facteurs neurotrophiques, les facteurs de transcription, les pompes de recapture et bien d'autres encore.
La recapture synaptique du neurotransmetteur : un exemple de transport moléculaire utilisant une pompe de transport actif Dans le cas du transport actif par pompe pour le transport du neurotransmetteur présynaptique, le travail consiste à balayer les molécules du neurotransmetteur se trouvant dans la synapse et de les ramener à l'intérieur du neurone présynaptique. La pompe de recapture dispose d'un transporteur pour le neurotransmetteur (voir Fig. 2-20). Toutefois, en l'absence de sodium, il a du mal à bien se lier au neurotransmetteur (voir les transports sans liaison sodique ni liaison du neurotransmetteur, et l'image, des « pneus à plat » de la Fig. 220). En revanche, s'il trouve du sodium, le transporteur se lie-aux molécules du neurotransmetteur (voir Fig. 2-21 : i1 y a du sodium dans les pneus, qui sont désormais gonflés ; le transporteur peut ainsi lier solidement le neurotransmetteur). Il est en outre possible que la pompe de recapture soit inhibée, ce qui empêche les molécules du neurotransmetteur de se lier au transporteur de recapture (la Fig. 2-22 montre qu'il n'y a plus ni sodium ni neurotransmetteur : les pneus sont de nouveau à plat à cause de l'inhibiteur). De nombreux antidépresseurs agissent en se fixant à l'une ou l'autre pompe de recapture des neurotransmetteurs monoarninergiques,particulièrement les transporteurs de la sérotonine, de la noradrénaline et de la dopamine.
48
Psychopharmacologie
FIGURE 2-17. Canal ionique fermé doté d'un gardien moléculaire que l'on voit ici en train de maintenir le canal fermé au passage d'ions vers la cellule.
Cette pompe de recapture participe activement au processus de neurotransmission qui commence par le potentiel du neurone présynaptique et la libération du neurotransmetteur (Fig. 2-23). Le neurotransmetteur diffuse dans la synapse, se lie sélectivement à son récepteur et déclenche tous les événements consécutifs qui transforment ce message chimique en un nouveau potentiel dans le neurone postsynaptique, activent les gènes postsynaptiques et régulent diverses fonctions au sein du neurone cible. Le neurotransmetteur diffuse ensuite en dehors de son récepteur et peut être soit détruit par des enzymes, soit retransporté dans le neurone présynaptique. Lorsque le neurotransmetteur réussit à diffuser de façon—rétrograde vers le neurone présynaptique, un transporteur, qui l'attendait, se lie à lui en présence de sodium (voir Fig. 2-23) et, avec l'aide de son partenaire qui lui fournit l'énergie — le système enzymatique sodium-potassium ATPase — il transporte le neurotransmetteur dans le neurone afin qu'il soit de nouveau stocké et réutilisé, tout en échangeant simultanément avec le neurone du sodium contre du potassium. Plusieurs molécules coopèrent donc à cette fonction complexe de retour du neurotransmetteur dans le neurone. Les plus importantes sont les molécules de transport (voir Fig. 2-20, 2-21 et 2-23) et l'enzyme sodium-potassium ATPase (voir Fig. 2-9 et 2-23). Le sodium intervient également, en augmentant l'affinité du transporteur pour son neurotransmetteur (voir Fig. 2-21 et 2-23). Comme nous le ver-
Récepteurs et enzymes, cibles de l'action des médicaments
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FIGURE 2-18. Canal ionique de la Fig. 2-17 ouvert. Le gardien a reçu l'ordre du neurotransmetteur d'ouvrir le canal et de permettre aux ions de pénétrer dans la cellule.
tons en détail au Chapitre 6, l'inhibition du transport de l'un ou l'autre neurotransmetteur monoaminergique constitue le mécanisme d'action de la plupart des antidépresseurs (voir Fig. 2-22 et Fig. 2-24). La recapture du neurotransmetteur synaptique est un autre exemple de coopération entre les différentes molécules qui jouent au sein d'une même équipe, dans le but d'accomplir cette dimension complexe, mais ô combien élégante, de la neurotransmission chimique.
Systèmes seconds messagers Le récepteur d'un neurotransmetteur peut coopérer aussi avec une équipe de molécules spécialisées, formant le système second messager (Fig. 2-25 à 2-28). Le premier messager est le neurotransmetteur lui-même (voir Fig. 2-25). Celui-ci transfère son message au second messager, qui lui est intracellulaire (voir Fig. 1-10, et 2-25 à 2-28). Il le fait grâce à deux récepteurs qui coopèrent réciproquement. Ces derniers sont le récepteur neurotransmetteur lui-même et un autre récepteur, lié à la face interne de la membrane cellulaire, et dénommé protéine G. Une fois que l'interaction de ces deux récepteurs s'est produite (voir Fig. 2-26 et 2-27), une autre interaction peut avoir lieu, celle de deux récepteurs avec une enzyme (voir Fig. 2-27 et 2-28). L'enzyme fabrique alors un second messager en réponse à
dépendant du ligand chlore
Y.E
00
dépendant du voltage = sodium * = potassium O = calcium FIGURE 2-19. Les canaux ioniques peuvent être soit dépendants du ligand (c'est-à-dire ouverts et fermés
par le neurotransmetteur qui est le ligand du canal donné), soit dépendants du voltage (c'est-à-dire ouverts et fermés par le potentiel qui traverse le canal). De nombreux ions, en particulier sodium, potassium et calcium, ont leur propre canal.
50
Transporteur du neurotransmetteur vide
qemtoniné = sodium
Le neurotransmetteur s'est lié au transporteur de recapture
cZ)= fluoxétine (Prozace)
Inhibition du transporteur de recapture
FIGURE 2-20. Le transporteur destiné à la recapture du neurotransmetteur ressemble à un petit chariot dont les places sont réservées aux molécules du neurotransmetteur. Ici le transporteur est vide. Ses pneus sont à plat ; il est incapable de transporter le neurotransmetteur. FIGURE 2-21. Les molécules du neurotransmetteur peuvent se lier à des sites de liaison spécifiques au niveau du transporteur pour la recapture de ce neurotransmetteur. Ici, le neurotransmetteur est lié au site du transporteur, prêt pour un voyage à l'intérieur du neurone. La sérotonine (5HT) s'est fixée car le transporteur a trouvé des ions sodium qui augmentent son affinité pour la sérotonine ; les pneus ont donc été regonflés à bloc et sont prêts pour le grand voyage. FIGURE 2-22. Un inhibiteur du transporteur qui se fixe sur le site de liaison empêche la molécule de neurotransmetteur de se lier à son site. Cette figure montre un antidépresseur comme la fluoxétine (Prozac®) fixé au transporteur de la sérotonine. Lorsque ce médicament est ainsi fixé; il fait rebondir les molécules de sérotonine sur les sièges du transporteur. Cela entraîne une inhibition, ou blocage, du transport du neurotransmetteur dans le neurone. La fixation du sodium est également diminuée : les pneus sont à plat, et le chariot ne peut plus avancer.
51
tes
FIGURE 2-23. Le chariot du transporteur du neurotransmetteur est disposé en un système de navette pour le neurotransmetteur. Après avoir été libérées par le neurone, les molécules du neurotransmetteur sont attirées par le transporteur qui leur attribue un siège et les conduit dans la cellule sur les traces qu'il a créées grâce à l'énergie fournie par l'ATPase. Lorsqu'il se retrouve dans la cellule, le neurotransmetteur se lève de son siège et quitte la navette pour être de nouveau stocké dans les vésicules synaptiques. Il pourra être réutilisé lors d'une prochaine neurotransmission.
52
Récepteurs et enzymes, cibles de l'action des médicaments
fluoxétine (Prozac0)
67 8
8
53
8 8 8
o FIGURE 2-24. Cette figure représente la manière dont l'antidépresseur fluoxétine (Prozac®) interrompt le transport du neurotransmetteur vers le neurone. Dans ce cas, la liaison de la fluoxétine au transporteur empêche les molécules de sérotonine de prendre place dans la navette. La sérotonine ne pourra partir en voyage à l'intérieur du neurone. Cela signifie donc que le neurotransmetteur reste dans la synapse jusqu'à ce qu'il diffuse plus loin ou soit détruit par les enzymes. cette interaction avec le duo de récepteurs (voir Fig. 2-28), mais s'en montre incapable dans le cas d'une interaction séparée avec chaque récepteur. Le système second messager comprend donc plusieuts éléments (voir Fig. 2-25 à 2-28) : (1) le premier messager (le neurotransmetteur) ; (2) le récepteur du neurotransmetteur ; (3) un second récepteur appelé protéine G, qui interagit avec le récepteur du neurotransmetteur ; (4) une enzyme dont l'action est mise en oeuvre par l'interaction de la paire de récepteurs ; (5) une molécule second messager élaborée par cette enzyme. Les deux meilleurs exemples de seconds messagers connus sont l'adénosine monophosphate cyclique (AMPc) et le phosphatidyl-inositol (PI). Les systèmes qui produisent ces seconds messagers sont parfois appelés respectivement système second messager AMPc et système second messager PI. Bien qu'ici nous montrions l'action stimulatrice de la protéine G, d'autres types de
FIGURE 2-25. Le système second messager est formé de quatre éléments. Le premier est le neurotransmetteur lui-même, parfois désigné sous le terme de premier messager. Le second élément est le récepteur du neurotransmetteur. Le troisième est une protéine de connexion appelée protéine G. Le quatrième élément du système second messager est une enzyme de synthèse d'un second messager.
ILe premier messager provoque ijn changerrière" eu récepteur
La protéine G peut désormais se fixer au récepteur
FIGURE 2-26. Le neurotransmetteur s'est lié à son récepteur. Le premier messager remplit sa tâche en transformant le récepteur (transformation représentée ici en donnant au récepteur la même couleur que celle du neurotransmetteur) afin de lui permettre de se fixer à la protéine G. Cela nécessite une modification de la configuration du récepteur du neurotransmetteur (représenté ici par un changement de la forme de la partie basse du récepteur). 54
Une fois liée au récepteur, la protéine G chaqge de forme et peut ainsi se fixer à l'enzyme qui va synthétiser le second messager.
FIGURE 2-27. L'étape suivante dans la production d'un second messager consiste, pour le récepteur du neurotransmetteur ainsi transformé, à se lier à la protéine G (représentée ici par l'utilisation de la même couleur pour la protéine G que celle du neurotransmetteur et du récepteur). La liaison de la protéine G au complexe binaire neurotransmetteur-récepteur provoque Ià également une modification de sa configuration, que nous avons représentée ici en donnant une autre forme à la partie droite de la protéine G. Cette modification prépare la protéine G à se lier à l'enzyme qui synthétisera le second messager.
Une fois que cette liaison a eu lieu, le second messager est libéré.
FIGURE 2-28. L'étape finale dans la formation du second messager consiste en la liaison du complexe ternaire neu rotransmetteur-récepteur-protéine G à l'enzyme de synthèse du second messager (représentée ici sous forme d'une enzyme de même couleur que le complexe ternaire). Lorsque cette enzyme se lie au complexe, elle est activée et devient capable de synthétiser le second messager. C'est donc la coopération de quatre éléments, regroupés en un complexe quaternaire, qui conduit à la production du second messager. Les informations du premier messager passent ainsi vers le second messager par l'intermédiaire de l'ensemble récepteur-protéine G-enzyme. 55
56
Psychopharmacologie protéine G sont inhibiteurs, ralentissant ou empêchant le couplage du récepteur et de l'enzyme fabriquant le second messager. Le transfert du premier messager vers le second se fait donc au travers d'une 'cascade moléculaire : le neurotransmetteur avec son récepteur (voir Fig 2-25) ; le récepteur du neurotransmetteur avec la protéine G (voir Fig. 2-26) ; le complexe binaire des deux récepteurs avec l'enzyme (voir Fig. 2-27) ; et l'enzyme avec la molécule second messager (voir Fig. 2-28).
Régulation ionique Et comme si tout cela n'était pas assez complexe, la cascade mise en branle par le premier messager et entretenue par le second messager ne s'arrête pas là. Les événements moléculaires précis de cette cascade font l'objet à l'heure actuelle d'une recherche intense et sont sur le point d'être mis à jour. La cascade se poursuit alors que le second messager modifie diverses activités cellulaires. Habituellement, l'étape suivante est constituée par l'activation par le second messager d'enzymes (Fig. 2-29) qui peuvent en pratique modifier n'importe quelle fonction de la cellule. Une des fonctions les plus importantes déclenchées par ces enzymes est le changement de la perméabilité membranaire vis-à-vis des ions tels que le calcium (Fig. 2-30). La modification des flux ioniques à l'intérieur du neurone représente un des moyens essentiels pour modifier l'excitabilité neuronale que le second messager tente d'influencer. Cela se passe peu de temps après le début de la neurotransmission, alors que d'autres événements prennent plus de temps pour se développer et persistent plus longtemps.
Régulation génique Les seconds messagers activent fréquemment des enzymes, leur ordonnant de phosphoryler des protéines ou alors d'autres enzymes au sein de la cellule (Fig. 2-31 à 2-35). La synthèse de diverses molécules peut ainsi être modifiée du fait de leur régulation par le second messager. Précisément, afin de modifier le fonctionnement du neurone, ces molécules doivent modifier les gènes qui contrôlent la synthèse protéique, laquelle exécute toutes les fonctions cellulaires. Finalement, le message est transmis d'un messager à l'autre (voir Fig. 2-31 à 2-33) jusqu'à ce que l'information atteigne l'ADN (les gènes) au sein du noyau cellulaire (voir Fig. 2-34). Une fois cette tâche accomplie, pratiquement n'importe quelle modification biochimique devient possible, puisque l'ADN est le centre de commande de la cellule, et dispose de la capacité à orchestrer tout événement biochimique susceptible de se produire au sein de la cellule. Les gènes ne régulent donc pas directement le fonctionnement de la cellule, mais plutôt celui des protéines qui provoquent le fonctionnement cellulaire. Ainsi, les changements de fonction passent après ceux de la synthèse protéique et les événements qu'elle a provoqués. Voyons maintenant quels sont les événements déclenchés par le second messager ANIPc ordinaire. Lorsque ce dernier est formé (voir Fig. 2-31), il interagit avec une importante famille d'enzymes régulatrices appelées protéines kinases. Une fois que l'AMPc s'est liée à la version inactive, « dormante », d'une de ces enzymes, cette dernière « se réveille » et devient une protéine kinase active (voir Fig. 2-32). Le travail de la protéine kinase est donc d'activer les facteurs de transcription en les phosphorylant (voir Fig. 2-33). Pour ce faire, elle file droit dans le noyau cellulaire et trouve un facteur de transcription « endormi », auquel elle attache
FIGURE 2-29. Lorsque le second messager a été synthétisé, il poursuit le transfert d'informations par d'autres conversations moléculaires. Ce dessin représente la synthèse du second messager, sous forme d'un neurotransmetteur bleu qui se lie au niveau extracellulaire et provoque en cascade le transfert de l'information (toujours en bleu) à travers le récepteur, la protéine G et l'enzyme de synthèse du second messager (voir Fig. 2-25 à 2-28). Toutefois, cette figure va au-delà de la synthèse du second messager et représente l'activation par le second messager d'une enzyme intracellulaire. Noter qu'ici le canal ionique est fermé et qu'aucune information n'attein't pour le moment l'ADN cellulaire.
57
Le second messager fait ouvrir par l'enzyme un canal ionique, permettant au calcium d'entrer dans la cellule.
IIGURE 2-30. Une des conséquences de "activation d'une enzyme intracellulaire par le second messager est l'ouverture du canal ionique. C'est une cascade moléculaire complexe qui réalise ce processus. Elle est mise en oeuvre par l'activation d'une enzyme intracellulaire par le second messager, enzyme qui à son tour crée des instructions moléculaires destinées à un gardien ionique lui intimant l'ordre d'ouvrir le canal ionique.
58
premier messager neurotransmetteur
récepteur
O
second messager
FIGURE 2-31. Régulation génique par les neurotransmetteurs, première partie. Les neurotransmetteurs commencent le processus d'activation des gènes en produisant un second messager (voir Fig. 2-25 à 2-28).
second messager
protéine kinase inactive
U<, activation
protéine kinase active
FIGURE 2-32. Régulation génique par les neurotransmetteurs, deuxième partie. Ici, un second messager active une enzyme intracellulaire, une protéine kinase. Cette dernière est inactive lorsqu'elle est jumelée à une copie d'elle-même et couplée à deux unités de régulation (R). Dans notre exemple, deux copies du second messager interagissent avec les unités de régulation, les dissociant des copies des protéines kinases. La protéine kinase est alors activée, prête à phosphoryler d'autres protéines (PO4).
facteur de transcription facteur de transcription inactif « précoce « activé
FIGURE 2-33. Régulation génique par les neurotransmetteurs, troisième partie. Après avoir été activée, la protéine kinase phosphoryle un facteur de transcription (FT). L'ajout d'un radical phosphate (PO4) au facteur de transcription provoque— son activation ; il peut ainsi se lier à la région régulatrice du gène. 59
FOS
gène » précoce » inactif
gène « précoce » activé
ARNm
créaton du FOS
FIGURE 2-34. Régulation génique par les neurotransmetteurs, quatrième partie. Le facteur de transcription se lie maintenant à la région régulatrice du gène et l'active. Le gène représenté ici est appelé cFos. L'activation d'un gène signifie qu'il va être transcrit en ARN, qui à son tour est traduit en protéine pour laquelle il est codant. Dans notre exemple, la protéine est le Fos issu du gène cFos.
premier messager (neurotransmetteur)
membrane neuronale
recepé- Lir
al
a second messager
protéine kinase inactive
activation
protéine kinase active
noyau
facteur de transmission inactif
facteur de transcription « précoce » activé
FOS
FIGURE 2-35. Régulation génique par les neurotransmetteurs, cinquième partie. Sont rassemblées ici I, quatre parties des Fig. 2-31 à 2-34 pour montrer cascade continue qui se produit à partir du pren messager et qui se termine par la production du produit du gène, la protéine Fos.
Récepteurs et enzymes, cibles de l'action des médicaments
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FOS
FIGURE 2-36. Activation des gènes tardifs par les gènes précoces, première partie. Un facteur de transcription active le gène précoce cFos et entraîne la production de la protéine Fos (voir détails dans les Fig. 2-31 à 2-35).
;.
JUN
FIGURE 2-37. Activation des gènes tardifs par les gènes précoces, deuxième partie. Tandis que le gène cFos est activé (voir Fig. 2-38), un autre gène précoce est activé simultanément. Ce second gène est pelé cJun ; il produit la protéine jun.
un groupe phosphate, ce qui a pour effet de le « réveiller » (voir Fig. 2-33). Une fois qu'il est activé, le facteur de transcription se lie aux gènes., Certains gènes sont dits précoces (voir Fig. 2-34). Ce sont nos fameux cJun ou cFos (Fig. 2-34 à 2-40), qui appartiennent à la famille des leucine zippers (voir Fig. 2-38). Ils répondent rapidement à l'ordre donné par le neurotransmetteur, à l'image de troupes de première ligne partant au combat lorsqu'une guerre est déclarée. Un tel déploiement de force au sein des gènes précoces constitue la première réponse au signal du neurotransmetteur et conduit à la production des protéines Jun et Fos venant des gènes cJun et cFos (voir Fig. 236 et 2-37). Ce sont des protéines nucléaires, ce qui signifie qu'elles vivent et travaillent dans le noyau. Elles apparaissent dans les 15 minutes suivant la neurotransmission, mais ne durent qu'une demi-heure à une heure (Fig. 2-41).
62
Psychopharmacologie
FOS
JUN
FIGURE 2-38. Activation des gènes tardifs par les gènes précoces, troisième partie. Lorsque les protéines Fos et Jun sont synthétisées, elles entrent en collaboration pour donner une combinaison protéique FosJun agissant comme facteur de transcription pour les gènes tardifs. On appelle parfois le facteur de transcription Fos Junune leucine zipper.
Produit du
gène tardif
FIGURE 2-39. Activation des gènes tardifs par les gènes précoces, quatrième partie. Le facteur de transcription de type leucine zipper formé par les produits des gènes précoces cFos et cJun activés retourne vers le génome pour trouver un autre gène. Comme ce dernier est activé plus tard que les autres, on l'appelle gène tardif. Les gènes précoces activent donc les gènes tardifs lorsque les premiers sont eux-mêmes des facteurs de transcription, Les produits des gène tardifs peuvent être toutes sortes de protéines dont le neurone a besoin, comme les enzymes de transport ou le facteur de croissance (voir Fig. 2-16). Lorsque Jun et Fos s'associent, elles forment un facteur de transcription de type leucine zipper (voir Fig. 2-38), lequel à son tour active toutes sortes de gènes d'apparition tardive (voir Fig. 2-39 à 2-42). Fos et Jun servent donc à réveiller-toute une armée beaucoup plus imposante de gènes inactifs. Le choix d'un gène soldat qui sera appelé sous Ies drapeaux afin de demander à tel ou tel gène de faire son devoir dépend d'un certain nombre de facteurs, parmi lesquels il faut compter — et ce n'est pas le moindre — le type de neurotransmetteur envoyant les messages, la fréquence à laquelle il les enverra, et le fait de travailler de concert ou en opposition avec les autres neurotransmetteurs atteignant d'autres parties du même neurone, au même moment. Lorsque Fos et Jun sont partenaires et forment un facteur de transcription de type leucine zipper, certains gènes sont activés et fabriquent tout ce à quoi l'on peut penser : de l'enzyme au récepteur en passant par les protéines de structure (voir Fig. 2-42).
FOS
•
Produit du gène tardif
FIGURE 2-40. Activation des gènes tardifs par les gènes précoces, cinquième partie. Processus d'activation d'un gène tardif : incorporation des éléments des Pfg. 2-36 à 2-39. En haut, les gènes précoces cFos et cJun sont exprimés, et leurs produits protéiques Fos et Jun sant synthétisés. Plus bas figure la synthèse d'un facteur de transcription, une leucine zipper, grâce à la coopération de Fos et Jun. Pour finir, le facteur de transcription va activer un gène tardif, ce qui conduit à la synthèse de son produit protéique.
63
liaison du neurotransmetteur au récepteur
I,
A
formation de l'AMPc
activation de la protéine kinase
activation du CREB
activation des gènes précoces inactifs
synthèse de l'ARNm
synthèse du FOS
activation par le FOS de gènes tardifs
réponse synthèse d'ARNm par les gènes tardifs
synthèse de protéines par les gènes tardifs
effets à long terme des produits des gènes tardifs
1 heure
temps FIGURE 2-41, Évolution temporelle de l'activation des gènes tardifs induite par un neurotransmetteur. Ce dessin reprend l'activité illustrée par les Fig. 2-31 à 2-40. Une évolution temporelle a déjà été fournie, avec moins de détails, dans la Fig. 1-13. Ici, l'événement le plus précoce débute en haut de l'image, et le dernier de la cascade se situe en bas. La liaison du neurotransmetteur au récepteur et immédiate, puis de nombreux événements se produisent dans la première heure. Les gènes précoces semblent être activés dans les 15 premières minutes et les gènes tardifs au cours de la première heure. Cependant, l'effet physiologique majeur (régulation des enzymes, des récepteurs ou de la synaptogenèse) ne se produit que dans les heures ou les jours qui suivent l'activation des gènes tardifs.
64
Récepteurs et enzymes, cibles de l'action des médicaments
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ARNm
ARNm
FIGURE 2-42. Exemple d'activation d'un gène tardif. Un récepteur, une enzyme et un facteur de croissance neurotrophique sont effectivement exprimés lorsque leur gène respectif a été activé. De tels produits des gènes vont modifier le fonctionnement neuronal pendant des heures ou des jours.
es récepteurs, sites d'action des médicaments Parmi les exemples habituels de changements induits par le neurotransmetteur, on peut citer la régulation du nombre de récepteurs au neurotransmetteur lui-même. Le neurotransmetteur réclame plus ou moins de copies de son récepteur, ce qui autorise le processus de neurotransmission à aller du récepteur au gène et de revenir de nouveau au récepteur (Fig. 2-43 et 2-44). Les médicaments agissant sur les récepteurs des neurotransmetteurs peuvent modifier leur nombre en réduisant leur taux de synthèse. Ce phénomène est appelé down regulation ou désensibilisation (voir Fig. 2-43 et 2-45). Ce processus nécessite plusieurs jours. Le changement du taux de synthèse du récepteur peut modifier de façon très puissante la neurotransmission chimique au niveau de la synapse. Précisément, la réduction du taux de synthèse équivaut à une moindre production en récepteurs et un moindre transport le long de l'axone vers la terminaison où ils doivent être inclus à la membrane (voir Fig. 1-8, 2-43 et 2-45). Théoriquement, cela diminue la sensibilité de la neurotransmission. Un neurotransmetteur ou un médicament peuvent également induire une forme de désensibilisation plus rapide, en activant l'enzyme de phosphorylation du récepteur, ce qui le rend insensible au neurotransmetteur. Lorsque le taux de synthèse du récepteur du neurotransmetteur est accru, on parle d'up regulation ou hypersensibilisation (voir Fig. 2-44 et 2-45). Dans certaines conditions, les récepteurs peuvent être synthétisés en excès, spécialement s'ils sont chroniquement bloqués par des médicaments (voir Fig. 2-44 et 2-45). Une synthèse trop importante du récepteur ne
DÉSENSIBILISATION
vEM
a a
Les nouvelles substances chimiques agissent sur l'ADN cellulaire. Ici, elles provoquent la DÉSENSIBILISATION des récepteurs.
<.ele 444—
FIGURE 2-43. Parmi les instructions chimiques données par les enzymes intracellulaires, on compte les ordres donnés à l'ADN de la cellule. Ici, la cascade du neurotransmetteur bleu conduit à la formation du second messager, suivie par l'activation d'une enzyme intracellulaire par le second messager, enzyme qui à son tour déclenche l'action d'une autre enzyme intracellulaire produisant les molécules rouges. Ces dernières contiennent des instructions pour l'ADN cellulaire qui en retour ralentit la synthèse des récepteurs du neurotransmetteur. Moins de récepteurs bleus sont donc synthétisés, c'est pourquoi nous représentons cela par le pictogramme d'une tortue à cheval sur la flèche de la synthèse des récepteurs. Ce ralentissement de la synthèse des récepteurs du neurotransmetteur est appelée désensibilisation (down regulation). 66
HYPERSENSIBILISATION
FIGURE 2-44. La production d'instructions chimiques par les enzymes intracellulaires peut comprendre l'ordre donné à l'ADN cellulaire d'accélérer la synthèse des récepteurs du neurotransmetteur. Ainsi, la cascade du neurotransmetteur bleu entraîne la formation du second messager qui active ensuite une enzyme intracellulaire, qui à son tour déclenche la production des protéines rouges. Contrairement à la molécule rouge de la Fig. 2-43, celle-ci transmet à l'ADN l'ordre d'accélérer la synthèse des récepteurs du neurotransmetteur. Un grand nombre de ces récepteurs est donc synthétisé (pictogramme du lièvre à cheval sur la flèche de la synthèse des récepteurs). Cette augmentation de la synthèse des récepteurs du neurotransmetteur est appelée hyperseresibilisation (up regulation). 67
DÉSENSIBILISATION
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FIGURE 2-45. Représentation simplifiée de la cascade moléculaire compliquée des Fig. 2-43 à 2-44. Lorsque peu de récepteurs du neurotransmetteur sont synthétisés, on parle de désensibilisation. Au contraire, quand un grand nombre est produit, on parle d'hypersensibilisation. 68
Récepteurs et enzymes, cibles de l'action des médicaments
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Après sa fixation à une enzyme, un substrat est transformé en un produit qui est ensuite libéré par l'enzyme
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1
2
3
FIGURE 2-46. Activité enzymatique de conversion d'une molécule en une autre, Un substrat est transformé en un produit lorsqu'il a été modifié par l'enzyme. L'enzyme est dotée d'un site actif où le substrat peut se lier spécifiquement (1). Le substrat repère ce site et se fixe à lui (2), de telle sorte qu'une transformation moléculaire puisse se produire, le substrat devenant un produit (3).
va pas seulement augmenter la sensibilité de la neurotransmission, mais elle risque aussi de provoquer une maladie. C'est précisément ce phénomène qui est suspecté dans les dyskinésies tardives (voir Chapitre 11, les antipsychotiques), qui semblent déclenchées lorsque les médicaments bloquant les récepteurs de la dopamine induisent des changements anormaux de leur nombre ou de leur sensibilité. À l'intérieur du noyau cellulaire, la cascade moléculaire induite par le neurotransmetteur ne conduit pas seulement à des modifications de la synthèse du récepteur du neurotransmetteur lui-même, mais aussi à des modifications au niveau de la synthèse de bien d'autres protéines postsynaptiques importantes, incluant des enzymes et des récepteurs au niveau d'autres neurotransmetteurs. En résumé, les systèmes seconds messagers (voir Fig. 2-25 à 2-28) s'insèrent dans un schéma général dans lequel ils utilisent le neurotransmetteur premier messager qui se fixe à son récepteur, pour déclencher une cascade d'événements moléculaires exécutée par une équipe d'acteurs moléculaires interagissant les uns avec les autres de façon coopérative et transmettant le message d'une molécule à l'autre. Cela réalise le transfert d'information envoyée de l'extérieur via le neurotransmetteur du neurone émetteur à l'intérieur du neurone récepteur (voir Fig. 2-26 à 2-28), impliquant toutes sortes d'effets potentiels sur les processus intracellulaires (voir Fig. 2-29 à 2-45). Une fois que le premier messager extracellulaire envoyé par le neurone émetteur a transmis le message au second messager, intracellulaire, situé dans le neurone récepteur, ce message pénètre au plus profond de la cellule sous la forme d'une cascade moléculaire atteignant Ies enzymes, les récepteurs, les canaux ioniques et, au bout du compte, l'ADN de façon à
INHIBITEUR IRRÉVERSIBLE
In& « Inhibiteur suicide ». Cet inhibiteur se fixe de façon irréversible à l'enzyme (qui est une protéine) et l'inhibe en permanence.
FIGURE 2-47. Certains médicaments sont des inhibiteurs enzymatiques. Représentation d'un inhibiteur irréversible lié par des chaînes à l'enzyme. La liaison est maintenue si durablement qu'elle est appelée « inhibition suicide », car l'inhibiteur irréversible commet en quelque sorte un suicide en se fixant ainsi à l'enzyme. L'activité de l'enzyme ne pourra être restaurée à moins que de nouvelles molécules de l'enzyme soient synthétisées à partir de l'ADN cellulaire. L'enzyme qui est liée à l'inhibiteur irréversible ne sera plus jamais capable d'exercer la moindre activité ; on dit qu'elle est « morte ».
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Récepteurs et enzymes, cibles de l'action des médicaments
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Inhibiteur réversible. Cet inhibiteur peut être déplacé de l'enzyme. On parle dans ce cas de réversibilité.
FIGURE 2-48. D'autres médicaments sont des inhibiteurs enzymatiques réversibles. Leur liaison à l'enzyme est représentée ici par une ficelle. L'inhibiteur, dans certaines circonstances, peut être déplacé de l'enzyme ; dans un tel cas, l'inhibition est annulée et l'enzyme redevient fonctionnelle.
faire savoir comment le neurone émetteur veut modifier la fonction cellulaire du neurone récepteur (voir Fig. 2-35 et 2-40 à 2-42). Il existe tout au long de ce parcours des sites potentiels d'action pour les psychotropes ou pour les maladies psychiatriques et neurologiques. Enfin, en modifiant le taux de synthèse des enzymes qui détruisent ou créent des neurotransmetteurs, on peut agir sur la quantité de neurotransmetteur chimique disponible et ainsi modifier la neurotransmission elle-même. Les enzymes, sites de l'action des médicaments Comme nous venons de le voir, les enzymes sont impliquées dans de multiples aspects de la neurotransmission chimique. Chaque enzyme pourrait être la cible théorique d'un médicament agissant comme inhibiteur. Toutefois, en pratique quotidienne, parmi tous les produits connus, seuls quelques-uns sont des inhibiteurs enzymatiques.
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Psychopharmacologie
L'inhibiteur peut être déplacé de l'enzyme par un substrat qui entre en compétition avec lui.
FIGURE 2-49. Une compétition s'établit ici entre un inhibiteur enzymatique réversible et le substrat de cette même enzyme. Les propriétés moléculaires du substrat sont telles qu'il peut se débarrasser de l'inhibiteur réversible. Ce processus est représenté ici par des ciseaux en train de sectionner les ficelles de l'inhibiteur.
Les enzymes les plus importantes dans le processus de neurotransmission sont celles qui produisent et détruisent les neurotransmetteurs. Les précurseurs sont transportés à l'intérieur du neurone par une pompe assistée d'une enzyme, puis transformés en neurotransmetteurs par toute une série d'enzymes de synthèse spécifiques (voir Fig. 1-7 à 1-9). Lorsque que cette synthèse est achevée, le neurotransmetteur est stocké- dans des vésicules où il demeure jusqu'à sa libération par l'influx nerveux. Dans la vésicule, le neurotransmetteur est protégé de la destruction enzymatique, mais une fois libéré, il est libre non seulement de diffuser vers son récepteur pour lancer l'action synaptique, mais aussi de diffuser vers les enzymes de destruction ou vers la pompe de recapture (voir Fig. 2-20 à 2-24). L'activité enzymatique consiste à transformer une molécule en une autre, c'est-à-dire à changer un substrat en un produit. Le substrat d'une enzyme, de même que son produit, est unique et spécifique pour chaque enzyme. Les inhibiteurs enzymatiques sont eux aussi uniques et très sélectifs d'une enzyme à l'autre. Pour qu'une enzyme fonctionne normalement, elle doit se lier à son substrat avant de le transformer en produit (Fig. 2-46). Cependant,
Récepteurs et enzymes, cibles de l'action des médicaments
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1
FIGURE 2-50. La victoire du substrat dans la compétition avec l'inhibiteur enzymatique réversible permet au substrat de déplacer ce dernier et de le chasser. C'est parce que le substrat est doté de cette aptitude que l'on dit de l'inhibiteur qu'il est réversible.
l'enzyme peut se lier à un inhibiteur, ce qui l'empêche de se lier à son substrat et de fabriquer le produit (Fig 2-47 à 2-51). La liaison à l'inhibiteur peut être soit réversible (voir Fig. 2-48 à 2-50), soit irréversible (voir Fig. 2-47 à 2-51). En cas d'inhibition réversible, la liaison à l'enzyme fait l'objet d'une compétition entre le substrat et l'inhibiteur, ce dernier cherchant à éliminer le substrat en le jetant littéralement dehors (voir Fig. 2-50). Le résultat final du match entre le substrat et l'inhibiteur dépend de la plus ou moins grande affinité ou de la plus ou moins forte concentration de l'un par rapport à l'autre. Toutefois, lorsqu'un inhibiteur irréversible se lie à une enzyme, il ne peut plus être déplacé par le substrat. La liaison est irréversible (voir Fig. 2-51). Ce type d'inhibiteur est parfois appelé « inhibiteur suicide » car il se lie de façon covalente et irréversible à l'enzyme protéique, l'inhibant en permanence et par conséquent la « tuant » en la rendant définitivement non fonctionnelle (voir Fig. 2-51). Dans ce cas de figure, l'activité enzymatique est restaurée seulement lorsque de nouvelles molécules de l'enzyme sont synthétisées.
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Psychopharmacologie
L'inhibiteur suicide ne peut pas être déplacé de l'enzyme par un substrat
qui entre en compétition avec lui. FIGURE 2-51. La
conséquence de l'échec du substrat dans la compétition avec l'inhibiteur enzymatique irréversible est que le substrat est incapable de déplacer ce dernier. Les ciseaux sur le dessin ne peuvent sectionner les chaînes de l'inhibiteur. Dans un tel cas, l'inhibition est dite irréversible.
Étant donné la mise en évidence croissante du nombre d'enzymes, et du fait qu'on peut potentiellement appliquer ce concept à tout système enzymatique, on peut s'attendre dans le futur à un enrichissement considérable de la psychopharmacologie par une multitude d'inhibiteurs enzymatiques.
Résumé : modification de la neurotransmission chimique par les 'médicaments Dans ce chapitre, il a été question du rôle des récepteurs et des enzymes au sein du fascinant et dynamique processus de la neurotransmission chimique-11 ne faut pas sous-estimer l'importance des principes de base concernant la manière dont les récepteurs et les enzymes modifient la neurotransmission. Une grande partie de la neuropharmacologie contemporaine est fondée en partant du principe que la plupart des médicaments et beaucoup de maladies touchant le système nerveux central agissent tant au niveau synaptique que sur la neurotransmission chimique. Nous avons spécifiquement examiné la façon dont les enzymes et les récepteurs sont les cibles des médicaments en psychopharmacologie. Nous avons exploré les composants des récepteurs individuels, et discuté comment ils fonctionnent en tant que membre d'une équipe synaptique de neurotransmission, dont le capitaine est le neurotransmetteur et le
Récepteurs et enzymes, cibles de l'action des médicaments
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joueur principal le récepteur interagissant avec les autres joueurs que sont les ions, les canaux ioniques, les transporteurs, les pompes de transport actif, les systèmes seconds messagers, et les enzymes. Le lecteur doit aussi comprendre la complexe mais charmante cascade moléculaire précipitée par le neurotransmetteur, avec transfert du message transmis, molécule par molécule, à l'intérieur du neurone récepteur, message qui, pour sa propre exécution, peut modifier les mécanismes biochimiques de ce dernier.
CHAPITRE
3
PROPRIÉTÉS SPÉCIALES DU RÉCEPTEUR
I. Les multiples sous-types de récepteurs A. Définition et description B. Sous-types pharmacologiques C. Superfamilles de récepteurs lit II. Agonistes et antagonistes A. Antagonistes B. Agonistes inverses C. Agonistes partiels D. Lumière et obscurité, analogie des agonistes partiels III. Modulation allostérique A. Interactions allostériques positives B. Interactions allostériques négatives IV. Cotransmission versus modulation allostérique V. Résumé
L'étude de la psychopharmacologie des récepteurs nécessite de comprendre non seulement que les récepteurs sont la cible de la plupart des médicaments connus, mais aussi qu'ils possèdent des propriétés très spéciales. Ce chapitre reprerrdra la discussion sur les propriétés générales des récepteurs présentée au Chapitre 2, et constituera une introduction aux propriétés spécifiques des récepteurs, ce qui nous permet de comprendre la façon dont ils participent aux interactions médicamenteuses clés. En particulier, nous verrons les trois grands principes psychopharmacologiques des récepteurs : premièrement, ils sont organisés en multiples sous-types ; deuxièmement, leur interaction avec les médicaments définit non seulement les agonistes et les antagonistes, mais aussi les agonistes partiels et les agonistes inverses ; et enfin, la modulation allostérique qui constitue un important mécanisme d'action des médicaments sur le récepteur. 77
78
Psychopharmacologie
Les multiples sous-types de récepteurs Définition et description Il existe au moins deux façons de cataloguer les récepteurs. L'une consiste à décrire tous les récepteurs partageant le même neurotransmetteur. C'est le sous typage pharmacologique. L'autre manière est de les classer en fonction de leurs caractéristiques structurales communes et de leurs interactions moléculaires. On utilise parfois dans ce cas l'appellation « superfamille » de récepteurs. Certaines combinaisons classificatoires supplémentaires ne seront pas détaillées plus avant ici. Nous rappellerons simplement qu'elles incluent celles qui sont liées à des localisations de gènes et/ou de chromosomes, et celles ayant le même système effecteur (par exemple, protéine G stimulatrice ou inhibitrice, ou canaux sodium, potassium, chlore ou calcium). Ces caractéristiques concernant les différents récepteurs seront vues lorsque nous évoquerons les récepteurs spécifiques des neurotransmetteurs. Sous-types pharmacologiques Afin d'augmenter les possibilités de communication au niveau cérébral, chaque neurotransmetteur peut agir sur un ou plusieurs récepteurs, ce qui signifie qu'il n'y a pas un récepteur unique de l'acétylcholine, ni un récepteur unique de la sérotonine ou de la noradrénaline. En fait, de multiples sous-types de presque tous les récepteurs des neurotransmetteurs connus ont été découverts. Tout se passe comme si les clés (les neurotransmetteurs) pouvaient ouvrir toutes les serrures (les récepteurs) du cerveau. Dans cette optique, le neurotransmetteur est un passe-partout. Tandis que certains médicaments peuvent agir comme double du passe-partout, d'autres sont rendus plus sélectifs et agissent sur un seul récepteur, comme une clé subsidiaire pour une seule serrure (Fig. 3-1). Tout cela favorise une astucieuse ingénierie de la communication qui se fait via les neurotransmetteurs et les récepteurs cérébraux. Étant donné que le système de la neurotransmission chimique utilise de multiples neurotransmetteurs, agissant chacun sur de multiples récepteurs, la transmission chimique utilise toutes les caractéristiques de la sélectivité aussi bien que de l'amplification. Plus précisément, lorsqu'il y a sélectivité d'une famille de récepteurs pour un neurotransmetteur unique, il n'y en a pas moins amplification de la communication grâce à la présence d'une grande variété de récepteurs pour le même neurotransmetteur. Chaque neurotransmetteur peut donc non seulement être sélectif lorsqu'on le compare à d'autres, mais en plus il existe une redondance de sous-types de récepteurs partageant le même neurotransmetteur. Les sous-types de récepteurs permettent à un seul neurotransmetteur d'accomplir des fonctions très différentes, selon le sous-_type particulier auquel il se lie, mais aussi selon la topographie cérébrale de ce sous-type. Superfizmilles de récepteurs Il existe deux grandes superfamilles de récepteurs. La première est celle dont tous les membres ont sept domaines transmembranaires, utilisent une protéine G et un système second messager (elle est représentée par une simple icône dans la Fig. 3-2). Nous avons vu cela en détail dans le texte et les figures du Chapitre 2. Un récepteur individuel, au sein de cette classe, peut éventuellement utiliser différents neurotransmetteurs tout en restant membre de
Propriétés spéciales du récepteur
79
Médicaments agissant sur six sous-types de récepteurs de neurotransmetteurs
r '3SP-pa' trAll;
FIGURE 3-1. Les neurotransmetteurs ont de multiples sous-types de récepteurs avec lesquels ils peuvent interagir, comme si le neurotransmetteur était un passe-partout capable d'ouvrir chacun des verrous des différents sous-types de récepteurs. On peut fabriquer des médicaments qui imitent l'action du neurotransmetteur. Les médicaments les plus sélectifs sont capables d'agir comme une clef unique au niveau d'un seul sous-type. Cette figure représente un neurotransmetteur capable d'interagir avec six sous-types de récepteurs (c'est le passe-partout). Sont également représentés six médicaments différents tenus par le même porte-clefs. Chacun de ces médicaments est sélectif pour un seul sous-type.
r
cette superfamille. L'explication à l'utilisation par des membres d'une même famille de neurotransmetteurs différents réside sans doute dans la constitution moléculaire du domaine transmembranaire où se lie le neurotransmetteur (voir Fig. 2-3, 2-5 et 2-6). La configuration moléculaire du site de liaison pour le neurotransmetteur change d'un récepteur à l'autre au sein de la même famille. Voilà pourquoi différents neurotransmetteurs peuvent être utilisés par les récepteurs de la même superfamille. La-différence des sites de liaison repose en général sur la substitution de différents acides aminés sur la 'chaîne peptidique du récepteur (voir Fig. 2-1). Une substitution précise, à quelques endroits stratégiques seulement, peut transformer un récepteur, dont les caractéristiques concernent un neurotransmetteur donné, en un récepteur dont les caractéristiques de reconnaissance et de liaison auront tellement changé qu'elles concerneront un neurotransmetteur totalement différent. Cette question a été traitée dans le Chapitre 2 et décrite dans les figures précédentes, dont les Fig. 2-1 à 2-3. Une seconde superfamille de récepteurs partage une constitution moléculaire commune où chaque membre possède quatre domaines transmembranaires, avec cinq exemplaires de chaque récepteur groupés autour d'un canal ionique (voir icône dans les Fig. 3-3 et 3-4 ; voir
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Psychopharmacologie
PREMIÈRE SUPERFAMILLE
FIGURE 3-2. Une des deux superfamilles de récepteurs des neurotransmetteurs. II s'agit des récepteurs liés à une protéine G. Chaque membre de cette superfamille dispose d'un récepteur à sept domaines transmembranaires (voir Fig. 2-1 et 2-2), schématisé ici par l'icône d'un simple récepteur. Chaque récepteur de cette famille est doté d'une protéine G et donc d'un système second messager déclenché par la coopération d'une enzyme. Pour plus de détails, voir Fig. 2-25 à 2-22.
aussi Fig. 2-5 et 2-6). Le canal ionique peut être différent d'un récepteur à l'autre au sein de cette superfamille, et le neurotransmetteur peut aussi varier d'un membre de la famille à l'autre. Toutefois, tous les récepteurs sont disposés d'une façon comparable sur le plan moléculaire, c'est-à-dire concentriquement autour du canal ionique. Une autre caractéristique commune de cette superfamille est qu'il n'y a pas seulement de multiples exemplaires de chaque récepteur, mais qu'il existe aussi différents types de récepteurs. Le canal ionique est donc entouré de multiples copies de nombreux récepteurs différents (voir Fig. 3-3). Grâce à cela, le passage critique des ions à l'intérieur de la cellule via le canal ionique peut être régulé par de multiples neurotransmetteurs et médicaments, plutôt que par un seul produit. La régulation d'un canal ionique-semble être un travail trop important pour être laissé à un seul neurotransmetteur. Ainsi, le cerveau a fait le nécessaire pour qu'un grand nombre de gardiens veillent sur le passage des ions dans le cerveau. Parfois, il arrive que les divers gardiens qui ont leur mot à dire dans la régulation du canal entrent en compétition pour se neutraliser réciproquement. À d'autres moments, ils coopèrent afin d'accroître l'action des autres. Il arrive que deux neurotransmetteurs soient actifs sur de tels récepteurs ; ils sont alors dits cotransmetteurs. Le canal ionique est essentiellement constitué d'une colonne de colonnes. En se liant au site de fixation des colonnes de récepteurs, le neurotransmetteur provoque l'ouverture et la fermeture de la colonne du canal ionique située au centre de toutes les colonnes (c'est-à-dire
Propriétés spéciales du récepteur
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canal ionique 19,
récepteur
site modulateur 2
site modulateur 1
1S1
DEUXIÈME SUPERFAMILLE ;
canal à l'état de repos FIGURE 3-3. Deuxième grande superfamille de récepteurs des neurotransmetteurs. Il s'agit des récepteurs à canal ionique dépendant du ligand. Un récepteur est fait de cinq copies d'une sous-unité dont chacune dispose de quatre domaines transmembranaires (voir Fig. 2-5 et 2-6). Étant donné que plusieurs copies de chaque récepteur sont disposées en colonne dans un cercle, elles sont les gardiens moléculaires d'un canal ionique. Le canal ionique est situé au centre du cercle formé par les récepteurs. Sur chaque récepteur se trouve non seulement le site de liaison, mais aussi divers sites de modulation pour d'autres neurotransmetteurs ou des médicaments. Sur ce dessin, le canal est partiellement ouvert.
III.
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à l'intérieur de la colonne de colonnes) (voir Fig. 3-3). C'est pour le récepteur nicotinique de l'acétylcholine que cet arrangement est le mieux documenté, de même que pour le récepteur de l'acide gamma-aminobutyrique (GABA) et des benzodiazépines, mais, dans ce cas, on émet l'hypothèse qu'il s'agit là d'un schéma général pour plusieurs types de complexes récepteur-canal ionique, comprenant également—les,sécepteurs de la glycine. Cependant, ce serait différent pour les canaux ioniques dont le glutamate est à la fois ligand et gardien. Comme cela a été mentionné dans le Chapitre 1 et représenté en dessin dans la Fig. 1-6, décliné en neurotransmission rapide ou lente, les membres de la superfamille à sept domaines transmembranaires liés à un système second messager donnent un signal de modulation à début lent, finalement amplifié par l'activation génique, plusieurs minutes ou heures plus tard. Toutefois, les membres de la superfamille des canaux ioniques à quatre domaines transmembranaires ont un signal à début rapide dans le sens où ils changent immédiatement l'état ionique du neurone et, de cette manière, facilitent les propriétés excitatrices ou inhibitrices de la neurotransmission.
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Psychopharmacologie
DEUXIÈME SUPERFAMILLE ; canal ouvert FIGURE 3-4. Une autre version de la famille des récepteurs à canal ionique dépendant du ligand est représentée ici, avec un canal ionique plus franchement ouvert que celui de la Fig. 3-3. L'ouverture et la fermeture du canal ionique sont contrôlées par divers ligands pouvant se lier à différents sites localisés sur les récepteurs de cette famille. C'est pourquoi on dit de cette superfamille qu'elle est dépendante du ligand.
Agonistes et antagonistes Les neurotransmetteurs naturels stimulent les récepteurs. On les appelle les agonistes. Par contraste, le « portefeuille » d'options pour les médicaments est beaucoup plus vaste que la simple stimulation des récepteurs. En fait, un grand spectre de possibilités existe, parfois appelé le spectre agoniste (Fig. 3-5). Certains médicaments stimulent les récepteurs, comme un neurotransmetteur naturel, et sont par conséquent des agonistes D'autres bloquent l'action du neurotransmetteur naturel et sont appelés antagonistes. Les vrais antageistes n'exercent leur action qu'en présence de l'agoniste ; ils n'ont aucune activité intrinsèque si l'agoniste n'est pas présent. D'autres encore ont une action contraire à celle de l'agoniste : ce sont les agonistes inverses. Les médicaments qui agissent sur un récepteur se situent donc dans un éventail qui va de l'agoniste total à l'agoniste inverse en passant par l'antagoniste (voir Fig. 3-5). Des exemples de l'action des agonistes peuvent être trouvés dans chacune des deux superfamilles moléculaires. Dans le cas de la superfamille de récepteurs à sept domaines transmembranaires liés à une protéine G et à un système second messager, l'agoniste déclenche la synthèse du second messager dans la mesure la plus étendue (c'est l'action de l'agoniste total).
Propriétés spéciales du récepteur
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SPECTRE DES AGONISTES
agoniste partiel inverse
antagoniste inverse
FIGURE 3-5. Le spectre des agonistes s'étend des agonistes aux antagonistes en passant par les agonistes inverses. Les neurotransmetteurs naturels sont des agonistes. On pense souvent, à tort, que les antagonistes sont l'opposé des agonistes parce qu'ils bloquent l'action de ces derniers. Ce sont les agonistes inverses qui sont vraiment à l'opposé des agonistes. Les antagonistes peuvent bloquer n'importe quel élément du spectre, y compris les agonistes inverses. Si un agoniste n'est pas aussi puissant que l'agoniste total, il est appelé agoniste partiel. De la même façon, si un agoniste inverse n'est pas aussi puissant qu'un agoniste total inverse, il est appelé agoniste partiel inverse. Un exemple de l'action psychopharmacologique d'un agoniste pourrait être la diminution de l'anxiété ou de la douleur. Par analogie, un agoniste inverse entraînera anxiété ou douleur. Un agoniste partiel diminuera faiblement l'anxiété ou la douleur, tandis qu'un agoniste partiel inverse provoquera faiblement anxiété ou douleur. Un antagoniste empêchera l'agoniste partiel ou total de réduire l'anxiété ou la douleur, et empêchera également l'agoniste inverse (total ou partiel) de provoquer anxiété ou douleur. Un antagoniste ne diminue ni ne provoque rien.
L'agoniste total est généralement représenté par le neurotransmetteur naturel, bien que certains médicaments puissent agir de façon maximale tout autant que ce dernier. Le terme agoniste est par conséquent souvent imprécis, la meilleure appellation étant agoniste total. Dans le cas de la famille de récepteurs à quatre domaines transmembranaires, faits de multiples exemplaires d'un même élément, disposés en colonnes individuelles formant un canal ionique au centre, un agoniste total agit par de multiples molécules de l'agoniste dont chacune trouve le site de liaison transmembranaire sur les colonnes de récepteurs encerclant le canal ionique. Ce dernier est alors plus complètement ouvert ; c'est l'action de l'agoniste total (Fig. 3-6). À l'état de base, le canal ionique est partiellement ouvert ; par conséquent l'agoniste total l'ouvre encore plus (voir Fig. 3-6).
I
Antagonistes Les antagonistes bloquent l'action de tout l'éventail d'agonistes (voir Fig. 3-5). En euxmêmes, les antagonistes n'ont aucune activité intrinsèque et donc sont dits parfois « silencieux » (Fig. 3-7). Toutefois, en présence de l'agoniste, l'antagoniste bloquera l'action de ce premier (Fig. 3-8).
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Psychopharmacologie
1St
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À gauche, le canal est au repos.
À droite, l'AGONISTE se fixe au récepteur et ouvre le canal en grand.
et FIGURE 3-6. Actions d'un agoniste. À gauche, le canal ionique est à l'état de repos, à moitié ouvert ou fermé. À droite, l'agoniste occupe son site de liaison sur le récepteur du canal ionique dépendant du ligand et, tel un gardien, ouvre le canal ionique. Le dessin montre un agoniste rouge se fixant à un récepteur qui devient rouge à son tour et qui ouvre le canal ionique lorsque l'agoniste se place dans son site de liaison.
Agonistes inverses Les agonistes inverses font le contraire de l'agoniste. Un exemple peut être trouvé parmi les récepteurs liés à un canal ionique. Par contraste avec les agonistes et les antagonistes, un agoniste inverse n'ouvre pas le canal ionique contrairement à l'agoniste (voir Fig. 3-6), pas plus qu'il n'empêche l'ouverture du canal par l'agoniste comme le-fait l'antagoniste (voir Fig. 38), mais il se lie plutôt au récepteur du neurotransmetteur d'une façon telle qu'il provoque l'action contraire de celle de l'agoniste, c'est-à-dire faire fermer le canal ionique par le récepteur (Fig. 3-9). Il semble au premier regard ne pas y avoir de différence entre un agoniste inverse et un antagoniste. il y en a cependant une, et elle est très importante. Tandis qu'un antagoniste bloque un agoniste (voir Fig. 3-8), et n'a aucune activité en l'absence de l'agoniste tant qu'il est silencieux (voir Fig. 3-7), l'agoniste inverse agit de façon contraire à celle de l'agoniste (voir Fig. 3-9). De plus, un antagoniste bloquera l'action d'un agoniste inverse (Fig. 3-10) tout autant que celle d'un agoniste total (voir Fig. 3-7).
Propriétés spéciales du récepteur
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Q Q
À gauche, le canal est au repos.
À droite, l'ANTAGONISTE se fixe au récepteur sans modifier la taille du canal.
Q FIGURE 3-7. Antagoniste agissant seul. À gauche, le canal ionique est à l'état de repos, à moitié ouvert ou fermé. À droite, l'antagoniste occupe le site de liaison normalement occupé par l'agoniste sur le récepteur du canal ionique dépendant du ligand. Cela n'a aucune conséquence, le canal ionique n'étant ni davantage ouvert, ni davantage fermé. Le dessin montre un antagoniste jaune se fixant à un récepteur qui devient jaune à son tour et qui n'a aucune action sur l'ouverture ni la fermeture du canal ionique lorsqu'il se place dans le site de liaison.
Agonistes partiels Pour offrir encore plus de possibilités aux médicaments agissant sur le récepteur du neurotransmetteur et pour étendre leur influence sur la neurotransmission, il existe une classe supplémentaire, les agonistes partiels. Un agoniste partiel exerce un effet similaire, mais plus faible, à celui de l'agoniste total. Ainsi, dan—s—notre exemple du système de neurotransmission contrôlant un canal ionique, un agoniste partiel oUvrirait le canal jusqu'à un certain point (Fig. 3-11), mais partiellement en comparaison avec l'agoniste total (voir Fig. 3-6). Les agonistes partiels sont aussi bloqués par les antagonistes (Fig. 3-12). Un agoniste inverse peut même être partiel (Fig. 3-13). Dans ce cas, l'agoniste partiel inverse ferme le canal ionique à un moindre degré (voir Fig. 3-13) par rapport à l'agoniste total inverse (voir Fig. 3-9). Tout cela signifie qu'il existe tout une gamme de degrés où le récepteur peut être stimulé (Fig. 3-14). À une extrémité, il y a l'agoniste total qui provoque le même degré de réponse physiologique par le récepteur que le neurotransmetteur agoniste naturel lui-même. À l'autre extrémité du spectre, l'agoniste total inverse provoque quant à lui une réponse contraire à
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Psychopharmacologie
À gauche, l'AGONISTE ouvre le canal en grand.
À droite, l'ANTAGONISTE s'impose et ramène le canal à l'état de repos.
FIGURE 3-8. Action d'un antagoniste en présence d'un agoniste. À gauche, le canal ionique a été ouvert par la fixation de l'agoniste au récepteur du canal ionique dépendant du ligand, comme dans la Fig. 3-6. Le dessin montre un agoniste rouge se fixant à un récepteur qui devient rouge à son tour et qui ouvre le canal ionique lorsque l'agoniste se place dans son site de liaison (voir aussi Fig. 3-6). À droite, l'antagoniste jaune prédomine et chasse l'agoniste rouge hors de son site de fixation, supprimant l'action de l'agoniste. Comme l'agoniste a:vait ouvert le canal ionique, l'antagoniste annule tout le processus en refermant partiellement le canal pour lui redonner son état de repos (qui était le sien avant l'action de l'agoniste).
celle de l'agoniste. Au milieu se trouve l'antagoniste, bloquant tous les participants, mais n'ayant pas de propriété propre sur le canal ionique. L'éventail s'étend donc de l'agoniste total à l'agoniste total inverse en passant par l'agoniste partiel, l'antagoniste et l'agoniste partiel inverse (voir Fig. 3-14). Bien que ce concept d'agonistes, d'antagonistes et d'agonistes partiels soit bien développé pour plusieurs systèmes de neurotransmission, il existe relativement peu d'exemples d'agonistes inverses.
Lumière et obscurité, analogie des agonistes partiels À l'origine, on considérait qu'un neurotransmetteur pouvait agir sur un récepteur comme le ferait un interrupteur. Nous savons désormais que la synapse et ses récepteurs fonctionnent plutôt comme un rhéostat. Dans cette optique, un agoniste total allumera toujours la lumière (Fig. 3-15), mais un agoniste partiel ne l'allumera qu'en partie (Fig. 3-16). S'il n'y a ni agoniste total, ni agoniste partiel, la pièce est plongée dans l'obscurité (Fig. 3-17).
Propriétés spéciales du récepteur
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%me agoniste inverse agoniste inverse
À gauche, le canal est au repos.
A droite, l'AGONISTE INVERSE provoque la fermeture du canal.
FIGURE 3-9. Action d'un agoniste inverse. À gauche, le canal ionique est à l'état de repos, à moitié ouvert ou fermé. À droite, l'agoniste inverse occupe le site de liaison sur le récepteur du canal ionique dépendant du ligand et, tel un gardien, ferme le canal ionique. C'est l'opposé de ce que fait l'agoniste (voir Fig. 3-6). Le dessin montre un agoniste inverse bleu se fixant à un récepteur qui devient bleu à son tour et qui ferme le canal ionique lorsque l'agoniste in‘;erse se place dans son site de liaison.
Chaque agoniste partiel est ainsi fait qu'il ne pourra pas rendre la lumière plus vive à forte dose. Qu'importe la quantité de produit, seul un certain degré d'éclairage sera obtenu. Avec une série d'agonistes partiels, le degré de « partialité » varie de l'un à l'autre, et donc toute une gamme d'intensité lumineuse peut être théoriquement obtenue entre obscurité totale et pleine lumière, mais chaque agoniste partiel a une action•1,1111_911e et fixe. Un point particulièrement intéressant avec les agonistes partiels est qu'ils peuvent être nettement agonistes ou antagonistes, en fonction de la quantité de neurotransmetteur agoniste total présente. Prenons, par exemple, le cas d'un neurotransmetteur contrôlant un canal ionique. Lorsqu'il n'y a pas de neurotransmetteur agoniste total, l'agoniste partiel devient un agoniste net qui ouvre le canal à partir de son état de repos (Fig. 3-18). Toutefois, quand le neurotransmetteur agoniste total est présent, le même agoniste partiel devient un antagoniste et ferme le canal ouvert par l'agoniste total (voir Fig. 3-18). Ainsi, un agoniste partiel peut simultanément accroître une activité de neurotransmission insuffisante et cependant bloquer une activité excessive (voir Fig. 3-18).
88
Psychopharmacologie
A gauche, l'AGONISTE INVERSE provoque la fermeture du canal.
À droite, l'ANTAGONISTE ramène le canal à l'état de repos.
-et FIGURE 3-10. Action d'un antagoniste en présence d'un agoniste inverse. À gauche, le canal ionique a été fermé par la fixation de l'agoniste inverse au récepteur du canal ionique dépendant du ligand, comme dans la Fig. 3-9. Le dessin montre un agoniste inverse bleu se fixant à un récepteur qui devient bleu à son tour et qui ferme le canal ionique lorsque l'agoniste inverse se place dans son site de liaison (voir Fig. 3-6). À droite, l'antagoniste jaune prédomine et chasse l'agoniste inverse bleu hors du site de fixation, supprimant l'action de l'agoniste inverse. Comme l'agoniste inverse avait fermé le canal ionique, l'antagoniste annule le processus en ouvrant partiellement le canal pour lui redonner son état de repos (qui était le sien avant l'action de l'agoniste inverse). Sous cet aspect, l'action de l'antagoniste sur celle de l'agoniste inverse est similaire à celle qu'il avait sur l'agoniste, c'est-à-dire le retour du canal ionique à l'état de repos (voir Fig. 3-8). Toutefois, dans le cas d'un agoniste inverse, l'antagoniste ouvre le canal, tandis que dans celui de l'agoniste, le même antagoniste ferme le canal (voir Fig. 3-8 et 3-10). Un antagoniste annule donc les effets d'un agoniste ou d'un agoniste inverse, bien qu'il ne fasse rien par lui-même (voir Fig. 3-7). Pour en revenir à l'analogie de l'interrupteur, une pièce sera obscure en l'absence d'ago niste, qui se trouve donc en position « éteint » (voir Fig. 3-17). La pièce sera vivement éclairée en présence d'un agoniste total, l'interrupteur étant en position « allumé--» (voir Fig. 3-15). En ajoutant à la pièce obscure un agoniste partiel, alors qu'il n'y a pas de neurotransmetteur agoniste total naturel, elle sera éclairée mais seulement à hauteur de l'action que peut avoir l'agoniste partiel sur le rhéostat (voir Fig. 3-16). Partant de la pièce obscure, un agoniste partiel agit par conséquent comme un agoniste net. D'autre part, si la pièce est totalement illuminée et que l'on ajoute un agoniste partiel, l'intensité lumineuse va être diminuée, le rhéostat revenant à un plus faible degré (voir Fig. 3-16). Il s'agit alors d'un effet antagoniste net par rapport à la pièce vivement illuminée. Par conséquent, que l'on ajoute un agoniste partiel à la pièce obscure ou à la pièce éclairée, on obtient le même niveau d'éclairage dans les deux pièces. L'intensité lumineuse est obtenue grâce aux propriétés de l'agoniste partiel à allumer partielle.
Propriétés spéciales du récepteur
89
agoniste partiel
A gauche, le CANAL IONIQUE est à l'état de repos.
À droite, l'AGONISTE PARTIEL ouvre légèrement le canal.
IF'
ist FIGURE 3-11. Action d'un agoniste partiel. À gauche, le canal ionique est à l'état de repos, à moitié ouvert ou fermé. À droite, l'agoniste partiel occupe son site de liaison sur le récepteur du canal ionique dépendant du ligand et, tel un gardien, ouvre partiellement le canal ionique. Le dessin montre un agoniste orange se fixant à un récepteur qui devient orange à son tour et qui ouvre, mais pas complètement, le canal ionique lorsque l'agoniste partiel se place dans son site de liaison. Le canal ionique est donc un peu plus ouvert que par rapport à son état de repos, mais moins que sous l'action d'un agoniste total (voir Fig. 3-6). ment l'éclairage. Cependant, dans la pièce obscure, l'agoniste partiel s'est comporté comme un agoniste net, tandis que dans la pièce vivement éclairée, il a agi comme un antagoniste net. Un agoniste et un antagoniste réunis dans la même molécule apportent une dimension singulière en thérapeutique. Ce concept a conduit à l'idée que les agonistes partiels pourraient soigner non seulement les états où théoriqu— ement il existe une insuffisance en agoniste total, mais aussi ceux où il y aurait un excès. Une substance de type agoniste partiel serait même apte à traiter simultanément les états constitués d'un mélange d'excès et de déficit de l'activité de neurotransmission.
Modulation allostérique Désormais, il devrait être clair qu'un neurotransmetteur et son récepteur sont les membres d'une équipe de molécules spécialisées, travaillant toutes ensemble de plusieurs manières
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Psychopharmacologie
À gauche, l'AGONISTE PARTIEL ouvre légèrement le canal par rapport à l'état de repos.
À droite, l'ANTAGONISTE ramène le canal à l'état de départ.
FIGURE 3-12. Action d'un antagoniste en présence d'un agoniste partiel. À gauche, le canal ionique a été la fixation de l'agoniste partiel au récepteur du canal ionique dépendant du ligand, comme dans la Fig. 3-11. Le dessin montre un agoniste orange se fixant à un récepteur qui devient orange à son tour et qui ouvre, mais pas complètement, le canal ionique lorsque l'agoniste partiel se place dans son site de liaison (voir Fig. 3-11). À droite, l'antagoniste jaune prédomine et chasse l'agoniste partiel orange hors de son site de fixation, supprimant l'action de l'agoniste partiel. Comme l'agoniste partiel avait ouvert légèrement le canal ionique, l'antagoniste annule ce processus en refermant le canal pour lui redonner son état de repos (qui était le sien avant l'action de l'agoniste partiel). ouvert par
I
pour mener à bien les fonctions spécialisées nécessaires à la neurotransmission chimique de l'information neuronale. La configuration d'au moins deux sites de liaison de neurotransmetteurs où l'un peut accroître ou émousser l'activité de l'autre est sm-autte exemple spécifique d'interactions moléculaires au cours de la neurotransmission chimique. D'ans certains exemples, les deux sites de liaison en interaction sont situés sur le même récepteur ; dans d'autres I cas, ils se trouvent sur des récepteurs voisins appartenant à deux classes différentes. Lorsque deux sites différents, utilisant des neurotransmetteurs différents, sont disposés de façon à agir sur un seul récepteur, on considère généralement qu'il s'agit d'un site de récepteur principal, qui influence son récepteur de manière habituelle (c'est-à-dire il active le second messager ou modifie le canal ionique). De plus, dans cet exemple, il existe un second site qui peut influencer le récepteur, en général uniquement si le neurotransmetteur principal est lié au site principal. Un second neurotransmetteur, se fixant alors sur le deuxième site
d
Propriétés spéciales du récepteur
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agoniste partiel inverse
ifv
À gauche, le CANAL IONIQUE est à l'état de repos.
À droite, l'AGONISTE PARTIEL INVERSE provoque une fermeture plus marquée du canal.
FIGURE 3-13. Action d'un agoniste partiel inverse. À gauche, le canal ionique est à l'état de repos, à moitié ouvert ou fermé. À droite, l'agoniste partiel inverse occupe le site de liaison sur le récepteur du canal ionique dépendant du ligand et, tel un gardien, ferme partiellement le canal ionique. Le dessin montre un agoniste partiel inverse vert se fixant à un récepteur qui devient vert à son tour et qui ferme partiellement le canal ionique lorsque l'agoniste partiel inverse se place dans son site de liaison.
exerce seulement une action indirecte, par le biais d'une interaction avec le récepteur, quand le neurotransmetteur principal est simultanément lié au site principal (et différent) du récepteur. Comme le récepteur est sous l'influence de la fixation du second neurotransmetteur sur le deuxième site, par un autre mécanisme que la liaison directe au site principal, on parle de modulation allostérique (littéralement zesur-. un autre relief ») du récepteur. Cet autre « relief », c'est-à-dire cet autre site, est le second-site de liaison du récepteur. Il utilise un deuxième neurotransmetteur et agit sur le même récepteur que le neurotransmetteur principal, mais seulement lorsque ce dernier est fixé au site de liaison principal. Comme nous l'avons dit précédemment, cette modulation allostérique peut soit amplifier, soit bloquer les effets du neurotransmetteur principal sur le site de liaison principal. Cette coopération allostérique entre les membres de l'équipe synaptique, où un joueur interagit avec un autre joueur pour le modifier ou le contrôler, est un autre exemple d'un thème récurrent-et courant de la neurotransmission chimique : une cascade d'interactions moléculaires est déclenchée quand la liaison neurotransmetteur-récepteur a lieu.
92
Psychopharmacologie
SPECTRE DES AGONISTES
FIGURE 3-14. Spectre des agonistes et de leurs effets respectifs sur le canal ionique. Voici de nouveau représenté le spectre des agonistes, avec cette fois-ci les effets correspondants de chaque agent sur le canal ionique. Ce spectre va de l'agoniste qui ouvre totalement le canal ionique, à l'antagoniste qui maintient l'état de repos (mi-ouvert, mi-fermé) en passant par l'agoniste inverse qui ferme le canal. Entre les extrêmes se trouvent l'agoniste partiel, qui ouvre partiellement le canal, et l'agoniste partiel inverse, qui le ferme partiellement. L'antagoniste peut bloquer n'importe quel membre du spectre, entraînant le retour du canal à l'état de repos.
Interactions allostériques positives Un exemple d'interactions allostériques positives est donné par l'influence qu'ont les sites de modulation sur les gardiens des canaux ioniques. Dans ce cas, le neurotransmetteur principal est le gardien, qui ouvre le canal ionique comme nous l'avons déjà vu. Afin d'expliquer la modulation allostérique, il nous faut avancer la notion de second site de liaison, interagissant avec le gardien et son récepteur. Après la fixation du gardien principalsur le récepteur, ce dernier à son tour provoque l'ouverture du canal ionique, comme nous l'avons vu au sujet de l'action des agonistes (Fig. 3-19). Près du site du récepteur du gardien se trouve non seulement le canal ionique, mais aussi un autre site de fixation, c'est-à-dire un récepteur capable d'induire une modulation allostérique du récepteur du gardien (voir Fig. 3-19). Les sites de modulation allostérique n'influencent pas directement le canal ionique. Ils le font de manière indirecte par une action sur le récepteur du gardien qui, à son tour, agit sur le canal ionique. Ainsi, les sites de modulation allostérique agissent littéralement sur un autre site pour influencer le canal ionique. Le mot allostérique signifie « autre site ». On comprend pourquoi ce terme s'applique à de tels sites
Propriétés spéciales du récepteur
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AGONISTE TOTAL -- la lumière est à son intensité maximale
L
t
FIGURE 3-15. Spectre des agonistes : analogie avec la lumière, effets d'un agoniste total. La lumière sera vive lorsqu'un agoniste total aura tourné l'interrupteur à fond. Si un agoniste partiel venait à être associé à l'agoniste total, l'intensité lumineuse diminuerait. Dans ce cas, l'agoniste partiel agirait donc nettement comme un antagoniste.
de modulation et à leurs neurotransmetteurs. Le site de modulation allostérique a donc un effet d'élimination du flux des ions à travers le canal ionique. Le mécanisme de la modulation allostérique est ainsi fait que si un modulateur allostérique se lie à son propre récepteur, lui-même voisin du site de liaison du gardien, rien ne se passe si le gardien n'est pas fixé à son propre récepteur. D'autre part, quand le gardien est lié à son site sur le récepteur, la fixation simultanée du modulateur allostérique à son site provoque ou amplifie grandement l'aptitude du gardien à augmenter le flux des ions au travers du canal (voir Fig. 3-19). Pourquoi ce phénomène existe-t-il ? E appareil quela plupart des gardiens peuvent par eux-mêmes augmenter jusqu'à un certain degré le flux d'io'hs à travers le canal ionique. Mais quand ils sont seuls, les modulateurs allostériques ne peuvent absolument pas changer la conductance ionique. La modulation allostérique représente donc la bonne formule, celle qui permet de porter au maximum la conductance des ions au-delà de ce que le gardien seul peut accomplir, puisque ce dernier peut augmenter la conductance au niveau du canal ionique de façon beaucoup plus spectaculaire quand un modulateur allostérique l'épaule que lorsqu'il est seul. Il est évident, dans cette discussion sur la modulation allostérique d'un site de fixation par un autre, qu'il peut exister de nombreux sites pour un seul récepteur. On pense actuellement
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Psychopharmacologie AGONISTE PARTIEL -- la lumière est faible mais encore présente
■ .1• ■ •me-
FIGURE 3-16. Spectre des agonistes : analogie avec la lumière. Action d'un agoniste partiel : il ne tourne l'interrupteur à fond ni dans un sens (on), ni dans l'autre (os). Il agit plutôt comme un rhéostat qui allume la lumière mais partiellement. que les propriétés anxiolytiques, hypnotiques, anticonvulsivantes et myorelaxantes de nombreux médicaments, incluant les benzodiazépines, les barbituriques et les anticonvulsivants, dépendent des interactions allostériques au niveau des sites moléculaires autour du récepteur GABA et du canal chlore (voir les chapitres suivants). II se peut qu'un grand nombre de sites allostériques, analogues aux sites benzodiazépiniques, modulent les augmentations induites par le GABA au niveau du canal chlore par une large gamme de substances, incluant l'alcool.
Interactions allostériques négatives Les antidépresseurs offrent un exemple de modulation allostéricia négative en bloquant la recapture de deux neurotransmetteurs, la noradrénaline et la sérotonine-(voir Chapitre 2). Quand ces deux neurotransmetteurs se lient à leurs sites sélectifs, ils sont à nouveau transportés dans le neurone présynaptique (voir Fig. 2-23). Ainsi le neurotransmetteur (voir Fig. 2-21) se lie au transporteur de recapture vacant (voir Fig. 2-20) afin de commencer le processus de transport (voir Fig. 2-23). Cependant, lorsque certains antidépresseurs se lient à un site allostérique proche du transporteur du neurotransmetteur (voir icône dans les Fig. 2-22 et 2-24), ce dernier ne peut plus se lier à cet endroit, ce qui par conséquent bloque sa recapture synaptique. La noradrénaline et la sérotonine ne peuvent donc pas retourner dans le neurone présynaptique.
Propriétés spéciales du récepteur
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PAS D'AGONISTE -- la lumière est éteinte
FIGURE 3-17. Spectre des agonistes : analogie avec la lumière. Absence d'agoniste : la situation est comparable à ce qui se produit lorsque la lumière est éteinte. En ajoutant un agoniste partiel, on va allumer partiellement la pièce, au niveau prédéterminé par le rhéostat des agonistes partiels. Ainsi, en l'absence d'un agoniste total, l'adjonction d'un agoniste partiel allume la lumière. Dans un tel cas, l'agoniste partiel agit nettement comme un agoniste.
I.
Un antidépresseur qui bloque la recapture de la noradrénaline et de la sérotonine module de façon allostérique négative le transporteur présynaptique du neurotransmetteur, et donc inhibe la recapture du neurotransmetteur (voir Fig. 2-22 et 2-24). Cette action (voir les prochains chapitres) peut avoir des implications thérapeutiques dans un certain nombre de maladies, parmi lesquelles la dépression, le trouble panique et les troubles obsessionnels compulsifs. H devrait être clair maintenant, à partir de ces nombreux exemples, que lorsque des sites de fixation du neurotransmetteur sur le récepteur sont voisins, ils peuvent interagir allostériquement pour promouvoir ou contrôler certains aspects de la neurotransmission. Ce sujet ne cesse d'être développé en psychopharmacologie, avec toutes sortes de récepteurs, transmetteurs, canaux ioniques, récepteurs de modification allostérique et leurs neurotransmetteurs, La connaissance de l'architecture exacte de chaque site spécifique progresse rapidement. Quelques-uns des neurotransmetteurs spécifiques, comme le complexe benzodiazépinique, les récepteurs cholinergiques nicotiniques et les récepteurs du glutamate sont maintenant bien connus. Toutefois, la chose la plus importante à découvrir est le concept, et pas nécessairement les détails de la modulation allostérique.
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Psychopharmacologie
gri
L'AGONISTE L'AGONISTE PARTIEL edi PARTIEL ouvre provoque l'ouverture en partie le canal ; partie:le du canal. dans ce cas, l'agoniste partiel a un effet ANTAGONISTE.
À gauche, le canal est au repos.
LAGONISTE ouvre le canal en grand.
FIGURE 3-18. Un agoniste partiel agissant soit comme un agoniste net, soit comme un antagoniste net. En l'absence d'un agoniste total, un agoniste partiel ouvre le canal ionique ; en effet, il augmente l'ouverture par rapport à l'état de repos. Dans cet exemple, l'agoniste partiel se comporte comme un agoniste net (voir Fig. 3-11). Mais en présence d'un agoniste total, l'agoniste partiel ferme partiellement le canal ionique ; en effet, il diminue l'ouverture du canal par rapport à son état totalement ouvert. Dans cet exemple, l'agoniste partiel se comporte comme un antagoniste net.
En résumé, la modulation allostérique est un concept spécifique dans lequel les neurotransmetteurs et leurs récepteurs peuvent coopérer les uns avec les autres afin de travailler plus puissamment dans une gamme d'actions plus étendue qu'ils ne pourraient le faire seuls. Le gardien du canal ionique peut s'en charger de plusieurs manières. Les médicaments peuvent agir sur une myriade de sites afin d'influencer ce processus. C'est également le cas des maladies. Les cibles des médicaments (et des maladies) sont au minimum les sites du canal ionique, ceux du neurotransmetteur et les sites allostériques. L'ensemble de ces données progresse si vite que les détails changent sans cesse. Cependant, il faut retenir comme principe général que la compréhension de cette architecture de neurotransmission chimique passant par le récepteur fournit au lecteur la base de la compréhension d'un vaste tableau de l'action des médicaments, et de la façon dont ils modifient et agissent sur la neurotransmission chimique.
Cotransmission versus modulation allostérique Pourquoi la modulation allostérique n'est-elle pas appelée tout simplement « cotransmission » puisqu'elle concerne deux substances chimiques influençant conjointement la neurotransmission ? En effet, certains systèmes comprennent des cotransmetteurs, comme le glutamate et la glycine agissant ensemble sur des sous types de récepteurs du glutamate. Dans le cas des cotransmetteurs, chacun peut agir sur l'autre, de façon plus ou moins indépendante, et si leurs effets s'additionnent quand ils travaillent ensemble, il n'est pas nécessaire qu'ils soient tous deux présents pour que l'un d'eux ait un effet. Dans le cas de la
Propriétés spéciales du récepteur
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SITE D DANS LA ME I
Lorsqu'un neurotransmetteur se fixe aux récepteurs qui constituent un canal ionique, le canal s'ouvre. Toutefois, lorsque le neurotransmetteur et une autre substance se lient tous les DEUX aux récepteurs, le canal s'ouvre davantage, laissant entrer une plus grande quantité d'ions dans la cellule.
FIGURE 3-19. Modulation allostérique du récepteur du canal ionique dépendant du ligand. A gauche, le récepteur est représenté avec son site de liaison pour le neurotransmetteur 1 (NT1), mais aussi avec un second site de liaison à l'intérieur de la membrane pour un second neurotransmetteur (NT2). Le canal ionique est fermé en l'absence de NT1 et NT2. Lorsque le neurotransmetteur agoniste total (NT1) se lie à son site, bien sûr il ouvre le canal ionique (voir image du milieu et Fig. 3-6). Le dessin du milieu représente le neurotransmetteur NT1 violet fixé à son site agoniste, qui devient violet à son tour et qui ouvre franchement le canal ionique. Si le modulateur allostérique (NT2) se fixe au second site de liaison en l'absence de NT1, il n'a pas d'effet particulier. Toutefois, si NTI s'est déjà fixé à son propre site, l'adjonction du modulateur allostérique (NT2) qui va se fixer au site membranaire va provoquer une ouverture spectaculaire, supérieure à celle qui est atteinte par l'action du seul agoniste total (à droite). Le dessin montre un agoniste NT1 violet se fixant à son récepteur qui devient partiellement violet à son tour, et un modulateur NT2 vert se fixant à son récepteur, lequel devient partiellement vert, ainsi qu'un canal ionique dont l'ouverture est supérieure à celle qu'un agoniste total seul aurait provoquée. modulation allostérique, cependant, il n'y a qu'un seul neurotransmetteur, tandis que l'autre est désigné sous le nom de modulateur allostérique, mais pas de cotranstnetteur. La différence tient au fait que le neurotransmetteur peul agir. en l'absence de modulateur allostérique, alors que ce dernier ne peut rien faire en l'absence du neurotransmetteur. Ces substances chimiques ne sont donc pas indépendantes l'une par rapport à l'autre et ne peuvent, par conséquent, pas être appelées cotransmetteurs.
e ésurné Ce chapitre a présenté au lecteur trois propriétés particulières des récepteurs. La première est leur classification selon leurs sous-types et leur configuration moléculaire. Un seul et
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Psychopharmacologie même neurotransmetteur peut se lier à plusieurs sous-types. Des familles de récepteurs peuvent également partager les mêmes caractéristiques moléculaires, même si elles n'utilisent pas le même neurotransmetteur. Spécifiquement, des récepteurs individuels au sein des superfamilles peuvent être disposés selon des configurations similaires avec des seconds messagers et des canaux ioniques. La deuxième propriété particulière des récepteurs envisagée ici concerne leur action après fixation du neurotransmetteur ou des médicaments, produisant un éventail d'effets allant de l'agoniste total à l'agoniste total inverse en passant par l'agoniste partiel, l'antagoniste et l'agoniste partiel inverse. Finalement, le lecteur s'est familiarisé avec le concept de modulation allostérique d'un récepteur par un autre. L'ensemble subvient aux besoins de la régulation de la neurotransmission à travers soit l'accroissement, soit le blocage d'un récepteur par l'autre. Le récepteur subissant la modulation allostérique agit indirectement, nous l'avons vu, comme un arbitre ou comme un entraîneur, mais ne participe pas directement au jeu de la neurotransmission.
CHAPITRE
4
NEUROTRANSMISSION CHIMIQUE, MÉDIATEUR DE L'ACTION DES MALADIES
I. Récepteurs et enzymes, médiateurs de l'action des maladies du système nerveux central II. Les maladies du système nerveux central : l'histoire de trois disciplines A. Neurobiologie B. Psychiatrie biologique C. Psychopharmacologie III. Façon dont la neurotransmission synaptique joue sur les désordres émotionnels A. Neurobiologie moléculaire et troubles psychiatriques B. Plasticité neuronale et troubles psychiatriques C. De l'excitation à la lésion cérébrale : l'excès de neurotransmission excitatrice pourrait être dangereux pour la santé D. Absence de neurotransmission E. Autres mécanismes de neurotransmission anormale IV. Résumé
Récepteurs et enzymes, médiateurs de l'action des maladies du système nerveux central
r
Nous savons maintenant que les enzymes fabriquent des « irucs..» et que les récepteurs permettent à ces « trucs » d'agir, en activant particulièrement certains gènes. Nous avons déjà vu au Chapitre 2 que la façon la plus performante de modifier le fonctionnement d'un neurone avec un médicament est d'interagir sur l'un de ses récepteurs clés ou d'inhiber l'une de ses plus importantes enzymes. Toutefois, cela ne représente qu'une des nombreuses perspectives en psychopharmacologie, à savoir que les enzymes et les récepteurs sont le siège de l'action des médicaments. Selon une autre perspective, non moins importante, les enzymes et les récepteurs, en empruntant différents chemins et circuits, peuvent aussi être les médiateurs de l'action des maladies. 99
100
Psychopharmacologie Si les enzymes et les récepteurs sont si importants pour comprendre l'action des médicaments sur la neurotransmission, il ne devrait pas être surprenant que les modifications de ces mêmes enzymes et récepteurs puissent perturber les fonctions cérébrales. Plus précisément, si le flux normal de neurotransmission conduit à une croissance et une exécution des fonctions cérébrales normales, ainsi qu'à un développement sain, une neurotransmission anormale pourrait par conséquent conduire aux anomalies comportementales et motrices observées chez les patients souffrant de maladies psychiatriques ou neurologiques. Hypothétiquement, certains aspects de la neurotransmission différents devraient être perturbés dans les différentes maladies cérébrales. Étant donné l'immense complexité de la neurotransmission chimique, il existe certainement un grand nombre de sites possibles d'anomalies des récepteurs et/ou des enzymes. Comme ces récepteurs et enzymes se trouvent sur différents chemins neuronaux, lorsqu'il se produit un événement qui endommage, détourne ou supprime un circuit, la neurotransmission aberrante pourrait totalement perturber le fonctionnement normal du cerveau. La psychopharmacologie est une science en partie spécialisée dans la découverte du siège des lésions moléculaires à l'intérieur du système nerveux de manière à déterminer ce qui ne va pas dans la neurotransmission chimique. La connaissance du trouble qui conduit à une neurotransmission anormale fournit une logique au développement d'un médicament destiné à corriger cette anomalie, supprimant ainsi les symptômes de ce trouble psychiatrique ou neurologique. Ce concept se révèle particulièrement complexe quand il s'applique à un trouble cérébral spécifique. La nature générale de la recherche sur les bases moléculaires des maladies psychiatriques sera d'abord développée d'une manière générale dans ce chapitre. Plus tard, nous montrerons comment ces stratégies scientifiques sont appliquées une à une aux atteintes psychiatriques ou neurologiques plus spécifiques. Ce chapitre envisagera en particulier la manière dont les maladies du système nerveux central (SNC) sont abordées par les trois disciplines : neurosciences, psychiatrie biologique et psychopharmacologie. Nous montrerons ensuite comment ces trois approches s'appliquent à comprendre la façon dont les modifications de la neurotransmission chimique pourraient conduire à divers troubles cérébraux. Les concepts spécifiques que nous expliquerons seront la neurobiologie moléculaire et la génétique des maladies psychiatriques, la plasticité neuronale et l'« excitotoxicité ». Le lecteur apprendra également comment les troubles du SNC peuvent être liés soit à l'absence, soit à l'excès de neurotransmission, soit à un déséquilibre parmi les neurotransmetteurs, soit à un taux anormal au niveau de la neurotransmission.
Les maladies du système nerveux central : l'histoire de trois disciplines Neurobiologie La neurobiologie étudie à la fois le cerveau et le fonctionnement neuronal, insistant habituellement sur le fonctionnement cérébral normal dans les expérimentations chez l'animal plutôt que chez l'homme (Tableau 4-1). Bien évidemment, on doit d'abord. comprendre le fonctionnement cérébral et la neurotransmission dans les conditions normales pour avoir une chance de détecter, sans parler de comprendre, les anomalies neurobiologiques « possiblement » à l'origine des maladies psychiatriques et neurologiques. Par exemple, les recherches en neurobiologie ont conduit à une clarification de certains principes de neurotransmission chimique, à l'énumération de neurotransmetteurs spécifiques, à la découverte de multiples sous-types pour chaque neurotransmetteur, à la compréhension des enzymes qui synthétisent et métabolisent les neurotransmetteurs, et au déploiement des découvertes sur la manière dont l'information génétique contrôle l'ensemble de ce processus. La neuro-
Neurotransmission chimique, médiateur de l'action des maladies
101
Tableau 4–L Neurobiologie Définition limitée Étude du cerveau et du fonctionnement neuronal Méthode Études sur les animaux de laboratoire Utilisation de substances destinées à tester les mécanismes de régulation neurobiologique et moléculaire Résultats intéressants pour la psychopharmacologie Découverte des neurotransmetteurs, de leurs enzymes et de leurs récepteurs Principes de neurotransmission Génétique et régulation moléculaire du fonctionnement neuronal Régulation neurobiologique du comportement animal
h
biologie se sert d'outils qui sont des substances interagissant sélectivement sur les enzymes et les récepteurs — de même que sur l'ADN et les ARN qui contrôlent leur synthèse — afin d'élucider leurs fonctions dans le cerveau normal. Nombre d'enseignements tirés de cette approche ont déjà été abordés dans les chapitres précédents.
Psychiatrie biologique La psychiatrie biologique est orientée vers la découverte des anomalies de la biologie de l'encéphale en lien avec les causes ou les conséquences des maladies mentales (Tableau 4–II). Faire de telles découvertes s'avère très difficile. Cependant, la fréquence de ces affections dans nos sociétés et le nombre limité de traitements doivent nous inciter à traquer les causes des troubles mentaux. De fait, quel que soit son âge, une personne sur cinq est susceptible de développer une maladie mentale et environ 4 p. 100 de la population présentent un trouble mental chronique et sévère. Or, à l'heure actuelle, les traitements en psychopharmacologie ne sont pas vraiment curatifs mais plutôt palliatifs, réduisant l'intensité des symptômes sans nécessairement apporter un soulagement conséquent. On peut penser aujourd'hui que la mise sur le marché de traitements plus efficaces dépend essentiellement de la découverte des causes et mécanismes intimes, c'est-à-dire moléculaires, des maladies mentales. C'est le but central de la psychiatrie biologique. Cette discipline se sert des résultats des recherches en neurobiologie sur le fonctionnement du cerveau normal pour jeter les bases d'une meilleure connaissance du fonctionnement cérébral anormal dans les troubles psychiatriques. Les scientifiques ont depuis longtemps soupçonné que les anomalies des enzymes-et récepteurs cérébraux étaient à l'origine des maladies mentales. Ils ont donc recherché au cas par cas de possibles déficits au niveau d'une enzyme ou d'un récepteur particulier. Certains des premiers outils de la psychiatrie biologique étaient moins élégants que ceux de la neurobiologie fondamentale contemporaine, du fait de limitations pratiques et éthiques dans l'étude du SNC des patients en comparaison avec les techniques disponibles utilisées en laboratoire sur des animaux d'expérimentation. Les outils utilisables chez l'homme incluent par exemple l'étude des enzymes, récepteurs et gènes sur des tissus cérébraux postmortem, et sur des tissus périphériques pouvant éthiquement, être prélevés sur des êtres vivants. On sait notamment que les plaquettes ou les lymphocytes disposent d'enzymes, de récepteurs et de gènes similaires ou
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Psychopharmacologie Tableau 4—II. Psychiatrie biologique Définition limitée Étude des anomalies neurobiologiques cérébrales en lien avec les causes ou les conséquences des maladies mentales Méthode Études des patients souffrant de troubles psychiatriques Suivre la direction donnée par les études psychopharmacologiques lorsqu'elles montrent que les médicaments doués de mécanismes d'action connus sur les récepteurs ou les enzymes peuvent modifier de façon prédictible les symptômes d'un trouble psychiatrique spécifique Rechercher les anomalies des récepteurs, des enzymes, des neurotransmetteurs, des gènes ou des produits des gènes qui sont corrélés au diagnostic d'une maladie mentale particulière Effectuer des mesures biochimiques au niveau du sang, des urines, du liquide céphalorachidien, des tissus périphériques comme les plaquettes ou les lymphocytes, des tissus postmortem ou des hormones plasmatiques après stimulation de leur sécrétion par des médicaments Effectuer des mesures des anomalies structurales à l'aide du scanner ou de PERM Effectuer des mesures des anomalies fonctionnelles ou des données physiologiques à l'aide du PET scan, de l'EEG, des potentiels évoqués ou de la magnétoencéphalographie Résultats intéressants pour la psychopharmacologie Peu de résultats très conduants démontrant l'existence de lésions dans des troubles psychiatriques spécifiques Exemple : découverte de changements au niveau des récepteurs et des métabolites de la sérotonine dans la dépression, la schizophrénie et le comportement suicidaire Recherche de bases génétiques de maladies neurologiques ou psychiatriques spécifiques
identiques à ceux du cerveau. De même, les métabolites des neurotransmetteurs peuvent être étudiés dans le liquide céphalorachidien, le plasma et l'urine. Les taux métaboliques et le flux sanguin cérébral, reflétant l'activité de décharge neuronale aussi bien que le nombre et la fonction de plusieurs récepteurs de neurotransmetteurs, peuvent être visualisés chez des patients en utilisant la tomographie à émission de positons (PET scan, pour positive emission tomograpby scanner). On peut aussi étudier indirectement les récepteurs des neurotransmetteurs en se servant de substances sélectives qui déclenchent la libération d'hormones dans le sang que l'on peut ensuite mesurer, ce qui donne un reflet de l'état de sensibilité des récepteurs cérébraux. Certaines anomalies cérébrales structurales peuvent être détectées par la tomographie assistée par ordinateur et l'imagerie par résonance magnétique (IRM). Une technique dérivée de cette dernière peut également détecter des changements fonctionnels de l'activité cérébrale, c'est PIRM fonctionnelle. Les anomalies de l'activité électrique cérébrale sont mesurables par l'électroencéphalographie (EEG) les potentiels évoqués ou la magnétoencéphalographie. Malheureusement, ces différentes approches n'ont pas encore permis de progrès notables dans la découverte des causes biologiques des maladies mentales. Il n'existe pas une seule anomalie reproductible, portant sur un neurotransmetteur ou tout autre enzyme ou récepteur, qui ait pu faire la preuve de son implication en tant que facteur causal d'un quelconque trouble psychiatrique. En réalité, on ne considère plus que cela puisse être le cas compte tenu de la complexité des diagnostics psychiatriques et des multiples interactions existant entre les facteurs environnementaux et génétiques dans ces atteintes. La psychiatrie biologique a donc abandonné la stratégie de recherche d'une lésion biochimique unique associée à chaque
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trouble psychiatrique, au profit de la découverte et de l'énumération des facteurs de risque ne provoquant pas les maladies par eux-mêmes, mais contribuant à un risque de voir survenir tel trouble. Cette approche est parfois appelée génétique complexe en raison de la multiplicité des facteurs qu'elle concerne, comme nous le verrons plus loin. L'utilité potentielle de cette approche est soulignée par les conclusions des études génétiques dans les maladies mentales. Pourtant, malgré l'importance des preuves fournies par les études de jumeaux, permettant pratiquement d'affirmer l'existence d'une susceptibilité génétique chez les patients schizophrènes ou bipolaires, aucun gène spécifique n'a encore pu être mis en évidence de manière univoque. Désormais, et contrairement à ce qui a été démontré pour la maladie de Huntington, l'anémie falciforme ou la mucoviscidose, il apparaît certain que la cause des principales pathologies psychiatriques ne provient pas d'une anomalie unique au niveau du locus d'un gène majeur. La génétique des principales maladies psychiatriques serait plutôt vraisemblablement un des acteurs principaux parmi bien des facteurs complexes, à l'image de ce que l'on suppose pour les maladies coronariennes, le diabète et l'hypertension. Les méthodes destinées à appréhender la complexité de la génétique des maladies mentales commencent tout juste à se développer. Elles incluent des techniques comme le linkage, le linkage disequilibrium et les études d'association, pour n'en citer que quelques-unes. Plutôt que de chercher une seule anomalie portant sur l'ADN qui serait la cause des troubles mentaux, l'idée qui se cache derrière ces méthodes est d'identifier de multiples gènes dont chacun contribuerait pour une petite part à la vulnérabilité générale aux maladies mentales. On peut donc supposer que celles-ci ne se déclencheront que si d'autres vulnérabilités génétiques ou environnementales critiques sont également présentes. Si cette approche n'apporte pas de preuve à l'explication des causes des troubles psychiatriques tels qu'ils sont définis dans la 4e édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (Diagnostic and Statistic Manual of Mental Disease, ou DSM-IV), elle peut permettre de démêler certaines causes d'ensembles symptomatiques plus simples ou même quelques variations de personnalité. La psychiatrie biologique ne considère plus comme vraisemblable qu'une anomalie unique de l'ADN dans un trouble psychiatrique puisse conduire à des désordres dans la synthèse des produits des gènes suffisant à eux seuls à créer une maladie mentale. On émet plutôt l'hypothèse que toute une liste de gènes anormaux et de leurs produits protéiques sont liés à des facteurs de risque à la fois héréditaires et acquis. Ces facteurs agiraient ensemble ou suivant une séquence particulière pour déclencher les groupes de symptômes participant aux différents troubles psychiatriques. Pas étonnant après cela qu'on ait choisi d'appeler génétique complexe ce machin ! Une fois qu'on a réussi à établir la liste des gènes et des éléments environnementaux à l'enivre en tant que facteurs de vulnérabilité d'une maladie psychiatrique, il faut encore comprendre comment tous les produits géniques participent au fonctionnement neuronal et en particulier à la neurotransmission chimique, véritable véhicule de la maladie mentale. Bien évidemment, on garde l'espoir que ce type de connaissance, à long terme, cet échafaudage d'hypothèses biochimiques, permettra d'inverser ces anomalies grâce à des médicaments autres. À l'heure actuelle, nul ne sait comment tout-ce «latras » pourra conduire à une thérapeutique rationnelle propre à arrêter, renverser ou compenser des événements biochimiques aussi multiples et simultanés. Il pourrait être possible de poursuivre des traitements reposant sur de telles connaissances s'il s'avérait que les produits des gènes n'étaient que des enzymes ou des récepteurs stimulables ou blocables par la pharmacologie. Cependant, ce n'est vraisemblablement pas aussi simple, car de multiples substances agissent sur chaque anomalie génétique participant à la vulnérabilité à la maladie et sont simultanément nécessaires. En tout cas, la psychiatrie biologique tente d'y parvenir... même s'il nous faut bien reconnaître que les pilules, gélules et autres comprimés nés de cette approche ne se trouvent pas encore au coin de chaque rue.
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Psychopharmacologie Tableau 4411, Psychopharmacologie Définition limitée Utilisation de médicaments pour soigner les maladies mentales Science de la découverte de médicaments, du ciblage d'enzymes et de récepteurs Méthode Études des patients souffrant de troubles psychiatriques Observations cliniques pertinentes Dans l'investigation clinique, utiliser des médicaments dont les mécanismes d'action sont connus pour provoquer des réponses biologiques ou comportementales pouvant apporter des preuves de l'existence d'anomalies du fonctionnement cérébral dans des troubles psychiatriques spécifiques Dans la découverte de médicaments, ciblage à partir de la théorie d'enzymes et de récepteurs supposés réguler les symptômes d'un trouble psychiatrique Résultats psychopharmacologiques Dans l'investigation clinique, la première observation est souvent la découverte fortuite d'une efficacité clinique, puis l'on découvre les mécanismes biochimiques d'action Dans la découverte de médicaments, les enzymes et récepteurs spécifiques sont d'abord ciblés pour les effets des médicaments. Les premières expériences utilisent la chimie pour synthétiser des médicaments ; les études animales pour évaluer leurs effets biochimiques, comportementaux et toxiques ; puis des sujets humains, volontaires sains et patients, pour évaluer l'efficacité et la sécurité d'emploi des médicaments Découverte et utilisation des antidépresseurs, des anxiolytiques, des antipsychotiques et des stimulants ; abus de substances psychoactives et utilisation des drogues
Psychopharmacologie Comme nous l'avons vu précédemment, la psychopharmacologie est orientée non seulement vers la découverte de nouveaux médicaments et vers la compréhension du mécanisme d'action des substances agissant sur le SNC, mais aussi vers la connaissance des maladies du SNC en les modifiant par des produits dont l'action est connue (Tableau 4—III). Plus précisément, si une substance, dont le mécanisme d'action sur un récepteur ou une enzyme est parfaitement compris, provoque, de façon reproductible, des effets sur les symptômes d'un patient ayant un trouble cérébral, il est vraisemblable que ces symptômes sont en lien avec le même récepteur. En utilisant de telles substances comme des outils, il est possible de déterminer quel récepteur ou quelle enzyme est lié(e) à telle ou telle maladie psychiatrique ou neurologique. Les actions des psychotropes sont à l'heure actuelle bien mieux connues que celles des maladies. De ce fait, l'utilisation de telles méthodes s'est révélée plus pertinente pour la compréhension des maladies que la psychiatrie biologique et sa recherche jusqu'à présent infructueuse d'anomalies des récepteurs, des enzymes ou des gènes. Beaucoup de nos connaissances, hypothèses ou théories sur les anomalies neurochimiques des troubles cérébraux sont issues de cette approche. Les connaissances actuelles concernant les désordres du SNC (du type de teux que nous aborderons concernant certaines entités spécifiques dans les chapitres suivants) sont en général largement fondées sur ce que l'on sait de l'action des médicaments sur les symptômes d'une maladie, et sur les déductions physiopathologiques de leur mécanisme d'action. La physiopathologie est donc déduite plutôt que prouvée, car nous ne connaissons toujours pas les anomalies primaires enzymatiques, réceptorales ou génétiques d'un quelconque trouble psychiatrique ou neurologique. La psychopharmacologie est une discipline utile pour engendrer empiriquement des traitements efficaces des troubles du SNC. Elle permet aussi de bâtir théories et hypothèses les
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concernant. Ces théories indiquent au chercheur en psychiatrie biologique où il peut espérer trouver des preuves sur les maladies. La psychopharmacologie est donc bidirectionnelle dans le sens où certaines substances, dont les mécanismes neurochimiques d'action sont à la fois connus et efficaces sur les troubles cérébraux, permettent d'établir des hypothèses sur les causes de ces troubles. Si la physiopathologie du trouble cérébral est élucidée ou simplement soupçonnée, l'autre direction de la psychopharmacologie est de concevoir rationnellement des médicaments capable d'agir sur un récepteur ou une enzyme et donc de corriger les manifestations pathologiques. En matière de développement de nouveaux médicaments, l'idéal serait de les inventer à partir des connaissances physiopathologiques, mais nous n'en sommes pas encore là. Nous sommes en réalité contraints d'attendre que ces dernières soient clarifiées. Pratiquement toutes les substances efficaces découvertes à ce jour l'ont été par hasard ou empiriquement, c'est-à-dire en cherchant à connaître les mécanismes d'action d'une maladie grâce à une substance dont on sait comment elle agit mais sans certitude préalable sur ses vertus thérapeutiques dans l'indication concernée. Espérons pourtant qu'une voie rationnelle allant de la physiopathologie au développement du médicament sera ouverte au fur et à mesure que les causes moléculaires des troubles seront mises à jour. Une nouvelle approche est en train de naître. Appelée pharmacogénétique, elle vise à sélectionner des médicaments spécifiques pour des patients déterminés. Bien qu'elle n'en soit qu'à ses premiers balbutiements, la pharmacogénétique essaye de relier la probabilité d'une réponse clinique positive ou négative pour une substance donnée à la constitution génétique d'un patient donné. Cette démarche repose sur l'idée que des informations génétiques critiques, et pas seulement le diagnostic psychiatrique, pourraient guider d'une manière plus rationnelle le choix du médicament. Actuellement, il n'existe pas de moyen rationnel de prédire si tel antidépresseur agira plus sûrement que tel autre chez un patient déprimé, ou si tel neuroleptique sera préférable à un autre pour un patient schizophrène. Les choix sont généralement faits par tâtonnement. Il est possible que certaines caractéristiques génétiques puissent permettre d'établir la probabilité d'une meilleure réponse thérapeutique ou d'une meilleure acceptabilité d'un médicament par rapport à un autre. Mais malheureusement, à ce jour, il n'existe encore aucun facteur génétique connu permettant d'atteindre cet objectif.
•Façon dont la neurotransmission synaptique joue sur les désordres émotionnels
r
En dépit de la frustrante absence de connaissance des mécanismes physiopathologiques des divers troubles psychiatriques, de gros progrès ont été faits dans l'élaboration des mécanismes par lesquels la neurotransmission synaptique est liée aux, processus morbides. Nous envisagerons plus loin différents concepts-généraux qui expliquent la façon dont les troubles psychiatriques seraient en lien avec des modifications de la neurotransmission synaptique.
Neuro biologie moléculaire et troubles psychiatriques •
Une formulation moderne des troubles psychiatriques inclut la présence d'au moins quatre éléments clés : (1) la vulnérabilité génétique d'expression d'une maladie ; (2) les événements de vie stressants (divorce, problèmes financiers, etc.) ; (3) la personnalité du sujet, ses habile-
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Psychopharmacologie tés à faire face (coping), et le support social venant de l'entourage ; et (4) d'autres influences environnementales pouvant agir sur le sujet et sur son génome (virus, toxines et maladies diverses).
Vulnérabilité génétique. Les généticiens ne parlent plus de maladie mentale héréditaire ; ils préfèrent évoquer une vulnérabilité héréditaire vis-à-vis de celle-ci. Cette vulnérabilité émerge théoriquement d'un ensemble de gènes fonctionnant anormalement. C'est ce type d'anomalies qui est héréditaire. Du fait même que les gènes contrôlent toutes les fonctions d'un neurone, tous les troubles psychiatriques peuvent être situés à un certain niveau génétique. Toutefois, cela ne signifie pas nécessairement que toutes les fonctions géniques anormales sont héréditaires. Certains problèmes de fonctionnement de gènes peuvent venir de l'expérience même du sujet, de facteurs d'environnement stressants, et de substances chimiques ou de toxines extracérébrales. Les facteurs de vulnérabilité des troubles psychiatriques sont encore mal compris. Ils sont nombreux et très compliqués. Néanmoins, quelques principes importants de vulnérabilité génétique ont été établis. Par exemple, si le taux de maladies est plus important chez les jumeaux monozygotes (issus d'un seul ceuf) par rapport aux dizygotes (deux oeufs), on peut affirmer que l'hérédité est un facteur important. Il existe au moins deux exemples importants et documentés en psychiatrie : les troubles bipolaires et la schizophrénie. Le jumeau monozygote d'un schizophrène a 50 p. 100 de risques de l'être aussi, alors qu'un jumeau dizygote a environ 15 p. 100 de risques. De façon similaire, le jumeau monozygote d'une personne souffrant d'un trouble bipolaire a jusqu'à 80 p. 100 de risques d'être lui-même bipolaire, tandis que les risques d'un dizygote tournent autour de 8 à 10 p. 100. En dépit de ces preuves de vulnérabilité génétique, aucun gène spécifique n'a été identifié pour ces maladies, ce qui démontre qu'une anomalie génique unique retrouvée dans l'ADN d'un sujet atteint ne peut à elle seule provoquer ces maladies. L'opinion actuelle est que de multiples sites dans l'ADN, et donc dans le génome, doivent interagir pour provoquer des maladies psychiatriques. De tels gènes peuvent agir indépendamment, ou de manière additive ou même synergique. Ils peuvent même agir à différentes phases critiques du développement cérébral. Il peut exister à la fois des facteurs modifiant négativement ou positivement les gènes et dont la présence influence aussi la probabilité de survenue de la maladie. Contrairement au troubles mendéliens comme la maladie de Huntington, dans lesquels un simple gène a des effets considérables (par exemple, Fig. 4-1), on cherche, pour les troubles psychiatriques, plusieurs gènes différents dont chacun a un petit effet ou même pas d'effet du tout à moins qu'intervienne l'expression d'autres gènes critiques (Fig. 4-2). Pour rendre les choses encore plus compliquées, précisons que différents gènes peuvent être anormaux dans différentes familles partageant la même maladie psychiatrique. C'est l'hétérogénéité. L'expression biochimique de la vulnérabilité vis-à-vis d'un trbulDle psychiatrique apparaît lorsque plusieurs gènes produisent des protéines très importantes eft- mauvaise quantité, au mauvais endroit ou au mauvais moment. Cela engendre des structures ou des fonctions neuronales anormales. Mais même si tout cela survient de façon à créer un risque maximal, il peut ne pas exister de trouble psychiatrique à moins que des facteurs non génétiques, plus particulièrement environnementaux, interagissent pour convertir une vulnérabilité latente en maladie manifeste. Alors, seule une sordide conspiration de plusieurs risques environnementaux ou génétiques produit un trouble émotionnel. Arrêter un seul conspirateur sans démasquer l'ensemble..clu complot ne permet pas d'expliquer les bases génétiques de la maladie.
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gène anormal
ADN —
•■ ,/ — produit du gène anormal
\,/ MALADIE HÉRÉDITAIRE
100 p. 100 des cas développeront la maladie héréditaire (transmission autosomique dominante)
FIGURE 4-1. Representation classique d'une maladie héréditaire. Dans ce cas, le gène anormal exprime d'une certaine façon un produit protéique anormal. La conséquence en est la perturbation du fonctionnement cellulaire, qui est à l'origine d'une maladie héréditaire.
Événements de vie et hypothèse des « deux coups » des troubles psychiatriques. Cette hypothèse dite des « deux coups » fait appel à la combinaison d'une vulnérabilité génétique et de facteurs environnementaux en tant que base de nombreux troubles psychiatriques. Selon cette théorie, pour développer un trouble psychiatrique manifeste, on doit non seulement recevoir un premier coup porté par la ou les vulnérabilités génétiques critiques, mais aussi un deuxième coup de type environnemental (Fig. 4-2 à 4-5). L'incidence des troubles psychiatriques est ainsi augmentée chez les parents du premier degré de malades atteints de toute une gamme d'affections psychiatriques, mais pas dans une mesure permettant de prédire qui va développer un trouble spécifique. Cela étaye le concept que l'on n'hérite pas un trouble mental-perse, mais que l'on hérite de ses facteurs de vulnérabilité (le premier coup génétique) (voir Fig. 4-2 à 4-5). Le risque de manifester réellement une maladie psychiatrique dépend apparemment non seulement de la transmission des facteurs de vulnérabilité nécessaires, mais aussi de nombreux autres facteurs (c'est-à-dire le second coup d'origine environnementale non génétique) (voir Fig. 4-4). Certains troubles mentaux, comme la schizophrénie ou la maladie bipolaire, peuvent être exprimés selon un risque plus grand que celui de troubles comme la dépression, l'anxiété ou les troubles obsessionnels compulsifs, plus fréquemment quiescents chez le sujet vulnérable (voir Fig. 4-5). La capacité génétique amène un certain degré de risque psychiatrique, et cet-
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Psychopharmacologie
ADN
Facteur de risque depuis la naissance, une enzyme est trop lente ; il est difficile de métaboliser les neurotransmetteurs lorsque la libération est très rapide
Facteur de risque 2 certains neurones migrent trop loin lors du développement in utero
Facteur de risque 3 certaines des mauvaises synapses ont été éliminées à l'adolescence
Facteur de risque 4 les nerfs déchargent trop vite lorsque l'on voit sa mère
Facteur de risque 5 les nerfs déchargent trop vite lorsque l'on prend du .» speed »
à 3 sont des « coups » génétiques héréditaires — 4 et 5 sont des coups environnementaux qui s'expriment à travers les réponses génétiques anormales.
FIGURE 4-2. Hypothèse de la génétique complexe des troubles psychiatriques. Ici trois facteurs de risque
sont héréditaires et deux sont environnementaux. Dans ce cas, les cinq facteurs combinés produisent un cas hypothétique de schizophrénie de l'adulte jeune. Ce sujet va donc hériter non seulement d'une enzyme anormale (facteur de risque génétique 1), mais aussi des neurones dont la migration in utero a été anormale (facteur de risque génétique 2), ainsi que des synapses dont l'élimination ne s'est pas faite correctement au cours de l'adolescence (facteur de risque génétique 3). En combinaison avec ces anomalies héréditaires du fonctionnement cérébral biologique se greffent des problèmes neurodéveloppementaux liés à un mauvais environnement parental (facteur de risque environnemental 4) et une atteinte neuronale toxique liée à l'absorption de drogues (facteur de risque environnemental 5). Lorsque ces facteurs sont assemblés selon la séquence adéquate, la schizophrénie survient.
tains troubles peuvent devenir manifestes selon une propension plus élevée que d'autres, mais la vulnérabilité génétique n'est pas suffisante à elle seule pour exprimer une maladie psychiatrique.
Le développement durant l'enfance, la personnalité, l'habileté à faire face et les soutiens sociaux sont des facteurs des maladies psychiatriques. Il existe une hypothèse selon laquelle plusieurs interactions environnementales agissent sur l'expression de l'information présente dans le génome et par conséquent peuvent décider si un trouble reste -seulement une possibilité en latence ou se décompense en une pathologie psychiatrique avérée (vok Fig. 4-4). Cela inclut les expériences de la vie précoce : une personne développe des lignes de conduite de type coping (capacité de « faire face à ») qui constitueront sa personnalité, ou le cas échéant, son trouble de la personnalité (voir Fig. 4-3 et 4-4). Il existe aussi certaines expériences de la vie adulte qu'un individu rencontre à l'occasion des interactions sociales avec son environnement, telles que les événements dits stressants divorce, mort d'un être cher, difficultés financières, ou problèmes de santé (voir Fig. 4-4). Les traits de personnalité (voir Fig. 4-3) peuvent aussi être influencés génétiquement (par exemple, l'impulsivité et la timidité) ou déterminés par l'environnement lors des expériences
Neurotransmission chimique, médiateur de l'action des maladies
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ÉVÉNEMENTS DE VIE
PERSONNALITÉ/ HABILETÉS DE COPING •••1.104 , •
•
}
Facteurs de vulnérabilité génétique vis-à-vis de la dépression
r.
FIGURE 4-3. Cette figure montre comment les événements de vie testent le postulat de vulnérabilité géné-
tique vis-à-vis d'une maladie psychiatrique (dans ce cas, plusieurs gènes supposés être capables de déclencher une dépression sont exprimés de manière cruciale). Les événements de vie, parfois appelés des stress, mettent au défi l'organisme, et cela manifeste en soi une demande biologique vis-à-vis du génome du sujet. De tels stress sont modifiés par le sujet et sont traités de telle sorte que la nature de la demande biologique puisse être ainsi modifiée. C'est-à-dire qu'un sujet qui a développé une personnalité adaptative avec de bonnes habiletés de coping (= faire avec) et un bon soutien social est capable d'atténuer, d'émousser ou de réduire la demande biologique de son code génétique susceptible d'induire une dépression. D'autre part, un sujet qui a développé une personnalité anormale avec de faibles habiletés de coping est susceptible d'aggraver, d'accélérer ou même d'attirer des stress psychologiques potentiellement dommageables pour le génome. Ainsi, la personnalité et les habiletés de coping sont soit des filtres, soit des verres grossissants à travers lesquels passent les stress psychosociaux dans leur voyage vers le génome, génome qu'ils cherchent à tester et à défier et où un trouble psychiatrique potentiel peut attendre ou non une chance d'être exprimé.
du développement infantile précoce. Les traits de personnalité engendrent les habiletés « à se débrouiller avec » (coping), qui peuvent atténuer ou exacerber l'impact des événements de la vie adulte sur le génome de l'individu en question (voir Fig. 4-3). La capacité d'un individu à amortir l'effet des stress ou même à croître et prospérer lorsqu'il est soumis à leur influence plutôt que de sombrer dans un trouble mentiri5eut être fonction du type d'événement de vie qui survient, ou des habiletés de coping et des étayages sociaux existant avant d'être intégré au génome. Le génome peut donc être robuste ou vulnérable, et la vulnérabilité particulière peut expliquer que certaines personnes développent une dépression, d'autres des troubles obsessionnels compulsifs, et que d'autres encore ne développent aucun trouble malgré des expériences de vie ou des personnalités similaires. La nature du risque génétique peut aussi être très différente en fonction des troubles psychiatriques. À matériel génétique, personnalité et habiletés de coping comparables, ce serait la sévérité des stress psychosociaux issus de l'environnement qui déterminerait le risque pour
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Psychopharmacologie
DIVORCE
JL ENFANCE DIFFICILE
N
I
VIRUS OU TOXINE
Même si l'on hérite du gène de la schizophrénie, les risques de développer ou non la maladie varient en fonction de facteurs externes.
SCHIZOPHRÉNIE
FIGURE 4-4. Hypothèse des « deux coups » à propos des troubles psychiatriques qui reposent sur une
base génétique. Selon cette hypothèse, le fait d'avoir hérité d'un ensemble de facteurs de risque génétique (premier coup représenté par les gènes rouges sur les hélices de l'ADN en noir) n'est pas suffisant pour que se manifeste un trouble psychiatrique. Il faut également endurer le second coup issu de l'environnement, probablement des événements de vie comme une enfance difficile, un divorce ou des agressions de l'environnement (virus, toxines). Ainsi, un sujet qui n'a subi qu'un seul des deux coups ne développera pas le trouble, même s'il a un équipement génétique comparable à un sujet qui a développé un trouble psychiatrique. Ce qui distingue un sujet qui développera ultérieurement une maladie d'un sujet qui restera indemne est l'exposition du sujet à risque et vulnérable (c'est-à-dire ayant les gènes rouges de la vulnérabilité vis-à-vis d'un trouble psychiatrique spécifique) au second coup (flèches arrivant sur les gènes), nécessaire pour que les gènes anormaux se mettent à fabriquer leurs produits protéiques anormaux et par conséquent induisent le développement de la maladie. un individu vulnérable de développer une maladie mentale. Selon ce modèle, le trouble le plus biologiquement déterminé, au génome le plus vulnérable, ne nécessiterait qu'un stress mineur pour que se développe une maladie mentale (par exemple, la schizophrénie, voir. Fig. 4-5). Au contraire, pour un trouble de vulnérabilité moindre comme la dépression, il suffirait théoriquement de subir des stress modérés pour que la maladie devienne manifeste (voir Fig. 4-5). Enfin, certains stress peuvent être si sévères (par exemple un viol, une guerre, être témoin d'atrocités) que même un génome robuste pourrait ne pas résister et causer un trouble mental (par exemple, l'état de stress post-traumatique, voir Fig. 4-5). Autres influences de l'environnement sur l'individu et son génome. L'environnement est à l'origine de nombreuses influences biochimiques potentielles sur le génome, comme l'exposition à des virus, des toxines ou des maladies (voir Fig. 4-4). Cela contribuerait également à faciliter l'éclosion de maladies psychiatriques en cas de vulnérabilité génétique.
Neurotransmission chimique, médiateur de l'action des maladies S MINEURS
(Prédisposition au niveau de l'ADN pour la schizophrénie -- fortement déterminée génétiquement)
SCHIZOPHRÉNIE
STRESS MODÉRÉS
(Prédisposition du niveau de l'ADN pour la dépression -- modérément déterminée génétiquement)
DÉPRESSION
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STRESS MAJEURS
(ADN « normal »)
ÉTAT DE STRESS POST-TRAUMATIQUE
FIGURE 4-5. Certains sujets vulnérables ont une forte propension à développer un trouble, tandis que d'autres ont une faible prédisposition (voir Fig. 4-2). Ainsi, il faut des stress relativement mineurs ou habituels sur un ensemble de gènes de la vulnérabilité pour la schizophrénie chez un individu vulnérable pour que ces gènes soient activés et produisent la maladie (à gauche). D'autre part, peu de sujets disposant du potentiel de vulnérabilité génétique développent réellement une dépression ou un trouble bipolaire. Il faut donc certainement subir un stress modéré ou particulièrement inhabituel pour activer les gènes de vulnérabilité à ce trouble et produire la maladie (au milieu). Enfin, les sujets dont l'ADN semble normal, sans aucune prédisposition pour quelque trouble psychiatrique que ce soit, risquent de décompenser au cours d'un stress majeur ou écrasant (viol, guerre ou désastre naturel) produisant un effondrement du fonctionnement cellulaire au travers de celui de l'ADN normal et de développer un trouble psychiatrique (à droite). Ce dernier mécanisme est l'une des explications de l'état de stress post-traumatique.
Plasticité neuronale et troubles psychiatriques Troubles neurodéveloppementaux. À l'image d'une voiture, les neurones et leurs synapses doivent se construire et être entretenus correctement pour éviter la panne (trouble du fonctionnement cérébral). Le cerveau fonctionnera normalement si, in utero, les neurones appropriés sont sélectionnés (Fig. 4-6), puis s'ils parviennent à migrer jusqu'à l'emplacement qui leur a été préalablement désigné (Fig. 4-7). L'épilepsie et le retard mental peuvent en partie résulter de la perte de neurones ou d'une mauvaise migration au cours du développement foetal (voir Fig. 4-7). Une migration neuronale anormale pourrait même contribuer à la schizophrénie et à la dyslexie. L'échec de la migration neuronale pourrait être dû -à-des,,gènes indiquant une mauvaise direction. De mauvaises instructions pourraient être transmises héréditairement et être ainsi préprogrammées, ou bien être acquises in utero, si la mère consomme cocaïne ou alcool, ou en cas d'irradiation de l'utérus. Tous ces éléments {sélection neuronale anormale, mauvaise migration, toxines in utero) entraîneraient la production d'un facteur de croissance « tueur » à la place d'un facteur de croissance « garde du corps » (voir Fig. 4-6). Cela conduirait les mauvaises cellules à activer leur propre suicide par apoptose (voir Fig. 1-18). Celles qui subsisteraient seraient des cellules chétives avec de mauvais « velcros » moléculaires (par exemple, les cadhérines), incapables de ramper le long des fibres gliales pour se rendre au bon endroit. Un trouble de la migration neuronale commence donc par une sélection de neurones inappropriée dès le lieu de départ.
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Psychopharmacologie
= neurone sain
= neurone défectueux
Bonne sélection neuronale
Mauvaise sélection neuronale
FIGURE 4-6. Avant la naissance, les neurones sont produits en excès (groupe de neurones du haut). Certains sont sains, et d'autres ont une anomalie. Le développement neuronal normal choisit les bons neurones (à gauche), tandis que dans un trouble mental, certains neurones anormaux ont été sélectionnés, ce qui crée la condition d'apparition d'une maladie neurologique ou psychiatrique ultérieurement dans la vie lorsque ces neurones sont sollicités pour accomplir leur tâche (à droite).
D'autres problèmes neurodéveloppementaux peuvent résulter d'une synaptogenèse anormale. Comme cela a déjà été vu au Chapitre 1, les synapses se modifient de manière constante et dynamique, pouvant être installées, conservées ou, dans certains cas, supprimées. Toutes sortes de facteurs influencent ce processus d'ajout, de maintien et de suppression de synapses. Si le neurone reçoit un signal erroné du sémaphore (venant des molécules neurotrophiques de type sémaphorines), il pilotera éventuellemenf-Sbn cône de croissance axonal vers de mauvaises cibles postsynaptiques (Fig. 4-8 et 4-9). Vu que la synapse est le support de la neurotransmission chimique, on se doute qu'il est primordial pour le transfert d'informations dans le cerveau que les axones puissent innerver les bonnes cibles. Lorsque l'innervation est achevée, le transfert d'informations dans le cerveau reste encore dépendant de la manière dont la synapse est entretenue, ce qui inclut les processus de ramification, d'élagage, de croissance ou de mort des axones et des dendrites (voir Chapitre 1 et Fig. 1-21 à 1-23, ainsi que la Fig. 4-10). Si le processus de synaptogenèse est interrompu précocement au cours du développement, le cerveau ne peut atteindre son potentiel maximal, ainsi qu'on le constate dans le retard mental, l'autisme et, selon les hypothèses actuelles,
Neurotransmission chimique, médiateur de l'action des maladies
Bonne migration
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Mauvaise migration
FIGURE 4-7. Les neurones naissent dans les couches de croissance centrales (en haut) puis migrent au cours de la croissance du cerveau. En l'absence de problème (à gauche), les neurones sont correctement alignés et peuvent croître, établir des synapses et fonctionner comme on l'attend. Par contre, si la migration neuronale est anormale (à droite), les neurones ne se retrouvent pas à la bonne place, ne reçoivent pas les afférences appropriées et par conséquent ne fonctionnent pas correctement. Ce phénomène peut être à l'origine d'une maladie neurologique ou psychiatrique.
a
la schizophrénie (voir Fig. 4-10). Pour notre cerveau anatomique, un mauvais câblage neuronal peut être particulièrement problématique du point de vue de son bon fonctionnement. Les traitements médicamenteux peuvent non seulement modifier la neurotransmission en aigu, mais aussi agir potentiellement sur la plasticité neuronale. L'exploitation de la neurochimie de la plasticité cérébrale est un objectif imp— ortant du développement de nouvelles substances médicamenteuses. Par exemple, certains facteursThe croissance peuvent conduire les neurones à faire pousser de nouveaux axones et branches dendritiques, et à établir de nouvelles connexions synaptiques (voir Chapitre 1 et Fig. 1-22, ainsi que la Fig. 4-10). S'ils sont utilisés suffisamment tôt lors de l'évolution précoce d'un trouble neurodéveloppemental, de tels traitements pourraient parvenir à compenser Ies problèmes de sélection de cellules, de migration cellulaire ou de formation de synapses. Mais, malheureusement, ces phénomènes sont si discrets au niveau anatomique qu'il est difficile d'envisager la mise au point d'un médicament devant être donné aux endroits spécifiques et juste au moment crucial du développement.
1 14
Psychopharmacologie
..1■■■■■ •
CÂBLAGE CORRECT FIGURE 4-8. Câblage correct entre deux neurones. Au cours du développement, les axones bleus afférents issus de différentes régions cérébrales se dirigent vers leurs cibles dendritiques appropriées du neurone bleu. De la même façon, les axones rouges afférents se connectent aux bonnes endrites du neurone rouge. Troubles neurodégénératifs et facteurs de croissance neurotrophiques. Si les synapses sont mal. formées de façon précoce au cours de la vie, il en résultera des maladies psychiatriques. Mais, plus tard au cours de l'existence, des troubles cérébraux sont susceptibles d'apparaître en cas d'interruption de la fonction synaptique normale. Le cerveau régresse alors du potentiel qu'il avait atteint jusqu'à différents types de démence (voir Fig. 4-10). Une forme atténuée de ce phénomène peut se produire dans le « vieillissement normal », si l'on considère comme
-1111
CÂBLAGE INCORRECT FIGURE 4-9. Représentation simplifiée d'un possible mécanisme pathologique lors d'un trouble neurodéveloppemental. Dans un tel cas, les neurones n'échouent pas dans l'établissement de connexions, ne meurent pas ni ne dégénèrent. Mais la formation des synapses est déviée, ce qui provoque un mauvais câblage. Il peut donc se produire un transfert anormal d'informations, des communications neuronales perturbées ou une incapacité pour les neurones à fonctionner, anomalies qui seraient présentes dans la schizophrénie, le retard mental et d'autres troubles neurodéveloppementaux. Ce chaos est schématisé ici sous forme d'un enchevêtrement d'axones, où les axones rouges sont connectés de façon inadéquate aux neurones bleus et les axones bleus anormalement reliés aux dendrites rouges. Cela n'a rien à voir avec la belle organisation de la Fig. 4-8. 115
------,______ neurone hypotrophié
maladie développementale ou absence de stimulation
développement normal
maladie dégénérative de l'adulte FIGURE 4-10. Un neurone hypotrophié risque de ne pas se développer à cause d'une maladie développementale quelconque ou à cause d'un manque de stimulation neuronale ou environnementale propice à un développement normal (flèche de gauche). Dans d'autres cas, le neurone atrophié se développe normalement (flèche de droite), mais perdra ce bénéfice lors de la survenue d'une maladie dégénérative à l'âge adulte (flèche du bas).
116
Neurotransmission chimique, médiateur de l'action des maladies
117
normal le fait de cesser de faire travailler son cerveau lorsqu'on devient âgé. De la même façon que la mise hors fonctionnement ou l'excès de fonctionnement d'un tissu contribue au déclin des systèmes périphériques de l'organe correspondant, l'absence d'exercice mental conduit à des synapses cérébrales « rouillées » et «irritables ». À l'inverse, et fort heureusement, la stimulation du cerveau tout au long de la vie, en affinant des habiletés acquises et en en développant d'autres, peut prévenir la survenue de ce type de détérioration liée à l'âge. Certaines défaillances cérébrales peuvent toutefois survenir lors de la mort des neurones et de la disparition des synapses. Les deux principales voies finales communes de destruction neuronale et synaptique sont la nécrose et l'apoptose (voir Chapitre 1 et Fig. 1-18). Dans les troubles neurologiques, la mort des neurones par nécrose inflammatoire peut être déclenchée par empoisonnement par des toxines, par une infection ou un traumatisme physique, ou encore par manque d'oxygène lors d'un infarctus par exemple. Des pertes de neurones plus subtiles se produisent au cours de l'activation inappropriée de l'apoptose dans un cerveau ayant atteint son développement, comme cela se voit dans la maladie d'Alzheimer, la démence frontotemporale, la démence à corps de Lewy, et peut-être dans la schizophrénie. Bien que l'apoptose puisse expliquer comment les neurones meurent dans ces maladies, le pourquoi reste encore très mystérieux. Plus subtile que les maladies neurologiques de type Alzheimer ou Parkinson qui sont classiquement considérées comme caractéristiques de la neurodégénérescence, l'existence d'une forme discrète de neurodégénérescence est actuellement soupçonnée dans l'évolution progressive de la schizophrénie, dans le développement de résistances vis-à-vis des traitements de la dépression, dans le trouble panique ou dans d'autres maladies psychiatriques. La neurodégénérescence jouerait aussi un rôle dans le phénomène apparent de « kindling» (NdT : sorte d'embrasement évolutif) au cours de divers troubles affectifs, comme le développement de cycles rapides dans le trouble bipolaire, ou l'augmentation de la récurrence dépressive au moment des modifications hormonales sexuelles chez des femmes ayant déjà vécu un trouble affectif dans ces mêmes conditions. L'utilisation de la plasticité neuronale normale dans le développement de nouveaux médicaments destinés à contrecarrer les maladies neurodégénératives du système nerveux n'en est qu'à ses débuts. II n'existe pas encore de produits capables de mettre en route et diriger le processus de plasticité de façon fiable. Il devrait pourtant être possible, théoriquement, de sauver les neurones dégénérescents, de créer de nouvelles synapses ou de rétablir des synapses préexistantes. De telles modifications des maladies nerveuses dégénératives font l'objet de différentes recherches. En premier lieu, mentionnons la recherche d'anomalies géniques ou de produits des gènes anormaux pouvant conduire à la défaillance des neurones. Une fois ces facteurs identifiés, il devrait être possible d'interrompre la production ou d'entraver l'action des produits des gènes indésirables. Il devrait aussi être possible de lancer la production de produits de gènes absents, ou de fournir des produits de substitution. En second lieu, des essais ont été entrepris pour que les facteurs neurotrophiques viennent au secours des neurones dégénérescents et arrêtent la progression des troubles neurodégénératifs (Fig. 4-11 à 4-13). Cette approche pourraitere particulièrement efficace dans les déficits acquis en facteurs neurotrophiques provoquant la dégénérescence de neurones préalablement sains. De façon hypothétique, un cocktail moléculaire idéal pourrait ramener à la santé toutes sortes de neurones malades (voir Fig. 4-12 et 4-13). Si l'on pouvait appliquer nos connaissances sur l'action des facteurs neurotrophiques et celle des molécules qui guident le bourgeonnement des axones, on devrait un jour augmenter la probabilité de sauvetage des neurones dysfonctionnels au sein du système nerveux mature ou même faciliter l'établissement des connexions synaptiques désirées. Il devrait être possible d'introduire des facteurs de croissance directement dans le neurone si une méthode d'administration venait à être inventée. Mais malheureusement, on ren-
!
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Psychopharmacologie
FIGURE 4-11. Communication normale entre deux neurones, et agrandiwement de la synapse entre le neurone bleu et le rouge. La neurotransmission qui va du neurone rouge vers le-bleu se fait par la liaison du neurotransmetteur aux récepteurs postsynaptiques selon les mécanismes habituels de Ta neurotransmission synaptique. contre tant de problèmes dans l'utilisation de facteurs neurotrophiques comme agents thérapeutiques, il existe un tel nombre de neurones potentiellement sensibles à leur effet, qu'une administration systémique activerait la pousse de toutes sortes d'axones indésirables. Des doses élevées ou une utilisation chronique pourraient stimuler une division cellulaire des neurones non voulue ou même augmenter le risque de cancer. L'administration au niveau
Neurotransmission chimique, médiateur de l'action des maladies
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facteur de croissance (protéine) N
FIGURE 4-12. Comme dans la Fig. 4-13, représentation d'un mécanisme conceptuellement plus complexe de compensation par rapport à la perte d'un neurone dégénérescent. Le neurone rouge est malade, mais n'a pas encore dégénéré. Il ne fonctionne plus suffisamment pour-autoriser une neurotransmission avec le neurone bleu (encadré) et agonise. L'application d'un facteur de croissance sur le neurone dégénérescent est également représentée ici. On peut voir cela comme un mécanisme naturel de restauration activé par le neurone mourant (voir Fig. 1-22 et Tableau 1-III) ou induit par un médicament qui aurait une action comparable. Illiee même du site désiré, ou bien l'action spécifique sur un site lors d'une administration systémique seraient donc requises pour un traitement par facteur neurotrophique sans danger. Pour compliquer l'utilisation des facteurs de croissance dans les maladies neurodégénératives, le fait est que plusieurs de ces substances sont de grosses molécules peptidiques ou protéiques, ne
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Psychopharmacologie
facteur de croissance (protéine) a•
•
FIGURE 4-13. Comment un neurone dégénérescent peut-il être secouru par un facteur de croissance ? Ici le neurone mourant de la Fig. 4-12 est sauvé par un facteur de croissance qui restaure la fonction de neurotransmission et réactive les communications normales entre le neurone rouge et-le Lieu (encadré"). pouvant ni rester intactes lors d'une administration orale, ni traverser la barrière hématoencéphalique en cas d'injection intraveineuse. Ceci a amené à proposer plusieurs techniques d'administration des facteurs neurotrophiques au niveau de leurs cibles dans le SNC. Par exemple, la protéine elle-même pourrait être perfusée directement dans le liquide céphalorachidien ou incorporée à une préparation biodégradable à libération prolongée. Ou alors, la protéine active pourrait traverser la barrière hématoencéphalique, en se dissimulant dans une molécule « cheval de Troie » capable de franchir cette barrière. Ou bien même, on
rt It II
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Un nouveau neurone est implanté pour assurer les fonctions du neurone mort FIGURE 4-14. La transplantation de nouveaux neurones par neurochirurgie est un autre mécanisme
potentiel de remplacement de la fonction d'un neurone dégénéré. Dans un tel cas, le neurone transplanté couleur turquoise synthétise les mêmes neurotransmetteurs que le neurone rouge (voir Fig. 4-11) avant que ce dernier ne disparaisse. La neurotransmission synaptique est restaurée lorsque le neurone transplanté prend la suite et assume la fonction perdue du neurone dégénéré (encadré). Cette technique a déjà été appliquée à des patients souffrant de la maladie de Parkinson, chez lesquels une greffe de neurones de la substance noire foetale améliore la neurotransmission défaillante des neurones dégénérescents. •M-
121
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Psychopharmacologie pourrait imaginer des substances de faible poids moléculaire qui parviendraient au cerveau de manière à induire pharmacologiquement la formation d'un facteur trophique. Cette procédure a été proposée pour les inhibiteurs de la cholinestérase, qui non seulement augmentent les taux d'acétylcholine, mais de ce fait augmentent aussi la production de facteur de croissance nerveuse. Une idée high-tech, pour finir, consisterait à transférer dans le cerveau des gènes qui produisent le facteur de croissance, soit en greffant des cellules qui normalement le synthétisent après une manipulation génétique, soit en fournissant le gène grâce à un virus porteur. Toutes ces possibilités font l'objet d'investigations actives. Une troisième approche thérapeutique à long terme dans le cadre des maladies neurodégénératives consiste en la transplantation de neurones. Le but de ces recherches est de remplacer des neurones dégénérescents par des neurones tout neufs (Fig. 4-14). Il ne s'agit pas de la transplantation d'un cerveau entier, version Frankenstein, mais plutôt de l'introduction ciblée de neurones sélectifs et hautement spécialisés, produisant des substances et des neurotransmetteurs capables de compenser et remplacer la fonction détruite par dégénérescence à l'origine de la maladie. On effectue déjà des transplantations de neurones chez l'homme dans le cadre de la maladie de Parkinson, où des neurones produisant de la dopamine ont été implantés avec succès dans le cerveau de patients. L'utilisation de neurones cholinergiques est prometteuse en ce qui concerne le traitement de modèles expérimentaux dans la maladie d'Alzheimer.
De l'excitation à la lésion cérébrale : l'excès de neurotransmission excitatrice pourrait être dangereux pour la santé Benjamin Franklin, en disant « rien en excès, y compris la modération », a certainement anticipé la pensée contemporaine concernant la neurotransmission excitatrice. Pour ce qui est de la dangereuse neurotransmission excitatrice glutamatergique, sa gamme d'action consiste à parler à un neurone (Fig. 4-15), lui hurler après (Fig. 4-16), à étrangler ses dendrites ou, même, à l'assassiner (Fig. 4-17). Normalement, le glutamate se contente d'ouvrir un canal ionique permettant au neurone de boire le calcium (voir Fig. 4-15 et Fig. 4-18). Siroter le calcium excite le neurone, réaction normale lorsque le glutamate parle aimablement. Toutefois, lorsque le glutamate hurle après un neurone, ce dernier, ému, réagit en buvant encore plus de calcium (voir Fig. 4-16 et Fig. 4-19). Une trop grande imbibition en calcium peut en partie conduire à des symptômes d'excitation : panique, crise d'épilepsie, manie ou psychose (voir Fig. 4-19 et Fig. 4-20). Trop de calcium mettra éventuellement en colère les enzymes intracellulaires qui engendreront de désagréables substances appelées radicaux libres. Un petit groupe de ces radicaux libres peut détruire la réception chimique au sein de la dendrite postsynaptique et l'étrangler (Fig. 4-21). Et pour finir, un attroupement de radicaux libres est parfaitement capable de tuer le neurone tout entier, peut-être en dédenchant l'apoptose (Fig. 4-22 ; voir aussi Fig. 1-18). Pourquoi le neurone se laisserait-il faire ainsi ? Il est possible-41e -le cerveau ait besoin de ce mécanisme excitateur : le glutamate agirait comme un jardinier qui taire les branches mortes de l'arbre dendritique, de telle sorte que les pousses saines puissent prospérer (voir Fig. 1-23). Toutefois, cela lui confère une arme formidablement puissante, qui peut faire l'objet d'un mésusage et engendrer différentes conditions de neurodégénérescence lorsque le neurone est élagué à mort (voir Fig. 4-22). Un tel mécanisme excitotoxique peut être activé si le programme génétique qui le contrôle est mis en route ou potentiellement après ingestion de toxines ou en cas d'abus de substances toxiques. Lorsque, pour une raison ou pour une autre, le glutamate décide d'agir comme une brute, les neurones peuvent devenir épileptiques, paniquer, devenir maniaques ou psychotiques (voir Fig. 4-20). De plus, de tels symptô-
O = Calcium
1) Calcium pénétrant dans le neurone à un taux normal
o
o°
2) Calcium pénétrant dans le neurone trop rapidement (le canal calcique peut être ouvert par une toxine ou une attaque cérébrale)
'
o
o
3) Pour finir, le neurone est détruit par l'excès de calcium FIGURE 4-15.
Le calcium est un ion régulateur essentiel en ce qui concerne l'excitabilité neuronale. Il ne cesse d'entrer et sortir des neurones à travers les canaux ioniques de différentes sortes qui dirigent les fonctions normales de ces cellules. Lorsque ce phénomène se produit à un taux normal, il modifie l'excitabilité du neurone sans l'endommager (mais voir aussi Fig. 4-1Jati 44.17).
FIGURE 4-16. Le calcium pénètre parfois trop massivement dans la cellule à cause d'une trop grande ouverture des canaux ioniques (ce que feraient certaines toxines, une attaque cérébrale ou certaines conditions de dégénérescence) (voir Fig. 4-17). FIGURE 4-17. Si beaucoup trop de calcium entre dans le neurone et dépasse ses capacités à absorber un tel flux, il peut détruire le neurone par dégénérescence puis mort. Ce mécanisme d'excitation excessive est appelé excitotoxicité ; c'est une hypothèse actuelle majeure de la cause de divers troubles psychiatriques et neurologiques. Dans de telles maladies, les neurones sont littéralement « excités à mort ».
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Psychopharmacologie
Le glutamate ouvre le canal ionique, autorisant l'entrée du calcium dans la cellule.
FIGURE 4-18. Détails de la pénétration du calcium à l'intérieur d'une dendrite du neurone bleu lorsque le neurone rouge l'excite par le glutamate au cours d'une neurotransmission excitatrice normale. La Fig. 4-15 représente cela de manière encore plus simplifiée. Le glutamate libéré par le neurone rouge voyage à travers la synapse, se fixe à son emplacement sur le récepteur et, à l'instar d'un gardien ioniqUe, ouvre le canal calcique afin de permettre l'entrée du calcium dans la dendrite postsynaptique du neurone bleu pour que se produise une neurotransmission excitatrice normale (encadré). mes d'intoxication par le calcium peuvent être suivis d'une malencontreuse gueule de bois au glutamate, sous la forme de dendrites tellement ravagées qu'elles ne pourront plus jamais être excitées (voir Fig. 4-21). D'autres assassins comme la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson et la sclérose latérale amyotrophique (la schizophrénie est actuellement mise en examen) peuvent lancer
UN EXCÈS DE NEUROTRANSMISSION
PEUT INDUIRE DES ATTAQUES DE PANIQUÉ
FIGURE 4-19. Voici
ce qui peut se produire lorsque la neurotransmission excitatrice provoque un excès de neurotransmission. Cela peut être le cas de la production de dreers symptômes produits par le cerveau, dont les attaques de panique. Ce peut être le cas aussi pour la manie, les symptômes positifs de la psychose, les crises épileptiques et les symptômes d'autres maladies neurologiques ou psychiatriques. Dans un tel cas, un excès de glutamate est libéré par le neurone rouge, induisant une trop grande excitation au niveau des dendrites du neurone postsynaptique bleu. Une libération supplémentaire de glutamate provoque une plus grande occupation des récepteurs postsynaptiques du glutamate, ce qui ouvre davantage de canaux calciques et permet donc une plus grande entrée de calcium à l'intérieur de la dendrite bleue (encadré). Pourtant, bien que ce degré de neurotransmission excessive puisse être associé à des symptômes psychiatriques, il n'endommage pas vraiment le neurone (voir Fig. 4-20 et 4-21). 125
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Psychopharmacologie
FIGURE 4-20. Tempête cérébrale électrique : surexcitation et neurotransmission excessive. Ce phénomène se produit au moment de divers symptômes psychiatriques, comme ceux accompagnant une attaque de panique. Ce pourrait être un modèle pour d'autres troubles où il y a un excès de symptômes comportementaux impliquant trop de neurotransmission, dont la manie, les symptômes positifs de la psychose et l'épilepsie.
un contrat, embaucher le glutamate en tant qu'exécuteur méthodique et secret chargé d'éliminer une sous-population de neurones dans son entier, désignée à l'avance, au cours d'une période de temps prolongée. Un processus aussi systématique serait conforme à l'allure évolutive de ces troubles neurodégénératifs lents. Dans les maladies cérébrales catastrophiques, telles qu'un infarctus ou une ischémie globale due à un arrêt cardiaque ou une noyade, les services d'une armée entière de glutamate-tueur en série peuvent être loués pour perpétrer des exterminations à grande échelle. Le glutamate est alors responsable du massacre de neurones de régions entières du cerveau en les soumettant soudainement et par surprise à un chaos moléculaire total. L'action du glutamate peut donc s'étendre sur un large spectre. Il peut animer la conversation, se montrer amical, ou alors hurler et se conduire comme un hypothétique médiateur de troubles neurologiques et psychiatriques. Comment la symptomatologie et l'évolution clinique de divers troubles psychiatriques concordent-elles avec ce modèle d'excitotoxicité ? La psychose a peut-être certaines analogies avec l'épilepsie, sous forme d'une transmission dopaminergique excessive au niveau de Paire mésolimbique pouvant conduire à divers troubles psychiatriques avec des symptômes tels que délire, hallucinations et troubles du cours de la pensée. Le trouble panique serait aussi analogue à l'épilepsie dans certaines régions cérébrales contrôlant les émotions (comme le gyrus parahippocampique), provoquant sur le plan clinique des symptômes caractérisés par une décharge émotionnëllé massive de panique, un souffle court, des douleurs thoraciques, un vertige, le sentiment de mort-imminente, ou la peur de perdre le contrôle. On le voit donc, des affections comme la psychose, l'épilepsie et le trouble panique pourraient impliquer une neurotransmission excessive qui constituerait l'explication des symptômes aigus ainsi produits (voir Fig. 4-19 et 4-20). Ces troubles semblent devenir d'autant plus résistants au traitement que leur évolution est prolongée et que les symptômes sont mal contrôlés, comme s'il existait un mécanisme sousjacent de destruction accompagnant les symptômes durables (voir Fig. 4-21 et 4-22, Fig. 4-23). Une neurotransmission excessive peut donc être source d'un déficit de neurotransmission (trop de transmission tue la transmission). Si l'épilepsie engendre l'épilepsie, la panique engendre la
UN EXCÈS DE NEUROTRANSMISSION
PEUT INDUIRE LA MORT DES DENDRITES
FIGURE 4-21. Si un excès de neurotransmission dure trop longtemps, on peut supposer que cela va conduire à la mort des dendrites. Ce mécanisme reviendrait à activer de façon inappropriée leur processus d'élagage normal (schématisé ici par la paire de ciseaux en train de couper la dendrite ; pour un diagramme sur l'élagage normal, voir Fig. 1-23). Ainsi, beaucoup trop de glutamate libéré ouvre trop grand la porte des canaux calciques et active le décès excitotoxique des dendrites (encadré).
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Psychopharmacologie
« Élagage » hors de contrôle
Une maladie peut faire perdre le contrôle de l'élagage normal : le neurone est « élagué à mort ». FIGURE 4-22. Les neurones semblent être environnés de mécanismes normaux de maintenance de leur arbre
dendritique, grâce auxquels ils peuvent élaguer et supprimer des dendrites et des synapses inutilisées, inutiles ou vieilles (voir les mécanismes normaux Fig. 1-23). Un des mécanismes hypothétiques de certaines maladies neurodégénératives consisterait en la perte du contrôle qui s'exerce normalement sur les mécanismes d'élagage normaux et qui finissent par faire perdre au neurone son utilité, voire le tuant par un « élagage à mort ».
panique, la psychose engendre la psychose et la manie engendre la manie, Ces symptômes ne sont de toute évidence pas bénéfiques pour le cerveau. Le psychopharmacologue doit par conséquent agir pour prévenir les symptômes, non seulement parce que leur contrôle pourra contenir l'influence destructrice de la neurotransmission excessive sur certains comportements, mais aussi parce que cela préviendra la mort des neurones en cause dans ces comportements précis (voir Fig. 4-20 à 4-23). Si ces troubles venant d'une neurotransmission excessive sont analogues à « l'embrasement » cérébral de crises symptomatiques comme l'épilepsie, la psychose, les attaques de paniques ou la manie, les traitements ne doivent pas seulement «éteindre le feu », mais également sauver la structure neuronale sous-jacente, qui devient un carburant à son tour.
ENCORE PLUS DE NEUROTRANSMISSION...
PEUT FAIRE MOURIR LA CELLULE
FIGURE 4-23. Une surexcitation catastrophique pourrait théoriquement conduire à un excès de calcium dans le neurone — à cause de l'ouverture dangereuse des canaux calciques par le glutamate (encadre') — tel que non seulement la dendrite est détruite mais aussi tout le neurone. Ce scénario est l'un de ceux où le neurone est excité à mort. La même idée est représentée de façon simplifiée dans la Fig. 4-17. L'excitotoxicité est l'hypothèse majeure actuelle pour expliquer le mécanisme de mort neuronale dans les troubles neurodégénératifs, parmi lesquels on compte la schizophrénie, la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson, la sclérose latérale amyotrophique et les lésions cellulaires ischémiques survenant au cours d'un accident vasculaire cérébral.
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Psychopharmacologie La découverte d'antagonistes de l'excitotoxicité, avec l'exemple classique des antagonistes glutamatergiques, fait pressentir le développement de nouvelles thérapeutiques médicamenteuses des troubles neurodégénératifs. Deux approches au moins, dans le cas du glutamate, semblent prometteuses. Pour la première, il s'agit d'empêcher le neurone de boire trop de calcium en bloquant directement les récepteurs du glutamate par des antagonistes. Le neurone a ainsi le droit d'étancher sa soif de calcium lors d'une neurotransmission excitatrice normale, mais plus de s'en saouler lorsqu'il devient ivre d'excitotoxicité. Si de tels produits se montraient efficaces, ils seraient neuroprotecteurs car ils arrêteraient le glutamate avant qu'il ne parvienne à assassiner d'autres neurones. Un autre traitement des maladies liées à l'excitotoxicité consisterait à porter secours à la mécanique cellulaire lorsque la cascade glutamatergique a été activée. Des récupérateurs de radicaux libres sont développés pour neutraliser ces pénibles composés. Des substances, comme la vitamine E et d'autres produits expérimentaux appelés lazaroïdes (en référence à la résurrection de Lazare dans la Bible) en semblent capables.
Absence de neurotransmission La neurotransmission chimique peut être modifiée par une myriade de mécanismes connus ou suspectés. Ceux-ci vont de l'absence de neurotransmission, comme dans le cas de neurones non présents ou ayant dégénéré, à un excès de neurotransmission du fait d'un mauvais fonctionnement synaptique. Une des conséquences principales de la perte de neurones dans les troubles neurodégénératifs, tels que la maladie de Parkinson, la maladie de Huntington, la sclérose latérale amyotrophique et la maladie d'Alzheimer, est qu'il n'y a plus de neurotransmission par suite de la perte neuronale (Fig. 4-24). Il s'agit, sur le plan conceptuel, d'un mécanisme morbide simple avec des conséquences majeures. C'est aussi, au moins en partie, le mécanisme d'autres troubles comme l'infarctus cérébral, la sclérose en plaques et virtuellement tout autre trouble dans lequel les neurones sont endommagés de façon irréversible. Une des premières tentatives destinées à compenser la perte de neurones et le déficit de neurotransmission qui en résulte (voir Fig. 4-24) a tout simplement consisté à remplacer le neurotransmetteur (Fig. 4-25). C'est précisément ce qui est réalisé dans la maladie de Parkinson, où la perte en neurotransmetteur, la dopamine, peut être supplémentée. Toutefois, même dans cet exemple conceptuellement élémentaire, la thérapie par remplacement n'est pas aussi simple qu'il y paraît. La dopamine administrée oralement ou par voie intraveineuse ne peut pénétrer dans le cerveau. Son précurseur, la L-DOPA, peut atteindre le cerveau et être transformé en dopamine. Néanmoins, même le précurseur a besoin d'aide, et la coadministration d'un inhibiteur de la destruction de la L-DOPA est nécessaire pour que cette dernière puisse agir de façon optimale.
Autres mécanismes de neurotransmission anormale D'autres mécanismes peuvent être conceptualisés. On pourrait par exemple évoquer le déséquilibre entre deux neurotransmetteurs normalement nécessaires pour réguler un processus unique. Cette idée est à l'origine des théories sur le mécanisme de nombreux troubles moteurs où l'équilibre entre deux neurotransmetteurs, la dopamine et l'acétylcholine, n'est pas normal. Une autre anomalie possible porte sur un mauvais taux de neurotransmission, ce qui pourrait perturber des fonctions comme le sommeil ou les rythmes biologiques. Enfin, nous avons déjà évoqué la manière dont les troubles neurodégénératifs impliquent la perte de neurones et de synapses, et le résultat de la perte des synapses essentielles qui provoque des anomalies au niveau du système de câblage du cerveau.
✓ FIGURE 4-24. Cas fictif d'une maladie simple dans laquelle les neurones meurent, n'autorisant plus aucune neurotransmission. La perte du neurone rouge équiv-aut à la perte de la neurotransmission entre le neurone rouge et le bleu (mais voir Fig. 4-2.5).
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Un nouveau neurotransmetteur, sous forme médicamenteuse, supplée les fonctions du neurone perdu.
FIGURE 4-25. Un des remèdes pharmacologiques les plus simples pour remplacer la neurotransmission
perdue d'un neurone dégénéré consiste à remplacer le neurotransmetteur à l'aide d'un médicament doué de propriétés comparables à celles du neurotransmetteur. Cela est représenté ici sous forme d'un médicament jaune qui remplace le neurotransmetteur naturel qui était libéré alors que le neurone rouge était encore présent et fonctionnel (voir Fig. 4-11). On utilise cette stratégie par exemple dans le cas de la L-DOPA qui se substitue à la neurotransmission perdue au cours de la maladie de Parkinson où les neurones dopaminergiques nigrostriés dégénèrent et meurent.
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Neurotransmission chimique, médiateur de l'action des maladies
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mé Ce chapitre a passé en revue le concept selon lequel les enzymes et les récepteurs ne sont pas seulement la cible de l'action des médicaments, mais aussi le siège de l'action des maladies. Nous avons discuté la façon dont les maladies du SNC sont abordées par trois disciplines : la neurobiologie, la psychiatrie biologique et la psychopharmacologie. Nous avons vu que l'action des maladies au niveau cérébral modifie la neurotransmission par au moins huit mécanismes : (1) modification de la neurobiologie moléculaire ; (2) perte de la plasticité neuronale ; (3) excitotoxicité ; (4) absence de neurotransmission ; (5) excès de neurotransmission ; (6) déséquilibre entre les neurotransmetteurs ; (7) mauvais taux de neurotransmission ; et (8) câblage neuronal défectueux.
CHAPITRE
5
DÉPRESSION ET TROUBLE BIPOLAIRE
I. Introduction II. Caractéristiques cliniques des troubles de l'humeur A.Description des troubles de l'humeur B.Critères diagnostiques C.Épidémiologie et histoire naturelle III. Effets des traitements sur les troubles de l'humeur A. Évolution à long terme des troubles de l'humeur et les cinq R du traitement antidépresseur B.À la recherche de sous-types de dépression pouvant prédire la réponse aux antidépresseurs C. Bonnes et mauvaises nouvelles concernant les traitements antidépresseurs D. Traitement longitudinal du trouble bipolaire E. Les troubles de l'humeur tout au long de la vie : quand les antidépresseurs commencent-ils à agir ? IV. Bases biologiques de la dépression A. Hypothèse monoaminergique B. Neurones monoaminergiques 1.Neurones noradrénergiques 2. Neurones dopaminergiques 3. Neurones sérotoninergiques C. Antidépresseurs classiques et hypothèse monoaminergique D. Hypothèse des récepteurs des neurotransmetteurs E. Hypothèse monoaminergique de l'expression génique E Hypothèse neurokininergique du dysfonctionnement émotionnel L Substance P et récepteurs de la neurokinine 1 2. Neurokinine A et récepteurs de la neurokinine 2 3. Neurokinine B et récepteurs de la neurokinine 3 V. Résumé 135
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Psychopharmacologie Dans ce chapitre, le lecteur va apprendre à connaître les bases concernant les troubles d l'humeur ; dépression, manie ou les deux. Les principales hypothèses explicatives d'ordr biologique, et plus particulièrement la dépression, seront énumérées. Afin de comprendr ces hypothèses, ce chapitre formulera les principes pharmacologiques majeurs s'appliquan aux neurones qui utilisent des neurotransmetteurs spécifiques, monoaminergiques, c'est-a dire la noradrénaline (NA ; également appelée norépinéphrine, NE), la dopamine (DA) et I sérotonine (ou 5-hydroxytryptamine ou 5HT). Nous présenterons brièvement les neuropep tides en lien avec la substance P. Cela constituera l'étape nécessaire à la compréhension de concepts pharmacologiques à la base de l'utilisation des antidépresseurs et des médicament régulateurs de l'humeur, qui seront passés en revue dans les Chapitres 6 et 7. Certaines descriptions cliniques, ainsi que les critères diagnostiques des troubles de l'humeu seront seulement mentionnés. Le lecteur est invité à consulter les données de référence en cett matière. Nous verrons comment les découvertes de divers antidépresseurs ont eu un impact su les critères diagnostiques de dépression et comment ils ont modifié l'histoire naturelle et l'évolu tion de cette maladie. Le but de ce chapitre est d'informer le lecteur sur les idées en cou concernant les aspects cliniques et biologiques des troubles de l'humeur, de façon à le préparer comprendre comment agissent les divers antidépresseurs et thymorégulateurs.
Caractéristiques cliniques des troubles de l'humeur Description des troubles de l'humeur Les désordres de l'humeur sont souvent appelés troubles affectifs. La dépression et la marli sont considérées comme les deux extrémités d'un spectre affectif ou thymique. Classiquement, dépression et manie sont deux « pôles » distincts, d'où les termes de dépression unipolaire, dans laquelle les patients subissent une descente (down) ou pôle dépressif, et le trouble bipolaire, dans lequel les patients à différents moments sont soit au pôle élevé (up, maniaque), soit au pôle bas (down, dépressif). En pratique, toutefois, dépression et manie peuvent survenir simultanément, ce qu'on appelle alors un état « mixte ». La manie peut aussi se manifester à des degrés moindres, on parle alors d'« hypomanie », ou basculer rapidement vers la dépression et réciproquement, c'est ce que l'on appelle les « cycles rapides ». La dépression est une émotion que virtuellement n'importe qui au monde peut éprouver dans sa vie. La distinction entre l'émotion « normale » de type dépressif et la maladie dépressive nécessitant un traitement médical est souvent difficile à faire par ceux qui n'ont pas eu de formation en santé mentale. La honte et les informations erronées créent, dans notre culture, l'idée populaire fausse et répandue que la dépression n'est pas une maladie mais une faiblesse du caractère, qui pourrait être dépassée si l'intéressé s'en donnait la peine. Par exemple, une étude en population générale réalisée au début des années 90 révélait que 71 p. 100 des personnes interrogées pensaient que la maladie mentale était due à une faiblesse émotionnelle ; 65 p. 100 l'estimaient provoquée par une mauvaise éducation parentale ; 45 p. 100 pensaient qu'il s'agissait de la faute de 1-elui_qui en était victime et qu'elle pouvait disparaître grâce à un effort de la volonté ; 43 p. 100 pensaient que la maladie mentale était incurable ; et enfin, 35 p. 100 estimaient qu'il s'agissait de la conséquence d'un comportement coupable. Seulement 10 p. 100 pensaient que cette pathologie reposait sur une base biologique et impliquait le cerveau (Tableau 5-I). La honte et les fausses informations peuvent aussi s'étendre à la pratique médicale, et de nombreux patients se plaignent de symptômes non médicalement expliqués. On utilise au sujet de ces symptômes physiques le terme de « somatisation » pour exprimer la détresse émo. tionnelle, ce qui peut être la principale raison du sous-diagnostic des maladies mentales de la part des praticiens des disciplines tant médicales que psychologiques. De nombreux patients
Dépression et trouble bipolaire
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Tableau 5—I. Perception populaire de la maladie mentale •
71 p. 100 C'est dû à une faiblesse émotionnelle 65 p. 100 C'est dû à mauvais environnement parental 45 p. 100 C'est la faute de la victime : elle peut s'en débarrasser 43 p. 100 Maladie incurable 35 p. 100 C'est dû à un péché 10 p. 100 Elle a une base biologique qui implique le cerveau
déprimés ayant des plaintes somatiques sont considérés comme n'ayant pas de maladie digne de ce nom et méritant un vrai traitement. De fait, leurs troubles psychiatriques ne sont pas traités une fois qu'une maladie médicale a fait l'objet d'un bilan puis a été éliminée. Pourtant, la plupart des patients vus dans les centres de soins généraux, et qui ont des symptômes somatiques indéfinis, ont en réalité soit une maladie psychiatrique (anxiété ou trouble dépressif, par exemple) pouvant être traitée, soit réagissent de cette manière à un événement de vie stressant. De tels patients en général n'ont pas un véritable trouble somatisation (NdT : terme consacré par le DSM-IV) dans lequel « les symptômes sont pour l'essentiel dans leur tête ». Compte tenu de la fréquence et du caractère curable des maladies affectives, il est extrêmement important d'insister tout particulièrement sur l'importance majeure du diagnostic et du traitement de ces maladies.
Critères diagnostiques
•
>
Des critères standardisés, admis de façon consensuelle, sont utilisés pour séparer la dépression « normale » provoquée par une déception ou une « mauvaise journée » d'un trouble de l'humeur. On se sert aussi de tels critères pour distinguer le sentiment d'être bien de celui d'être « mieux que bien », d'être si expansif et irritable que l'on parle alors de manie. Les critères diagnostiques des troubles de l'humeur sont en constant remaniement, et la nosologie actuelle est fixée par la quatrième édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (Diagnostic and Statistical Manual, ou DSM-IV) (Tableaux 5—II et 5—III) aux ÉtatsUnis, et la dixième édition de la Classification internationale des maladies (CIM-10) dans les autres pays. Le lecteur est invité à consulter ces ouvrages de référence pour une description précise des critères diagnostiques actuellement admis. Pour les objectifs que nous nous sommes fixés, il est suffisant d'admettre que les troubles affectifs sont en réalité des syndromes. Plus précisément, il existe des groupes de symptômes, parmi lesquels un seul est une anomalie de l'humeur. Bien sûr, la qualité de l'humeur, le degré de variation des changements de l'humeur par rapport à la normale (up-manie, ou downdépression) et la durée de l'humeur anormale sont les caractéristiques essentielles d'un trouble affectif. De plus, les cliniciens doivent évaluer certaines caractéristiques végétatives comme le sommeil, l'appétit, le poids et le dynamisme sexuel ; caractéristiques cognitives comme l'attention, la tolérance à la frustration, la mémoire, les distorsions négatives ; le contrôle de l'impulsivité vis-à-vis du suicide ou de l'homicide ; les caractéristiques comportementales de type motivation, plaisirs, centre d'intérêt, fatigabilité ; et les caractéristiques physiques (ou somatiques) comme les céphalées, les douleurs épigastriques ou la tension musculaire (Tableau 5—IV).
Épidémiologie et histoire naturelle Dans les années 90, les critères diagnostiques de dépression ont commencé à être utilisés de façon croissante, pour décrire l'épidémiologie et l'histoire naturelle des troubles de l'humeur
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Psychopharmacologie Tableau 5—II. Critères diagnostiques du DSM-IV d'un épisode dépressif majeur*
A. Au moins cinq des symptômes suivants doivent avoir été présents pendant une même période d'une durée de 2 semaines et avoir représenté un changement par rapport au fonctionnement antérieur ; au moins un des symptômes est soit (1) une humeur dépressive, soit (2) une. perte d'intérêt ou de plaisir. NB : ne pas inclure des symptômes qui sont manifestement imputables à une affection médicale générale, des idées délirantes ou des hallucinations non congruentes à l'humeur. 1. Humeur dépressive présente pratiquement toute la journée, presque tous les jours, signalée par le sujet (par exemple se sent triste ou vide) ou observée par les autres (par exemple pleure). NB : éventuellement irritabilité chez l'enfant et l'adolescent. 2. Diminution marquée de l'intérêt ou du plaisir pour toutes ou presque toutes les activités pratiquement toute la journée, presque tous les jours (signalée par le sujet ou observée par les autres). 3. Perte ou gain de poids significatif en l'absence de régime (par exemple modification du poids corporel en un mois excédant 5 p. 100), ou diminution ou augmentation de l'appétit presque tous les jours. NB : chez l'enfant, prendre en compte l'absence de l'augmentation de poids attendue, 4. Insomnie ou hypersomnie presque tous les jours. 5. Agitation ou ralentissement psychomoteur presque tous les jours (constaté par les autres, non limité à un sentiment subjectif de fébrilité ou de ralentissement intérieur). 6. Fatigue ou perte d'énergie presque tous les jours. 7. Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée (qui peut être délirante) presque tous les jours (pas seulement se faire grief ou se sentir coupable d'être malade). 8. Diminution de l'aptitude à penser ou à se concentrer, ou indécision, presque tous les jours (signalée par le sujet ou observée par les autres). 9. Pensées de mort récurrentes (pas seulement peur de mourir), idées suicidaires récurrentes sans plan précis, tentative de suicide ou plan précis pour se suicider. B. Les symptômes ne répondent pas aux critères d'épisode mixte. C. Les symptômes induisent une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d'autres domaines importants. D. Les symptômes ne sont pas imputables aux effets physiques directs d'une substance (par exemple une substance donnant lieu à un abus, un médicament) ou d'une affection médicale générale (par exemple hyperthyroïdie). E. Les symptômes ne sont pas mieux expliqués par un deuil, c'est-à-dire après la mort d'un être cher ; ils persistent pendant plus de 2 mois ou s'accompagnent d'une altération marquée du fonctionnement, de préoccupations morbides de dévalorisation, d'idées suicidaires, de symptômes psychotiques ou d'un ralentissement psychomoteur. D'après APA. Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 4' éd., 1994. Traduction par J. D. Guelfi et al., Paris, Masson, 1996. Avec l'aimable autorisation des éditions Masson.
de manière à mieux évaluer les effets des traitements. Les questions clés étaient : quelle est l'incidence de la dépression majeure par rapport au trouble bipolaire ? Combien de personnes sont-elles touchées au moment de l'étude ou sur toute la durée de leur vie ? Est-ce que les personnes souffrant de troubles de l'humeur sont identifiées et traitées et, dans ce dernier cas, comment ? Comment évolue Ieur traitement ? Quelle est- l'histoire naturelle de leurs troubles thymiques sans traitement et comment est-elle modifiée par le.traitement ? La réponse à ces questions commence seulement à être connue (Tableaux 5—V à 5—X). Par exemple, l'incidence de la dépression est d'environ 5 p. 100 de la population, tandis que celle des troubles bipolaires est d'environ 1 p. 100. Il y a ainsi aux États-Unis près de 15 millions d'individus souffrant actuellement de dépression et 2 à 3 millions ayant un trouble bipolaire. Malheureusement, seulement un tiers des premiers sont sous traitement. Ce phénomène ne provient pas uniquement d'une méconnaissance de la part des acteurs sanitaires, mais aussi du fait que les sujets considèrent que leur dépression est un défaut moral, honteux et devant par conséquent être caché. Les personnes pensent souvent qu'elles iraient
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Tableau 5—III. Critères diagnostiques du DSM-IV d'un épisode maniaque A. Une période nettement délimitée durant laquelle l'humeur est élevée de façon anormale et persistante, pendant au moins 1 semaine (ou tout autre durée si une hospitalisation est nécessaire). B. Au cours de cette période de perturbation de l'humeur, au moins trois des symptômes suivants (quatre si l'humeur est seulement irritable) ont persisté avec une intensité suffisante : 1. Augmentation de l'estime de soi ou idées de grandeur. 2. Réduction du besoin de sommeil (par exemple le sujet se sent reposé après seulement 3 heures de sommeil). 3. Plus grande communicabilité que d'habitude ou désir de parler constamment. 4. Fuite des idées ou sensations subjectives que les pensées défilent. 5. Distractibilité (par exemple l'attention est trop facilement attirée par des stimulus extérieurs sans importance ou insignifiants). 6. Augmentation de l'activité orientée vers un but (social, professionnel, scolaire ou sexuel) ou agitation psychomotrice. 7. Engagement excessif dans des activités agréables mais à potentiel élevé de conséquences dommageables (par exemple la personne se lance sans retenue dans des achats inconsidérés, des conduites sexuelles inconséquentes ou des investissements commerciaux déraisonnables). C. Les symptômes ne répondent pas aux critères d'un épisode mixte. D. La perturbation de l'humeur est suffisamment sévère pour entraîner une altération marquée du fonctionnement professionnel, des activités sociales ou des relations interpersonnelles, ou pour nécessiter l'hospitalisation afin de prévenir des conséquences dommageables pour le sujet ou pour autrui, ou bien s'il existe des caractéristiques psychotiques. E. Les symptômes ne sont pas dus aux effets physiologiques directs d'une substance (par exemple substance donnant lieu à abus, médicament ou autre traitement) ou d'une affection médicale générale (par exemple hyperthyroïdie). NB : des épisodes d'allure maniaque clairement secondaires à un traitement antidépresseur somatique (par exemple médicament, sismothérapie, photothérapie) ne doivent pas être pris en compte pour le diagnostic de trouble bipolaire I. D'après APA. Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 4` éd., 1994. Traduction par J. D. Guelfi et al., Paris, Masson, 1996. Avec l'aimable autorisation des éditions Masson.
Tableau 5—IV. La dépression est un syndrome Ensemble de symptômes Végétatifs Cognitifs Impulsifs Comportementaux Physiques (somatiques) mieux si elles pouvaient « se botter les fesses » et faire des efforts. En réalité, la dépression est une maladie, et non un choix, qui crée autant de handicap social que les coronaropathies et davantage que le diabète ou l'arthrite chronique. De plus, jusqu'à 15 p. 100 des patients sévèrement déprimés vont se suicider. Les tentatives de suicide concernent, par an, jusqu'à 10 p. 100 des sujets déprimés, avec 1 suicide réussi pour 100 déprimés par an. Aux ÉtatsUnis, par exemple, il y a environ 300 000 tentatives de suicide et 30 000 suicides chaque année, dont la plupart, mais pas tous, sont associés à une dépression. Les conclusions sont impressionnantes : les troubles de l'humeur sont fréquents, invalidants et font courir un risque vital ; ils peuvent être traités avec succès mais, habituellement, ils ne le sont pas du tout. Les pouvoirs publics (NdT : aux États-Unis) mènent des campagnes d'éducation dans le but de mieux identifier et traiter ces maladies.
Tableau 5—V. Éducation du patient L'efficacité de tout traitement repose sur l'union des efforts du patient et du praticien. Il faut dire aux patients le diagnostic, le pronostic et les options thérapeutiques, ainsi que le coût du traitement, sa durée et les effets indésirables possibles. En ce qui concerne l'éducation du patient et de sa famille, à propos de la prise en charge clinique de la dépression, il est nécessaire d'insister sur les informations suivantes : La dépression est une maladie et non un manque de caractère ni une faiblesse. La guérison est la règle, pas l'exception. Les traitements sont efficaces et l'on dispose de nombreuses options thérapeutiques. Un traitement efficace peut être trouvé pour presque tous les patients. Le but du traitement est d'atteindre une rémission complète et la maintenir, et pas seulement de trouver un mieux-être. Le risque de rechute est important : 50 p. 100 après un premier épisode, 70 p. 100 après deux épisodes, 90 p. 100 après trois épisodes. Le patient et sa famille doivent être attentifs à l'apparition de prodromes et doivent consulter rapidement si la dépression semble récidiver.
Tableau 5—VI. Facteurs de risque pour une dépression majeure Facteurs de risque
Association
Genre Âge Antécédents familiaux Situation familiale
Postpartum Événements de vie négatifs Mort précoce des parents
Deux fois plus fréquente chez la femme Pic de survenue entre 20 et 40 ans Si positifs : risque multiplié par 1,5 à 3 Risque le plus haut si séparé ou divorcé Hommes mariés : risque plus bas qu'hommes non mariés Femmes mariées : risque plus élevé que femmes non mariées Augmentation du risque dans les 6 mois qui suivent l'accouchement Association possible Association possible
Tableau 5—VII. La dépression aux États-Unis Nombre élevé de cas prévalence vie entière : 5 à 11 p. 100 10 à 15 millions de sujets déprimés par an Certains épisodes sont de longue durée (plusieurs années) Taux de rechute après un premier épisode supérieur à 50 p. 100 ; taux encore plus élevé s'il y a eu plusieurs épisodes Morbidité comparable à celle de l'angor et des coronaropathies évgluées Taux de mortalité par suicide élevé en l'absence de traitement 140
Tableau 5—VIII. Quelques données concernant le suicide et la dépression 20 à 40 p. 100 des patients souffrant d'un trouble affectif ont un comportement suicidaire, en particulier des idées suicidaires On estime à 16 000 le nombre de suicides pour trouble dépressif chaque année aux Etats-Unis 15 p. 100 des patients hospitalisés pour trouble dépressif majeur tentent de se suicider 15 p. 100 des patients souffrant d'un premier trouble dépressif majeur sévère depuis au moins 1 mois se suicident
Tableau 5—IX. Suicide et dépression majeure : la règle des sept Un patient souffrant de maladie dépressive récurrente sur sept se suicide 70 p. 100 des suicidés souffraient de dépression 70 p. 100 des suicidés ont consulté un médecin généraliste dans les 6 semaines qui ont précédé leur geste Le suicide est la septième cause de décès aux États-Unis
Tableau 5—X. Le coût caché de la dépression majeure non traitée Mortalité 30 000 à 35 000 suicides chaque année aux États-Unis Accidents mortels liés à des troubles de l'attention et de la concentration Décès dus à des maladies qui sont séquellaires de la dépression (alcoolisme, par exemple) Morbidité chez le patient Tentatives de suicide Accidents Maladies secondaires Perte d'emploi Stagnation de la carrière professionnelle ; échec scolaire Abus de substance Coût pour la société Problèmes familiaux Absentéisme Diminution de productivité Préjudices professionnels Effets collatéraux sur le contrôle de qualité du lieu de travail 141
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Psychopharmacologie ÉPISODE DÉPRESSIF GUÉRISON ou RÉMISSION
HUMEUR NORMALE
DÉPRESSION TEMPS-4 <
6 - 24 mois
FIGURE 5-1. La dépression est épisodique ; un épisode non traité dure 6 à 24 mois et est suivi de r sion ou de guérison.
Effets des traitements sur les troubles de l'humeur Évolution à long terme des troubles de l'humeur et les cinq R du traitement antidépresseur Jusqu'à récemment, on ne savait pas grand-chose de ce qui se passait réellement au cou d'une dépression non traitée. On sait désormais que la plupart des épisodes dépressifs no traités durent entre 6 et 24 mois (Fig. 5-1). Seulement 5 à 10 p. 100 des sujets non traités auraient un épisode évoluant plus de 2 ans. Toutefois, le caractère même de cette maladie est de comporter des épisodes récurrents. De nombreux sujets bénéficiant d'un traitement pour la première fois ont un antécédent d'au moins un épisode antérieur de cette même maladie, non reconnu et non traité, remontant parfois à l'adolescence. Trois mots commençant par la lettre R sont utilisés pour décrire l'amélioration d'un patient après traitement par un antidépresseur, à savoir réponse, rémission et rétablissement (NdT : le mot guérison serait plus approprié mais hélas, il ne permet pas de conserver le jeu de mot de l'américain avec les trois mots commençant par R response, remission, recovery). Le ternie réponse signifie en général que le patient déprimé a une diminution d'au moins 50 p. 100 de ses symptômes évalués sur une échelle psychiatrique standardisée, comme l'échelle de dépression d'Hamilton (Hamilton Depression Rating Scale) (Fig. 5-2). Cela correspond généralement à une évaluation clinique globale du patient comprise entre « bien amélioré » et « très amélioré ». La rémission est le terme utilisé lorsque presque tous les symptômes (largement plus que 50 p. 100) ont disparu (Fig. 5-3). Le patient ne se sent pas seulement mieux,i1 se sent bien. Si cet état dure de 6 à 12 mois, on ne parle plus de rémission mais de guérison (voir Fig. 573). Deux mots commençant par la lettre R sont utilisés pour décrire l'aggravation d'une dépression : rechute et récidive. Si un patient s'aggrave avant la rémission complète ou avant que la rémission ne soit devenue guérison, on parle de rechute (Fig. 5-4). Si un patient s'aggrave au bout des quelques mois suivant la guérison, on parle de récidive. Les caractéristiques permettant de prédire une rechute avec une grande pertinence sont : (1) de multiples épisodes antérieurs ; (2) des épisodes sévères ; (3) des épisodes longs ; (4) des épisodes avec des caractéristiques bipolaires ou psychotiques ; et (5) une guérison incomplète entre deux épisodes consécutifs, ce que l'on nomme aussi mauvaise guérison interépisode (Tableau 5—XI),
Dépression et trouble bipolaire
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HUMEUR NORMALE REPONSE
RÉPONSE
50 p.100
DÉPRESSION
FIGURE 5-2. Lorsque le traitement de la dépression apporte au moins 50 p. 100 d'amélioration, on appelle cela une réponse. Ces patients se sentent mieux, mais ne vont pas parfaitement bien.
HUMEUR NORMALE
RÉMISSION, 100
p.100 GUÉRISON
DÉPRESSION
•
•
Algue. . 6-12 semaines
•
Entretien Consolidation . 1 année ou plus 4-9 mois
TEMPS
FIGURE 5-3. Lorsque le traitement de la dépression supprime tous les symptômes, on parle de rémission pendant les premiers mois, puis de guérison si ce phénomène dure plus de 6 mois. De tels patients ne sont pas seulement mieux, ils vont bien. L'évolution longitudinale de la maladie bipolaire est égale-meut caractérisée par de nombreux épisodes récurrents, avec prédominance soit de la dépression, soit de la manie ou de l'hypomanie, ou présence simultanée de dépression et de manie (Fig. 5-5) ; les épisodes peuvent être à cycles rapides, avec au moins quatre épisodes en 12 mois (Fig. 5-6). D'inquiétantes preuves démontrent que le trouble bipolaire peut être quelque peu progressif, surtout s'il échappe au traitement. Cela signifie que les fluctuations de l'humeur deviennent plus fréquentes, plus sévères, et répondent moins bien à la thérapeutique au fur et à mesure que le temps passe. Cela survient plus particulièrement en l'absence de traitement ou si ce dernier est inadapté.
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Psychopharmacologie
. RÉCIDIVE • RECHUTE •
HUMEUR NORMALE
V
DÉPRESSION Aigué 6-12 semaines
Entretien Consolidation . 1 année ou plus 4-9 mois -4.
TEMPS
FIGURE 5-4. Si la dépression réapparaît avant la rémission complète des symptômes ou au cours des premiers mois de rémission, c'est une rechute. Si elle réapparaît après que le patient a guéri, c'est une récidive.
Tableau 5—XI. Facteurs de risque les plus importants pour un épisode dépressif récurrent De multiples épisodes antérieurs Guérison incomplète des épisodes antérieurs Épisode sévère Épisode chronique Caractéristiques bipolaires ou psychotiques
La dysthymie est une forme atténuée mais très chronique de dépression, durant au minimum 2 ans (Fig. 5-7). Elle pourrait représenter une forme relativement stable, sans rémission, de dépression de faible grade, ou alors elle pourrait indiquer un état de guérison partielle d'un épisode de trouble dépressif majeur. Lorsque des épisodes dépressifs se surajoutent à une dysthymie, on parle alors parfois de « double dépression » (Fig. 5-8) qui expliquerait de nombreux cas où la guérison entre les épisodes n'est pas atteinte.
À la recherche de sous-types de dépression pouvant prédire la réponse aux antidépresseurs Bien qu'ils soient d'abord efficaces sur la dépression, les antidépresseurs ne soignent pas uniquement les déprimés. Seuls deux patients sur trois vont répondre à un traitement donné (Fig. 5-9), tandis qu'un sur trois seulement le fera sous placebo (Fig. 5-10). Les études de suivi de patients déprimés traités pendant 1 an montrent qu'environ 40 p. 100 d'entre eux le sont encore au bout de cette période„ que 40 p. 100 n'ont pas de diagnostic et que le reste des patients soit est en guérison partielle, soit a évolué vers une dysthymie (voir Fig. 5-9).
Dépression et trouble bipolaire
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FIGURE 5-5. Le trouble bipolaire est caractérisé par toutes sortes d'épisodes de trouble affectif, à type de dépression, de manie et à un moindre degré d'hypomanie, ainsi que des épisodes mixtes dans lesquels dépression et manie sont réunies.
Dans les années 70 et 80, les critères diagnostiques de dépression ont commencé à se centrer sur les patients susceptibles de mieux répondre aux différents antidépresseurs alors disponibles. Au cours de cette période se développa l'idée selon laquelle il pouvait exister un sousgroupe de dépressions unipolaires qui répondait spécialement aux antidépresseurs et un autre sur lequel ils étaient inefficaces. On supposa que le premier groupe recouvrait la dépression sévère, mélancolique, ayant une base biologique et une forte occurrence familiale, survenant par épisodes et susceptible de répondre aux antidépresseurs tricycliques ainsi qu'aux inhibiteurs de la monoamine oxydase (MAO). À l'opposé, on trouvait une seconde forme de dépression, appelée dépression névrotique ou dysthymie, supposée d'origine névrotique et caractérielle, moins sévère mais plus chronique, ne répondant pas spécifiquement aux antidépresseurs, mais pouvant être améliorée-par une psychothérapie. La recherche de marqueurs biologiques éventuellement prédictifs de la réponse thérapeutique fut décevante dans le domaine de la dépression. Il n'est à l'heure actuelle pas possible de prédire quel patient va répondre à un antidépresseur en général ni à quelque substance spécifique que ce soit. Il est toutefois bien établi, quel que soit le sous-type de dépression, qu'il existe des patients, présentant n'importe quelle forme de dépression unipolaire, mélancolie comme dysthymie, qui répondront positivement aux antidépresseurs. Bien qu'il ne soit pas possible de prédire qui répondra ou non à un antidépresseur donné, on sait comment on a tenté de le savoir et comment on a échoué. Ce sont les concepts de dépression biologique versus non biologique, endogène versus réactionnelle, mélancolique
FIGURE 5-6. Le trouble bipolaire peut évoluer par cycles rapides, avec au moins quatre épisodes annuels de manie, hypomanie, dépression ou épisodes mixtes. C'est une forme de trouble bipolaire difficile à traiter.
HUMEUR NORMALE
DYSTHYMIE
DÉPRESSION > 2 années
FIGURE 5-7. La dysthymie est une dépression de faible intensité mais d'évolution tres chronique, don la durée est d'au moins 2 ans. J 146
Dépression et trouble bipolaire
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DOUBLE DÉPRESSION HUMEUR NORMALE
DYSTHYMIE
GUÉRISON PARTIELLE DÉPRESSION'
).< > 2 années
6-24 mois
FIGURE 5-8. La double dépression est un syndrome caractérisé par des oscillations entre des épisodes de dépression majeure et des périodes de guérison partielle ou de dysthymie. TRAITEMENT MÉDICAMENTEUX HUMEUR NORMALE
Chez les patients traités pour dépression, 67 p. 100 répondront au traitement après 8 semaines (c'est-à-dire une diminution des symptômes de 50 p. 100) et 33 p. 100 ne répondront pas du tout.
67 p. 100 de répondeurs Début du traitement médicamenteux
33 p. 100 de non-répondeurs
DÉPRESSION )' 8 semaines
FIGURE 5-9. Pratiquement tous les antidépresseurs ont le même taux de réponse : 67 p. 100 des déprimés 'épondent au traitement, et donc 33 p. 100 sont non répondeurs. versus névrotique, aiguë versus chronique et familiale versus non familiale, qui ont été les plus étudiés.
lionnes et mauvaises nouvelles concernant les traitements antidépresseurs On peut considérer les effets des traitements antidépresseurs au cours de l'évolution à long terme de la dépression comme autant de bonnes ou de mauvaises nouvelles selon que l'on se place du point de vue de la réponse ou de la rémission. Elles sont bonnes si l'on prend comme référence la simple réponse à un antidépresseur (c'est-à-dire, aller mieux), mais si l'on « met la barre plus haut », les nouvelles ne sont plus aussi bonnes (Tableaux 5—XII et 5—XIII).
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Psychopharmacologie
PLACEBO
Chez les patients qui reçoivent un placebo, 33 p. 100 répondront dans les 8 semaines.
HUMEUR NORMALE
33 p. 100 de répond . Début du placebo
67 p. 100 de non-répondeurs
DÉPRESSION 8 semaines
FIGURE 5-10. Dans les essais contrôlés, 33 p. 100 des patients répondent au placebo, et 67 p. 100 répondent pas.
Tableau 5—XII. Limites de la définition de ce qu'est une réponse La réponse est une réduction des signes et symptômes dépressifs d'au moins 50 p. 100 par rapport à l'évaluation initiale. Les répondeurs gardent des symptômes résiduels. La réponse est définie au terme de l'essai clinique, mais pas de la pratique clinique.
Tableau 5—XIII. Rémission La rémission est définie par la réduction du score à l'échelle d'évaluation d'Hamilton à une valeur inférieure à 8 ou 10, et à l'échelle d'impression clinique globale par l'évaluation « normal, pas malade mentalement ». Un patient en rémission est asymptomatique. Il est bien plus pertinent d'évaluer la rémission à la fin d'un essai clinique, car elle signifie qu'un patient est « bien ».
Comme nous l'avons déjà dit (voir Fig. 5-9 et Tableau 5—XIV), le bon côté de l'histoire est que la moitié à deux tiers des patients répondent à n'importe quel antidépresseur, Meilleure nouvelle encore : 90 p. 100 des patients, voire davantage, répondent si l'on essaye plusieurs antidépresseurs différents ou une combinaison d'antidépresseurs. Autre bonne nouvelle : jusqu'à la moitié des répondeurs bénéficie d'une rémission complète de leurs symptômes dépressifs au cours des 6 premiers mois de traitement, et que peut-être deux tiers ou plus des répondeurs seront toujours en rémission dans les 2 ans qui suivent. Dernière bonne nouvelle : les antidépresseurs diminuent significativement le taux de rechute dans les 6 à 12 premiers mois qui suivent la réponse initiale (Fig. 5-11 et 5-12). Cela signifie qu'environ la moitié des patients peut rechuter dans les 6 mois si l'on remplace leur
Tableau 5—X1V. Les bonnes nouvelles au sujet du traitement de la dépression La moitié des patients déprimés guérissent dans les 6 mois qui suivent un primo-épisode dépressif, et les trois quarts guérissent dans les 2 ans: Jusqu'à 90 p. 100 des patients déprimés répondent à un traitement (ou à une association de traitements) si l'on procède à plusieurs tentatives après un échec. Les antidépresseurs diminuent le risque de rechute.
SUBSTITUTION PAR UN PLACEBO placebo HUMEUR NORMAL
50 p. 100 de réponse maintenue
traitement antidépresseur
DÉPRESSION
50 p. 100 de rechute
FIGURE 5-11. Les patients déprimés qui ont répondu initialement à un antidépresseur vont rechuter dans 50 p. 100 des cas dans les 6 à 12 mois si le produit actif est arrêté et remplacé par un placebo.
POURSUITE DU MÉDICAMENT HUMEUR NORMALE
90 p. 100 de réponse maintenue traitement antidépresseur
DÉPRESSION
10 p. 100 de rechute
FIGURE 5-12. Les patients déprimés qui ont répondu initialement à un antidépresseur ne vont rechuter que dans 10 à 20 p. 100 des cas si le produit actif est maintenu pendant une année après la guérison.
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Psychopharmacologie Tableau 5—XV. La probabilité de récurrence est fonction du nombre d'épisodes antérieurs Nombre d'épisode(s) antérieur(s) 1 2
Risque de récurrence < 50 p. 100 50 à 90 p. 100 > 90 p. 100
Tableau 5—XVI. Quels patients nécessitent un traitement d'entretien ? Deux épisodes antérieurs ou plus Un épisode antérieur s'il s'agit d'un sujet jeune ou âgé Épisodes chroniques Rémission incomplète
Tableau 5—XVII. Les mauvaises nouvelles au sujet du traitement de la dépression Le pourcentage de patients qui demeurent bien dans les 18 mois qui suivent un traitement réuss est désespérément bas : seulement 70 à 80 p. 100. De nombreux patients sont résistants vis-à-vis du traitement : le pourcentage de patients qui ne répondent pas ou qui ont une évolution défavorable au cours de la période d'évaluation à long terme est désespérément élevé : jusqu'à 20 p. 100. Jusqu'à la moitié des patients n'atteignent pas la rémission, dont les répondeurs « apathiques et les répondeurs « anxieux ».
médicament pax du placebo (voir Fig. 5-11), et seulement 10 à 25 p. 100 rechutent si le trai-
tement auquel ils ont répondu est maintenu (voir Fig. 5-12). À partir de ces constatations, des directives thérapeutiques ont été récemment développées selon lesquelles la dépression ne doit pas seulement être traitée jusqu'à ce qu'une réponse soit obtenue, mais que le traitement soit maintenu au-delà de la réponse pour prévenir la rechute (Tableaux 5—XV et 5—XVI). Pour un premier épisode dépressif, que le patient soit âgé ou psychotique ou qu'il ait répondu sans atteindre la rémission, on envisage un traitement d'une durée de 1 an seulement, à moins qu'il ne s'agisse-d'un épisode particulièrement long ou sévère. En cas d'épisodes multiples, un traitement antidépresseur à vie peut être nécessaire, à cause de la montée en flèche du risque de rechute avec multiplication des épisodes dépressifs (voir Tableaux 5—XV et 5—XVI). Les traitements antidépresseurs dimi• nuent ce risque, en particulier au cours de la première année qui suit la réponse positive (voir Fig. 5-11 et 5-12). Les mauvaises nouvelles : le point noir du traitement de la dépression (Tableau 5—XVII) est une situation que l'on rencontre fréquemment : les répondeurs à un antidépresseur ne parviennent pas à maintenir leur bon résultat. Cela représente un pourcentage désespéré. ment élevé, allant jusqu'à 20 à 30 p. 100 au cours des 18 mois qui font suite à une réponse .
Dépression et trouble bipolaire
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Tableau 5—XVIII. Caractéristiques de la rémission partielle Répondeur apathique Réduction de l'humeur dépressive Anhédonie, absence de motivation, diminution de la libido, absence d'intérêt, pas d'entrain Ralentissement des fonctions cognitives et diminution de la concentration Répondeur anxieux Réduction de l'humeur dépressive Anxiété, en particulier anxiété généralisée Inquiétude, insomnie, symptômes somatiques
positive. Ce « naufrage » est encore plus marqué chez les patients qui répondent sans atteindre la rémission complète (se sentir guéri). Les essais cliniques réalisés dans des conditions idéales maintenues jusqu'à 1 année durant montrent une excellente compliance et un taux de sortie d'essai faible. Malheureusement, ceci ne refléterait pas la pratique courante. Ainsi, l'efficacité (effectiveness) d'un médicament en situation pratique n'est pas celle (efficacy) que l'on trouve lors des essais cliniques. Par exemple, la médiane de durée d'efficacité d'un traitement antidépresseur en pratique quotidienne est de 78 jours, et non pas de 1 an, et encore moins toute la vie. Imaginerait-on de ne traiter le diabète ou l'hypertension que pendant 78 jours ? Pourtant la dépression est une maladie chronique, récurrente, nécessitant un traitement au long cours pour maintenir la réponse et prévenir les rechutes, comme pour le diabète et l'hypertension. Par conséquent, l'efficacité d'un antidépresseur pour réduire les rechutes en pratique clinique restera vraisemblablement inférieure à celle observée dans les essais cliniques tant qu'une bonne compliance sur le long terme ne sera pas atteinte. Autre mauvaise nouvelle du front dépressif : certains patients n'accéderont jamais à la rémission (voir Tableau 5—XVII). De fait, des études suggèrent que jusqu'à la moitié des patients qui répondent — y compris lorsqu'il s'agit d'une réponse de type « apathique » ou « anxieuse » — n'atteindront néanmoins pas la rémission (Tableau 5—XVIII). Le répondeur apathique est celui qui voit son humeur s'améliorer sous traitement, mais chez lequel persistent un manque de plaisir (anhédonie), une libido réduite, un manque d'énergie et d'entrain. Quant au répondeur anxieux, il garde une anxiété liée à sa dépression ; il s'améliore sous traitement mais continue de souffrir d'anxiété, en particulier de troubles anxieux généralisés caractérisés par des préoccupations excessives, une insomnie et des symptômes somatiques. Les deux types de malades répondeurs se sentent mieux, mais aucun ne va vraiment bien. Mais alors, pourquoi viser l'argent si l'on peut avoir l'or ? Viser une simple réponse, fûtelle apathique ou anxieuse, plutôt que de se battre pour une rémission totale ? Cela pourrait être en partie la faute du prescripteur à qui l'on parle de « réponse » en recherche clinique dans les revues spécialisées et dans le cadre des autorisations de mise sur le marché par les autorités sanitaires, telles que la Food and Drug Administration' (FDA) américaine, lorsqu'un minimum de 50 p. 100 d'amélioration des symptômes a été atteint (voir Tableau 5—XII). Il faut donc admettre que si le taux de réponse est approprié pour la recherche, celui de rémission est plus pertinent en pratique clinique (voir Tableau 5—XIII). Dans le groupe des répondeurs, on peut voir des formes atténuées de la maladie aussi bien que des traitements insuffisamment efficaces. Il en résulte qu'en assortissant le bon antidépresseur ou une combiI naison d'antidépresseurs à chaque patient, on risque d'augmenter notablement les chances d'obtenir une rémission complète au lieu d'une simple réponse (Tableau 5—XIX). Ne pas parvenir à la rémission signifie que l'on maintient le patient dans une situation où sa probabi-
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Psychopharmacologie Tableau 5—X1X. Conséquences d'une réponse partielle chez les patients qui n'entrent pas en rémission C'est une maladie continue d'intensité légère. Ce peut être dû à un premier traitement inadéquat. Ce peut aussi être dû à une dysthymie ou à un trouble de la personnalité sous-jacents. Le taux de rechute augmente. Provoque une altération fonctionnelle permanente. Elle est associée à une augmentation du risque de suicide. Tableau 5—XX. Hypothèse du double mécanisme
Le taux de rémission est supérieur avec un antidépresseur ou une association d'antidépresseurs combinant un effet double, sérotoninergique et noradrénergique, en comparaison avec ceux qui n'ont qu'un effet sérotoninergique sélectif. Corollaire : les patients qui n'ont pas répondu à un médicament doué d'un seul mécanisme d'action peuvent répondre à un traitement à double action, voire entrer en rémission.
lité de rechute est élevée, et où persiste une dégradation fonctionnelle ainsi qu'un risq important de suicide (voir Tableau 5—XIX). Un patient en rémission, au contraire, est considéré comme asymptomatique ou se sentant bien (voir Tableau 5—XIII). Encore du côté des mauvaises nouvelles se trouve la résistance de certains patients vis-àvis du traitement (voir Tableau 5—XVII). Le fort préoccupant pourcentage de non-répondeurs (dont l'évolution est très médiocre) reste à environ 15 à 20 p. 100 de tous les patients sous antidépresseurs. Il est cependant peut-être le reflet d'un biais d'inclusion car il pourrait concerner spécifiquement une majorité de patients se référant sélectivement à une pratique psychiatrique dite moderne. Comment à présent s'en sortir avec toutes ces histoires de bonnes et mauvaises nouvelles ? 1/ L'espoir est représenté par la dualité des mécanismes pharmacologiques (Tableau 5—XX). existe un nombre croissant de données montrant que le pourcentage de patients entrant en rémission est plus élevé lorsqu'on utilise un antidépresseur, ou des associations d'antidépresseurs, agissant de façon synergique à la fois sur la sérotonine et la noradrénaline, par rapport aux antidépresseurs n'agissant que sur la seule sérotonine. En suivant cette stratégie, il est possible d'augmenter le taux de rémission, de prévenir ou de traiter davantage de cas à la traîne, et de transformer les cas de résistance en succès thérapeutiques. Nous verrons cela en détail au Chapitre 7. Il est virtuellement important de traiter les symptômes de la dépression « jusqu'à leur disparition complète » et ceci pour d'autres raisons encore que la réduction évidente de la souffrance
en cours. La thématique de la dépression est de nos jours de plus en plus appliquée à de nombreux troubles psychiatriques. Dès lors, on considère que des symptômes non contrôlés peuvent exprimer des mécanismes physiopathologiques à l'oeuvre ailliveau cérébral, et que s'ils ne sont . La dépression engendre la pas traités, ceux-ci peuvent aggraver l'évolution finale de la maladie''' dépression. La dépression peut donc avoir un effet neuropathologique au long cours, parfois irréversible, rendant les traitements moins efficaces si les symptômes ne sont pas enrayés de manière comparable à ce qu'on peut attendre d'un traitement adéquat instauré précocement. En résumé, l'histoire naturelle de la dépression est celle d'une maladie concernant toute la vie, susceptible de conduire à des rechutes dans les mois qui suivent un premier épisode, spécialement en l'absence de traitement, en cas de traitement insuffisant ou d'arrêt prématuré des antidépresseurs, ce qui crée un risque de récurrence pouvant être prévenu par un traitement antidépresseur au long cours. Le taux de réponse vis-à-vis des antidépresseurs est élevé,
Dépression et trouble bipolaire
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mais le taux de rémission est désespérément faible, à moins qu'une simple réponse ne soit reconnue et ciblée énergiquement à l'aide de médicaments utilisés seuls ou en association, pour agir sur les mécanismes pharmacologiques à la fois sérotoninergiques et noradrénergiques lorsque les produits sélectifs se sont montrés insuffisants.
Traitement longitudinal du trouble bipolaire Le lithium, un stabilisateur de l'humeur, a été le premier traitement du trouble bipolaire. Grâce à ce produit, son évolution à long terme a été nettement modifiée, non seulement parce qu'il traite la manie aiguë, mais aussi parce qu'il est le premier psychotrope ayant un effet prophylactique démontré. Le lithium traite même la dépression des patients bipolaires, bien qu'il ne soit pas évident qu'il soit un antidépresseur particulièrement efficace sur la dépression unipolaire. Néanmoins, on l'utilise pour augmenter l'effet des antidépresseurs dans les cas de dépressions unipolaires résistantes. D'autres thymorégulateurs, initialement développés en tant qu'anticonvulsivants, trouvent à l'heure actuelle une place importante dans le traitement du trouble bipolaire. Plusieurs de ces produits sont plus particulièrement utiles dans le traitement des épisodes maniaques, mixtes ou dans les cycles rapides, et seraient peut-être efficaces également sur la phase dépressive de cette affection. Les thymorégulateurs seront détaillés au Chapitre 7. Les neuroleptiques, et plus particulièrement les produits atypiques les plus récents, sont eux aussi utiles dans le traitement de cette affection. Les antidépresseurs modifient aussi l'évolution à long terme du trouble bipolaire. Associés au lithium ou aux autres régulateurs de l'humeur, ils peuvent réduire les épisodes dépressifs. De façon intéressante, ils peuvent induire un virage de l'humeur vers la manie, la manie mixte (c'est-à-dire associée à des éléments dépressifs), ou vers le chaos des cycles rapides (se reproduisant au bout de quelques jours ou heures), et cela plus spécialement en l'absence de thymorégulateur. Ainsi, de nombreux patients souffrant d'un trouble bipolaire ont besoin d'un traitement associant de façon habile les régulateurs de l'humeur et Ies antidépresseurs, ou même doivent parfois éviter les antidépresseurs, pour parvenir à l'évolution la meilleure possible. Sans un traitement au long cours approprié, le trouble bipolaire est virtuellement très perturbateur. Il est fréquent que les patients aient une évolution chronique et chaotique, associée à des symptômes psychotiques et des rechutes, et qu'ils multiplient les séjours hospitaliers. L'usage irrégulier des stabilisants de l'humeur, une mauvaise observance et l'augmentation du nombre des épisodes doivent faire l'objet d'un intérêt particulier, car ils conduisent à la multiplication des épisodes bipolaires et à une moindre réponse au lithium. Ainsi, il est de plus en plus important de stabiliser la maladie avec des thymorégulateurs, des neuroleptiques atypiques et des antidépresseurs, non seulement pour ramener ces patients vers le bien-être, mais aussi pour prévenir des évoluions à long terme défavorables. «a_
troubles de l'humeur tout au long de la vie : quand les antidépresseurs commencent-ils à agir ? Chez l'enfant. Contrairement à la notion psychanalytique classique selon laquelle l'enfant ne peut souffrir de dépression, de récentes preuves viennent soutenir le contraire. Malheureusement, il y a très peu d'études contrôlées sur l'utilisation des antidépresseurs dans le traitement de la dépression de l'enfant, et donc à l'heure actuelle aucun antidépresseur n'est officiellement agréé dans cette indication. Toutefois, un grand nombre des nouveaux antidépresseurs a
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Psychopharmacologie été largement étudié chez l'enfant souffrant d'autres affections. Un exemple typique est celui du trouble obsessionnel-compulsif. Par conséquent, la sécurité d'utilisation de certains antidépresseurs est solidement établie, quand bien même leur efficacité ne l'est pas. Néanmoins, des études sur les traitements antidépresseurs chez l'enfant sont en cours et de nombreuses observations suggèrent que les antidépresseurs, surtout les plus récents et Ies plus sûrs (voir Chapitres 6 et 7), sont réellement utiles pour traiter la dépression de l'enfant. Un des règlements de la FDA aux États-Unis prévoit l'extension de la durée d'exploitation du brevet des nouvelles substances si elles sont aussi indiquées chez l'enfant. Ces dispositions ont le mérite de susciter des recherches concernant la sécurité d'emploi et l'efficacité des antidépresseurs dans la dépression de l'enfant, aire de la psychopharmacologie trop longtemps négligée. Mais il est peut-être une question encore plus importante chez l'enfant, et c'est celle du trouble bipolaire. La manie et la manie mixte n'ont pas seulement été sous-diagnostiquées au cours des années passées, mais ces troubles ont souvent été confondus avec le trouble du déficit de l'attention et l'hyperactivité. De plus, la confusion d'un trouble bipolaire avec un trouble déficitaire de l'attention dont le traitement sera fondé sur l'usage des stimulants peut induire le même état de chaos et de cycles rapides que les antidépresseurs. Il est donc fondamental de considérer le diagnostic de trouble bipolaire chez les enfants, plus spécialement chez ceux qui ne répondent pas ou sont apparemment aggravés par les stimulants, et ceux qui ont des antécédents familiaux de trouble bipolaire. Il faut envisager chez ces enfants l'arrêt des stimulants et des antidépresseurs et leur remplacement par des régulateurs de l'humeur tels que l'acide valproïque et le lithium. Chez l'adolescent. Ce que l'on sait de la sécurité d'emploi et de l'efficacité des antidépresseurs et des thymorégulateurs chez l'adolescent est mieux documenté que chez l'enfant, sans toutefois atteindre le standard de l'adulte. Cela est bien dommage car les troubles de l'humeur débutent souvent dans l'enfance, particulièrement chez la fille. Non seulement ils surviennent après la puberté, mais de plus les enfants dont l'anomalie de l'humeur se déclare avant la puberté souffrent souvent d'une exacerbation de leurs troubles à l'adolescence. Le remaniement synaptique augmente de façon spectaculaire après 6 ans et tout au long de l'adolescence, alors que la puberté démarre précisément à cette période de la vie. Tous ces événements peuvent expliquer l'augmentation considérable à l'adolescence de l'incidence des troubles thymiques, aussi bien que de l'exacerbation de troubles préexistants. Malheureusement, les troubles de l'humeur ne sont pas fréquemment diagnostiqués chez les adolescents, surtout s'il existe un comportement antisocial délinquant ou un usage de drogue. Ceci est d'autant plus dommageable que l'opportunité de stabiliser l'humeur précocement et la possibilité de prévenir une évolution péjorative peuvent être perdues si ces troubles ne sont diagnostiqués et traités énergiquement à ce moment précis. Un psychopharmacologue clinicien devrait, de nos jours, être particulièrement attentif vis-à-vis de la présence d'un trouble thymique chez l'adolescent, car les traitements paraissent à cet âge tout aussi efficaces que chez l'adulte et peut-être encore plus essenti-étS pour préserver le développement normal de l'individu.
Bases biologiques de la dépression Hypothèse monoaminergique Selon la première grande théorie étiologique, la dépression était due à un déficit en neurotransmetteurs monoaminergiques, en particulier la noradrénaline (NA) et la sérotonine (5-hydroxytryptophane, 5HT) (Fig. 5-13 à 5-16). Les preuves soutenant cette hypothèse étaient
HYPOTHÈSE MONOAMINERG1OUE Neurotransmetteur monoaminergique L'enzyme MAO détruit le neurotransmetteur.
Pompe de recapture des monoamines ÉTAT NORMAL - ABSENCE DE DÉPRESSION
FIGURE 5-13. État normal d'un neurone monoaminergique. Ce neurone libère précisément de la noradrénaline (NA) à un taux normal. L'ensemble des éléments régulateurs de ce neurone sont normaux, en particulier le fonctionnement de l'enzyme monoamine oxydase (MAO) qui détruit la NA, celui de la pompe de recapture qui achève l'action de la NA, et enfin celui du récepteur de la NA qui réagit à la libération de NA.
DÉPRESSION PROVOQUÉE PAR UN DÉFICIT EN NEUROTRANSMETTEUR
FIGURE 5-14. En accord avec l'hypothèse monoaminergique, dans une dépression il y a une réduction des taux de neurotransmetteur, et donc un déficit en neurotransmetteur. 155
[HYPOTHÈSE MONOAMINERGIQUE L'inhibiteur de la MAO empêche l'enzyme de detruire le neurotransmetteur monoaminergique
L'AUGMENTATION DES NEUROTRANSMETTEURS PROVOQUE LE RETOUR À L'ÉTAT NORMAL
FIGURE 5-15. Les inhibiteurs de la monoamine oxydase sont des antidépresseurs qui empêchent la MAO de détruire le neurotransmetteur monoaminergique, ce qui entraîne son accumulation. Cette dernière, théoriquement, s'oppose au déficit antérieur en neurotransmetteur (voir Fig. 5-14) et, selon l'hypothèse monoaminergique, traite la dépression en ramenant les neurones monoaminergiques à leur état normal.
La pompe de recapture est bloquée par l'antidépresseur L'AUGMENTATION DES NEUROTRANSMETTEURS PROVOQUE LE RETOUR À L'ÉTAT NORMAL
FIGURE 5-16. Les antidépresseurs tricycliques exercent leur action antidépressive en bloquant la pomp de recapture du neurotransmetteur, entraînant l'accumulation de ce dernier. Cette accumulation, sel l'hypothèse monoaminergique, s'oppose au déficit antérieur en neurotransmetteur (voir Fig. 5-14) et s prime la dépression en ramenant les neurones monoaminergiques à leur état normal. 156
Dépression et trouble bipolaire
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simples. Certaines substances induisant une déplétion en ces neurotransmetteurs pouvaient induire une dépression, et les antidépresseurs de cette époque (les antidépresseurs tricycliques et les inhibiteurs de la MAO) provoquaient pharmacologiquement l'augmentation de ces neurotransmetteurs. L'idée fut donc celle d'une diminution des taux « normaux » des neurotransmetteurs monoaminergiques (voir Fig. 5-13), due peut-être à un processus morbide inconnu, au stress ou à des substances chimiques (voir Fig. 5-14), et conduisant au tableau de dépression. Les inhibiteurs de la MAO augmentent la neurotransmission monoaminergique et cette inhibition entraîne le soulagement de la dépression (voir Fig. 5-15). Les antidépresseurs tricycliques augmentent eux aussi la neurotransmission monoaminergique par le blocage de la pompe de recapture des monoamines amenant également l'amélioration de la dépression (voir Fig. 5-16). Bien que l'hypothèse monoatninergique de la dépression soit de toute évidence simpliste, il n'en demeure pas moins qu'elle a attiré l'attention sur les trois systèmes monoaminergiques : noradrénaline, dopamine et sérotonine. Cela a conduit à une bien meilleure compréhension des fonctions physiologiques de ces trois neurotransmetteurs, et en particulier des divers mécanismes par lesquels tous les antidépresseurs connus augmentent la neurotransmission au niveau de l'un de ces trois systèmes. roues monoaminergiques
Afin de comprendre l'hypothèse monoaminergique, il est nécessaire tout d'abord de comprendre le fonctionnement physiologique des neurones monoaminergiques. Les principaux neurotransmetteurs monoaminergiques cérébraux sont d'une part les catécholamines avec la noradrénaline (NA, ou norépinéphrine) et la dopamine (DA), et d'autre part la sérotonine (5HT) qui est une indolamine. Neurones noradrénergiques. Le neurotransmetteur du neurone noradrénergique est la NA. Celle-ci est synthétisée par un ensemble d'enzymes qui fabriquent le neurotransmetteur dans le corps cellulaire ou la partie terminale de l'axone. En ce qui concerne le neurone noradrénergique, le processus commence avec la tyrosine, l'acide aminé précurseur de la NA, qui passe de la circulation sanguine dans le système nerveux par l'intermédiaire d'une pompe de transport actif (Fig. 5-17). Une fois à l'intérieur du neurone, la tyrosine est transformée de façon séquentielle par des enzymes, dont la première, la tyrosine hydroxylase (TOH), obéit à un phénomène de taux limitant et est l'enzyme la plus importante dans la régulation de la synthèse de NA. La tyrosine hydroxylase transforme la tyrosine en dihydroxyphénylalanine (DOPA). La seconde enzyme, la DOPA décarboxylase (DDC), intervient ensuite pour transformer la DOPA en dopamine (DA), qui est déjà en soi un neurotransmetteur pour certains neurones. Cependant, pour certains neurones à NA, la DA n'est que le précurseur de la NA. C'est en fait la troisième et dernière enzyme, la dopamine bêta-hydroxylase (DBH) qui transforme la DA en NA. Cette dernière est ensuite stockée dans des vésicules jusqu'à sa libération au passage de l'influx nerveux (voir Fig. 5-17). Les enzymes servent certes à créer la NA, mais elle servent aussi à la détruire (Fig. 5-18). Il existe deux enzymes principales de destruction qui transforment la NA en un composé inactif. La première est la MAO, qui se trouve dans les mitochondries du neurone présynaptique, entre autres localisations. La deuxième est la catéchol-O-méthyl transférase (COMT), que l'on pense essentiellement présente à l'extérieur de la terminaison nerveuse du neurone présynaptique (voir Fig. 5-18). L'action de la NA prend fin non seulement lorsque les enzymes la détruisent, mais aussi, intelligemment, grâce à une pompe de transport pour la NA, qui la retire de la synapse sans
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Psychopharmacologie Transporteur de la tyrosine
SYNTHÈSE DE LA NORADRÉNALINE
IYR
TOH
NA (NORADRÉNALINE)
FIGURE 5-17. Synthèse de noradrénaline (NA) dans un neurone noradrénergique. Le processus débute avec l'acide aminé précurseur de la NA, la tyrosine (tyr), qui est transporté dans le sang et pénètre danslneurone grâce à une pompe de transport actif (le transporteur de la tyr). Cette pompe est distincte de la put> pe de transport de la NA elle-même (voir Fig. 5-18). Lorsque la tyr arrive dans le neurone, elle subit transformations séquentielles sous l'effet d'enzymes. La première, la tyrosine hydroxylase (TOH) est l'enzy. me limitante et la plus importante dans la régulation de la synthèse de NA. La TOH convertit la tyrosine DOPA. La seconde enzyme, la DOPA décarboxylase (DDC), transforme la DOPA en dopamine (DA). L troisième et dernière enzyme, la dopamine bêta hydroxylase (DBH) transforme la DA en NA. Cette dernièr est stockée dans des sortes de sacs appelés vésicules synaptiques jusqu'à sa libération par l'influx nerveux.
la détruire (voir Fig. 5-18). En fait, cette NA inactive peut être à nouveau stockée en vue sa réutilisation sous l'action d'un influx nerveux ultérieur. La pompe de transport qui met fin à l'action de la NA est parfois appelée le « transporteur » de NA, ou encore la « pompe de recapture » de la NA. Elle se situe pour une part dans la mdainerie présynaptique, où ell joue le rôle d'un aspirateur qui capture la NA hors de la synapse et cres récepteurs synapti ques, et qui interrompt son action. Une fois à l'intérieur de la terminaison nerveuse, la N peut soit être encore stockée pour une nouvelle utilisation lors de l'arrivée d'un noue influx, soit être détruite par les enzymes de destruction (voir Fig. 5-18). Le neurone noradrénergique est régulé par une multitude de récepteurs noradrénergiqu (Fig. 5-19). D'après la classification classique de ces récepteurs, on décrit deux sous-types alpha et bêta, en fonction de leurs préférences vis-à-vis d'une série d'agonistes et antagonis,, tes. Par la suite, ils ont respectivement été classés en alpha 1 et 2, de même qu'en bêta 1 et 2,
Dépression et trouble bipolaire
159
f
DESTRUCTION DE LA NORADRÉNALINE
7
la COMT détruit la NA
transporteur de la noradrénaline FIGURE 5-18. La noradrénaline (NA) peut également être détruite dans le neurone NA par des enzymes. Les principales enzymes de destruction sont la monoamine oxydase (MAO) et la catéchol-O-méthyl transférase (COMT). L'action de la NA peut être arrêtée non seulement par les enzymes qui la détruisent, mais aussi par la pompe de transport de la NA, appelée transporteur de la noradrénaline, qui l'empêche d'être active sans la détruire pour autant. Cette pompe de transport est distincte de celle qui fait entrer la tyrosine dans le neurone pour la synthèse de NA (voir Fig. 5-17). La pompe de transport qui achève l'action synaptique de la NA est parfois appelée le « transporteur de la NA » et parfois la « pompe de recapture de la NA ». Il existe des différences moléculaires entre les transporteurs au sein des neurones noradrénergiques, dopaminergiques et sérotoninergiques. Cette différence est exploitée par les médicaments de telle sorte que le transport d'une monoamine peut être bloqué indépendamment de celui d'une autre. Le transporteur NA est une partie de la machinerie présynaptique où il agit comme un « aspirateur », enlevant la NA de la synapse et des récepteurs synaptiques, et arrêtant ses effets synaptiques. Une fois à l'intérieur de la terminaison présynaptique, la NA peut être de nouveau stockée pour une utilisation future lors de l'arrivée d'un nouvel influx, ou être détruite par des enzymes. Plus récemment, les récepteurs adrénergiques ont été classés sur la base de différences phar— macologiques et moléculaires. Pour avoir une compréhension générale des récepteurs noralénergiques, le lecteur doit, pour commencer, retenir la notion de trois récepteurs principaux postsynaptiques : les récepteurs bêta 1, alpha 1 et 2 (voir Fig. 5-19). La fixation de la NA sur l'un de ces récepteurs déclenche une fonction physiologique aboutissant à une modification dans l'expression génique au niveau postsynaptique. D'autre part, les récepteurs alpha 2 sont les seuls récepteurs noradrénergiques présynaptiques existant sur les neurones à NA. Ils régulent la libération de NA et sont ainsi appelés des autorécepteurs. Ces autorécepteurs alpha 2 présynaptiques se trouvent à la fois sur l'axone
160
Psychopharmacologie
j RÉCEPTEURS DE 1_,Dk NORADRÉNALINE
7 transporteur de .4111V la noradrénaline
autorécepteur alpha 2 présynaptique
récepteur récepteur bêta 1 alpha 1 postsynaptique
récepteur alpha 2 postsynaptique
FIGURE 5-19. Le neurone noradrénergique est régulé par une multitude de récepteurs de la NA. Ce dessin montre le transporteur de la NA et plusieurs récepteurs de la NA, dont l'autorécepteur alpha 2 présynaptique et les récepteurs alpha 1, alpha 2 et bêta 1 adrénergiques postsynaptiques. Le récepteur alpha 2 présynaptique est important car c'est un autorécepteur. C'est-à-dire, lorsque ce récepteur reconnaît la NA synaptique, il arrête sa libération. Il agit donc comme un frein sur le neurone NA. En stimulant ce récepteur (c'est-à-dire en appuyant sur le frein), on arrête l'émission d'influx neuronal. Cela se produit certainement au niveau physiologique pour empêcher un excès de décharge d'influx, car le neurone s'inhibe lui-même lorsque ses autorécepteurs sont stimulés. Les récepteurs postsynaptiques en général entrent en action lorsque la NA est libérée par le neurone présynaptique ; ils réagissent en déclenchant une cascade moléculaire au niveau postsynaptique, ce qui a pour effet de faire passer la neurotransmission du neurone présynaptique vers le neurone postsynaptique. terminal (récepteurs alpha 2 terminaux) (voir Fig. 5-19), sur le corps cellulaire (soma) et près des dendrites (récepteurs alpha 2 somatodendritiques) (Fig. 5-20). Parce que ce sont des autorécepteurs, les récepteurs présynaptiques alpha 2, qu'ils soient somatodendritiques ou terminaux, jouent un rôle particulièrement important. Plus précisément, lorsqu'ils reconnais. sent la NA, ils en interrompent la libération (Fig. 5-21 et 5-22). Les autorécepteurs alpha 2 présynaptiques agissent donc comme un frein sur le neurone noradrénergique et créent un signal régulateur de rétrocontrôle négatif. La stimulation de ces récepteurs (c'est-à-dire appuyer sur le frein) interrompt la déchargetlu neurone. Cela se produit probablement sur le
Dépression et trouble bipolaire
161
autorécepteur alpha 2 somatodendritique
autorécepteur alpha 2 terminal
FIGURE 5-20. Les deux types d'autorécepteurs alpha 2 présynaptiques sont localisés soit sur la terminaison axonale et sont appelés récepteurs alpha 2 terminaux, soit sur le corps cellulaire (soma) et les dendrites voisines et portent dans ce cas le nom de récepteurs alpha 2 somatodendritiques. plan physiologique pour éviter que le neurone ne décharge trop, en s'arrêtant par lui-même lorsque le taux de décharge devient trop élevé et que les autorécepteurs sont stimulés. Il est intéressant de noter que non seulement il existe des substances qui vont imiter le fonctionnement naturel du neurone NA en stimulant les neurones alpha 2 présynaptiques, mais que celles qui antagonisent ces mêmes récepteurs auront pour effet de « couper le câble du frein » et donc d'augmenter la libération de NA. La plupart des corps cellulaires des neurones noradrénergiques cérébraux sont localisés dans le tronc cérébral dans une aire appelée locus coeruleus (Fig. 5-23). La principale fonction du locus coeruleus est de déterminer si suffisamment d'attention est portée à l'environnement extérieur ou à la surveillance du milieu interne. Cela permet d'établir des priorités par rapport aux stimuli afférents et de fixer l'attention sur quelques-uns seulement. Ainsi, on peut réagir à une menace issue de l'environnement ou à des signaux venant du corps, telle une cl_ouleur. La manière dont est dirigée l'attention déterminera ce que l'on va apprendre et quelles rnémoiresseront créées. On pense que la noradrénaline et le locus coeruleus ont une influence importante sur le contrôle par le système nerveux central de la cognition, l'humeur, les émotions, la motricité et la pression artérielle. On suppose qu'il existe un dysfonctionnement de ce noyau dans les troubles situés au carrefour de l'humeur et de la cognition tels que la dépression, l'anxiété, les troubles du traitement de l'attention et de l'information. Un syndrome de déficit en noradrénaline (Tableau 5—XXI) est théoriquement caractérisé par une altération de l'attention, des problèmes de concentration, et des difficultés spécifiquement en rapport avec la mémoire de travail et la vitesse de traitement de l'information, aussi bien qu'avec le ralentissement psycho-
162
Psychopharmacologie
L'occupation par la NA des autorécepteurs somatodendritiques provoque une diminution de l'activité électrique et de la libération de la NA.
FIGURE 5-21. Les récepteurs alpha 2 présynaptiques sont importants car lorsqu'ils reconnaissent la NA, ils arrêtent sa libération. Nous voyons ici la fonction d'un autorécepteur soznatodendritique présynaptique, c'est-à-dire une action de frein sur le neurone NA et donc un signal régulateur à type de rétrocontrôle négatif. En stimulant ce récepteur (c'est-à-dire « en appuyant sur la pédale de frein »), on met fin à l'émission d'influx nerveux. Cela se produit probablement dans les conditions physiologiques afin de prévenir des décharges excessives du neurone NA, car le neurone s'inhibe lui-même lorsque ses autorécepteurs sont stimulés.
moteur, la fatigue et l'apathie. De tels symptômes accompagnent habituellement la dépression tout autant que d'autres troubles tels qu'une détérioration de l'attention et de la cognition, le trouble déficitaire de l'attention, la schizophrénie et la maladie d'Alzheimer. Il existe, au niveau cérébral, de nombreuses voies noradrénergiques spécifiques, chacune agissant sur une fonction physiologique différente. Par exemple, on pense qu'une projection du locus coeruleus sur le lobe frontal pourrait être responsable de l'action régulatrice de la NA sur l'humeur (Fig. 5-24) ; une autre projection vers le cortex préfrontal permet le contrôle de la NA sur l'attention (Fig. 5-25). Différents récepteurs sont impliqués dans ces effets différentiels de la NA sur le cortex frontal : les récepteurs bêta 1 postsynaptiques po l'humeur (voir Fig. 5-24) et alpha 2 pour l'attention et la cognition (voir Fig. 5-25). Quant à la projection du locus coeruleus sur le cortex limbique, elle pourrait réguler les émotions, de même que l'énergie, la fatigue, l'agitation ou le ralentissement psychomoteur (Fig. 5-26). La projection sur le cervelet pourrait réguler la motricité, le tremblement en particulier (Fig. 5-27). Dans les centres cardiovasculaires, la noradrénaline du tronc cérébral contrôle la pression artérielle (Fig. 5-28). La noradrénaline des neurones sympathiques issus de la moelle épinière et innervant les tissus périphériques contrôle la fréquence cardiaque (Fig. 5-29), ainsi que la vidange vésicale (Fig. 5-30).
Dépression et trouble bipolaire
163
L'occupation par la NA des récepteurs alpha 2 terminaux arrête la libération do NA.
FIGURE 5-22. Action d'un récepteur alpha 2 présynaptique d'une terminaison axonale, qui a la même fonction que l'autorécepteur sornatodendritique de la Fig. 5-21. Neurones dopaminergiques. Leur transmetteur est la dopamine, synthétisée dans les terminaisons nerveuses dopaminergiques par deux ou trois enzymes également impliquées dans la synthèse de la noradrénaline (Fig. 5-31). Il manque toutefois à ces neurones la troisième enzyme, c'est-à-dire la dopamine bêta-décarboxylase, ce qui les empêche de transformer la DA en NA. La dopamine est par conséquent stockée et utilisée comme neurotransmetteur. Le neurone DA possède un transporteur présynaptique (pompe de recapture), spécifique aux neurones dopaminergiques (Fig. 5-32), mais fonctionnant de la même manière que celui de la NA (Fig. 5-33). Par ailleurs, la DA est détruite par les mêmes enzymes (MAO et COMT) (voir Fig. 5-31) que celles qui détruisent la NA (voir Fig. 5-18). Les récepteurs de la dopamine régulent aussi la neurotransmission dopaminergique (voir Fig. 5-33). Il existe une pléthore de ces récepteurs, incluant au moins cinq sous-types pharmacologiques et plusieurs isoformes moléculaires. Le récepteur qui a sans doute été le plus étudié est le récepteur dopaminergique D2, car c'est Iui qui est stimulé par les agonistes dopaminergiques utilisés dans le traitement de la maladie de Parkinson et qui est bloqué par les neuroleptiques, qui en sont des antagonistes, dans le traitement de la schizophrénie. Les récepteurs dopaminergiques 1,2,3 et 4 sont tous bloqués par certains neuroleptiques atypiques, mais on ne sait pas jusqu'à quel point les récepteurs Dl, 3 ou 4 contribuent aux propriétés cliniques de ces substances. Les récepteurs dopaminergiques peuvent être présynaptiques, et fonctionnent à ce niveau comme autorécepteurs. Ils assurent un rétrocontrôle négatif, ou une action de freination sur la libération de la dopamine par le neurone présynaptique (voir Fig. 5-33). Neurones sérotoninergiques. Des enzymes, pompes de transport et récepteurs analogues existent au niveau des neurones 5HT (Fig. 5-34 à 5-42). Toutefois, pour la synthèse de séroto-
164
Psychopharmacologie Voies noradr(nergiques
Locus coeruleus
FIGURE 5-23. La plupart des corps cellulaires des neurones noradrénergiques cérébraux sont localisés dans le tronc cérébral, dans un noyau appelé locus coeruleus. C'est le centre de commandement de la plupart des voies noradrénergiques d'importance impliquées dans le comportement et d'autres fonctions comme les fonctions cognitives, l'humeur, les émotions et la motricité. On suppose que c'est un dysfonctionnement du locus coeruleus qui sous-tend les troubles où humeur et cognition sont impliquées, comme la dépression, l'anxiété ainsi que les troubles de l'attention et du traitement de l'information.
Tableau 5-XXI. Syndrome du déficit en noradrénaline Altération de l'attention Troubles de la concentration Déficit de la mémoire de travail Ralentissement du processus d'information Humeur dépressive Ralentissement psychomoteur Fatigue aine dans les neurones sérotoninergiques, un acide aminé différent, le tryptophane, est transporté par le plasma vers le cerveau où il est transformé en précurseur 5HT (voir Fig. 534). Deux enzymes de synthèse transforment ensuite le tryptophan_e en sérotonine : d'abord la tryptophane hydroxylase transforme le tryptophane en 5-hydroxytry—ptoghane, qui à son tour devient, sous l'action d'une décarboxylase des acides aminés aromatiques, la 5HT (voir Fig. 5-34). Comme pour la NA et la DA, la 5HT est détruite par la MAO, et est transformée en un métabolite inactif (voir Fig. 5-35). Le neurone 5HT dispose lui aussi d'une pompe de transport présynaptique pour la sérotonine, le transporteur de la sérotonine (voir Fig. 5-35), qui est analogue à celui de la NA des neurones NA (voir Fig. 5-18) et à celui de la DA des neurones DA (voir Fig. 5-32). La classification des sous-types de récepteurs des neurones sérotoninergiques a avancé à vive allure, incluant plusieurs catégories majeures de récepteurs 5HT, chaque nouveau sous-type étant
Frontal 1
Dépression
FIGURE 5-24. Des projections noradrénergiques du locus coeruleus sur le cortex frontal seraient responsables des effets régulateurs de la noradrénaline sur l'humeur. Les récepteurs bêta 1 postsynaptiques semblent jouer un rôle important dans la transduction des signaux noradrénergiques régulateurs de l'humeur au niveau postsynaptique.
Frontal 2
Attention
-->
FIGURE 5-25. D'autres projections noradrénergiques du locus coeruleus sur le cortex frontal seraient impliquées dans les effets de la noradrénaline sur l'attention, la concentration et d'autres fonctions cognitives, comme la mémoire de travail et la vitesse du traitement de l'information. Les récepteurs alpha 2 postsynaptiques joueraient un rôle important dans la transduction des signaux postsynaptiques régulant l'attention au niveau des neurones cibles postsynaptiques.
Limbique
-->
FIGURE 5-26. Les projections noradrénergiques du locus coeruleus sur le cortex limbique seraient impliquées dans les émotions ainsi que l'énergie, la fatigue, l'agitation ou le ralentissement psychomoteur. 165
Cervelet
Tremblement
-->
FIGURE 5-27. Les projections noradrénergiques du locus coeruleus sur le cervelet réguleraient la motri cité, en particulier le tremblement.
Tronc cérébral
Pression artérielle
->
FIGURE 5-28. La noradrénaline des centres cardiovasculaires du tronc cérébral contrôle la pression artéricll
Cœur
Tachycardie
-->
FIGURE 5-29. L'innervation noradrénergique du coeur par les neurones sympathiques issus de la moelle épinière régulent la fonction cardiovasculaire, dont la fréquence cardiaque, via les récepteurs bêta 1. 166
Vessie
Rétention urinaire
--> J
RE 5-30. L'innervation noradrénergique du système urinaire par les neurones sympathiques issus moelle épinière régulent la vidange de la vessie via les récepteurs alpha 1.
transporteur de la tyrosine
SYNTHÈSE DE LA DOPAMINE
DDC
TYR
DOPA
TOH
DA (DOPAMINE)
41111k
FIGURE 5-31. La dopamine (DA) est synthétisée dans les neurones dopaminergiques à partir du précurseur, la tyrosine (tyr), qui est transportée à l'intérieur du neurone grâce à une pompe de transport actif appelée le transporteur de la tyrosine. Puis la tyrosine est transformée en DA par deux des trois enzymes qui synthétisent également la noradrénaline (voir Fig. 5-17). Les enzymes de synthèse de la DA sont la tyrosine hydroxylase (TOH), qui produit la DOPA, et la DOPA décarboxylase (DDC) qui produit la DA. 167
DESTRUCTION DE LA DOPAMINE
transporteur de la dopamine
Qe MAO
---.. De,
La CDMT détruit la DA
FIGURE 5-32. La dopamine (DA) est détruite par les mêmes enzymes qui détruisent la noradrénaline (mi Fig. 5-18), c'est-à-dire la monoamine oxydase (MAO) et la catéchol-O-méthyl transférase (COMT). L neurone DA possède un transporteur présynaptique (pompe de recapture), propre au neurone DA ma analogue au transporteur de la NA (voir Fig. 5-18).
168
f I
RÉCEPTEURS DE LA DOPAMINE
transporteur de la dopamine
autorécepteur présynaptique
l'1GURE 5-33. Les récepteurs de la dopamine (DA) régulent la neurotransmission dopaminergique. Tl existe une pléthore de récepteurs de la dopamine, avec au moins cinq sous-types et plusieurs isoformes m oléculaires. Le récepteur de la dopamine qui a été le plus étudié est sans doute le récepteur L lopinninergique 2 (D2), car il est stimulé par les agonisses dopaminergiques du traitement de la maladie de. Parkinson, et bloqué par les neuroleptiques et les neuroleptiquei.atypiques dans le traitement de la schizophrénie.
169
transporteur ou tryptophane
SYNTHÈSE DE LA SÉROTONINE
TRYPTOPHANE
5HT (SÉROTONINE)
FIGURE 5-34. La sérotonine (5-hydroxytryptamine, 5HT) est synthétisée par des enzymes à partir d'un acide aminé précurseur, le tryptophane, qui est transporté dans le neurone sérotoninergique. La pompe de transport du tryptophane est distincte de celle de la sérotonine (voir Fig. 5-35). Une fois entré dans le neurone, le tryptophane est transformé en 5-hydroxytryptophane (5HTP) par la tryptophane hydroxylase (TryOH) qui est ensuite transformé en 5HT par la décarboxylase des acides aminés aromatiques (DCAAA). La sérotonine est stockée dans les vésicules synaptiques où elle demeure jusqu'à ce qu'elle soit libérée sous l'effet du potentiel d'action neuronal.
DESTRUCTION DE LA SÉROTONINE
transporteur de la sérotonine MAO
FIGURE 5-35. La sérotonine est détruite par l'enzyme monoamine oxydase (MAO) et transformée en un métabolite inactif. Le neurone 5HT possède une pompe de transport présynaptique sélective pour la sérotonine, appelée le transporteur de la sérotonine et analogue au transporteur de la noradrénaline (NA) dans les neurones NA (voir Fig. 5-18) et à celui de la DA dans les neurones DA (voir Fig. 5-32).
171
172
Psychopharmacologie
RÉCEPTEURS DE LA SÉROTONINE transporteur de la sérotonine
a ut-irariop'.eui 5HT1 01.1,
heteroiecepteur alpha 2
5HT3 5HT4 5HT2A 5HT2C 5HT1A
FIGURE 5-36. La mise en évidence de sous-types de récepteurs sérotoninergiques a progressé à vive allure, avec découverte d'au moins quatre grandes catégories, et chaque nouveau sous-type est défini en fonction de propriétés pharmacologiques et moléculaires. En plus du transporteur de la sérotonine, il y a deux récepteurs présynaptiques essentiels : le récepteur sérotoninergique 5HT1D et l'hétérorécepteur alpha 2 noradrénergique. Cette organisation permet le contrôle de la libération de sérotonine non seulement par la sérotonine mais aussi par la noradrénaline, même si le neurone sérotoninergique ne libère pas luimême de noradrénaline. Le dessin montre plusieurs récepteurs sérotoninergiques postsynaptiques (5HT1A, 5HT1D, 5HT2A, 5HT2C, 5HT3, 5HT4 et de nombreux autres distingués par les lettres X, Y et Z). Ils transfèrent les messages du neurone sérotoninergique présynaptique vers la cellule cible postsynaptique. déterminé à partir de propriétés pharmacologiques ou moléculaires (voir Fig. 5-36). Les récepteurs sérotoninergiques sont de bons exemples de la façon dont la description des récepteurs des neurotransmetteurs évolue et est constamment revue. Pour une compréhension globale du neurone 5HT, le lecteur est invité à se familiariser d'ores et déjà avec deux récepteurs principaux présynaptiques (5HT1A et 5HT1D) (voir Fig. 5-36 à 5-42), et plusieurs autres récepteurs postsynaptiques (5HT1A, 5HT1D, 5HT2A, 5HT2C, 5HT3 et 5HT4) (voir Fig. 5-36). Les récepteurs présynaptiques sont des autorécepteurs qui détectent la présence de 5HT, interrompent sa libération ainsi que l'influx nerveux 5HT. Au niveau des dendrites et du
À
Dépression et trouble bipolaire
173
FIGURE 5-37. Les récepteurs 5HT1A présynaptiques sont des autorécepteurs. Ils sont localisés sur le corps cellulaire et les dendrites. Ce sont les autorécepteurs somatodendritiques.
FIGURE 5-38. L'autorécepteur 5HT1A somatodendritique de la Fig. 5-37 agit en détectant la présence de sérotonine et entraîne un arrêt du potentiel d'action du neurone 5HT (représenté par une diminution de l'activité électrique et une diminution de la couleur du neurone). Wh,
corps cellulaire, la détection de la 5HT se fait via les récepteurs 5HT1A, que l'on nomme autorécepteurs somatodendritiques (voir Fig. 5-37 et 5-38). Ce phénomène provoque un ralentissement de l'influx neuronal à travers le neurone 5HT (voir Fig. 5-38). La détection de la 5HT dans la synapse se fait par les récepteurs 5HT présynaptiques situés sur la terminaison axonale, grâce aux récepteurs 5HT1D, appelés autorécepteurs terminaux (voir Fig. 5-39). La fixation de la 5HT sur les autorécepteurs 5HT1D présynaptiques provoque l'inhibition de la libération de 5HT (voir Fig. 5-39 à 5-42). Par ailleurs, les substances qui bloquent les autorécepteurs 5HT1D augmentent quant à elles la libération de 5HT (voir Fig. 5-42).
aussi un autorécepteur. comme FIGURE 5-39. Le récepteur 5HT1D présynaptique est la terminaison axonale présynaptique, il est appelé autorécepteur terminal.
est leel a
FIGURE 5-40. Conséquence de la stimulation de l'autorécepteur 5HT1D terminal par la sérotonine,' L'autorécepteur terminal de la Fig. 5-39 est occupé ici par la sérotonine, ce qui entraîne un blocage de la libération de la 5HT (voir aussi Fig. 5-41). 174
FIGURE 5-41. Vue agrandie de l'autorécepteur 5HT1D terminal stimulé par la sérotonine. L'autorécep, teur de la Fig. 5-40 est occupé par la sérotonine, ce qui provoque le blocage de la libération de la 5HT.
FIGURE 5-42. Si un médicament bloque un autorécepteur 5HT1D terminal, il favorise la libération de 5HT en l'empêchant de bloquer sa propre libération. Certains antagonistes 5HT1D font l'objet d'expérimentation dans le traitement de la dépression. 175
176
Psychopharmacologie
FIGURE 5-43. Hétérorécepteur alpha 2 présynaptique sur une terminaison axonale sérotoninergique. Le neurone sérotoninergique possède des récepteurs de la sérotonine au niveau présynaptique, mais il dispose aussi de récepteurs noradrénergiques présynaptiques qui régulent la libération de sérotonine (voir Fig. 5-36 et Fig. 5-43 à 5-46). Sur la terminaison axonale se trouvent des récepteurs alpha 2 présynaptiques (voir Fig. 5-35, 5-42 et 5-43), comme on peut en trouver sur les neurones noradrénergiques (voir Fig. 5-19 à 5-22). La noradrénaline libérée par un neurone noradrénergique voisin va diffuser vers les récepteurs alpha 2, qui d'ailleurs se situent aussi bien sur les neurones noradrénergiques que sur les neurones sérotoninergiques. À l'image de son action sur les neurones noradrénergiques, la fixation de la noradrénaline sur les récepteurs alpha 2 des neurones sérotoninergiques va suspendre la libération de sérotonine. La libération de sérotonine peut donc être inhibée tant par la sérotonine elle-même que par la noradrénaline. Les récepteurs alpha 2 des neurones noradrénergiques sont dits autorécepteurs, tandis que ceux qui sont situés sur les neurones sérotoninergiques sont appelés hétérorécepteurs. On peut trouver un autre type de récepteur noradrénergique présynaptique sur les neurones sérotoninergiques : les récepteurs alpha 1, situés sur le corps cellulaire (voir Fig. 5-45 et 5-46). L'interaction de la noradrénaline avec ce récepteur augmente la libération de sérotonine. On voit donc que la noradrénaline peut être aussi bien un accélérateur qu'un frein de la libération de sérotonine (Tableaux 5—XXII, Fig. 5-47 et 5-48). La localisation anatomique du contrôle noradrénergique de la libération de sérotonine est illustrée par la Fig. 5-47, incluant le « frein » au niveau de la terminaison axonale dans le cortex et l'« accélérateur » sur les corps cellulaires du tronc cérébral. Ceci est représenté schématiquement sur la Fig. 5-48. Les récepteurs postsynaptiques, comme les 5HT2A (Fig. 5-49), assurent la régulation de la conversion de la libération de 5HT du neurone présynaptique en phénomène de neurotransmission dans le neurone postsynaptique (Fig. 5-50). Les récepteurs 5HT2A, 5HT2C et 5HT3 sont importants car impliqués dans plusieurs actions physiologiques de la sérotonine au niveau de diverses voies sérotoninergiques du système nerveux central. On commence d'ailleurs à en savoir plus sur le rôle des récepteurs 5HT1A postsynaptiques cérébraux et des récepteurs 5HT4 dans l'appareil gastro-intestinal. Le quartier général des corps cellulaires des neurones sérotoninergiques se situe dans une aire du tronc cérébral appelée noyau du raphé (Fig. 5-51). Les projections du raphé vers le cor-
neurone sérotoninergique
(7
•
hélérorécepteur alpha 2
•
FIGURE 5-44. Comment la noradrénaline peut-elle agir comme un frein sur la libération de la sérotonine ? Lorsque la noradrénaline est libérée par des neurones noradrénergiques voisins, elle diffuse vers les récepteurs alpha 2 (non seulement ceux qui sont situés sur les neurones noradrénergiques, mais aussi les mêmes récepteurs situés sur les neurones sérotoninergiques). L'occupation des récepteurs alpha 2 situés sur les neurones sérotoninergiques par la noradrénaline arrête la libération de sérotonine, comme elle le fait sur les neurones noradrénergiques. Ainsi, la libération de sérotonine peut être inhibée par la sérotonine comme par la noradrénaline. Les récepteurs alpha 2 situés sur un neurone noradrénergique sont appelés autorécepteurs, alors que ceux qui sont situés sur un neurone sérotoninergique sont appelés hétérorécepteurs.
FIGURE 5-45. Le récepteur alpha 1 situé sur le corps cellulaire et les dendrites des neurones sérotoninergiques est un autre type de récepteur noradrénergique présynaptique. 177
178
Psychopharmacologie
FIGURE 5-46. La noradrénaline agit comme un faciliteur ou un « accélérateur » sur la libération de sérotonine. Lorsqu'elle interagit avec le récepteur alpha 1 somatodendritique du neurone sérotoninergique, elle augmente la libération de 5HT, Tableau 5—XXII. Différents types d'interaction de la noradrénaline avec la sérotonine Inhibitrices Interactions axo-axoniques (axones noradrénergique avec terminaisons axonales sérotoninergiques) Hétérorécepteurs alpha 2 inhibiteurs (rétrocontrôle négatif) « Freins » Excitatrices Interactions axo-dendritiques (axones noradrénergique avec corps cellulaires et dendrites sérotoninergiques) Récepteurs alpha 1 excitateurs (rétrocontrôle positif) « Accélérateurs » tex frontal joueraient un rôle important dans la régulation de l'humeur (Fig. 5-52). Celles qui sont dirigées vers les ganglions de la base, spécialement sur les récepteurs 5HT2A, pourraient agir sur le contrôle de la motricité, des obsessions et des compulsions (Fig. 5-53). Les projections du raphé sur l'aire limbique, en particulier sur les récepteurs 5HT2A et 5HT2C postsynaptiques, seraient impliquées dans l'anxiété et le trouble panique (Fig. 5--54). Celles qui sont envoyées vers l'hypothalamus, et plus particulièrement sur les récepteurs 5HT3, réguleraient l'appétit et le comportement alimentaire (Fig. 5-55). Les centres du sommeil du tronc cérébral, grâce en particulier aux récepteurs 5HT2A postsynaptiques,régulent le sommeil et plus particulièrement le sommeil lent profond (Fig. 5 56). Les projections ,sérotoninergiques vers la moelle épinière seraient responsables du contrôle de certains réflexes spinaux au sein de la réponse sexuelle, tels l'orgasme et l'éjaculation (Fig. 5-57). La trigger zone des chémorécepteurs du tronc cérébral agit sur le vomissement, via les récepteurs 5HT3 plus particulièrement (Fig. 5-58). Les récepteurs 5HT3 et 5HT4 périphériques semblent également réguler l'appétit ainsi que d'autres fonctions digestives, telles que la motricité gastro-intestinale (Fig. 5-59). Si l'on rassemble toutes ces voies et leurs fonctions, on voit qu'un hypothétique syndrome de déficit sérotoninergique inclurait la dépression, l'anxiété, le trouble panique, les phobies, les obsessions et les compulsions, ainsi que les troubles des conduites alimentaires (NdT : food craving).
Dépression et trouble bipolaire
179
FIGURE 5-47. Deux types d'interactions de la noradrénaline avec la sérotonine. Dans le tronc cérébral, une première voie allant du locus coeruleus au raphé interagit avec les corps cellulaires des neurones sérotoninergiques et accélère la libération de sérotonine. Une seconde voie noradrénergique qui se projette sur le cortex interagit aussi avec les terminaisons axonales sérotoninergiques et freine la libération de sérotonine. Antidépresseurs classiques et hypothèse monoaminergique
Les premiers antidépresseurs découverts sont issus de deux classes, c'est-à-dire les antidépresseurs tricycliques, ainsi nommés car leur structure chimique comporte trois cycles, et les inhibiteurs de la MAO, qui doivent leur nom au fait qu'ils inhibent l'enzyme MAO, laquelle détruit les neurotransmetteurs monoaminergiques. Lorsque les antidépresseurs tricycliques bloquent le transporteur de NA, ils augmentent la disponibilité en NA dans la synapse, car l'« aspirateur » — la pompe de recapture ne parvient plus à aspirer toute la NA synaptique (voir Fig. 5-16 et 518). Lorsqu'ils bloquent la pompe à DA (voir Fig. 5-32) ou la pompe à 5HT (voir Fig. 5-35), ils augmentent de la même façon la disponibilité en DA ou 51-IT, respectivement, au niveau de la synapse et par le même mécanisme. Lorsque les inhibiteurs de la MAO bloquent la destruction de la NA, la DA et la 5HT, ils augmentent le taux de ces neurotransmetteurs (voir Fig. 5-15). Comme dans les années 60 il a été découvert que les antidépresseurs classiques augmentaient les taux de NA, DA et 51-1T d'une manière ou d'une autre (voir Fig:5-15 et 5-16) est née l'idée originale qu'il pouvait y avoir un déficit en l'un ou l'autre de ces neurotransmetteurs, encore connus comme étant des monoamines supposées se trouver à la base de la dépression (voir Fig. 5-14). L'« hypothèse monoaminergique » de la dépression était née. De grands efforts furent accomplis, surtout dans les années 60 et 70, pour identifier ce déficit théorique et présupposé en monoamines. Ces efforts n'apportèrent malheureusement que des résultats hétérogènes et parfois confus. Certaines études suggèrent qu'il existe un déficit en métabolites de la NA chez certains déprimés, mais cela n'a pas été retrouvé dans tous les cas. D'autres études tendent à démon-
180
Psychopharmacologie
neurone sérotoninergique
frein 5HT accélérateur 5HT
epteur alpha 1
hetérorécepteur alpha 2 postsynaptique autorécepteur Nolpha 2 présynaptique
autorécepteur alpha 2 naptique
neurone noradrénergique
FIGURE 5-48. Vue schématique des actions excitatrices et inhibitrices de la noradrénaline sur la libération de sérotonine (identique à la Fig. 5-47).
trer l'existence d'une diminution du taux du métabolite de la 5HT, l'acide 5-hydroxy-indoleacétique (5HIAA) dans le liquide céphalorachidien (LCR) des sujets déprimés. En y regardant de plus près, toutefois, on a découvert que seulement certains patients avaient de faibles taux en 5HIAA dans le LCR, et qu'il s'agissait de sujets aux comportements impulsifs, telles que tentative de suicide ou violence. Par la suite, il fut aussi rapporté.une diminution du 5HIAA du LCR dans d'autres populations où les sujets présentaient des explosions violentes de défaut de contrôle des impulsions sans être déprimés ; il s'agissait de personnalités antisociales ayant commis des crimes, et de patients souffrant de troubles de la personnalité de type état limite (NdT : personnalité borderline). Ainsi, de faibles taux de 5HIAA dans le LCR seraient davantage en rapport avec le contrôle des impulsions qu'avec la dépression. Un autre problème avec l'hypothèse monoaminergique réside dans le fait que sur le plan chronologique, l'effet des antidépresseurs sur les neurotransmetteurs est très différent de celui de leurs effets sur l'humeur. En effet, les antidépresseurs augmentent les monoamines
'---' 5HT2A
FIGURE 5-49. Un récepteur postsynaptique régulateur essentiel : le récepteur 5HT2A.
FIGURE 5-50. Lorsque le récepteur 5HT2A postsynaptique de la Fig. 5-49 est occupé par la SHT, il provoque la transduction du potentiel d'action neuronal dans le neurone postsynaptique par la production des seconds messagers. 181
FIGURE 5-51. Le quartier général des corps cellulaires des neurones sérotoninergiques est situé dans le tronc cérébral dans une aire appelée le noyau du rapbé. Humeur
Cortex frontal
-+
FIGURE 5-52. Les projections sérotoninergiques du raphé sur le cortex frontal peuvent avoir un s al c
important dans la régulation de l'humeur. Ganglions de la base
Akathisie/Agitation
TOC
-■
FIGURE 5-53. Les projections sérotoninergiques du raphé sur les ganglions de la base peuvent favoriser
le contrôle de la motricité ainsi que les obsessions et les compulsions. 182
Limbique
Anxiété
FIGURE 5-54. Les projections sérotoninergiques du raphé sur les aires limbiques peuvent jouer un rôle important dans l'anxiété et les paniques.
Hypothalamus
Appétit/boulimie
FIGURE .5-55. Les projections sérotoninergiques sur l'hypothalamus réguleraient l'appétit et le comportement alimentaire.
Centres du sommeil
Insomnie
-■
FIGURE 5-56. Les projections sérotoninergiques des centres du sommeil au niveau du tronc cérébral régulent le sommeil, en particulier le sommeil à ondes lentes. 183
Troubles sexuels
Moelle épinière
-■
FIGURE 5-57. Les neurones sérotoninergiques qui descendent par la moelle épinière sont responsables
du contrôle de certains réflexes spinaux qui participent à la réponse sexuelle, comme l'orgasme et l'éjaculation.
Centre du vomissement du tronc cérébral
Nausée et vomissement
-■
FIGURE 5-58. Les chémorécepteurs de la trigger zone au niveau du tronc cérébral peuvent déclowhe
le vomissement, surtout via les récepteurs 5HT3.
Tube digestif
Crampes gastro-intestinales/Diarrhée
-■ FIGURE 5-59. Les récepteurs 51-IT3 et 5HT4 périphériques situés dans l'intestin réguleraient l'appétit et d'autres fonctions gastro-intestinales, comme le péristaltisme. 184
Dépression et trouble bipolaire
185
Tableau 5—XXIII. Syndrome de déficit en sérotonine Humeur dépressive Anxiété Panique Phobie Obsessions et compulsions Appétit insatiable ; boulimie
HYPOTHÈSE DES RÉCEPTEURS MONOAMINERGIQUES DANS LA DÉPRESSION
Fonctionnement normal
FIGURE 5-60. L'hypothèse des récepteurs monoaminergiques de la dépression postule que quelque chose ne va pas au niveau des monoamines neurotransmetteurs. Selon cette théorie, c'est une anomalie de ces récepteurs qui conduit à la dépression. Un tel trouble des récepteurs des neurotransmetteurs serait déclenché par une déplétion en monoamines, ou par une anomalie des récepteurs eux-mêmes ou par des problèmes en ce qui concerne la transduction du signal du neurotransmetteur par le récepteur vers les autres événements ayant lieu en aval. Le dessin représente ici un neurone monoaminergique normal, possédant une quantité normale de monoamines et de récepteurs des monoamines dont le fonctionnement est par ailleurs correct. immédiatement, tandis qu'il y a un retard dans la survenue de leur action thérapeutique, laquelle ne survient que plusieurs jours à plusieurs semaines après l'augmentation des monoamines. Du fait de ces difficultés, l'hypothèse étiologique de la dépression a commencé à être déplacée des neurotransmetteurs eux-mêmes vers leurs récepteurs. Comme nous le verrons, les théories contemporaines se sont ensuite modifiées, allant du récepteur vers les événements moléculaires qui assurent la régulation de l'expression des gènes.
Hypothèse des récepteurs des neurotransmetteurs
La théorie des récepteurs des neurotransmetteurs pose pour principe que quelque chose ne fonctionne pas bien au niveau des principaux neurotransmetteurs monoaminergiques (Fig. 5-60 à 5-62). Selon cette théorie, une anomalie des récepteurs des neurotransmetteurs monoaminergiques provoque la dépression (voir Fig. 5-62). Un tel trouble des récepteurs des neurotransmetteurs peut être lui-même induit par un déficit en neurotransmetteurs (voir Fig. 5-61).
186
Psychopharmacologie
Diminution des neurotransmetteurs
FIGURE 5-61. Ici, le taux de neurotransmetteur est réduit (cercle rouge), comme cela a été illustré déjà
dans la Fig. 5-14.
Hypersensibilisation des récepteurs à cause du manque en neurotransmetteurs
FIGURE 5-62. Les conséquences de la réduction du taux de neurotransmetteur, du stress ou de certaines anomalies du récepteur du neurotransmetteur transmises génétiquement seraient une hypersensibilisation anormale des récepteurs postsynaptiques (cercle rouge). On émet l'hypothèse que cette hypersensibilisation, ou une autre anomalie au niveau des récepteurs, serait en lien avec les causes de la dépression. Ce déficit (voir Fig. 5-60 et 5-61) a déjà été abordé en tant que thème central de l'hypothèse monoaminergique de la dépression (voir Fig. 5-13 et 5-14). L'hypothèse des récepteurs des neurotransmetteurs dans la dépression pousse ce thème un peu plus loin — à savoir que le déficit en neurotransmetteurs provoque en compensation une « up-replation » (hypersensibilisation) des récepteurs postsynaptiques (voir Fig. 5-62). Il manque encore des preuves directes de cette hypothèse,_mais les études postmortem montrent de façon cohérente une augmentation du nombre des récepteurs 5HT2 dans le cortex frontal de patients qui se sont suicidés. Des études indirectes du fonctionnement des récepteurs des neurotransmetteurs chez des patients ayant un trouble dépressif majeur ont permis de savoir qu'il existe des anomalies de divers récepteurs des neurotransmetteurs. Cela a été découvert grâce à l'utilisation de sondes neuroendocriniennes ou par l'étude de tissus périphériques tels que les plaquettes ou les lymphocytes. Des techniques moléculaires modernes explorent les anomalies de l'expression génique des récepteurs des neurotransmetteurs et des enzymes dans les famillesde sujets atteints de dépression, mais à l'heure actuelle la recherche d'une lésion moléculaire n'a pas encore été couronnée de succès.
Dépression et trouble bipolaire
187
ypothèse monoaminergique de l'expression génique Jusqu'à présent, aucune preuve claire et cohérente n'a été apportée qu'un déficit en monoamines intervient dans la dépression. Autrement dit, il n'y aurait pas de «véritable » déficit en monoamines. De même, il n'y a pas de preuve claire et cohérente qu'il existe un excès ou un déficit en récepteurs des monoamines dans la dépression, ce qui signifie qu'il n'y aurait pas de pseudo-déficit en monoamines par manque de récepteurs malgré la présence des monoamines. D'autre part, il y a des preuves croissantes qu'en dépit de taux en monoamines et en récepteurs normaux ces systèmes ne répondent pas normalement. Par exemple, les recherches sur les récepteurs des monoamines avec des substances qui les stimulent peuvent donner comme réponse un déficit en hormones neuroendocriniennes. On peut aussi observer l'apparition d'un déficit du taux de décharge neuronal, comme l'illustrent les études par tomographie à émission de positons (PET). De telles observations ont fait naître l'idée que la dépression reposerait sur un pseudodéficit en monoamines dû à un déficit du signal de transduction du neurotransmetteur monoaminergique vers le neurone postsynaptique malgré un taux normal en neurotransmetteur et en récepteur. S'il existe une insuffisance en événements moléculaires au niveau de la cascade qui se déroule à partir de la fixation du neurotransmetteur sur le récepteur, il pourrait alors exister un déficit de la réponse cellulaire aboutissant à un pseudo-déficit en monoamines. (Cela signifierait que le récepteur et le neurotransmetteur sont normaux, mais que le signal de transduction du neurotransmetteur vers son récepteur est anormal.) Un tel déficit du fonctionnement moléculaire a été décrit pour certaines maladies endocriniennes telles que l'hypoparathyroïdie (déficit en parathormone), la pseudo-hypoparathyroïdie (déficit des récepteurs parathyroïdiens mais taux en parathormone normal), et la pseudo-pseudo-hypoparathyroïdie (déficit du signal de transduction conduisant à une hypoparathyroïdie clinique en dépit de taux en hormones et en récepteurs normaux). Une situation comparable existe peut-être dans la dépression, à cause d'un hypothétique problème d'événements moléculaires distaux par rapport au récepteur. Les systèmes seconds messagers qui conduisent à la formation de facteurs de transcription intracellulaires contrôlant la régulation génique pourraient ainsi être le siège d'un déficit fonctionnel des systèmes monoaminergiques. Ceci est l'objet de bien des recherches actuelles sur la base moléculaire potentielle à l'oeuvre dans les troubles affectifs. D'après cette hypothèse, il existerait des formes de déficit en monoamines sur le plan moléculaire, à distance des monoamines ellesmêmes et des récepteurs, malgré des taux en monoamines et un nombre de récepteurs de ces monoamines apparemment normal. Un mécanisme candidat a pu être proposé comme siège d'un possible défaut du signal de transduction depuis les récepteurs des monoamines. Il concerne le gène cible pour le brain-derived neurotrophic factor (BDNF). Normalement, ce gène maintient la viabilité des neurones cérébraux, mais sous l'effet du stress, ce gène est réprimé (Fig. 5-63), ce qui entraîne l'atrophie, voire l'apoptose de neurones de l'hippocampe, vuUrables car soudain privés de leur BDNF (Fig. 564). Cela conduirait à la dépression et aux conséquerices de la répétition d'épisodes dépressifs, c'est-à-dire à de plus en plus d'épisodes et de moins en moins de réponse au traitement. L'hypothèse que les neurones hippocampiques aient une diminution de raille et soient dysfonctionnels pendant la dépression est soutenue par les études cliniques d'imagerie qui objectivent une diminution du volume du cerveau et des structures concernées. Elle apporte une hypothèse cellulaire et moléculaire de la dépression cohérente avec un mécanisme distal par rapport au récepteur des neurotransmetteurs en impliquant une anomalie de l'expression génique. La vulnérabilité induite par le stress diminue donc l'expression de gènes qui produisent des facteurs neurotrophiques tels que le BDNF, rendant critique la survie et la fonction de neurones essentiels (voir
188
Psychopharmacologie STRESS STRESS
STRESS
FIGURE 5-63. Hypothèse monoaminergique de l'action des gènes dans la dépression, première partie. Un des mécanismes supposés d'un possible défaut du signal de transduction au niveau des récepteurs postsynaptiques concerne le gène cible du brain-derived neurotrophic factor (BDNF). Normalement, le BDNF maintient en vie les neurones cérébraux. Ici, toutefois, le BDNF est représenté dans une situation de stress. Celle-ci provoque la répression du gène du BDNF ; ce dernier n'est donc pas synthétisé. Fig. 5-63). Le corollaire de cette hypothèse veut que les antidépresseurs inversent ce phénomène en activant les gènes des facteurs neurotrophiques (voir Chapitre 6).
Hypothèse neurokininergique du dysfonctionnement émotionnel Il existe une autre hypothèse physiopathologique de la dépression, ou d'autres états de dysfonctionnement émotionnel, selon laquelle entrent en jeu une classe relativement nouvelle de peptides neurotransmetteurs, les neurokinines (parfois appelées aussi tachykinines). Cette hypothèse est née d'observations plutôt fortuites qu'un antagoniste d'une des neurokinines, la substance P, aurait une action antidépressive. On considérait jusqu'alors que la substance P était impliquée dans la réponse à la douleur, parce qu'elle est libérée par les neurones des tissus périphériques lors d'une inflammation, provoquant à son tour -Une inflammation et une douleur « neurogènes » (Fig. 5-65). De plus, la substance P est présente date les voies spinales de la douleur, ce qui suggère qu'elle joue un rôle dans les douleurs d'origine centrale (voir Fig. 565). Malheureusement, de nombreuses études humaines sur les antagonistes des récepteurs à cette substance ont montré son inefficacité à soulager l'inflammation et la douleur neurogènes. D'autre part, la proposition que les antagonistes de la substance P pouvaient améliorer l'humeur de patients migraineux — quand bien même ils sont inefficaces sur la douleur — conduit à la réalisation d'essais contrôlés de ces produits chez des patients déprimés. Bie que l'on n'en soit qu'au début et que certaines études n'aient pas confirmé l'effet antidépres seur des antagonistes de la substance P, la possibilité que de tels produits pourraient êtr
00191 0,0e"
suicide neuronal
ti FIGURE .5-64. Hypothèse monoaminergique de l'action des gènes dans la dépression, seconde partie. Si la quantité de BDNF demeure insuffisante, les neurones vulnérables de l'hippocampe, au lieu de prospérer et de développer de plus en plus de synapses (à droite), s'atrophient voire subissent l'apoptose (à gauche) sous l'effet du stress. Tout cela a pour conséquence une dépression et une répétition des épisodes dépressifs, c'est-à-dire de plus en plus d'épisodes et de moins en moins de réponse au traitement, et serait la raison de la diminution de taille et de l'altération fonctionnelle des neurones de l'hippocampe observées récemment en neuro-imagerie.
189
190
Psychopharmacologie
,q4ïe,
"AIE!" douleur et oedème
libération de substance P libération de substance P
FIGURE 5-65. La substance P est classiquement impliquée dans la réponse à la douleur, car elle est libérée par les neurones des tissus périphériques en réponse à une inflammation, ce qui entraîne une inflammation et une douleur « neurogènes ». Elle est par ailleurs présente dans les voies spinales de la douleur, ce qui permet de supposer qu'elle joue un rôle dans la douleur trouvant son origine dans le système nerveux. Malheureusement, les antagonistes des récepteurs de la substance P ont été incapables de réduire l'inflammation et la douleur neurogène dans de nombreux essais chez l'homme.
efficaces pour réduire les états émotionnels a néanmoins lancé la course à la découverte"' d'antagonistes des trois neurokinines connues, à la recherche d'un effet thérapeutique sur une large variété de troubles psychiatriques. La substance P et les neurokinines apparentées sont présentes dans des aires telles que l'amygdale qui joue un rôle clé-dans la régulation des émotions (Fig. 5-66). Les neurokinines sont également présentes dans les aires, cérébrales riches en monoamines, ce qui suggère un rôle de régulation potentielle des neurokinines sur les neurotransmetteurs monoaminergiques, c'est-à-dire sur des substances déjà connues pour jouer un rôle important dans de nombreux troubles psychiatriques et dans Ies mécanismes d'action de nombreux psychotropes. Les antagonistes des trois principales neurokinines sont ainsi en cours d'évaluation pour leurs effets sur divers états de dysfonctionnement émotionnel, incluant la dépression, l'anxiété et la schizophrénie. On verra au cours des prochaines années si cette stratégie permet de faire naître d'authentiques nouveaux psychotropes agissant sur un système de neurotransmission entièrement nouveau, celui des neurokinines.
Dépression et trouble bipolaire
191
re
. substance P
amygdale et aire limbique centres dopaminergiques
centres noradrénergiques
Hypothèse neurokininergique du dysfonctionnement émotionnel. Corollaire : le blocage des récepteurs des neurokinines appropriés réduira la détresse émotionnelle FIGURE 5-66. La substance P et les neurokinines apparentées sont présentes dans des aires cérébrales
que l'on pense impliquées dans la régulation des émotions, comme l'amygdale. Les neurokinines sont également présentes dans les régions cérébrales riches en monoamines, ce qui évoque un possible rôle régulateur des neurotransmetteurs monoaminergiques, qui jouent déjà un rôle important dans de nombreux troubles psychiatriques et participent au mécanisme d'action de nombreux psychotropes.
Substance P et récepteurs de la neurokinine 1. La première neurokinine fut découverte dans les années 30 à partir d'extraits intestinaux et cérébraux. Comme on la préparait alors sous forme de « poudre », elle a été baptisée substance P. On sait désormais qu'il s'agit d'une chaîne de 11 acides aminés (non décapeptide) (Fig. 5-67). Elle est donc très différente des monoamines qui sont des variations à partir d'un seul acide aminé. Nous allons passer en revue les différences concernant la synthèse d'un neurotransmetteur par un neurone monoaminergique et par un neurone peptidergique. Tandis que les monoamines sont synthétisées à partir des acides aminés alimentaires, les peptides neurotransmetteurs le sont directement à partir des protéines produites par les gènes. Les gènes, toutefois, ne sont pas traduits d'emblée en neurotransmetteur peptidergique, mais d'abord en précurseurs. Les précurseurs sont quelquefois appelés protéines « grands-parents », ou prépropeptides. D'autres modifications de la protéine grand-parent aboutissent au précurseur direct du peptide neurotransmetteur, encore dénommé parfois « parent » du neuropeptide ou propeptide. Et enfin, une étape supplémentaire conduit du peptide parental au neuropeptide lui-même. Au niveau des neurones utilisant la substance P, la synthèse commence par le gène appelé préprotachykinine A (PPT-A) (Fig. 5-68). Il y a alors transcription du gène en ARN qui est ensuite « édité », ou revu par copier-coller, ou encore retouché, au même titre qu'un manus-
Substance P
Neurokinine A (NK-A)
Neurokinine B (NK-B) FIGURE 5-67. Séquences d'acides aminés constitutives de trois neurokinines : la substance P, la neurokinine A (NK-A) et la neurokinine B (NK-B). La substance P possède 11 acides aminés ; la NK-A et la NK-B en ont 10 chacune. Ces trois peptides ont plusieurs acides aminés en commun.
réticulum endoplasmique protéine de l'a-PPT-A Variant ARNm d'épissage de l'a-PPT-A peptidase ARNm de la PPT-A
récepteur NK-1
signal
1
4
a-PT-A convertase substance P
gène PPT-A
C , récepteur NK-
FIGURE 5-68. Neurones à substance P et récepteurs de la neurokinine 1, première partie. Dans les neurones qui utilisent la substance P, la synthèse commence au niveau du gène appelé pré-protachykinine A (PPT-A). Celui-ci est transcrit en ARN qui est à son tour « édité » pour former trois variants d'épissage alternatif d'ARNm : alpha, bêta et gamma. Les effets de la version ARNm appelée alpha-PPT-A ARNm sont montrés ici. Cet ARNm est ensuite traduit en une protéine appelée alpha-PPT-A qui est la « grandmère » de la substance P. Elle est convertie dans le réticulum endoplasmique en protachykinine A (alphaPT-A), la « mère » de la substance P. Pour finir, cette protéine est sectionnée par une autre enzyme, une convertase, dans les vésicules synaptiques pour former la substance P elle-même. 192
Dépression et trouble bipolaire
193
crit ou une bande vidéo. Ainsi, on dénomme encore ce phénomène « excision-épissage » de l'ARN. On aboutit ainsi à différentes versions de l'ARN appelées variants ARNm d'épissage alternatifs. La version d'ARNm appelée ARNm de l'alpha-PPT-A est traduite en une protéine qui est l'alpha-PPT-A, c'est-à-dire la grand-mère de la substance P (voir Fig. 5-68). Elle représente en fait bien plus que la substance P du fait de sa chaîne d'acides aminés qui est beaucoup plus longue. Elle doit donc être « tronçonnée » sous l'action d'une enzyme appelée peptidase signal. C'est ainsi que naît la protéine protachykinine A (alpha-PT-A), la mère de la substance P. Pour finir, l'alpha-PT-A est raccourcie par une autre enzyme, une convertase, au niveau de la vésicule synaptique pour donner la substance P elle-même (voir Fig. 5-68). La synthèse de la substance P peut aussi se faire à partir de deux autres protéines, la bêtaPPT-A et la gamma-PPT-A (Fig. 5-69 et 5-70). Ces dernières sont issues de variantes d'ARNm excisé-épissé différents, mais issus du même gène précurseur PPT-A. La synthèse de la substance P peut encore être réalisée à partir d'une autre neurokinine importante, la neurokinine A (NK-A) (Fig. 5-71 et 5-72). On voit donc que la synthèse de substance P se fait à partir de trois protéines issues du même gène PPT-A, à savoir les alpha-, bêta- ét gamma-PPT-A (voir Fig. 5-68 à 5-70), et que celle de la NK-A se fait à partir de deux d'entre elles, la bêta- et la gamma-PPT-A (voir Fig. 5-71 et 5-72). La substance P est libérée par le neurone et interagit sélectivement avec le récepteur de la neurokinine 1 (NK-1), un sous-type de récepteur de la neurokinine (voir Fig. 5-68 à 5-70).
récepteur NK-1 variant ARNm réticulum crépissage de endoplasmique protéine de la i-PPT-A la p-PPT-A peptidase ARNm de signal la PPT-A 13-PT-A convertase
'()
substance P
gène PPT-A
récepteur NK-1
FIGURE 5-69. Neurones à substance P et récepteurs de la neurokinine 1, deuxième partie. La substance P peut aussi être synthétisée à partir de deux protéines, la bêta-PPT-A, représentée ici, et la gamma-PPT-A, représentée dans la Fig. 5-70. Ces protéines sont issues d'autres variants d'épissage d'ARNm mais par contre du même gène précurseur PPT-A.
194
Psychopharmacologie
réticulum variant ARNm endoplasmique d'épissage de la y -PPT-A ARNm de la PPT-A
protéine de la y -PPT-A
récepteur NK-1
peptidase signal
y -PT-A convertase substance P
gène PPT-A
l e() récepteur NK-1
FIGURE 5-70. Neurones à substance P et récepteurs de la neurokinine 1, troisième partie. Voici la façon dont la substance P est synthétisée à partir de la gamma-PPT-A. La substance P peut donc être produite à partir de trois protéines dérivées du gène PPT-A, c'est-à-dire l'alpha-, la bêta- et la gamma-PPT-A (voir aussi Fig. 5-68 et 5-69). Lorsque la substance P est libérée par le neurone, elle interagit sélectivement avec le récepteur de la neurokinine 1 (voir Fig. 5-68 à 5-70). Toutefois, il y a un décalage en ce qui concerne la localisation cérébrale de la substance P et des récepteurs NK-1, ce qui suggère que la substance P agit surtout par diffusion sur les sites distants de ses terminaisons axonales plutôt que par une neurotransmission classique.
De façon curieuse, la substance P et les récepteurs NK-1 sont loin d'être situés dans les mêmes régions du cerveau. Cela fait supposer que la substance P agit à distance de la terminaison axonale plutôt que par le biais d'une neurotransmission synaptique classique. Neurokinine A et récepteurs de la neurokinine 2. La neurokinine A (NK-A) est un autre membre de la famille de peptides neurotransmetteurs de type neurokinine. II s'agit d'un peptide formé de 10 acides aminés (décapeptide) dont 5 sont communs à cetix de la substance P, avec 4 parmi les 5 situés dans l'extrémité N-terminale (voir Fig. 5-67). Comme nous l'avons dit plus haut, elle est formée à partir des protéines bêta- et gamma-PPT-A issues du gène PPT-A (voir Fig. 5-71 et 5-72). Les protéines bêta- et gamma-PPT-A sont les grands-parents de la NK-A et doivent donc être « tronçonnées » comme pour la substance P, pour donner le peptide neurotransmetteur NK-A. Cette neurokinine préfère un autre récepteur à celui de la substance P. Ainsi, la NK-A se fixe-t-elle spécifiquement au récepteur NK-2 (voir Fig. 5-71 et 5-72). Du fait qu'il existe peu de récepteurs de la NK-A dans le cerveau du rat, c'est donc le cobaye qui est le modèle le plus
Dépression et trouble bipolaire
195
récepteur N K-2 variant ARNm de la I3-PPT-A ARNm de la PPT-A
réticulum endoplasmigue protéine de la [3-PPT-A peptidase signal f3-PT-A convertase
gène PPT-A
récepteur NK-2
FIGURE 5-71. Récepteurs de la neurokinine A et de la neurokinine 2, première partie. La neurokinine A est synthétisée à partir de deux des protéines précurseurs de la substance P, la bêta- et la gamma-PPT-A. Cette figure illustre la synthèse de neurokinine A à partir de la bêta-PPT-A.
proche de l'homme, avec en particulier la présence de récepteurs de la NK-A dans les tissus périphériques tels que les poumons. Comme pour la substance P, il y a une discordance de localisation anatomique entre le neurotransmetteur et son récepteur, ce qui suggère l'existence d'une neurotransmission non synaptique prépondérante pour la NK-A également. Toutefois, la distribution anatomique de la NK-A n'est pas la même que celle de la substance P, ce qui est aussi le cas pour les récepteurs NK-2 par rapport aux récepteurs NK-1. Neurokinine B et récepteurs de la neurokinine 3. La neurokinine B (NK-B) est le troisième membre important de cette famille de neurokinines neurotransmettrices. Il s'agit d'un peptide fait de 10 acides aminés (décapeptide) comme la- NK-A. Ces deux neurokinines ont 6 acides aminés en commun, et 4 des 5 acides aminés de l'extrémité N-terminale sont les mêmes que ceux de la substance P (voir Fig. 5-67). La neurokinine B est formée à partir d'un gène appelé PPT-B, différent de ceux dont la substance P et la NK-A sont issues. Par contre, les mécanismes de conversion de la PPT-B en NK-B sont tout à fait identiques à ce que nous avons déjà vu pour la substance P et la NK-A (Fig. 5-73). La NK-B a son propre récepteur, le NK-3 (voir Fig. 5-73). On retrouve la même discordance de localisation anatomique entre la NK-B et le récepteur NK-3 qu'en ce qui concerne la substance P, la NK-A, et leurs récepteurs respectifs NK-1 et NK-2.
196
Psychopharmacologie
réticulum variant ARNm protéine y-PPT-A endoplasmique d'épissage de la y -PPT-A peptidase signal ARNm de y -PT-A la PPT-A convertase
récepteuNK-2
gène PPT-A
récepteu r NK-2
FIGURE 5-72. Récepteurs de la neurokinine A et de la neurokinine 2, seconde partie. Voici la synthèse de la NK-A à partir de la protéine gamma-PPT-A. Les protéines bêta- et gamma-PPT-A sont les « grandsmères » de la NK-A ; elles sont sectionnées comme c'est le cas pour la substance P, ce qui en fin de compte donne la NK-A, un peptide neurotransmetteur. La NK-A se lie spécifiquement au récepteur NK-2. Comme pour la substance P, la localisation intracérébrale de ce neurotransmetteur ne coïncide pas avec celle de ses récepteurs, ce qui suggère un rôle important de la neurotransmission par diffusion de la NK-A. Sa distribution anatomique n'est toutefois pas la même que celle de la substance P. Il en va de même entre les récepteurs NK-2 par rapport aux récepteurs NK-1.
Résumé
Ce chapitre nous a permis de présenter deux grands thèmes psychopharmacologiques que sont les troubles affectifs d'une part, et les neurotransmetteurs de type monoaminergique et neuro- 1 peptidergique d'autre part. Nous avons décrit les caractéristiques cliniques, épidémiologiques et l'évolution longitudinale de divers types de dépression en incluant l'impact des traitements sur l'évolution à long terme des troubles affectifs. Nous avons également décrit les trois systèmes de neurotransmission nionoarninergique : noradrénergique, dopaminergique et sérotoninergique. Plus précisément, les grandes lignes en ce qui concerne la synthèse, le métabolisme, les systèmes de transport et les récepteurs de chaque système monoaminergique ont été brossées puis appliquées aux théories dominantes des bases biologiques de la dépression. Ces théories de la dépression sont l'hypothèse monoaminergique, l'hypothèse des neurotransmetteurs et l'hypothèse du pseudo-déficit en monoamines par défaut du signal de transduction et de l'expression génique. Pour terminer, nous avons fait la connaissance d'une nouvelle famille de neurotransmetteurs et de leurs récepteurs, les neurokinines, dont le principal membre est la substance P.
Dépression et trouble bipolaire
197
récepteur N K-3
réticulum variant ARNm endoplasmique protéine PPT-B d'épissage de la PPT-B peptidase signal ARNm de la PPT-B
PT-B
7 NK-B
gène PPT-B
récepteur
N K-3 FIGURE 5-73. Récepteurs de la neurokinine B et de la neurokinine 3. Le troisième membre d'importance dans la famille des neurokinines ayant un rôle de neurotransmetteur est la NK-B synthétisée à partir du gène PPT-B. Ce gène est distinct de celui dont sont issues la substance P et la NK-A. Néanmoins, le processus qui convertit la protéine PPT-B en NK-B est analogue à celui qui a été décrit pour la substance P et la NK-A. La neurokinine B préfère son propre et unique récepteur, le récepteur NK-3. Ce dernier n'est pas localisé à proximité des neurones qui libère la NK-B, de même que la NK-B et le récepteur de la NK-3 ne se trouvent pas dans les mêmes localisations anatomiques que la substance P, la NK-A et leurs récepteurs respectifs.
À travers la lecture de ce chapitre, il est fourni au lecteur des éléments de compréhension des bases pharmacologiques des traitements de la dépression qui seront vues dans les deux prochains chapitres. Enfin, une information à propos des systèmes de neurotransmission monoaminergique servira là encore de base pharmacologique pour plusieurs autres classes de psychotropes.
CHAPITRE
6
ANTIDÉPRESSEURS CLASSIQUES, INHIBITEURS SPÉCIFIQUES DE LA RECAPTURE DE LA SÉROTONINE ET INHIBITEURS DE LA RECAPTURE DE LA NORADRÉNALINE
1. Théories sur l'action des médicaments antidépresseurs A.Classifications établies à partir des actions pharmacologiques immédiates B.Hypothèse de l'action des antidépresseurs via les récepteurs des neurotransmetteurs C.Hypothèse monoaminergique de l'action des antidépresseurs sur l'expression génique II. Pharmacocinétique des antidépresseurs A. CYP450 1A2 B.CYP450 2D6 C. CYP450 3A4 D. Inducteurs CYP450 III. Antidépresseurs classiques A. Inhibiteurs de la monoamine oxydase B.Antidépresseurs tricycliques IV. Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine A. Ce que cinq médicaments ont en commun B.Mécanismes pharmacologiques et moléculaires de l'action des ISRS C. Voies et récepteurs sérotoninergiques impliqués dans l'action thérapeutique et les effets indésirables des ISRS D. Des inhibiteurs de la sérotonine pas si sélectifs que ça : cinq produits uniques ou une seule classe de cinq membres ? V. Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline VI. Bloqueurs de la recapture de la noradrénaline et de la dopamine VII. Résumé Dans ce chapitre, nous allons passer en revue les concepts pharmacologiques sous-tendant l'utilisation de plusieurs classes d'antidépresseurs. Nous citerons les inhibiteurs classiques de la monoamine oxydase (MAO), les antidépresseurs tricycliques classiques, les inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine (ISRS) à la mode actuellement, et les nouveaux 199
200 Psychopharmacologie
I
inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline, aussi bien que les inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline et de la dopamine. Tl s'agit de faire connaître au lecteur les idées actuelles sur la façon dont ces produits agissent. Pour expliquer leurs mécanismes d'action, nous nous appuierons sur des concepts pharmacologiques généraux. Nous évoquerons aussi des notions pharmacocinétiques concernant les antidépresseurs, à savoir la manière dont l'organisme agit sur ces substances au travers du système enzymatique cytochrome P450. Dans ce chapitre, notre référence aux antidépresseurs sera faite au niveau conceptuel et non pratique. Tl faudra se référer aux ouvrages de thérapeutique pour obtenir des précisions sur les doses, les effets indésirables et autres données sur la prescription de ces médicaments en pratique clinique.
Théories sur l'action des médicaments antidépresseurs Classifications établies à partir des actions pharmacologiques immédiates Nous ne possédons pas à l'heure actuelle l'explication complète et exacte sur la façon dont les antidépresseurs agissent. Nous savons cependant que tous les antidépresseurs efficaces interagissent immédiatement avec le récepteur ou les enzymes d'au moins un neurotransmetteur monoaminergique. Ces actions immédiates fournissent les bases de notre classification actuelle des différents antidépresseurs. Selon cette classification, on distingue au moins huit mécanismes d'action pharmacologiques différents pour plus de deux douzaines d'antidépresseurs. La plupart de ces derniers bloquent la recapture d'une monoamine, tandis que d'autres bloquent les récepteurs alpha 2, et d'autres encore l'enzyme monoamine oxydase (MAO). Certains antidépresseurs ont une action directe sur un seul système monoaminergique ; d'autres agissent sur plusieurs. Comme nous l'avons vu dans le Chapitre 5, l'action pharmacologique immédiate de tous les antidépresseurs aboutit finalement à l'augmentation des taux des neurotransmetteurs monoaminergiques (voir Fig. 5-15 et 5-16 ; Fig. 6-1). Ce chapitre et les suivants seront consacrés aux récepteurs et enzymécifiques sur lesquels agit chacun des différents antidépresseurs immédiatement après son administration à un patient déprimé. Savoir exactement comment toutes les actions immédiates des antidépresseuk-conduisent en fin de compte à une réponse antidépressive quelques semaines après le début dutraitement — c'est-à-dire, quelle est la voie commune finale de la réponse au traitement antidépresseur — est un point qui suscite une intense activité de recherche et de vastes débats (voir Fig. 6-1). À l'heure actuelle, c'est l'expression génique déclenchée par les antidépresseurs qui est l'objet d'un considérable intérêt. L'hypothèse naonoaminergique suggère en effet que c'est l'intervention des antidépresseurs sur l'expression des gènes qui constitue in fine leur activité la plus importante.
Hypothèse de l'action des antidépresseurs via les récepteurs des neurotransmetteurs La théorie qui explique le mécanisme final de l'action thérapeutique retardée des antidépresseurs repose sur l'hypothèse de l'impact des antidépresseurs sur les récepteurs des neurotransmetteurs (voir Fig. 6-1 ; Fig. 6-2 à 6-6). Elle est en lien avec l'hypothèse des récepteurs des neurotransmetteurs dans la dépression vue dans le Chapitre 5 (voir Fig. 5-60 à 5-62). Comme nous avons pu le voir, elle propose que la dépression en elle-même est liée à un fonctionnement anormal du récepteur du neurotransmetteur.
am
Antidépresseurs classiques, ISRS et IRN
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Sensibilité dl récepteur •
Début du traitement antidépresseur
FIGURE 6-1. Évolutions temporelles de trois effets des antidépresseurs [modifications cliniques, variations des neurotransmetteurs (NT) et changements de sensibilité des récepteurs]. La quantité de NT change relativement vite après le début du traitement par un antidépresseur. L'effet clinique, toutefois, est retardé, de même que la désensibilisation (clown regulation) du récepteur du NT. Cette corrélation temporelle entre les effets cliniques et les modifications de sensibilité des récepteurs a donné naissance à l'hypothèse que c'est par les changements de la sensibilité des récepteurs que passent les effets cliniques des antidépresseurs. Ces effets cliniques incluent non seulement les effets antidépresseurs et anxiolytiques, mais aussi le développement d'une tolérance pour les effets indésirables aigus des médicaments antidépresseurs.
Que le récepteur soit ou non anormal dans la dépression, l'hypothèse des récepteurs des neurotransmetteurs de l'action antidépressive suggère que les antidépresseurs — quelle que soit leur action initiale sur les récepteurs ou les enzymes — provoquent à la longue une désensibilisation (clown regulation) des récepteurs des neurotransmetteurs clés, dans un temps d'évolution superposable au retard à l'apparition de l'action antidépressive de ces substances (voir Fig. 6-1 à 6-6). Ce temps d'évolution coïncide avec d'autres événements, incluant la période nécessaire pour s'habituer aux effets indésirables des antidépresseurs. Ainsi, la désensibilisation de certains récepteurs des neurotransmetteurs conduirait à un retard d'apparition de l'effet thérapeutique des antidépresseurs, tandis que la désensibilisation d'autres récepteurs pourrait réduire leurs effets indésirables avec le temps. Le point de vue par trop simpliste de l'hypothèse réceptorale voudrait que l'on passe de l'état normal à la dépression lorsqu'il y a déplétion du neurotransmetteur suivie d'une sensibilisation (up regulation) des récepteurs postsynaptiques (voir Fig. 6-2). En augmentant le taux de neurotransmetteurs par l'inhibition de la MAO (voir Fig. 6-3 et 6-4) ou en bloquant la pompe de recapture des monoamines (voir Fig. 6-5 et 6-6), on aboutit finalement à une désensibilisation du récepteur du neurotransmetteur avec un retard encore plus étroitement lié au délai de guérison d'une dépression (voir Fig. 6-1,6-4 et 6-6).
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Psychopharmacologie HYPOTHÈSE DES RÉCEPTEURS DES NEUROTRANSMETTEURS POUR L'ACTION DES ANTIDÉPRESSEURS
r
t t
État dépressif dû à l'hypersensibilisation des récepteurs
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—•
FIGURE 6-2. Hypothèse des récepteurs des neurotransmetteurs dans l'action des antidépresseurs, première partie. Voici un neurone monoaminergique chez un sujet déprimé, avec hypersensibilisation des récepteurs (cercle rouge). HYPOTHÈSE DES RÉCEPTEURS DES NEUROTRANSMETTEURS POUR L'ACTION DES ANTIDÉPRESSEURS
L'inhibiteur MAO donne l'ordre à l'enzyme de ne pas détruire le NT
--: _ FIGURE 6-3. Hypothèse des récepteurs des neurotransmetteurs dans l'action des-antidépresseurs,
deuxième partie. Ici, un inhibiteur de la monoamine oxydase (MAO) bloque l'enzyme et par conséquent arrête la destruction du neurotransmetteur. Une plus grande quantité de neurotransmetteur devient donc disponible dans la synapse (cercle rouge). On pensait au départ que c'était la désensibilisation des récepteurs postsynaptiques qui était responsable de l'action thérapeutique des antidépresseurs. Maintenant, il est clair que c'est la désensibilisation de certains récepteurs postsynaptiques qui est responsable de la diminution de certains effets indésirables des antidépresseurs. Actuellement, pour expliquer
Antidépresseurs classiques, ISRS et IRN
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L'augmentation du NT provoque la désensibilisation des récepteurs
FIGURE 6-4. Hypothèse des récepteurs des neurotransmetteurs dans l'action des antidépresseurs, troisième partie. La conséquence d'un blocage au long cours de la monoamine oxydase (MAO) par un inhibiteur de la MAO est la désensibilisation ou down regulation des récepteurs des neurotransmetteurs (cercle rouge).
L'antidépresseur bloque la pompe de recapture ; le taux de NT dans la synapse augmente
FIGURE 6-5. Hypothèse des récepteurs des neurotransmetteurs dans l'action des antidépresseurs, quatrième partie. Ici, un antidépresseur tricyclique bloque la pompe de recapture, ce qui a pour effet d'augmenter la quantité de neurotransmetteur disponible dans la synapse (cercle rouge) de manière très semblable à ce qui est observé après l'inhibition de la MAO (voir Fig. 6-3).
l'action thérapeutique des antidépresseurs, on s'intéresse.plutôt aux récepteurs présynaptiques et à leur désensibilisation. Cela sera vu en détail dans le paragraphe sur les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS). Hypothèse monoaminergique de l'action des antidépresseurs sur l'expression génique Ainsi que nous en avons déjà parlé dans le Chapitre 5 (voir Fig. 5-63 et 5-64), l'hypothèse monoaminergique de l'expression génique veut que la dépression soit liée au fonctionnement anormal de l'expression génique induite par les neurotransmetteurs, en particulier celle de
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Psychopharmacologie
L'augmentation du NT provoque la désensibilisation des récepteurs
FIGURE 6-6. Hypothèse des récepteurs des neurotransmetteurs dans l'action des antidépresseurs, cinquième partie. La conséquence d'un blocage au long cours de la pompe de recapture par un antidépresseur tricyclique est la désensibilisation (down regulation) des récepteurs du neurotransmetteur (cercle rouge). C'est la même évolution qu'avec le blocage de longue durée de la MAO (voir Fig. 6-4).
facteurs neurotrophiques tels que le brain-derived neurotrophic factor (BDNF) qui conduit à l'atrophie et l'apoptose de neurones cruciaux de l'hippocampe. Que la transduction de l'influx neuronal monoaminergique en expression génique soit normale ou non dans la dépression, l'hypothèse monoaminergique de l'action des antidépresseurs sur l'expression des gènes propose que les antidépresseurs, indépendamment de leurs effets initiaux sur les récepteurs et les enzymes, finissent par provoquer l'activation ou l'inactivation de gènes essentiels. On compte parmi ces derniers le BDNF, mais bien d'autres sont certainement également impliqués (Fig. 6-7). Nous avons déjà traité les modifications de l'expression génique des récepteurs des neurotransmetteurs monoaminergiques (voir Fig. 6-1 à 6-6). L'hypothèse de l'expression génique est donc en accord avec l'hypothèse monoaminergique de l'action des antidépresseurs sur l'expression génique, mais sa portée est plus étendue. Le retard d'action des antidépresseurs n'explique pas seulement le retard d'apparition de Ieur effet thérapeutique. Tl explique aussi pourquoi certains patients ne répondent pas aux antidépresseurs si les effets pharmacologiques initiaux ne sont pas traduits en effets pharmacologiques et génétiques requis. Si l'on pouvait connaître les bases biologiques de la nonréponse au traitement, il y aurait une avancé énorme en pharmacothérapie de la dépression et l'on découvrirait probablement de nouveaux traitements efficaces pour les patients réfractaires ou non répondeurs (voir Chapitre 5). Aussi, si l'on pouvait comprendre les événements pharmacologiques clés qui sont liés à l'action thérapeutique des médicaments, il serait possible de l'accélérer grâce aux produits du futur, avec pour conséquence (extrêmement) attendue une plus grande rapidité d'action des antidépresseurs. En résumé, tous les antidépresseurs ont un effet commun sur les neurotransmetteurs monoaminergiques : ils augmentent la neurotransmission monoaminergique, ce qui conduit à des changements dans l'expression des gènes dans les neurones cible des monoamines. Ce phénomène comprend la désensibilisation des récepteurs des neurotransmetteurs, aboutis. sant à la fois à l'effet thérapeutique et à l'atténuation des effets indésirables. Bien que l'on classe toujours les antidépresseurs en fonction de leurs effets aigus sur les récepteurs des monoamines et sur les enzymes, on fait de plus en plus attention à la manière dont ces actions initiales et immédiates produisent des effets retardés.
Antidépresseurs classiques, ISRS et IRN
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Hypothèse monoaminergique de l'action des antidépresseurs sur l'expression génique
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diminution de la synthèse des récepteurs
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augmentation de la synthèse de diverses protéines
augmentation de la synthèse du BDNF
FIGURE 6-7. Hypothèse monoaminergique de l'action des antidépresseurs sur l'expression génique. Le neu rotransmetteur en haut est supposé avoir été augmenté par un antidépresseur. Il se produit ensuite une cascade d'événements aboutissant à l'expression de gènes cruciaux de façon à produire une réponse antidépressive, dont la down regulation de certains gènes, de telle sorte que soit réduite la synthèse de récepteurs, ainsi que l'up regulation d'autres gènes pour augmenter la synthèse de protéines cruciales comme le brain-derived neurotrophic factor (BDNF).
Pharmacocinétique des antidépresseurs Nos connaissances sur la façon dont les antidépresseurs et les thymorégulateurs sont métabolisés et interagissent avec d'autres médicaments du même typiontsapidement progressé au cours des dernières années. La pharmacocinétique est l'étude des réaCtions de notre organisme face aux médicaments, et en particulier la manière dont il les absorbe, les distribue, les métabolise et les excrète. Ces actions pharmacocinétiques sont réalisées, au niveau du foie et de l'intestin, par le système de métabolisation des médicaments appelé système enzymatique cytochrome P450 (CYP450). Le système enzymatique CYP450 et ses actions pharmacocinétiques doivent êtres distingués de l'action pharmacodynamique des antidépresseurs dont nous avons parlé dans la partie précédente consacrée à l'action des antidépresseurs. Bien que l'essentiel de ce livre traite de
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Psychopharmacologie Tableau 6-L Pharmacocinétique et pharmacodynamie PHARMACOCINÉTIQUE Façon dont le corps agit sur les médicaments PHARMACODYNAMIE Façon dont les médicaments agissent sur le corps, en particulier le cerveau
intestin
circulation sanguine médicament médicament C' transforme
médicament biotransformé
FIGURE 6-8. Un médicament est absorbé et transporté à travers la barrière intestinale vers le foie afin d'être biotransformé de façon à pouvoir être excrété. L'enzyme cytochrome P450 (CYP450) au niveau de la barrière intestinale et le foie convertit spécifiquement le substrat médicamenteux en un produit biotransformé dans la circulation sanguine. Après être passé au travers de la barrière intestinale et du foie (à gauche), le médicament sera présent en partie sous forme inchangée et en partie sous forme biotransformée (à droite). la pharmacodynamie des agents psychopharmacologiques, et plus spécialement ceux d'entre eux qui agissent sur le cerveau, la partie suivante va s'attacher à traiter la pharmacocinétique des antidépresseurs et des thymorégulateurs, ou comment notre organisme agit sur ces substances (Tableau 6-1). Le CYP450 obéit aux principes de la transformation des substrats en paoduits. La Fig. 68 montre comment un antidépresseur est absorbé par la paroi intestinale, transporté jusqu'au foie pour y être biotransformé, puis enfin être excrété de l'organisme. Plus précisément, le CYP450 transforme au niveau de l'intestin et du foie le médicament en un produit biotransformé quand il passe dans la circulation sanguine. Après son passage dans la paroi intestinale et le foie, le médicament existe en partie sous forme inchangée, et en partie sous forme biotransformée (voir Fig. 6-8). Plusieurs systèmes CYP450 ont été identifiés. La Fig. 6-9 montre cinq des plus importantes enzymes participant au métabolisme des antidépresseurs. Il existe plus de 30 enzymes
1. = famille A = sous-type 1 = produit du gène
1'1( ;111ïg 6-9. On connaît plusieurs systèmes enzymatiques CYP450. Cinq des plus importants en ce qui conc.wne le› antidépresseurs et les thymorégulateurs figurent ici.
• 1 SUR 20 POLYMORPHISME GÉNÉTIQUE POUR LE CYTOCHROME P450 2D6 FIGURE 6-10. Tout le monde n'a pas les mêmes enzymes CYP450. Par exemple, 1 Caucasien sur 20 est un métaboliseur lent 2D6 ; il doit métaboliser les médicaments par une autre voie, qui n'est pas aussi efficace.
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208
Psychopharmacologie
DÉMÉTHYLATION intestin
11111
ci
= JRS
4
circulation sanguine_,
= IRN
= CM' = clomipramine
eit - De-Civil - desméthylclomipramine
FIGURE 6-11. Certains antidépresseurs tricycliques, en particulier les amines secondaires comme la clomipramine et l'imipramine, sont des substrats pour le CYP450 IA2. Cette enzyme transforme les tricycliques par déméthylation en métabolites actifs, respectivement la desméthylclomipramine et la désipramine. CYP450 connues, et probablement encore bien d'autres seront découvertes et classifiées. Tout le monde ne possède pas les mêmes enzymes CYP450. On parle dans ce cas de polymorphisme. Par exemple, environ 5 à 10 p. 100 des Caucasiens sont des métaboliseurs lents en ce qui concerne l'enzyme CYP450 2D6 (Fig. 6-10). Ils doivent alors métaboliser les médicaments par des voies détournées qui ne sont pas aussi efficaces que le CYP450 2D6 normal. L'activité d'une autre enzyme CYP450, la 2C19, est réduite d'environ 20 p. 100 chez les Japonais et les Chinois et chez 3 à 5 p. 100 des Caucasiens. CYP450 IA2 Une enzyme CYP450 occupe une place particulièrement importante en ce qui concerne les antidépresseurs. 11 s'agit de la 1A2 (Fig. 6-11 et 6-12). Certains antidépresseurs tricycliques (ATC), et plus spécialement les amines secondaires que sont la clomipramine et l'imipramine (voir Fig. 6-11), sont les substrats de cette enzyme. Le CYP450 1A2 les déméthyle, sans toutefois les inactiver. De fait, les métabolites déméthylés des ATC {par exemple la desmethyl, clomipramine et la désipramine) demeurent des produits actifs (voir Fig. 6-12). Le système CYP450 1A2 est bloqué par les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (voir Fig. 6-12). Par conséquent, lorsqu'on administre de la fluvoxamine en association avec des médicaments métabolisés par la 1A2, on réduit l'efficacité de leur métabolisation. Prenons comme exemple d'interaction potentiellement non négligeable ce
Antidépresseurs classiques, ISRS et IRN
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= fluvoxamine FIGURE 6-12. La fluvoxamine, un ISRS, est un puissant inhibiteur de l'enzyme CYP450 1A2. qui se produit lorsque la fluvoxamine est associée à la théophylline (Fig. 6-13). La posologie de cette dernière doit absolument être réduite sous peine d'une élévation de ses taux plasmatiques pouvant entraîner des effets indésirables tels qu'une toxicité ou des crises d'épilepsie. La même chose peut se produire avec la caféine. La fluvoxamine peut également modifier le métabolisme de certains neuroleptiques atypiques.
CYP450 2D6 Il s'agit d'une autre enzyme importante en ce qui concerne les antidépresseurs. Les antidépresseurs tricycliques sont les substrats de la 2D6 qui les hydroxyle et ainsi les inactive (Fig. 6-14). Plusieurs antidépresseurs de la classe des ISRS sont-des inhibiteurs du CYP450 2D6 (Fig. 6-15). La puissance d'inhibition de la 2D6 par les cinq ISRS-est .très différente d'un produit à l'autre, la paroxétine et la fluoxétine étant les plus puissantes, à l'inverse de la fluvoxamine, de la sertraline et du citalopram. Une des interactions les plus importantes pouvant se produire à travers l'inhibition de la 2D6 est l'augmentation des taux plasmatiques des ATC lorsqu'ils sont prescrits en association ou qu'il y a changement d'un ATC au profit d'un ISRS. Les ATC sont des substrats de la 2D6 (voir Fig. 6-14) alors que les ISRS l'inhibent (voir Fig. 6-15) ; par conséquent, leur administration concomitante va augmenter les taux de l'ATC éventuellement jusqu'à un niveau toxique (Fig. 6-16). L'association d'un ATC avec un ISRS nécessite donc un suivi des taux
210
Psychophatinacoloffic
intestin
circulation sanguine
0 -7 °ôO 0,
= théophylline FIGURE 6-13. La théophylline est un substrat du CYP450 1A2. Ainsi, en présence de fluvoxamine (inhibiteur 1A2), les taux de théophylline augmentent. La posologie de cette dernière doit donc être réduite afin d'éviter des effets indésirables. plasmatiques de l'ATC et éventuellement la réduction de sa posologie. Le CYP450 21D6 interagit également avec les neuroleptiques atypiques. CYP450 3A4 Il s'agit de la troisième importante enzyme vis-à-vis des antidépresseurs et des thymorégula teurs. Certaines benzodiazépines (par exemple, l'alprazolam et le triazolam) sont aussi des substrats de la 3A4 (Fig. 6-17). Certains antidépresseurs sont des inhibiteurs 3A4, au rang desquels se trouvent les ISRS fluoxétine et fluvoxamine, et un autre antidépresseur, la néfazodone (Fig. 6-18). L'administration d'un substrat de la 3A4 avec un inhibiteur 3A4 va augmenter les taux du substrat. La fluoxétine, la fluvoxamine ou le•néfazodone, par exemple, vont augmenter les taux de l'alprazolam ou du triazolam, ce qui nécessitera une réduction posologique de ces benzodiazépines (voir Fig. 6-18). 441 D'autres médicaments, non psychotropes, sont aussi des substrats (voir Fig. 6-17) ou des inhibiteurs (voir Fig. 6-18) de la 3A4. Il est important de comprendre les conséquences que peut avoir la coadministration de psychotropes qui sont soit substrats, soit inhibiteurs 3A4, avec d'autres médicaments eux-mêmes substrats ou inhibiteurs 3A4. En particulier, des substrats 3A4 tels que le cisapride, la terfénadine et l'astémizole doivent à tout prix être métabolisés sous risque d'accumulation .jusqu'à des taux toxiques puis apparition de conséquences cardiovasculaires telles que l'allongement de l'intervalle QT et la mort subite. Ces
Antidépresseurs classiques, ISRS et IRN
2I1
HYDROXYLATION intestin
circulation sanguine
ATC
;lGURE 6-14. Les antidépresseurs tricycliques (ATC) sont des substrats du CYP450 2D6, qui les hyxyle et les inactive. produits ne doivent donc pas être associés à un inhibiteur 3A4 en raison de ce risque potentiel, et l'utilisation de la fluoxétine, de la fluvoxamine ou de la néfazodone avec des substrats 3A4 doit être évitée. Les modifications de l'activité 3A4 agissent également sur les taux des neuroleptiques atypiques. licteurs CYP450 Pour finir, II faut savoir que les médicaments peuvent non seulement être des substrats ou des inhibiteurs des enzymes du CYP450, mais aussi des inducteurs. Un inducteur augmente l'activité d'une enzyme au-delà de son activité physiologique en induisant la synthèse de nombreuses copies de cette enzyme. La carbamazépine (anticonvulsivant et thymorégulateur) qui prolonge l'activité 3A4 en constitue un bon exemple (Fig. 6-19). Un autre exemple d'induction du système enzymatique CYP450 est celui du tabagisme, qui prolonge l'activité 1A2 (Fig. 6-20). Les conséquences d'une telle induction sont que les substrats de l'enzyme en question vont être métabolisés de façon plus efficace et prolongée, ce qui provoque la chute de leurs taux plasmatiques. La posologie de ces substrats doit donc être augmentée de manière prolongée afin de compenser ce phénomène. La carbamazépine, par exemple, est tout à la fois substrat et inducteur 3A4. Donc lorsque le traitement devient chronique, il y a induction de la 3A4 et chute des taux sanguins de carbamazépine (voir Fig. 6-19). Si l'on n'identifie pas ce phénomène et que l'on n'augmente pas la posologie de la carbamazépine en compensation, on n'obtiendra pas d'effet anticonvulsivant ni thymorégulateur et Ies symptômes réapparaîtront.
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Psychopharmacologie
c
l» = ISRS
FIGURE 6-15. Certains inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) sont des inhibiteurs du CYP450 2D6. La fluoxétine et la paroxétine sont de puissants inhibiteurs de la 2D6, tandis que la fluvoxamine, la sertraline et le citalopram sont de faibles inhibiteurs. Que se passe-t-il lorsqu'on interrompt les inducteurs CYP450 ? Si par exemple on cesse de fumer, les taux des substrats 1A2 vont augmenter. Si on arrête la carbamazépine, les concentrations plasmatiques de n'importe quel médicament par ailleurs substrat 3A4 coadministré vont augmenter. On trouvera une vue d'ensemble de l'action des antidépresseurs sur les différents systèmes enzymatiques CYP450 dans le Tableau 6—II. Il ne s'agit pas d'une liste exhaustive, et la discussion doit s'arrêter à un niveau conceptuel, et laisse de côté d'importantes considérations qu'un prescripteur est tenu de connaître. À notre époque où tout change rapidement, la seule façon de procéder est de consulter continuellement les mises à jour sur les interactions médicamen_ teuses et sur la conduite à tenir face à de telles interactions. En résumé (Tableau 6—III), de nombreuses interactions médicamenteuses imposent l'ajustement des posologies d'un des médicaments prescrits. Un certain nombre d'associations sont carrément proscrites. Un grand nombre d'interactions médicamenteuses sont significatives sur le plan statistique, mais pas sur le plan clinique. Le praticien expérimenté, prescripteur d'antidépresseurs, doit donc appren_ dre à déterminer si une interaction donnée a ou non une valeur clinique. ti
Antidépresseurs classiques : inhibiteurs de la monoamine oxydase et antidépresseurs tricycliques Inhibiteurs de la monoamine oxydase
Les premiers antidépresseurs efficaces à avoir été découverts furent les inhibiteurs de la monoamine oxydase (MAO) (Tableau 6—IV et voir Fig. 5-15,6-3 et 6-4). Leur découverte est le fruit du hasard : un antituberculeux améliorait la dépression parfois associée à une tubercu-
Antidépresseurs classiques, ISRS et IRN
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PAS D'HYDROXYLATION intestin
(4-2
circulation sansuine
ATC]
FIGURE 6-16. Si un antidépresseur tricydique (ATC) est prescrit en même temps qu'un inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (ISRS), ce dernier empêchera le métabolisme de l'ATC. Les taux de l'ATC vont augmenter et risquent de devenir toxiques. Par conséquent, il faut surveiller les concentrations plasmatiques de l'ATC, ou réduire ses doses, ou éviter cette association. lose. On découvrit bientôt que cet antituberculeux-antidépresseur inhibait l'enzyme MAO. On s'aperçut rapidement que son effet inhibiteur de la MAO était indépendant de son action antituberculeuse et que c'était cet effet biochimique immédiat qui était responsable de son activité antidépressive. Cette découverte déboucha dès les années 50 et 60 sur la synthèse d'autres médicaments inhibiteurs de la MAO, mais dépourvus de propriétés antituberculeuses. Bien qu'ils soient avant tout d'excellents antidépresseurs, les inhibiteurs de la MAO sont aussi indiqués dans certains troubles anxieux tels que le trouble panique et la phobie sociale. Les premiers inhibiteurs de la MAO sont tous des inhibiteurs irréversibles de cette enzyme, car ils se lient à elle de façon irréversible et détruisent définitivement sa fonction. L'activité de l'enzyme ne réapparaît que lorsqu'une nouvelle enzyme est synthétisée (voir « inhibiteurs suicides » dans le Fig. 5-15,6-3 et 6-4). On appelle parfois ces substances sens où une fois que l'inhibiteur est lié à l'enzyme, cette dernière se suicide puisqu'elle ne peut plus fonctionner et qu'il faut attendre la synthèse d'une nouvelle enzyme protéique par l'ADN neuronal situé dans le noyau cellulaire. Il existe deux sous-types, A et B, de MAO. Tous deux sont inhibés par les inhibiteurs classiques de la MAO, qui sont par conséquent appelés non sélectifs. La forme A métabolise les neurotransmetteurs monoaminergiques les plus étroitement liés à la dépression (sérotonine et noradrénaline).
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Psychopharmacologie
intestin substrat
circulation sanguine substrat
40(
O
= cisapride FIGURE 6-17. Les benzodiazépines alprazolam et triazolam sont des substrats du CYP450 3A4. Le pride et l'astémizole, des médicaments non psychotropes, sont également substrats de 3A4.
Elle métabolise aussi les amines impliquées dans le contrôle de la pression artérielle (noradrénaline). On pense que la forme B transforme certaines amines, les protoxines, en toxines qui peuvent endommager le neurone. En raison de ces observations, l'inhibition de la MAO d'une part et l'action antidépressive et les effets indésirables de type hypertensif d'autre part semblent liés. L'inhibition de la MAO B est associée à la prévention des processus neurodégénératifs, comme la maladie de Parkinson. Deux avancées récentes concernent les inhibiteurs de la MAO. Il s'agit en premier lieu de la mise au point d'inhibiteurs sélectifs de la MAO A ou de la MAO B. L'autre progrès est le développement d'inhibiteurs sélectifs et réversibles. Les implications de ces découvertes sont nombreuses. Une des propriétés les plus gênantes des inhibiteurs-de la MAO classiques irréversibles et non sélectifs est que les amines fournies par l'alimentation peuvent induire des poussées tensionnelles dangereuses. Normalement, les amines alimentaires sont métabolisées par la MAO avant de pouvoir augmenter la tension artérielle, ce qui écarte tout danger (Fig. 6-21 et 6-22). Toutefois, lorsque la MAO A est inhibée, il existe un risque d'élévation brutale et importante de la pression artérielle avec risque d'hémorragie intracérébrale et de mort après ingestion de certains aliments ou boissons contenant de la tyramine (Fig. 6-23). On peut contrôler ce risque par un régime qui supprime les aliments dangereux et en évitant certaines associations médicamenteuses .[par exemple, l'antalgique mépéridine (NdT : non disponible en France), les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, les sympatho-
Antidépresseurs classiques, ISRS et IRN
intestin
215
circulation san.. .uine p0 0 0 _‘
H
00
°O
C:3 0
inhibiteur 44=
kétoconazole• érythromycine néfazodone fluvoxamine fluoxétine
FIGURE 6-18. Les antidépresseurs fluoxétine, fluvoxamine et néfazodone sont tous des inhibiteurs du CYP450 3A4. Des médicaments non psychotropes comme le kétoconazole, l'érythromycine et les inhibiteurs des protéases sont des inhibiteurs encore plus puissants. Si un inhibiteur 3A4 est associé au cisapride ou à l'astémizole, les taux de ces substrats peuvent augmenter jusqu'à des doses toxiques. Il ne faut donc pas associer la fluoxétine, la fluvoxamine ou la néfazodone avec le cisapride ou l'astémizole. mimétiques]. Le risque de crise hypertensive, la contrainte du régime et la vigilance vis-à-vis des associations médicamenteuses sont donc le prix à payer pour bénéficier de l'effet thérapeutique des inhibiteurs de la MAO. Dans le cas des inhibiteurs de la MAO B, l'inhibition de la MAO A est insignifiante. Du coup, il n'y a pas de risque d'hypertension liée aux amines alimentaires. Les patients traités avec un inhibiteur de la MAO B, destiné à freiner la progression de la maladie de Parkinson, n'ont donc pas besoin de suivre un régime. D'autre part, les inhibiteurs de la MAO B n'ont pas de propriétés antidépressives aux doses ofi ils restent sélectifs pour la MAO B. Une nouvelle classe d'inhibiteurs de la MAO est apparue dans la gamme thérapeutique de la dépression : les inhibiteurs réversibles de la MAO A (ou reversible inhibitors of MAO A, RIMA). Ces nouveaux traitements sont les bienvenus car l'inhibition de la MAO A est beaucoup plus sûre et n'induit pas d'épisodes hypertensifs tels que mentionnés plus haut après ingestion d'aliments riches en tyramine (fromage, par exemple), puisque le fameux effet fromage survient uniquement lorsque la fyramine contenue dans l'alimentation provoque la libération de noradrénaline et d'autres amines syinpathomimétiques (voir Fig. 5-23). Lorsqu'une MAO est inhibée de façon irréversible, les taux de ces amines augmentent dan-
TRAITEMENT AIGU „itestin
circulation san uine
e
intestin
TRAITEMENT CHRONIQUE circulation san,mine
o
carbamazépine
FIGURE 6-19. La carbamazépine, anticonvulsivant et thymorégulateur, est un substrat du CYP450 3A4. Elle peut aussi induire le métabolisme de la 3A4 en provoquant une synthèse supplémentaire de copies de cette enzyme. Par conséquent, avec le temps, les doses de carbamazépine doivent être augmentées afin de compenser cette augmentation de son métabolisme.
FIGURE 6-20. Le tabac provoque l'induction de l'activité du CYP450 1A2. Chez un fumeur, il est nécessaire d'augmenter les doses de tout substrat 1A2. À l'inverse, il est nécessaire de réduire les dos tout substrat 1A2 si le sujet arrête de fumer. 216
IIII
Antidépresseurs classiques, ISRS et IRN
217
'.- Tableau 6—II. Potentiel d'inhibition des systèmes enzymatiques CYP450 par les antidépresseurs Niveau relatif
1A2
2C9/19
2D6
Élevé
fluvoxamine
fluvoxamine fluoxétine
Modéré à faible
ATC tertiaires fluoxétine paroxétine venlafaxine bupropion citalopram réboxétine mirtazapine sertraline néfazodone
sertraline fluoxétine
ATC secondaires
venlafaxine bupropion citalopram réboxétine mirtazapine
venlafaxine bupropion citalopram réboxétine mirtazapine sertraline néfazodone fluvoxamine
Faible à minime
néfazodone
' paroxétine fluoxétine
3A4
fluvoxamine néfazodone fluoxétine sertraline TCA paroxétine venlafaxine bupropion citalopram réboxétine mirtazapine
paroxétine
Tableau
Pharmacocinétique : résumé
Quelques associations doivent être évitées. Plusieurs associations nécessitent une adaptation posologique d'un des médicaments. De nombreuses interactions médicamenteuses sont statistiquement significatives, mais insignifiantes sur le plan clinique.
Tableau 6—IV. Inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO) IMAO classiques (irréversibles et non sélectifs) phénelzine (Nardii®) tranylcypromine (Parnate®) isocarboxazide (Marplan®) NdT iproniazide (F : Marsilidn) IMAO A sélectifs réversibles (RIMA) moclobémide (Aurorix® - F : Moclamine®) IMAO B sélectifs sélégiline ou déprényl (Selegiline®, Eldepryl® F : Déprényl®) F = équivalent français (NdT).
gereusement car elles ne sont plus détruites par la MAO. La pression artérielle fait un bond et parfois même entraîne la rupture d'un vaisseau dans le cerveau. Voyons maintenant les inhibiteurs réversibles de la MAO. Si l'on mange du fromage, la tyramine va toujours libérer les amines sympathomimétiques, mais celles-ci vont éloigner l'inhibiteur réversible de l'enzyme MAO, et les amines dangereuses seront donc détruites (Fig. 6-24). C'est une manière d'avoir le beurre (ou le fromage !) et l'argent du beurre. Les inhibiteurs réversibles ont les mêmes propriétés thérapeutiques que les inhibiteurs suicides, mais sont dépourvus du risque d'effet fromage pour un patient qui mangerait par inadvertance un aliment riche en tyramine.
218
Psychopharmacologie
ENZYME MAO DÉTRUISANT LA NA POMPE DE RECAPTU R E DE LA NA
Synthèse et destruction normales de la NA
O
SUBSTANCI INACTIVE NORADRÉNALINE RÉCEPTEUR NA
FIGURE 6-21. Cette figure représente le processus normal de synthèse et de destruction de la noradrénaline (NA). La monoamine oxydase (MAO) est l'enzyme qui normalement détruit la NA afin de maintenir un équilibre.
En plus de leur action sur la dépression, les inhibiteurs de la MAO sont indiqués en seconde intention dans les troubles anxieux, tels que le trouble panique et la phobie sociale, tandis que les RIMA permettent de rendre bien plus sûr le traitement. En ce qui concerne les futurs IMAO, certains obtiendront sans doute leur agrément en tant qu'antidépresseurs. Pour des raisons purement commerciales, le moclobémide, disponi. ble dans de nombreux pays (NdT : dont la France), ne semble pas devoir l'être aux ÉtatsUnis. Autre RIMA pourtant prometteur, la brofaromine ne sera vraisemblablement disponible dans aucun pays. Toutefois, les essais cliniques sur la béfloxatone avancent et il existe encore d'autres RIMA en développement, dont le RS-8359, la cimoxatone et la toloxatone
Antidépresseurs tricycliques Les antidépresseurs tricycliques (Tableau 6—V) sont ainsi nommés en raison de leur structure chimique organique à trois noyaux (Fig. 6-25). Ils ont été synthétisés à peu près à la même période que d'autres molécules à trois noyaux qui à ce moment-là s'avéraient être des pro. duits efficaces dans la schizophrénie (les premiers neuroleptiques telle la chlorpromazine) (Fig. 6-26). Malgré leur structure à trois noyaux, ils se révélèrent inefficaces dans le traitement de la schizophrénie et faillirent être abandonnés. Toutefois, lors des essais dans la schi-
Antidépresseurs classiques, ISRS et IRN
219
La tyramine d'origine alimentaire (fromage par exemple) augmente la libération de NA (1) dont l'excès est détruit par la MAO (2)
v
FIGURE 6-22. La tyramine est une amine présente dans l'alimentation, le fromage en particulier. Ici, nous voyons comment la tyramine (représentée sous forme d'un morceau de fromage) agit pour augmenter la libération de noradrénaline (NA) (cercle rouge 1). Dans les circonstances normales, l'enzyme monoamine oxydase (MAO) détruit promptement l'excès de NA libérée par la tyramine ; il n'y a aucun dommage (cercle rouge 2).
zophrénie, on s'aperçut de leurs propriétés antidépressives. Ce sont des cliniciens attentifs qui ont fait cette découverte au sein d'une population de schizophrènes. Les effets antidépresseurs de ces tricycliques ont donc été inventés grâce à l'habileté de certains cliniciens à faire des découvertes dans les années 50 et 60, et ont fini par être commercialisés comme antidépresseurs. Longtemps après la mise en évidence de leurs propriétés antidépressives, le blocage de la pompe de recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, et à un moindre degré de la dopamine, fut mis en évidence (voir Fig. 5-16, 6-5 et 6-6). Certains tricycliques inhibent davantage la pompe de recapture de la sérotonine (clernipramine, par exemple) ; d'autres sont plus sélectifs pour la noradrénaline que pour la sérotonine (désipramine, maprotiline, nortriptyline, protriptyline, par exemple). La plupart cependant bloquent autant la recapture de la sérotonine que de la noradrénaline. Presque tous les antidépresseurs tricycliques ont au moins trois autres propriétés et bloquent les récepteurs muscariniques, les récepteurs histaminergiques H1 et les récepteurs adrénergiques alpha 1 (Fig. 6-27). Alors que l'on considère que les effets thérapeutiques de ces médicaments passent par le blocage de la pompe de recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (Fig. 6-28 et 6-29), les trois autres propriétés pharmacologiques sont supposées à l'origine des effets indésirables (Fig. 6-30, 6-31 et 6-32). Certains antidépresseurs tricycliques
220
Psychopharmacologie
L'INHIBITEUR MAO EMPÊCHE L'ENZYME DE DÉTRUIRE LA NA
A
Ao
ci, la tyramine augmente la libération de NA (1). L'inhibiteur irréversible de la MAO empêche la MAO de détruire la NA (2). L'augmentation de NA crée un risque d'élévation dangereuse de la pression artérielle (3).
FIGURE 6-23. La tyramine libère la noradrénaline (NA) (cercle rouge I) comme dans la Fig. 6-9. Cette fois, cependant, la monoamine oxydase (MAO) a aussi été inhibée par un inhibiteur de la MAO irréversible. La MAO ne peut plus détruire la NA (flèche 2). Comme nous l'avons vu dans la Fig. 6-3, cette inhibition de la MAO provoque l'accumulation de NA. Mais lorsqu'une telle inhibition a lieu en présence de tyramine, il se produit une très grande accumulation de NA (cercle rouge 3) pouvant induire une augmentation dangereuse de la pression artérielle. peuvent aussi bloquer les récepteurs de la sérotonine 2A, ce qui contribuerait à leurs propriétés thérapeutiques. Le blocage des récepteurs sérotoninergiques 2A sera vu dans le Chapitre 7. Les antidépresseurs tricycliques par ailleurs bloquent également les canaux sodiques au niveau du coeur et du cerveau, ce qui peut être à l'origine d'arythmie voire d'arrêt cardiaque en cas de surdosage, comme de crises comitiales. En ce qui concerne les propriétés thérapeutiques des antidépresseurs tricycliques, elles passent essentiellement par la modulation allostérique du processus de recapture du neurotransmetteur. Il s'agit plus précisément d'une modulation allostérique négative. Une fois que le neurotransmetteur noradrénergique ou sérotoninergique s'est lié à son site sélectif sur le récepteur, il est normalement transporté vers le neurone présynapttque de façon rétrograde, comme nous l'avons vu dans le Chapitre 5 (voir Fig. 5-16). Toutefois, lorsque certains antidépresseurs se fixent à un site allostérique proche du transporteur pour le neurotransmetteur, ce dernier n'est plus capable de se lier à cet endroit, ce qui bloque sa recapture synaptique (voir Fig. 6-28 et 6-29). Par conséquent, la noradrénaline et la sérotonine ne peuvent plus être recapturées par le neurone présynaptique. En ce qui concerne les effets indésirables des antidépresseurs tricycliques (voir Tableau 6V), le blocage des récepteurs alpha 1 adrénergiques induit hypotension orthostatique et vertige (voir Fig. 6-30). Les effets anticholinergiques au niveau des récepteurs cholinergiques muscariniques provoquent sécheresse buccale, vision floue, rétention urinaire, constipation
Dans le cas d'un inhibiteur réversible de la MAO (1), la NA libérée par la tyramine déplace le RIMA (2), ce qui permet la destruction normale de la NA supplémentaire (3).
FIGURE 6-24. Association d'un inhibiteur de la monoamine oxydase (MAO) et de la tyramine. Cette fois, l'inhibiteur de la MAO A est réversible (RIMA). Contrairement à ce qui se passe dans la Fig. 6-23, l'accumulation de noradrénaline (NA) induite par la tyramine (cercle rouge 1) peut chasser le RIMA de la MAO (flèche 2). La MAO, désormais dépourvue de son inhibiteur, peut tout simplement faire son travail, qui consiste à détruire la NA (cercle rouge 3) et empêcher une accumulation dangereuse de NA. Une telle réversibilité n'est possible qu'avec les RIMA et absolument pas avec les inhibiteurs de la MAO classiques (qui sont totalement irréversibles).
Tableau 6—V. Antidépresseurs trirycliques Clomipramine (Anafranil® - F : Anafranil®) Imipramine (Tofranil® - F : Tofranil®) Amitriptyline (Elavil®, Endep®, Tryptizol®, Laroxyl® - F Laroxyl®) Nortriptyline (Pamelor®, Noratrene)-Protriptyline (Vivactil®) Maprotiline (Ludiomil® - F : Ludiomil®) Arnoxapine (Asendin® - F : Défanyl®) Doxépine (Sinequan®, Adapin® - F : Quitaxon®, Sinéquan®) Désipramine (Norpramin®, Pertofran® - F : Pertofran®) Trimipramine (Surmontil® - F : Surmontil®) F = équivalent français (NdT).
221
222
Psychopharmacologie
FIGURE 6-25. Structure chimique d'un antidépresseur tricyclique (ATC). Les trois noyaux expliquent le nom de ces médicaments.
et troubles de la mémoire (voir Fig. 6-31). Le blocage des récepteurs histaminergiques HI entraîne sédation et prise de poids (voir Fig. 6-32). Notons au passage que le terme antidépresseur tricyclique est devenu obsolète car les antidépresseurs qui bloquent la recapture des amines biogènes ne sont plus tous tricycliques, les nouveaux produits pouvant avoir une structure à un, deux, trois, voire quatre noyaux. De plus, les antidépresseurs tricycliques ne sont pas seulement des antidépresseurs puisque certains ont des effets anti-obsessions-compulsions et d'autres des effets antipanique. Comme pour les inhibiteurs de la MAO, les antidépresseurs tricycliques sont devenus des produits de seconde intention dans le traitement de la dépression en Amérique du Nord et en Europe. Ils sont toutefois encore largement utilisés, et demeurent les antidépresseurs les plus prescrits dans certains pays, tels que l'Allemagne et les pays d'Amérique latine, ainsi que dans le Tiers Monde, où le prix de leurs génériques les rend moins chers que les nouveaux antidépresseurs toujours sous brevet.
Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine Ce que cinq médicaments ont en commun
Les ISRS forment une classe de médicaments comprenant cinq membres éminents qui représentent la majorité des prescriptions d'antidépresseurs aux États-Unis et dans plusieurs autres pays. Ce sont la fluoxétine, la sertraline, la paroxétine, la fluvoxamine et le citalopram (Tableau 6—VI). Bien que chacun des cinq appartienne à une famille-chimique distincte, ils ont en commun certaines caractéristiques pharmacologiques majeures. Il s'agit d'une inhibition sélective et puissante de la recapture de la sérotonine, prévalente par rapport à leurs effets sur la recapture de la noradrénaline, ou sur les récepteurs alpha 1, histaminergiques 1 ou cholinergiques muscariniques. Ils n'ont par ailleurs pratiquement aucun effet de blocage des canaux sodiques, même lors d'un surdosage. Ce concept simple d'inhibition sélective de la recapture de la sérotonine est représenté dans les Fig. 6-33 et 6-34. Les ISRS partagent donc d'importantes caractéristiques qui les différencient des antidépresseurs tricycliques qu'ils ont grandement remplacés en pratique clinique. Ils sont plus puissamment et sélectivement inhibiteurs de la recapture de la sérotonine que ces derniers.
FIGURE 6-26. Formule chimique générale des phénothiazines. Ces neuroleptiques possèdent également trois noyaux ; les premiers antidépresseurs sont dérivés de tels produits.
L'antidépresseur tricyclique a cinq actions : blocage de la recapture de la sérotonine, blocage de la recapture de la noradrénaline, blocage des récepteurs noradrénergiques alpha 1, blocage des récepteurs de l'histamine H1 et blocage des récepteurs cholinergiques muscariniques. FIGURE 6-27. Icône d'un antidépresseur tricyclique (ATC). 11 s'agit de cinq produits en un : (1) un inhi-
biteur de la recapture de la sérotonine (IRS) ; (2) un inhibiteur de la recapture de la noradrénaline (IRN) ; (3) une substance anticholinergique antimuscarinique (1\41) ; (4) un antagoniste alpha adrénergique (alpha) ; et (5) un antihistaminique (Hl). 223
IRS INSÉRÉ
amélioration de la dépression
FIGURE 6-28. Action thérapeutique des antidepresseurs tricycliques, première partie. Ici, la portion inhibitrice de la recapture de la sérotonine (IRS) de l'ATC est insérée dans la pompe de recapture de la sérotonine, ce qui la bloque et induit l'effet antidépresseur.
IRN inséré
V J5' '7V p
amélioration de la dépression
— récepteur NA
FIGURE 6-29. Action thérapeutique des antidepresseurs tricycliques, seconde partie. Ici, la portion inhibitrice de la recapture de la noradrénaline (IRN) de l'ATC est insérée dans la pompe de recapture de la noradrénaline, ce qui la bloque et induit l'effet antidépresseur. Ainsi, la portion « recapture de la sérotonine » (voir Fig. 6-28) et la portion IRN de l'ATC ont pharmacologiquement un effet antidépresseur. 224
Antidépresseurs classiques, ISRS et IRN
225
HI INSÉRÉ
prise de poids
somnolence
récepteur H1
FIGURE 6-30. Effets indésirables des antidépresseurs tricycliques, première partie. Ici, la portion antihistaminique (Hl) de l'ATC est insérée dans le récepteur de l'histamine, ce qui induit les effets indésirables à type de prise de poids et somnolence. constipation
vision floue
Mi INSÉRÉ
bouche sèche
somnolence
FIGURE 6-31. Effets indésirables des antidépresseurs tricycliques, deuxième partie. Ici, la portion endcholinergique/antimuscarinique (M1) de l'ATC est insérée dans le récepteur de l'acétylcholine, ce qui in-
duit les effets indésirables à type de constipation, vision floue, sécheresse buccale et somnolence.
116
En n'ayant pas les propriétés pharmacologiques fâcheuses des antidépresseurs tricycliques, les ISRS n'ont pas leurs effets indésirables (voir Fig. 6-30 à 6-32), en particulier les risques en cas de surdosage. Tandis que la dose de 15 jours de traitement représente une dose létale avec les tricycliques, il est rare que les ISRS entraînent la mort par surdosage.
Mécanismes pharmacologiques et moléculaires de l'action des ISRS Bien que l'action des ISRS au niveau de la terminaison axonale présynaptique ait classiquement été mise en avant (voir Fig. 6-1 à 6-6), les recherches ont récemment démontré que les
226
Psychopharmacologie t
INSÉRÉ
vertige
hypotension artérielle
FIGURE 6-32. Effets indésirables des antidépresseurs tricycliques, troisième partie. Ici, la portion antagoniste alpha adrénergique (alpha) de l'ATC est insérée dans le récepteur alpha adrénergique, ce qui induit les effets indésirables à type de vertige, hypotension et somnolence.
Tableau 6—VI. Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) Fluoxétine (Prozac® - F : Prozac®) Sertraline (Zoloft® - F : Zoloft®) Paroxétine (Paxil® - F : Déroxat®) Fluvoxamine (Luvox®, Feverin®, Dumirox®, Floxyfral® - F : Floxyfral®) Citalopram (Celexa®, Cipramil®, Serostat®, Cipram® - F : Séropram®) F = équivalent français (NdT).
FIGURE 6-33. Icône d'un inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (ISRS). Quatre des cinq propriétés pharmacologiques de l'antidépresseur tricyclique (ATC) ont été supprimées (voir Fig. 6-27). Seule demeure la portion inhibitrice de la recapture de la sérotonine (IRS). L'action IRS est sélective, c'est pourquoi ces produits sont appelés des IRS sélectifs.
Antidépresseurs classiques, ISRS et IRN
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EFFET 1SRS
FIGURE 6-34. La partie inhibitrice de la recapture de la sérotonine (IRS) de la molécule d'ISRS est insérée dans la pompe de recapture de la sérotonine, ce qui la bloque et induit l'effet antidépresseur. Ce processus est similaire à l'une des dimensions de 1'ATC (voir Fig. 6-28). événements qui se produisent au niveau sornatodendritique (près du corps cellulaire) des neurones sérotoninergiques pouvaient être encore plus importants pour expliquer leur action thérapeutique (Fig. 6-35 à 6-38). Il semblerait pourtant que les phénomènes qui ont lieu au niveau du neurone sérotoninergique postsynaptique contrôlent les effets indésirables et leur amélioration au fil du temps (Fig. 6-39). Selon l'hypothèse monoaminergique de la dépression, il existe dans les états dépressifs (voir Fig. 6-35) un déficit en sérotonine, tant au niveau des régions somatodendritiques présynaptiques près du corps cellulaire, que dans la synapse elle-même au niveau de la terminaison axonale. Le taux de décharge du neurone serait diminué. De plus, d'après l'hypothèse des récepteurs des neurotransmetteurs, il se produirait une hypersensibilisation des récepteurs pré- et postsynaptiques. En ce qui concerne l'hypothèse monoaminergique de l'effet retardé des gènes, ces récepteurs seraient incapables de..réaliser la transduction de la liaison au récepteur en une régulation requise des gènes postsynaptiques, tel que celui du facteur neurotrophique BDNF (voir Fig. 5-63 et 6-7). Toutes ces notions sont représentées dans la Fig. 6-35 et montrent comment agissent les ISRS au niveau du neurone sérotoninergique et de ses cibles lorsqu'ils sont administrés à un patient. D'autre part, il est tout à fait possible que le neurone sérotoninergique soit en fait normal, mais que les événements induits par les ISRS compensent des déficits neurochimiques situés ailleurs dans le cerveau. Lorsqu'une dose d'un ISRS est donnée en aigu, la sérotonine augmente en raison du blocage de sa pompe de transport...Il est étonnant de constater que le blocage de la pompe de recapture présynaptique ne provoque pas immédiatement l'apparition de grandes quantités de
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Psychopharmacologie
État dépressif : 5HT abaissée, récepteurs hypersensibilisés, faible quantité de signaux neuronaux pour libérer plus de 5HT FIGURE 6-35. Mécanismes d'action des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), première partie : neurone sérotoninergique d'un patient déprimé. Dans la dépression, on suppose que ce neurone a un déficit relatif en sérotonine. Le nombre de récepteurs de la sérotonine est donc augmenté (hypersensibilisation), que ce soient les autorécepteurs présynaptiques ou les récepteurs postsynaptiques.
sérotonine dans la synapse. En fait, lorsqu'on administre un traitement par ISRS, la sérotonine augmente à un niveau bien plus élevé dans les corps cellulaires au niveau du raphé antérieur que dans les régions cérébrales où l'axone se projette (voir Fig. 6-56). La sérotonine (5HT) 1 augmente d'abord dans les régions somatodendritiques du neurone sérotonitiergique, là où les récepteurs sont de type 5HT1A. Cet effet pharmacologique immédiat n'explique pas, de toute évidence, l'action thérapeutique des ISRS. Toutefois, il peut expliquer les effets indésirables provoqués par ces médicaments en début de traitement. Avec le temps, l'augmentation 5HT au niveau des autorécepteurs somatodendritiques 5HT1A entraîne leur désensibilisation (voir Fig. 6-37). Lorsque l'augmentation de sérotonine est constatée par les récepteurs présynaptiques, l'information est envoyée au noyau cellulaire. Le génome réagit en donnant des instructions pour provoquer la désensibilisation de
Antidépresseurs classiques, ISRS et IRN
229
Action antidépressive : l'antidépresseur bloque la recapture de la 5HT au niveau des dendrites et de l'axone
FIGURE 6-36. Mécanismes d'action des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), deuxième partie. Lors de l'administration d'un ISRS, la pompe de recapture de la sérotonine est immédiatement bloquée (gélule sur le dessin). Mais cela n'induit une augmentation initiale de la sérotonine qu'au niveau des régions somatodendritiques du neurone (à gauche) et pas au niveau de la terminaison axonale (à droite). ces récepteurs, désensibilisation dont l'évolution temporelle est corrélée à la survenue de l'effet thérapeutique des ISRS. Lorsque les autorécepteurs somatodendritiques 5HT1A ont été désensibilisés, la 5HT ne parvient plus à inhiber sa propre libération, le neurone sérotoninergique est donc désensibilisé. Un flot de 5HT est alors libéré par l'axone du fait de l'augmentation de l'influx neuronal (voir Fig. 6-38). C'est donc une autre façon de dire que la sérotonine est de nouveau libérée au niveau de la synapse puisque c'est théoriquement par la sérotonine désormais déversée dans les différentes voies sérotoninergiques cérébrales que passent les différents effets thérapeutiques des ISRS. C'est au moment où les autorécepteurs sonratodendritiques 5HT1A sont désensibilisés que se produit une accumulation de sérotonine dans la synapse entraînant aussi la désensibilisation des récepteurs sérotoninergiques postsynaptiques. Cela a lieu grâce à la reconnaissance de l'augmentation de la sérotonine synaptique par les récepteurs postsynaptiques 2A, 2C, 3 et d'autres encore. Ces derniers, à leur tour, envoient l'information au noyau cellulaire du neurone postsynaptique cible de la sérotonine. Le génome envoie alors des ordres de désensibilisation de ces récepteurs, désensibilisation dont l'évolution est corrélée à la survenue de l'amélioration avec le temps des effets indésirables des ISRS (voir Fig. 6-39). D'après cette théorie, il y a une cascade de mécanismes par lesquels les ISRS exercent leurs effets thérapeutiques, avec désinhibition de la libération de sérotonine dans les voies
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Psychopharmacologie
L'augmentation de la 5HT désensibilise les autorécepteurs (clown regulation)
FIGURE 6-37. Mécanismes d'action des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), troisième partie. L'augmentation de la sérotonine au niveau des régions somatodendritiques du neurone sérotoninergique (voir Fig. 6-36) a pour conséquence la désensibilisation (down regulation) des autorécepteurs somatodendritiques 5HT1A (cercle rouge).
clefs à travers le cerveau. En outre, les effets indésirables seraient probablement dus à l'action aiguë de la sérotonine sur des récepteurs indésirables au niveau de voies indésirables. Pour finir, les effets secondaires pourraient s'atténuer avec le temps grâce à la désensibilisation des mêmes récepteurs qui en sont à l'origine. Cette hypothèse a des corollaires potentiellement palpitants. Premièrement, s'il faut une augmentation finale de la sérotonine au niveau d'une synapse critique pour obtenir l'effet thérapeutique, on peut penser que l'échec à induire ce phénomène peut expliquer pourquoi certains patients ne répondent pas aux ISRS. Ensuite, si de nouveaux médicaments parvenaient à augmenter la sérotonine au bon endroit à une vitesse supérieure, on obtiendrait l'antidépresseur d'action rapide que tout le monde attend. Ce ne sont pour le moment que de simples hypothèses de recherche, mais elles pourraient être à l'origine d'études supplémentaires qui permettraient de clarifier les événements moléculaires qui font le lit de la dépression tout autant que celui de la réponse à un traitement antidépresseur. Voies et récepteurs sérotoninergiques impliqués dans l'action thérapeutique et les effets indésirables des ISRS
Comme nous venons de le voir, les effets thérapeutiques comme les effets indésirables des ISRS passent par une augmentation de la sérotonine au niveau de la synapse, lorsque la recapture est bloquée et que la libération de sérotonine est désinhibée. En général, l'augmentation de la sérotonine dans Ies voies appropriées et au niveau des sous-types de récepteurs cibles conduit à l'action thérapeutique bien connue de ces médicaments. Mais comme les ISRS augmentent les taux de sérotonine pratiquement au niveau de toutes les voies et de tous
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La désensibilisation des autorécepteurs oblige le neurone à libérer plus de 5HT au niveau de son axone
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FIGURE 6-38. Mécanismes d'action des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (1SRS), quatrième partie. Lorsque la désensibilisation des autorécepteurs somatodendritiques a eu lieu (voir Fig. 6-37) il n'y a plus d'inhibition des potentiels d'action du neurone sérotoninergique. L'émission de potentiels d'action est donc « allumée », ce qui entraîne la libération de sérotonine au niveau de la terminaison axonale (cercle rouge). Cette augmentation est toutefois retardée par rapport à ce qui se produit au niveau des régions somatodendritiques du neurone sérotoninergique (voir Fig. 6-36). Ce retard représente le temps nécessaire à la sérotonine somatodendritique pour désensibiliser les autorécepteurs 5HT1A et mettre en route l'émission des potentiels d'action du neurone sérotoninergique. Ce délai explique pourquoi les antidépresseurs ne guérissent pas immédiatement la dépression. On relie ainsi le mécanisme d'action des antidépresseurs à l'augmentation de l'émission des potentiels d'action des neurones sérotoninergiques, avec des taux de sérotonine augmentés au niveau de la terminaison axonale avant l'apparition des effets antidépresseurs. les récepteurs sérotoninergiques, un certain nombre de ces actions seront forcément non voulues et contribueront de fait à la survenue d'effets indésirables. Une meilleure connaissance de la fonction des différentes voies sérotoninergiques et de la distribution des divers sous-types de récepteurs devrait permettre de mieux saisir les effets thérapeutiques comme les effets indésirables que les ISRS partagent en tant que produits de la même classe. En ce qui concerne le substratum anatomique de l'effet antidépresseur, un certain nombre de preuves scientifiques montrent qu'il repose sur les proiections des neurones sérotoninergiques du raphé antérieur vers le cortex frontal (voir Fig. 5-51). Pour ce qui est de l'effet thérapeutique dans la boulimie, la frénésie alimentaire (binge eating) et divers autres désordres des conduites alimentaires, il passerait par les voies sérotoninergiques allant du raphé aux centres hypothalamiques de régulation de l'appétit (voir Fig. 5-55). Puisqu'il semble exister différentes actions thérapeutiques des ISRS en fonction des différentes voies, il n'est pas étonnant de voir que les fonctions thérapeutiques de la sérotonine changent d'une indication thérapeutique à l'autre. C'est ce phénomène qui permettrait de fonder les différents profils des ISRS d'une indication thérapeutique à l'autre. Les différences
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Psychopharmacologie
67.
L'augmentation de 5HT au niveau de l'axone provoque la désensibilisation des récepteurs postsynaptiques, ce qui réduit les effets indésirables
FIGURE 6-39. Mécanismes d'action des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), cinquième partie. Pour finir, lorsque les ISRS ont bloqué la pompe de recapture (voir Fig. 6-36), augmenté la sérotonine somatodendritique (voir Fig. 6-36), désensibilisé les autorécepteurs sérotoninergiques lA somatodendritiques (voir Fig. 6-37), mis en route les potentiels d'action neuronaux (voir Fig. 6-38) et augmenté la libération de sérotonine par la terminaison axonale (voir Fig. 6-38), l'étape finale représentée ici consiste en la désensibilisation des récepteurs de la sérotonine postsynaptiques. Cela a déjà été montré au sujet de l'action des inhibiteurs de la monoamine oxydase (voir Fig. 6-4) et des antidépresseurs tricycliques (voir Fig. 6-6). Cette désensibilisation expliquerait la diminution des effets indésirables des ISRS avec le temps. Tableau 6—VII. Profil antidépresseur des ISRS La dose d'attaque est habituellement la même que la dose d'entretien. La réponse apparaît en 3 à 8 semaines habituellement. La réponse consiste souvent en une rémission complète des symptômes. Les symptômes cibles ne s'aggravent pas lorsque le traitement est instauré. entre l'effet antidépresseur et l'effet antiboulimique, par exempla,._portent sur les posologies différentes, le moment de l'apparition de l'effet thérapeutique et les actions à long terme (Tableaux 6—VII et 6—VIII). Pour ce qui est des effets indésirables des ISRS, la stimulation aiguë d'au moins quatre sous-types de récepteurs de la sérotonine peut en être responsable. Il s'agit des récepteurs 5HT2A, 5HT2C, 5HT3 et 5HT4. Comme les effets indésirables des ISRS sont généralement aigus, apparaissant dès la première dose et tendant à s'atténuer avec le temps, on peut supposer que l'augmentation aiguë de la sérotonine dans la synapse est suffisante pour induire des effets indésirables, mais insuffisante pour entraîner une action thérapeutique (il faut dans ce cas attendre qu'une désinhibition bien plus importante des autorécepteurs provoque leur
Antidépresseurs classiques, ISRS et IRN
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Tableau 6–VIII. Profil antiboulimique des ISRS La dose d'attaque est habituellement supérieure à celle des autres indications. La réponse peut apparaître plus rapidement que dans les autres indications. Le traitement peut ne pas être aussi efficace pour prolonger les effets initiaux que dans les autres indications. La fluoxétine a montré les meilleurs résultats ; elle est douée de propriétés 51-1T2C. Les symptômes cibles ne s'aggravent pas lorsque le traitement est instauré. désensibilisation). Si les récepteurs postsynaptiques par lesquels se produisent les effets indésirables sont désensibilisés, ces derniers s'atténuent ou disparaissent. Vraisemblablement, il y a détection par le génome du neurone cible de l'occupation du récepteur postsynaptique par la sérotonine, et la diminution de l'expression génique de ces récepteurs entraîne la disparition des effets indésirables. Ces derniers semblent impliquer non seulement des sous-types de récepteurs sérotoninergiques spécifiques, mais aussi des localisations anatomiques spécifiques des points d'impact de la sérotonine, en particulier le cerveau, la moelle épinière et l'intestin. La topographie des' sous-types de récepteurs de la sérotonine dans les différentes voies sérotoninergiques peut être une explication à la nature des effets indésirables. Ainsi, la stimulation aiguë des récepteurs 5HT2A et 2C au niveau des projections du raphé sur le cortex limbique peut entraîner une agitation, de l'anxiété ou des attaques de panique, comme cela se voit parfois au tout début d'un traitement par ISRS (voir Fig. 5-54). La stimulation aiguë des récepteurs 5HT2A dans les ganglions de la base peut déclencher — du fait de l'inhibition par la sérotonine de la neurotransmission à ce niveau (voir Fig. 5-53) — des mouvements anormaux de type akathisie (impossibilité de rester en place), ralentissement psychomoteur, voire syndrome parkinsonien léger et mouvements dystoniques. La stimulation des récepteurs 5HT2A des centres du sommeil dans le tronc cérébral peut provoquer des mouvements rapides dits myoclonies au cours de la nuit, interrompre le sommeil lent profond ou augmenter les éveils intranuit (voir Fig. 5-56). La stimulation des récepteurs 5HT2A de la moelle épinière inhibe les réflexes spinaux d'orgasme et d'éjaculation à l'origine des troubles sexuels (voir Fig. 5-57). La stimulation des récepteurs 5HT2A des centres mésocorticaux du plaisir peut réduire leur activité dopaminergique et provoquer de l'apathie (par exemple la guérison apathique dont nous avons parlé dans le Chapitre 5 ; voir Tableau 5-XVIII) et une baisse de libido. La stimulation des récepteurs 5HT3 dans l'hypothalamus et le tronc cérébral peut provoquer des nausées et des vomissements respectivement (voir Fig. 5-58). Enfin, la stimulation des récepteurs 5HT3 et 5HT4 dans le tube digestif peut augmenter la motricité intestinale, provoquer des crampes digestives et de la diarrhée (voir Fig. 5-59). On peut donc vraisemblablement considérer les effets indésirables des ISRS en fonction du type de voies et du type de récepteurs sur lesquels ils agissent. C'est le prix à payer car il est impossible en administrant ces médicaments par voie systémique de n'agir que sur les bonnes voies et les bons récepteurs. Ils agissent partout où ils sont distribués, c'est-à-dire partout dans le cerveau et le reste du corps. Fort heureusement, ces-effets indésirables sont plus une nuisance qu'un danger. De plus, ils s'atténuent avec le temps, bien que parfois ils puissent être à l'origine, chez un certain nombre de patients, de l'abandon prématuré du traitement. Bien que de nombreux autres ISRS que ceux listés dans le Tableau 6-VI aient été synthétisés (en faisant exception des énantiomères de produits comme la fluoxétine et le citalopram), il est peu vraisemblable de voir arriver de nouveaux ISRS en tant qu'antidépresseurs, du fait de l'existence de nombreux autres mécanismes en cours d'expérimentation clinique. En revanche, on pourrait voir arriver des préparations à libération prolongée de produits déjà disponibles, comme la paroxétine et la fluvoxamine.
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Psychopharmacologie La tianeptine représente un mécanisme ISRS nouveau et distinct. Ce produit, disponible en France et en cours d'évaluation aux États-Unis, est paradoxalement un stimulant de la recapture de la sérotonine. Pourra-t-il présenter un dossier suffisamment solide au niveau international ? la question reste ouverte.
Des inhibiteurs de la sérotonine pas si sélectifs que ça : cinq produits uniques ou une seule classe de cinq membres ? Bien que les ISRS partagent les mêmes mécanismes d'action, le même profil thérapeutique et les mêmes effets indésirables, on observe souvent de grosses différences de réponse, pour un patient donné, d'un produit à l'autre. Ce phénomène n'apparaît généralement pas dans les grands essais cliniques où il est difficile de démontrer des différences d'efficacité et de tolérance' entre deux groupes de patients traités par un ISRS différent. Ce sont plutôt les médecins traitants qui peuvent observer, pour un patient donné, une différence de réponse ou d'effets indésirables en fonction de l'ISRS administré. Bien que l'on n'ait généralement pas d'explication unanime pour ces observations cliniques fréquentes, il n'est pas idiot de penser que les caractéristiques pharmacologiques des cinq ISRS, qui ne sont pas strictement superposables, peuvent expliquer la large gamme de réponses individuelles que l'on peut avoir avec ces produits. Cela fait plus de dix ans que les ISRS sont très largement utilisés, ce qui a permis aux pharmacologues de découvrir que ces cinq substances agissent sur d'autres cibles que le transporteur de la sérotonine, et sur diverses enzymes pouvant être importantes pour leur action globale, tant en ce qui concerne leur efficacité que leurs effets indésirables. En réalité, un ISRS provoque des effets sur une large gamme de récepteurs et d'enzymes selon un rapport de un à deux par rapport à sa puissance d'inhibition de la recapture de la sérotonine. De plus, il n'existe pas deux ISRS dotés de caractéristiques pharmacologiques secondaires identiques. On peut ainsi énumérer l'inhibition de la recapture de la noradrénaline, le blocage de la recapture de la dopamine, des effets agonistes sérotoninergiques 2C, des effets anticholinergiques muscariniques, l'interaction avec le récepteur sigma, l'inhibition de l'enzyme nitric oxide synthétase et l'inhibition des enzymes du cytochrome P450 1A2,2D6 et 3A4 (Fig. 6-40). Il reste encore à prouver que ces profils secondaires de liaison jouent un rôle sur la différence d'efficacité et de tolérance pour un patient donné. Néanmoins, tout cela engendre des hypothèses provocantes et fournit aux cliniciens des bases rationnelles pour expliquer aux autorités sanitaires qui tiennent (trop serrés) les cordons de la bourse et cherchent à restreindre l'utilisation de l'un ou l'autre ISRS et leur prouver que « ce ne sont pas exactement les mêmes produits ». Les mécanismes pharmacologiques secondaires possibles de chacun des cinq ISRS sont montrés dans les Fig. 6-41 à 6-45. Ils peuvent conduire à des nuances d'un produit à l'autre et peuvent de ce fait revendiquer un plus ou moins grand nombre d'avantages selon les différents profils des patients. Soulignons une nouvelle fois qu'il ne s'agit là que d'hypothèses qui attendent encore d'être validées. Il n'en reste pas moins que l'on constate chez de nombreux individus de vraies différences entre les cinq ISRS, et que parfois seuls des essais empiriques comparant différents ISRS peuvent permettre d'établir quel médicament convient le mieux à un— patient donné.
Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline Bien que certains antidépresseurs tricycliques (désipramine ou maprotiline, par exemple) bloquent plus puissamment la recapture de la noradrénaline que celle de la sérotonine, il ne s'agit pas pour autant des produits vraiment sélectifs, puisqu'ils bloquent aussi les récepteurs
'Ne: tolérance, au sens d'absence d'effet indésirable. À ne pas confondre avec le phénomène de tolérance qui est la nécessité d'augmenter la dose pour obtenir le même effet et dont il sera question dans le Chapitre 13 consacré aux toxicomanies.
Antidépresseurs classiques, ISRS et IRN
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FIGURE 6-40. Propriétés pharmacologiques secondaires pouvant être associées à l'un des cinq ISRS différents. Il y a non seulement l'inhibition de la recapture de la sérotonine (IRS) mais aussi, pour une moindre part, des effets sur les autres récepteurs des neurotransmetteurs et sur des enzymes, comme l'inhibition de la recapture de la noradrénaline (IRN), l'inhibition de la recapture de la dopamine (IRD), un effet agoniste 5HT2C, un effet antagoniste muscarinique/cholinergique (m-ACH), un effet sigma (sigma) et l'inhibition de la nitric oxide synthétase (NOS), du CYP450 2D6, 3A4 et 1A2.
r FIGURE 6-41. Icône de la fluoxétine, avec l'effet agoniste sérotoninergique 2C, l'inhibition de la recapture de la noradrénaline (IRN), l'inhibition 2D6 et 3A4, en plus de l'inhibition de la recapture de la sérotonine (IRS). alpha 1, histaminergiques 1, cholinergiques muscariniquei", comme d'ailleurs tous les tricycliques. Le seul vrai inhibiteur sélectif de la recapture de la noradrénaline (IRN) est la réboxétine, molécule dépourvue de propriétés de liaison indésirables (Fig. 6-46 et 6-47). La réboxétine est donc le complément logique des ISRS sur le plan pharmacologique, puisqu'elle provoque une inhibition sélective de la recapture de la noradrénaline supérieure à celle de la recapture de la sérotonine, sans pour autant posséder les propriétés de liaison non appropriées des antidépresseurs tricycliques. La découverte de la réboxétine a fait émerger des questions fondamentales : est-ce que le fait d'augmenter la neurotransmission noradrenergique ou d'augmenter la neurotransmission sérotoninergique est à l'origine de variations
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Psychopharmacologie
FIGURE 6-42. Icône de la sertraline, avec l'inhibition de la recapture de la dopamine (IRD) et l'effet sigma, en plus de l'inhibition de la recapture de la sérotonine (IRS).
FIGURE 6-43. Icône de la paroxétine, avec l'effet antagoniste muscarinique/cholinergique (m-ACh), l'inhibition de la recapture de la noradrénaline (IRN), l'inhibition 2D6 et 3A4, en plus de l'inhibition de la recapture de la sérotonine (IRS). dans la réponse clinique ? De plus, est-ce que l'interrelation étroite qui existe entre noradré, naline et sérotonine permet de postuler une quelconque différence entre le fait d'inhiber une pompe plutôt qu'une autre ? Bien que noradrénaline et sérotonine aient des fonctions superposables pour ce qui est de la régulation de l'humeur, l'hypothétique syndrome de déficit noradrénergique n'est pas identique à l'hypothétique syndrome de déficit sérotoninergique (voir Tableaux 5-XXI et 5-XXIII). Tous les patients déprimés ne répondent pas aux ISRS,-pas plus que tous ne répondent aux IRN, bien que nombre d'entre eux puissent répondre à des produits ou des associations qui bloquent à la fois la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline. Plus encore, un grand nombre de patients qui répondent aux bloqueurs de la recapture de la sérotonine n'obtiennent pas une rémission complète. S'ils semblent bénéficier d'une amélioration de l'humeur, ils souffrent cependant d'un syndrome de déficit noradrénergique durable, ce qu'on appelle parfois « réponse apathique aux ISRS » (voir Tableau 5-XVIII). Bien qu'il ne soit pas encore possible de prévoir qui va répondre à un agent sérotoninergique plutôt qu'à un produit noradrénergique — question qui ne peut être tranchée que de façon empirique —, il reste tout de même la notion que les patients souffrant d'un syndrome
Antidépresseurs classiques, ISRS et IRN
fluvoxamine
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IRS
FIGURE 6-94. Icône de la fluvoxamine, avec l'effet sigma, l'inhibition sérotoninergique 1A2 et 3A4, en plus de l'inhibition de la recapture de la sérotonine (IRS).
FIGURE 6-45. Icône du citalopram, relativement sélectif de l'inhibition de la recapture de la sérotonine (1RS).
FIGURE 6-46. Icône d'un inhibiteur sélectif de la recapture de la noradrénaline (IRN).
de déficit sérotoninergique (c'est-à-dire, dépression associée à de l'anxiété, un trouble pani-
que, des phobies, un état de stress post-traumatique, des obsessions, des compulsions ou des troubles de la conduite alimentaire) sont plus susceptibles de répondre aux antidépresseurs sérotoninergiques. Cette hypothèse repose sur l'efficacité des antidépresseurs sérotoninergiques non seulement sur la dépression, mais également sur le trouble obsessionnel-compulsif, les troubles de la conduite alimentaire, le trouble panique, la phobie sociale, et même l'état
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Psychopharmacologie
Action IRN SÉLECTIVE
FIGURE 6-47. La partie inhibitrice de la recapture de la noradrénaline (IRN) d'une molécule sélective INR est insérée dans la pompe de recapture de la noradrénaline, ce qui la bloque et induit l'effet antidépresseur,
de stress post-traumatique, tandis qu'ils n'y a que peu ou pas de données concernant l'efficacité des antidépresseurs noradrénergiques sur ces mêmes troubles. D'autre part, les patients atteints d'un syndrome de déficit noradrénergique (c'est-à-dire, dépression avec fatigue, atteinte marquée de la concentration, difficultés à être attentif et à soutenir l'attention, ralentissement des processus de traitement de l'information et déficit de la mémoire de travail) devraient théoriquement répondre plus particulièrement aux produits noradrénergiques. Mais comme les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline n'ont été découverts que récemment, cette théorie ne s'appuie que sur la recherche chez l'animal. Il faudra attendre les résultats des recherches en cours pour obtenir une confirmation de cette approche en pratique clinique. Néanmoins, si l'on se rappelle que les ISRS ont d'abord été introduits comme antidépresseurs et que leurs indications thérapeutiques n'ont été que secondairement étendues, entre autres applications, à un ensemble de troubles anxieux, on peut aussi s'attendre pour.les IRN à une extension des indications au-delà de la seule dépression. Par exemple, d'autres considérations issues des travaux précliniques suggè-
Antidépresseurs classiques, ISRS et IRN
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Tableau 6—IX. Profil thérapeutique potentiel de la réboxétine Dépression Fatigue Apathie Ralentissement psychomoteur Déficit de l'attention et perturbation de la concentration Troubles (non limités à la dépression) caractérisés par un ralentissement des fonctions cognitives comme un déficit de la mémoire de travail et de la vitesse de traitement de l'information
rent que l'augmentation des taux de noradrénaline pourrait améliorer le fonctionnement social global et les capacités de travail à travers une action sur le retard psychomoteur, la fatigue et l'apathie (Tableau 6—IX). Cette augmentation pourrait même stimuler les fonctions cognitives dans des troubles non dépressifs caractérisés par un déficit de l'attention et de la mémoire, comme la maladie d'Alzheimer, le trouble déficitaire de l'attention et les anomalies cognitives de la schizophrénie (voir Tableau 6—IX). Ce que l'on sait des premiers essais sur la réboxétine est que ce médicament possède une efficacité au moins comparable à celle des antidépresseurs tricycliques et des ISRS. La réboxétine pourrait, de plus, améliorer spécifiquement le fonctionnement social, peutêtre en transformant les répondeurs partiels en répondeurs « complets ». En outre, la réboxétine serait efficace dans la dépression sévère, dans les dépressions n'ayant pas répondu à d'autres antidépresseurs et comme traitement complémentaire des antidépresseurs sérotoninergiques lorsqu'un mécanisme de neurotransmission double est requis face à un cas difficile. Les effets thérapeutiques et les effets indésirables des IRN passent par des voies et des récepteurs noradrénergiques spécifiques. Comme nous l'avons vu plus haut pour les ISRS, un ensemble comparable d'actions de la noradrénaline sur divers récepteurs et voies noradrénergiques dans le cerveau et le reste du corps expliquerait aussi bien leurs effets thérapeutiques que leurs effets indésirables. Autrement dit, l'augmentation des taux de noradrénaline au niveau des synapses et des récepteurs appropriés serait responsable des propriétés thérapeutiques des IRN sélectifs. Leurs effets indésirables seraient liés à l'augmentation de la noradrénaline à des endroits non désirés et représentent le « prix à payer » puisque ces produits augmentent la noradrénaline au niveau de pratiquement toutes les voies et tous les récepteurs noradrénergiques. Une meilleure connaissance des fonctions de ces voies et de la répartition des sous-types de ces récepteurs devrait nous permettre de mieux comprendre les effets thérapeutiques et indésirables des IRN sélectifs comme la réboxétine (voir Fig. 5-23). Leurs effets antidépresseurs passeraient par les projections des neurones noradrénergiques du locus coeruleus sur le cortex frontal (voir Fig. 5-24). Le sous-type de récepteur en cause dans l'effet antidépresseur est le bêta 1 postsynaptique. Les effets thérapeutiques sur la cognition sont encore mal connus, mais seraient théoriquement dus à une action sur les voies noradrénergiques allant du locus coeruleus à des aires du cortex frontal (voir Fig. 5-25). Le récepteur postsynaptique responsable des effets cognitifs dans les modèles animaux est le
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Psychopharmacologie sous-type alpha 2 noradrénergique. Les effets thérapeutiques sur l'apathie, la fatigue et le ralentissement psychomoteur passeraient théoriquement par les voies noradrénergiques du locus coeruleus projetant sur le cortex limbique (voir Fig. 5-26). L'expérience acquise avec les ISRS permet de prévoir que les indications thérapeutiques des IRN devraient s'étendre au-delà de la seule dépression, la posologie, le moment de l'apparition de l'effet thérapeutique, le degré d'efficacité et les profils de tolérance pouvant varier d'une indication à l'autre (voir Tableaux 6—VII et 6—VIII). En ce qui concerne les effets indésirables des MN sélectifs, la stimulation aiguë d'au moins quatre sous-types de récepteurs noradrénergiques importants, au niveau de différentes régions du cerveau et du reste de l'organisme, serait responsable de leur apparition. Il s'agit des récepteurs alpha 1 postsynaptiques, alpha 2 présynaptiques, alpha 2 postsynaptiques et bêta 1 postsynaptiques. Comme pour les ISRS, les effets indésirables des IRN sont généralement aigus, apparaissant dès les premières doses et s'atténuant avec le temps. Si les récepteurs qui en sont responsables sont désensibilisés, ces effets diminuent ou disparaissent. Les effets indésirables des IRN sélectifs semblent impliquer non seulement les sous-types de récepteurs noradrénergiques spécifiques, mais également la localisation anatomique de leur action, comprenant le cerveau, la moelle épinière, le coeur, le tube digestif et la vessie. La topographie des sous-types de récepteurs sur les différentes voies noradrénergiques permet d'expliquer la nature des effets indésirables (voir Fig. 5-23). Ainsi, la stimulation aiguë des récepteurs bêta 1 dans le cervelet ou le système nerveux sympathique périphérique peut induire une agitation motrice ou un tremblement (voir Fig. 5-27). La stimulation aiguë des récepteurs du système limbique sera responsable d'agitation (voir Fig. 5-26). Enfin, la stimulation aiguë des récepteurs des centres cardiovasculaires du tronc cérébral et de la moelle épinière peut modifier la pression artérielle (voir Fig. 5-28). La stimulation des récepteurs bêta 1 au niveau du coeur peut modifier la fréquence cardiaque (voir Fig. 5-29), tandis que celle des récepteurs noradrénergiques au niveau du système nerveux sympathique peut également induire une réduction marquée du tonus parasympathique cholinergique, en raison du rôle réciproque fréquent de ces systèmes dans les organes et tissus périphériques. Ainsi, l'augmentation de noradrénaline peut-elle provoquer des effets indésirables de type anticholinergique, non pas en bloquant directement les récepteurs cholinergiques muscariniques mais à travers une diminution indirecte franche du tonus parasympathique, laquelle entraîne à son tour une augmentation du tonus sympathique. Les IRN sélectifs peuvent donc induire un syndrome « pseudo-anticholinergique » de sécheresse buccale, une constipation et une rétention urinaire (voir Fig. 5-30) quand bien même ils sont dépourvus d'effet anticholinergique direct. Cependant, cette diminution indirecte du tonus cholinergique provoque habituellement des symptômes plus discrets et moins durables que ceux qui sont obtenus par le blocage direct des récepteurs cholinergiques muscariniques. On peut donc interpréter pratiquement tous les effets .indésirables des IRN sélectifs comme reflétant les effets de la noradrénaline sur les voies et lès reepteurs inadéquats. Comme pour les ISRS, cela arrive car il est n'est pas possible qu'un médicament administré par voie systémique agisse uniquement sur les récepteurs et les centres appropriés. Au contraire, il agit partout où il est distribué, c'est-à-dire dans tout l'organisme. Fort heureusement, les effets indésirables des IRN sélectifs sont plus gênants que dangereux, et tendent à s'amender avec le temps, bien que parfois ils puissent être à l'origine d'abandons de traitement. En plus de la réboxétine, déjà commercialisée aux États-Unis, d'autres IRN sélectifs sont en cours d'expérimentation clinique dans le traitement de la dépression et du trouble défici-
Antidépresseurs classiques, ISRS et IRN
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FIGURE 6-48. Icône d'un inhibiteur de la recapture de la noradrénaline et de la dopamine (IRND). Quatre des cinq propriétés pharmacologiques des antidépresseurs tricydiques (ATC) (voir Fig. 6-27) ont été supprimées. Seule la partie inhibitrice de la recapture de la noradrénaline (IRN) a été laissée, à laquelle on a ajouté un effet inhibiteur de la recapture de la dopamine (IRD). — taire de l'attention. En dehors de l'Org4428 dont le développement clinique a été stoppé, on peut citer le 1555U88 et la tomoxétine.
Bloqueurs de la recapture de la noradrénaline et de la dopamine Le bupropion est le prototype de l'inhibiteur de la recapture de la noradrénaline et de la dopamine (Fig. 6-48). Depuis plusieurs années, ses mécanismes d'action restent flous. Ses propriétés de recapture de la dopamine sont faibles, et celles de la noradrénaline davantage encore. Mais les effets constatés de cette substance sur la neurotransmission noradrénergique et dopaminergique ont toujours été plus importants que cette faible capacité de recapture pourrait expliquer, ce qui a conduit à l'hypothèse que le bupropion agirait « vaguement » comme un modulateur adrénergique. Il est métabolisé en un composé actif, qui est non seulement un bien meilleur bloqueur de la recapture de la noradrénaline que le bupropion lui-même, mais qui agit aussi au niveau cérébral. D'une certaine façon, le bupropion est plus une prodrogue (c'est-à-dire un précurseur) qu'une drogue en elle-même. Il contient le « vrai » médicament — le métabolite hydroxylé actif — et c'est ce dernier qui produit en fait l'efficacité antidépressive via le blocage de la recapture de la noradrénaline et de la dopamine (Fig. 649), Une préparation à libération prolongée de bupropion (bupropion LP) a très largement supplanté la forme à libération immédiate, non seulement parcè que le nombre de prises quotidiennes est réduit à deux, mais aussi parce que cette nouvelle forme est bien mieux tolérée, en particulier en ce qui concerne le risque de survenue de crise d'épilepsie. Le bupropion LP est généralement activateur, voire même stimulant. II est intéressant de noter qu'il ne semble pas induire d'effets secondaires sexuels gênants, contrairement à ce qu'on observe avec les ISRS, probablement parce que le bupropion n'a pas de mécanisme sérotoninergique significatif. II peut de ce fait être un antidépresseur utile pour les patients qui ne tolèrent pas les effets sérotoninergiques des ISRS, comme pour ceux dont la dépres-
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Psychopharmacologie ACTION IRND
FIGURE 6-49. Ici, la partie inhibitrice de la recapture de la noradrénaline (IRN) et la partie inhibitrice de la recapture de la dopamine (IRD) d'une molécule IRND sont insérées dans la pompe de recapture de la noradrénaline et de la dopamine, ce qui les bloque et induit l'effet antidépresseur.
sion ne répond pas à l'augmentation de la sérotonine par ces derniers. Le bupropion LP diminue également les fringales associées à l'arrêt du tabac. D'autres agents prodopaminergiques sont disponibles en tant qu'antidépresseurs dans certains pays, comme l'amineptine en France' et au Brésil. La brasofensine, un bloqueur de la recapture de la dopamine, est en cours d'expérimentation clinique. Le modafinil, autre substance vaguement prodopaminergique, est autorisé pour le traitement de la narcolepsie mais pas pour celui de la dépression. Il agirait partiellement en inhibant la recapture de la dopamine, mais pas de la même manière que l'amphétamine. Théoriquement, il devrait avoir des effets antidépresseurs, mais ceci n'a pour le moment pas été démontré dans des essais cliniques. Il faut comprendre qu'une des préoccupations majeures des laboratoires pharmaceutiques par rapport à des essais sur d'éventuelles propriétés antidépressives des inhibiteurs de la recapture de la dopamine est la possibilité qu'ils aggravent ou entraînent un usage abusif, comme on peut le voir pour les substances stimulantes. --
Résumé Dans ce chapitre ont été passés en revue les mécanismes d'action des principaux antidépresseurs. Leurs effets pharmacologiques aigus sur Ies récepteurs et les enzymes ont été décrits, ainsi que la théorie intégrative de leur action finale. Il s'agit de l'hypothèse de l'effet antidéNdT : ce médicament a été retiré du marché en France à cause du risque de dépendance, d'usage toxicomania que et d'hépatite cytolytique.
Antidépresseurs classiques, ISRS et IRN
243
presseur au travers des récepteurs des neurotransmetteurs. Nous avons également présenté les concepts pharmacocinétiques en rapport avec la métabolisation des antidépresseurs et des thymorégulateurs par le système enzymatique cytochrome P450. Les substances antidépressives spécifiques comprennent les inhibiteurs de la monoamine oxydase, les antidépresseurs tricycliques, les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et les inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline, incluant à la fois les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline et les inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline et de la dopamine. Bien que l'objet de cet ouvrage ne soit pas de fournir des conduites à tenir, le lecteur possède maintenant une base de réflexion sur leur utilisation rationnelle fondée sur l'application de principes décrits précédemment dans ce chapitre : les effets des médicaments sur la neurotransmission via leur action sur les récepteurs et les enzymes. D'autres antidépresseurs et thymorégulateurs, ainsi que les façons de les associer, seront vus dans le Chapitre 7.
CHAPITRE
7
ANTIDÉPRESSEURS NOUVEAUX ET THYMORÉGULATEURS
I. Produits à la fois inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline II. Double effet sérotoninergique et noradrénergique via l'antagonisme alpha 2 III. Produits à la fois antagonistes sérotoninergiques 2A et inhibiteurs de la recapture de la sérotonine IV. Nouveaux antidépresseurs en cours de développement V. Thymorégulateurs A. Le lithium, thymorégulateur classique B. Les anticonvulsivants utilisés comme thymorégulateurs C. Autres thymorégulateurs VI. Associations médicamenteuses pour le traitement des patients résistants : polymédication rationnelle VII. Electroconvulsivothérapie VIII. Psychothérapie IX. Résumé
Dans ce chapitre, nous allons continuer à passer en revue les concepts pharmacologiques sous-tendant l'utilisation des antidépresseurs et des thymorégulateurs. Le but est de faire connaître au lecteur les idées actuelles sur la façon dont les nouveaux antidépresseurs fonctionnent. Nous verrons aussi les mécanismes d'action pharmacologiques des thymorégulateurs. Comme dans le Chapitre 6, nous fonderons nos-explications en nous appuyant sur les concepts pharmacologiques généraux. Ce livre est théorique et non pratique. Le lecteur désireux de trouver des précisions sur les posologies, les effets indésirables, les interactions médicamenteuses et autres considérations utilitaires concernant la prescription de ces substances en pratique clinique est invité à consulter les manuels thérapeutiques de référence. Nous commencerons par les antidépresseurs qui agissent par un double mécanisme pharmacologique comprenant un double blocage de la recapture, un antagonisme alpha 2 et un antagonisme sérotoninergique 2A avec blocage de la recapture de la sérotonine. Nous passerons aussi en revue plusieurs antidépresseurs en cours de développement, quoique non encore disponibles en prati245
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Psychopharmacologie
L'inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline
bloque la recapture de la noradrénaline et celle de la sérotonine.
FIGURE 7-1. Icône d'un inhibiteur double combinant à la fois l'inhibition de la recapture de la sérotonine
et l'inhibition de la recapture de la noradrénaline (IRN). Dans ce cas, trois des cinq propriétés pharmacologiques des antidépresseurs tricycliques (ATC) (voir Fig. 6-27) ont été supprimées. Seules la partie IRS et la partie IRN ont été laissées. Les portions alpha, antihistaminique et anticholinergique ont été supprimées. Ces inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline sont appelés inhibiteurs doubles. Un effet inhibiteur de la recapture de la dopamine (IRD) léger est également présent pour certains de ces produits, particulièrement à forte dose. (IRS)
que. Ensuite, nous verrons l'utilisation du lithium et des anticonvulsivants thymorégulateurs. Pour terminer, nous parlerons de l'utilisation de ces substances en association et évoquerons brièvement l'électroconvulsivothérapie (ECT) et la psychothérapie dans le traitement des troubles de l'humeur.
Produits à la fois inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline La classe d'antidépresseurs qui combine à la fois les effets des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (ISRS) et ceux des inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline (IRN) est appelée IRSN (inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline) (Fig. 7-1). Le terme « inhibiteurs doubles de la recapture » peut être équivoque car de nombreux antidépresseurs tricycliques (ATC) sont aussi des inhibiteurs de la-recapture à la fois de la noradrénaline (NA) et de la sérotonine (5-hydroxytryptamine, 5HT). La venlafaxine, prototype. des IRSN, est unique car elle partage les propriétés inhibitrices de la recapture de la NA et 5HT, et à un moindre degré de la dopamine (DA) des antidépresseurs tricycliques (vol.• Fig. 7-1), sans en avoir les propriétés de blocage des récepteurs alpha 1, cholinergiques ou histaminergiques (voir Fig. 6-30 à 6-32). Les IRSN ne sont donc pas seulement des produits à double action, mais ils sont aussi sélectifs vis-à-vis de cette double action. Ils ont donc les propriétés d'un ISRS et d'un IRN sélectif associées dans une même molécule. La venlafaxine est actuellement le seul produit de cette classe ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché aux États-Unis [NdT: en France, il existe aussi le milnacipran
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Antidépresseurs nouveaux et thymorégulateurs
247
(Ixer)]. En fonction de sa posologie, elle possède trois degrés d'inhibition de la recapture de la 5HT (très puissante et donc présente à faible dose), de la NA (modérément puissante et par conséquent présente surtout à forte dose), et de la DA (peu puissante et donc présente seulement à forte dose) (Fig. 7-2). Mais la venlafaxine n'a pas d'effets significatifs sur les autres récepteurs. Ce médicament est aussi disponible sous forme à libération prolongée (venlafaxine LP), qui permet une seule administration quotidienne et réduit les effets indésirables, en particulier les nausées. Il était en effet important d'obtenir une meilleure tolérance grâce à la venlafaxine à libération prolongée du fait de la tendance à utiliser des doses élevées pour exploiter à la fois ses mécanismes sérotoninergiques et noradrénergiques. Il existe d'autres inhibiteurs de la recapture 5HT-NA, dont la sibutramine, agréée dans le traitement de l'obésité mais pas dans celui de la dépression. Le tramadol est un agoniste kappa opioïde agréé dans le traitement de la douleur, et possédant lui aussi un mécanisme de recapture 5HT-NA. Des essais cliniques en cours concernent des inhibiteurs doubles de la recapture en tant qu'antidépresseurs, incluant le milnacipran et la duloxétine. Deux mécanismes antidépresseurs valent-ils mieux qu'un ? Les antidépresseurs tricycliques originaux sont dotés de multiples mécanismes pharmacologiques, et de ce fait sont appelés « médicaments sales », nombre de ces mécanismes étant considérés comme indésirables car à l'origine d'effets secondaires (Fig. 7-3). L'idée était de les « purifier » en les rendant sélectifs ; l'ère des ISRS était née. Et de fait, le développement de ces substances a permis qu'elles soient dépourvues de propriétés pharmacologiques responsables des effets de type anticholinergiques, antihistaminiques et antiadrénergiques (voir Fig. 7-3). Cependant, dans les cas de résistance
EFFETS IRSN
FIGURE 7-2. Double effet des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN). La partie inhibitrice de la recapture de la noradrénaline (IRN) (à gauche) et la partie inhibitrice de la recapture de la sérotonine (IRS) (à droite) sont insérées dans leur pompe de recapture respective. Par conséquent, les deux types de pompes de recapture sont bloqués, ce qui induit l'effet antidépresseur. Cela est analogue aux propriétés des antidépresseurs tricycliques (ATC) (voir Fig. 6-28 et 6-29), ainsi qu'à l'effet unique des ISRS (voir Fig. 6-33) associé à l'effet unique des IRN sélectifs (voir Fig. 6-46).
248
Psychopharmacologie
mécanismes uniques sélectifs = perte des effets incEuirebids
mécanismes thérapeutiques multiples = augmentation de l'efficacité
mécanismes multiples effets indésirables
Deux mécanismes antidépresseurs valent-ils mieux qu'un seul ?
FIGURE 7-3. Deux mécanismes valent-ils mieux qu'un seul en ce qui concerne les antidépresseurs ? À l'origine, on considérait que les médicaments doués de plusieurs mécanismes étaient des « produits sales » à cause de leurs effets indésirables. Cela est représenté sur cette figure par un antidépresseur tricyclique à gauche. La tendance à développer des produits sélectifs (au centre) a conduit à la suppression des effets indésirables. Plus récemment, la tendance est à l'adjonction de plusieurs mécanismes afin d'améliorer la tolérance et d'augmenter l'efficacité. Une plus grande efficacité grâce à des mécanismes pharmacologiques synergiques augmente la réponse thérapeutique de certains patients, surtout ceux qui sont résistants à un produit ne disposant que d'un seul mécanisme.
vis-à-vis des produits ayant un mécanisme sérotoninergique sélectif, on peut se poser la question de l'intérêt de cette sélectivité par rapport aux produits à mécanismes pharmacologiques multiples. Ainsi, depuis peu, de nouvelles substances tendent à revenir à des mécanismes pharmacologiques multiples dans l'espoir d'exploiter un potentiel synergique à partir d'au moins deux mécanismes indépendants. En ce qui concerne les antidépresseurs, cela a conduit au développement de médicaments capables de réaliser une « polyrnédication intramoléculaire », comme c'est le cas pour les ISSN (voir Fig. 7-3 ). Cette approche a aussi conduit à l'utilisation simultanée de deux antidépresseurs dans les cas de résistance au traitement, ce qui permet d'associer au moins deux mécanismes thérapeutiques synergiques (voir plus haut). On peut donc considérer que non seulement les inhibiteurs doubles de la recapture sont efficaces, mais qu'en plus ils ont certains avantages sur les ISRS. Théoriquement, en surajoutant le blocage de la recapture de la NA, et à un moindre degré de la DA, au blocage de la recapture de la sérotonine (voir Fig. 7-2), on obtient une synergie pharmacologique augmentant leur efficacité. Le mot synergie signifie que l'association d'au moins deux mécanismes produit une efficacité totale supérieure à leur somme (autrement dit, 1 + 1 = 10). Le fondement moléculaire de cette synergie pourrait résider dans son expression génique. Ainsi, la stimulation des récepteurs-adrénergiques bêta par la NA induit une expression génique, comme nous l'avons déjà vu et montré dans la Fig. 7-4. Or, s'il y a de plus stimulation
Antidépresseurs nouveaux et thymorégulateurs
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AMPc ATP
FIGURE 7-4. Effets thérapeutiques théoriques des antidépresseurs sélectifs de la sérotonine sur l'expression des gènes. La noradrénaline (NA) violette en haut (cercle rouge du haut) provoque une cascade d'événements biochimiques résultant en la transcription des gènes du neurone (ARINm dans le cercle rouge du bas). Le récepteur noradrénergique est lié à une protéine G stimulante (Gs) qui à son tour se lie à une enzyme, l'adénylate cyclase (AC), qui transforme l'AIT en AMPc, le second messager. Ensuite, l'ANfPc active une protéine kinase A (PKA) qui active un facteur de transcription, comme la cyclic AMP response element binding (CREB)
des récepteurs sérotoninergiques 2A par la sérotonine, l'expression génique est amplifiée de façon synergique (Fig. 7-5). La noradrénaline et la sérotonine peuvent donc agir ensemble pour engendrer une expression génique appropriée ne pouvant être obtenue que dans le cadre de cette association. Cela expliquerait théoriquement pourquoi les bloqueurs doubles de la recapture 5HT-NA ont des effets antidépresseurs synergiques chez certains patients. Les connaissances sur la synergie antidépressive obtenue par des effets doubles 5HT-NA correspondant à ces événements moléculaires ont été obtenues à partir des travaux sur la venlafaxine, dans lesquels cette substance a donné de meilleurs taux de rémission dans les épisodes dépressifs majeurs que les ISRS. De meilleurs taux de rémission ont également été atteints avec les antidépresseurs tricycliques par rapport aux ISRS, ce qui fait penser qu'un mécanisme d'action double est plus efficace qu'un-simple. Un autre argument allant dans le même sens est la découverte que la venlafaxine semble d'autant plus efficace que les doses sont importantes, alors qu'avec d'autres antidépresseurs, on ne retrouve que peu de différences d'efficacité en fonction des doses. Si les effets noradrénergiques (et dopaminergiques) de la venlafaxine sont plus importants à forte dose, on peut penser que l'efficacité croît lorsque le deuxième mécanisme entre en action (c'est -à-dire, lorsque la noradrénaline « est lancée »). Cela étaye également l'argumentation pour une utilisation de mécanismes doubles chez les patients les plus difficiles à traiter (ceux qui résistent au traitement par les ISRS, ou par d'autres antidépresseurs, ainsi que ceux qui répondent, mais ne guérissent pas complètement avec ces produits).
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Psychopharmacologie
AMPc ATP PI
DAG
P KA
PKC
FIGURE 7-5. Lorsque la sérotonine (5HT) et la noradrénaline (NA) agissent synergiquement pour augmenter l'expression génique (comparer avec la Fig. 7-4), on peut s'attendre théoriquement à une plus grande efficacité thérapeutique sur la dépression. Ainsi, la cascade à gauche (représentée aussi dans la Fig. 7-4) se produit simultanément à l'activation de la cascade de droite. La sérotonine (cercle rouge du haut) travaille donc avec la NA à gauche pour induire plus d'activation de gènes (ARNm du cercle rouge du bas) que ne le ferait la NA de la Fig. 7-4 seule. C'est cela que l'on appelle synergie. Le récepteur 5HT est couplé à une protéine G stimulante (Gs) qui active une enzyme, la phospholipase C (PLC), afin de transformer le phosphatidyl inositol (PI) en diacylglycérol (DAG) et activer le flux de calcium, de telle sorte que la protéine kinase C (PKC) puisse augmenter la transcription des gènes du neurone en travaillant de manière synergique avec les facteurs de transcription (FT). D'autres arguments en faveur des avantages thérapeutiques du mécanisme double reposent sur la découverte de l'efficacité de la venlafaxine LP sur l'anxiété généralisée. Parmi tous les antidépresseurs connus, seule la venlafaxine LP a reçu l'autorisation de mise sur le marché à la fois comme anxiolytique et comme antidépresseur. De tels effets ont l'extrême avantage, en cas de dépression anxieuse, de permettre d'espérer une rémission complète à la fois de la dépression et de l'anxiété. Un argument de plus en faveur d'une plus grande efficacité des IRSN doubles dans la dépression comme dans l'anxiété vient du constat que les antidépresseurs tricycliques à action double mais sans sélectivité sont eux aussi efficaces dans l'anxiété généralisée, même s'ils n'ont jamais obtenu cette indication. La mirtazapine qui a aussi un mécanisme d'action double posséderait également des effets anxiolytiques (voir plus loin). Il existe d'autres moyens de mettre en place cette stratégie reposant sur un mécanisme double que d'utiliser de fortes doses de venlafaxine LP. L'un d'entre eux consiste à utiliser d'autres antidépresseurs à action double 5HT-NA, comme la mirtazapine, dont nous parlerons plus loin, ou éventuellement de revenir à certains antidépresseurs tricycliques ou inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO). Un autre serait d'utiliser pharmacologiquement une combinaison rationnelle de substances ayant potentiellement des mécanismes synergiques. Un exemple évident de mécanisme double d'inhibition de la sérotonine et de la noradrénaline est l'association de réboxétine à un ISRS. Nous développeront cela plus amplement dans le paragraphe sur les associations d'antidépresseurs.
Antidépresseurs nouveaux et thymorégulateurs
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FIGURE 7-6. Les antagonistes alpha 2 (cercle rouge) augmentent la neurotransmission noradrénergique « en coupant le câble des freins » des neurones noradrénergiques. Plus précisément, les antagonistes alpha 2 bloquent les autorécepteurs alpha 2 (cercle rouge) qui sont les « freins » des neurones noradrénergiques. Il s'ensuit une désinhibition de ces neurones car la noradrénaline (NA) ne parvient plus à bloquer sa propre libération. La neurotransmission noradrénergique est donc augmentée.
Double effet sérotoninergique et noradrénergique via l'antagonisme alpha 2 Le blocage de la pompe de recapture des monoamines ou de la monoamine oxydase (MAO) n'est pas le seul mécanisme capable d'augmenter la sérotonine et la noradrénaline. Une autre façon d'augmenter les taux de sérotonine et de noradrénaline est de bloquer les récepteurs alpha 2. En effet, la noradrénaline interrompt sa propre libération en interagissant avec les autorécepteurs présynaptiques alpha 2 des neurones noradrénergiques (voir Fig. 5-21). Elle suspend aussi la libération de sérotonine en se fixant sur les hétérorécepteurs des neurones sérotoninergiques (voir Fig. 5-44). Si l'on administre un antagoniste alpha 2, la noradrénaline ne parvient plus à arrêter sa propre libération, les neurones noradrénergiques sont alors désinhibés (Fig. 7-6). Autrement dit, l'antagoniste alpha 2 « sectionne le câble des freins » du neurone noradrénergique, ce qui augmente par conséquent la libération de noradrénaline. De façon similaire, les antagonistes alpha 2 ne permettent pas à la noradrénaline d'arrêter la libération de sérotonine. Par conséquent, les neurones sérotoninergiques sont désinhibés (Fig. 7-7). De la même manière que pour ses effets sur les neurones noradrénergiques, l'antagoniste alpha 2 « sectionne le câble des freins » de l'inhibition noradrénergique sur les neurones sérotoninergiques (voir Fig. 5-47 et 5-48). La libération de sérotonine est par conséquent augmentée (voir Fig. 7-7). 11 pourrait même exister un mécanisme encore plus important augmentant la libération de sérotonine après administration d'un antagoniste alpha 2. On a vu que les neurones noradrénergiques du locus coeruleus projettent sur les corps cellulaires des neurones sérotoninergiques du raphé antérieur (voir Fig. 5-47 et 5-48). Cette afférente noradrénergique augmente
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Psychopharmacologie
FIGURE 7-7. Les antagonistes alpha 2 augmentent aussi la neurotransmission sérotoninergique « en coupant le câble des freins » des neurones sérotoninergiques (comparer avec la Fig. 7-6). Plus précisément, les antagonistes alpha 2 bloquent les hétérorécepteurs alpha 2 pré-synaptiques (cercle rouge) qui sont les « freins » des neurones sérotoninergiques. Il s'ensuit une désinhibition de ces neurones car la noradrénaline ne parvient plus à bloquer la libération de sérotonine. La neurotransmission sérotoninergique est donc augmentée. la libération de sérotonine via un récepteur alpha 1 postsynaptique. Ainsi, lorsqu'il y a désinhibition de la noradrénaline dans les voies noradrénergiques du raphé, la libération de noradrénaline augmente ce qui stimule les récepteurs alpha 1, avec pour conséquence une plus grande libération de sérotonine (Fig. 7-8). C'est comme si l'on appuyait sur l'accélérateur sérotoninergique. L'antagonisme alpha 2 trouve donc le moyen à la fois de sectionner le câble des freins et d'enfoncer la pédale de l'accélérateur à sérotonine (Fig. 7-9). Les effets antagonistes alpha 2 augmentent par conséquent en même temps la libération de sérotonine et celle de noradrénaline (Fig. 7-10). Bien qu'il n'y ait pas d'antidépresseur antagoniste alpha 2, il existe tout de même un antidépresseur qui possède des propriétés alpha 2 : la mirtazapine (voir Fig. 7-10). Ce produit ne bloque aucun transporteur des monoamines, mais en plus de ses propriétés de puissant antagoniste alpha 2, il est également antagoniste des récepteurs sérotoninergiques 2A, 2C et 3, ainsi-que des récepteurs histaminergiques 1 (voir Fig. 7-10). Ses propriétés antagonistes 5HT2A semblent contribuer à l'effet antidépresseur de la mirtazapine (Fig. 7-11), tandis que ses propriétés antagonistes 5HT2A, 5HT2C et antihistamine Hl seraient responsables quant à elles de l'effet anxiolytique, sédatif et hypnotique (Fig. 7-11 à 7-13). En bloquant les récepteurs sérotoninergiques 2A, 2C et 3, Ies effets secondaires qui sont dus à leur stimulation, et plus particulièrement l'anxiété, les nausées et les troubles sexuels, sont évités (voir Hg. 7-11). Toutefois, le blocage des récepteurs sérotoninergiques 2A et histaminergiques Hl est responsable d'effets indésirables de type sédation, et celui des récepteurs sérotoninergiques 2C et histaminergiques Hl de la prise de poids (voir Fig. 7-12).
Antidépresseurs nouveaux et thymorégulateurs
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récepteur alpha 1
autorécepteur alpha 2 présynaptique
FIGURE 7-8. Les antagonistes alpha 2 augmentent aussi la neurotransmission sérotoninergique « en appuyant sur la pédale de l'accélérateur sérotoninergique ». Plus précisément, l'influx noradrénergique issu du locus coeruleus (en bas) est dirigé sur les corps cellulaires des neurones sérotoninergiques du raphé antérieur qui ont des récepteurs alpha 1 postsynaptiques excitateurs. Cela augmente le potentiel d'action des neurones sérotoninergiques et la libération de sérotonine de la terminaison sérotoninergique située à droite de ce dessin. L'effet thérapeutique de la mirtazapine serait lié à ses propriétés antagonistes alpha 2. Comme nous l'avons vu, en bloquant les récepteurs alpha 2 présynaptiques, la mirtazapine coupe le câble des freins et désinhibe la libération de la sérotonine et de la noradrénaline. La désinhibition de la libération de noradrénaline provoque la stimulation des récepteurs alpha 1, tandis que la libération de sérotonine est augmentée en enfonçant la pédale de l'accélérateur (voir Fig. 7-13). La Fig. 7-13 montre une vue globale de toutes les actions pharmacologiques de la mirtazapine. En plus de son efficacité en tant qu'antidépresseur de première intention, la mirtazapine aurait un effet thérapeutique supérieur grâce à son mécanisme d'action double (voir Fig. 7-13), particulièrement en association avec d'autres antidépresseurs qui bloquent la recapture de la sérotonine et/ou de la noradrénaline. Nous en reparlerons plus loin dans le paragraphe sur les associations d'antidépresseurs. La mirtazapine pourrait théoriquement être utile dans le trouble panique, l'anxiété généralisée et d'autres troubles anxieux, mais n'a pas fait l'objet d'études très poussées dans ces indications. Deux autres antagonistes alpha 2 ont reçu une autorisation de mise sur le marché dans certains pays (mais pas aux États-Unis). Il s'agit de la miansérine (Europe) et du sétiptilène
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Psychopharmacologie
= antagoniste alpha 2
neurone sérotoninergique
IZID N hétérorécepteur alpha 2 postsynaptique
Accélérateur 5HT enfoncé aulcrecepteu r alpha 2 présynaptique
autorécepteur alpha 2 résynaptique
autorécepteur alpha 2 présynaptique
neurone noradrénergique
FIGURE 7-9. La neurotransmission à la fois noradrénergique et sérotoninergique est augmentée par les antagonistes alpha 2. Le neurone noradrénergique du bas interagit avec le neurone sérotoninergique du haut. Le premier est désinhibé au niveau de sa terminaison axonale car un antagoniste alpha 2 bloque tous ses autorécepteurs alpha 2 présynaptiques. Ce processus « sectionne » donc le « câble des freins » en ce qui concerne la libération de noradrénaline (NA) au niveau de toutes ses terminaisons (libération de NA des trois cercles rouges). La libération de sérotonine (5HT) est augmentée par la NA via deux mécanismes distincts. D'abord, l'antagoniste alpha 2 « enfonce la pédale de l'accélérateur » lorsque la NA stimule les récepteurs alpha 1 du corps cellulaire et des dendrites du neurone 5HT (cercle rouge de gauche). Ensuite, l'antagoniste alpha 2 « coupe le câble des freins » en bloquant les hétérorécepteurs alpha 2 présynaptiques de la terminaison axonale 5HT (cercle rouge du milieu). (Japon). La miansérine possède des propriétés antagonistes alpha 1 qui atténuent les effets d'augmentation de la neurotransmission sérotoninergique, de telle sorte que cette substance augmente de façon prédominante la neurotransmission noradrénergique, en association avec des propriétés antagonistes 5HT2A, 5HT2C, 5HT3 et H1. La yohimbine est également un antagoniste alpha 2, mais ses propriétés antagonistes alpha 1 atténuent de la même manière ses effets pro-monoaminergiques. Plusieurs antagonistes sélectifs alpha 2, dont l'idazoxan et le fluparoxan, ont fait l'objet d'études, sans démontrer pour le moment de sérieux effets anti-
•
• •
FIGURE 7-10. La mirtazapine est parfois appelée antidépresseur sérotoninergique spécifique et noradrénergique (noradrenergic and specific serotonergic antidepressant, NaSSA). Son action primaire est un antagonisme alpha 2 (comme celui des Fig. 7-6 à 7-9). Elle bloque également trois récepteurs de la sérotonine : 5HT2A, 5HT2C et 5HT3. Enfin, elle bloque les récepteurs de l'histamine Hl.
kSri
e,
Anxiolytique
Antidépresseur
i,
,....
Anxiolytique
Hypnotique
'
5HT2A 111
linel Absence de trouble sexuel
'1 6): *
, -,....r •
4 '''!
î ' r -Z ■ 4 .
a
a g . le)
1 -.
--
5HT1 A )11>
l o eTis
Prise de poids
5HT2C
Anxiolytique
5HT3
lkil
Go
-1 Absence de nausée
,
Absence de trouble digestif
tfo )' À"
.
—
FIGURE 7-11. Effets de la mirtazapine sur les synapses sérotoninergiques (5HT). Lorsque les hétérorécepteurs alpha 2 présynaptiques sont bloqués, la 5HT est libérée, mais elle va occuper les récepteurs 5HTIA car les récepteurs 5HT2A, 5HT2C et 5HT3 sont bloqués. Les effets antidépresseurs et anxiolytiques sont conservés, mais on évite les effets indésirables liés au blocage des récepteurs 5HT2A, 5HT2C et 5HT3. Il est possible, toutefois, d'observer une sédation et une prise de poids. 255
256
-t (4.
4.
Psychopharmacologie = NaSSA (par ex. mirtazapine)
sédation anxiolyse
--> H1 fixée prise de poids
somnolence FIGURE 7-12. Lorsque la mirtazapine bloque les récepteurs de l'histamine 1, elle induit un effet anxioly-
tique, mais aussi une sédation et une prise de poids. dépresseurs. Ils sont par ailleurs mal tolérés car ils induisent panique, anxiété et érections prolongées chez l'homme.
Produits à la fois antagonistes sérotoninergiques 2A et inhibiteurs de la recapture de la sérotonine Plusieurs antidépresseurs partagent la capacité de bloquer les récepteurs sérotoninergiques 2A, ainsi que la recapture de la sérotonine. Certains antidépresseurs tricycliques, comme l'amitriptyline, la nortriptyline, la doxépine et plus encore l'amoxapine, possèdent également cette combinaison d'effets sur la synapse sérotoninergique. Du fait que la puissance de blocage des récepteurs sérotoninergiques 2A varie considérablement d'un tricyclique à l'autre, il est difficile d'établir si cette propriété est responsable de l'effet thérapeutique des antidépresseurs tricycliques en général. Il existe toutefois une classe d'antidépresseurs, les phénylpipérazines, plus sélective que les antidépresseurs tricycliques et dont l'effet pharmacologique le plus important est le blocage des récepteurs sérotoninergiques 2A (Fig. 7-14). Il s'agit en particulier de la néfazodone et de la trazodone. Ces deux produits bloquent également la recapture de la sérotonine, mais d'une façon moindre que les antidépresseurs tricycliques et les ISRS (Fig. 7-15). Comme les mécanismes d'action pharmacologiques des produits à la fois antagonistes 2A et inhibiteurs de la recapture de la sérotonine sont dus à l'association d'un puissant effet antagoniste des récepteurs sérotoninergiques 2A et, à un moindre degré, d'un blocage de la recapture de la sérotonine, on classe ces substances à part : ce sont les antagonistes sérotoninergiques 2A/inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (serotonin 2A antagonists/reuptake inhibitors, SARI) (voir Fig. 7-14 et 7-15). La néfazodone est le prototype de cette classe d'antidépresseurs. Elle est puissamment antagoniste sérotoninergique 2A, et de façon secondaire inhibitrice de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (voir Fig. 7-14 et 7-15). La néfazodone bloque également les récepteurs alpha 1, avec dans ce cas des conséquences cliniques en général peu importantes, peut-être parce que in vivo l'inhibition de la recapture de la noradrénaline diminue cet effet. La principale différence entre les. SARI et les autres classes d'antidépresseurs repose sur la prédominance de l'antagonisme 5HT2A des premiers. Ils inhibent la recapture de la séroto-
257
Antidépresseurs nouveaux et thymorégulateurs
NaSSA
cx, e r=15:é
tr, câble des freins coupé
accélérateur enfoncé
récepteur alpha 1
écepteur alp présyna
hétérorécepteur alpha 2 postsynaptique
autorécepteur alpha 2 présynaptiqu
profil de tolérance autorécepteur alpha 2 pré-synaptique
récepteur bêta
neurone noradrénergique
écepteur l'Nstarnin
FIGURE 7-13, Effets de la mirtazapine. Parmi eux, on compte l'effet antagoniste alpha 2 déjà représenté dans la Fig. 7-9, c'est-à-dire une action thérapeutique qui coupe le câble du frein NA tout en appuyant sur l'accélérateur 5HT (cercle de gauche), et qui coupe aussi le frein 5HT (cercle du milieu). Ces actions augmentent la neurotransmission à la fois 5HT et NA. À droite se trouvent les autres effets de la mirtazapine, différents de l'antagonisme alpha 2, expliquant le profil de tolérance de cet antidépresseur.
nine de façon moindre mais néanmoins importante. Plus précisément, la néfazodone semble exploiter l'antagonisme naturel entre les récepteurs 5HT1A et 5HT2A en augmentant les taux de sérotonine grâce au blocage de sa recapture tout en bloquant simultanément ses effets au niveau des récepteurs 5HT2A. La stimulation des récepteurs 5HT2A atténue normalement celle des récepteurs 5HT1A (Fig. 7-16 et 7-17). Cela peut également se jouer au niveau de l'expression génique, où ce qui est induit par la stimulation 5HT1A seule (Fig. 7-18) est contrecarré par la stimulation simultanée des récepteurs 5HT2A (Fig. 7-19). D'autre part, si l'on bloque les récepteurs 5HT2A au lieu de les stimuler, l'action inhibitrice normale de la stimulation 5HT1A disparaît. Cela renforce les effets de la stimulation des récepteurs
Antagonistes de la sérotonine et inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (serotonin antagonist/reuptake inhibitors, SARI)
FIGURE 7-14. Icône de deux des antagonistes 5HT2A et inhibiteurs de la recapture de'la sérotonine (serotonin 2A antagonist/reuptake inhibitors, SARI). La néfazodone est le prototype de cette famille qui inclut par ailleurs la trazodone. Elles ont une double action, mais ces deux mécanismes sont différents de ceux des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN). Les SARI agissent par un puissant blocage des récepteurs sérotoninergiques 2A (5HT2A) associé à un effet moins puissant d'inhibition de la recapture de la sérotonine (IRS). La néfazodone, de plus, inhibe faiblement la recapture de la noradrénaline (IRN) et a aussi de faibles propriétés bloquantes des récepteurs adrénergiques alpha 1. La trazodone est douée de propriétés antihistaminiques et antagonistes alpha 1 mais est dépourvue des propriétés IRN de la néfazodone. 258
EFFETS DES SARI (NÉFAZODONE) SUR LES SYNAPSES 51-IT
5HT4 5HT2A 5HT2C 511T1A
5HTX 5HTY 5HTZ
FIGURE 7-15. Voici la double action de la néfazodone antagoniste sérotoninergique 2A et inhibiteur de la recapture de la sérotonine (SARI). Elle exerce son action au niveau pré: et .postsynaptique. La portion inhibitrice de la recapture de la sérotonine (IRS) est insérée dans la pompe de recapture de la sérotonine, ce qui la bloque (effet présynaptique). La portion antagoniste des récepteurs 2A sérotoninergiques est insérée dans le récepteur 2 de la sérotonine, ce qui le bloque (effet postsynaptique). Ce serait ces deux types d'action qui induiraient l'effet antidépresseur de la néfazodone. Le blocage des récepteurs 5HT2A diminuerait également les effets indésirables (effets indésirables induits par la stimulation des récepteurs 5HT2A provoquée par l'augmentation de la sérotonine au niveau de l'ensemble des sous-types de récepteurs 5HT sous l'effet des IRS). Les propriétés antagonistes 5HT2A sont plus puissantes que les propriétés inhibitrices de la recaptore de la sérotonine. 259
260
Psychopharmacologie
FIGURE 7-16. Synergie entre la stimulation 5HT1A et l'antagonisme 5HT2A, première partie. Ici est représenté l'effet pharmacologique de la stimulation 5HT1A seule (cercle rouge). 51-1T1A, qui n'est plus atténuée par la stimulation 5HT2A (Fig. 7-20). Le même schéma semble se produire au niveau génique (Fig. 7-21). Les effets thérapeutiques de la néfazodone semblent par conséquent n'être pas seulement liés au blocage des récepteurs 5HT2A. En fait, des antagonistes 5HT2A ont été expérimentés dans la dépression et n'ont pas montré de propriétés véritablement antidépressives. L'augmentation de la sérotonine via l'inhibition de la recapture, entraînant une stimulation des récepteurs 5HT1A, semble prendre une part importante dans les effets de la néfazodone. Sans stimulation 5HT1A, l'antagonisme 5HT2A n'aurait rien à potentialiser. Nous reverrons en détail ce principe dans le paragraphe consacré aux associations d'antidépresseurs, et en particulier la combinaison ISRS avec des antagonistes 5HT2A, comme les neuroleptiques atypiques dans les cas de dépression résistante. L'association d'un agoniste 5HT1A et d'un antagoniste 5HT2A est un autre exemple de « polymédication intramoléculaire », qui utilise la synergie de ces deux mécanismes et qui, une fois de plus, conduit à penser que, dans certains cas, deux mécanismes antidépresseurs valent mieux qu'un. — Lorsque la recapture 5HT est inhibée de façon sélective, comme c'es t le-cas avec les ISRS, cela entraîne essentiellement la stimulation de tous les récepteurs sérotoninergiques par augmentation des taux de sérotonine. Bien que l'on ait démontré que cela est particulièrement utile dans le traitement de la dépression et d'autres troubles, cela ne se fait pas sans un certain coût. Nous avons vu, par exemple, que la stimulation des récepteurs 5HT1A dans le raphé était utile dans le traitement de la dépression (voir Fig. 5-52), mais que la stimulation des récepteurs 5HT2A et 5HT2C dans le cortex limbique pouvait induire agitation et anxiété (voir Fig. 5-53 et 5-54), tandis que celle des récepteurs 5HT2A dans la moelle épinière pouvait quant à elle provoquer des troubles sexuels (voir Fig. 5-57). Par conséquent, un produit qui
Antidépresseurs nouveaux et thymorégulateurs
261
FIGURE 7-17. Synergie entre la stimulation 5HT1A et l'antagonisme 5HT2A, deuxième partie. La stimulation des récepteurs 5HT2A (cercle rouge) réduit l'action de la 5HT sur les récepteurs 5HT1A (comparer avec la Fig. 7-16). combinerait le blocage de la recapture de la sérotonine avec un puissant antagonisme 5HT2A réduirait théoriquement les effets indésirables de la sérotonine lorsqu'elle stimule les récepteurs 5HT2A. Dans ce cas, la compétition entre le blocage de la recapture et l'antagonisme 5HT2A fort conduit à un net antagonisme des récepteurs 5HT2A. De fait, sur un plan théorique, la néfazodone est dépourvue d'effet indésirable sexuel et, contrairement aux ISRS, n'induit habituellement ni insomnie, ni anxiété. D'après l'expérience clinique, la néfazodone est efficace dans le trouble panique, l'état de stress post-traumatique et l'anxiété généralisée, sans engendrer les effets indésirables liés à l'activation 5HT2A des ISRS. La trazodone (NdT : ce médicament a été retiré du marché en France pour des raisons commerciales) est la molécule mère au sein du groupe des SARI. Elle bloque les récepteurs alpha 1 et histaminergiques (voir Fig. 7-14). Elle est très sédative, peut-être parce qu'elle bloque les récepteurs de l'histamine. Pour cette raison, son utilisation comme antidépresseur tend à être limitée, alors qu'au contraire cela en fait un excellent hypnotique dépourvu de potentiel de dépendance, bien qu'elle n'ait jamais été commercialisée dans cette indication. Les doses hypnotiques sont généralement inférieures aux doses antidépressives. La trazodone est la plupart du temps utilisée comme substance d'appoint aux antidépresseurs, car elle augmente la tolérance des ISRS en bloquant leurs effets indésirables (insomnie, agitation) liés à la stimulation des récepteurs 5HT2A, tout en augmentant leur efficacité thérapeutique, sans doute grâce la synergie obtenue par le blocage 5HT2A avec la stimulation 5HT1A. La trazodone a néanmoins un effet secondaire gênant : le priapisme (érection prolongée, douloureuse le plus souvent), que l'on traite par injection d'un agoniste adrénergique alpha, directement dans la verge, afin de prévenir des lésions vasculaires du pénis.
262
Psychopharmacologie
récepteur 5HT1A
AMPc ATP
4, PKA
I
CREB
FIGURE 7-18. Synergie entre la stimulation 5HT1A et l'antagonisme 5HT2A, troisième partie. Ici, les conséquences moléculaires de la stimulation 5HT1A seule sont l'expression d'une certaine quantité de gènes correspondant aux effets pharmacologiques de la Fig. 7-16. L'occupation par la sérotonine (5HT) des récepteurs 5HT1A (cercle rouge du haut) provoque la transcription de gènes (cercle rouge en bas à droite). Le récepteur 5HT1A est couplé à une protéine G stimulatrice (Gs) et une adénylate cydase (AC), qui produisent l'AMPc, le second messager, à partir de l'ATP. Cela provoque alors l'activation de la protéine kinase A (PKA), de telle sorte que les facteurs de transcription comme la cyclic AMP response element binding protein (CREB) puissent activer l'expression génique (ARNm). Une forme de néfazodone à libération prolongée est actuellement à l'étude. Elle autorise une seule prise quotidienne et réduit les effets indésirables. Un autre antagoniste sérotoninergigue 2A inhibant la recapture de la sérotonine, le YM992, fait actuellement l'objet d'études sur ses éventuelles propriétés antidépressives. D'autres antagonistes sélectifs 5HT2 ont été étudiés, mais abandonnés comme antidépresseurs, parmi lesquels on trouve la ritansérine et l'amésergide. Le MDL-100907 et le SR46349 sont des antagonistes 5HT2A sélectifs en cours d'essai dans la schizophrénie. Par ailleurs, des substances dotées d'effets antagonistes sérotoninergiques 2A mais aussi antagonistes dopaminergiques, appelées neuroleptiques atypiques, sont en cours d'évaluation dans le trouble bipolaire et les dépressions résistantes. Nous reprendrons cela en détail dans le paragraphe sur le trouble—bipolaire et les associations d'antidépresseurs. Des substances ayant à la fois des propriétés antagonistes 5HT2A et agonistes 5HT1A sont actuellement évaluées pour leurs effets antidépresseurs. Il s'agit de la flibansérine, et peut-être de l'adatansérine et du BMS181,101.
Nouveaux antidépresseurs en cours de développement
À l'heure actuelle, le besoin se fait jour d'un antidépresseur dont l'effet surviendrait en m1 de 2 à 8 semaines, et qui serait efficace chez plus des deux tiers des patients. Cette effica devrait être robuste, à l'origine de rémissions durables (et pas seulement d'une répon
Antidépresseurs nouveaux et thymorégulateurs
récepteur 5HT1A
263
récepteur 5HT2A
AMPc ATP PI
PKA * I
DAG
PKC CREB
FIGURE 7-19. Synergie entre la stimulation 5HT1A et l'antagonisme 51YT2A, quatrième partie. Les conséquences moléculaires de la stimulation des récepteurs 5HT2A concomitante de la stimulation des récepteurs 5HT1A sont la diminution de l'expression génique induite par la stimulation 5HT1A seule (voir Fig. 7-18). Ces conséquences moléculaires sont corrélées à l'action pharmacologique de stimulation simultanée des récepteurs 5HT1A et 5HT2A représentée dans la Fig. 7-17. L'activation simultanée des récepteurs 5HT2A par la sérotonine (à droite) modifie de façon négative les conséquences de l'activation des récepteurs 5HT IA en réduisant l'expression génique qu'ils ont induite seuls (voir Fig. 7-18). Ainsi, l'occupation des récepteurs 5HT2A (cercle rouge en haut) provoque le couplage entre une protéine G stimulatrice (Gs) et la phospholipase C (PLC). Cela active le flux de calcium et transforme le phosphatidyl inositol (PI) en diacylglycérol (DAG), ce qui provoque alors l'activation de la phosphokinase C (PKC) qui inhibe la phosphokinase A (PKA). L'activation des facteurs de transcription comme la cyclic AMP response element binding protein (CREB) est alors diminuée, ce qui conduit à la diminution de l'expression génique (cercle rouge du bas). et ceci chez un plus grand nombre de patients. Plusieurs candidats théoriques sont à l'étude, dont certains produits déjà mentionnés, ayant les mécanismes d'action évoqués plus haut. La liste des autres candidats potentiels est fournie plus loin. La plupart sont des avatars du thème de la modulation concomitante des neurones noradrénergiques et sérotoninergiques, associée à des mécanismes pharmacologiques originaux. D'autres essais sont réalisés à partir de produits modulant les systèmes peptidergiques. Modulateurs monoaminergiques
Agonistes bêta. Les récepteurs adrénergiques bêta sont rapidement désensibilisés par Ies agonistes. S'il s'avère que cette faculté est souhaitable dans le traitement de la dépression, les agonistes bêta seront certainement utiles. À l'heure actuelle, il n'a pas encore été possible d'identifier des agonistes bêta 1 ou bêta 2 qui atteignent avec succès le cerveau sans avoir une cardiotoxidté associée. La découverte d'agonistes bêta 1 ou bêta 2 sans danger,
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Psychopharmacologie
FIGURE 7-20. Synergie entre la stimulation 5HT1A et l'antagonisme 5HT2A, cinquième partie. Si les récepteurs 5HT2A sont pharmacologiquement bloqués au lieu d'être stimulés, ils sont incapables d'inhiber les effets 5HT1A. Les récepteurs 5HT1A sont alors désinhibés (comparer les Fig. 7-16 et 7-17). éventuellement des agonistes partiels, pourrait optimiser leurs propriétés pharmacologiques. Un agoniste bêta 3, comme le SR58611, a démontré une efficacité antidépressive préclinique et est en cours d'expérimentation clinique préliminaire.
Systèmes seconds messagers. En augmentant le fonctionnement adrénergique en amont de la fixation au site du récepteur, on pourrait théoriquement atteindre directement à la fois les protéines G et l'enzyme adénylate cyclase. Deux types de produits sont en cours de développement. Il s'agit tout d'abord du rolipram, qui a montré par le passé qu'il est pourvu de propriétés antidépressives prometteuses en lien avec le blocage de la destruction du second messager qu'est l'adénosine monophosphate cyclique (AMPc). Des analogues du lithium agissant sur les protéines G des récepteurs des monoamines ou sur les enzymes régulant le système second messager du phosphatidyl inositol sont en cours d'expérimentation. Il se peut que fortuitement, un jour, on découvre que certains anticonvulsivants connus pour être efficaces dans le trouble bipolaire (dont la dépression) ainsi qrié d'autres anticonvulsivants pouvant l'être, agissent sur les systèmes seconds messagers. Pour exploifèr dans le futur cette approche, il faudra attendre une meilleure compréhension de la cascade biochimique qui régule l'expression génique cruciale des neurones monoaminergiques et de leurs cibles. .m11 Agonistes, agonistes partiels et antagonistes 5HT1A. Bien qu'un grand nombre d'agonistes 5HT1A ait fait l'objet de nombreuses recherches, aucun n'a obtenu d'agrément comme antidépresseur, et un seul a reçu une autorisation de mise sur le marché dans l'anxiété généralisée. Le développement clinique de plusieurs agonistes et agonistes partiels 5HT1A a été abandonné, mais il en reste encore quelques-uns pour lesquels la recherche continue. La
Antidépresseurs nouveaux et thymorégulateurs
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récepteur 5HT2A --------__
récepteur 5HT1A 4.
AMPc
ATP
PI
DAG
-
r
PKA 4 I
-
PKC
CREB
kcmci.c:De FIGURE 7-21. Synergie entre la stimulation 5HT1A et l'antagonisme 5HT2A, sixième partie. Les conséquences moléculaires de la désinhibition des récepteurs 5HT1A par le blocage des récepteurs 5HT2A, c'està-dire l'augmentation de l'expression génique, sont représentées ici. Ces événements moléculaires sont les conséquences de l'action pharmacologique de la Fig. 7-20. L'inhibition simultanée des récepteurs 5HT2A à droite met fin aux conséquences négatives que la stimulation de ces mêmes récepteurs par la sérotonine a sur l'expression génique (voir Fig. 7-19). L'expression génique des récepteurs 5HT1A (voir Fig. 7-18) est donc augmentée lorsque les récepteurs 5HT2A sont bloqués (cercle rouge en haut), et elle est diminuée lorsqu'ils sont stimulés (voir Fig. 7-19). On obtiendra une meilleure vue d'ensemble des effets moléculaires en comparant les Fig. 7-18, 7-19 et 7-21, et des effets pharmacologiques en comparant les Fig. 7-16, 7-17 et 7-20. gépirone ER, un cousin chimique de la buspirone, est en cours de développement clinique aux États-Unis, de même que la tandospirone au Japon. Les recherches cliniques sur l'ipsapirone, le sunépitron et la buspirone transcutanée n'ont pas été poursuivies, mais d'autres produits, dont le flésinoxan, semblent prometteurs. Théoriquement, un antagoniste 5HT1A devrait être un antidépresseur d'action rapide en raison de la désinhibition immédiate des neurones sérotoninergiques qu'il provoque. Cela a été démontré dans les études précliniques, mais aucun antagoniste sélectif 5HT1A n'a été étudié cliniquement dans la dépression. Inhibition de la recapture de la sérotonine et de la dopmine. Des bloqueurs doubles de la sérotonine et de la dopamine sont en cours d'essais cliniques. Bien que la sertraline, un ISRS, possède quelques capacités d'inhibition de la recapture de la dopamine en plus de ses propriétés plus conséquentes d'inhibition de la recapture de la sérotonine, certains produits comme la minaprine et la bazinaprine ont des effets sur la dopamine bien plus puissants, et sont donc des sérotoninergiques/dopaminergiques doubles. Antagonistes 5HT1D. Sur le plan théorique, un antagoniste 5HT1D devrait rapidement désinhiber les neurones sérotoninergiques et être un antidépresseur d'action rapide. Un tel produit, le CP-448,187 est en cours d'essai clinique.
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Psychopharmacologie
Antagonistes des neurokinines Comme nous l'avons expliqué dans le Chapitre 5, certaines considérations théoriques jointes à des observations cliniques judicieuses suggèrent que les antagonistes des neurokinines, et plus particulièrement les antagonistes NK1 (c'est-à-dire les antagonistes de la substance P), pourraient être de nouveaux antidépresseurs. Des recherches ont donc eu lieu dans ce sens, portant sur le SR140333, MK-869, L-760,735, L-733,060, CP-96,345 et CP-122,721, ainsi que plusieurs autres encore. Des antagonistes NK2, comme le SR48968 et GR-159,897, et un antagoniste NK3, le SR142801, sont également en cours d'étude.
Nouveaux mécanismes des neurotransmetteurs D'autres nouveaux antidépresseurs potentiels, en cours d'expérimentation, visent d'autres systèmes de neurotransmetteurs, dont les récepteurs sigma, les peptides comme la neurotensine ou la cholécystokinine, et les systèmes de récompense endogènes comme l'anandamide. Ils sont à une phase très précoce de leur développement.
Les plantes Des plantes médicinales, comme l'hypericum, principe actif du millepertuis (St. John's wort), sont très largement utilisées à travers le monde, même si leurs propriétés antidépressives n'ont jamais été prouvées de la même manière que celles des produits mis sur le marché en tant qu'antidépresseurs. Cependant, des essais cliniques rigoureux — c'est-à-dire répondant aux mêmes critères de sévérité que ceux ayant permis d'obtenir une autorisation de mise sur le marché — sont en cours pour déterminer si les plantes, et plus particulièrement le millepertuis, sont des antidépresseurs efficaces. Des observations de toxicité du millepertuis sur la fonction reproductive ont toutefois refroidi l'enthousiasme qui accompagnait ces recherches. D'après une étude, cette substance diminuerait la fertilité des deux sexes. De plus, il existe quelques preuves de mutation génique des spermatozoïdes susceptibles de présenter un risque pour le développement foetal. Dès lors, la grossesse serait à éviter lorsqu'on absorbe ce type de plantes.
Thyrnorégulateurs Le lithium, thymorégulateur classique Classiquement, les troubles thymiques caractérisés par une élation de l'humeur et une dépression sont traités par le lithium. Il s'agit d'un ion dont les mécanismes d'action restent incertains, mais impliqueraient un effet sur des sites situés au-delà du récepteur, au niveau des systèmes seconds messagers, peut-être par inhibition d'une enzyme, l'inositol monophosphatase, impliquée dans le système phosphatidyl inositol en tant que modulateur des protéines G. Le lithium pourrait également agir en tant que régulateur de l'expression génique en modulant la protéine kinase C (Fig. 7-22). On utilise le lithium non seulement pour traiter les épisodes de manie et d'hypomanie, mais aussi parce qu'il s'agit du premier psychotrope pour lequel on a montré un effet préventif vis-à-vis de la récurrence des épisodes. Le lithium est également efficace dans le traitement et la prévention des épisodes dépressifs chez les patients atteints de trouble bipolaire. Il est moins efficace sur les cycles rapides et les épisodes mixtes. Globalement, le lithium n'est efficace que chez 40 à 50 p. 100 des patients. De plus, un grand nombre de patients ne le tolère pas en raison de ses nombreux effets indésirables : digestifs (dyspepsie, nausées,
Antidépresseurs nouveaux et thymorégulateurs
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Lithium
FIGURE 7-22. Le mécanisme d'action du lithium est mal connu, mais on pense qu'il modifie les systèmes seconds messagers. Il est possible que le lithium modifie les protéines G et leur capacité à réaliser la transduction des signaux à l'intérieur de la cellule une fois que le récepteur du neurotransmetteur est occupé. Selon une autre théorie, le lithium modifie des enzymes qui interagissent avec le système second messager, comme l'inositol monophosphatase ou d'autres. vomissements et diarrhée), prise de poids, chute des cheveux, acné, tremblement, sédation, diminution des fonctions cognitives et trouble de la coordination. Le lithium a aussi des effets à long terme sur la fonctions thyroïdienne et rénale. Enfin, il a un index thérapeutique faible impliquant une surveillance des taux plasmatiques.
Les anticonvulsivants utilisés comme thymorégulateurs En fonction de la théorie selon laquelle la manie pouvait créer un phénomène d'« embrasement » ( NdT « kindling») favorisant la survenue d'autres épisodes maniaques, un parallèle a été fait avec l'épilepsie, où chaque crise comitiale facilite la suivante. Des essais sur plusieurs anticonvulsivants ont donc été menés, commençant par la carbamazépine, et plusieurs ont montré leur efficacité sur les phases maniaques du trouble bipolaire (Tableau 7-I). Toutefois seul l'acide valproïque a effectivement reçu une autorisation de mise sur le marché dans cette indication. Leurs mécanismes d'action restent mal connus tant en ce qui concerne leurs effets anticonvulsivants que leurs effets antimaniaques et thymorégulateurs. Il pourrait même s'agir de mécanismes multiples. Au niveau cellulaire, les anticonvulsivants semblent agir sur les canaux ioniques sodium, potassium et calcium. En interférant avec les mouvements sodiques à travers les canaux dépendants du sodium, par exemple, plusieurs d'entre eux
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Psychopharmacologie Tableau 7-1. Anticonvulsivants utilisés dans le traitement du trouble bipolaire Acide valproïque (Depakote® — F : Dépakote®) et valpromide (F : Dépamide®, substance de la même famille qui existe en France mais pas aux États-Unis, NdT) Carbamazépine (F : Tégrétol®) Lamotrigine (F : Lamictal®) Gabapentine (F : Neurontin®) Topiramate F = équivalent français (Ndl ). induisent un blocage du flux de sodium dépendant de son utilisation. Cela signifie que lorsque le canal sodium est « utilisé » au cours de l'activité neuronale d'une crise comitiale, les anticonvulsivants prolongent son inactivation, ce qui provoque un effet anticonvulsivant. On ne sait pas si c'est ce mécanisme qui est responsable de l'effet thymorégulateur des anticonvulsivants. Lorsque les canaux ioniques sont inactivés, la neurotransmission à la fois excitatrice et inhi4 bitrice est modifiée. Le glutamate est le neurotransmetteur excitateur universel, tandis que l'acide gamma-aminobutyrique (GAGA) est le neurotransmetteur inhibiteur universel. Les anticonvulsivants semblent moduler les effets inhibiteurs du GABA d'une part en augmentant sa synthèse et sa libération, et en inhibant sa destruction grâce à une réduction de sa recapture par le neurone GABA, et d'autre part en augmentant ses effets sur le récepteur. Certains de ces effets seraient donc une des conséquences de l'effet des anticonvulsivants sur le canal ionique. Les anticonvulsivants semblent également interférer avec la neurotransmission excitatrice du glutamate, notamment en diminuant sa libération. Plus simplement, sous anticonvulsivants, la neurotransmission inhibitrice par le GABA est augmentée, tandis que la neurotransmission excitatrice par le glutamate est réduite. D'autres mécanismes d'action de certains anticonvulsivants comprennent l'inhibition de l'enzyme anhydrase carbonique, la modulation négative de l'activité des canaux calciques et des effets sur le système second messager, dont l'inhibition de la phospholdnase C. Il est également possible que les systèmes seconds messagers soient modifiés comme avec le lithium. Acide valproïque. Bien que l'on ne sache pas encore tout de ses mécanismes d'action, l'acide valproïque (ou valproate de sodium, ou valproate) semble inhiber les canaux à sodium et/ou calcium, et peut-être augmenter l'action inhibitrice du GABA tout en réduisant l'action excitatrice du glutamate (Fig. 7-23). Aux États-Unis, il n'existe qu'une présentation d'acide valproïque ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché. Il s'agit du Depakote® [NdT nous disposons aussi en France du valpromide (Dépamide®), un molécule proche de l'acide valproïque]. Ses effets indésirables d'ordre digestif sont réduits. Le Depakote® est indiqué dans la phase aiguë du trouble bipolaire. Il est cependant habituellement utilisé au long cours, bien que ses effets prophylactiqués n'aient pas été démontrés de façon certaine. L'acide valproïque est désormais fréquemment utilisé en tant que produit de première intention dans le trouble bipolaire, ainsi qu'en association avec le lithium chez les patients résistant à ce dernier prescrit en monothérapie, et plus particulièrement les patients ayant des cycles rapides ou un épisode mixte. Administré par voie orale, on obtient avec ce produit une stabilisation rapide ; les taux plasmatiques doivent être surveillés afm de les maintenir dans la fourchette thérapeutique. L'acide valproïque peut provoquer des effets indésirables parfois gênants, comme une perte de cheveux, une prise de poids et une sédation. Certains problèmes limitent l'utilisation de cette molécule chez la femme en âge de procréer, en particulier le risque d'absence de fermeture du
Antidépresseurs nouveaux et thymorégulateurs
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FIGURE 7-23. Mécanismes pharmacologiques de l'action de l'acide valproïque. En interférant avec les canaux calciques et sodiques, le valproate à la fois augmenterait l'action inhibitrice de l'acide gammaaminobutyrique (GABA) et réduirait l'action excitatrice du glutamate.
FIGURE 7-24. Mécanismes pharmacologiques de l'action de la carbamazépine. En interférant avec le sodium et le potassium, la carbamazépine augmenterait l'action inhibitrice de l'acide gamma-aminobutyrique (GABA). tube neural chez le foetus. Des troubles menstruels, des kystes ovariens, un hyperandrogénisme, une obésité et une résistance à l'insuline peuvent parfois apparaître avec ce traitement. Carbamazépine. C'est le premier anticonvulsivant pour lequel une efficacité a été démontrée sur la phase maniaque du trouble bipolaire. Il n'a cependant pas reçu d'autorisation de mise sur le marché dans cette indication aux États-Unis (NdT : en France; il a la double indication). Son mécanisme d'action passerait par l'augmentation de la fonction GABA, peut-être en partie à travers une action sur les canaux à sodium et/ou potassium (Fig. 7-24). Son efficacité étant moins bien démontrée et ses effets indésirables pouvant comporter des anomalies hématologiques et une sédation, on ne l'utilise pas aussi volontiers en première intention que le lithium ou l'acide valproïque. Lamotrigine. Cette substance est agréée comme anticonvulsivant, mais pas en tant que thymorégulateur. On suppose qu'elle inhibe les canaux sodiques et la libération de glutamate
270
Psychophatur a,
FIGURE 7-25. Mécanismes pharmacologiques de l'action de la lamotrigine. En interférant avec les canaux sodiques la lamotrigine réduirait l'action excitatrice du glutamate.
FIGURE 7-26. Mécanismes pharmacologiques de l'action de la gabapentine. La gabapentine inhiberait la recapture de l'acide gamma-aminobutyrique (GABA) dans les terminaisons GABA (action représentée par le sigle IRG, inhibition de la recapture du GABA), ce qui augmenterait l'action inhibitrice du GABA. (Fig. 7-25). De nombreuses publications suggèrent que la lamotrigine stabilise les épisodes bipolaires maniaques ou mixtes tout en semblant efficace sur les épisodes dépressifs du trouble bipolaire. Des études sont en cours. Gabapentine. Cette molécule a été synthétisée comme analogue du GABA, mais il s'est avéré qu'elle ne module pas directement le récepteur GABA. Elle semble interagir avec le transporteur du GABA et augmenter les taux de ce dernier (Fig. Y=26). Elle diminue également les taux de glutamate. La gabapentine est officiellement indiquée comme anticonvulsivant et l'on a découvert à l'origine qu'elle améliorait l'humeur et la qualité de vie des patients épileptiques. De nombreuses études suggèrent qu'elle est efficace dans la phase maniaque du trouble bipolaire, et d'autres évaluations cliniques sont en cours à la recherche d'un effet thymorégulateur. Un analogue de la gabapentine, la prégabaline, est également en cours d'évaluation en tant qu'anticonvulsivant et thymorégulateur. Topiramate. Il s'agit d'une autre substance agréée comme anticonvulsivant et elle est actuellement évaluée à la recherche d'un effet thymorégulateur. Ses mécanismes d'action consisteraient
Antidépresseurs nouveaux et thymorégulateurs
271
en une augmentation de la fonction GABA et une réduction de la fonction glutamatergique en agissant sur les canaux sodiques et calciques. Il s'agit, de plus, d'un inhibiteur faible de l'anhydrase carbonique (Fig. 7-27), Les effets thymorégulateurs du topiramate semblent apparaître à plus faible dose que ses effets anticomitiaux. Ce produit a de plus un effet secondaire intéressant puisqu'il fait perdre du poids, ce qui est unique au sein des thymorégulateurs qui généralement font le contraire.
Autres thymorégulateurs Benzodiazépines. Toutes, mais plus particulièrement le diazépam injectable et le clonazépam per os, sont anticonvulsivantes. Elles sont également sédatives. Ces deux types d'effets ont conduit à leur utilisation dans le traitement des troubles de l'humeur, en particulier en tant que traitement d'appoint de l'agitation et du comportement psychotique lors des phases aiguës de la manie. Les benzodiazépines sont également très largement prescrites dans l'anxiété et les troubles du sommeil. Neuroleptiques. Les neuroleptiques classiques (comme l'halopéridol et la chlorpromazine) ont longtemps été le traitement de l'agitation et des symptômes psychotiques de la manie. Plus récemment, les neuroleptiques atypiques (comme la rispéridone, l'olanzapine et la quétiapine) ont commencé à les remplacer et à jouer un rôle important de traitement d'appoint dans le trouble bipolaire. Les neuroleptiques atypiques peuvent également améliorer l'humeur dans la schizophrénie. À l'heure actuelle, ils sont de plus en plus largement prescrits dans la prise en charge de la phase maniaque du trouble bipolaire. De plus, des études sont en cours pour déterminer la place de ces produits dans la conduite à tenir à long terme dans le trouble bipolaire, en particulier en première intention, en traitement d'entretien et en association avec les thymorégulateurs dans les cas résistants et plus particulièrement les cycles rapides et les épisodes mixtes.
Associations médicamenteuses pour le traitement des patients résistants : polymédication rationnelle Jusqu'ici, nous avons évoqué plusieurs représentants de la « pharmacopée de la dépression » (Fig. 7-28). Plus de deux douzaines de produits différents, agissant par huit mécanismes distincts, permettent de traiter les cas typiques de dépression (Fig. 7-29). Toutefois, les psychopharmacologues sont de plus en plus sollicités pour mettre au point de nouveaux traitements destinés aux patients ne répondant pas à l'un ou l'autre des antidépresseurs disponibles dans la pharmacopée actuelle (voir Fig. 7-28 et 7-29). Le paragraphe suivant traitera d'une question complexe, celle des différentes associations de médicaments dans le traitement de la dépression et du trouble bipolaire, et risque de peu concerner les novices qui pourront donc sauter ce paragraphe pour aller directement à l'électroconv6i.lsivothérapie. La stratégie la plus fréquemment utilisée dans la prise en charge des patients ne répondant pas à la prescription successive de plusieurs antidépresseurs en monothérapie est d'amplifier le traitement à l'aide d'un second produit. On traite ces patients résistants (ou parfois encore dits réfractaires vis-à-vis du traitement) à l'aide d'un algorithme : on utilise d'abord des produits de différentes classes pharmacologiques en monothérapie (voir Fig. 7-29), puis on augmente l'effet du premier médicament avec un second, ce qui crée une multitude de possibilités d'associations (Fig. 7-30 à 7-57). Les trois produits les plus fréquemment utilisés pour amplifier l'effet des antidépresseurs sont le lithium, les hormones thyroïdiennes et la buspirone. D'autres stratégies évoquées ici sont fréquemment utilisées en pratique, mais
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Psychopharmacologie
u
FIGURE 7-27. Mécanismes pharmacologiques de l'action du topiramate. En interférant avec les canaux calciques et sodiques, le topiramate à la fois augmenterait l'action inhibitrice de l'acide gamma-aminobutytique (GARA) et réduirait l'action excitatrice du glutamate. L'inhibition simultanée de l'anhydrase carbonique (IAC) représenterait une activité anticonvulsivante indépendante. reposent généralement plus sur des données anecdotiques ou empiriques que sur des études scientifiques.
Le lithium et les thymorégulateurs, substances potentialisatrices
I
Le lithium est le potentialisateur le plus classique dans le traitement des dépressions unipolaires résistant aux antidépresseurs de première intention (duo classique de la Fig. 7-30). Il peut amplifier l'effet des antidépresseurs en agissant de façon synergique sur les systèmes seconds messagers. De récentes études indiquent que les anticonvulsivants thymorégulateurs peuvent également améliorer la réponse à un traitement antidépresseur de première intention. Le lithium, comme les anticonvulsivants, peut aussi être prescrit en association avec les antidépresseurs dans le trouble bipolaire. Toutefois, dans ce dernier cas, ce sont les thymorégulateurs qui sont le traitement de première intention, tandis que les antidépresseurs sont prescrits pour augmenter une réponse insuffisante, et cela à l'exclusion de tout autre approche (voir la discussion sur les associations de traitement dans le trouble bipolaire plus bas).
Les hormones thyroïdiennes, substances potentialisatrices Les maladies thyroïdiennes étant fréquemment associées à la dépression, surtout chez les femmes, on a observé depuis longtemps que le traitement des anomalies thyroïdiennes améliore la dépression. Cela est particulièrement vrai pour le traitement de l'hypothyroïdie avec des hormones de substitution (T3 ou T4). On a également constaté qu'un traitement de supplémentation hormonale chez des déprimés ne répondant pas aux antidépresseurs de première intention, sans hypothyroïdie patente, pouvait induire une réponse antidépressive (duo thyroïdien de la Fig. 7-30). On donne également des hormones thyroïdiennes aux patients bipolaires résistants aux thymorégulateurs, en particulier chez ceux ayant des cycles rapides (voir la discussion sur les associations de traitement dans le trouble bipolaire plus bas).
Antidépresseurs nouveaux et thymorégulateurs
Œstrogènes
Li ISRS Thymorégulatours
ATC
IRND
IMAO
IRSN
ECT
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Stimulants DA
Thérapie antagonistes alpha 2/' cognitive
PHARMACIE DE LA DÉPRESSION
FIGURE 7-28. Étagères de la pharmacie de la dépression. Parmi ces traitements, beaucoup sont utilisés seuls : les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline (ISRN), les agonistes des récepteurs lA de la sérotonine (produits SHTIA), la psychothérapie interpersonnelle (PIP), les antagonistes sérotoninergiques et inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (SARI), les hormones thyroïdiennes (HT) ou les oestrogènes, l'électroconvulsivothérapie (ECT), les agonistes dopaminergiques, comme le pramipexole, et les stimulants de la libération de la dopamine, comme les amphétamines et le méthylphénidate (stimulants DA), le lithium (Li) et les autres thymorégulateurs, les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS), les antidépresseurs tricycliques (ATC), les inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline et de la dopamine (IRND), les inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO), les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline (IRSN), la thérapie cognitive et les antagonistes alpha 2 (NdT : attention à la confusion entre ISRN et IRSN !).
La buspirone, substance sérotoninergique lA potentialisatrice La buspirone, agoniste partiel sérotoninergique 1A, d'abord employée dans l'anxiété généralisée, est aussi utilisée comme substance potentialisatrice dans la dépression résistante, en particulier en Amérique du Nord (duo sérotoninergique lA de la Fig. 7-30). Lés Fig. 7-31 à 7-33 montrent ses mécanismes d'action supposés en tant substance potentialisatrice de l'effet antidépresseur. Si les taux de sérotonine dans les neurones sont très bas, voire s'il y a déplétion en sérotonine dans la dépression, il n'y aura pas grand-chose à libérer par un ISRS qui bloque sa recapture (voir Fig. 7-31). Il y aurait ainsi théoriquement une désensibilisation inadéquate des autorécepteurs somatodendritiques 5HT1A. Contrairement aux ISRS, dont l'efficacité dépend de la libération endogène de sérotonine, la buspirone ne dépend pas des taux de sérotonine car elle agit directement sur les récepteurs 5HT1A (voir Fig. 7-32). La buspirone peut donc déclencher directement le processus de désensibilisation. Initialement, elle ralentit
274
Psychopharmacologie
MÉCANISMES D'ACTION DES ANTIDÉPRESSEURS
8 CLASSES / >24 AGENTS
MÉCANISME UNIQUE D'ACTION ISRS / IRS
IRN sélectif/IRN
MÉCANISME D'ACTION DOUBLE AUTRE QUE 51-11+ NA 5HT2A
/
IRS
IRN + IRD
MÉCANISME D'ACTION DOUBLE 5HT + NA IPS + IRN sélectifs
IRS + IRN non sélectifs (les ATC)
IMAO Antagonistes alpha 2
FIGURE 7-29. Monothérapies antidépressives présentées selon leurs mécanismes d'action. Il existe plus de deux douzaines de produits qui agissent au travers de huit mécanismes pharmacologiques distincts. Parmi eux, on compte les antidépresseurs qui n'agissent que sur un seul neurotransmetteur (les cinq ISRS et la réboxétine qui est un ISRN) ; les produits qui ont une action double mais sur le même système neurotransmetteur ou sur des systèmes similaires (la néfazodone, un SARI, et le bupropion, un IRND) ; et les produits qui ont une action double [ATC, IMAO, venlafaxine (IRSN) et un antagoniste alpha 2 : la mirtazapine]. l'influx neuronal, ce qui peut aussi permettre au neurone de se recharger en sérotonine (voir Fig. 7-32). La buspirone agit donc en synergie avec les ISRS (voir Fig. 7-33). Comme de plus c'est un agoniste partiel et qu'elle bloque par conséquent les autorécepteurs 5HT1A, elle pourrait FIGURE 7-30. Associations thérapeutiques dans la dépression unipolaire (duos unipolaires). On commence en général le traitement d'une dépression par un seul médicament ; la monothérapie est un traitement de première intention. Si l'on n'obtient pas de résultat avec un seul produit agissant sur un seul neurotransmetteur, un produit unique mais agissant sur plusieurs neurotransmetteurs peut alors se montrer efficace. En cas d'échec de la monothérapie, on utilise souvent des associations de médicaments (d'antidépresseurs en particulier) et d'hormones. Par exemple, l'association classique est celle du traitement de première intention avec le lithium ou un thymorégulateur (duo classique). Une autre stratégie pour potentialiser le traitement de première intention est d'associer des hormones thyroïdiennes (duo thyroïdien). Une autre approche bien évaluée est l'association avec la buspirone, un agoniste partiel 5HT1A, ou le pindolol, un antagoniste 5HT1A, surtout si le traitement de première intention est un ISRS (duo sérotoninergique 1A). Une association particulièrement performante mais potentiellement dangereuse consiste en l'utilisation simultanée d'un antidépresseur tricyclique et d'un inhibiteur de la monoamine oxydase (duo prudent). Quelques études suggèrent que l'adjonction d'hormones sexuelles, en particulier rcestradiol, chez les femmes souffrant de dépression résistante, pourrait être utile dans certains cas (duo cestrogénique). Parfois un sédatif-hypnotique ou un anxiolytique peuvent s'avérer nécessaires si l'insomnie ou l'anxiété persistent et ne sont pas améliorées par d'autres stratégies (duo insomnie/anxiété).
Duos unipolaires
tl) Monotherapie avec action sur un seul neuronansmensur
Mnnollv:rapie r plusieL.
avec
ISRS
ISRN
IRND
IRN
antagoniste alpha 2
Produit de I fe intention
IMAO
SARI
ATC
Li (? valproate, thymorégulateurs)
o Produit de 110 intention
T3/1-4
Produit de 1 ro intention
buspirone (?pindolol)
Duo sérotoninergiquu 1A
ATC [DUO
IMAC
prudent
QA,
+ Produit de 1re intention
oestrogènes
uEn que E2 Duo csCru■
Produit de 1 r° intention Dun insomnie/anxiété
zaléplon/zolpidem/ benzodiazépine
275
5HT diminuée
un ISRS n'a aucun effet
FIGURE 7-31. Mécanisme de l'action potentialisatrice de la buspirone, première partie. Les ISRS agis-. sent indirectement en augmentant les taux de 5HT qui a été libérée dans la synapse. Si les taux de 5HT sont diminués, il ne peut plus y avoir de libération de 5HT, et les ISRS sont inefficaces. C'est ainsi que l'on explique l'absence d'efficacité des ISRS ou la perte de leur effet thérapeutique chez certains patients.
5HT diminuée
o
La buspirone ralentit l'émission de potentiels d'action du neurone : la 5HT réaugmente.
FIGURE 7-32. Mécanisme de l'action potentialisatrice de la buspirone, deuxième partie. La buspirone est capable de potentialiser les ISRS en réaugmentant les taux de 5HT et en désensibilisant directement les récepteurs 5HT1A. L'explication théorique de l'augmentation des taux de 5HT réside dans l'arrêt des décharges de potentiels d'action des neurones 5HT. Si la libération de 5HT est arrêtée pendant un moment, il y a rétention puis restauration des taux de 5HT que le neurone continue de synthétiser. Un agoniste partiel 5HT1A comme la buspirone agit directement sur les autorécepteurs somatodendritiques, ce qui inhibe le potentiel d'action neuronal et permet la restauration des réserves de 5HT Ainsi, la buspirone agirait directement sur les récepteurs 5HT1A pour favoriser l'action des faibles taux de 5HT disponible de désensibilisation des autorécepteurs somatodendritiques 5HT1A, désensibilisation nécessaire pour obtenir l'effet antidépresseur. 277
278
Psychopharmacologie
FIGURE 7-33. Mécanisme de l'action potentialisatrice de la buspirone, troisième partie. La buspirone potentialise les ISRS inefficaces en agissant sur les autorécepteurs somatodendritiques 5HT1A, ce qui provoque secondairement la désinhibition souhaitée du neurone 5HT. Cette association agoniste 5HT1A + ISRS serait plus efficace, non seulement sur la dépression, mais aussi sur les autres troubles traités par les ISRS, comme le trouble obsessionnel-compulsif et le trouble panique. agir plus vite que les ISRS. Le blocage de ces autorécepteurs provoque leur désinhibition immédiate, alors que leur stimulation retarde leur désinhibition en raison du temps qu'il leur faut pour être désensibilisés.
Le pindolol, autre substance sérotoninergique lA potentialisatrice L'idée de bloquer les autorécepteurs somatodendritiques a été reprise avec le pindolol, un bêta-bloqueur bien connu qui est aussi un antagoniste et un agoniste partiel puissant des récepteurs 5HT1A. Des études précliniques ont montré que le pindolol peut désinhiber immédiatement les neurones sérotoninergiques, d'où la proposition qu'il puisse être soit un antidépresseur d'action rapide, soit un potentialisateur. Certaines études cliniques suggèrent que la potentialisation par le pindolol peut accélérer le délai d'apparition de l'effet antidépresseur des ISRS, ou augmenter une réponse insuffisante à ces mêmes produits, mais
Antidépresseurs nouveaux et thymorégulateurs
279
d'autres études ne confirment pas ces données. Néanmoins, les antagonistes 5HT1A sont en cours de développement en tant que nouveaux antidépresseurs potentiels d'action rapide.
Ass ciation inhibiteur de la monoamine oxydase/antidépresseur tricyclique Une stratégie démodée et un peu tombée dans l'oubli au cours de ces dernières années consiste à associer avec prudence un ATC et un inhibiteur de la MAO (« duo prudent » de la Fig. 7-30). Compte tenu de ses dangers potentiels (c'est-à-dire survenue d'épisodes hypertensifs soudains, hypotension orthostatique, interactions médicamenteuses et alimentaires, obésité), aussi bien que de la grande gamme d'autres associations possibles disponibles de nos jours, cette association-là est devenue rarement nécessaire ou justifiée.
es oestrogènes et hormones sexuelles, substances potentialisatrices des antidépresseurs Une autre association thérapeutique consiste à combiner un antidépresseur de première intention, spécialement un ISRS, avec un traitement oestrogénique substitutif chez des femmes en préménopause ou ménopause qui ne répondent pas à un antidépresseur en monothérapie (duo oestrogénique de la Fig. 7-30). Il n'y a malheureusement que peu ou pas d'essais cliniques contrôlés permettant de recommander une telle stratégie. De nombreux case reports et certaines observations cliniques montrent que certaines femmes ne répondant pas à un antidépresseur répondent à un oestrogène ; d'autres femmes qui ne répondent pas à un antidépresseur seul répondent à un oestrogène associé à un antidépresseur. L'oestrogène étant lui-même un activateur direct de la transcription, il pourrait être synergique, au niveau génomique, avec l'activation de la transcription induite par les ISRS (voir Fig. 7-34), de manière à obtenir un résultat moléculaire supérieur à celui atteint par les ISRS seuls. Une autre utilisation des hormones sexuelles est de les prescrire en continu, c'est-à-dire d'éviter l'utilisation cyclique des œstroprogestatifs, ou alors de supprimer les progestatifs, ou d'associer de la testostérone ou de la déhydroépiandrostérone (DHEA). Ces mesures demeurent anecdotiques et nécessitent des études contrôlées qui devront déterminer quelle peut être leur utilité en tant que potentialisateurs des antidépresseurs, tant chez la femme que chez l'homme.
ociation insomnie/anxiété Insomnie et dépression sont deux pathologies ordinairement associées. L'insomnie est fréquemment aggravée par les antidépresseurs, surtout tes ISRS. Lorsqu'elle persiste malgré une évaluation adéquate et des tentatives de traitement par d'autres méthodes, il est souvent nécessaire d'utiliser en plus un sédatif hypnotique, en particulier une substance non benzodiazépinique à demi-vie courte et d'action rapide comme le zaléplon ou le zolpidem (NdT : ou encore la zopiclone en France). Parfois, une benzodiazépine hypnotique de type triazolam ou témazépam peut s'avérer nécessaire. Si l'anxiété s'étend à la journée et ne peut être jugulée autrement, le recours à une benzodiazépine anxiolytique, comme l'alprazolam ou le donazépam, peut s'imposer. L'utilisation des sédatifs hypnotiques et des anxiolytiques doit être aussi brève que possible.
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Psychopharmacologie
récepteur 5HT (Gs
AMPc
A I 1-)
P KA
FIGURE 7-34. Les oestrogènes agissent sur les récepteurs situés dans le noyau cellulaire afin d'augmenter la transcription des gènes. On obtiendrait ainsi, chez certaines femmes, une synergie avec les effets des antidépresseurs de première intention, par activation des facteurs de transcription (FT).
Associations bipolaires L'association d'au moins deux psychotropes est la règle plutôt que l'exception dans le trouble bipolaire (duo bipolaire de la Fig. 7-35). Le traitement de première intention repose sur le lithium et l'acide valproïque. Lorsqu'on ne peut stabiliser les patients dans la phase maniaque aiguë avec l'un ou l'autre, les traitements de seconde intention sont les neuroleptiques FIGURE 7-35. Associations thérapeutiques dans le trouble bipolaire (duo bipolaire). L'association médicamenteuse dans le trouble bipolaire est la règle plutôt que l'exception. Il faut tenter une monothérapie, toutefois, avec en première intention le lithium ou l'acide valproïque, en deuxième intention les neuroleptiques atypiques, et en troisième intention les anticonvulsivants thymorégulateurs. Une situation -très habituelle dans le traitement aigu de la phase maniaque du trouble bipolaire est de prescrire un thymorégulateur et un neuroleptique atypique (duo atypique). Les patients agités nécessitent de façon intermittente une benzodiazépine sédative (duo « arme d'assaut benzodiazépinique s), tandis que les patients dont l'agitation ne peut pas être contrôlée nécessitent de façon intermittente un neuroleptique (duo « arme nucléaire neuroleptique »). En ce qui concerne le traitement d'entretien, il faut souvent une association de deux thymorégulateurs (duo thymorégulateur) ou un thymorégu. lateur associé à un neuroleptique atypique (duo atypique). En ce qui concerne les patients qui continuent d'avoir des épisodes dépressifs en dépit du duo thymorégulateur ou atypique, un antidépresseur est nécessaire (duo antidépresseur). Mais comme les antidépresseurs risquent d'induire un virage maniaque, des cycles rapides ou un état mixte (manie ± dépression), le duo antidépresseur doit être utilisé avec prudence.
Duos bipolaires
oÇ Monothérapie de première intention
Lithium
Monothérapie de 2° intention
neuroleptiques atypiques
Monothérapie de 3 intention
Carbamazépine
0
Acide valproïque
Lamotrigine
Gabapentine
Topiramate
Or.
Duo atypique
Li ou acide valproïque
neuroleptiques atypiques
Duo amie d'assaut benzodiazépinique
Li ou acide valproïque
benzodiazépine
I Duo ° arme nucléaire neuroleptique »
Li ou acide valproïque
Neuroleptique
ot au moins 2 thymorégulateurs
thymorégulateur ou neuroleptique atypique
antidépresseur
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Psychopharmacologie
atypiques. Ces derniers peuvent parfois d'ailleurs être le traitement de première intention de la phase maniaque du trouble bipolaire. 1 Si le lithium, l'acide valproïque ou Ies neuroleptiques atypiques prescrits en monothérapie sont inefficaces en phase aiguë, ils peuvent être combinés (duo atypique de la Fig. 7-35). Si cela demeure inefficace, une benzodiazépine ou un neuroleptique classique peuvent être associés à la monothérapie de première ou de seconde intention, particulièrement chez les patients les plus sévèrement perturbés (voir Fig. 7-35). Plus précisément, les benzodiazépines sédatives peuvent réduire l'agitation (arme d'assaut benzodiazépinique de la Fig. 7-35), mais les neuroleptiques peuvent être nécessaires chez les patients les plus perturbés ou eu état de fureur (arme nucléaire de la Fig. 7-35). On doit réserver ces derniers à la phase aiguë et les utiliser avec parcimonie. En cas d'échec des thymorégulateurs de première intention ou des neuroleptiques atypiques de seconde intention, on se tournera vers un autre anticonvulsivant en monothéra- .1 pie : carbamazépine, larnotrigine, gabapentine et topiramate (monothérapie de troisième intention). Les stratégies de traitement d'entretien dans le trouble bipolaire subissent de rapides changements. Encore récemment, le lithium était le traitement de référence, souvent associé à un antidépresseur chez les patients déprimés aussi bien que maniaques qui ne répondaient pas parfaitement au lithium seul. À l'heure actuelle, toutefois, plusieurs nouvelles règles thérapeutiques guident les praticiens dans le traitement du trouble bipolaire lors de la phase d'entretien. Premièrement, les anticonvulsivants, et en particulier l'acide valproïque, sont désormais considérés comme d'excellents traitements de première intention à côté du lithium, bien que ce dernier soit le seul produit agréé dans cette indication. En deuxième lieu, les neuroleptiques atypiques sont clairement des produits de seconde intention pour le traitement d'entretien du trouble bipolaire lorsqu'au moins un thymorégulateur seul ou en association s'est montré inefficace. En outre, ils tendent à devenir aussi des médicaments de première intention en traitement d'entretien au fur et à mesure que leur bonne tolérance et leur efficacité continuent à être démontrées par les essais cliniques. En troisième lieu, les antidépresseurs ne peuvent plus être considérés comme anodins dans cette affection. Bien que de nombreux patients bipolaires aient été stabilisés par le lithium associé à un antidépresseur, on sait désormais que les antidépresseurs peuvent aussi provoquer la décompensation de ces patients, sous forme de manie ou hypomanie avérée, mais aussi de manie mixte et de cycles rapides, problèmes qui sont beaucoup plus difficiles à identifier et à traiter. La tendance actuelle est d'utiliser les antidépresseurs de façon parcimonieuse et, seulement s'ils sont vraiment nécessaires, de les prescrire uniquement en cas d'excellente stabilité de l'humeur obtenue avec un thymorégulateur, un neuroleptique atypique ou les deux à la fois. En fait, les thymorégulateurs et les neuroleptiques atypiques semblent avoir prouvé leur utilité dans la phase dépressive du trouble bipolaire, diminuant voire supprimant la nécessité de prescrire des antidépresseurs susceptibles de déstabiliser les-patientsbipolaires. Les antidépresseurs sont donc désormais relégués en troisième intention, derrière le lithium, les anticonvulsivants et les neuroleptiques atypiques dans le trouble bipolaire. C'est une stratégie d'économie des antidépresseurs dans le traitement du trouble bipolaire. L'association médicamenteuse dans le traitement d'entretien du trouble bipolaire peut inclure deux thymorégulateurs ou davantage ; un thymorégulateur et un neuroleptique atypique ; un thymorégulateur et/ou un neuroleptique atypique plus une benzodiazépin e ; un thymorégulateur et des hormones thyroïdiennes ; et même un thymorégulateur et/ou u neuroleptique atypique et un antidépresseur (voir Fig. 7-35).
Antidépresseurs nouveaux et thymorégulateurs
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e approche rationnelle de l'association antidépresseurs
+ antidépresseurs À notre ère de gestion des soins, le psychopharmacologue et le psychiatre ont à faire face presque exclusivement à des patients résistants aux approches thérapeutiques conventionnelles, car les cas les plus simples sont pris en charge par les services de soins primaires, moins coûteux, tandis que seuls les cas difficiles sont adressés au spécialiste. Le traitement des patients résistants à des stratégies thérapeutiques solidement étayées n'est pas du ressort du novice, ni du praticien qui souhaite travailler uniquement en suivant les recommandations officielles et respectant les autorisations de mise sur le marché, ou qui désire ne s'appuyer que sur de nombreuses études cliniques contrôlées et publiées. Les traitements de première intention et les associations thérapeutiques sont résumés dans la Fig. 7-3 6. Le principe pour entreprendre l'association de deux antidépresseurs est fondé sur un certain nombre de facteurs. Tout d'abord, certaines associations d'antidépresseurs exploitent des synergies pharmacologiques et moléculaires théoriques qui augmentent la neurotransmission monoaminergique. Ensuite, les associations d'antidépresseurs ont rassemblé des preuves empiriques ou anecdotiques de bonne tolérance et d'efficacité issues de leur utilisation non scientifiquement contrôlée en pratique clinique. Et pour finir, l'idée d'utiliser simultanément de multiples mécanismes pharmacologiques dans les cas les plus difficiles constitue déjà une approche reconnue dans d'autres branches de la médecine, comme le traitement d'infections bactériennes résistantes et de l'infection par le virus de l'immunodéficience humaine, celui du cancer ou de l'hypertension artérielle résistante. Plus loin dans ce chapitre, nous décrirons trois approches spécifiques de la prise en charge de patients résistant à la thérapie de première intention et aux stratégies de potentialisation : la stratégie sérotoninergique, la stratégie adrénergique et la stratégie du double mécanisme dite « héroïque ». Diagnostiquer la résistance au traitement. Beaucoup de patients vont mal avec les antidépresseurs. Lorsqu'ils ont enchaîné plusieurs essais médicamenteux, on finit par conclure qu'ils sont résistants. Avant de conclure qu'un patient est réellement résistant à un antidépresseur, il est nécessaire de reprendre attentivement son historique médicamenteux afin d'éliminer des phénomènes d'intolérance que l'on risquerait de prendre à tort pour une résistance (médicaments essayés à une dose insuffisante pendant 4 à 8 semaines). La solution au phénomène d'intolérance est d'associer un antidépresseur qui annule les effets indésirables du premier. Une autre situation est à éliminer avant d'affirmer la résistance : la dépression bipolaire non reconnue et prise à tort pour une dépression unipolaire résistante. Effectivement, un patient apparemment unipolaire et qui s'agite sous traitement peut en réalité être bipolaire. Dans ce cas, c'est l'antidépresseur qui a induit des cycles rapides ou une manie mixte. Cette situation est fréquemment exacerbée par l'association dt deux antidépresseurs. La solution consiste à arrêter l'antidépresseur et à optimiser le traitement par des thymorégulateurs et des neuroleptiques atypiques, avant de se précipiter sur un autre antidépresseur à mécanismes multiples. Principes de l'association d'antidépresseurs. Il s'agit en tout premier lieu d'associer des mécanismes, pas des produits. Autrement dit, il faut savoir quels seront les mécanismes pharmacologiques qui vont être associés, les médicaments étant seulement les « mulets » qui charrient les mécanismes sur leur dos. Certains produits ont un mécanisme principal,
284
Psychopharmacologie
MONOTHÉRAPIE ISRS (5) bupropion venlafaxine mirlazapine néfazodone réboxétine
yly POTENTIALISATION DE PREMIÈRE INTENTION lithium hormones thyroïdiennes buspirone (pindolol)
4, POTENTIALISATION DE SECONDE INTENTION DA E2 benzodiazépine
trazodone/hypnotiques
MONOTHÉRAPIE DE SECONDE INTENTION ATC IMAO
ASSOCIATION D'ANTIDÉPRESSEURS Deux produits de mécanismes d'action différents
FIGURE 7-36. Résumé des monothérapies de première intention et des associations les plus fréquemment utilisées dans la dépression unipolaire. Les associations d'antidépresseurs en bas à droite sont utilisées lorsque les autres stratégies ont échoué.
d'autres des mécanismes multiples. Par conséquent, en associant deux substances, on associe en réalité trois mécanismes, voire davantage. II y a, en outre, de nombreux mulets différents qui transportent le même mécanisme, ce qui permet de multiples approches pour obtenir toutes sortes de mécanismes à l'aide de multiples associations médicamenteuses. Le deuxième principe est d'éviter de faire un mauvais calcul. En effet, un mélange réussi de mécanismes médicamenteux permet une synergie pharmacologique des effets antidépresseurs (où 1 + 1 = 10). En outre, la connaissance des mécanismes des effets indésirables des antidépresseurs peut conduire à d'autres mélanges réussis où des profils d'effets indésirables s'opposent et rendent le traitement mieux toléré (1 + 1 = 0). Le mélange d'antidépresseurs le plus intelligent évite les deux forme de mauvais calcul en même temps, et au contraire favorise une augmentation synergique de l'efficacité avec amélioration de la tolérance par annula. tion réciproque des effets indésirables. Le troisième principe est l'exploitation des fortes synergies théoriques existant entre les systèmes sérotoninergiques, noradrénergiques et éventuellement dopaminergiques. Deux actions pharmacologiques indépendantes agissant sur n'importe lequel des systèmes peuvent être synergiques. On peut prendre pour exemple le blocage de la recapture de la sérotonine ou de la noradrénaline associé au blocage alpha 2, ou encore l'association du blocage de la recapture de la sérotonine avec l'antagonisme 5HT2A. Des exemples de mise en place cette approche et concernant la sérotonine sont donnés dans la Fig. 7-37. Il en est de même en ce qui. concerne la noradrénaline et la dopamine dans les Fig. 7-38 à 7-43.
Antidépresseurs nouveaux et thymorégulateurs
285
d ISRS
trazodone
un ISRS/faible dose de venlafaxine
néfazodone
faible dose d'ISRN
trazodone/néfazodone
ISRS/ venlafaxine
neuroleptiques atypiques
d ISRS
mirtazapine
FIGURE 7-37. On observe souvent une synergie entre les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine et les antagonistes sérotoninergiques 2A. Diverses associations médicamenteuses spécifiques destinées à utiliser
cette stratégie dans la dépression unipolaire sont représentées ici. Un autre importante synergie théorique à exploiter pour traiter les cas de dépression résistante est celle qui existe entre la sérotonine et la noradrénaline (voir Fig, 7-39 et 7-44, par exemple). On réalise qu'en stimulant la neurotransmission au niveau des deux systèmes monoaminergiques avec soit un seul médicament, soit une association de produits, on peut également augmenter l'efficacité thérapeutique des traitements dans les dépressions résistantes. Les Fig. 7-45 à 7-57 montrent plusieurs exemples spécifiques sur la manière de mettre cette stratégie en place. Synergie au sein du système sérotoninergique. Stimuler la neurotransmission sérotoninergique est non seulement efficace dans les dépressions résistantes, mais aussi clans le traitement de la résistance pour tous les troubles appartenant au « spectre de la sérotonine », tels que le trouble obsessionnel-compulsif, le trouble panique, la phobie sociale, l'état de stress post-traumatique et la boulimie. Un bon exemple de la synergie pharmacologique au sein du système sérotoninergique est fourni par la stratégie antagoniste 5HT2A. Elle est présentée dans les Fig. 7-20 et 7-21, et a été abordée précédemment dans le chapitre sur la néfazodone et les SARI. Dans cette stratégie, une forte inhibition de la recapture de la sérotonine par l'un des produits de la colonne
286
Psychopharmacologie
cy Duos adrénergiques
IRND
IRN
+ IRND/IRN
stimulant
IRNDIFIN
agoniste DA / pramipexole
IRN
d,I - amphétamine
18,
FIGURE 7-38. Associations médicamenteuses — impliquant la noradrénaline, la dopamine ou les deux à la
fois — utilisées dans le traitement de la dépression unipolaire résistante et destinées à augmenter la neuro• transmission adrénergique. de gauche de la Fig. 7-37 est associée à une non moins forte inhibition des récepteurs sérotoninergiques 2A de la colonne de droite. Cette stratégie est le dénominateur commun de toutes les possibilités d'appariement, même si elle n'est pas exclusive de tous Ies possibles mécanismes de synergie. L'exemple le plus fréquemment utilisé pour illustrer la stratégie 5HT2A est peut-être celui de l'association d'un ISRS avec la trazodone. Depuis longtemps, les cliniciens ont remarqué que la trazodone améliore l'agitation et l'insomnie souvent associées aux ISRS, permet d'utiliser de fortes doses d'ISRS et par conséquent augmente leur efficacité, non seulement dans la dépression, mais aussi dans les troubles obsessionnels-compulsifs et autres troubles anxieux. Deux sortes de mauvais calculs sont donc déclinés. L'exemple le mieux documenté pour illustrer l'augmentation de l'efficacité par cette stratégie sérotoninergique 2A est peut-être celui de l'utilisation., d'un neuroleptique atypique chez un patient souffrant de dépression non psychotique et ne répondant pas à un ISRS. Noradrénaline et synergie. L'augmentation de la neurotransmission noradrénergique est utile non seulement dans la dépression en général, mais aussi chez les répondeurs partiels, surtout ceux qui se plaignent de fatigue, d'apathie et de ralentissement cognitif. La Fig. 7-38 donne plusieurs exemples de la façon de stimuler la neurotransmission noradrénergique au-delà de ce que ferait un produit seul. Des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline, comme la réboxétine, ou des inhibiteurs non sélectifs, comme la désipramine, peuvent ainsi être associés au bupropion, substance à la fois noradrénergique et dopaminergique. Ce
état dépressif
état dépressif
augmentation simple de la 5HT
augmentation simple de la NA
augmentation simple de la DA
double augmentation de la 5HT
double augmentation de la NA
double augmentation de
la DA
FIGURE 7-39. Explication des duos. Les figures qui seront désormais utilisées jusqu'à la fin de ce chapitre emploieront les mêmes codes de couleur que ceux utilisés ici. L'état dépressif, non traité, est représenté par des couleurs pâles figurant la déplétion en neurotransmetteurs. Si l'une des trois monoamines jouant un rôle dans la neurotransmission (5HT, NA ou DA) est augmentée par un des médicaments dans une association représentée ici, sa couleur correspondante va devenir un peu plus foncée. L'augmentation simple de la 5HT va passer au jaune moyen ; l'augmentation simple de la NA va passer au violet moyen ; et l'augmentation simple de la DA passera au bleu moyen. Certains duos ont une action synergique sur le même système de neurotransmetteur monoaminergique. Dans de tels cas, la couleur va devenir foncée afin d'illustrer la synergie potentielle de cette approche.
d IRN(IRND) cr_
= bupropion
p.
FIGURE 7-40. Duo adrénergique 1 : bupropion + inhibiteur de la recapture de la noradrénaline (IRN). L'effet NA du bupropion est doublement augmenté par l'IRN (qu'il soit sélectif : réboxétine, ou non sélectif : désipramine, maprotiline, nortriptyline ou protriptyline). Le bupropion n'a qu'une action unique (et non pas double) sur la dopamine. 287
288
Psychopharmacologie
= bupropion (IRND) CY= IRN =
bupropion
bupropion / IRN
stimulant
FIGURE 7-41. Duo adrénergique 2 : le bupropion peut être associé à un stimulant comme la d-aniphétamine ou le méthylphénidate. Le stimulant ajoute une double action dopaminergique aux effets du bupropion. Ce dernier n'a qu'une action unique (et non pas double) sur la noradrénaline.
= bupropion (IRND) =
agoniste DA
augmentation simpi.
bupropion
bupropion
pramipexole
-.dee Are
FIGURE 7-42. Duo adrénergique 3 : les effets du bupropion sur les neurones dopaminergiques sont doublement augmentés par un agoniste dopaminergique D2 ou D3 comme le pramipexole. Le bupropion n'a qu'une action unique (et non pas double) sur la noradrénaline.
Cr. IRN
O = d,l-amphétamine
1-amphétamine
IRN
d-amphétamine
FIGURE 7-43. Duo adrénergique 4 : IRN + d ou 1-amphétamine. Dans ce cas, l'effet IRN sur la NA est doublement augmenté par un mélange de sels contenant les formes d et l de l'amphétamine. La l-amphétamine provoque une libération de NA. De plus, la d-amphétamine augmente (action unique) la libération de DA, dernier, ou un autre inhibiteur de la recapture de la noradrénaline, peuvent également être associés à un stimulant de la libération de dopamine (amphétamine, méthylphénidate, die. thylpropion ou phentermine, par exemple), ou encore avec un agoniste dopaminergique direct tel que le pramipexole. Cela peut, de manière anecdotique, se révéler particulièrement utile pour des patients ayant une dépression stuporeuse ou mélancolique, ou encore pou: les bipolaires qui ont besoin à la fois d'un antidépresseur et d'un thymorégulateur. La stratégie héroïque : augmenter à la fois la sérotonine et la noradrénaline. Devant le plus résistant des patients, il peut être nécessaire d'utiliser une stratégie de double combinaison, séroto-
Duos unipolaires
Duos héroïques
fortes doses de venlafaxine
mirtazapine
fortes doses de venlafaxine
I RND
ciî fortes doses de venlafaxine
IRN
fortes doses de venlafaxine
stimulant
ferles doses de venlafaxine
néfazodone
o
mirtazapine
cf ISRS
mirtazapine
IRN
mirtazapine
?RND
mirtazapine
stimulant
ISRS
IRN
ISRS
JING
O
ci ISRS
RND
stimulant
néfazodone/trazodone
Série de duos héroïques d'antidépresseurs dans le traitement de la dépression unipolaire Chaque combinaison est expliquée dans les figures qui vont suivre (Fig. 7-45 à 7-57).
;LIRE 7-44. tante.
2S9
290
Psychopharmacologie Carburant de la Fusée Ariane venlafaxine
5HT
mirtazapine
triple augmentation
venlafaxine
mirtazapine
venlafaxine
mirtazapine venlafaxine
1-à1:112
FIGURE 7-45. Duo héroïque 1 ou « carburant de la fusée Ariane » : fortes doses de venlafaxine minazapine. Il s'agit d'une association à haut degré théorique de synergie : blocage de la recapture + blocage alpha 2 ; recapture de la sérotonine + antagonisme 5HT2A ; action 5HT + action NA. La 5HT est donc triplement augmentée : par blocage de la recapture, par antagonisme alpha 2 et par antagonisme 5HT2A. La NA, quant à elle, est augmentée par action double : par blocage de la recapture et par antagonisme alpha 2. Il peut même y avoir en plus une augmentation simple de la DA par blocage de sa recapture.
FIGURE 7-46. Duo héroïque 2 : fortes doses de venlafaxine IRND (bupropion). Ici, la SIIT est augmentée par action unique, la NA et la DA augmentées par action double.
venlafaxine
DA
= IRN
augmentation simple
venlafaxine
venlafaxine
venlataxine
FIGURE 7-47. Duo héroïque 3 : fortes doses de venlafaxine IRN. loi, la 5HT est augmentée par action unique, la NA augmentée par action double, et la DA, peut-être, augmentée par action double elle aussi. L'IRN peut être soit la réboxétine, soit un antidépresseur tricydique comme la désipramine, la maprotiline, la nortriptyline ou la protriptyline. ninergique et noradrénergique (combinaison héroïque ; vo& Fig. 7-44). Une douzaine de duos héroïques sont présentées Fig. 7-44, et schématisées Fig. 7-45 à 7-57. Ces associations médicamenteuses spécifiques font toute, d'une manière ou d'une autre, la même chose : conduire à une stimulation simple ou double de la sérotonine, la noradrénaline et/ou la dopamine. Les Fig. 7-45 à 7-57 montrent par diverses intensités de couleurs les effets précis de ces combinai-
Antidépresseurs nouveaux et thymorégulateurs
291
venlafaxine = stimulant
venlafax i ne
venlafaxine
venlafaxine
stimulant
IGURE 7-48. Duo héroïque 4 : fortes doses de venlafaxine + stimulant. Ici, la 5HT et la NA sont augentées par action unique, et la DA augmentée par action double. Parmi les stimulants, on peut trouver a d-amphétamine, le méthylphénidate, la phentermine ou le diéthylpropion. On peut aussi trouver un oniste DA direct comme le pramipexole.
Y
.,milafaxine
5HT
= rvitazocionc
triple augmentation
venlafaxinenéfazodone • Ar"
augmentation simpi
venlafaxine
venlafaxine
FIGURE, 7-49. Duo héroïque 5 : venlafaxine + néfazodone. La sérotonine est augmentée par action double jusqu'à un certain point par la néfazodone seule. L'augmentation de la sérotonine est importante quelle que soit la dose de venlafaxine. Cette augmentation de l'effet sérotoninergique de la néfazodone peut être reproduite avec les ISRS, en particulier avec le citalopram qui sera le mieux toléré des ISRS. À forte doses de venlafaxine, il n'y a plus ,eulement une augmentation de la 5HT, mais aussi une augmentation simple de la NA et peut-être aussi de la DA.
= ISRS
pas d'augmentation ere ISRS
mirtazapine
mirtazapine
FIGURE 7-5ü. Duo héroïque 6 : mirtazapine + ISRS. Ici, la 5Frr est doublement désinhibée par blocage de la recapture et antagonisme alpha 2. La NA est également augmentée par action simple. sons de traitement, les couleurs pâles correspondant à l'absence de stimulation de la neurotransmission correspondante, les couleurs d'intensité moyenne représentant une stimulation simple, et les couleurs intenses correspondant à une double stimulation (voir Fig. 7-39). Une des associations théoriquement les plus puissantes est celle de venlafaxine et de mirtazapine à fortes doses (c'est le super « carburant de la fusée Ariane » de la Fig. 7-45 ; voir aussi Fig. 7-44).
292
Psychopharmacologie DA augmentation simple
mirtazapine
IRN
mirtazapine
FIGURE 7-51. Duo héroïque 7 : mirtazapine + IRN. Ici, la NA est doublement désinhibée par blocage de la recapture et antagonisme alpha 2. La réboxétine est mieux tolérée en association avec la mirtazapine que ne le sont les ATC. La 5HT est augmentée par action simple. mirtazapine
6.= bupropion (IRND} augmentation simple
mirtazapine
IRND
mirtazapine
'mn
FIGURE 7-52. Duo héroïque 8 : mirtazapine + IRND (bupropion). Ici, la NA est augmentée par action double ; la 5HT et la DA le sont par action simple. ire = mirtazapine stimulant
ouble augmentation
mirtazapine
mirtazapine
FIGURE 7-53. Duo héroïque 9 : mirtazapine + stimulant. Ici, la 5HT, la NA et la DA sont toutes a, - rn,_ n tées par action simple. Parmi les stimulants, on trouve la d-amphétamine, le méthylphénidate, la phen. termine ou le diéthylpropion et peut-être aussi le pramipexole, un agoniste dopaminergique direct. Ces médicaments apportent synergie sur synergie, avec blocage de recapture plus blocage alpha 2 pour une double désinhibition, les effets sur les actions 5HT et NA stimulant la sérotonine au niveau des récepteurs SHTIA tout en bloquant les récepteurs 5HT2A. L'essentiel est d'utiliser des associations de médicaments sures et rationnelles, exploitant des synergies moléculaires et pharmacologiques supposées tout en permettant, si possible, une meilleure tolérance. Chacune des combinaisons de la Fig. 7-44 est utilisée en pratique clinique et a pu aider certains patients et d'autres non. Malheureusement, pour le moment,
Antidépresseurs nouveaux et thymorégulateurs
293
FIGURE 7-54. Duo héroïque 10 : ISRS + IRN. Ici, la 5HT et la NA sont augmentées par action simple. L'IRN de choix est la réboxétine dont l'action est sélective et qui est dénuée d'interaction médicamenteuse. Les ATC non sélectifs qui ont un effet IRN préférentiel, comme la désipramine, la maprotiline, la nortriptylMe ou la protriptyline, peuvent être associés sous condition d'une surveillance de leurs taux plasmatiques, surtout si l'ISRS est la fluoxétine ou la paroxétine.
ISRS
5HT
DA
augmentation simple
augmentation si mple
bupropion (IRND)
ISRS
IRND
IRND
FIGURE 7-55. Duo héroïque 11 : ISRS + IRND (bupropion). Ici, la 5HT, la NA et la DA sont toutes augmentées par action simple.
ef
= ISRS
5HT 1
NA
stimulant
augmentation s mple
ISRS
pas d'augmentation
stimulant
FIGURE 7-56. Duo héroïque 12 : ISRS + stimulant. Ici, la 5HT et la DA sont augmentées par action simple. Parmi les stimulants, on trouve la d-amphétamine, le méthylphénidate, la phentermine ou le diéthylpropion. Ce duo inclurait aussi le pramipexole, un agoniste, dopaminergique direct. on ne dispose que de peu de documentation scientifique sur cette utilisation empirique. De nombreuses études sont en cours et permettront de dire quelles sont les meilleures options dans les cas les plus difficiles où les bénéfices d'une telle approche en supplantent les risques.
Électroconvulsivothérapie Lorsque tous les antidépresseurs, seuls ou en association, sont en échec, la solution peut être l'électroconvulsivothérapie (ECT), seul agent thérapeutique apportant une réponse rapide,
Psychopharmacologie
294
t.j4
4 = néfazodone
5HT
NA
DA
double augmentation
augmentation simple
augmentation simple
bupropion (IRND)
néfazodone
IRND
IRND
FIGURE 7-57. Duo héroïque 13 : néfazodone + IRND (bupropion). Ici, l'effet sérotoninergique simple la néfazodone est associé à l'augmentation par action simple de la NA et de la DA induite par le bupro
parfois dès la première séance mais plus typiquement après quelques jours. On n'en connaît pas les mécanismes, mais ils sembleraient en lien avec la probable mobilisation des neurotransmetteurs due à la crise convulsive. Dans les études chez l'animal, l'ECT désensibilise les récepteurs bêta (comme le font les antidépresseurs), mais hypersensibilise les récepteurs 5HT2 (contrairement aux antidépresseurs). La perte de mémoire et la stigmatisation sociale sont les principaux problèmes et limites rencontrés avec les ECT. Il peut y avoir d'étonnantes différences d'un pays à l'autre dans la fréquence d'utilisation et dans les techniques des ECT, qui sont d'utilisation plus banale en Europe, au Royaume-Uni et sur la côte Est des États-Unis que sur la côte Ouest. L'électroconvulsivothérapie est particulièrement utile lorsque l'on recherche une grande rapidité d'action, et lorsqu'un patient est résistant aux antidépresseurs. Elle est également d'un grand intérêt dans les dépressions psychotiques et bipolaires, et dans la psychose puerpérale. Si le mécanisme d'action des ECT pouvait être élucidé, on pourrait synthétiser de nouveaux antidépresseurs d'action rapide ou efficaces chez les malades résistants. En attendant, les ECT demeurent complètement nécessaires dans l'arsenal thérapeutique de la dépression. Psychothérapie Au cours des dernières années, la recherche moderne sur la psychothérapie s'est attachée à
tendre vers des standards et à évaluer les pratiques, un peu comme on le fait pour les antidépresseurs dans des essais cliniques. Les psychothérapies sont désormais évaluées grâce à des protocoles standardisés, par des thérapeutes ayant reçu une formation standardisée en utilisant des ouvrages standardisés, selon des « doses » standard pour une durée de temps précise. Cette façon de faire de la psychothérapie a été compa-rée..au placebo ou aux antidépresseurs. Chez certains patients, la psychothérapie interpersonnelle et la psychothérapie cognitive s'avèrent tout aussi efficaces que les antidépresseurs. L'efficacité de certaines de ces pratiques est donc sur le point d'être prouvée. Par contre, la recherche sur la meilleure façon d'associer les psychothérapies aux médicaments n'en est qu'à ses débuts. Bien que certaines études parmi les plus anciennes ne montrent pas de bénéfice à associer un antidépresseur tricyclique et une psychothérapie interpersonnelle, d'autres, plus récentes, apportent désormais la preuve de l'intérêt à associer psychothérapie et antidépresseurs. Notamment, une étude sur la néfazodone suggère qu'elle
I
Antidépresseurs nouveaux et thymorégulateurs
295
est particulièrement efficace lorsqu'elle est combinée avec une psychothérapie cognitivocomportementale chez des patients souffrant de dépression chronique. Une autre étude sur la nortriptyline montre un effet additif avec la psychothérapie interpersonnelle, surtout si l'on considère l'évolution à long terme. On, ne sait pas en revanche si des patients en rémission partielle avec un antidépresseur guériraient plus facilement avec une psychothérapie, mais il s'agit là d'une hypothèse séduisante. Bien que la psychothérapie soit fréquemment pratiquée de façon empirique, il n'a pas encore été prouvé qu'associée au traitement psychopharmacologique chez des patients résistant à un antidépresseur en monothérapie (c'est-àdire ne répondant pas ou répondant mal), elle ne pourrait pas les améliorer, Mais comme la politique actuelle de gestion des soins diminue l'accès à la psychothérapie, les professionnels de la santé mentale en sont de plus en plus réduits à une approche purement psychopharmacologique. Cependant, les connaissances scientifiques évoluant rapidement, les éventuels bénéfices d'une psychothérapie d'appoint, s'ils pouvaient être démontrés, apporteraient des arguments nécessaires et attendus, et l'on saurait alors quels avantages on serait en droit d'attendre d'une psychothérapie en association, et avec quels antidépresseurs la prescrire. La thérapie cognitivo-comportementale représente aussi un intéressant traitement d'appoint en association avec les antidépresseurs dans la prise en charge des troubles anxieux. Inné Dans ce chapitre, nous avons débattu des mécanismes d'action de plusieurs antidépresseurs et thymorégulateurs issus de nouvelles classes thérapeutiques. Leurs effets pharmacologiques aigus sur les récepteurs des neurotransmetteurs ont été décrits. Le lecteur doit désormais comprendre les mécanismes d'action de la double inhibition de la recapture, de l'antagonisme alpha 2, et de l'antagonisme sérotoninergique 2A associé à l'inhibition de la recapture de la sérotonine, aussi bien que ceux du lithium et des thymorégulateurs dans le traitement du trouble bipolaire, et en particulier de l'épisode maniaque. Nous avons examiné les stratégies de potentialisation des antidépresseurs, en en donnant les principes et des exemples spécifiques. Enfin, nous avons rapidement abordé l'utilisation de l'électroconvulsivothérapie et de la psychothérapie dans le traitement de la dépression. Bien que les directives pratiques spécifiques de l'utilisation de toutes ces modalités thérapeutiques dans la dépression n'aient pas été mises en avant, le lecteur doit désormais avoir acquis les bases nécessaires à l'utilisation rationnelle des antidépresseurs et des thymorégulateurs, fondées sur l'application des principes des effets des médicaments sur les récepteurs et enzymes clés, et finalement sur la neurotransmission,
CHAPITRE
8
ANXIOLYTIQUES ET SÉDATIFS-HYPNOTIQUES
è
I. Description clinique de l'anxiété II. Traitements médicamenteux de l'anxiété A. Antidépresseurs' ou anxiolytiques ? B. Aller bien tout le temps, et pas simplement transformer la dépression avec anxiété en anxiété sans dépression C. Anxiolytiques sérotoninergiques D. Anxiolytiques noradrénergiques E. Neurones GABAergiques et benzodiazépines anxiolytiques F. Autres traitements médicamenteux de l'anxiété G. Nouvelles perspectives III. Description clinique de l'insomnie IV. Traitements médicamenteux de l'insomnie A. Hypnotiques non benzodiazépiniques d'action brève B. Benzodiazépines sédatives-hypnotiques C. Antidépresseurs ayant des propriétés sédatives-hypnotiques D. Produits vendus sans ordonnance E. Autres substances non benzodiazépiniques à propriété hypnotique V. Résumé
Dans ce chapitre, nous allons parler de l'anxiété-et des médicaments qui permettent de lutter contre (c'est-à-dire les anxiolytiques), ainsi que de l'insomnie et des substances sédatives-hypnotiques (c'est-à-dire les somnifères). Nous aborderons en particulier l'anxiété généralisée, tandis que les autres troubles anxieux, comme le trouble panique et le trouble obsessionnelcompulsif, seront vus dans le chapitre suivant. Nous ne ferons ici qu'esquisser les grandes lignes des caractéristiques cliniques et les bases biologiques de l'anxiété et de l'insomnie afin de donner des éléments de compréhension de l'action des anxiolytiques et des médicaments sédatifs-hypnotiques. Nous renvoyons le lecteur aux manuels de référence pour les détails sur les critères diagnostiques des différents types d'anxiété et troubles du sommeil, car nous 297
298
Psychopharmacologie n'aborderons ici que les principes généraux et quelques concepts sur l'émotion anxieuse et le sommeil. Notre propos sur les anxiolytiques et les sédatifs-hypnotiques tâchera de développer les concepts psychopharmacologiques soutenant le fonctionnement de ces traitements. Nous développerons les principes psychopharmacologiques déjà présentés plus haut lorsque nous avons parlé des neurones sérotoninergiques et noradrénergiques et de leurs récepteurs. Par ailleurs, nous décrirons de manière détaillée la pharmacologie des neurones pour l'acide gamma-aminobutyrique (GABA) et des récepteurs GABA liés aux récepteurs benzodiazépiniques. Toutefois, nous ne donnerons aucune directive sur l'utilisation des anxiolytiques et des sédatifs-hypnotiques en pratique clinique, le lecteur étant invité à se tourner vers les manuels de référence en thérapeutique s'il souhaite avoir des précisions sur les posologies et les effets indésirables.
Description clinique de l'anxiété L'anxiété est une émotion normale qui se manifeste lorsque l'on est menacé. Elle semble issue de la réaction de survie « se battre ou fuir » dans l'évolution de l'espèce. Autant il peut être normal, voire adaptatif, d'être anxieux face à un tigre-dents de sabre ou à un de ses descendants modernes, autant il est des circonstances au cours desquelles l'anxiété est inadaptée et constitue un trouble psychiatrique. La vision de l'anxiété en tant que problème psychiatrique a toutefois beaucoup changé au cours des dernières années. La classification des troubles anxieux en différents sous-types diagnostiques [trouble obsessionnel-compulsif, trouble panique, phobie sociale, trouble anxieux généralisé (TAG), etc.] a d'importantes implications pronostiques et thérapeutiques. Les critères diagnostiques de ces entités sont donnés par la 4' édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (Diagnostic and Statistical Manuel of MentalDisorders 4th edition, ou DSM-IV), et la 10' édition de la Classification internationale des maladies (CIM-10). Nous verrons avec plus de détails les sous-types de troubles anxieux dans le Chapitre 9. Nous ne parlerons ici que d'anxiété généralisée (Tableau 8—I). Il s'agit d'une entité pathologique intéressante pour les chercheurs et les cliniciens, mais elle reste malheureusement sous-diagnostiquée. Les praticiens ont en effet un peu trop tendance à traiter les symptômes de l'anxiété et/ou de la dépression, que ces derniers atteignent ou non les seuils diagnostiques (Fig. 8-1). Les psychiatres, quant à eux, ont tendance à se focaliser sur le trouble dépressif majeur ou les sous-types des troubles anxieux, habituellement associés au TAG, sans tenir compte explicitement du TAG lui-même. La tendance est pourtant de penser que le TAG est plus fréquent qu'on ne le croyait et que son identification est intéressante, car on le rencontre ordinairement dans les cas de guérison incomplète de n'importe quel trouble affectif ou anxieux. La guérison incomplète de la dépression a été abordée dans le Chapitre 5. Elle concerne les patients appelés « répondeurs anxieux » à un antidépresseur (voir Tableau 5—XVIII). Ce dernier terme, répondeur anxieux, fait référence aux patients souffrant d'une dépression anxieuse-, dont les troubles se sont améliorés grâce à un antidépresseur avec élimination de l'humeur dépressive, mais sans atteindre la rémission complète à cause de la persistance d'anxiété généralisée, de préoccupations excessives, de tension, d'insomnie et de symptômes somatiques. C'est comme une forme de syndrome anxiodépressif continuant à évoluer à bas bruit, provoquant incapacité et douleur morale voire pire, et pouvant être le signe avant-coureur d'une nouvelle décompensation dépressive. Ce même état résiduel peut encore être source d'une réponse incomplète du traitement de sous-types de troubles anxieux, comme le trouble panique par exemple. Il est donc important de se pencher attentivement sur l'histoire des malades souffrant d'anxiété généralisée, mais sans forcément réunir les critères diagnostiques d'un trouble dépressif
Anxiolytiques et sédatifs-hypnotiques
299
Tableau 8—I. Critères diagnostiques du DSM-IV de l'anxiété généralisée' A. Anxiété et soucis excessifs (attente avec appréhension) survenant la plupart du temps durant au moins 6 mois concernant un certain nombre d'événements ou d'activités (comme le travail ou les performances scolaires ). B. La personne éprouve de la difficulté à contrôler cette préoccupation. C. L'anxiété et les soucis sont associés à trois (ou plus) des six symptômes suivants (dont au moins certains symptômes présents la plupart du temps durant les 6 derniers mois). NB un seul item est requis chez l'enfant. 1.Agitation ou sensation d'être survolté ou à bout 2. Fatigabilité 3. Difficultés de concentration ou trous de mémoire 4. Irritabilité 5. Tension musculaire 6. Perturbation du sommeil (difficultés d'endormissement ou sommeil interrompu ou sommeil agité et non satisfaisant) D. L'objet de l'anxiété et des soucis n'est pas limité aux manifestations d'un trouble de l'axe 1. Par exemple, l'anxiété ou la préoccupation n'est pas celle d'avoir une attaque de panique (comme dans le trouble panique), d'être gêné en public (comme dans la phobie sociale), d'être contaminé (comme dans le trouble obsessionnel-compulsif), d'être loin de son domicile ou de ses proches (comme dans le trouble anxiété de séparation), de prendre du poids (comme dans l'anorexie mentale), d'avoir de multiples plaintes somatiques (comme dans le trouble somatisation) ou d'avoir une maladie grave (comme dans l'hypocondrie), et l'anxiété et les préoccupations ne surviennent pas exclusivement au cours d'un état de stress post-traumatique. E. L'anxiété, les soucis ou les symptômes physiques entraînent une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d'autres domaines importants. F. La perturbation n'est pas due aux effets physiologiques directs d'une substance (par exemple, une substance donnant lieu à abus, un médicament) ou d'une affection médicale générale (par exemple, hyperthyroïdie) et ne survient pas exclusivement au cours d'un trouble de l'humeur, d'un trouble psychotique ou d'un trouble envahissant du développement. APA. Manuel diagnostique et statistique des toubles mentaux, 4' éd., 1994. Taduction par J. D. Guelfi et al., Paris, Masson, 1996. Avec l'aimable autorisation des éditions Masson.
majeur ou d'un sous-type d'anxiété lors de l'entretien, car l'anxiété est rarement une condition stable (comparer les Fig. 8-2 à 8-4). Le trouble anxieux généralisé (TAG) n'est pas un problème insignifiant (voir Fig. 8-2). En fait, lorsque l'on définit la guérison d'un trouble dépressif majeur ou d'un TAG par la disparition de seulement un à deux symptômes avec une impression subjective de retour à la normale, la dépression guérit dans 80 p. 100 des cas dans les 2 ans, alors que le TAG n'a un taux de guérison que de 20 p. 100. Certains patients ayant un TAG ont un état chronique de détérioration symptomatique (voir Fig. 8-3), tandis que d'autres ont une évolution en dents-descie, oscillant juste au-dessus et juste au-dessou- s du seuil diagnostique, sur de longues périodes de temps malgré les traitements en cours (voir Fig. 8-4). Le TAG bien installé fait le lit du trouble panique (Fig. 8-5) ou du trouble dépressif majeur avec ou sans anxiété (Fig. 8-6).
Traitements médicamenteux de l'anxiété Antidépresseurs ou anxiolytiques ? Si l'on admet que l'anxiété pathologique et généralisée puisse être la marque de la guérison incomplète d'une dépression ou d'autres sous-types d'anxiété, il n'est pas étonnant que les traitements les plus efficaces de ces pathologies puissent être efficaces aussi sur les symptômes
300
Psychopharmacologie
ASSOCIATIONS DE SYNDROMES
anxiété subsyndromique
dysthymie anxieuse
FIGURE 8-1. Anxiété et dépression peuvent être associées en une grande variété de syndromes. Le trouble anxieux généralisé (TAG) peut être superposé à un épisode dépressif majeur (EDM), ce qui constitue un syndrome anxiodépressif mixte (mixed anxiety depression, MAD). Une anxiété subsyndromique peut chevaucher une dépression également subsyndromique ; on parle de syndrome anxiodépressif subsyndroinique, parfois appelée dysthymie anxieuse. Un épisode dépressif majeur peut chevaucher des symptômes anxieux subsyndromiques et constituer une dépression anxieuse. Le TAG peut aussi être superposé à une dysthymie et créer un TAG avec caractéristiques dépressives. Ainsi, il existe tout un spectre de symptômes et de troubles allant de l'anxiété pure (sans dépression) à la dépression pure-{sans anxiété), en passant par une grande diversité de mélanges de symptômes d'intensité variable.
généralisés de l'anxiété. Et en fait, de nos jours, les traitements phares de l'anxiété généralisée sont de plus en plus des médicaments développés initialement comme antidépresseurs. D'après les classifications originales des années 60, on séparait nettement les antidépresseurs (les antidépresseurs tricycliques, par exemple) des anxiolytiques (comme les benzodiazépines) dont on disposait à l'époque. C'était simplement le reflet des notions diagnostiques d'alors qui séparaient de façon dichotomique le trouble dépressif majeur et le trouble
Anxiolytiques et sédatifs-hypnotiques
Anxiété subsyndromique
NIVEAU D'ANXIÉTÉ
301
Anxiété
subsyndromique
f. r
Normal
Normal
Normal
TEMPS Anxiété subsyndromique récurrente
FIGURE 8-2. Certains patients souffrant d'anxiété subsyndromique ont une évolution clinique intermittente avec des allers et retours entre l'état normal et l'état pathologique.
NIVEAU D'ANXIETE
Anxiété subsyndromique
0 TEMPS Anxiété subsyndromique chronique
FIGURE 8-3. Par contraste avec les éléments de la Fig. 8-2, d'autres patients souffrant d'anxiété subsyndromique ont une évolution chronique et relativement stable, sans rémission. anxieux généralisé, tandis que les sous-types des troubles anxieux étaient confondus dans un même ensemble (Fig. 8-7). Dans les armées 70 et au début des années 80, on a identifié les effets thérapeutiques de certains antidépresseurs tricycliques et des inhibiteurs de la monoamine oxydase (MAO) sur le trouble panique, et d'un antidépresseur tricyclique (la clomipramine) sur les troubles obsessionnels-compulsifs. On a donc commencé à s'apercevoir qu'il y a un chevauchement des effets anxiolytiques de certains antidépresseurs et des anxiolytiques sur les sous-types de troubles anxieux et dans l'association anxiété et dépression (Fig. 8-8). Cependant, ce sont
302
Psyt hopha rma.
Anxiété élevée
NIVEAU D'ANXIÉTÉ
Anxiété faible
Anxiété faible
0 TEMPS
Syndrome de double anxiété FIGURE 8-4. L'anxiété subsyndrornique peut aussi être prodromique d'un épisode d'anxiété généralisée complète (TAG). Chez de tels patients, l'évolution clinique est intermittente entre l'anxiété subsyndromique et le TAG. La décompensation d'un TAG suivie d'une amélioration ramenant le patient à l'état subsyndromique est parfois appelée syndrome de double anxiété.
L'anxiété subsyndromique peut être le précurseur d'un TAG ou d'un trouble panique
Anxiété subsyndromique
Trouble panique .1
FIGURE 8-5. L'anxiété subsyndromique peut non seulement être prodromique d'un épisode d'anxiété généralisée complet (TAG), mais le TAG peut être à son tour le prodrome d'un trouble panique chez certains patients. soit les anxiolytiques (comme les benzodiazépines et la buspirone), soit-les antidépresseurs (de type tricycliques ou IMAO) qui ont été considérés comme les traitements de première intention de certains sous-types de troubles anxieux. Dans les années 90, les antidépresseurs de la classe des inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (ISRS) sont devenus le traitement de première intention des différents sous-types de troubles anxieux, allant du trouble obsessionnel-compulsif au trouble panique, et s'étendant désormais à la phobie sociale et l'état de stress post-traumatique (Fig. 8-9). Tous les antidépresseurs ne sont pas cependant de bons anxiolytiques. La désipramine ou le bupropion, par exemple, sont d'une utilité très relative dans les troubles anxieux sévères. En ce qui
Anxiolytiques et sédatifs-hypnotiques
303
Syndrome anxiodépressif subsyndromique
STRESS
STRESS
V
FIGURE 8-6. Le syndrome anxiodépressif (raixed anxiety depression, MAD) subsyndromique peut correspondre à un état d'instabilité psychologique caractérisé par une vulnérabilité au stress et le risque de décompensation en un trouble psychiatrique plus sévère, comme le trouble anxieux généralisé (TAG), un syndrome anxiodépressif complet ou un épisode dépressif majeur (EDM). concerne les nouveaux antidépresseurs (autres que les ISRS), on commence à peine à avoir des données sur leur efficacité dans cette indication, mais au travers de certains essais préliminaires, il semblerait que la néfazodone, la mirtazapine et la venlafaxine soient actives sur le trouble panique et le stress post-traumatique. Pendant ce temps, les benzodiazépines sont devenues un traitement de seconde intention ou alors servent à potentialiser d'autres traitements. De son côté, si elle reste reconnue comme un traitement de première intention de l'anxiété généralisée, la buspirone n'a pas démontré un profil d'efficacité valable dans les autres types d'anxiété, ni dans la dépression maj cure. Récemment, la venlafaxine LP est devenue le premier produit agréé à la fois pour le traitement de la dépression et pour celui du TAG, ce qui, finalement, a comblé le fossé qui existait auparavant entre antidépresseurs et anxiolytiques (Fig. 8-10). Ce type d'agrément pour la
Figure 8-7
= traitement de première intention par antidépresseurs
= traitement de première intention par anxiolytiques
traitement de première intention soit par antidépresseurs, soit par anxiolytiques
années 60
Figure 8-8
sous-types de troubles anxieux
années 70 et 80 Figure 8-9
années 90 Figure 8-10
È.cle
304
Anxiolytiques et sédatifs-hypnotiques
305
double indication dépression-anxiété généralisée avait été recherché dans le passé pour de nombreuses substances, mais sans succès. Les premiers essais sur les antidépresseurs tricycliques à la recherche d'une efficacité dans l'anxiété généralisée furent prometteurs, mais ont été en fait réalisés à l'époque où ces antidépresseurs étaient déjà dépassés. Ils sembleraient plus lents à agir mais peut-être plus efficaces que les benzodiazépines elles-mêmes. Actuellement, la mirtazapine et la néfazodone ont donné des résultats positifs dans de petits essais sur le TAG, et des études similaires sont en cours pour la paroxétine. La venlafaxine LP reste néanmoins largement reconnue comme un des traitements les plus efficaces dans le TAG.
Aller bien tout le temps, et pas simplement transformer la dépression avec anxiété en anxiété sans dépression Wu,
Compte tenu du haut degré de comorbidité existant entre la dépression, l'anxiété généralisée, et les autres types de troubles anxieux, la quête du Saint-Graal dans le monde des psychotropes s'est efforcée de combiner leurs propriétés antidépressives et anxiolytiques. Dans le cas contraire, un patient traité par un antidépresseur qui est inefficace sur son état anxieux associé verra ses symptômes dépressifs disparaître tout en continuant de souffrir des symptômes anxieux. L'alternative à un médicament qui serait efficace sur les deux types de problème est d'associer un produit efficace sur la dépression et un autre qui agit sur l'anxiété. Dépression et anxiété sont traitées simultanément par les ISRS, approche ne requérant qu'un seul médicament. Mais cela n'est pas toujours vrai pour les patients qui souffrent à la fois d'une dépression majeure et d'un TAG. Dans ces cas, on s'attaque en principe en premier lieu à la dépression, et certains patients répondent dans le sens où se produit une diminution globale de leurs symptômes dépressifs, mais continuent cependant à présenter des symptômes généralisés d'anxiété au lieu d'atteindre un état de bien-être totalement asymptomatique (voir Tableau 5—XVIII). En raison de la tendance de certains antidépresseurs actuels à être également anxiolytiques, il est désormais possible, plus que jamais, d'éliminer à la fois les symptômes dépressifs et anxieux dans cette fréquente situation de comorbidité. Le bien-être qui en résulte ne s'accompagne d'aucun symptôme résiduel.
FIGURE, 8-7. Dans les années 60, la dépression était classée à part de l'anxiété et des sous - types anxieux. Leurs traitements respectifs étaient eux aussi considérés séparément. FIGURE 8-8. Dans les années 70 et 80, un chevauchement commença à s'installer dans l'utilisation des antidépresseurs et des anxiolytiques traditionnels dans le traitement de certains sous-types anxieux et des mélanges entre anxiété et dépression, mais pas le trouble anxieux généralisé. FIGURE 8-9. Dans les années 90, les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) ont remplacé les anxiolytiques classiques dans le traitement de première intention des sous-types anxieux et des mélanges entre anxiété et dépression, mais pas du trouble anxieux généralisé. FIGURE 8-10. À la fin des années 90, un antidépresseur, la venlafaxine LP, ainsi que d'autres sont devenus les traitements de première intention du trouble anxieux généralisé. Les antidépresseurs sont désormais les traitements de première intention de la dépression et des troubles anxieux, ce qui rend la distinction action antidépressive versus anxiolytique inadaptée aux antidépresseurs.
306
Psychopharmacologie
Anxiolytiques sérotoninergiques Si les syndromes de dysrégulation sérotoninergique dans l'anxiété et de déficit en sérotonine dans la dépression sont des simplifications naïves et très imprécises, elles n'en ont pas moins constitué les premières hypothèses dans le domaine. Elles n'expliquent cependant pas pourquoi et comment les antidépresseurs sérotoninergiques sont également efficaces sur l'anxiété. En outre, un agoniste partiel sérotoninergique, la buspirone, est un traitement reconnu de l'anxiété généralisée, mais pas des autres sous-types d'anxiété ni de la dépression. Bien que l'on dispose de données montrant que les agonistes partiels des récepteurs 5HT1A peuvent avoir des propriétés antidépressives, certains investigateurs demeurent sceptiques sur la réelle efficacité de cette classe de médicaments à la fois dans la dépression et l'anxiété. La buspirone, seul agoniste 5HT1A agréé dans le traitement de l'anxiété, est beaucoup plus utilisée aux États-Unis que partout ailleurs, et, en dépit de plus de 10 ans de recherche tous azimuts, aucun autre agoniste 5HT1A n'est arrivé sur le marché. La gépirone est en cours d'évaluation sous forme LP, tandis que des essais sur la tandospirone ont lieu au Japon. Le sort de nombreux agonistes 5HT1A ne tient qu'à un fil alors que l'évaluation clinique d'autres a été abandonnée. Parmi ces produits, on trouve le flésinoxan, le sunépitron, l'adatansérine et l'ipsapirone. La buspirone reste donc le prototype de la famille des anxiolytiques 5HT1A. Ses avantages sur les benzodiazépines sont l'absence d'interaction avec l'alcool, les benzodiazépines et les sédatifs-hypnotiques ; l'absence de dépendance et de symptômes de sevrage à l'issue d'une utilisation au long cours ; et une facilité d'utilisation chez des patients ayant des antécédents d'abus d'alcool ou de drogue. Son inconvénient, en comparaison avec les benzodiazépines, est le long délai d'action, comparable à celui des antidépresseurs. Cela a d'ailleurs conduit à penser que les agonistes 5HT1A exercent leurs effets thérapeutiques en vertu d'événements adaptatifs au niveau des neurones et des récepteurs, plus que par la simple liaison immédiate au récepteur, comme nous en avons largement discuté précédemment (Fig. 8-11). Selon cette optique, le mécanisme d'action présumé ressemble à celui des antidépresseurs, c'est-à-dire une adaptation des récepteurs pour les neurotransmetteurs, et est donc différent de celui des anxioly. tiques benzodiazépiniques qui agissent de façon relativement abrupte en se fixant aux récepteurs. La buspirone tend à être préférée chez les patients souffrant d'anxiété chronique, ceux qui abusent de substances psychoactives, et chez les patients âgés, car elle est bien tolérée et n'entraîne aucune interaction pharmacocinétique significative. Son efficacité est reproductible dans certains modèles animaux d'anxiété et dans le TAG, ce qui indique l'existence d'un rôle potentiellement important de la sérotonine dans la genèse des symptômes anxieux via les récepteurs 5HT1A. La buspirone est en outre une substance po.entialisatrice dans le traitement de la dépression résistante (voir Chapitre 7).
Anxiolytiques noradrénergiques Au cours des expérimentations animales, la stimulation du locus coeruleus augmente son activité et crée un état analogue à l'anxiété. On suppose donc que tes états anxieux reposent sur une activité excessive des neurones noradrénergiques (Fig. 8-12). En effet, parmi les
Anxiolytiques et sédatifs-hypnotiques
récepteur 5HT1 A présynaptique
buspiro
cta O
cn
307
I, 11 buspirone
récepteur 5HT1 A postsynaptique
i=)
sérotonine
Un agoniste partiel 5HT1A provoque Phypersensibilisation des autorécepteurs
FIGURE 8-11. Les agonistes partiels sérotoninergiques 1A comme la buspirone peuvent réduire l'anxiété en agissant à la fois sur les autorécepteurs somatodendritiques présynaptiques (à gauche) et les récepteurs postsynaptiques (à droite). Les effets anxiolytiques sont plus vraisemblablement liés à l'action présynaptique, et les effets indésirables, comme les nausées et vertiges, à l'action postsynaptique.
symptômes anxieux en lien avec une hyperactivité adrénergique, on compte la tachycardie, le tremblement et la sudation (voir Fig. 8-12). Si l'hyperactivité des neurones noradrénergiques du locus coeruleus est liée à l'anxiété, l'administration d'un agoniste alpha 2 pourrait agir -de la même façon que la noradrénaline sur les autorécepteurs alpha 2 présynaptiques. L'anxiété peut, par conséquent, être réduite grâce à un agoniste alpha 2 stimulant ces autorécepteurs, c'est-à-dire « enfonçant la pédale de frein » de la libération de noradrénaline (Fig. 8-13). Effectivement, la clonidine, un agoniste alpha 2, a quelques propriétés anxiolytiques reconnues. Elle est surtout utile pour traiter les manifestations noradrénergiques de l'anxiété (tachycardie, mydriase, sudation et tremblement). Elle est par contre moins efficace sur les aspects subjectifs et émotionnels de l'anxiété. Ces mêmes propriétés bloquantes, liées à la stimulation des autorécepteurs alpha 2 présynaptiques, réduisent efficacement les symptômes
récepteur bêta 1 postsynaptiqu
Une hyperactivité au niveau des récepteurs bêta postsynaptiques augmente l'anxiété
anxiété
mydriase
tremblement tachycardie sudation
FIGURE 8-14. Une hyperactivité des neurones noradrénergiques (NA) et une libération excessive de NA par les terminaisons neuronales qui surviennent dans l'anxiété sont responsables des événements qui se produisent au niveau postsynaptique NA. Dans ce cas, la NA en excès induit une occupation excessive des récepteurs bêta adrénergiques postsynaptiques par la NA. Cela provoque ensuite un excès de signaux postsynaptiques au travers des systèmes seconds messagers et des messagers suivants. Ces signaux en excès via les récepteurs bêta adrénergiques postsynaptiques sont responsables des symptômes végétatifs associés à l'anxiété, comme la tachycardie, la mydriase, le tremblement et la sudation.
310
Anxiolytiques et sédatifs-hypnotiques
bêta-bloquant
La blocage des récepteurs bêta postsynaptiques diminue l'anxiété
Ji
F*1> 4. mydriase
4. tachycardie
tremblement
sudation
FIGURE 8-15. Si l'hyperactivité noradrénergique (NA) au niveau des récepteurs bêta adrénergiques postsyna ptiques (voir Fig. 8-14) est bloquée, les symptômes anxieux associés à cette hyperactivité s'améliorent.
Un bêta-bloquant adrénergique (ou antagoniste) est représenté ici. Il empêche le trop-plein d'activité des neurones NA et l'excès de libération de la NA de réaliser un excès de stimulation des récepteurs bêta adrénergiques postsynaptiques. Cette action antagoniste diminue les effets nerveux végétatifs associés à l'anxiété, comme la tachycardie, la mydriase, le tremblement et la stiation. r
•
11—bêta par des bêta-bloquants (Fig. 8-15). Ce peut être un traitement particulièrement utile dans les cas de phobie sociale, comme nous le verrons dans le Chapitre 9. 1116.
■ Neurones GABAergiques et benzodiazépines anxiolytiques
Pour comprendre le mécanisme d'action des benzodiazépines, il faut connaître la pharmacologie de la neurotransmission GABAergique. Le neurotransmetteur des neurones GABA-
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Psychopharmacologie
GLUTAMATE II
J
SYNTHÈSE DU GABA
ini en GABA (acide gamma-aminobutyrique)
FIGURE 8-16. L'acide gamma-aminobutyrique (GABA) est synthétisé à partir d'un acide aminé pn±-di curseur, le glutamate, grâce à l'action d'une enzyme, la glutamate décarboxylase (GAD). nig
ergiques est le GABA, synthétisé à partir du glutamate, un acide aminé, grâce à l'enzyme glutamate décarboxylase (GAD) (Fig. 8-16). Le glutamate (ou acide glutamique) provient de stocks intraneuronaux. C'est un acide aminé non essentiel, et c'est le plus abondant acide aminé libre du système nerveux central (SNC). Le glutamate participe à de multiples fonctions métaboliques et peut être synthétisé à partir de nombreux précurseurs (voir le paragraphe consacré au neurone glutamatergique dans le Chapitre 10). Le neurone GABA est doté d'un transporteur présynaptique (une pompe de recapture) (Fig. 8-17) semblable à celles de la noradrénaline, de la dopamine et de la sérotonine (voir-Chapitre 5). Ce transporteur achève l'action du GABA au niveau de la synapse en le retirant de la fente synaptique de manière à ce qu'il soit restocké ou détruit par une enzyme, la GABA transaminase (GABA T) (voir Fig. 8-17). ■ Les récepteurs du GABA régulent la neurotransmission GABAergique. On connaît deux sous-types de récepteurs GABA : GABA A et GABA B (Fig. 8-18). Le récepteur GABA A est le seul à être le gardien d'un canal chlore (Fig. 8-19 et 8-20). Ces récepteurs subissent une modulation allostérique venant d'un « » de récepteurs voisins, parmi lesquels le célèbre récepteur des benzodiazépines (voir Fig. 8-19). Le concept de modulation allostérique d'un récepteur par un autre a été vu dans le Chapitre 3.
Anxiolytiques et sédatifs-hypnotiques
la GABA T détruit le GABA
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DESTRUCTION DU GABA
transporteu r du GABA
FIGURE 8-17. Une destruction enzymatique par la GABA transaminase (GABA T) ou sa recapture par le transporteur du GABA achèvent l'action de l'acide gamma-aminobutyrique (GABA). Après son retour dans le neurone presynaptique, le GABA est de nouveau stocké dans les vésicules synaptiques pour son utilisation dans une neurotransmission future, comme pour les neurones noradrénergiques, dopaminergiques et sérotoninergiques.
L'importance neurobiologique fondamentale du récepteur GABA A a été mise en évidence par la découverte de la présence de plusieurs sites de fixation sur ce complexe ou dans son voisinage immédiat (voir Fig. 8-20), au nombre desquels on compte les sites pour les sédatifshypnotiques non benzodiazépiniques de type zolpidem, zopiclone (NdT) et zaléplon, pour la picrotoxine (une substance proconvulsivante), pour les barbituriques (anticonvulsivants) et peut-être même pour l'alcool. Ce complexe de récepteurs est supposé prendre part à une très large gamme de fonctions du SNC, comme les crises épileptiques, les effets antiépileptiques des anticonvulsivants, les effets comportementaux de l'alcool, ainsi que les effets bien connus des benzodiazépines : anxiolytiques, sédatifs-hypnotiques et myorelaxants. Le second sous-type est le récepteur GABA B (voir Fig. 8-12). Il ne subit pas de modulation allostérique par les benzodiazépines et seul le baclofène (une substance myorelaxante) se lie à lui. On ne connaît pas encore très bien son rôle physiologique, mais il ne semble pas avoir de rapport avec les troubles anxieux ni les anxiolytiques. Récepteurs des benzodiazépines. Il existe toutes sortes de formes moléculaires de récepteurs benzodiazépiniques, et la controverse fait rage pour savoir quelle différence dans leur
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Psychopharmacologie
RÉCEPTEURS GABA
transporteur du GABA
/ récepteur
récepteur
GABA A
GABA B
FIGURE 8-18. Récepteurs de l'acide gamma-aminobutyrique (GABA) au niveau d'une synapse GABA. Le transporteur du GABA, un récepteur lié à une pompe de transport actif, se trouve du côté présynaptique. Il achève l'action du GABA en l'enlevant de la fente synaptique. Du côté postsynaptique, on trouve deux sous-types de récepteurs du GABA. Le premier est le récepteur GABA A, qui est un membre de la superfamille de récepteurs dépendants d'un canal ionique. Le second est le récepteur GABA B.
composition en acides aminés est pertinente pour affirmer une différence pharmacologique du site de fixation pour le ligand et de son activité fonctionnelle. Il existe au moins cinq soustypes de récepteurs des benzodiazépines, dont trois ont un profil pharmacologique distinct. Le récepteur benzodiazépinique 1 (parfois appelé oméga 1), par exemple, est localisé préférentiellement dans le cervelet et possède des sites de reconnaissance ayant une grande affinité tant pour les benzodiazépines que pour des substances de structures chimiques très différentes. Les effets anxiolytiques et les effets sédatifs-hypnotiques semblent être essentiellement liés au sous-type 1. Les récepteurs des benzodiazépines 2 (oméga 2) se trouvent pour la plu_ part dans la moelle épinière et le striatum. Ils sont impliqués dans les effets myorelaxants des
Anxiolytiques et sédatifs-hypnotiques
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CANAL CHLORE
récepteur GABA A
SITE DE LIAISON DES BZD U SEIN DE LA MEMBRANE
FIGURE 8-19. Le récepteur GABA A agit comme un gardien du canal chlore. Il a aussi un site de modulation allostérique essentiel : le site de liaison des benzodiazépines (BZD).
lm*
benzodiazépines. Le récepteur pour les benzodiazépines 3 est périphérique (c'est-à-dire en dehors du SNC) ; on le trouve en grande quantité dans le rein. Son rôle dans l'anxiolyse est obscur. Les actions sur les récepteurs benzodiazépiniques semblent être pratiquement à la base de tous les effets pharmacologiques (voulus et indésirables) des benzodiazépines. Cela comprend donc leurs effets thérapeutiques anxiolytiques et sédatifs-hypnotiques, anticonvulsivants et myorelaxants. Mais cela inclut aussi leurs effets indésirables comme l'amnésie et l'accoutumance après une administration chronique-,-ce dernier effet semblant être à l'origine de la dépendance et des effets de sevrage observés avee• ce type de médicaments (voir Chapitre 13). Le Tableau 8— II donne la liste des benzodiazépines. Comme elles agissent sur un récepteur cérébral naturel, on a émis l'idée que le cerveau pouvait produire ses propres benzodiazépines, le « Volum® endogène ». Toutefois on n'a pas encore réussi à identifier le moindre ligand naturel pour ces récepteurs. On pense quand même que c'est sur la modulation du complexe des récepteurs GABA-benzodiazépiniques que reposent les effets pharmacologiques des anxiolytiques, mais peut-être aussi l'émotion anxieuse elle-même. Selon certaines spéculations, par exemple, la diminution de l'action du GABA et de l'hypothétique
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Psychopharmacologie
site de la picrotoxine
site de l'alcool
site des barbituriques
FIGURE 8-20. Plusieurs sites modulateurs sont représentés ici, à côté du récepteur GABA A. Il s'agit du récepteur des benzodiazépines (BZD) (voir Fig. 8-19), du site de la picrotoxine, un produit proconvulsivant, du site des barbituriques (anticonvulsivants) et peut-être de celui de l'alcool. Ces récepteurs voisins suggèrent que le GABA est impliqué dans la modulation de divers troubles comme l'anxiété, les crises comitiales et les effets de l'alcool.
benzodiazépine endogène sur ce complexe réceptoral serait associée à l'émotion anxieuse. que cette émotion soit normale ou pathologique. Interactions allostériques positives entre les récepteurs G.14,13A A et les récepteurs des benzodiazépines. Dans le langage technique, on dit que les benzodiazépines sont des modulateurs allostériques positifs de la neurotransmission inhibitrice rapide du GABA sur les récepteurs GABA A. Le neurotransmetteur inhibiteur qu'est le GABA est le gardien qui interagit sélectivement avec le récepteur GABA A, premier site du complexe récepteur GABA-benzodiazépinique/canal chlore à avoir été découvert (voir Fig. 8-19). C'est un exemple de la superfamille — dont nous avons déjà parlé dans le Chapitre 3 (voir Fig. 3-3 à 3-14) — des complexes récepteur-canal. Dans le cas du complexe du récepteur GABA-benzodiazépinique, il sert à contrôler un canal chlore qui intervient dans la neurotransmission rapide (voir discussion du Chapitre 1 et Fig. 1-6).
Anxiolytiques et sédatifs-hypnotiques
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Tableau 8-II. Principales benzodiazépines Alprazolam (Xanax® — F : Xanax®) Clonazépam (Kionopin' F : Rivotril®) Diazépam (Valium® — F : Valium®) Chlordiazépoxide (Librium® — F Librium®) Lorazépam (Ativan® — F : Témesta®) Oxazépam (Serax® — F : Seresta®) Prazépam (Centrex® — F : Lysanxia®) Clorazépate (Tranxene® — F : Tranxène®) Triazolam (Halcion® — F : Halcion®) Témazépam (Restoril® — F : Normison®) Flurazépam (Dalmane®) Midazolam (Versed® — F : Hypnovel®) Quazépam (Dorai®) Flumazénil (Romazicon® — F : Anexate®) Nitrazépam (F : Mogadon®) Lormétazolam (F : Noctamide®) Loprazolam (F : Havlane®) Clobazam (F : Urbanyl®) Flunitrazépam (F : Rohypnol®) Brotizolam F : équivalent français (NdT).
Le récepteur GABA A est organisé en une colonne hélicoïdale autour d'un canal chlore, qui est déjà une colonne de colonnes (voir Chapitre 3 et Fig. 3-6 à 3-12,8-18 à 8-20). Après l'occupation du récepteur par la molécule de GABA, les colonnes du récepteur GABA A agissent sur le canal chlore pour l'ouvrir un peu (voir Fig. 8-21). 11 en résulte une augmentation rapide (neurotransmission rapide ; voir Chapitre 1 et Fig. 1-6) de la concentration de chlore dans le neurone, provoquant son inhibition. Proche du site pour le GABA se trouve, en plus du canal chlore, un autre récepteur pour le neurotransmetteur, le site de fixation des benzodiazépines (voir Fig. 8-19), dont nous avons déjà parlé. Ce dernier, lui aussi, a un effet sur le passage du chlore à travers le canal chlore. Mais il n'agit cependant pas directement sur ce dernier ; il module de façon allostérique le site de liaison du récepteur GABA A, qui à son tour module le canal chlore. Ainsi, lorsqu'une benzodiazépine se fixe sur son propre récepteur, voisin du site de liaison du GABA A, rien ne se produit si le GABA n'est_pas non plus lui-même fixé à son propre site de liaison (Fig. 8-22). D'autre part, lorsque le GABA est.fixé à ce dernier, la fixation simultanée d'une benzodiazépine à son site de liaison benzodiazépinique (site allostérique, c'est-à-dire « autre site ») provoque une grande amplification de la capacité du GABA à augmenter le passage du chlore à travers le canal (Fig. 8-23). Pourquoi cela est-il nécessaire ? En fin de compte, lorsque le GABA agit seul, il ne peut augmenter le flux de chlore à travers le canal chlore que jusqu'à un certain point (voir Fig. 8-21). Les benzodiazépines ne peuvent rien faire au niveau de ce dernier si elles agissent seules (voir Fig. 8-22). La modulation allostérique est donc le mécanisme qui permet de porter au maximum le passage du chlore, au-delà de ce que le GABA peut faire seul, comme
FIGURE 8-21. Le GABA est le ligand des récepteurs GABA A. Il ouvre a porte moléculaire d'un canal chlore inhibiteur. Lorsque le GABA se lie seul à son récepteur, il ouvre le canal chlore, ce qui permet l'entrée de chlore dans la cellule et l'inhibition de la neurotransmission. Un ligand benzodiazépinique (BZD) est également représenté ici. Dans cet exemple, il n'est pas lié au récepteur (mais voir Fig. 8-22 et 8-23).
FIGURE 8-22. Un ligand benzodiazépinique (BZD) est lié au récepteur benzodiazépinique du complex du récepteur GABA A. Dans cet exemple, le GABA lui-même n'est pas fixé à son site. Le canal chlore ne s'ouvre pas. On se trouve donc dans une situation contraire à celle de la Fig. 8-21. Quand un ligand BZI) seul est lié au récepteur GABA A, le chlore ne peut plus entrer dans la cellule ni inhiber la neurotransmission. Voir par contraste la Fig. 8-23 où le GABA, comme le ligand BZD, est lié au complexe du récepteur GABA A. 318
Anxiolytiques et sédatifs-hypnotiques
319
FIGURE 8-23. Dans cet exemple, le GABA et le ligand benzodiazépinique (BZD) sont liés à leurs sites respectifs sur le complexe du récepteur GABA A. Cela provoque une plus large ouverture du canal chlore que celle qui est obtenue par l'action du GABA seul. On dit que le ligand BZD module allostériquement la capacité du GABA à ouvrir le canal chlore. On parle de modulation allostérique positive du récepteur BZD par les médicaments BZD car on la suppose responsable de leurs effets anxiolytiques.
dans la Fig. 8-21. Le GABA peut augmenter le passage du chlore à travers le canal chlore d'une manière bien plus spectaculaire lorsqu'un site de liaison pour les benzodiazépines l'aide de façon allostérique (voir Fig. 8-23. Autrement dit, les benzodiazépines modulent de façon allostérique la neurotransmission GABA en potentialisant sa capacité à augmenter le passage du chlore à travers son canal. Avec GABA + benzodiazépine, 1 + 1 = 10, et non 2 Ce mécanisme élargit considérablement la portée du neurone pour réguler sa neurotransmission inhibitrice rapide avec des ligands chimiques. Agonistes inverses, agonistes partiels et antagonistes au niveau du récepteur des benzodiazépines. Pour augmenter les possibilités de régulation de la neurotransmission GABA, le concept de modulation allostérique peut être associé à celui d'agonistes inverses. Nous en avons déjà parlé précédemment dans le Chapitre 3. Une modulation allostérique positive par les benzodiazépines sur le récepteur GABA A—peut avoir lieu parce que les benzodiazépines sont des agonistes totaux du site benzodiazépinique (vôir Fig. 8-23). Toutefois, une modulation allostérique négative aura lieu lorsqu'un agoniste inverse se liera à ce même site. Au lieu d'augmenter le passage du chlore induit par le GABA (voir Fig. 8-22), les agonistes inverses le diminuent (Fig. 8-24). Les agonistes inverses peuvent donc avoir un effet comportemental opposé à celui des agonistes. Les benzodiazépines agonistes totaux, par exemple, réduisent l'anxiété en augmentant le passage du chlore (voir Fig. 8-23), alors qu'une benzodiazépine agoniste inverse provoquera de l'anxiété en diminuant le passage du chlore (voir Fig. 8-24). On prévoit
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Psychopharmacologie
FIGURE 8-24. Voici ce qui se passe lorsqu'un agoniste inverse du récepteur benzodiazépinique (BZD) influence la liaison du GABA sur le récepteur GABA A. Dans cet exemple, l'agoniste inverse ferme le canal chlore. Ainsi, un agoniste BZD inverse module allostériquement le GABA à l'inverse de ce que fait un agoniste total BZD normal (voir Fig. 8-23). Par conséquent, une BZD agoniste inverse augmente l'anxiété (c'est-à-dire est anxiogène au lieu d'être anxiolytique). qu'une benzodiazépine agoniste inverse sera anxiogène mais aussi proconvulsivante (augmentation du risque de crise convulsive), excitante (phénomène opposé à la sédation) et promnésiante (augmentation des capacités mnésiques, opposée aux effets amnésiants) (Fig. 8-25). L'effet promnésiant a même été envisagé comme pouvant traiter des troubles de la mémoire de la maladie d'Alzheimer (voir Chapitre 12). Toutefois ces substances sont potentiellement dangereuses car elles peuvent induire en même temps anxiété et épilepsie. En effet, les premières études cliniques des benzodiazépines agonistes inverses chez l'homme ont provoqué de sévères réactions anxieuses. Les propriétés pharmacologiques des agonistes et agonistes inverses révèlent l'existence de différences cliniques évidentes et importantes sur le plan clinique et comportemental du spectre agonistes, agonistes inverses et antagonistes (voir Fig. 3-14 et 8-25), à travers le principe de modulation allostérique des récepteurs. Les agonistes partiels sont des éléments intermédiaires au sein du spectre des agonistes (voir Fig. 8-25). Ils ont théoriquement la propriété de séparer-les effets voulus (anxiolyse) des effets indésirables (sédation diurne, ataxie, trouble de la mémoire, _dépendance et syndrome de sevrage) (voir Fig. 8-25). Plus précisément, les agonistes totaux possèdent théoriquement l'éventail complet des effets des benzodiazépines, tandis que les agonistes partiels pourraient séparer les actions supposées ne dépendre que d'un agonisme partiel (anxiolyse) de ceux nécessitant un agonisme complet (sédation et dépendance ; voir Fig. 8-25). Une grande variété d'agonistes partiels des récepteurs des benzodiazépines a été synthétisée et étudiée. Les résultats à ce jour sont généralement décevants, car les agonistes partiels trop fortement agonistes ne diffèrent guère des produits déjà disponibles sur le marché, alors que les agonistes partiels trop faibles n'ont qu'une très légère efficacité sur l'anxiété. L'idée
Anxiolytiques et sédatifs-hypnotiques
321
SPECTRE DES AGONISTES DANS L'ANXIÉTÉ
agoniste partiel
agoniste partiel inverse
agoniste inverse
sans effet clinique
seulement anxiolytique
promnésiant (augmente la mémoire) anxiogène
1:11 anxiolytique sédatif-hypnotique myorelaxant anticonvulsivant amnésiant inducteur d'une dépendance
promnésiant anxiogène proconvulsivant
FIGURE 8-25. Il existe tout un spectre d'activités agonistes au niveau des récepteurs benzodiazépiniques (BZD), allant de l'agoniste total à l'agoniste inverse en passant par l'antagoniste (voir Fig. 3-14). L'agoniste total (extrémité gauche) a non seulement les effets thérapeutiques souhaités (anxiolytiques, sédatifs-hypnotiques, myorelaxants et anticonvulsivants), mais aussi des effets indésirables (amnésie et dépendance). Théoriquement, un juste milieu entre agoniste total et antagoniste devrait être trouvé avec un agoniste partiel qui pourrait être anxiolytique sans induire de dépendance, par exemple. L'antagoniste (milieu du spectre) n'a pas d'effet par lui-même mais empêche l'action de tout autre ligand sur le site BZD, que ce soit un agoniste total ou un agoniste inverse (voir Fig. 8-26 et 8-27). L'agoniste total inverse (extrémité droite) induit des effets cliniques essentiellement opposés à ceux des agonistes totaux et par conséquent provoque des effets potentiellement désirables d'amélioration de la mémoire (effets promnésiants), mais aussi des effets indésirables (augmentation de l'anxiété et abaissement du seuil épileptogène). Il est possible qu'un juste milieu puisse être atteint grâce à un agoniste partiel inverse qui augmenterait la mémoire sans être anxiogène ni proconvulsivant.
d'agonistes partiels reste toutefois séduisante compte tenu des promesses des essais précliniques de certaines substances et des considérations théoriques qui leur sont attachées. Les manipulations pharmacologiques de benzodiazépines ont donné naissance à un antagoniste, le flumazénil, qui bloque et inverse les effets des benzodiazépines, par exemple à l'issue d'une anesthésie ou après une overdose (Fig. 8-26). De façon intéressante, comme la pharmacologie du spectre des agonistes le laissait supposer (voir Fig. 8-25), le flumazénil est également capable d'annuler les effets des agonistes inverses (Fig. 8-27). Cela illustre les principes pharmacologiques développés dans le Chapitre 3, montrant la façon dont les médicaments influencent un système de neurotransmetteur selon une très large gamme d'effets, lorsqu'un ensemble de produits va de l'agonisme total à l'antagonisme neutre via l'agonisme
,S2 2
Ps.tt ibophanit2t tdogie
1 L'antagoniste bloque les effets de l'agoniste total
FIGURE 8-26. Le flumazénil, antagoniste des récepteurs benzodiazépiniques (BZD), s'oppose aux effets I d'un agoniste BZD au niveau du récepteur BZD du complexe du récepteur GABA A. Il est utile pour supprimer les effets sédatifs des BZD agonistes totaux administrées lors d'une anesthésie ou prises dans le cadre d'une overdose. partiel, et que d'autre part, il va de l'antagonisme neutre à l'agonisme partiel inverse et l'agonisme inverse total (voir Fig. 3-14 et 8-25). Benzodiazépines et traitement de l'anxiété. Les benzodiazépines se sont développées dans une ère où le diagnostic et le traitement de l'anxiété étaient considérés comme très distincts du diagnostic et du traitement de la dépression (voir Fig. 8-7). Ces substances ont révolutionné le traitement de l'anxiété lorsqu'elles sont apparues dans les années 60, en raison de leur sédation moindre et d'un risque de dépendance plus faible qu'avec les produits plus anciens, comme les barbituriques et le méprobamate, qu'elles ont remplacés. Elles ont, en outre, d'autres propriétés : anticonvulsivantes, myorelaxantes et sédatives-hypnotiques. Pour utiliser des benzodiazépines dans le traitement de l'anxiété, il faut bien connaître leur rapport bénéfice/risque et le comparer avec les autres thérapeutiques disponibles. Dans des cas d'anxiété à court terme, comme un trouble de l'adaptation survenu après un événement de vie stressant, les benzodiazépines apportent un soulagement rapide avec de faibles risques de dépendance et de sevrage pourvu qu'elles ne soient prises que pendant quelques semaines ou quelques mois. Cependant, dans les états qui nécessitent un traitement d'une durée supérieure à 4 à 6 mois (TAG, trouble panique ou anxiété associée à la dépression), le risque de dépen-
à
Anxiolytiques et sédatifs-hypnotiques
323
y L'antagoniste bloque les effets de l'agoniste inverse
FIGURE 8-27. Le flumazénil, antagoniste des récepteurs benzodiazépiniques (BZD), s'oppose également aux effets d'un agoniste inverse au niveau du récepteur BZD du complexe du récepteur GAGA A.
dance et de syndrome de sevrage est élevé, de sorte que leur utilisation à long terme n'est pas justifiée au regard des autres possibilités thérapeutiques (NdT : en France, la recommandation officielle est de ne prescrire et utiliser les benzodiazépines que pendant 3 mois). L'utilisation de benzodiazépines pour stabiliser à court terme des symptômes du TAG et leur prise lors d'une poussée brutale de symptômes sont généralement justifiées. Le traitement à long terme du TAG doit prendre en compte les autres possibilités thérapeutiques avant que l'utilisation à long terme des benzodiazépines ne devienne légitime. Ainsi, prescrire des changements au niveau des habitudes de vie (techniques de réduction du stress, exercice physique, alimentation équilibrée, situation _professionnelle convenable, gestion adéquate des relations interpersonnelles) peut être le contrepoint d'un traitement à long terme par benzodiazépines.
Autres traitements médicamenteux de l'anxiété Barbituriques. Les tout premiers traitements de l'anxiété généralisée étaient les barbituriques sédatifs. Leur efficacité anxiolytique spécifique n'était pas terrible Ils diminuaient à peine l'anxiété alors que leur effet sédatif était puissant. En raison de sérieux problèmes de dépendance et de sevrage (voir Chapitre 13), et d'un profil de sécurité insuffisant, surtout lors
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Psychopharmacologie d'associations médicamenteuses ou d'overdose, les barbituriques tombèrent en désuétude dès la découverte des benzodiazépines, anxiolytiques beaucoup plus sélectifs et moins dangereux. Méprobamate. Avec le tybamate (qui n'est plus disponible aux États-Unis ; NdT : non disponible en France), membres de la classe des propanediols, le méprobamate se révèle très proche, sur le plan pharmacologique, des barbituriques. Aucun avantage du méprobamate sur les barbituriques n'a été démontré et, bien qu'il ait été un anxiolytique populaire durant les années 50, il est tombé en disgrâce et n'est plus prescrit que rarement compte tenu de ses risques d'abus et de syndrome de sevrage, semblables à ceux des barbituriques et bien plus sévères que ceux des benzodiazépines. Traitements d'appoint. De nombreux traitements d'appoint de l'anxiété généralisée sont disponibles. Ces produits sont considérés à la fois comme des traitements de seconde intention d'efficacité moindre, mais sont plus sédatifs que spécifiquement anxiolytiques. On y compte les antihistaminiques, les bêta-bloquants et la clonidine. Les bêta-bloquants ont une certaine efficacité sur la phobie sociale (voir Chapitre 9). L'agoniste alpha 2 qu'est la clonidine est parfois utile dans l'anxiété associée un état hyperadrénergique (voir Fig. 8-13).
Nouvellesperspectives
Des essais portant sur les agonistes partiels se fixant aux récepteurs benzodiazépiniques sont en cours. Toutes les benzodiazépines actuellement commercialisées sont essentiellement des agonistes totaux du complexe du récepteur GAGA-benzodiazépinique. Sur le plan théorique, il est possible d'augmenter les effets d'un agoniste total en identifiant un agoniste suffisamment partiel (voir Fig. 8-20). D'après les modèles animaux, on peut attendre d'un agoniste partiel un effet anxiolytique associé à moins de sédation et moins de potentiel de dépendance et de syndrome de sevrage. On cherche toujours un tel produit utilisable chez l'homme. Il pourrait être conçu à partir d'une substance de type benzodiazépinique, ou synthétisé de manière originale comme un produit de structure chimique unique, c'est-à-dire non benzodiazépinique. Les antagonistes de la cholécystokinine (CCK) font l'objet d'essais clinique dans les troubles anxieux, principalement le trouble panique (voir Chapitre 9). Le corticotropin_ releasing factor (CRF) est un neuropeptide qui peut jouer un rôle dans certains comporte. ments anxieux chez l'animal. Cela a donc conduit à l'idée que les antagonistes du CRF pou- I vaient être anxiolytiques. De nombreux antagonistes du CRF ont été développés et testés dans cette indication, mais ils ne sont qu'au tout début de leur évaluation. Les stéroïdes neuroactifs sont des molécules possédant une structure chimique stéroïde ; elles interagissent avec le complexe du récepteur GABA-benzodiazépinique. Comme certains de ces produits sont naturels, il y a un espoir que des analogues puissent être effectivement anxiolytiques, avec peut-être un effet plus « naturel » que celui des-benzodiazépines. Ils n'en sont toutefois qu'aux tout premiers stades de développement.
Description clinique de l'insomnie L'insomnie est une plainte, non une maladie. Les causes de l'insomnie sont classées dans le DSM-IV pour les psychiatres, et dans la Classification internationale des troubles du sommeil pour les spécialistes du sommeil (Tableau 8—III). L'insomnie peut être primaire, on secondaire à un trouble somatique ou psychiatrique, ou à un traitement médicamenteux. Elle peut également être due à des facteurs psychophysiologiques, comme un stress, ou à des
Anxiolytiques et sédatifs-hypnotiques Tableau
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Classification de l'insomnie
Insomnie primaire, avec trouble physiopathologique du sommeil sous-jacent Insomnie secondaire à un trouble psychiatrique Insomnie secondaire à un traitement ou un abus de substance Insomnie secondaire à une condition médicale générale, surtout douleur ou trouble respiratoire lié au sommeil Trouble du rythme circadien Mouvements périodiques des membres Syndrome d'impatience des membres à l'éveil (jambes sans repos)
troubles du rythme circadien, comme le décalage horaire. Pour plus de détails, nous renvoyons le lecteur aux manuels sur l'étiologie et la classification de l'insomnie et des autres L troubles du sommeil. Nous voulons simplement souligner ici l'utilisation des médicaments sédatifs-hypnotiques dans le traitement de l'insomnie. Avant toute prescription, il est nécessaire de connaître les facteurs étiologiques de l'insomnie, de façon à utiliser au mieux les hypnotiques. Si un trouble du sommeil est secondaire à une pathologie psychiatrique, le traitement du premier reposera sur celui de cette dernière. Même chose en ce qui concerne les pathologies somatiques. On peut donner comme exemple le reflux gastro-oesophagien, les troubles respiratoires du type syndrome d'apnées (centrales ou obstructives) du sommeil et la douleur. En traitant cette pathologie primaire on supprime souvent l'insomnie, et les sédatifs-hypnotiques peuvent être évités. Si le trouble du sommeil est dû à un médicament ou à un abus de substances psychoactives, le fait de changer le médicament ou de mettre fin à l'abus de substances va supprimer le problème. Si le trouble du sommeil est secondaire à une narcolepsie, une parasomnie ou un trouble moteur lié au sommeil tel que des mouvements périodiques des membres ou le syndrome des jambes sans repos, le traitement de ces affections améliorera également le sommeil. Une plainte d'insomnie peut être en rapport avec une mauvaise hygiène du sommeil et, dans ce cas, de simples mesures comportementales s'imposent, comme faire régulièrement de l'exercice, mais pas trop tard dans la journée, éviter la caféine le soir, éviter de faire la sieste et réserver le lit au sommeil et aux activités sexuelles. Lorsque l'on a éliminé l'ensemble de ces problèmes, il reste encore néanmoins un taux élevé d'insomnies primaires et d'insomnies secondaires dont la cause ne peut être traitée convenablement. De nombreux patients ont à la fois un trouble psychiatrique et une insomnie primaire. D'autres encore ont un trouble psychiatrique nécessitant un traitement qui perturbe le sommeil. Nous allons discuter ici de l'utilisation des sédatifs-hypnotiques chez ces patients. L'insomnie peut être classée en fonction de sa due& d'évolution. L'insomnie transitoire survient chez un bon dormeur qui vient de franchir des fuseaux horaires (décalage horaire ou jet lag), qui dort dans un environnement non familier ou qui subit une situation de stress aiguë. Bien souvent, un traitement n'est pas nécessaire et le problème se corrige en peu de temps. L'insomnie à court terme survient chez un sujet généralement bon dormeur, mais qui endure une situation de stress ne pouvant pas s'arranger en quelques jours, comme un divorce, une faillite ou un problème judiciaire. Ces sujets ne remplissent pas les critères d'un problème psychiatrique autre qu'un trouble de l'adaptation, et nécessitent le soulagement de leur insomnie pour pouvoir rester efficients.
326
Psychopharmacologie Pour finir, l'insomnie à long terme est non seulement persistante, mais aussi invalidante. Les études suggèrent que ces patients ont presque tous un trouble psychiatrique associé, utilisent ou abusent de substances psychoactives ou subissent un sevrage de ces substances, ou encore ont un problème somatique. Comme nous l'avons mentionné plus haut, le traitement de ces troubles associés peut être en soi suffisant polir traiter l'insomnie. Cependant, s'ils ne peuvent être traités correctement, ou s'il faut d'abord traiter l'insomnie avant de pouvoir traiter la pathologie associée, alors il peut s'avérer nécessaire d'utiliser un hypnotique à visée purement symptomatique. Les recommandations des laboratoires pharmaceutiques et des spécialistes du sommeil vont dans le sens d'une utilisation des sédatifs-hypnotiques limitée à plusieurs semaines au maximum. L'insomnie à court terme ne devrait pas être traitée plus de 3 semaines, tandis que l'insomnie à long terme devrait l'être de façon discontinue autant que faire se peut. Un traitement chronique peut être du type une prise tous les 3 jours pendant une durée maximale de 4 mois. La pratique clinique montre toutefois que les symptômes d'une insomnie cliniquement significative peuvent persister pendant des mois, voire des années, chez de nombreux patients. Bien que le risque existe de devenir dépendant après un long moment, il n'y a pas de preuve que les sédatifshypnotiques perdent leur efficacité avec le temps. Ainsi, pour certains patients ayant des symptômes persistants d'insomnie, le traitement hypnotique peut s'étendre au-delà de 4 mois. Dans de tels cas, il faut réévaluer régulièrement son intérêt (NdT : en France, toutes les 4 semaines).
Traitements médicamenteux de l'insomnie
En admettant que l'insomnie ne peut être traitée correctement en s'attaquant au problème causal sous-jacent, il est possible d'utiliser des hypnotiques pour induire pharmacologiquement le sommeil. Ces traitements sont contestables s'ils font l'objet d'une utilisation abusive, ou si le traitement symptomatique conduit à faire l'économie du diagnostic et du traitement de la pathologie primaire. Mais il est difficile de nier l'incidence très élevée de la plainte d'insomnie dans la population générale, des difficultés qu'elle entraîne, de son aspect invalidant, et l'importance de la pression pour un traitement médicamenteux de la part des patients.
Hypnotiques non benzodiaze'piniques d'action brève
Les nouveaux sédatifs-hypnotiques non benzodiazépiniques sont rapidement devenus les traitements de première intention de l'insomnie. Ils sont non seulement supérieurs aux bec_ zodiazépines sur le plan pharmacodynamique en termes de mécanisme d'action, mais peutêtre aussi, et c'est probablement le point le plus important, sur le plan pharmacocinétique. Les trois sédatifs-hypnotiques non benzodiazépiniques disponibles à l'heure actuelle sont : le zaléplon (la pyrazolopyrimidine ; NdT : non disponible en France), la zopiclone (une cyclopyrrolone, non disponible aux États-Unis, mais disponible en France, NdT) et le zolpidem (une imidazopyridine) (Fig. 8-28 à 8-30 ; Tableau 8—IV). Le zaléplon (voir Fig. 8-28) et le zolpidem (voir Fig. 8-29) agissent sélectivement sur le récepteur benzodiazépinique oméga 1 impliqué dans la sédation, mais pas sur le récepteur oméga 2 concentré dans les régions cérébrales qui régulent la cognition, la mémoire et le fonctionnement moteur. Ces produits devraient donc théoriquement avoir moins d'effets négatifs cognitifs, mnésiques et moteurs que les benzodiazépines, qui agissent à la fois sur les récepteurs oméga 1 et 2. Le zaléplon, le zolpidem et les benzodiazépines partagent le même profil, c'est-à-dire une action rapide et de courte durée. Même avant que ces substances ne soient disponibles, on trouvait déjà particulièrement intéressantes la rapidité et la courte
Anxiolytiques et sédatifs-hypnotiques
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zaléplon
1
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1'
FIGURE 8-28. Le zaléplon est un hypnotique non benzodiazépinique d'action rapide et de courte durée. Il se fixe au site oméga situé près de celui des benzodiazépines sur le récepteur GABA A. durée d'action de certaines benzodiazépines afin d'obtenir rapidement un effet thérapeutique et d'éviter des effets résiduels le lendemain ou des effets liés à l'accumulation du produit après plusieurs jours de traitement. Un autre avantage de ces produits, même sur des benzodiazépines d'action rapide de courte durée comme le triazolam, c'est que leur fixation sur le récepteur benzodiazépinique est différente de celle des benzodiazépines elles-mêmes sur leur propre site de liaison, et qu'ils peuvent avoir des propriétés d'agoniste partiel (voir Fig. 8-28). C'est peut-être grâce à cela que le rebond d'insomnie (c'est-à-dire une insomnie due au sevrage du médicament),
328
Psychopharmacologie zolpidem
FIGURE 8-29. Le zolpidem est un hypnotique non benzodiazépinique d'action de durée relativerri brève. Il se fixe au site oméga situé près de celui des benzodiazépines sur le récepteur GABA A.
zopiclone
FIGURE 8-30. La zopiclone est un hypnotique non benzodiazépinique de durée d'action intermédiaire. Elle se fixe au site oméga situé près de celui des benzodiazépines sur le récepteur GABA A.
les autres symptômes de sevrage, la dépendance et l'épuisement de l'efficacité avec le temps sont peu fréquents avec les sédatifs-hypnotiques non benzodiazépiniques. Zaléplon (voir Fig. 8-28). Ce produit, récemment agréé,. est le plus rapide d'action (pic de concentration atteint en 1 heure) et possède la plus brève durée d'action (durée de demi-vie : 1 heure, sans métabolite actif). Sa courte durée de demi-vie rend le zaléplon idéal pour traiter le décalage horaire et pour les sujets qui souhaitent une élimination complète avant le lever. Une préoccupation théorique au sujet d'une substance dont la demi-vie est si courte est qu'on la préférera pour traiter une insomnie d'endormissement plutôt qu'une insomnie du milieu de nuit qui apparaît à un moment où le zaléplon est déjà éliminé. En pratique, toutefois, l'utilisation d'un médicament comme le zaléplon, malgré sa demi-vie très brève, traite aussi bien l'insomnie d'endormissement que celle de maintien en permettant au sommeil de se déployer. En outre, dans le cas d'un patient souffrant d'une insomnie du milieu de nuit, le
Anxiolytiques et sédatifs-hypnotiques
329
Tableau 8-IV. Substances sédatives-hypnotiques Non benzodiazépiniques (action rapide et brève) Zaléplon Zolpidem Zopiclone
Antihistaminiques (certains étant délivrés sans ordonnance) Diphenhydramine Doxylamine Hydroxyzine
Benzodiazépiniques Action rapide et brève Triazolam Action retardée/durée intermédiaire Témazépam Estazolam Action rapide de longue durée Flurazépam Quazépam
Anticholinergiques sédatifs (sans ordonnance) Scopolamine Substances naturelles Mélatonine Valériane Anciens sédatifs-hypnotiques Hydrate de chloral
Antidépresseurs sédatifs Antidépresseurs tricycliques Trazodone Mirtazapine Néfazodone
zaléplon a une durée d'action suffisamment courte pour que la consommation d'une ou de plusieurs prises dans la nuit soit totalement éliminée au lever. Zolpidem (voir Fig. 8-29). Il fut le premier hypnotique non benzodiazépinique sélectif oméga 1. Produit de choix pour les prescripteurs et les patients, il a rapidement remplacé les benzodiazépines. Il a un pic de concentration un peu plus tardif (2 à 3 heures) et une demivie plus longue (1,5 à 3 heures) que le zaléplon. Zopiclone (voir Fig. 8-30). Ce produit est disponible en dehors des États-Unis. Il a un pic de concentration légèrement plus tardif que le zaléplon, mais un peu plus rapide que celui du zolpidem. Sa demi-vie (3,5 à 6 heures), toutefois, est plus longue que celle des deux autres produits.
Benzodiazépines sédatives-hypnotiques
Les benzodiazépines sont encore largement utilisées dans le traitement de l'insomnie. Nous avons parlé en détail de leurs mécanismes d'action et de leur utilisation dans l'anxiété. Dans l'insomnie, leur mécanisme d'action est le même que dans l'anxiété (voir Fig. 8-23 à 8-25). L'utilisation d'une benzodiazépine pour obtenir une sédation ou pour soulager l'anxiété s'appuie largement sur sa demi-vie, en préférant une demi-vie plus courte pour l'insomnie de telle sorte que le produit soit éliminé le plus possible au lever. Toutefois, en pratique, presque toutes les benzodiazépines sont utilisées dans le traitement de l'insomnie (voir Tableau 8—IV). 111>m_ La pharmacocinétique des benzodiazépines les plus largement utilisées diffère grandement d'un produit à l'autre, avec certains comme le triazolam (Fig. 8-31) ayant une action rapide et une demi-vie courte, d'autres comme le flurazépam (Fig. 8-32) d'action relativement rapide
330
Psychopharmacologie triazolarn
FIGURE 8-31. Le triazolam est une benzodiazépine sédative utilisée en tant qu'hypnotique de courte durée d'action. mais avec une longue demi-vie, et d'autres encore, comme le témazépam (Fig. 8-33), ayant un délai d'action retardé mais une demi-vie intermédiaire (voir Tableau 8—IV). Idéalement, il faut faire coïncider les caractéristiques des perturbations du sommeil et celles de l'hypno. tique, ce qui doit être possible étant donné le choix de substances disponibles pour traiter un individu donné. Si un patient a des difficultés à s'endormir, un médicament d'action rapide et courte fera l'affaire. En cas d'insomnie du milieu de nuit, une substance dont le délai d'action est intermédiaire et de durée d'action également intermédiaire sera préférée, surtout si les produits d'action rapide se sont montrés inefficaces. Si un patient a à la fois une insomnie d'endormissement et de maintien du sommeil, un hypnotique d'action rapide et de durée d'action intermédiaire sera le produit de choix.
Anxiolytiques et sédatifs-hypnotiques
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flurnazépam
FIGURE 8-32. Le flumazépam est une benzodiazépine sédative utilisée en tant qu'hypnotique de longue durée d'action. •
témazépam
FIGURE 8-33. Le témazépam est une benzodiazépine sédative utilisée en tant qu'hypnotique, d'action un peu retardée et de durée intermédiaire.
L'utilisation des benzodiazépines dans le traitement de l'insomnie pose un certain nombre de problèmes. Les difficultés à court terme sont représentées par la prescription de trop fortes doses qui entraînent des effets résiduels, matinaux, à type de sensation d'être « drogué », la persistance de la sédation à un moment où le patient désire être bien vigilant, et des troubles mnésiques lorsqu'il est éveillé. Ces problèmes sont généralement résolus en réduisant les doses de benzodiazépines, en utilisant des produits de demi-vie plus courte ou en passant à un hypnotique non benzodiazépinique d'action courte, surtout chez les patients âgés. Les difficultés à long terme avec les benzodiazépines dans le traitement de l'insomnie ont été identifiées chez de nombreux patients qui ont développé un phénomène de tolérance pour ces produits les rendant inefficaces après une semaine ou deux. Afin de prévenir cela, les patients doivent prendre leur somnifère occasionnellement pendant quelques jours, ou seulement pendant environ 10 jours d'affilée suivis de quelques jours ou quelques semaines sans traitement du tout. En outre, si le patient continue de prendre des benzodiazépines à visée hypnotique pendant plusieurs semaines ou mois, un syndrome de sevrage peut survenir à l'arrêt du traitement, surtout s'il est brutal. Cela sera revu en détail dans le Chapitre 13. L'arrêt de benzodiazépines utilisées comme sédatifs-hypnotiques après une utilisation de longue durée peut induire un problème appelé insomnie de rebond, qui est l'aggravation de
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Psychopharmacologie l'insomnie liée à l'arrêt de la benzodiazépine. Bien que cela puisse être évité par un traitement benzodiazépinique hypnotique de courte durée ou intermittent, il est souvent insoupçonné chez les utilisateurs à long terme de benzodiazépines jusqu'à ce qu'ils les arrêtent. Le traitement de ce problème croissant comprend un programme de sevrage progressif ; il sera abordé dans le Chapitre 13.
Antidépresseurs ayant des propriétés sédatives-hypnotiques
Il existe un grand nombre d'antidépresseurs dotés de propriétés sédatives-hypnotiques (voir Tableau 8—IV). Certains sont sédatifs grâce à leurs effets anticholinergiques-antihistaminiques. Les antidépresseurs tricycliques (ATC), ce n'est pas surprenant, peuvent être d'utiles hypnotiques pour certains patients. L'utilisation habile d'un ATC chez un patient déprimé et insomniaque tirera profit d'une sédation indésirable pour s'en servir d'hypnotique en le donnant au coucher. Cette propriété, discutée dans le Chapitre 6, n'a rien à voir avec ce qui fait que les ATC sont antidépresseurs (voir Fig. 6-15 et 6-16). Un autre antidépresseur, la trazodone, est lui aussi doué d'effets sédatifs. Ils seraient liés à ses propriétés antagonistes 5HT2A, qui semblent agir en induisant et en restaurant le sommeil lent profond (voir Fig. 7-14). La trazodone peut être associée à un grand nombre d'autres psychotropes et est le produit de choix lorsqu'un patient doit prendre en plus un médicament qui allège le sommeil, un ISRS par exemple. D'autres antidépresseurs sédatifs, bloquant les récepteurs 2A sérotoninergiques, comme la néfazodone et la mirtazapine, sont, à l'occasion, utilisés pour leurs propriétés sédatives-hypnotiques.
Produits vendus sans ordonnance
Il existe un grand nombre de produits vendus sans ordonnance (voir Tableau 8--IV). Bien que leur nom commercial puisse changer énormément avec le temps ou d'un pays à l'autre, les produits vendus sans ordonnance contiennent essentiellement au moins un à trois ingrédients actifs : (1) une substance anticholinergique, la scopolamine ; (2) un antihistaminique doué de propriétés anticholinergiques ; et (3) un analgésique léger. Nous avons déjà parlé des effets anticholinergiques et antihistaminiques dans le chapitre sur les antidépresseurs tricycliques. L'induction du sommeil avec ces substances se fait au prix d'une sécheresse buccale, d'une vision floue et d'une constipation. Elles peuvent également provoquer confusion et troubles de la mémoire, surtout chez les sujets âgés. Toutefois, ils n'induisent pas vraiment de dépendance, ni de rebond sévère à l'arrêt et sont généralement peu dangereux aux doses disponibles dans leur conditionnement. Récemment, plusieurs produits naturels comme la mélatonine ou des plantes comme la valériane sont devenus des remèdes populaires contre l'ilemnie. Il n'y a pas d'évaluation complète de leur bonne tolérance et de leur efficacité. Au-delà de-ces questions de sécurité d'emploi et d'efficacité, il n'y a aucun consensus sur les doses efficaces. Néanmoins, ils continuent d'être très largement utilisés par certains patients.
Autres substances non benzodiaze'piniques à propriété hypnotique
Toutes sortes de vieux produits ont une longue histoire de vertus sédatives-hypnotiques. compte parmi eux les barbituriques et certaines substances dérivées comme l'éthchlorvy
Anxiolytiques et sédatifs-hypnotiques
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l'éthinamate, l'hydrate de chloral et ses dérivés, les pipéridinediones comme le glutéthimide et la méthyprylone. À cause de problèmes de tolérance, d'abus, de dépendance, de surdosage et de syndrome de sevrage bien plus marqués que ceux qui sont rencontrés avec les benzodiazépines, les barbituriques et les dérivés pipéridinediones sont très exceptionnellement utilisés comme hypnotiques de nos jours. L'hydrate de chloral est encore quelquefois utilisé compte tenu de son efficacité à court terme et de son faible coût. Il doit toutefois être évité chez les patients souffrant de maladies rénales, hépatiques ou cardiaques sévères, et le risque d'interférence avec les enzymes hépatiques de métabolisation des médicaments, lors de traitements associés. Le risque potentiel de voir apparaître sous hydrate de chloral des phénomènes de tolérance, de dépendance physique et de conduite addictive impose une grande prudence chez les patients ayant une histoire d'abus de drogue ou d'alcool, et il ne doit être utilisé que sur une courte période. Inné Dans ce chapitre ont été fournies les descriptions cliniques de l'anxiété et de l'insomnie. Nous avons également décrit les bases biologiques de ces deux pathologies, centrées sur trois systèmes de neurotransmission : les systèmes GABA-benzodiazépinique, sérotoninergique et noradrénergique. Et pour finir, nous avons passé en revue les traitements de l'anxiété et de l'insomnie, et étudié la façon dont ils agissent sur ces trois systèmes. À propos du système GABAergique, nous avons montré que les benzodiazépines sont des modulateurs allostériques des récepteurs GABA A, et qu'elles inhibent ensuite les canaux chlore. Les récepteurs des benzodiazépines semblent impliqués dans la survenue des émotions anxieuses aussi bien que dans le mécanisme d'action des anxiolytiques. En ce qui concerne le système noradrénergique, nous avons vu dans ce chapitre que le locus coeruleus est le noyau cérébral contenant les neurones noradrénergiques qui jouent un rôle dans les symptômes de l'anxiété à travers les récepteurs alpha 2 et adrénergiques bêta. Notre propos s'est aussi attaché à prendre en compte le rôle de la sérotonine dans l'anxiété, rôle paraissant fondamental encore que très complexe et non totalement élucidé. Selon une théorie actuelle développée dans ce chapitre, les médicaments anxiolytiques agissent sur les récepteurs sérotoninergiques 1A en tant qu'agonistes partiels. Nous avons vu la raison pour laquelle divers antidépresseurs, la venlafaxine LP en particulier, sont utilisés de manière croissante dans le traitement de l'anxiété généralisée. La buspirone reste le médicament de première intention pour l'anxiété chronique. Les benzodiazépines sont largement utilisées dans la prise en charge à court terme de symptômes anxieux intermittents. Le zaléplon, le zolpidem et la zopidone, certains sédatifs-hypnotiques non benzodiazépiniques, ont remplacé les benzodiazépines dans le traitement de première intention de l'insomnie. Certains antidépresseurs, comme les antidépresseurs tricycliques et la trazodone, sont également utilisés dans cette indication._
CHAPITRE 9
TRAITEMENTS MÉDICAMENTEUX DU TROUBLE OBSESSIONNELCOMPULSIF, DU TROUBLE PANIQUE ET DES TROUBLES PHOBIQUES
•
I. Trouble obsessionnel-compulsif A. Description clinique B. Bases biologiques 1. Hypothèse de la sérotonine 2. Dopamine et trouble obsessionnel-compulsif 3. Hypothèse de la sérotonine et de la dopamine 4. Neuroanatomie ■ C. Traitements médicamenteux 1.Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine 2. Traitements d'appoint 3. Nouvelles perspectives II. Attaques de panique et trouble panique A. Description clinique B. Bases biologiques du trouble panique 1.Dysrégulation des neurotransmetteurs 2. Hypothèses respiratoires 3. Données neuroanatomiques C. Traitements 1.Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine 2. Nouveaux antidépresseurs 3. Antidépresseurs tricycliques 4. Inhibiteurs de la monoamine oxydase 5. Benzodiazépines 6.Psychothérapies cognitives et comportementales 7. Associations thérapeutiques 8.Rechute après arrêt du traitement 9. Nouvelles perspectives III. Troubles phobiques : phobies spécifiques, phobie sociale et agoraphobie A. Description clinique des phobies et des troubles phobiques
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Psychopharmacologie B. Bases biologiques de la phobie sociale C. Traitements médicamenteux de la phobie sociale D. Traitements psychothérapiques E. Nouvelles perspectives IV. État de stress post-traumatique A. Description clinique B. Bases biologiques C. Traitements V. Résumé
D'impressionnantes avancées ont eu lieu dans le traitement des troubles anxieux. Celui-ci repose avant tout sur les nouveaux antidépresseurs, toutes les nouvelles thérapeutiques anxiolytiques ou presque appartenant à cette classe. Le lecteur cherchera si besoin Ies informations qu'il souhaite sur les mécanismes d'action des antidépresseurs dans les Chapitres 6 et 7. L'orientation nouvelle des antidépresseurs vers le traitement de l'anxiété est liée en grande partie à la refonte des critères diagnostiques des sous-types des troubles anxieux. Le travail de clarification de la description clinique, de l'épidémiologie et de l'histoire naturelle du trouble obsessionnel-compulsif, du trouble panique, de la phobie sociale et de l'état de stress post-traumatique s'est en effet trouvé grandement facilité par rapport à la précédente décennie lorsque de nouveaux traitements ont été disponibles. L'ensemble des troubles anxieux représente la pathologie psychiatrique la plus fréquente, et par conséquent attire particulièrement l'attention des psychopharmacologues désireux de les comprendre et de les traiter efficacement. Les connaissances sur ces troubles progressent à grands pas tandis que les traitements et leurs critères diagnostiques continuent d'évoluer. Afin d'apporter au lecteur les bases qui lui permettront de faire face à l'évolution des connaissances, ce chapitre s'attachera à décrire les principes psychopharmacologiques qui sous-tendent les stratégies thérapeutiques contemporaines en ce domaine. Comme il est hautement prévisible que les détails changeront très vite, le présent chapitre se consacrera aux concepts fondamentaux plutôt qu'à telle ou telle donnée précise concernant la posologie ou des informations pragmatiques sur la prescription. Une fois encore, le lecteur est invité à se pencher sur les manuels de référence pour obtenir de telles précisions. Nous nous concentrerons ici sur les thérapeutiques (et leurs mécanismes d'action pharmacologiques) des troubles anxieux les plus importants en psychopharmacologie : trouble obsessionnel-compulsif, trouble panique, phobie sociale, et état de stress post-traumatique. L'anxiété généralisée a été abordée dans le Chapitre 8.
Trouble obsessionnel-compulsif Description clinique Le trouble obsessionnel-compulsif (TOC) est un syndrome caractérisé par des obsessions et/ou des compulsions qui, prises toutes ensemble, durent pendant au moins une heure par jour et sont suffisamment pénibles pour interférer avec le fonctionnement social et professionnel du sujet. Les obsessions sont vécues mentalement et subjectivement par les patients comme des pensées, des impulsions ou des images. Selon la définition standard de la 4e édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV), les obsessions sont inopportunes et déplacées, et provoquent une détresse et une anxiété importantes. Les ,jj obsessions les plus fréquentes figurent dans le Tableau 9—I.
Traitements médicamenteux des troubles obsessionnel-compulsif, panique et phobique
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Tableau 9—I. Obsessions les plus habituelles Contamination Agression Obsessions religieuses (scrupulosité) Sécurité/danger Besoin d'exactitude ou de symétrie Craintes somatiques
Tableau 9—II. Compulsions les plus habituelles Vérifications Nettoyage/lavage Comptage Répétition Rangement/mise en ordre Accumulation/réalisation de collections
Les compulsions sont des comportements répétitifs ou des actes mentaux que le sujet se sent obligé d'accomplir ; elles sont parfois observées par l'entourage ou les médecins, alors que les obsessions ne peuvent pas l'être. Les patients se sentent souvent poussés à agir leurs compulsions soit en réponse à une obsession, soit pour suivre une règle rigide destinée à atténuer leur détresse ou quelque événement perçu comme menaçant. Malheureusement, les compulsions sont sans effet positif, ce que d'ailleurs, à un certain niveau, les patients reconnaissent généralement. Les compulsions les plus fréquentes apparaissent dans le Tableau Les critères diagnostiques DSM-IV formels pour le TOC sont fournis dans le Tableau 9—III. De nombreux autres troubles psychiatriques sont considérés par les experts comme appartenant au spectre du TOC ; ils sont présentés dans le Tableau 9—IV. On compte parmi eux le jeu pathologique, les troubles des conduites alimentaires, les paraphilies, la kleptomanie, la dysmorphophobie et d'autres encore. L'intérêt pour le TOC s'est considérablement accru lorsque l'on s'est rendu compte de l'efficacité de la clomipramine dans le milieu des années 80. Alors que l'on pensait qu'il s'agissait d'un trouble rare, les études épidémiologiques récentes ont montré que le TOC existait chez 1 adulte sur 50, et environ 1 enfant sur 200. C'est au moment où le TOC est apparu comme une pathologie fréquente et pouvant être traitée, que la recherche a montré que les cinq inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (ISRS) et certaines formes de thérapie comportementale étaient efficaces sur-ce désordre. Mais l'euphorie initiale des années 80 est aujourd'hui cependant nuancée par la constatation quelque peu refroidissante que si les traitements améliorent de nombreux patients, ils sont loin de les débarrasser de leur TOC, le taux de rechute restant particulièrement élevé à l'arrêt du traitement.
biologiques En dépit de nombreux travaux à ce niveau, les bases biologiques du TOC demeurent inconnues. Certaines études suggèrent l'existence d'une composante génétique dans son étiologie,
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Psychopharmacologie Tableau 9-III. Critères DSM-IV du diagnostic du trouble obsessionnel-compulsif
A. Existence soit d'obsessions, soit de compulsions. Obsessions définies par 1. Pensées, impulsions ou représentations récurrentes et persistantes qui, à certains moments de l'affection, sont ressenties comme intrusives et inappropriées et qui entraînent une anxiété ou une détresse importante. 2. Les pensées, impulsions ou représentations ne sont pas simplement des préoccupations excessives concernant les problèmes de la vie réelle. 3. Le sujet fait des efforts pour ignorer ou réprimer ces pensées, impulsions ou représentations ou pour neutraliser celles-ci par d'autres pensées ou actions. 4. Le sujet reconnaît que les pensées, impulsions ou représentations obsédantes proviennent de sa propre activité mentale (elles ne sont pas imposées de l'extérieur comme dans le cas des pensées imposées). Compulsions définies par 1. Comportements répétitifs (par exemple lavage des mains, ordonner, vérifier) ou actes mentaux (par exemple prier, compter, répéter des mots silencieusement) que le sujet se sent poussé à accomplir en réponse à une obsession ou selon certaines règles qui doivent être appliquées de manière inflexible. 2. Les comportements ou les actes mentaux sont destinés à neutraliser ou à diminuer le sentiment de détresse ou à empêcher un événement ou une situation redoutés ; cependant, ces comportements ou ces actes mentaux sont soit sans relation réaliste avec ce qu'ils se proposent de neutraliser ou de prévenir, soit manifestement excessifs. B. À un moment dans l'évolution du trouble, le sujet a reconnu que les obsessions ou les compull sions étaient excessives ou irraisonnées (ceci ne s'applique pas aux enfants). C. Les obsessions ou compulsions sont à l'origine de sentiments marqués de détresse, d'une perte de temps considérable (prenant plus d'une heure par jour) ou interfèrent de façon significative avec les activités habituelles du sujet, son fonctionnement professionnel (ou scolaire) ou ses activités ou relations sociales habituelles. D. Si un autre trouble de l'Axe 1 est aussi présent, le thème des obsessions ou des compulsions n'est pas limité à ce dernier (par exemple préoccupation liée à la nourriture quand il s'agit d'un trouble des conduites alimentaires ; au fait de s'arracher les cheveux en cas de trichotillomanie ; inquiétude concernant l'apparence en cas de peur d'une dysmorphie corporelle ; préoccupation à propos de drogues quand il s'agit d'un trouble lié à l'utilisation d'une substance ; crainte d'avoir une maladie sévère en cas d'hypocondrie ; préoccupation à propos de besoins sexuels impulsifs ou de fantasmes en cas de paraphilie ; ou ruminations de culpabilité quand il s'agit d'un trouble dépressif majeur). E. La perturbation ne résulte pas des effets physiologiques directs d'une substance (par exemple, une substance donnant lieu à un abus, un médicament), ni d'une affection médicale générale.
e éd., 1994. Traduction par J. D. Guelfi et
*D'après APA. Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, al., Paris, Masson, 1996. Avec l'aimable autorisation des éditions Masson.
mais aucun gène ni produit génique anormal n'a encore pu être-identifié. Certaines preuves impliquent une activité neuronale anormale ainsi qu'une altération des-neurotransmetteurs, mais nul ne peut dire à ce jour s'il s'agit d'une cause ou d'un effet du TOC. Il y a néanmoins une forte croyance dans l'existence d'une base neurologique pour le TOC, croyance issue de données mettant en cause les ganglions de la base et liées au succès relatif de la psychochirurgie chez certains patients. Hypothèse de la sérotonine. Bien qu'il soit peu vraisemblable qu'un seul système neurotransmetteur puisse expliquer toute la complexité du TOC, de récents efforts destinés à élucider sa physiopathologie ont abouti à la piste de la sérotonine (5HT). L'hypothèse
Traitements médicamenteux des troubles obsessionnel-compulsif, panique et phobique
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Tableau 9—W. Troubles appartenant au spectre du TOC Jeu pathologique Paraphilies Dysmorphophobie Trichotillomanie Hypocondrie Trouble somatisation Syndrome de Gilles de la Tourette Autisme Syndrome d'Asperger Kleptomanie Trouble du contrôle des impulsions Personnalité obsessionnelle-compulsive Boulimie Anorexie mentale
sérotoninergique du TOC, qui postule que ce trouble est lié à une dysfonction 5HT, provient largement des études sur les effets des traitements pharmacologiques. On sait depuis le milieu des années 80 que la clomipramine, un puissant mais non sélectif inhibiteur de la recapture de la sérotonine, diminue les symptômes du TOC. Depuis, de nombreuses études ont confirmé sa supériorité sur le placebo, tandis que d'autres traitements antidépresseurs ayant une bien moindre capacité à inhiber la recapture de la sérotonine (nortriptyline ou désipramine, par exemple) se sont avérés inefficaces. La démonstration de l'effet anti-TOC des cinq ISRS : la fluoxétine, la sertraline, la paroxétine, la fluvoxamine et le citalopram, étaye l'hypothèse que l'effet anti-obsessionnel de ces différents produits est lié à leur puissante activité de recapture de la sérotonine. L'hypothèse selon laquelle les ISRS sont efficaces dans le TOC à travers un mécanisme sérotoninergique repose aussi sur des études qui montrent une corrélation positive entre l'amélioration des symptômes obsessionnels-compulsifs par la clomipramine et la diminution dans le liquide céphalorachidien (LCR), sous l'effet du traitement, des taux du métabolite de la sérotonine, l'acide 5 -hydroxyindole acétique (5-HTAA), et des concentrations plaquettaires en sérotonine. On le voit, les marqueurs périphériques de la fonction 5HT associent l'amélioration symptomatique du TOC sous ISRS à des modifications de la fonction sérotoninergique. On ne retrouve cependant pas toujours ce type d'anomalie chez les patients non traités. Dopamine et trouble obsessionnel-compulse. Près de 40 p. 100 des patients souffrant de TOC ne répondent pas aux ISRS. Chez eux, la dysrégulation de la fonction sérotoninergique ne semble pas évidente. Par conséquent, il existe certainement d'autres neurotransmetteurs impliqués dans la physiopathologie du TOC, au moins chez certains patients. Il existe un certain nombre de preuves de l'implication de la dopamine (DA) dans la genèse de certains comportements obsessionnels-compulsifs. Des études chez l'animal ont montré que de fortes doses de diverses substances dopaminergiques, comme l'amphétamine, la bromocriptine, l'apomorphine et la L-DOPA induisent des mouvements stéréotypés qui ressemblent aux comportements compulsifs des patients. L'augmentation de la neurotransmission dopaminergigue en serait responsable. Les études humaines signalent, de façon cohérente, que l'abus de substances stimulantes (amphétamine par exemple) provoque des comportements complexes, répétitifs et en apparence inutiles qui ressemblent à ceux observés dans le TOC. La cocaïne
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Psychopharmacologie peut aggraver les symptômes compulsifs de patients souffrant de tics moteurs comme dans le syndrome de Gilles de la Tourette. L'élément le plus en faveur d'un rôle de la DA dans le TOC provient de la relation qui existe entre les symptômes obsessionnels-compulsifs et plusieurs maladies neurologiques associées à une dysfonction dopaminergique au niveau des ganglions de la base (encéphalite de Von Economo, syndrome de Gilles de la Tourette, chorée de. Sydenham). Il existe même des preuves récentes qu'une atteinte auto-immune des ganglions de la base chez certains enfants vulnérables pourrait être liée au développement de TOC. La relation la plus intrigante que l'on puisse établir entre la DA des ganglions de la base et le TOC vient du lien qui existe entre les symptômes obsessionnels-compulsifs et le syndrome de Gilles de la Tourette. Ce dernier est une pathologie neuropsychiatrique chronique caractérisée par de nombreux tics moteurs et verbaux. Quarante-cinq à quatre-vingt-dix pour cent de ces patients ont aussi des obsessions et des compulsions. Si par ailleurs on ne considère que ces seuls symptômes, un pourcentage très élevé de patients atteints du syndrome de Gilles de la Tourette réunirait les critères diagnostiques du TOC. Les études familiales montrent que ce syndrome et le TOC sont liés et suggèrent qu'il pourrait exister un facteur génétique commun qui se manifesterait chez certains patients par des tics et chez d'autres par des obsessions et des compulsions. On pourrait aussi dire que les tics sont peut-être les manifestations comportementales d'une dysfonction des ganglions de la base d'origine génétique, où le syndrome de Gilles de la Tourette se manifesterait par des « tics du corps » tandis que le TOC se manifesterait par des « tics du cerveau ». Les traitements complémentaires par les anciens neuroleptiques conventionnels (qui bloquent les récepteurs dopaminergiques) associés à un traitement ISRS permettent de réduire la sévérité des symptômes obsessionnels-compulsifs chez les patients résistant aux seuls ISRS, surtout chez ceux qui souffrent d'un syndrome de Gilles de la Tourette concomitant ; ces observations donc sont un argument supplémentaire en faveur de l'implication de la DA dans la physiopathologie du TOC. Hypothèse de la sérotonine et de la dopamine. À partir d'études dans le TOC portant à la fois sur la 5HT et la DA, il semble probable que tout au moins dans certaines formes de TOC (c'est-à-dire un TOC associé à un syndrome de Gilles de la Tourette), les systèmes sérotoninergiques et dopaminergiques soient impliqués tous les deux. On ne sait cependant pas si l'anomalie primaire réside dans la fonction sérotoninergique, dopaminergique ou dans l'équilibre sérotonine-dopamine. Cette dernière hypothèse est étayée par de nombreuses données précliniques, qui évoquent l'existence d'importantes interactions anatomiques et fonctionnelles entre les neurones sérotoninergiques et dopaminergiques. Cela sera repris en détail dans le Chapitre 11 (paragraphe sur les neuroleptiques agissant à la fois sur les récepteurs DA et 5HT). Il semblerait donc qu'une diminution de l'influence inhibitrice du tonus 5HT sur les neurones DA conduirait à une augmentation de la fonction dopaminergique du fait de l'existence de connexions fonctionnelles entre les neurones DA et 5HT des ganglions de la base. Les patients ayant à la fois un TOC et un syndrome de Gilles de la Tourette représenteraient ainsi le sous-type d'un trouble où deux neurotransmetteurs et l'équilibre établi entre les deux seraient impliqués dans la physiopathologie de leurs symptômes. En accord avec le rôle double de la sérotonine et de la dopamine dans le TOC, on a constaté que certains patients étaient améliorés par les nouveaux antagonistes sérotoninergiques-dopa. minergiques (encore appelés neuroleptiques atypiques ou antipsychotiques atypiques), en particulier lorsque l'on constate une mauvaise réponse aux ISRS. D'autre part, certains patients ne répondent pas du tout à ces nouveaux médicaments, tandis que d'autres voient même leur état s'aggraver. Les neuroleptiques atypiques et l'antagonisme sérotoninergique-dopaminergique sont présentés dans le Chapitre 1L
Traitements médicamenteux des troubles obsessionnel-compulsif, panique et phobique
'SAS,' neuroleptiques psychochirurgie neuroleptiques classiques clomipramine atypiques
zaléploni thérapie zolpiclam comportementale
Illhium
Ucsp ir0 w
341
up,ipsIppe
PHARMACIE des TOC
FIGURE 9-1. Ensemble des différentes options thérapeutiques dans le traitement du trouble obsessionnelcompulsif (TOC).
En résumé, cette hypothèse qui postule un fonctionnement anormal des systèmes de neurotransmission a conduit à la réalisation de nombreuses études sur les systèmes neuronaux 5HT et DA. À ce jour, cependant, aucune dysfonction nette d'un système de neurotransmission pouvant expliquer les bases neurobiologiques du TOC n'a encore pu être mise en évidence. Il semble toutefois clair que des modifications des systèmes neuronaux 5HT sont induites par les traitements médicamenteux du TOC, ce qui plaide en faveur d'un rôle important de la sérotonine dans la réponse au traitement. Neuroanatomie. Des anomalies de l'activité neuronale des projections corticales sur les ganglions de la base ont été observées par tomographie à émission de positons (PET scan) chez des patients atteints de TOC, et ont été confirmées par un certain nombre d'équipes. Plus précisément, on pense que les projections orbito-frontales médianes du cortex préfrontal sont impliquées. De telles anomalies des projections corticales sur les ganglions de la base seraient même liées à la sévérité de la maladie, puisqu'elles diminuent lorsque le patient est amélioré soit par un traitement médicamenteux, soit par une thérapie comportementale (voir Fig. 5-53).
Traitements médicamenteux La Fig. 9-1 montre les traitements du TOC actuellement disponibles. Les associations thérapeutiques possibles sont représentées dans la Fig. 9-2. Inhibiteurs de la recapture de la sérotonine. L'imipramine est le premier antidépresseur tricyclique à avoir été reconnu comme efficace dans le traitement de la dépression il y a plus de 30 ans. Elle n'a été validée et reconnue mondialement dans le traitement du TOC que
Duos TOC
o buspirone Duo sérotoninergique lA
Cf Duo antagoniste sérotoninergique 2A
ISRS
trazodone
C5 Duo lithium
ISRS
lithium
Duo benzodiazépine
ISRS
benzodiazépine
Duo insomnie
ISRS
zaléplon / zolpidem
CS? Duo neuroleptique classique
ISRS
egik neuroleptique classique
ISRS
neuroleptique atypique
ISRS
thérapie comportementale
Duo ASD
Duo comportemental
Traitements médicamenteux des troubles obsessionnel-compulsif, panique et phobique
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depuis le milieu des années 80. Au départ, son efficacité dans le TOC a beaucoup été débattue car les patients atteints de TOC sont fréquemment déprimés, ce qui a d'ailleurs conduit certains chercheurs à avancer que l'imipramine n'est efficace que sur les symptômes dépressifs associés au TOC mais pas sur les obsessions ni Ies compulsions. D'autres suggèrent que ce médicament n'est efficace dans le traitement du noyau symptomatique du TOC qu'à la condition qu'une dépression soit associée. Il n'est toujours pas clairement établi que les effets anti-TOC de l'imipramine soient indépendants de ses propriétés antidépressives. Du fait des puissantes propriétés de la clomipramine sur la recapture de la sérotonine, il a été émis l'hypothèse que ses effets anti-TOC étaient liés à ses propriétés de blocage de la recapture de la sérotonine. Cette hypothèse est solidement étayée par la constatation que les cinq ISRS sont également efficaces. Et bien que la clomipramine soit aussi métabolisée en un inhibiteur de la recapture de la noradrénaline (la desméthylclomipramine), rien ne prouve le rôle du blocage de la recapture de la noradrénaline dans le mécanisme d'action de la clomipramine En particulier, les inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline les plus sélectifs comme la désipramine et la nortriptyline ont une efficacité faible ou nulle sur le TOC. Certaines données récentes montrent même que l'inhibition de la recapture de la sérotonine est nécessaire pour traiter la dépression éventuellement associée au TOC. Chez les patients qui souffrent d'une telle comorbidité, les ISRS améliorent les deux syndromes, tandis que la désipramine non seulement n'améliore pas le TOC lui-même, mais en plus se révèle moins efficace que les ISRS sur la dépression associée. Cela montre que, si de manière générale, la dépression implique la sérotonine, la noradrénaline ou les deux, la dépression associée au TOC est particulièrement sérotoninergique. Bien que l'utilisation des ISRS montre qu'il existe des similitudes entre le traitement du TOC et celui de la dépression, il n'en reste pas moins qu'il existe de grandes différences entre les deux. Les doses utilisées dans le TOC sont en effet très supérieures à celles qui sont prescrites dans la dépression. Par ailleurs, l'apparition d'un effet thérapeutique, lors de l'instauration d'un traitement par ISRS, est souvent beaucoup plus tardive dans le TOC (6 à 12 semaines, voire davantage) que dans la dépression (4 à 8 semaines) (Tableau 9—V). On constate également des différences en ce qui concerne les réponses au traitement. Alors que de nombreux patients déprimés guérissent sous ISRS, la réponse moyenne des patients atteints de TOC avoisine seulement 35 p. 100 de réduction des symptômes après 12 semaines de traitement (voir Tableau 9—V). Le taux de rechute est plus élevé et la rechute plus précoce après l'arrêt du traitement dans le TOC par rapport à la dépression. Une autre importance de taille entre TOC et dépression réside dans le mécanisme d'action des ISRS, avec pour le premier une réponse thérapeutique qui semble moins dépendante de la disponibilité immédiate de 5HT que pour la seconde. Ainsi, lorsque l'on soumet des déprimés à un régime sans tryptophane, ce qui produit une diminution brutale de la synthèse de 5HT, les patients qui avaient alors répondu aux ISRS voient leur état se dégrader
FIGURE 9-2. Plusieurs types de traitements peuvent être associés dans le trouble obsessionnel-compulsif (TOC). Ce sont les duos TOC. Le traitement de base est un inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (ISRS) ou la clomipramine. On peut ajouter à cette base un agoniste partiel sérotoninergique 1A, un antagoniste sérotoninergique 2A,-du lithium, une benzodiazépine ou un sédatif-hypnotique, un neuroleptique classique, un neuroleptique atypique ou une psychothérapie comportementale.
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Psychopharmacologie Tableau 9—V. Profil des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) dans le traitement du trouble obsessionnel-compulsif (TOC) La dose d'attaque est la même que celle utilisée dans la dépression. La dose d'entretien est parfois supérieure à la dose d'entretien dans la dépression car les effets thérapeutiques des ISRS ne sont pas aussi forts dans le TOC. La réponse clinique habituelle est moins marquée dans le TOC que dans la dépression, avec habituellement moins de 50 p. 100 de réduction des symptômes, bien que la réponse puisse s'étaler entre disparition des symptômes et absence de la moindre réduction des symptômes. Le délai d'apparition d'une amélioration du TOC est plus long que dans la dépression ; 12 à 26 semaines sont nécessaires pour évaluer s'il y a ou non une réponse. Les symptômes cibles ne s'aggravent pas au début du traitement par un ISRS. Certains patients répondent mieux à un ISRS plutôt qu'à un autre.
jusqu'à ce que la synthèse de 5HT soit restaurée. Au contraire, la déplétion en tryptophane des patients souffrant de TOC et ayant préalablement répondu à un ISRS n'entraîne aucune aggravation de leurs symptômes. Les ISRS semblent donc agir par le biais d'un mécanisme différent dans le TOC par rapport à la dépression. En réalité, ils agissent certainement par l'intermédiaire de voies sérotoninergiques différentes (voir Fig. 5-52 et 5-53). En résumé, les ISRS améliorent indubitablement les symptômes de la dépression comme ils améliorent ceux du TOC. Toutefois, dans le deuxième cas, on s'aperçoit par rapport à la dépression que la réponse passe spécifiquement par la sérotonine et non pas par l'inhibition de la recapture de la noradrénaline, que dans le TOC elle apparaît plus tardivement, qu'elle est moins importante, qu'elle dépend moins de la disponibilité en sérotonine au niveau de la synapse, et qu'enfin le risque de rechute à l'arrêt du traitement est plus important. Traitements d'appoint. Bien que les ISRS constituent le fondement du traitement du TOC, de nombreux patients sont résistants à ces médicaments, ou alors leur réponse est partielle et donc insatisfaisante. Ce constat a conduit à l'élaboration de stratégies destinées à potentialiser leurs effets (voir Fig. 9-2). Elles peuvent être pharmacologiques ou non. Dans le premier cas, elle mettent en jeu soit le fonctionnement sérotoninergique, soit celui d'autres systèmes de neurotransmission. STRATÉGIES DE, POTENTIALISATION SÉROTONINERGIQUE Du fait que les ISRS ne marchent pas bien chez tous les patients atteints de TOC, voire ne marchent pas du tout chez certains d'entre eux, les psychopharmacologues ont tenté d'augmenter leurs effets au moyen de différentes substances susceptibles de potentialiser l'action de la sérotonine. Nous en avons déjà parlé dans la partie du Chapitre 7 consacrée au traitement de la dépression. Plusieurs sont présentées dans les Fig. 7-31 à 7-33 et 7-37. À noter que les stratégies sérotoninergiques 1A, 2A et le lithium peuvent aussi se révéler efficaces dans le TOC (voir Fig. 9-2). STRATÉGIES D'ASSOCIATION DES NEUROTRANSMETTEURS Au lieu d'augmenter l'effet des ISRS de façon pharmacologique en les épaulant au niveau du neurone sérotoninergique, il est possible également de surajouter un autre mécanisme de neurotransmission à l'action des ISRS, toujours au niveau du neurone sérotoninergique mais cette fois-ci indirectement.
Traitements médicamenteux des troubles obsessionnel-compulsif, panique et phobique
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Deux stratégies au moins ont montré une efficacité chez certains patients qui ne répondaient qu'imparfaitement aux ISRS. Une des possibilités est d'associer une benzodiazépine, et plus particulièrement le clonazépam (voir Fig. 9-2). Cette molécule augmente les effets des ISRS en permettant, d'une part que les fortes doses des sérotoninergiques soient mieux tolérées, d'autre part que l'anxiété non spécifique associée au TOC soit réduite, et enfin pour une autre part encore à travers un effet sérotoninergique propre. D'autres benzodiazépines peuvent être prescrites en vue de traiter l'anxiété généralisée concomitante. Des sédatifs-hypnotiques, non benzodiazépiniques comme le zaléplon, le zolpidem (ou la zopiclone, NdT), ou benzodiazépiniques, peuvent être coprescrits de manière à combattre l'insomnie associée, surtout au début du traitement par les ISRS (voir Fig. 9-2). Comme nous l'avons déjà mentionné, l'association avec un neuroleptique classique (qui bloque les récepteurs DA) peut être utile dans certains cas, surtout dans ceux où il existe une comorbidité avec un syndrome de Gilles de la Tourette. D'autres patients obsessionnelscompulsifs, et parmi eux tous ceux qui ont des symptômes schizophréniformes, des obsessions surinvesties ou un délire non critiqué, seront susceptibles de répondre à une telle association. Et comme nous l'avons également vu précédemment, il est possible pour certains patients de potentialiser le traitement avec un neuroleptique atypique, en sachant que d'autres au contraire pourront être aggravés (voir Fig. 9-2). THÉRAPIE COMPORTEMENTALE C'est la thérapie la plus habituellement associée aux ISRS (voir Fig. 9-2). Utilisée seule dans certains cas soigneusement sélectionnés, elle peut être aussi efficace que les ISRS, et ses effets peuvent durer plus longtemps que ceux de ces derniers après arrêt du traitement. On ne dispose que de peu d'études formelles associant ISRS et thérapie comportementale, mais la pratique clinique est riche d'observations qui permettent de penser que cette association est bien plus efficace que chacune des thérapeutiques utilisées seules. Bien que les effets de la thérapie comportementale semblent durer très au-delà de la fin de la prise en charge, les ISRS doivent, apparemment, continuer à être pris indéfiniment. PSYCHOCHIRURGIE Dans les cas extrêmement sévères, résistant à tous ces traitements seuls puis en association, il est encore possible de soulager les patients à l'aide d'un traitement neurochirurgical consistant à sectionner la boucle neuronale reliant le cortex aux ganglions de la base. Peu de centres possèdent cette expertise, et l'évolution à long terme reste à définir. Néanmoins, les résultats actuels chez certains patients très résistants et dont le TOC est très sévère sont particulièrement encourageants, mais c'est une option réservée à de très rares cas de TOC résistant. Nouvelles perspectives. Étant donné qu'il existe au moins cinq inhibiteurs de la recapture de la sérotonine disponibles sur le marché, et qu'en_ gros, ils sont aussi efficaces les uns que les autres, il est peu vraisemblable que la thérapeutique-du TOC fera un bond en avant tangible simplement en fabriquant un nouvel ISRS. Mais malheureusement, pour le moment, on ne voit pas bien sur quel autre mécanisme pharmacologique agir à la place du blocage de la sérotonine. Théoriquement, il est possible que de nouvelles substances associant les effets de plusieurs médicaments soient plus puissantes qu'un produit qui n'est qu'ISRS. Toutefois, cette idée reste hypothétique car les mécanismes d'action des associations décrites plus haut n'ont encore rien prouvé. Il reste néanmoins possible que de nouvelles substances agissant seulement sur la sérotonine ou sur un autre neurotransmetteur, faisant l'objet
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Psychopharmacologie Tableau 9—VI. Symptômes d'une attaque de panique Palpitations, battements de cœur, accélération du rythme cardiaque Sudation Tremblement Sensation de souffle court ou d'étouffement Sensation d'étranglement Douleur ou inconfort thoracique Nausée ou gêne abdominale Sensation de vertige, d'instabilité, d'étourdissement ou de malaise Déréalisation (sentiment d'irréalité) ou dépersonnalisation (impression d'être détaché de soi-même) Peur de perdre le contrôle ou de devenir fou Peur de mourir Paresthésies Sensation de froid ou bouffées de chaleur
d'une étude de leurs propriétés antidépressives ou neuroleptiques, comme les antagonistes de la substance P ou des neurokinines, démontrent des propriétés anti-TOC. Si l'histoire devait se renouveler, on peut penser que les nouveaux traitements du TOC seront probablement issus de la famille des antidépresseurs.
Attaques de panique et trouble panique Description clinique Une attaque de panique est un épisode de terreur impromptue accompagnée de toutes sortes de signes physiques. On compte parmi les symptômes peur et anxiété, aussi bien que des pensées de catastrophe avec impression de destin funeste imminent, ou la croyance que l'on va perdre son contrôle, mourir ou devenir fou dans l'instant. Les symptômes physiques peuvent être neurologiques, gastro-intestinaux, cardiaques ou pulmonaires, et peuvent imiter ceux de toutes sortes de maladies. Les attaques de panique sont parfois appelées les « grands imposteurs de la médecine ». Le comportement associé aux attaques inclut la fuite de la situation, et à la longue un évitement des situations anxiogènes ou de toute condition ayant été mentalement associée préalablement à une attaque de panique. Habituellement, une attaque de panique dure 5 à 30 minutes, les symptômes atteignant leur acmé au bout de 10 minutes environ, mais certaines crises peuvent durer plusieurs heu res. Un sujet doit avoir au moins 4 des 13 symptômes figurant dans le Tableau 9—VI au cours d'un épisode pour que l'on puisse le classer dans le trouble panique...Une attaque peut survenir au cours du sommeil (attaque de panique nocturne) et éveiller le patient, mais les symptômes ne diffèrent en rien des attaques diurnes. Une majorité de patients a des épisodes nocturnes, mais peu ont des attaques uniquement ou essentiellement au cours du sommeil. Attaques de panique et trouble panique sont fréquemment confondus. De nombreux patients souffrant d'une maladie psychiatrique peuvent faire des attaques de panique associées (Tableau 9—VII). Toutefois, pour entrer dans la catégorie du trouble panique, les patients doivent avoir des attaques survenant de façon tout à fait inattendue (voir Tableau 9—VII). Certaines attaques peuvent être déclenchées par des situations spécifiques à chaque patient, et sont par
Traitements médicamenteux des troubles obsessionnel-compulsif, panique et phobique
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Tableau 9—VII. Les attaques de panique ne sont pas toutes un trouble panique
11111 Diagnostic Trouble panique Agoraphobie Phobie sociale Phobies spécifiques Stress post-traumatique TAG
Attaques Attaques Symptômes de panique de panique d'éveil Anxiété spontanées situationnelles d'anticipation végétatif +++ + — ± ± ±
± ± ++ +++ + +
+++ +++ ++ ++ ± ±
+++ ++ ++ ++ +++ +
Évitement phobique + +++ +++ +++ + ±
-h à +++ présents ; — non habituellement présents ; ± présents fréquemment, mais non requis pour le diagnostic.
conséquent prévisibles (voir Tableau 9—VII). Conduire ou être passager d'un véhicule, surtout sur un pont ou sous une pluie torrentielle, faire des courses dans un magasin bondé ou encore P- faire la queue sont Ies situations déclenchantes les plus fréquentes. L'impression de perte de h I ` contrôle ou d'être « pris au piège » est souvent au centre de ces épisodes. Comme nous l'avons déjà souligné, toutes les attaques de panique n'entrent pas dans le cadre d'un trouble panique (voir Tableau 9—VII), la distinction se faisant par le type d'attaque. Les patients qui souffrent de phobie sociale, d'état de stress post-traumatique ou de t phobies spécifiques ont souvent des attaques de panique prévisibles car venant en réponse à une situation ou un stimulus spécifique. Ces patients, toutefois, n'ont pas d'attaque inattendue. Ces dernières sont uniquement caractéristiques du trouble panique. Le Tableau 9—VIII donne les critères diagnostiques DSM-IV du trouble panique. Ce dernier peut ou non être associé à un type de comportement phobique d'évitement appelé agoraphobie. Les critères diagnostiques en sont donnés dans le Tableau 9—VIII, et nous en verrons plus loin les caractéristiques cliniques dans le paragraphe consacré aux troubles phobiques. Le trouble panique est fait d'attaques de panique imprévisibles et récurrentes, suivies d'une période d'au moins 1 mois d'anxiété persistante ou d'inquiétudes quant à la récidive ou aux conséquences des attaques, ou encore de changement clair du comportement en rapport avec les attaques. La présence d'anxiété persistante ou de modifications du comportement est importante car environ 10 p. 100 de la population normale rapporte avoir eu des attaques de panique à un moment donné, sans toutefois développer secondairement de telles
anomalies. Dans ce cas, il ne s'agit pas de trouble panique. Le trouble panique touche environ 2 p. 100 de la population, mais seulement un tiers des patients reçoit un traitement. Il débute en général tard dans l'adolescence ou au début de l'âge adulte, mais se voit quelquefois dans l'enfance. Un-début après 45 ans est rare. Le trou-
ble panique est environ deux fois plus fréquent chez la femme que chez l'homme. Des études génétiques ont montré un taux de trouble panique de 15 à 20 p. 1.00 dans la famille de patients, dont un taux de concordance de 40 p. 100 chez les jumeaux homozygotes. Bien qu'il ne soit généralement pas reconnu par le corps médical et les professionnels de la santé, le trouble panique a un taux de suicide comparable à celui de patients souffrant de
dépression majeure ; 20 à 40 p. 100 des patients disent avoir fait une tentative de suicide et la moitié a des idées suicidaires. Ce taux élevé de tentatives de suicide ne semble pas être en rapport avec une dépression associée.
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Psychopharmacologie Tableau 9—V111. Critères DSM-IV du diagnostic du trouble panique' A. Attaques de panique récurrentes et inattendues B. Au moins une des attaques s'est accompagnée pendant un mois (ou plus) de l'un (ou plus) des symptômes suivants : 1. Crainte persistante d'avoir d'autres attaques de panique 2. Préoccupations à propos des implications possibles de l'attaque ou bien de ses conséquen ces (perdre le contrôle, avoir une crise cardiaque, « devenir fou ») 3. Changement de comportement important en relation avec les attaques C. Présence ou non d'agoraphobie. Les critères diagnostiques d'agoraphobie concomitante incluent : 1. Anxiété liée au fait de se retrouver dans des endroits ou des situations d'où ii pourrait être difficile (ou gênant) de s'échapper ou dans lesquels on pourrait ne pas trouver de secours en cas d'attaque de panique soit inattendue soit facilitée par des situations spécifiques ou bien en cas de symptômes à type de panique. Les peurs agoraphobiques regroupent typiquement un ensemble de situations caractéristiques incluant le fait de se trouver seul en dehors de son domicile ; d'être dans une foule ou dans une file d'attente, sur un pont ou dans un autobus, un train ou une voiture. 2. Les situations sont soit évitées (par exemple restriction des voyages), soit subies avec une souffrance intense ou bien avec la crainte d'avoir une attaque de panique ou des symptômes à type de panique, soit nécessitent la présence d'un accompagnant. 3. L'anxiété ou l'évitement phobique n'est pas mieux expliqué par un autre trouble mental, tels une phobie sociale (par exemple, évitement limité aux situations sociales par peur d'être embarrassé), une phobie spécifique (par exemple, évitement limité à une situation unique comme les ascenseurs), un trouble obsessionnel-compulsif (par exemple, évitement de la saleté chez quelqu'un ayant une obsession de la contamination), un état de stress post-traumatique (par exemple, évitement des stimulus associés à un facteur de stress sévère) ou un trouble anxiété de séparation (évitement lié au départ du domicile ou à la séparation d'avec les membres de la famille). D. Les attaques de panique ne sont pas dues aux effets physiologiques directs d'une substance ou d'une affection médicale générale. E. Les attaques de panique ne sont pas mieux expliquées par un autre trouble mental tel que ceux qui ont déjà été mentionnés plus haut à propos de l'agoraphobie. 'D'après APA. Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 4' éd., 1994. Traduction par J. D. Guelii et al., Paris, Masson, 1996. Avec l'aimable autorisation des éditions Masson.
Les patients disent aussi avoir le sentiment d'être en mauvaise santé physique ou psychi_ que, souffrir de conséquences sociales et conjugales et faire de grandes dépenses financières. À cause de ce trouble, 70 p. 100 des patients perdent ou quittent leur travail, avec une moyenne d'incapacité de travail de plus de 2 ans et demi, tandis que 50 p. 100 disent être incapables de conduire plus de 5 km au-delà de leur domicile. Ces patients utilisent plus les services d'urgence que n'importe quels autres malades psychiatriques.
Bases biologiques du trouble panique Dysrégulation des neurotransmetteurs NORADRÉNALINE Une des théories de la biologie du trouble panique veut qu'il y ait un excès initial de noradrénaline (Fig. 9-3). En faveur de cette théorie, on trouve des preuves d'une hypersensibilité pour les antagonistes alpha 2 et une hyposensibilité pour les agonistes alpha 2. La yohimbine, par exemple, un antagoniste alpha 2, favorise la libération de noradrénaline en
Traitements médicamenteux des troubles obsessionnel-compulsif, panique et phobique
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Pe'
FIGURE 9-3. Selon une des théories des bases biologiques du trouble panique, il existe un excès de noradrénaline, ce qui provoque des décharges noradrénergiques intermittentes et chaotiques des neurones du locus coeruleus.
« coupant le câble des freins » au niveau des autorécepteurs présynaptiques de la noradrénaline (voir Fig. 7-6). L'administration de yohimbine entraîne une réponse exacerbée des malades atteints de trouble panique, avec en particulier le déclenchement d'attaques. La caféine favorise elle aussi les attaques. C'est un antagoniste de l'adénosine, qui peut avoir une action synergique à celle de la noradrénaline. Lorsqu'on leur donne une dose équivalant à 4 à 6 tasses de café, beaucoup d'entre eux ont une attaque, ce qui n'est pas le cas des sujets normaux. D'autre part, les patients ont une réponse amoindrie à l'action des agonistes adrénergiques postsynaptiques, peut-être à cause d'une hyperactivité du système noradrénergique. Il semblerait donc y avoir une dysrégulation du système noradrénergique, avec modifications de la sensibilité des neurones noradrénergiques dont les récepteurs modifieraient leur fonctionnement physiologique et contribueraient à la physiopathologie des attaques de panique. ACIDE GAMMA-AMINOBUTYRIQUE (GABA) Ce neurotransmetteur et ses modulations allostériques par les benzodiazépines semblent impliqués dans les bases biologiques du trouble panique. En effet, la capacité des benzodiazépines à moduler le GABA serait déréglée. Ce serait dû à des modifications des taux de benzodiazépines endogènes (ou « Valium® du cerveau » ou les « composés Valium®-litre »), ou à un changement de la sensibilité des récepteurs des benzodiazépines eux-mêmes. On sait très peu de choses sur les ligands benzodiazépiniques endogènes de telle sorte que l'accent a surtout été mis sur l'examen de la réponse des récepteurs des benzodiazépines chez les patients paniqueurs. Néanmoins, il n'est pas exclu que le cerveau ne synthétise pas suffisamment d'agonistes totaux endogènes et donc que sa capacité à faire diminuer l'anxiété par lui-même
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Psychopharmacologie soit amoindrie à cause de ce possible déficit en benzodiazépines naturelles-agonistes totaux, Alternativement, il est possible que le cerveau produise en excès un agoniste inverse, anxiogène, provoquant l'excès d'anxiété et d'attaques de panique, à cause donc de cette augmentation indésirable de benzodiazépines-agonistes inverses. Cela est surtout théorique, mais certaines données vont quand même dans le sens de l'existence d'une anomalie du récepteur des benzodiazépines, avec déplacement du « point d'équilibre » vers la configuration agoniste inverse (Fig. 9-4). Conceptuellement, l'état de repos du complexe du récepteur GABA A-benzodiazépine-canal chlore est déplacé vers la gauche du spectre des agonistes dont nous avons déjà parlé (voir Fig. 7-25). La perméabilité du canal chlore est déjà trop diminuée à cause d'une modification de la sensibilité du site du récepteur des benzodiazépines (voir Fig. 9-4). On en a la preuve grâce à l'observation que chez ces patients il faut administrer des ligands benzodiazépiniques exogènes (Xanax® « vrai » ou clonazépam « vrai ») pour réajuster le point d'équilibre du complexe réceptoral dans sa position normale. Le flumazénil, un antagoniste relativement pur qui, chez le sujet normal, est neutre et sans effet, agit tout autrement chez le sujet souffrant de trouble panique. Dans certaines études (mais pas toutes) en effet, il se comporte comme un agoniste inverse, peut-être via un déplacement du point d'équilibre vers la droite, en direction de la configuration agoniste inverse. Tandis que le flumazénil est un antagoniste sans effet comportemental chez le sujet normal, c'est un agoniste inverse qui déclenche des attaques de panique chez les malades. CHOLÉCYSTOKININE (CCK) Il s'agit d'un tétrapeptide qui déclenche plus d'attaques de panique en perfusion chez les patients atteints de trouble panique que chez les volontaires sains, ce qui évoque l'existence d'un plus grande sensibilité des récepteurs cérébraux CCK-B. Malheureusement, les études préliminaires sur les antagonistes CCK-B ne montrent aucune efficacité dans le trouble panique. Néanmoins, des produits doués de mécanismes d'action pharmacologiques nouveaux sont parfois évalués pour leurs éventuels effets antipanique, à travers la recherche de propriétés bloquantes des effets inducteurs d'attaque de panique des CCK. Hypothèses respiratoires Une autre théorie s'intéressant aux bases biologiques du trouble panique est celle d'anomalies de la fonction respiratoire. Les patients ont en effet plus volontiers des attaques de panique que les sujets sains contrôles quand on leur fait respirer du dioxyde de carbone ou qu'on leur administre du lactate après un exercice physique. La théorie d'une hypersensibilité au dioxyde de carbone ou au lactate est ainsi née, avec en corollaire l'hypothèse que les patients ont cette susceptibilité parce qu'ils hyperventilent de façon chronique. Le lactate induirait des attaques de panique parce qu'il est un puissant stimulant respiratoire, tandis qu'il y aurait chez les patients une plus grande sensibilité pour les produits qui stimulent la commande respiratoire.
HYPERSENSIBILITÉ AU DIOXYDE DE CARBONE ET AU LACTATE
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Elle propose que les patients paniqueurs ont un centre de suffocation situé dans le tronc cérébral, qui interprète de façon erronée les signaux et a des ratés, déclenchant l'« alarme de fausse suffocation » (attaque de panique). De nombreux facteurs vont dans le sens de cette théorie, dont la théorie sus-citée de l'hyperventilation chronique et de l'hypersensibilité au dioxyde de carbone. La malédiction d'Ondine (ou syndrome congénital d'hypoventilation centrale) semble être pratique. ment l'opposé du trouble panique, et est caractérisée par une diminution de la sensibilité THÉORIE DE L'ALARME DE FAUSSE SUFFOCATION
Traitements médicamenteux des troubles obsessionnel-compulsif, panique et phobique
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SPECTRE NORMAL DES RÉCEPTEURS
LE SPECTRE DES RÉCEPTEURS DES BENZODIAZÉPINES
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Le « réglage » de la sensibilité des récepteurs est décalé dans le trouble panique
FIGURE 9-4. Selon une autre théorie des bases biologiques du trouble paniqile, il existe une anomalie du réglage de la sensibilité des récepteurs benzodiazépiniques. Celle-ci est décalée vers la gauche de ce spectre, ce qui rend les récepteurs moins sensibles aux agonistes totaux, et fait que les antagonistes deviennent des agonistes inverses. de l'alarme de suffocation qui entraîne des pauses respiratoires, surtout au cours du sommeil. Ce type d'observation est en faveur de l'existence d'un centre spécifique de la suffocation, sensible à l'excès chez les paniqueurs, et insensible dans le syndrome d'Ondine.
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Psychopharmacologie
En accord avec cette théorie, les attaques de panique spontanées (c'est-à-dire inatten-,il dues) — et non l'anxiété chronique ou la peur — seraient produites par ce mécanisme. Données neuroanatomiques. La tomographie à émission de' positons (PET scan) chez des patients souffrant de trouble panique montre des anomalies de l'activité des projections neuronales sur l'hippocampe, susceptibles d'entraîner une asymétrie de l'activité métabolique. Les études chez l'animal montrent que le locus coeruleus joue un rôle central dans la modulation, de la vigilance, de l'attention et de l'anxiété ou de la peur. On a donc considéré que l'hypersensibilité du système Iimbique serait une étiologie possible ou un mécanisme intervenant dans le trouble panique. Peu d'études chez l'homme ont été réalisées, mais on a montré avec le PET scan que les patients sensibles au lactate ont une asymétrie hémisphérique anormale du débit sanguin parahippocampique. Par ailleurs, ceux ayant un foyer épileptique d'un lobe temporal ont fréquemment des symptômes semblables à des attaques de panique. Toutefois, des anomalies électroencéphalographiques n'ont pu être retrouvées que chez un nombre infime de patients paniqueurs. Néanmoins, l'analogie avec des crises épileptiques est utile, car les paniques sont équivalentes à une activité neuronale pseudo-épileptique dans les régions cérébrales responsables des émotions, alors que l'épilepsie vraie impliquerait les régions cérébrales responsables des mouvements et de la conscience (voir Fig. 4-19 et 4-20). Comme l'hippocampe projette à la fois sur le locus coeruleus et sur le raphé, il est possible que leur dysrégulation participerait aux anomalies neurophysiologiques supposées se produire dans les attaques de paniques. L'action thérapeutique des divers antidépresseurs efficaces sur les attaques de panique passerait donc par la modification des afférentes de ces deux systèmes monoaminergiques (voir Fig. 5-26 et 5-54).
Traitements La Fig. 9-5 montre les différents traitements du trouble panique.
Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine. De nombreux médicaments dévelop- ■ pés et utilisés à l'origine dans le traitement de la dépression, les ISRS en particulier, se sont montrés efficaces dans le traitement du trouble panique. Les travaux sur leur efficacité et leur sécurité d'emploi ont fait d'eux les traitements de première intention de ce trouble. Comme de nombreux patients ont une dépression associée, les ISRS traitent donc les deux problèmes simultanément. Chacun des cinq ISRS (fluoxétine, paroxétine, sertraline, fluvoxamine et citalopram) a des avantages et des inconvénients pour un patient donné souffrant de trouble panique. Toutefois, dans les études à grande échelle, ils ont tous une efficacité équivalente et mettent 3 à 8 semaines pOtir fournir quelque amélioration (délai d'action semblable à celui des antidépresseurs). Ces patients ont tendance à être plus sensibles aux ISRS (et aux antidépresseurs en général) que les patients déprimés. On observe facilement nervosité et même aggravation transitoire des paniques au début du traitement. Il faut donc commencer par des doses plus faibles que celles qui sont utilisées chez les déprimés, pour ensuite atteindre une posologie équivalente, voire plus élevée, si la tolérance le permet (Tableau 9—IX). Les cinq ISRS ont été vus en détail dans le Chapitre 6.
Traitements médicamenteux des troubles obsessionnel-compulsif, panique et phobique
IMAO/ R•MA
'SRS
Iranntr,nc7
ATC
nélazoderle
thérapie vordataxino ? cognititio-cornportemerotate
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benzodiazépines mirtazapine?
PHARMACIE DU TROUBLE PANIQUE
FIGURE 9-5. Ensemble des différentes options thérapeutiques dans le traitement du trouble panique.
Tableau 9—IX. Profil des ISRS dans le traitement du trouble panique, de la phobie sociale et de l'état de stress post-traumatique La dose d'attaque est plus faible que celle qui est utilisée dans la dépression, à cause de l'activation des symptômes. Les paniques et les autres symptômes cibles peuvent s'aggraver préalablement. La dose d'entretien est supérieure à la dose d'attaque, et doit parfois être supérieure aux doses antidépressives, surtout en ce qui concerne la paroxétine. Le délai d'action est habituellement de 2 à 8 semaines. La réponse habituelle correspond à plus de 50 p. 100 de réduction des symptômes, surtout en cas d'association avec d'autres traitements comme les benzodiazépines, la trazodone ou la psychothérapie cognitivo comportementale.
Nouveaux antidépresseurs. Bien que les ISRS soient les seuls antidépresseurs formellement agréés dans le traitement du trouble panique, de récentes preuves montrent que d'autres antidépresseurs sont prometteurs égalementIl s'agit de la néfazodone, la venlafaxine LP, la mirtazapine et la réboxétine. Le bupropion semblera-it n'avoir aucun effet antipanique. Du fait que les résultats des études sur les nouveaux antidépresseurs dans cette indication sont très récents, ils sont utilisés pour le moment comme traitement de seconde intention, après l'échec des ISRS ou une mauvaise tolérance. Antidépresseurs tricycliques L'imipramine et la clomipramine sont Ies tricycliques qui ont été les plus étudiés dans le trouble panique ; elles sont efficaces. C'est aussi le cas de la désipramine, la doxépine, l'amitriptyline et la nortriptyline.
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Psychopharmacologie Les antidépresseurs tricycliques ont peu ou pas d'avantage sur les ISRS, bien que certains patients répondent à ces premiers et pas aux derniers. Leurs effets indésirables (dus à leurs effets sur les récepteurs dont nous avons parlé dans le Chapitre 6), et en particulier les effets anticholinergiques, l'hypotension orthostatique et la prise de poids, en font des traitements de deuxième voire de troisième intention dans le trouble panique. Inhibiteurs de la monoamine oxydase (IMAO). Les IMAO irréversibles classiques sont un traitement efficace du trouble panique. Il existe d'ailleurs quelques observations qui semblent montrer qu'ils le sont même plus que l'imipramine. Des essais cliniques avec les inhibiteurs réversibles de la MAO A (reversible inhibitors of MAO A, ou RIMA) (voir Chapitre 6) concluent à leur efficacité dans cette indication. Ils sembleraient moins efficaces que les IMAO classiques, mais ce fait n'est pas formellement établi. Les inconvénients des IMAO classiques en font des produits de deuxième ou de troisième intention. Il s'agit d'hypotension orthostatique, de prise de poids, de troubles sexuels et de l'obligation d'un régime alimentaire (pauvre en tyramine), avec le risque de crises hypertensives induites par l'accumulation de tyramine. Les RIMA sont plus sûrs, avec moins d'effets indésirables (voir Chapitre 6), mais ont peut-être une efficacité moindre. Benzodiazépines. Elles sont devenues un traitement d'appoint des antidépresseurs (ISRS surtout), en particulier pour les traitements à long terme où la dépendance peut poser problème. Leur principal avantage réside dans le soulagement rapide de l'anxiété et des attaques de panique, car, comme nous l'avons déjà vu, les antidépresseurs ont un effet thérapeutique retardé. Parmi leurs inconvénients on compte la sédation, l'altération des fonctions cognitives, l'interaction avec l'alcool, la dépendance et le risque d'un syndrome de sevrage. Une mauvaise information à leur sujet peut conduire les patients à rejeter un traitement approprié, et les médecins à éviter de les prescrire. Les benzodiazépines très puissantes (alprazolatn, clonazépam) sont généralement plus efficaces dans le trouble panique que les benzodiazépines moins puissantes (diazépam, lorazépam, etc.). Bien que peu de recherches aient été consacrées à ces dernières, on admet en général qu'elles provoquent plus de sédation que de soulagement de l'anxiété. Nous renvoyons le lecteur à la discussion sur les benzodiazépines du Chapitre 8 pour plus de détails concernant leurs mécanismes d'action. Un point de vue critique sur la question de la dépendance aux benzodiazépines et de leur utilisation sera donnée dans le Chapitre 13. Actuellement, de nombreux médecins adoptent une stratégie d'« économie des benzodiazépines » en ne les utilisant que si nécessaire et prudemment. En effet, les benzodiazépines sont souvent utiles en début de traitement ou bien si l'on recherche un effet thérapeutique rapide. Elles peuvent également être précieuses pour améliorer la tolérance à court terme des ISRS, ou celle d'autres antidépresseurs, en bloquant la nervosité et l'exacerbation de la panique que l'on observe parfois en début de traitement. Elles peuvent être utiles pour compléter, à la demande, le traitement en cas de décompensation brutale ou inattendue, ou de survenue d'un stress psychosocial. Enfin, si un patient ne répond pas parfaitement à un antidépresseur ou à une association d'antidépresseurs, un traitement concomitant à long terme avec une benzodiazépine peut s'avérer nécessaire pour éliminer tous les symptômes résiduels. Lorsqu'un tel résultat a été obtenu, il est quelquefois possible, au bout de plusieurs mois à un an, de diminuer progressivement les doses de la benzodiazépine et de ne garder que l'antidépresseur, seul, au long cours. Les conséquences d'un traitement inadéquat du trouble panique peuvent peser très lourd en ce qui concerne les aspects social
Il
Traitements médicamenteux des troubles obsessionnel-compulsif; panique et phobique
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et fonctionnel et en termes de suicide. Il est indispensable de bien peser pour chaque patient le rapport bénéfice-risque des benzodiazépines. De toutes les benzodiazépines, c'est l'alprazolam qui a été le plus largement étudié dans le trouble panique ; il est très efficace. À cause de sa durée d'action brève, il faut Padministrer en 3 à 5 doses quotidiennes. Le clonazépam, dont la durée d'action est supérieure à celle de l'alprazolam, a lui aussi fait l'objet de nombreuses études dans le trouble panique. On le donne en général à raison de 2 doses par jour. Il aurait un potentiel d'abus plus faible, et il est plus facile de réduire les doses progressivement compte tenu de sa demi-vie longue. Psychothérapies cognitive et comportementale. Il est d'usage de les associer au traitement médicamenteux du trouble panique, avec ou sans agoraphobie. Les thérapies cognitives s'efforcent d'identifier les distorsions cognitives et de les modifier, alors que la thérapie comportementale cherche spécifiquement à modifier la réponse du patient, souvent à travers l'exposition à des situations ou à des stimulus physiologiques qui accompagnent les attaques. Cette dernière est des plus efficaces dans le traitement de l'évitement phobique associé au trouble panique et dans celui de l'agoraphobie, alors qu'elle ne semble pas aussi efficace sur les attaques de panique elles-mêmes. Ces traitements ont un aussi haut degré d'efficacité que les médicaments antipanique. En outre, pour les patients qui parviennent à aller au bout d'une période de thérapie comportementale adéquate, l'amélioration est plus susceptible de se maintenir après l'arrêt du traitement que celle qui est obtenue avec les médicaments. Associations thérapeutiques. Cette expression fait autant référence à l'association de deux médicaments qu'à celle d'un traitement médicamenteux avec une psychothérapie cognitivocomportementale (Fig. 9-6). La première solution reste une approche sous-utilisée car peu d'études ont essayé d'en montrer le bien-fondé par rapport à un traitement simple. Néanmoins, comme dans le cas du traitement de la dépression (vu en détail dans le Chapitre 7), la pratique clinique habituelle repose sur l'art de choisir la combinaison la plus judicieuse. Tailler sur mesure un programme thérapeutique pour un patient donné est devenu la quintessence de l'art médical, bien qu'une telle pratique ne repose en général guère sur des essais cliniques contrôlés. La Fig. 9-6 résume les différentes options pour l'association de traitements dans le trouble panique. ASSOCIATIONS DE MÉDICAMENTS L'association thérapeutique la plus fréquemment utilisée est probablement celle d'un ISRS avec une benzodiazépine, surtout en début de traitement (voir Fig. 9-6). La benzodiazépine (en particulier l'alprazolam ou le clonazépam) non seulement agirait synergiquement en accélérant la survenue d'un effet thérapeutique, voire en augmentant l'efficacité de l'ISRS, mais aussielle entraverait les effets anxiogènes de ces derniers, ce qui autoriserait une meilleure tolérance tout en permettant au patient d'atteindre les doses d'ISRS thérapeutiques. Des produits sédatifs-hypnotiques, comme le zaléplon, le zolpidem (ou la zopiclone, NdT), sont parfois requis en plus des ISRS, surtout en début de traitement. Certaines des stratégies de potentialisation dans le traitement de la dépression, étudiées en détail dans le Chapitre 7, et mentionnées plus haut dans le traitement du TOC, peuvent elles aussi être reprises dans celui du trouble panique. Ainsi, la trazodone (antagoniste 5HT2A) va augmenter les effets d'un ISRS, comme pourra également le faire la mirtazapine (duo héroïque, voir Fig. 9-6). Pour certaines associations avec les benzodiazépines, on
Duos panique
EV2 Duo benzodazépine
Duo insomnie
Duo antagoniste serotoningr z,A
Duo héroïque
I
74, Duo de seconde tenfion ar venlafaxine
benzodiazépine
ISRS
ISRS
d
ISRS
deP' venlafaxine
zaléplon / zolpidem
trazodone
mirtazapine
410e benzodiazépine
9IF Duo de seconde enfle° r néfazodon
tle nétazodone
benzodiazépine
îie Duo de seconde entioo ar mirtaza inca
Duo de seconde intention ar TCA
mirtazapine
TCA
benzodiazépine
benzodiazépine
Mig Duo de seconde intention ar IMAO
!MAO
d ISRS
benzodiazépine
thérapie cognitivo-comportementale
FIGURE 9-6. On peut associer plusieurs types de traitements dans le trouble panique (c'est le duo trouble panique). Les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) sont la base de nombreuses associations thérapeutiques. D'autres antidépresseurs, comme la venlafaxine, la néfazodone, la mirtazapine, les antidépresseurs tricycliques et les inhibiteurs de la monoamine oxydase peuvent tous avoir un effet antipanique, mais ce sont des traitements de seconde intention, ainsi que le sont les benzodiazépines. Ces dernières sont souvent associées aux ISRS, surtout en début de traitement, et sont également utilisées de façon intermittente pour traiter un épisode ponctuel. La psychothérapie cognitivo-comportementale peut être réalisée en association à ces traitements médicamenteux.
Traitements médicamenteux des troubles obsessionnel-compulsif, panique et phobique
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fera appel aux nouveaux antidépresseurs, ceux dont l'efficacité sur le trouble panique a désormais été établie (il s'agit en particulier de la venlafaxine, la néfazodone et la mirtazapine). Les antidépresseurs tricycliques et les IMAO peuvent même jouer un certain rôle en les associant aux benzodiazépines, surtout lorsque d'autres antidépresseurs ou d'autres associations médicamenteuses ont échoué (voir Fig. 9-6). ASSOCIATION D'UNE THÉRAPIE COGNITIVO-COMPORTEMENTALE ET D'UN MÉDICAMENT ANTIPANIQUE Pratiquement n'importe quel médicament antipanique peut être associé à une thérapie cognitivo-comportementale chez des patients soigneusement sélectionnés. Pour de nombreux cliniciens, certains patients sont d'abord tellement anxieux, déprimés ou handicapés qu'ils sont incapables d'entreprendre ou de tirer bénéfice d'une thérapie cognitivocomportementale tant que leurs symptômes ne sont pas améliorés par un médicament. D'autres thérapeutes considèrent que les benzodiazépines entravent le bon déroulement de la thérapie, car un certain degré d'anxiété serait nécessaire pour qu'elle soit efficace. Mais, jusqu'à preuve du contraire, il n'y a aucune contre-indication à l'association thérapie cognitivo-comportementale et traitement médicamenteux, dont on attend des bénéfices supplémentaires. Néanmoins, l'indication doit en être posée cas par cas. Rechute après arrêt du traitement. Le taux de rechute après arrêt de l'antidépresseur dans le traitement de la dépression majeure a été étudié beaucoup plus largement que ne l'a été le taux de rechute dans le cadre des traitements antipanique. Bien que les patients souffrant de trouble panique puissent fréquemment être en rémission après 6 mois de traitement, d'après les études déjà réalisées, le taux de rechute est particulièrement élevé lorsque l'on arrête le traitement, même chez les patients qui avaient obtenu une rémission totale. Lorsque les patients deviennent asymptomatiques sous traitement médicamenteux pendant 6 à 12 mois, il est raisonnable d'essayer de l'arrêter. Mais cela doit se faire lentement, surtout en ce qui concerne les benzodiazépines qui doivent être diminuées puis arrêtées sur une période d'au moins 2 mois, et si possible de 6 mois. Désormais, on considère plus volontiers le trouble panique comme une maladie chronique qui nécessite donc un traitement d'entretien. Des études sont en cours pour tenter de définir les règles d'une thérapie chronique. On s'oriente beaucoup vers le schéma déjà en vigueur dans le traitement d'entretien de la dépression (voir Chapitre 5). Nouvelles perspectives NOUVEAUX ANTIDÉPRESSEURS Face à l'importance des ISRS dans le traitement du trouble panique, les nouveaux antidépresseurs sunt testés eux aussi dans cette indication (et dans d'autres troubles anxieux). La venlafaxine LP, la néfazodone et la mirtazapine semblent prometteuses. Une étude récente semble démontrer un effet antipanique de la réboxétine. NOUVEAUX SÉROTONINERGIQUES Les produits en cours d'évaluation d'un effet antidépresseur (voir Chapitre 7 « Nouveaux antidépresseurs en cours de développement ») semblent avoir un effet antipanique prometteur. On les étudie en général d'abord dans la dépression, puis secondairement dans des troubles anxieux comme le trouble panique. Il s'agit
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Psychopharmacologie principalement des antagonistes 5HT1A ou 5HT1D, des antagonistes des neurokinines et d'autres antagonistes de neuropeptides. AGONISTES PARTIELS DES RÉCEPTEURS DES BENZODIAZÉPINES Comme nous en avons déjà parlé dans le Chapitre 8, les agonistes partiels des benzodiazépines représenteraient, au moins théoriquement, une avancée sur les benzodiazépines disponibles sur le marché actuel. Ils pourraient avoir la même efficacité que les agonistes totaux, sans en avoir tous les inconvénients, essentiellement en ce qui concerne la sédation, la dépendance et le syndrome de sevrage. LIGANDS NON BENZODIAZÉPINIQUES DU SITE DE LIAISON DES BENZODIAZÉPINES II s'agit d'une variation sur le thème des agonistes partiels des benzodiazépines, car ces produits agissent sur le même site (ou sur un site similaire) que ces dernières, sans en avoir la même structure. Leur pharmacologie est celle d'un agoniste partiel, mais leurs caractéristiques chimiques sont différentes de celles des benzodiazépines. C'est une approche comparable à celle des sédatifs-hypnotiques [zaléplon, zolpidem (et zopiclone, NdT), par exemple]. Il est possible qu'un jour un sédatif agoniste partiel non benzodiazépinique soit un traitement efficace du trouble panique. INHIBITEURS RÉVERSIBLES DE LA MONOAMINE OXYDASE A L'expérience clinique portant sur les RIMA dans les pays où ces produits sont disponibles montre un certain intérêt dans le traitement du trouble panique. D'autres recherches sont nécessaires afin de déterminer leurs avantages sur les médicaments dont l'efficacité est reconnue.
Troubles phobiques : phobies spécifiques, phobie sociale et agoraphobie Description clinique des phobies et des troubles phobiques La phobie est une peur. Plusieurs troubles sont classés dans les phobies. Nous envisageronS brièvement ici l'agoraphobie, les phobies spécifiques et la phobie sociale (ou trouble anxiété sociale). L'agoraphobie signifie littéralement « peur de la place du marché », mais c'est par dessus tout la peur de sortir de chez soi. Le diagnostic d'agoraphobie, toutefois, fait référence plus précisément à une anxiété apparaissant dans toute situation de laquelle il est difficile de s'échapper ou bien d'où il serait difficile d'obtenir de l'aide en cas de survenue d'une attaque de panique. Cette anxiété aboutit à l'évitement de telles situations (évitement phobique) souvent dans la mesure où le patient demeure confiné chez lui. L'agoraphobie est fréquemment associée au trouble panique, mais _ce peut être une pathologie autonome ; on parle alors d'« agoraphobie sans antécédent de trouble panique ». Environ un tiers des patients atteints de trouble panique ont aussi une agoraphobie. Lorsque les deux troubles sont associés, l'évolution est plus sévère et difficile que dans le cas d'un trouble panique seul. Les phobies spécifiques sont habituellement appelées « phobies simples ». C'est une peur excessive et irraisonnée d'objets ou de situations spécifiques, comme être en avion, en altitude, avoir peur des animaux, de voir réaliser une injection ou de voir du sang. Dans les pho. bies spécifiques, l'exposition à la situation ou à l'objet craint induit immédiatement une réponse anxieuse, voire une attaque de panique complète. D'autre part, dans la phobie
Traitements médicamenteux des troubles obsessionnel-compulsif, panique et phobique
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sociale, il existe une peur intense et irrationnelle de situations ou de performances sociales où le sujet est en présence de personnes non familières ou exposé au regard d'autrui, avec anticipation d'une possible humiliation ou gêne. Pour certains investigateurs, la phobie sociale est à l'extrémité d'un spectre s'étendant de la timidité à la personnalité évitante et à la phobie sociale généralisée. La phobie sociale peut être simple ou généralisée. Dans ce dernier type, le patient craint en pratique toutes les situations sociales où il risque d'être évalué et jaugé. La phobie sociale généralisée est plus fréquente que le type simple dans lequel la peur porte sur des situations sociales très spécifiques, habituellement parler ou donner une représentation en public. Elle est aussi plus sévère et plus invalidante. Les estimations de l'incidence de la phobie sociale vont de 1,3 à 10 p. 100 de la population. Les femmes sont deux fois plus touchées que les hommes. Les parents au premier degré de patients souffrants ont une prévalence de phobie sociale supérieure à celle de la population générale. Le début est souvent précoce, entre l'âge de 11 et 15 ans, et ce trouble a une évolution chronique, sans rémission, entraînant une incapacité importante tout au long de la vie. Les enfants aussi jeunes que 21 mois, ayant un comportement inhibé (avec anxiété intense et peur lors de nouvelles situations sociales), ont une forte prévalence de phénomènes anxieux infantiles parvenus à l'âge de 8 ans, avec des symptômes de type phobie sociale autant que de type agoraphobie. Deux tiers des patients atteints de phobie sociale sont célibataires, divorcés ou veufs. Plus de la moitié d'entre eux ont arrêté leurs études avant le lycée. En fait, un cinquième d'entre eux sont incapables de travailler et doivent fournir des efforts pour accéder à un certain état de bien-être. La peur la plus fréquente dans la phobie sociale est celle de parler en public devant un petit groupe de personnes, de parler à des inconnus, de rencontrer des personnes étrangères, de manger en public ou encore d'être dévisagé. Ce ne sont pas les mêmes peurs que dans le trouble panique. Les patients en général souhaitent éviter de conduire, de faire du shopping, d'être au milieu d'une foule ou de prendre l'ascenseur. Plus de la moitié des patients souffrant de phobie sociale ont à un moment ou l'autre de leur vie une phobie spécifique. Lorsque des patients atteints de phobie sociale ou de phobies spécifiques ont des attaques de panique, la distinction avec le trouble panique sera établie sur le fait que ces attaques ont lieu en réponse à des situations spécifiques ou encore ne surviennent pas de manière inattendue. Par ailleurs, la peur dans la phobie sociale est celle d'être humilié, d'avoir honte ou d'être gêné plutôt que celle d'avoir une attaque de panique. Les symptômes somatiques chez les patients ayant un trouble panique avec agoraphobie sont différents de ceux qui ont un trouble panique avec phobie sociale, le rougissement étant plus fréquent dans le dernier cas. Des difficultés à respirer, des vertiges et des syncopes ont lieu plus souvent chez les agoraphobiques. Les critères diagnostiques du DSM-IV sont donnés dans le Tableau 9—X.
s biologiques de la phobie sociale La neurobiologie de la phobie sociale est obscure. Un état d'hyperactivité noradrénergique est évoqué en présence des tremblements, de la tachycardie ou du rougissement (voir Fig. 9-3 ). À partir de ces observations, les premiers traitements qui ont été testés et se sont montrés quelque peu efficaces sont les bêta-bloquants. Les études sur les neurotransmetteurs et de neura-imagerie n'apportent rien pour le moment, mais d'autres sont en cours de réalisation.
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Psychopharmacologie Tableau 9—X. Critères DSM-IV du diagnostic de la phobie sociale" A. Une peur persistante et intense d'une ou plusieurs situations sociales ou bien de situations de performance durant lesquelles le sujet est en contact avec des gens non familiers ou bien peut être exposé à l'éventuelle observation attentive d'autrui. Le sujet craint d'agir (ou de montrer des symptômes anxieux) de façon embarrassante ou humiliante. NB : chez les enfants, on doit retrouver des éléments montrant la capacité d'avoir des relations sociales avec des gens familiers en rapport avec l'âge et l'anxiété doit survenir en présence d'autres enfants et pas uniquement dans les relations avec les adultes. B. L'exposition à la situation sociale redoutée provoque de façon quasi systématique une anxiété qui peut prendre la forme d'une attaque de panique liée à la situation ou bien facilitée par la situation. NB : chez les enfants, l'anxiété peut s'exprimer par des pleurs, des accès de colère, des réactions de figement ou de retrait dans les situations sociales impliquant des gens non familiers. C. Le sujet reconnaît le caractère excessif ou irraisonné de la peur. N13 : chez l'enfant, ce caractère peut être absent. D. Les situations sociales ou de performance sont évitées ou vécues avec une anxiété et une détresse intenses. E. L'évitement, l'anticipation anxieuse ou la souffrance dans la (les) situation(s) redoutée(s) sociale(s) ou de performance perturbent, de façon importante, les habitudes de l'individu, ses activités professionnelles (scolaires), ou bien ses activités sociales ou ses relations avec autrui, ou bien le fait d'avoir cette phobie s'accompagne d'un sentiment de souffrance important. F. Chez les individus de moins de 18 ans, la durée est d'au moins 6 mois. G. La peur ou le comportement d'évitement n'est pas lié aux effets physiologiques directs d'une substance ni à une affection médicale générale et n'est pas mieux expliqué par un autre trouble mental (par exemple, trouble panique avec ou sans agoraphobie, trouble anxiété de séparation, peur d'une dysmorphie corporelle, trouble envahissant du développement ou personnalité schizoïde). H. Si une affection médicale générale ou un autre trouble mental est présent, la peur décrite en A est indépendante de ces troubles ; par exemple, le sujet ne redoute pas de bégayer, de trembler dans le cas d'une maladie de Parkinson ou de révéler un comportement alimentaire anormal dans l'anorexie mentale ou la boulimie.
e
*D'après APA. Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, éd., 1994. Traduction pari-. D. Guelfi et al., Paris, Masson, 1996. Avec l'aimable autorisation des éditions Masson.
Traitements médicamenteux de la phobie sociale Le premier et malheureusement le plus répandu des traitements de la phobie sociale est l'automédication par l'alcool. La désinhibition comportementale que l'alcool procure permet à de nombreux phobiques sociaux d'établir des contacts qui autrement auraient été impossibles. On est, à l'heure actuelle, en train de découvrir des traitements légitimes de la phobie sociale (Fig. 9-7). En fait, un ISRS, la paroxétine, a déjà été agréé dans le traitement de la phobie sociale, et plusieurs autres ISRS et antidépresseurs accumulent les preuves de leur efficacité dans cette indication. Les études sur les cinq ISRS (paroxétine, fluvoxamine, fluoxétine, sertraline et citalopram) se sont montrées spécifiquement efficaces dans la phobie sociale, et en sont, à l'heure actuelle, le traitement de première intention. De plus, plusieurs des nouveaux antidépresseurs, parmi lesquels la venlafaxine et la néfazodone, semblent efficaces sur ce trouble. Alors qu'il existe des preuves de l'efficacité des IMAO irréversibles et réversibles, cela est beaucoup moins net pour les antidépresseurs tricycliques. Aujourd'hui, les IMAO sont les traitements de deuxième et troisième intention, destinés aux patients résistants aux ISRS et aux autres antidépresseurs.
Traitements médicamenteux des troubles obsessionnel-compulsif, panique et phobique
bêta-bloquants
venlafaxine ?
néfamdone ?
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rnirtazaoine ? benzodiazépines
PHARMACIE DE LA PHOBIE SOCIALE
FIGURE 9-7. Ensemble des différentes options thérapeutiques dans le traitement de la phobie sociale. Les associations de traitements sont similaires à celles pour le trouble panique ; on dispose d'un recul encore faible sur leur efficacité clinique et la façon dont ils agissent dans cette indication.
Les benzodiazépines, et surtout le clonazépam, sont efficaces dans la phobie sociale, bien qu'il existe assez peu d'essais et qu'ils portent sur un nombre restreint de patients. Les bêtabloquants agissent sur les phobies légères, comme la peur de parler en public, mais sont finalement assez peu prescrits dans le traitement de la phobie sociale généralisée. La buspirone et la clonidine en monothérapie ont fait aussi l'objet d'études, mais il n'y a pas de consensus sur Ieur utilité dans la phobie sociale. Les stratégies de potentialisation dans les cas de phobie sociale résistant aux différentes monothérapies mentionnées ici en sont à leur début et sont calquées sur celles entreprises dans Ies dépressions résistantes.
traitements psychothérapiques
Les psychothérapies de la phobie sociale en sont aussi à leurs premiers balbutiements. Les techniques de relaxation, quelquefois préconisées dans la prise en charge de l'anxiété généralisée, ne sont pas aisément applicables au traitement de la phobie sociale. D'autre part, les thérapies d'exposition peuvent se montrer efficaces si les stimulus anxiogènes sont ordonnés selon des thèmes communs, et si Ies patients se soumettent de façon progressive à ces stimulus tout au long de la journée. Les distorsions cognitives majeures sont entretenues par les patients lors des situations sociales. Par exemple, ils surestiment le regard d'autrui sur eux, attribuent aux autres des pensées critiques, sous-estiment leurs propres habiletés sociales et craignent la réponse de l'entourage à leur anxiété. Pour ces patients, la restructuration cognitive peut être utile. Ils ont pour tâche d'affronter et de réorganiser leurs pensées irréalistes, émotionnelles et catastrophistes. Les techniques cognitives et comportementales de groupe semblent être les meilleures interventions psychosociales pour les patients souffrant de phobie sociale, surtout si elles sont associées à un traitement médicamenteux.
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Psychopharmacologie
Nouvelles perspectives Comme la phobie sociale n'a été individualisée et n'a fait l'objet de recherches que récemment, ce que l'on sait sur les nouveaux traitements mentionnés plus haut est en train d'évoluer. Cela s'applique tout particulièrement aux cinq ISRS et à certains des nouveaux antidépresseurs comme la venlafaxine LP. Des directives sont en train d'émerger sur les indications des benzodiazépines, des IMAO, des RIMA, des bêta-bloquants et de différentes associations médicamenteuses de deuxième ou troisième intention. Pratiquement toutes les substances qui ont été étudiées dans la dépression et le trouble panique font actuellement l'objet de recherches dans la phobie sociale. C'est peut-être la piste d'un traitement efficace. État de stress post-traumatique Description clinique L'état de stress post-traumatique (posttraumatic stress disorder, PTSD) est une autre forme de trouble anxieux. Il est caractérisé par des crises anxieuses ou des attaques de panique, mais est pourtant distinct du trouble panique ou de la phobie sociale dans le sens où d'une part l'anxiété initiale ou les attaques de panique apparaissent en réponse à une menace réelle (un enlèvement, par exemple), et d'autre part les attaques consécutives sont habituellement en lien avec la remémoration, les pensées ou les flash-back du traumatisme d'origine. L'incidence sur la vie entière du PTSD est d'environ 1 p. 100. Les patients ont un sommeil agité et se plaignent fréquemment d'insomnie. La comorbidité avec d'autres troubles psychiatriques, en particulier la dépression, l'usage de drogue et l'abus d'alcool, est la règle plutôt que l'exception. Les critères diagnostiques du DSM-IV sont donnés dans le Tableau 9—XI.
Bases biologiques La biologie du PTSD n'en est qu'à ses débuts. Certains résultats suggèrent l'existence d'une hyperactivité du système nerveux noradrénergique, avec des réactions de sursaut exagérées et une hyperactivité du système nerveux autonome. En raison de problèmes mnésiques associés, certains investigateurs s'intéressent plus particulièrement au rôle possible de l'hippocampe. Les premiers résultats sont en faveur d'une diminution de son volume, peut-être due à une réponse anormale au stress, semblable à celle qu'il y aurait dans la dépression (voir Fig. 5-63 et 5-64, et la discussion sur le brain-derived neurotrophic factor, BDNF).
Traitements Les traitements médicamenteux du PTSD (Fig. 9-8) se sont essentiellement attachés, jusqu'à il y a peu, à s'attaquer aux pathologies associées, surtout la dépression. À cause de la grande fréquence d'usage et d'abus d'alcool associés, les benzodiazépines doivent être évitées la plupart du temps. Comme c'est le cas pour tous les autres sous-types de trouble anxieux, les ISRS seraient le traitement de choix du PTSD (voir Fig. 9-8). De nombreux essais portent en ce moment sur ces produits, ainsi que sur les nouveaux antidépresseurs, dont la néfazodone. En dépit d'une certaine efficacité, les antidépresseurs tricycliques et les IMAO sont relégués en deuxième ou troisième ligne. Certains rapports anecdotiques sur les bêta-bloquants et les thymorégula.
I
Traitements médicamenteux des troubles obsessionnel-compulsif, panique et phobique
363
Tableau 9—Xl. Critères DSM-IV du diagnostic de l'état de stress post-traumatique' A. Le sujet a été exposé à un événement traumatique dans lequel les deux éléments suivants étaient présents 1. Le sujet a vécu, a été témoin ou a été confronté à un événement ou à des événements durant lesquels des individus ont pu mourir ou être très gravement blessés ou bien ont été menacés de mort ou de grave blessure ou bien durant lesquels son intégrité physique ou celle d'autrui a pu être menacée. 2. La réaction du sujet à l'événement s'est traduite par une peur intense, un sentiment d'impuissance ou d'horreur. NB : chez les enfants, un comportement désorganisé ou agité peut se substituer à ces manifestations. B. L'événement traumatique est constamment revécu, de l'une (ou de plusieurs) des façons suivantes : 1. Souvenirs répétitifs et envahissants de l'événement provoquant un sentiment de détresse et comprenant des images, des pensées ou des perceptions. NB : chez les jeunes enfants peut survenir un jeu répétitif exprimant des thèmes ou des aspects du traumatisme. 2. Rêves répétitifs de l'événement provoquant un sentiment de détresse. NB : chez les enfants, il peut y avoir des rêves effrayants sans contenu reconnaissable. 3. Impression ou agissements soudains « comme si » l'événement traumatique allait se reproduire [incluant le sentiment de revivre l'événement, des illusions, des hallucinations et des épisodes dissociatifs (flash-back), y compris ceux qui surviennent au réveil ou au cours d'une intoxication]. NB : chez les jeunes enfants, des reconstitutions spécifiques du traumatisme peuvent survenir. 4. Sentiment intense de détresse psychique lors de l'exposition à des indices internes ou externes évoquant ou ressemblant à un aspect de l'événement traumatique en cause. C. Évitement persistant des stimulus associés au traumatisme et émoussement de la réactivité générale (ne préexistant pas au traumatisme), comme en témoigne la présence d'au moins trois des manifestations suivantes : 1. Efforts pour éviter les pensées, les sentiments ou les conversations associés au traumatisme. 2. Efforts pour éviter les activités, les endroits ou les gens qui éveillent des souvenirs du traumatisme. 3. Incapacité de se rappeler d'un aspect important du traumatisme. 4. Réduction nette de l'intérêt pour des activités importantes ou bien réduction de la participation à ces mêmes activités. 5. Sentiment de détachement d'autrui ou bien de devenir étranger par rapport aux autres. 6. Restriction des affects (comme une incapacité à éprouver des sentiments tendres). 7. Sentiment d'avenir « bouché » (par exemple pense ne pas pouvoir faire carrière, se marier, avoir des enfants ou avoir un cours normal de la vie). D. Présence de symptômes persistants traduisant une activation neurovégétative (ne préexistant pas au traumatisme) comme en témoigne la présence d'au moins deux des manifestations suivantes : 1. Difficultés d'endormissement ou sommeil interrompu. 2. Irritabilité ou accès de colère. 3. Difficultés de concentration. 4. Hypervigilance. 5. Réaction de sursaut exagérée. E. La perturbation (symptômes des critères B, C et D) dure plus d'un mois. F. La perturbation entraîne une souffrance cliniquement significative ou une altération du fonctionnement social, professionnel ou dans d'autres domaines importants. `D'après APA. Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, 4` éd., 1994. Traduction par J. D. Guelfi et al., Paris, Masson, 1996. Avec l'aimable autorisation des éditions Masson.
teurs ont montré quelques résultats intéressants. Pour le futur, puisque les recherches progressent à grands pas, plusieurs antidépresseurs devraient devenir le traitement de première intention du PTSD.
364
Psychopharmacologie
IMAC; HIMA
ISRS
de
ATC
venlafaxine 9 néfazadone ? thérapie cognitive-comportementale
PHARMACIE DE L'ÉTAT DE STRESS POST-TRAUMATIQUE
benzodiazépines mirlazapine
1><
FIGURE 9-8. Ensemble des différentes options thérapeutiques dans le traitement de l'état de si post-traumatique. On dispose d'un recul encore faible sur l'efficacité clinique de ces traiteme pourtant fréquemment utilisés. Les associations dans cette indication sont similaires à celles qui sont lisées dans la dépression et le trouble panique.
Résumé Dans ce chapitre, nous avons effectué la description clinique de nombreux sous-types de troubles anxieux, parmi lesquels le trouble obsessionnel-compulsif, le trouble panique, la phobie sociale et l'état de stress post-traumatique. Nous en avons aussi exploré les bases biologiques. Le trouble obsessionnel-compulsif semble lié à des anomalies de la neurotransmission sérotoninergique et dopaminergique. Le fondement neuroanatomique du TOC serait un dysfonctionnement des ganglions de la base. Le traitement de référence repose à la fois sur les ISRS et sur un antidépresseur tricyclique, la clomipramine. Le trouble panique est caractérisé par des attaques de panique impromptues, pouvant être en lien avec des anomalies de la neurotransmission noradrénergique et GABAergique, ainsi que de la sensibilité des récepteurs des benzodiazépines, voire avec une anomalie de la régulation de la respiration. Parmi les traitements médicamenteux, on compte les ISRS, plusieurs des nouveaux antidépresseurs, certaines benzodiazépines, de nombreux antidépresseurs tricycliques et les inhibiteurs de la MAO. La phobie sociale se caractérise par des attaques de panique attendues, c'est-à-dire redoutées dans les situations où le patient est soumis au regard d'autrui en rais 'n de la peur qu'il a d'être soumis à une telle expérience. Les bases biologiques de ce trouble restent obscures. Son traitement s'appuie sur les ISRS et peut-être sur d'autres antidépresseurs, les benzodiazépines et parfois les bêta-bloquants. L'état de stress post-traumatique est une réaction à des événements traumatisants. Il est associé à une hyperactivité du système nerveux autonome et semble répondre aux ISRS.
CHAPITRE
10
PSYCHOSES ET SCHIZOPHRÉNIE
I. Description clinique des psychoses A.Psychose paranoïde B.Psychose désorganisée et agitée C. Psychose dépressive Il. Les cinq dimensions symptomatiques de la schizophrénie A. Symptômes positifs B. Symptômes négatifs C.Symptômes cognitifs D. Symptômes agressifs et hostiles E. Symptômes dépressifs et anxieux III. Les quatre voies dopaminergiques majeures et les bases biologiques de la schizophrénie A. La voie mésolimbique et l'hypothèse dopaminergique des symptômes positifs de la psychose B.La voie mésocorticale C. La voie nigrostriée D. La voie tubéro-infundibulaire IV. Hypothèse neurodéveloppementale de la schizophrénie V. Hypothèse neurodégénérative de la schizophrénie A.Excitotoxicité B.Neurotransmission glutamatergique VI. Approches expérimentales thérapeutiques VII. Hypothèses neurodéveloppementale et neurodégénérative combinées VIII. Résumé La psychose est difficile à définir car ce mot est souvent utilisé à mauvais escient, non seulement dans les journaux, les films et à la télévision, mais malheureusement parfois par les professionnels de la santé mentale. Le concept de psychose est entaché de peur, suscitant chez le citoyen moyen le mythe solidement établi de la « maladie mentale », avec les « tueurs 365
366
Psychopharmacologie Tableau 10—I. Troubles dans lesquels la psychose est une caractéristique centrale Schizophrénie Trouble psychotique induit par une substance (drogue on alcool) Trouble schizophréniforme Trouble schizoaffectif Trouble délirant Trouble psychotique bref Trouble psychotique partagé (folie à deux) Trouble psychotique dû à une affection médicale générale
psychotiques », la « fureur psychotique » et l'emploi péjoratif du terme « fou » à la place de « psychotique ». Nous avons déjà évoqué certaines idées fausses sur la maladie mentale dans le Chapitre 5 consacré à la dépression (Tableau 5—I), mais il n'y a aucun autre champ de la psychiatrie qui en véhicule davantage que celui des psychoses. Il sera fourni au lecteur des éléments de connaissance sur le diagnostic et le traitement des maladies psychotiques afin de dissiper des croyances non fondées et de démystifier ce groupe si ravageur de maladies. Ce chapitre ne fournira pas une liste de critères diagnostiques de tous les troubles mentaux dans lesquels la psychose est soit un élément de définition, soit une caractéristique associée. Une nouvelle fois, nous renvoyons le lecteur aux ouvrages de référence (DSM-IV et CIM-10) pour qu'il puisse obtenir ces informations. En dépit du fait que la schizophrénie sera mise en avant ici, nous considérerons la psychose comme un syndrome associé à toutes sortes de maladies, cibles des neuroleptiques. Description clinique des psychoses
11 La psychose est un syndrome fait d'un ensemble de symptômes pouvant être associés à de nombreux troubles psychiatriques. Ce phénomène ne constitue pas en soi un trouble spécifique selon les schémas diagnostiques du DSM-IV et de la CIM-10. Au minimum, psychose signifie délire et hallucinations. Elle englobe généralement aussi des symptômes comme la désorganisation du discours et du comportement, et la distorsion grossière de la réalité. Par conséquent, on peut voir la psychose comme un ensemble de symptômes dans lequel sont altérées les capacités mentales, les réponses affectives et la capacité à reconnaître la réalité, communiquer et établir des relations avec son entourage. Les troubles psychotiques comportent bien évidemment des symptômes psychotiques comme caractéristiques diagnostiques, mais il existe d'autres troubles dans lesquels de tels symptômes peuvent être présents, sans pour autant que l'on puisse poser le diagnostic de psychose. Les troubles qui nécessitent la présence d'une psychose (Tableau -104) en tant que caractéristique de définition du diagnostic comprennent la schizophrénie, les troubles psychotiques induits par une substance (alcool ou drogue), le trouble schizophréniforme, le trouble schizoaffectif, le trouble délirant, le trouble psychotique bref, le trouble psychotique partagé et les troubles psychotiques dus à une affection médicale générale. Les troubles qui peuvent Il comporter ou non des symptômes psychotiques (Tableau 10—II) en tant que caractéristique . associée comprennent la manie, la dépression et plusieurs troubles cognitifs, comme la maladie d'Alzheimer. La psychose peut elle-même être paranoïde, désorganisée et agitée, ou dépressive. Les distorsions de perception et les anomalies motrices peuvent être présentes dans n'importe quel
Psychoses et schizophrénie
367
Tableau 10—II. Troubles dans lesquels la psychose est une caractéristique associée Manie Dépression Troubles cognitifs Maladie d'Alzheimer
type de psychose. Les distorsions de perception comprennent les hallucinations vocales ; les voix qui accusent, reprochent ou menacent de punition ; les visions ; les hallucinations tactiles, gustatives ou olfactives ; ou l'impression que les choses familières et les personnes connues ont changé. Les anomalies motrices sont représentées par une attitude rigide ou maniérée ; des signes évidents de tension ; des sourires forcés ou des rires inopportuns ; des mouvements stéréotypés ; le fait de se parler ou de marmonner pour soi-même ; ou des regards autour de soi comme si l'on entendait des voix.
Psychose paranoïde Dans la psychose paranoïde, le patient a des projections paranoïdes, devient hostile, a des idées expansives et grandioses. Les projections paranoïdes sont des préoccupations du patient faites de convictions délirantes, comme croire qu'on parle de lui, qu'il est persécuté et que l'on conspire contre lui, ou encore que les gens ou des forces externes contrôlent ses actes. L'hostilité est composée de l'expression verbale de sentiments hostiles, d'une attitude dédaigneuse, agressive ou maussade, d'irritabilité et de ronchonnements, de la tendance à adresser des reproches ou à garder rancune à autrui, de plaintes au sujet de fautes d'autrui et de suspicion. L'attitude de « grandeur » est l'affichage d'une attitude supérieure, la perception de voix qui prient et portent aux nues le patient, la croyance en des pouvoirs inhabituels, la certitude d'être quelqu'un de célèbre ou encore d'avoir une mission confiée par Dieu.
Psychose désorganisée et agitée Dans ce type de psychose, il y a une désorganisation conceptuelle, une désorientation et une agitation. Il y a désorganisation conceptuelle lorsque le patient donne des réponses non pertinentes ou incohérentes, change de sujet, utilise des néologismes ou répète certains mots ou certaines phrases. La désorientation est l'incapacité de se repérer dans l'espace (savoir où l'on se trouve) et le temps (savoir son âge, l'année, la saison). L'agitation est caractérisée par l'expression des sentiments sans retenue, un discours précipité, une humeur excitée ou une attitude de supériorité, la dramatisation de ses-propres symptômes ou de ceux d'un autre, le fait de parler fort et de façon turbulente, une hyperactivité ou l'impossibilité de se reposer, une logorrhée.
Psychose dépressive Elle est caractérisée par le ralentissement, l'apathie, des reproches que le patient s'adresse à lui-même ou un châtiment qu'il s'inflige. Le ralentissement et l'apathie sont faits d'un discours ralenti, d'indifférence face à l'avenir, d'une expression du visage figée, de mouvements
368
Psychopharmacologie lents, d'un déficit de la mémoire récente, d'arrêt du discours, d'indifférence pour soi-même ou pour les problèmes d'autrui, d'une présentation négligée, d'un discours murmuré ou à voix basse et de l'incapacité à répondre à des questions. Les autoreproches et les châtiments envers soi-même sont une tendance à se blâmer ou se condamner, à être anxieux pour des problèmes particuliers, à appréhender des événements futurs imprécis, à avoir une attitude d'autodépréciation, à avoir une humeur dépressive, des sentiments de culpabilité ou des remords, à ruminer des idées de suicide ou des pensées indésirables ou encore des craintes spéciales, et enfin à se sentir sans valeur ou coupable. Ces listes de symptômes psychotiques ne constituent pas les critères diagnostiques d'un quelconque trouble psychotique. Il s'agit simplement de la description de différents symptômes donnée ici pour fournir au lecteur une vue d'ensemble sur la nature des troubles rencontrés dans les divers types de psychose.
Les cinq dimensions symptomatiques de la schizophrénie Bien que la schizophrénie soit la maladie psychotique la plus répandue et la mieux connue, elle ne doit pas être entendue comme synonyme de psychose mais simplement comme une cause de psychose. La schizophrénie atteint 1 p. 100 de la population, et il y a aux États-Unis plus de 300 000 épisodes de schizophrénie aiguë chaque année. Vingt-cinq à cinquante pour cent des schizophrènes tentent de se suicider, et 10 p. 100 finissent par réussir, ce qui contribue à un taux de mortalité huit fois supérieur à celui de la population générale. Encore aux États-Unis, plus de 20 p. 100 des journées de soins remboursées par la Sécurité sociale sont le fait de patients schizophrènes. Le coût direct et indirect de la schizophrénie atteindrait jusqu'à 10 milliards de dollars par an. mi D'après sa définition, la schizophrénie est un trouble qui doit durer au moins 6 mois, dont un mois de délire, d'hallucinations, de désorganisation du discours, de comportement désorganisé ou catatonique, ou de symptômes négatifs. Le délire est habituellement une fausse interprétation des perceptions ou des expériences. Le délire le plus fréquent dans la schizophrénie est la persécution, mais ce peut être aussi toutes sortes d'autres thèmes, dont les idées de référence (c'est-à-dire des pensées erronées que quelque chose se réfère à soimême), des thèmes somatiques, religieux ou de grandeur. Les hallucinations peuvent survenir selon tous les modes sensoriels, c'est-à-dire auditif, olfactif, gustatif et tactile, mais les hallucinations auditives sont de loin les plus fréquentes et les plus caractéristiques de la schizophrénie. Bien que cela ne soit pas formellement reconnu comme faisant partie des critères diagnostiques de la schizophrénie, de nombreuses études établissent des sous-catégories à partir des symptômes de cette maladie (aussi bien que les symptômes d'autres maladies). Cinq catégories ont été retenues : symptômes positifs, symptômes négatifs, symptômes cognitifs, symptômes agressifs et hostiles et symptômes anxiodépressifs (Fig. 10-1). Plusieurs maladies autres que la schizophrénie partagent ces mêmes dimensions (Fig. 10-2 à 10-6).
Symptômes positifs
Les symptômes positifs semblent refléter l'excès de fonctions normales (Tableau 10—III) et comportent typiquement délire et hallucinations. Il y a parfois une distorsion ou des excès en ce qui concerne le langage et les échanges verbaux (désorganisation du discours), et le contrôle du comportement (désorganisation du comportement, agitation ou catatonie). Il est possible d'observer des symptômes positifs dans d'autres pathologies psychiatriques que la schizophrénie. Nous citerons : le trouble bipolaire, le trouble schizoaffectif, la dépreed s-
Psychoses et schizophrénie
symptômes pos£
11111" 11/11 symptômes anx/dép agressifs
369
symptom négatifs
symptômes/ cognitifs
FIGURE 10-1. Les cinq dimensions de la schizophrénie comprennent non seulement les symptômes positifs et négatifs, mais aussi les symptômes cognitifs, agressifs et hostiles, et anxiodépressifs (anx/dép).
mg
sion psychotique, la maladie d'Alzheimer et d'autres démences organiques, la psychose infantile et les psychoses induites par des toxiques (voir Fig. 10-2).
Symptômes négatifs Les symptômes négatifs (Tableau 10-IV) sont au nombre d'au moins cinq : (1) l'émoussement affectif ou appauvrissement de la gamme et de l'intensité de l'expression des émotions ; (2) l'alogie ou diminution de l'aisance de l'élocution, des pensées et du discours ; (3) l'aboulie, ou réduction de la mise en œuvre d'actes dirigés vers un but ; (4) l'anhédonie, ou incapacité de ressentir du plaisir ; et (5) le déficit de l'attention. Les symptômes négatifs sont considérés comme la réduction de fonctions normales, à type d'émoussement des affects, retrait, pauvreté relationnelle, passivité, apathie. Une atteinte de la pensée abstraite, une pensée stéréotypée et l'absence de spontanéité sont associées à une hospitalisation de longue durée et à un mauvais fonctionnement social. Les symptômes négatifs dans la schizophrénie peuvent être soit primaires, soit secondaires (voir Fig. 10-3). On considère les symptômes négatifs primaires comme faisant partie du noyau dur du déficit primaire de la schizophrénie. D'autres symptômes appartenant à ce noyau dur et pouvant se manifester sous forme négative peuvent être associés aux symptômes positifs, ou considérés comme secondaires à ces derniers. D'autres symptômes négatifs sont secondaires aux symptômes extrapyramidaux (SEP), particulièrement ceux qui sont
370
Psychopharmacologie
Po
schizoaffectif bipolaire ) \ dépression
r, -,psychotique_\ v
Alzheimer ( 111.1
FIGURE 10-2. Les symptômes positifs peuvent être présents non seulement dans la schizophrénie, mais aussi dans le trouble bipolaire, le trouble schizoaffectif, la psychose infantile, la dépression psychotique, la maladie d'Alzheimer et bien d'autres affections encore. induits par les neuroleptiques. Enfin, ils peuvent être secondaires à la dépression ou à une privation des contacts avec l'environnement.
Symptômes cognitifi Il peut y avoir un chevauchement entre d'une part les symptômes cognitifs de la schizophré• nie ou des autres maladies ayant des symptômes psychotiques associés, et d'autre part les symptômes négatifs. Parmi les symptômes cognitifs spécifiques, on compte le trouble du cours de la pensée, l'utilisation d'un langage bizarre avec incohérence, le relâchement des associations et l'utilisation de néologismes. Les troubles de l'attention et du traitement de l'information représentent deux autres symptômes cognitifs spécifiques de la schizophrénie. Mais en réalité, les altérations cognitives les plus fréquentes et les plus sévères dans la schizophrénie sont l'atteinte de la fluidité verbale (capacité à parler spontanément), les difficultés rencontrées dans l'apprentissage de séries d'éléments (liste d'items. ou séquence d'événements) et l'altération de la vigilance dans le fonctionnement exécutif (difficultés à soutenir et centrer son attention, à se concentrer, à établir des priorités et à moduler son comportement en fonction des indices donnés par l'environnement social). La schizophrénie n'est pas la seule maladie dans laquelle on trouve de tels troubles cognitifs. L'autisme, la démence post-infarctus, la maladie d'Alzheimer et bien d'autres démences (maladie de Parkinson, démence à corps de Lewy, démence frontotemporale, maladie de Pick, etc.) sont également des pathologies où existent des atteintes cognitives comparables à celles de la schizophrénie (voir Fig. 10-4).
Psychoses et schizophrénie
371
symptômes négatifs
e à l'environnement
FIGURE 10-3. Les symptômes négatifs de la schizophrénie peuvent être soit un déficit primaire (déficit 1"), soit un déficit secondaire à une dépression (2' à la dépression), à des symptômes extrapyramidaux (r au x SEP), à une carence environnementale (2" à l'environnement), voire secondaire aux symptômes positifs de la schizophrénie (2" aux symptômes positifs).
N autisme
schizophrénies
FIGURE 10-4. Les symptômes cognitifs ne sont pas présents uniquement dans la schizophrénie. On peut en rencontrer dans d'autres troubles comme l'autisme, la maladie d'Alzheimer ou après un accident vasculaire cérébral (post-AVC).
y
symptômes agressifs
N
bipolaire
psychose infantile
schizophrénie
die Alzheimer et démences
41..à
personnalité limite .111;•-■ -
FIGURE 10-5. Les symptômes agressifs et l'hostilité peuvent être présents non seulement dans la schizophrénie, mais aussi dans le trouble bipolaire, le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité (TDAH)1 le trouble des conduites (tr. tond.), la psychose infantile, la maladie d'Alzheimer et autres démences, la personnalité limite, entre autres affections.
dépression majeure
„dep, enfant
organique
résistance au traitement
dépression psychotique
th, FIGURE 10-6. Les symptômes dépressifs et anxieux ne sont pas l'apanage de la dépression majeure e peuvent être présents dans le trouble bipolaire, la schizophrénie et le trouble schizoaffectif ; dans la dépres.
sion d'origine organique comme l'abus de substance ; dans la dépression de l'enfant (dép. enfant) ; dans les formes psychotiques de dépression ; et dans les troubles psychotiques et dépressifs résistants aux traitements médicamenteux, entre autres troubles.
Psychoses et schizophrénie
373
Tableau 10—III. Symptômes positifs de la psychose Délire Hallucinations Distorsion et exagération du langage et de la communication Désorganisation du discours Comportement désorganisé Comportement catatonique Agitation
Tableau 10—IV. Symptômes négatifs de la psychose Émoussement des affects Retrait affectif Pauvreté des relations interpersonnelles Passivité Retrait social Déficit de la pensée abstraite Absence de spontanéité Pensée stéréotypée Alogie : diminution de la fluidité et de la production des pensées et du discours Aboulie : réduction de l'initiation des comportements orientés vers un but Anhédonie : absence de plaisir Détérioration de l'attention I
Symptômes agresse et hostiles Il peut y avoir un chevauchement entre les symptômes agressifs et hostiles et les symptômes positifs, mais il faut comprendre que dans l'agressivité, le problème central est celui du contrôle des impulsions. On peut observer une hostilité manifeste, telle qu'une attitude ouvertement hostile, des injures, voire une agression caractérisée. Ces symptômes peuvent inclure un comportement auto-agressif de type suicide, incendie volontaire ou autres dégâts infligés à ses biens propres. D'autres types de comportement impulsif, comme les agressions sexuelles, font partie des symptômes agressifs et hostiles. Bien que les symptômes agressifs soient habituels dans la schizophrénie, ils sont loin d'être spécifiques de cette affection. On peut les rencontrer aussi dans le trouble bipolaire, la psychose infantile, la personnalité borderline, la toxicomanie, la maladie d'Alzheimer et autres démences, le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité, les troubles des conduites de l'enfant et bien d'autres encore (voir Fig. 10-5).
Symptômes dépresse et anxieux Dépression et anxiété sont fréquemment associées à la schizophrénie, sans nécessairement remplir tous les critères diagnostiques d'une anxiété ou d'un trouble affectif associé. Il n'en demeure pas moins qu'humeur dépressive ou anxieuse, culpabilité, tension, irritabilité et inquiétudes accompagnent très souvent la schizophrénie. Ces symptômes sont aussi les caractéristiques centrales de pathologies comme le trouble dépressif majeur, la dépression psychotique, le trouble bipolaire, le trouble schizoaffectif, les démences organiques, les
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Psychopharmacologie psychoses infantiles et bien d'autres encore, dont les cas de résistance au traitement (que soit dans les dépressions, le trouble bipolaire et la schizophrénie) (voir Fig. 10-6).
Les quatre voies dopaminergiques majeures et les bases biologiques de la schizophrénie Les bases biologiques de la schizophrénie demeurent inconnues. Toutefois, d'après un certain nombre d'hypothèses, un neurotransmetteur, la dopamine, joue un rôle essentiel dans les cinq dimensions symptomatiques évoquées précédemment. Les quatre voies dopaminergiques majeures sont représentées dans la Fig. 10-7. Il s'agit des voies mésolimbique, mésocorticale, nigrostriée et tubéro-infundibulaire.
La voie mésolimbique et l'hypothèse dopaminergique des symptômes positifs de la psychose La voie dopaminergique mésolimbique établit des projections des corps cellulaires des neurones dopaminergiques du tegmentum ventral dans le tronc cérébral vers les terminaisons axonales des aires limbiques, comme le noyau accumbens (Fig. 10-8). On pense que cette voie joue un rôle important dans la production des hallucinations auditives, du délire et des troubles du cours de la pensée (Fig. 10-9). Depuis plus de 25 ans, on a observé que les maladies ou les substances qui augmentent les taux de DA favorisent ou produisent des symptômes psychotiques positifs, tandis que celles qui diminuent les taux de DA réduisent ou suppriment ces symptômes. Par exemple, des substances stimulantes comme l'amphétamine ou la cocaïne libèrent la DA et, à l'issue de prises répétées, peuvent induire une psychose paranoïde non différentiable d'une schizophrénie. Les substances stimulantes sont présentées dans les Chapitres 12 (psychostirnu_ lants) et 13 (drogues). Tous les neuroleptiques reconnus comme efficaces sur les symptômes positifs sont des bloqueurs des récepteurs dopaminergiques, et plus particulièrement des récepteurs D2. Les neuroleptiques seront vus dans le Chapitre 11. Ces observations ont conduit à la genèse d'une théorie appelée parfois hypothèse dopaminergique de la schizophrénie. L'expression hypothèse dopaminergique mésolimbique des symptômes psychotiques positifs serait plus moderne, car on pense actuellement que ce serait une hyperactivité spécifique de cette voie dopaminergique qui serait à l'origine des symptômes positifs (voir Fig. 10-9). Cette hyperactivité explique théoriquement l'ensemble des symptômes psychotiques positifs, qu'ils appartiennent à la schizophrénie ou aux psychoses induites par des toxiques, ou qu'ils fassent partie de la manie, de la dépression ou des démences. L'hyperactivité de la voie mésolimbique jouerait un rôle dans les symptômes agressifs et hostiles de la schizophrénie et des maladies apparentées, surtout chez les -patients qui ont un déficit de la maîtrise de l'impulsivité, et chez lesquels le contrôle de la dopamine sur les voies sérotoninergiques est perturbé.
La voie mésocorticale La voie dopaminergique mésocorticale est en lien avec la voie mésolimbique (Fig. 10-10). Les corps cellulaires sont situés dans le tronc cérébral, et plus précisément dans le tegmentum ventral, non loin des corps cellulaires des neurones dopaminergiques de la voie mésolimbique,
Psychoses et schizophrénie
375
Voies dopaminergiques
Ganglions ide la bas Noyau accumbens Substance noire
Tegment treeffleoe
FIGURE 10-7. Les quatre voies dopaminergiques cérébrales. La neuroanatomie des voies neuronales dopaminergiques cérébrales explique à la fois les effets thérapeutiques et les effets indésirables des substances antipsychotiques. (a) La voie nigrostriée s'étend de la substance noire aux ganglions de la base. Elle a ppartient au système nerveux extrapyramidal et contrôle la motricité. (b) La voie mésolimbique envoie ses projections de l'aire tegmentale ventrale vers le noyau accumbens qui appartient au système limbique. Cette dernière est impliquée dans de nombreux comportements, comme la perception du plaisir, la formidable euphorie induite par les drogues, tout autant que le délire et les hallucinations de la psychose. (c) La voie mésocorticale est liée à la voie mésolimbique. Ses projections sont issues de l'aire tegmentale ventrale, mais sont dirigées vers le cortex limbique où elles jouent un rôle dans la production des symptômes négatifs et cognitifs de la schizophrénie. (d) La quatrième voie intéresse le contrôle de la sécrétion de prolactine ; c'est la voie tubéro-infundibulaire. Elle envoie des projections de l'hypothalamus sur l'hypophyse antérieure.
La voie mésocorticale, toutefois, se projette sur le cortex cérébral, et en particulier sur le cortex limbique. Au cours de la schizophrénie, cette voie interviendrait dans la production des symptômes négatifs et/ou cognitifs, bien que cette hypothèse reste controversée. D'après certains chercheurs, les symptômes négatifs de la schizophrénie et peut-être certains symptômes cognitifs seraient liés à un déficit en dopamine au niveau des aires de projection mésocorticales, comme le cortex prefrontal dorsolatéral (voir Fig. 10-10 et Fig. 10-11). L'état de déficit comportemental, évoqué d'après les symptômes négatifs, implique certainement une hypoactivité, voire un épuisement, des systèmes neuronaux. Ce phénomène pourrait être en lien avec l'hyperactivité excitotoxique des systèmes glutamatergiques, phénomène vu précédemment dans le Chapitre 4 et représenté par la Fig. 4-9 (voir plus loin également la discussion à propos des hypothèses neurodégénératives de la schizophrénie). Un processus dégénératif de la voie mésocorticale serait à l'oeuvre dans l'aggravation progressive des symptômes et l'état déficitaire croissant de certains patients schizophrènes. Si on admet qu'un déficit dopaminergique existe au niveau des neurones mésocorticaux et rend compte de la genèse des symptômes négatifs et cognitifs de la schizophrénie, on peut
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Psychopharmacologie
FIGURE 10-8. Voici la voie mésolimbique, dont on pense qu'elle est en hyperactivité dans la schizoplin. ni, et en cause dans la production des symptômes positifs.
Hyperactivité mésolimbique = symptômes psychotiques positifs
FIGURE 10-9. Hypothèse dopaminergique de la psychose. L'hyperactivité des neurones dopaminergiqu, de la voie mésolimbique est théoriquement à l'origine des symptômes positifs de la psychose, comme le délire et les hallucinations. Cette voie est également impliquée dans le plaisir, la récompense et le renforce ment comportemental, et donc de nombreuses drogues interagissent à ce niveau. supposer que celui-ci peut être soit primaire, soit secondaire à l'inhibition due à un excès de sérotonine au niveau de cette voie (voir Fig. 10-11). La carence en dopamine pourrait également être secondaire au blocage des récepteurs D2 par les neuroleptiques. Nous reverrons ) cela en détail dans le Chapitre 11. Sur le plan théorique, l'augmentation de dopamine de la
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377
voie mésocorticale
FIGURE 10-10. La voie mésocorticale est impliquée dans la production des symptômes positifs et cognitifs de la psychose.
voie mésocorticale devrait améliorer les symptômes négatifs, voire les symptômes cognitifs. Cependant, un excès de dopamine existerait déjà dans la voie mésolimbique. Toute augmentation de dopamine au niveau de cette voie devrait alors aggraver les symptômes positifs. Se pose donc un dilemme thérapeutique : comment parvenir à augmenter la dopamine dans la voie mésocorticale tout en diminuant simultanément les taux au niveau mésolimbique ? Jusqu'à un certain point, les neuroleptiques atypiques apportent une solution à ce dilemme (voir Chapitre 11).
• • voie nigrostriée La voie dopaminergique nigrostriée représente une autre voie majeure. Elle envoie des projections depuis les corps cellulaires situés dans la substance noire du tronc cérébral vers les ganglions de la base et le striatum (Fig. 10-12). Elle fait partie du système nerveux extrapyramidal et contrôle la motricité. Un déficit dopaminergique à son niveau provoque des troubles moteurs, comme la maladie dê-Parkinson, caractérisés par une rigidité, une akinésie ou une bradykinésie (c'est-à-dire une absence de mouvement ou un ralentissement moteur), ainsi qu'un tremblement. Un déficit en dopamine dans les ganglions de la base induit une akathisie (impossibilité de rester immobile) et une dystonie (mouvements de torsion, en particulier de la face et du cou). Ces troubles moteurs peuvent être reproduits avec des substances qui bloquent les récepteurs D2 au niveau de cette voie ; nous en reparlerons dans le Chapitre 11. L'hyperactivité dopaminergique au niveau de la voie nigrostriée provoquerait des mouvements hyperkinétiques, comme la chorée, les dyskinésies et les tics. Le blocage chronique des récepteurs D2 au niveau de cette voie serait responsable des mouvements
378
Psychopharmacologie déficit dopaminergique primaire
déficit dopaminergique secondaire
Augmentation des symptômes négatifs
1-menteur , ton ro ine 51-1 2A sé
Voie mésocorticale FIGURE 10-11. Plusieurs causes différentes de déficit en dopamine peuvent provoquer des symptômes négatifs et cognitifs. Dans la schizophrénie, il y aurait soit un déficit primaire en dopamine (DA), soit un déficit secondaire au blocage des récepteurs dopaminergiques D2 par un antipsychotique. Si l'hyperactivité porte sur la sérotonine, elle peut créer aussi un déficit relatif en DA lié à l'inhibition de la libération de DA. Qu'il soit primaire ou secondaire, le déficit en DA au niveau de cette voie provoque un émoussement cognitif, un retrait social, une indifférence, une apathie et une anhédonie. hyperkinétiques appelés dyskinésies tardives induites par les neuroleptiques, comme n le verrons dans le Chapitre 11.
La voie tubéro-infundibulaire Les neurones dopaminergiques situés dans l'hypothalamus envoient des projections vers l'hypophyse antérieure pour former la voie dopaminergique tubéro-infundibulaire (Fig. 10-13). À l'état normal, ils sont actifs et inhibent la libération de prolactine. Au cours du post-partum, toutefois, leur activité diminue, ce qui permet au taux de prolactine d'augmenter et de provoquer la lactation. En cas d'interruption du fonctionnement des neurones tubéro. infundibulaires à cause d'une lésion ou d'un médicament, le taux de prolactine augmente
à
voie nigrostriée
FIGURE 10-12. La voie nigrostriée appartient au système nerveux extrapyramidal et joue un rôle essentiel dans la régulation de la motricité. Le déficit en dopamine (DA) induit un syndrome parkinsonien avec tremblement, rigidité et akinésie/bradykinésie. L'excès en DA provoque des mouvements hyperkinétiques comme les tics ou les dyskinésies.
FIGURE 10-13. La voie tubéro-infundibulaire s'étendant de l'hypothalamus à l'hypophyse antérieure régule la sécrétion de la prolactine dans la circulation sanguine. La dopamine inhibe la sécrétion de prolactine. 379
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Psychopharmacologie également, ce qui a pour conséquence une galactorrhée (sécrétion de lait), une aménorrhée et des troubles sexuels, entre autres problèmes. Ces symptômes peuvent apparaître au cours d'un traitement neuroleptique par blocage des récepteurs D2 (voir Chapitre 11).
Hypothèse neurodéveloppernentale de la schizophrénie La schizophrénie pourrait trouver son origine dans un développement anormal du cerveau du foetus lors des premiers stades de la sélection neuronale (voir Fig. 4-6) et de la migration neuronale (voir Fig. 4-7). Bien que les symptômes de la schizophrénie soient habituellement inapparents jusqu'à la fin de l'adolescence et au début de l'âge adulte, il semblerait que «les dés en soient jetés » beaucoup plus tôt. Plus précisément, un processus dégénératif anormal se déclencherait, sous l'influence d'un programme génétique néfaste lors du développement foetal. Les symptômes, toutefois, n'apparaîtraient pas jusqu'à ce que le cerveau se mette à « reprogrammer » ses synapses, processus de restructuration normal, mais qui en l'occurrence mettrait à jour les anomalies de sélection et de migration neuronale jusqu'alors masquées. L'idée est donc celle d'un processus dégénératif qui poserait une bombe à retardement au cours de la vie foetale. Il est possible aussi que ce même processus continue d'agir lors de la phase symptomatique de la schizophrénie, de la même manière que ce que nous verrons plus loin à propos de l'hypothèse neurodégénérative, ou de la combinaison des deux types d'hypothèses. La schizophrénie est plus fréquente chez les sujets qui ont des antécédents de complications obstétricales allant de l'infection virale au cours de la vie foetale au retard de croissance foetale, en passant par certaines maladies auto-immunes et autres pathologies chez la mère. Cette série de constatations épidémiologiques contribue à nourrir l'hypothèse neurodéveloppementale. Il y aurait dès lors une atteinte du cerveau du foetus lors de son développement précoce, et c'est cette atteinte qui serait à l'origine de la schizophrénie. Le tronc commun de tous ces facteurs de risque serait la diminution des taux de nerve growth factors (voir Fig. 1-22 et 5-64), ainsi que le déclenchement de certains processus délétères tueurs de neurones, comme les cytokines, les infections virales, l'hypoxie, les traumatismes, le retard de croissance foetale ou le stress. Ces processus seraient ensuite relayés soit par l'apoptose, soit par la nécrose (voir Fig. 1-18). Le résultat (schématisé par la Fig. 10-14) serait une anomalie structurale manifeste, ou alors des problèmes plus subtils. C'est ainsi qu'on peut imaginer une sélection de neurones néfastes normalement destinés à survivre uniquement dans le cerveau foetal (voir Fig. 4-6), ou alors une migration au mauvais endroit (voir Fig. 4-7), ou une innervation de la mauvaise cible (voir Fig. 4-8 et 4-9), Tee tout pourrait éventuellement résulter d'une gigantesque pagaille au niveau des signaux nutritifs de telle manière que toutes les afférentes des neurones se retrouvent embrouillées (voir Fig. 1-19,1-20 et 1-21). Des anomalies concernant les protéines impliquées dans la composition de la matrice structurale des synapses (les synapsines, par exemple) peuvent exister dans h schizophrénie, conduisant à une réduction du nombre de vésicules synaptiques, à la formation de synapses aberrantes et au retard ou à la diminution de la formation des synapses. Si la schizophrénie est effectivement liée à un développement cérébral précoce anormal (Fig. 10-15 et 10-16), tout espoir d'inverser le phénomène à l'âge adulte devient illusoire. Pourtant, à certaines occasions, il est concevable de compenser ces anomalies neurodéveloppementales supposées par d'autres mécanismes, ou d'interrompre un mécanisme en cours chez un patient déjà symptomatique. Par conséquent, il sera décisif dans l'avenir d'apprendr e à repérer quelles anomalies neurodéveloppementales peuvent être présentes dans la sclUzo., phrénie afin d'établir des stratégies destinées à réduire leur impact. Il pourrait même être pos. sible de les identifier chez des sujets présymptomatiques, voire d'exploiter la plasticité d, neurones adultes pour compenser les dysfonctionnements d'origine neurodéveloppemental. Même si certains auteurs forgent actuellement d'audacieuses extrapolations théoriques, no,
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dysfonctionnement
mort Atteinte toxique ou génétique
Mauvaise migration neuronale
r
Sélection synaptique inadéquate
Ramification insuffisante
FIGURE 10-14. Au nombre des anomalies neurodéveloppementales de la schizophrénie, on compte les atteintes toxiques ou génétiques qui tuent les neurones ou les rendent non fonctionnels ; une mauvaise migration neuronale au cours du développement cérébral foetal ; la sélection inadéquate ou incorrecte des cibles synaptiques durant la synaptogenèse, en particulier avant l'âge de 6 ans ; et/ou l'établissement de synapses aberrantes venant d'autres neurones. encore fondées, mais issues des vues thérapeutiques les plus optimistes, il faut bien reconnaître que les approches moléculaires et neurodéveloppementales actuelles n'ont pas encore abouti à des traitements réellement performants. Les études de jumeaux (revoir le Chapitre 4) ont apporté des preuves solides de l'existence des bases génétiques de la schizophrénie. Les chercheurs essayent depuis longtemps d'identifier des gènes anormaux dans cette maladie (Fig. 10-17) et de voir quelles en sont les conséquences sur la régulation moléculaire du fonctionnement neuronal des schizophrènes
FIGURE 10-15. Les théories neurodéveloppementales de la schizophrénie suggèrent que quelque chose ne va pas dans le programme génétique de la synaptogenèse normale et de la migration des neurones cérébraux au cours du développement de l'encéphale pendant la vie prénatale et le début de l'enfance. Ce dessin illustre le développement d'un neurone doté d'un programme génétique normal et la formation de ses connexions synaptiques. 382
FIGURE 10-16. Selon les théories neurodéveloppementales de la schizophrénie, une anomalie de l'ADN d'un patient schizophrène a entraîné durant sa vie prénatale et son enfance précoce le développement de connexions synaptiques aberrantes. La schizophrénie serait donc le résultat d'un développement cérébral anormal au tout début de la vie, soit parce que de mauvais neurones ont été choisis pour survivre jusqu'à l'âge adulte, soit parce que les neurones qui ont survécu n'ont pu migrer dans les régions cérébrales adéquates, ou n'ont pu établir les connexions appropriées. Parvenus à l'adolescence ou au début de l'âge adulte, ces neurones ne parviennent plus à fonctionner correctement.
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Psychopharmacologie
gène anormal de vulnérabilité pour la schizophrénie
FIGURE 10-17. Parmi tous ceux dont on pense qu'ils sont anormaux dans la schizophrénie, voici comment un gène représente un facteur de risque de la maladie. Ici, il est en sommeil dans la cellule. Il n'y a donc pas de produits de gène anormaux, ni de symptôme schizophrénique. Ce gène ne contribue pas au risque de maladie.
produit du gène anormal
/
FIGURE 10-18, Ici, le gène anormal de susceptibilité pour la schizophrénie est exprimé. Il y a formation de produits géniques anormaux qui représentent un facteur de risque pour la maladie car ils interrompent le fonctionnement du neurone. Ce type d'interruption s'ajoute à d'autres risques venant d'autres gènes et de facteurs environnementaux. Ces risques se produisent au moment opportun et selon la séquence appropriée pour qu'apparaissent une schizophrénie et son cortège de symptômes psychotiques. (Fig. 10-18). On sait déjà de façon certaine que ce qui est à l'origine de maladies psychotiques comme la schizophrénie ou le trouble bipolaire n'est pas issu de simples anomalies d'un locus génétique majeur de l'ADN, contrairement à celles qui sont retrouvées dans des affections telles que la maladie de Huntington. Il y aurait plutôt des anomalies génétiques multiples, chacune contribuant de manière complexe à la création d'une vulnérabilité envers la schizophrénie ou les autres maladies psychotiques, mais révélées seulement en présence d'un autre phénomène environnemental critique. Les bases génétiques de la schizophrénie ne seraient donc pas aussi simples que celles décrites dans les Fig. 10-17 et 10-18. De nombreux gènes dysfonctionnels et leurs produits protéiques correspondants, dont l'activité est déclenchée par des facteurs de risques tant innés qu'acquis, sont au contraire supposés agir ensemble ou selon une séquence adéquate de manière à produire le tableau clinique de la
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FIGURE 10-19. Une thérapie génique, encore largement à l'état embryonnaire pour le moment, pourrait être théoriquement menée dans la schizophrénie en s'appuyant sur la notion de facteurs de risque en sommeil pouvant être identifiés dans le génome. Des médicaments pourraient peut-être prévenir l'expresion de tels gènes et donc prévenir la décompensation vers la schizophrénie. schizophrénie. Il sera donc primordial de savoir précisément comment les substances protéiques participent à tout cela, car ainsi elles pourront fournir une base biochimique logique pour la prévention ou l'interruption des anomalies en cause. Ce résultat pourrait être obtenu par exemple en interférant avec la transcription génique (Fig. 10-19), ce qui bloquerait l'action de produits géniques indésirables ou en substituant l'action des gènes manquants. Cet objectif est loin d'être simple, car il faudrait réunir l'action de plusieurs médicaments simultanément de manière à compenser chaque anomalie génique. De telles approches thérapeutiques ne semblent donc pas imminentes.
ypothèse neurodégénérative de la schizophrénie La présence d'anomalies à la fois fonctionnelles et structurales dans le cerveau de schizophrènes est démontrée par les études de neuro-imagerie. Elles évoquent l'existence d'un processus neurodégénératif avec une perte progressive des fonctions neuronales au cours de la maladie. L'évolution classiquement progressive de la schizophrénie constitue un élément de plus en faveur d'une atteinte neurodégénérative (Fig. 10-20), et s'oppose à l'idée d'un processus pathologique statique et achevé. La schizophrénie est un processus progressif. Après un stade asymptomatique au cours de l'enfance (phase I de la Fig. 10-20), on observe un stade prodromique avec une « bizarrerie », puis l'éclosion de symptômes négatifs subtils à la fin de l'adolescence et au tout début de l'âge adulte (phase II de la Fig. 10-20). La phase aclive de la maladie commence et se poursuit tout au long de la deuxième et de la troisième décennie avec émergence de symptômes positifs destructeurs. Sous traitement, la maladie se caractérise par une évolution en dents-de-scie et par des rechutes. Après chaque rechute ou exacerbation de la maladie, le patient ne retrouve pas le niveau de fonctionnement antérieur (phase III de la Fig. 10-20). À la phase finale, la maladie atteint un niveau très stable constitué d'une pauvreté du fonctionnement social, ainsi que de symptômes cognitifs négatifs qui occupent le devant de la scène clinique. Même si des variations sont parfois observées, il faut admettre qu'il existe avant tout un considérable nivellement du fonctionnement de base. Tout cela évoque une phase plus statique de la maladie, quelquefois appelée « épuisement » de la quarantaine ou des aimées ultérieures (phase IV de la Fig. 10-20).
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Psychopharmacologie
100 p. 100
50 p. 100
IV
1■ 1■ •■ r■
I 15 20
Apoptose/ nécrose
40
60
ÂGE FIGURE 10-20. Stades évolutifs de la schizophrénie tout au long de la vie. Le patient est en pleine possession de ses capacités fonctionnelles (100 p. 100) au début de sa vie et est pratiquement asymptomatique (stade I). Cependant, au cours d'une phase prodromique (stade II) dans sa deuxième décennie, il peut déjà avoir quelques bizarreries du comportement et des symptômes négatifs minimes. La phase aiguë de la maladie apparaît de façon spectaculaire au cours de sa deuxième décennie (stade III), avec des symptômes positifs, des rémissions et des rechutes, mais sans jamais de retour vers le niveau de fonctionnement antérieur. C'est souvent une période chaotique dont l'évolution est progressivement davantage péjorative. La phase finale de la maladie (stade IV) commence à la quarantaine ou après, avec des symptômes négatifs et cognitifs au premier plan, et une évolution en dents-de-scie sur fond continu d'incapacité fonctionnelle. L'évolution à ce stade ne se fait pas toujours sur un mode continu et n'est pas dans tous les cas inexorable. ment déclinante, mais une résistance vis-à-vis du traitement médicamenteux s'installe progressivement au cours de cette période.
La réponse des patients schizophrènes aux neuroleptiques peut changer (et en général diminuer) au cours de la maladie. Ce phénomène évoque également un processus neurodégénératif. Par exemple, le temps nécessaire pour obtenir une rémission augmente après chaque rechute. Un patient pourra répondre de moins en moins bien à un neuroleptique au cours des épisodes successifs et des exacerbations symptomatiques, de telle sorte que les symptômes résiduels s'accumuleront tandis que ses capacités fonctionnelles diminueront. Ce développe_ ment d'une résistance vis-à-vis du traitement au cours des épisodes successifs fait penser que « le phénomène psychose est nocif pour le cerveau ». Il serait donc possible que les patients qui reçoivent un traitement précoce, efficace et continu soient protégés contre la progression de la maladie ou tout au moins contre le développement d'une résistance au traitement.
Excitotaxicité Le déclin évolutif de la schizophrénie et le développement d'une résistance au traitement pourraient être hypothétiquement conçus comme résultant d'événements neurodégénératifs eux-mêmes liés à une sorte d'excès de la fonction glutamate, l'excitotoxicité. Selon cette idée, les neurones dégénèreraient du fait d'une neurotransmission glutamatergique excitatrice excessive. Le processus d'excitotoxicité, déjà vu au Chapitre 4, constitue une hypothèse explicative de la neurodégénérescence non seulement dans la schizophrénie, mais aussi dans de nombreuses maladies neurologiques (maladie d'Alzheimer et autres démences dégénératives,
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maladie de Parkinson, sclérose latérale amyotrophique, voire accident vasculaire cérébral) et psychiatriques. Afin de mieux comprendre l'hypothèse de l'excès d'activité excitatrice au niveau des neurones glutamatergiques, il nous faut maintenant aborder la question de la neurotransmission glutamatergique. eurotransmission glutamatergique Synthèse du glutamate. Le glutamate, ou acide glutamique (GLU), est un acide aminé doué des propriétés d'un neurotransmetteur bien que son utilisation principale reste celle d'un acide aminé destiné à prendre part à la synthèse protéique. Lorsqu'il est utilisé en tant que neurotransmetteur, il est synthétisé à partir de la glutamine (Fig. 10-21) qui est ensuite transformée en glutamate sous l'action de la glutaminase, une enzyme mitochondriale. Il est ensuite stocké dans les vésicules synaptiques en vue d'une action de neurotransmission. La glutamine pourrait avoir son origine dans Tes cellules gliales situées à proximité des neurones. Les cellules gliales ont une fonction de soutien des neurones, à la fois métabolique et structurale. Dans le cas des neurones glutamatergiques, la glie est la source de la glutamine destinée à la synthèse du glutamate. Il y a conversion du glutamate issu des réserves métaboliques de la glie en glutamate devant servir de neurotransmetteur. La synthèse de glutamine a lieu à l'intérieur de la cellule gliale sous l'action de la glutamine synthétase, puis elle est transportée dans le neurone pour y être convertie en glutamate (voir Fig. 10-21). Suppression du glutamate. Les effets du glutamate sont annulés, non pas par des enzymes comme c'est le cas des neurotransmetteurs, mais par sa suppression par deux pompes de transport. La première pompe est un transporteur présynaptique qui fonctionne comme tous les autres systèmes de transport des neurotransmetteurs dont nous avons déjà parlé (dopamine, noradrénaline et sérotonine). La seconde pompe de transport, localisée dans la glie voisine, rejette hors de la synapse le glutamate qui achève ici sa carrière. La suppression du glutamate est résumée dans la Fig. 10-22. Récepteurs du glutamate. Il existe plusieurs types de récepteurs du glutamate (Fig. 10-23), parmi lesquels le N-méthyl-d-aspartate (NMDA), l'acide alpha-amino-3-hydroxy-5-méthyI-4isoxazole-propionique (AMPA) et le kaïnate, tous dénommés d'après les agonistes qui se lient sélectivement à eux. Il existe un autre type de récepteur du glutamate. Il s'agit du récepteur métabotrope, par lequel passent les signaux électriques cérébraux de longue durée grâce à un processus appelé potentialisation à long terme, qui joue un rôle majeur dans les fonctions mnésiques. Les sous-types NMDA, AMPA et kaïnate sont probablement reliés à un canal ionique. Le sous-type métabotrope, cependant, appartient à la superfamille de récepteurs couplés à une protéine G. Le fonctionnement spécifique des divers sous-types de récepteurs du glutamate est l'objet d'intenses débats. L'action du récepteur NMDA sera soulignée plus loin dans le paragraphe consacré à l'excitotoxicité. Comme pour le complexe de récepteurs GABA-benzodiazépine étudié dans le Chapitre 8 (voir Fig. 8-18 à 8-20), le complexe NMDA glutamate-canal ionique possède aussi de multiples récepteurs qui entourent le canal ionique et agissent de concert en tant que modulateurs allostériques (Fig. 10-24). Il existe un site de modulation pour la glycine (un neurotransmetteur), un pour les polyamines et un autre pour le zinc (voir Fig. 10-24). Le magnésium est un ion qui bloque le canal calcique au niveau d'un autre site de modulation supposé se situer dans le canal ionique ou à proximité immédiate. Un autre site de modulation, inhibiteur,
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Psychopharmacologie
SYNTHÈSE DU GLUTAMATE
Glutamine
Glutaminase
Cellule gliale
4.
Glutamate
1 Glutamine synthétase
GLU (Glutamate)
FIGURE 10-21. Synthèse du glutamate. Le glutamate (ou acide glutamique, glu) est un acide aminé neurotransmetteur. 11 n'est pas utilisé principalement en tant que neurotransmetteur mais comme acide aminé entrant dans la composition des protéines. En ce qui concerne son utilisation comme neurotransmetteur, sa synthèse se fait à partir de la glutamine. Cette dernière est transformée en glutamate sous l'action d'une enzyme présente dans les mitochondries, la glutaminase. Il est ensuite stocké dans les vésicules synaptiques avant d'être libéré pour participer à la neurotransmission. La glutamine peut provenir directement des cellules gliales, voisines des neurones. Ces cellules ont une fonction de soutien des neurones, sur le plan structural et aussi sur le plan métabolique. Dans le cas des neurones glutamatergiques, la glie voisine fournit de la glutamine pour la synthèse du glutamate. Avant cela, la cellule gliale doit convertir le glutamate en glutamine grâce à l'action de la glutamine synthétase. La glutamine est transportée dans le neurone, puis transformée en glutamate qui sera utilisé dans la neurotransmission. localisé dans le canal ionique, est parfois appelé le site PCP car la phencyclidine (PCP), qui est une substance psychotisante, se lie à lui (voir Fig. 10-24). La PCP induisant un état psychotique assez similaire à celui de la schizophrénie (voir le Chapitre 13 consacré aux drogues), il est possible que les symptômes de cette dernière soient modulés par une dysfonction du sous-type NMDA du récepteur glutamatergique. Les antagonistes de n'importe quel site de modulation situés autour du complexe NMDA-canal calcique seraient capables de réduire le flux de calcium et de fermer le canal ; il pourrait constituer des produits neuroprotecteurs. De tels antagonistes sont développés et
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RECAPTURE DU GLUTAMATE
Cellule gliale
FIGURE 10-22. Recapture du glutamate. Les effets du glutamate sont interrompus non pas par destruction enzymatique comme c'est le cas pour les autres systèmes de neurotransmission, mais par recapture sous l'action de deux pompes de transport. La première est le transporteur présynaptique du glutamate, qui fonctionne de la même façon que les transporteurs des autres neurotransmetteurs (dopamine, noradrénaline et sérotonine, par exemple). La seconde est localisée près de la glie ; elle enlève le glutamate hors de la synapse et met ainsi fin à ses effets. essayés dans les troubles supposés en lien avec un mécanisme excitotoxique, par exemple la schizophrénie ou la maladie d'Alzheimer. Excitotoxicité et système glutamatergique dans—les troubles neurodégénératifs comme la schizophrénie. On pense que le sous-type NMDA du récepteur du glutamate est responsable de la neurotransmission excitatrice normale (Fig. 10-25) et de l'excitotoxicité neurodégénérative au sein du spectre de l'excitation glutamatergique représenté par la Fig. 10-26. L'excitotoxicité serait la voie finale commune de tous les troubles psychiatriques et neurologiques caractérisés par une évolution neurodégénérative. L'idée de base est que le processus normal de neurotransmission excitatrice finit par se déchaîner. Au lieu d'une neurotransmission excitatrice normale, les choses dérapent et le neurone est alors littéralement excité à mort (voir Fig. 10-26). On pense que le mécanisme excitotoxique débute au cours d'un processus pathologique qui à la longue déclenche l'activité glutamate imprudente (début dans la
RÉCEPTEURS DU GLUTAMATE
/ récepteur
Y récepteur AMPA
NMDA
FIGURE 10-23. Les récepteurs du glutamate. Il existe plusieurs types de récepteurs du glutamate, dont trois sont en lien avec un canal ionique : les récepteurs N-méthyl-d-aspartate (NMDA), acide alphaamino-3 -hydroxy-5-méthy1-4 -isoxazole-propionique (AMPA) et kaïnate. Leurs noms proviennent des agonistes qui se fixent sélectivement sur eux. Un autre type est le récepteur du glutamate métabotrope, qui est lié à une protéine G et qui est à l'origine, dans le cerveau, de signaux électriques de longue durée grâce à un processus appelé potentialisation à long terme, qui joue un rôle essentiel dans la mémoire.
FIGURE 10-24. Les cinq sites modulateurs du récepteur N-méthyl-d-aspartate (NMDA). Il existe de multiples récepteurs dans et autour du complexe NMDA-canal calcique, qui agissent ensemble en tant que modulateurs allostériques. Trois d'entre eux se trouvent autour du récepteur NMDA. Un de ces sites modulateurs a pour ligand la glycine, un autre est le site des polyamines, et le dernier a pour ligand le zinc. Deux des sites modulateurs sont situés dans le canal ionique ou tout près. L'ion magnésium bloque le canal calcique au niveau d'un de ces sites modulateurs (probablement localisé dans le canal ou à proximité). L'autre site, modulateur inhibiteur, se trouve dans le canal ionique et est parfois appelé site PCP car la phencyclidine (PCP), une substance psychomimétique, se lie à lui. 390
Allpilb. — glutamate
O — calcium
canal calcique site du glutamate
site de la glycine site du zinc
site des polyamines
site du Mg (dans le canal ionique)
site du PCP (dans le canal ionique)
\I
391
392
Psychopharm.h ulogiu
Or.
0 000 0 0 0 0 d
Neurotransmission excitatrice normale FIGURE 10-25. Voici une neurotransmission normale au niveau du récepteur glutamatergique N-méthy
d-aspartate (NMDA). Le récepteur NMDA est un canal ionique dépendant du ligand. Ce canal ionique transmission rapide est de type excitateur. L'occupation du récepteur NMDA par le glutamate provoqu l'ouverture du canal calcique et donc l'excitation du neurone.
Fig. 10-27). Cela provoque une dangereuse ouverture du canal calcique, dangereuse parce que beaucoup trop de calcium pénètre dans la cellule (à travers le canal) et l'intoxique en activant les enzymes intracellulaires (Fig. 10-28) du fait de la formation de radicaux libres (Fig. 10-29). Un excès de radicaux libres peut submerger la cellule de ses actions toxiques sur la membrane cellulaire et les organites (Fig. 10-30), et au final la tuer (Fig. 10-31). Une forme limitée d'excitotoxicité pourrait être utile en tant que mécanisme d'« élagage» destiné à l'entretien normal de l'arbre dendritique (voir Fig. 1-23) en se débarrassant du « bois mort » à l'image d'un garde forestier. Toutefois, l'excitotoxicité en excès serait responsable de toutes sortes de phénomènes de neurodégénérescence, allant de l'état neurodégénératif lent mais implacable de pathologies de type schizophrénie et maladie d'Alzheimer, à la mort neuronale brutale et catastrophique de type infarctus (voir Fig. 10-26).
Approches expérimentales thérapeutiques Arrêter la neurodégénérescence et l'apoptose : les antagonistes glutanurtergiques, les chélateurs de radicaux libres et les inhibiteurs de la caspase Toutes sortes de thérapeutiques expérimentales basées sur le glutamate, l'excitotoxicité et les radicaux libres ont été développées. Il est possible que les antagonistes glutamatergiques, et surtout les antagonistes NMDA et divers antagonistes d'autres sites allostériques sur le récepteur NMDA comme le site de la glycine, puissent être neuroprotecteurs (Fig. 10-32). De tels produits ont fait l'objet d'études sur des modèles animaux et sont en cours de développement chez l'homme pour des pathologies de type AVC, schizophrénie ou maladie
cre DE L EXCITATION INDurre PA
Excitotoxicité -- Lésions ExcitatiOn excessive des neurones -- Manie -- Panique Excitation normale
Le.
-■ ••■ ••■
Gi
0" Excitotoxicité neurodégénérescence lente
Excitotoxicité Neurodégénérescence catastrophique FIGURE 10-26. Neuroprotection, excitotoxicité et système glutamatergique dans les troubles dégénératifs. Une stratégie majeure de recherche de nouveaux traitements de la maladie d'Alzheimer est centrée sur le système glutamatergique, qui serait impliqué dans la neurodégénérescence au travers d'un mécanisme excitotoxique. Un tel mécanisme jouerait un rôle dans d'autres maladies neurodégénératives, comme la schizophrénie, la maladie de Parkinson, la maladie de Huntington, la sclérose latérale amyotrophique, voire l'accident vasculaire cérébral. Le spectre de l'excitation induite par le glutamate s'étend de la neurotransmission normale à la neurotransmission excessive qui provoque des symptômes comme la manie ou les crises de panique ; à l'excitotoxicité qui entraîne des lésions mineures des dendrites ; à l'excitotoxicité lente et progressive qui induit une dégénérescence neuronale comme dans la maladie d'Alzheimer ; et à l'excitotoxicité soudaine et catastrophique provoquant une neurodégénérescence comme dans l'attaque cérébrale.
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Psychopharmacologie
Ale
org 00 re008 0 80 00
Hyperexcitation due au glutamate
Peut conduire à la mort cellulaire
FIGURE 10-27. Événements cellulaires survenant au cours de l'excitotoxicité, première partie. L'excitotoxicité est actuellement une hypothèse majeure pour expliquer les mécanismes neuropathologiques qui pourraient être la voie finale commune de nombreux troubles neurologiques et psychiatriques caractérisés par une évolution neurodégénérative. L'idée de base est que le processus normal de neurotransmission excitatrice devient fou et hors de tout contrôle ; le neurone est alors littéralement excité à mort. Le mécanisme excitotoxique semble commencer par un processus pathologique qui déclenche à son tour une activité glutamatergique excessive. Les canaux calciques sont alors trop ouverts (voir le schéma), et le processus d'empoisonnement de la cellule par le calcium commence. d'Alzheimer. Certaines molécules sont en cours de développement en raison de leurs propriétés chimiques d'absorption et de neutralisation des radicaux libres, à l'image d'une éponge destinée à s'en débarrasser (Fig. 10-33). La vitamine E est un chélateur faible qui a été testé dans la maladie de Parkinson et les dyskinésies tardives. Plus efficaces seraient les lazaroïdes (ainsi nommés pour leurs capacités à ressusciter comme Lazare les neurones dégénérescents). Une autre approche thérapeutique consisterait à bloquer le système enzymatique nécessaire à l'apoptose, les caspases.
Traitements présymptomatiques Une idée actuellement à la mode est la possibilité d'intervenir précocement sur la schizophrénie en instaurant un traitement dès la phase prodromique par des neuroleptiques atypiques, avant l'éclosion des symptômes psychotiques actifs (voir Fig. 10-20, stade II). Cette stratégie fait l'objet de débats et de controverses, car aucune assurance ne permet d'affirmer qu'une intervention puisse améliorer l'évolution de la schizophrénie, surtout si le diagnostic n'est pas absolument certain au moment de l'intervention. Néanmoins, puisqu'il est possible que la psychose crée en elle-même des lésions cérébrales du fait du phénomène d'excitotoxicité neuronale lors de la phase aiguë, on peut émettre l'idée provocante que l'on puisse faire avorter la maladie et modifier son histoire naturelle grâce à une intervention précoce. Il paraît évident que la psychose est nocive pour le cerveau,
lia
L'excès de calcium active une enzyme FIGURE 10-28. Événements cellulaires survenant au cours de l'excitotoxicité, deuxième partie. Le milieu
interne du neurone est très sensible au calcium : une faible augmentation du taux de calcium modifie toutes sortes d'activités enzymatiques, ainsi que l'excitabilité de la membrane neuronale. Si les taux de calcium augmentent trop, ils augmentent les activités enzymatiques à un point dangereux pour la cellule car risquant de déclencher une cascade de destruction chimique.
L'enzyme produit des radicaux libres
FIGURE 10-29. Événements cellulaires survenant au cours de l'excitotoxicité, troisième partie. Après que le glutamate a permis à une trop grande quantité de calcium d'entrer dans le neurone et d'activer de dangereuses enzymes, ces dernières se mettent à produire des radicaux libres. Ce sont des substances chimiques capables de détruire les autres composants de la cellule, comme les organites et les membranes, par es réactions chimiques délétères. 395
Les radicaux libres commencent à détruire la cellule FIGURE 10-30. Événements cellulaires survenant au cours de l'excitotoxicité, quatrième partie. Au fur et à mesure que le calcium s'accumule dans la cellule et que les enzymes produisent de plus en plus de rad caux libres, ces derniers se mettent à détruire sans distinction des parties de la cellule, en particulier les branes nucléaires et neuronales et les organites comme les mitochondries (qui produisent l'énergie de i cellule).
À la fin, les radicaux libres détruisent totalement la cellule FIGURE 10-31. Événements cellulaires survenant au cours de l'excitotoxicité, cinquième partie. finir, les dégâts sont tels que les radicaux libres détruisent le neurone tout entier.
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Psychoses et schizophrénie
O
Les antagonistes du glutamate bloquent la neurotransmission excitotoxique
0
397
Antagoniste glutamate
Neuroprotection
0
FIGURE 10-32. Les antagonistes du glutamate sur le site NMDA bloquent la neurotransmission excitotoxique et exercent donc une action neuroprotectrice. Ces médicaments mettent fin à l'entrée excessive de calcium et à ses conséquences. Ils sont en cours d'essai dans divers troubles neurodégénératifs et les attaques cérébrales.
comme l'ont montré les données issues d'études où les patients répondent d'autant mieux aux neuroleptiques que la durée d'évolution avant instauration du traitement est courte. Cela suggère que la phase active de la schizophrénie refléterait un processus morbide qui aurait déjà débuté dès le stade prodromique/présymptomatique, et qui, s'il pouvait persister, détériorerait les capacités du patient à répondre au traitement. Certains chercheurs poussent l'idée d'intervenir chez des parents du premier degré asymptomatiques de patients schizophrènes. Sera-t-il possible de modifier ou d'arrêter l'évolution de la schizophrénie ? Voilà un sujet de recherche particulièrement intéressant pour le futur.
ypothèses neurodéveloppementale et neurodégénérative combinées Il est difficile de concevoir un processus purement neurodéveloppemental achevé à un âge précoce, restant totalement asymptomatique pendant des années et qui entraînerait une évolution vers le déclin avec une symptomatologie en dents-de-scie. La schizophrénie pourrait donc être un processus neurodégénératif superposé à des anomalies neurodéveloppementales (Fig. 10-34). Les neurones candidats pour le siège de la neurodégénérescence comprennent les projections dopaminergiques vers le cortex, et des projections glutamatergiques allant du cortex vers les structures corticales. Il est possible même que le phénomène d'excitotoxicité se produise au sein de ces structures au moment où il y a expression de symptômes positifs lors des rechutes psychotiques.
398
Psychopharmacologie
FIGURE 10-33. Les radicaux libres sont produits au cours du processus neurodégénératif excitotoxique. Un médicament chélateur des radicaux libres, agissant comme une véritable éponge qui absorbe ces
produits dangereux et en débarrasse le neurone, serait neuroprotecteur. La vitamine E est un anti-radicaux libres léger. D'autres chélateurs des radicaux libres, comme les lazaroïdes (capables de ressusciter les neurones dégénérescents, comme Lazare ressuscita) sont actuellement en cours d'évaluation.
Résumé
4
Ce chapitre s'est attaché à fournir une description clinique des psychoses, en se focalisant sur la schizophrénie. Nous avons exposé les hypothèses dopaminergiques, qui constituent l'explication principale des mécanismes engendrant les symptômes positifs de la psychose (délire et hallucinations). Les quatre voies dopaminergiques cérébrales majeures ont été décrites. Le système mésolimbique intervient dans l'émergence des symptômes positifs ; le système mésocortical est impliqué clans l'apparition des symptômes négatifs et cognitifs ; le système nigrostrié engendre les symptômes extrapyramidaux (syndrome parkinsonien et dyskinésies
Psychoses et schizophrénie
399
Anoxie prénatale/infection/toxines Programmation génétique de l'apoptose
Excitotoxicité secondaire aux symptômes positifs
N Mort neuronale ou perte de dendrites
FIGURE 10-34. Les causes neurodégénératives de la schizophrénie nous permettent de mieux comprendre la voie finale commune de la mort neuronale et peut-être de la destruction des synapses, de l'axone et des dendrites. En ce qui concerne les causes, elles vont d'un programme génétique prédéterminé à une atteinte foetale par anoxie, infection, toxines ou famine subie par la mère, en passant par les effets potentiellement destructeurs des symptômes positifs eux-mêmes sur les synapses et les neurones via l'excitotoxicité induite par le glutamate.
tardives) tandis que le système tubéro-infundibulaire contrôle le taux plasmatique de prolactine. Nous avons également développé les hypothèses neurodéveloppementale et neurodégénérative de la schizophrénie, et expliqué la neurotransmission glutamatergique et le phénomène d'excitotoxicité.
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CHAPITRE
11
NEUROLEPTIQUES ET ANTIPSYCHOTIQUES
I. Neuroleptiques classiques IL Neuroleptiques atypiques : antagonisme sérotoninergique-dopaminergique et points communs des neuroleptiques atypiques III. Neuroleptiques atypiques : plusieurs produits uniques ou une seule classe de plusieurs produits ? IV. Considérations pharmacocinétiques sur les neuroleptiques atypiques V. Neuroleptiques atypiques en pratique clinique VI. Autres antipsychotiques et produits du futur VII. Résumé
Dans ce chapitre, nous allons explorer l'univers des traitements médicamenteux des troubles psychotiques, en privilégiant la schizophrénie. Nous parlerons donc non seulement des neuroleptiques conventionnels, mais aussi des nouveaux neuroleptiques, dits atypiques, qui semblent être en train de remplacer rapidement les produits classiques. Nous jetterons enfin un oeil en direction du futur pour le développement de nouveaux traitements des psychoses et surtout de la schizophrénie, En ce qui concerne les troubles bipolaires, les thymorégulateurs ont été abordés dans le Chapitre 7. Les caractéristiques des neuroleptiques-varient d'un produit à l'autre, en fonction du trouble auquel ils s'affrontent (schizophrénie ou autre psychose) et de la façon dont le patient a répondu aux traitements antérieurs. Les considérations économiques doivent malheureusement entrer en ligne de compte, car les nouveaux traitements sont plus onéreux. Toutefois, le coût global de la prise en charge des patients recevant ces derniers apparaît plus faible qu'avec les neuroleptiques classiques. Les traitements des psychoses peuvent donc varier, notamment en termes de réponse individuelle à un produit donné, de sa posologie, de la durée du traitement et en fonction d'éventuelles associations médicamenteuses. Le lecteur devra se reporter aux manuels et précis de référence pour obtenir des informations sur l'utilisation de ces médicaments car, comme pour les chapitres précédents, nous nous 401
402
Psychopharmacologie cantonnerons aux concepts pharmacologiques fondamentaux, mais nous n'aborderons pas les questions pratiques de prescription. Les concepts pharmacologiques développés ici devraient néanmoins permettre au lecteur de comprendre l'argumentaire sur la façon d'utiliser les neuroleptiques dans le cadre de leurs interactions avec les différents systèmes de neurotransmission au niveau du système nerveux central. Ces interactions, en effet, expliquent à la fois leurs effets thérapeutiques et leurs effets indésirables ; elles représentent donc une aide précieuse pour les prescripteurs.
Neuroleptiques classiques Les premiers traitements efficaces dans la schizophrénie et les autres maladies psychotiques sont issus d'observations éclairées plutôt que de connaissances à propos des bases neurobiologiques des psychoses ou des mécanismes d'action de ces produits dont on vit qu'ils étaient efficaces. Le premier neuroleptique fut découvert par hasard dans les années cinquante, lorsque des chercheurs perspicaces réalisèrent qu'un antihistaminique (la chlorpromazine) avait des effets antipsychotiques chez des schizophrènes. En effet, si la chlorpromazine a effectivement des propriétés antihistaminiques, ses effets thérapeutiques dans la schizophrénie ne passent pas par ces caractéristiques-là. Une fois découverts ses effets antipsychotiques, la chlorpromazine fit l'objet d'études afin de mettre en évidence ses mécanismes d'action. Très vite, grâce à des études chez l'animal, on s'aperçut des effets neuroleptiques de ce produit, puis de ses successeurs, c'est-à-dire de leur capacité à entraîner un très grand ralentissement ou une absence de mouvement, ainsi qu'une indifférence comportementale. Ces substances, que l'on appelle aujourd'hui antipsychotiques, furent découvertes au travers de leurs capacités à induire de tels effets chez les animaux de laboratoire ; tout naturellement, on les appela neuroleptiques. Chez l'homme, les neuroleptiques classiques provoquent les mêmes effets de ralentissement psychomoteur, d'apaisement émotionnel et d'indifférence affective.
Mécanisme d'action des neuroleptiques classiques : blocage des récepteurs dopaminergiques D2
À la fin des années soixante et dans les années soixante-dix, les propriétés pharmacologiques essentielles de tous les neuroleptiques furent découvertes. Il s'agissait donc de leur capacité à bloquer les récepteurs dopaminergiques D2 (Fig. 11-1). Cet effet est responsable non seulement de leur efficacité thérapeutique, mais aussi de leurs effets indésirables. Les effets thérapeutiques sont dus au blocage des récepteurs D2, spécifiquement au niveau I de la voie mésolimbique (Fig. 11-2). Cela entraîne la réduction de l'hyperactivité de cette voie, voie qui est supposée être à l'origine des symptômes positifs, comme nous l'avons vu dans le Chapitre 10 (voir Fig. 10-8 et 10-9). Tous les neuroleptiques classiques diminuent Ies symptômes psychotiques positifs à peu près de la même manière chez les schizophrènes inclus dans les grandes études multicentriques. Cela ne signifie pas pour autant qu'un patient donné ne répondra pas mieux à un neuroleptique qu'à un autre, mais il n'existe pas globalement de différence marquée entre les produits en ce qui concerne leurs effets antipsychotiques. La liste d'un grand nombre de neuroleptiques classiques est fournie dans le Tableau 11—I. Il n'est malheureusement pas possible de bloquer uniquement les récepteurs D2 de la voie mésolimbique avec ce type de médicaments, du fait de leur distribution à tout l'encéphale après administration. En effet, ils se mettent en quête de tous les récepteurs D2 cérébraux de à
Bloqueur D2 pur FIGURE 11-1. Cette icône représente la notion d'une action pharmacologique unique, c'est-à-dire un effet antagoniste des récepteurs de la dopamine D2. Bien que les vrais médicaments puissent avoir de multiples effets pharmacologiques, l'idée d'une action unique sera appliquée conceptuellement à plusieurs des figures suivantes.
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iolimbique parles médicaments antipsychotiques dans le traitement des symptômes positifs de la psychose représentée ici. Le blocage des récepteurs D2 postsynaptiques par un antagoniste D2 agissant au niveau la voie mésolimbique serait responsable de l'efficacité sur la psychose des médicaments antipsychotiques, en particulier de leur capacité à réduire ou supprimer les symptômes positifs. 403
404
Psychopharmacologie Tableau 11—I. Neuroleptiques classiques utilisés aux États-Unis dans le traitement des psychoses, dont la schizophrénie (NdT : F = équivalent français) Dénomination commune internationale Acétophénazine Carphénazine Chlorpromazine Chlorprothixène Clozapine Fluphénazine Halopéridol Loxapine Mésoridazine Molindone Perphénazine Pimozide Pipéracétazine Prochlorpérazine Thioridazine Thiothixène Trifluopérazine Triflupromazine
Nom commercial
Tindal® Prokétazine® Thorazine® (F : Largactil®) Taractan® Clozaril® (F : Léponex®) Prolixin®, Permitil® (F : Modécate®, Moditen®) Haldol® (F : Haldol®) Loxitane® (F : Loxapac®) Serentil® Moban®, Lidone® Trilafon® (F : Trilifan®) Orap®a (F : Orap®) Quide® Compazine®b Mellaril® (F : Melleril®) Navane® Stelazine® (F : Terfluzine®) Vesprin®
Indiqué aussi aux États-Unis dans le syndrome de Gilles de la Tourette. Indiqué aussi aux États-Unis dans les nausées et vomissements, ainsi que dans les psychoses.
a
h
manière à tous les bloquer (voir Fig. 10-7). Tout cela a forcément un « coût » et celui-c s'avère particulièrement élevé puisqu'il s'agit de bloquer les récepteurs D2 mésolimbiques, Rappelons plus précisément que le blocage D2 se produit aussi au niveau de la voie dopaminergique mésocorticale (Fig. 11-3), déjà déficitaire en dopamine dans la schizophrénie (voir Fig. 10-10 et 10-11). Cela entraîne par conséquent une aggravation des symptômes négatifs et cognitifs. On appelle parfois ce phénomène le syndrome déficitaire induit par les neuroleptiques car il ressemble beaucoup aux symptômes négatifs dus à la schizophrénie et à ce que l'on observe chez l'animal. Lorsque les récepteurs D2 sont bloqués au niveau de la voie nigrostriée, on voit apparaître des troubles moteurs qui ressemblent beaucoup à ceux de la maladie de Parkinson. C'est pourquoi on parle parfois de parkinsonisme iatrogène (Fig.11-4). Du fait que la voie nigrostriée appartient au système nerveux extrapyramidal, les effets indésirables moteurs associés au blocage D2 dans cette partie du cerveau sont quelquefois appelés symptômes extrapyramidaux (SEP). Pire encore, le blocage chronique des récepteurs D2 de la voie nigrostriée (Fig. 11-5) finit par donner des troubles moteurs hyperkinétiques appelés dyskinésies tardives. Ces anomalies motrices provoquent des mouvements de la face et de la langue de type mâchonnement constant, protrusion de la langue, des grimaces, et des mouvements des membres pouvant être rapides, saccadés ou choréiformes (comme une danse). Les dyskinésies tardives sont consécutives à l'administration au long cours de neuroleptiques classiques ; on pense qu'elles
Voie mésocorticale
Augmentation des symptômes négatifs GURE 11-3. Lorsque les récepteurs D2 postsynaptiques sont bloqués par un antagoniste D2 agissant au niveau de la voie mésocorticale, il se produit un émoussement affectif et des problèmes cognitifs qui prennent le masque des symptômes négatifs de la schizophrénie. Ces effets indésirables cognitifs des antipsychotiques sont quelquefois appelés « syndrome déficitaire induit par les neuroleptiques ». Si un patient a déjà de tels symptômes avant le traitement, ce dernier les aggravera.
Voie nigrostriée
■ IM
SEP GURE 11-4. Lorsque les récepteurs de la dopamine D2 sont bloqués par un antagoniste au niveau des ojections postsynaptiques de la voie nigrostriée, ils induisent des troubles moteurs qui bien souvent • semblent à ceux de la maladie de Parkinson. C'est pourquoi ces mouvements anormaux sont quelquefois pelés parkinsonisme iatrogène. Comme la voie nigrostriée se projette sur les ganglions de la base, partenant au système nerveux extrapyramidal, ces effets indésirables sont parfois appelés symptômes ..trapyramidaux (SEP). 405
406
Psychopharmacologie
Le blocage des récepteurs de la voie dopaminergique nigrostriée provoque leur hypersensibilisation
Cette hypersensibilisation peut induire des dyskinésies tardives
FIGURE 11-5. Le blocage à long terme des récepteurs de la dopamine D2 par un antagoniste au niveau de
la voie nigrostriée peut induire l'hypersensibilisation de ces mêmes récepteurs, dont une des conséquences cliniques est l'apparition de mouvements hyperkinétiques appelés dyskinésies tardives. Cette hypersensibilisation serait la conséquence de la vaine tentative du neurone de maîtriser le blocage iatrogène de ces récepteurs dopaminergiques.
sont liées à des modifications, parfois irréversibles, des récepteurs D2 de la voie nigrostriée. Précisément, il y aurait une hypersensibilisation (ou up-regulation, c'est-à-dire augmentation du nombre) des récepteurs D2, qui évoque une tentative (vaine) de surmonter leur blocage induit par les neuroleptiques (voir Fig. 11-5). Environ 5 p. 100 des patients recevant un neuroleptique classique de façon prolongée développent chaque année des dyskinésies tardives (soit 20 p. 100 sur 4 ans), ce qui est loin de constituer un encouragement pour un sujet qui débute sa carrière de malade chronique dans la deuxième décade de sa vie. Si le blocage des récepteurs D2 est levé suffisamment tôt, les dyskinésies tardives peuvent régresser. Cette réversibilité est théoriquement due à une « remise à zéro » des récepteurs D2 par une diminution appropriée de leur nombre ou de leur sensibilité au niveau de la voie nigrostriée une fois que les neuroleptiques sont arrêtés. Toutefois, à l'issue d'un traitement au long cours, les D2 ne peuvent plus revenir à leur état antérieur, même après l'arrêt des neuroleptiques. Les dyskinésies tardives irréversibles se développent alors, et persistent, que le neuroleptique soit maintenu ou non. Les récepteurs D2 de la quatrième voie dopaminergique, la voie tubéro-infundibulaire, sont également bloqués par les neuroleptiques classiques, ce qui entraîne l'augmentation plasmatique des taux de prolactine ou hyperprolactinémie (Fig. 11-6). Celle-ci est associée à une galactorrhée (sécrétion de lait) et une aménorrhée (arrêt des règles). L'hyperprolactiné_ mie va avoir des effets négatifs sur la fertilité, en particulier chez la femme, et peut aussi conduire à une déminéralisation osseuse plus rapide chez les femmes ménopausées ne recevant pas de traitement oestrogénique substitutif. L'augmentation des taux de prolactine peut entraîner des troubles sexuels et une prise de poids, sans toutefois que l'on soit certain du rôle de la prolactine dans la genèse de ces troubles.
Neuroleptiques et antipsychotiques
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Voie tubéro-infundibulaire
Augmentation des taux de prolactine
FIGURE 11-6. La voie dopaminergique tulbéro-infundibulaire contrôle la sécrétion de prolactine. Lorsque
les récepteurs D2 de cette voie sont bloqués par un antagoniste, les taux de prolactine augmentent parfois à un tel point qu'il se produit une lactation inappropriée appelée galactorrhée.
pilemme du blocage des récepteurs D2 au niveau des quatre voies dopaminergiques Le formidable dilemme lié aux neuroleptiques classiques devrait désormais être connu de tous. Sans aucun doute, les neuroleptiques classiques sont doués de propriétés thérapeutiques spectaculaires sur les symptômes psychotiques positifs, grâce au blocage des neurones dopaminergiques hyperactifs de la voie mésolimbique. Mais par ailleurs, il existe trois autres voies dopaminergiques cérébrales, et il apparaît que si le blocage des récepteurs de l'une est utile, le blocage des récepteurs des autres est préjudiciable. Plus spécifiquement, tandis que délire et hallucinations sont diminués lorsque les D2 mésolimbiques sont bloqués, les symptômes négatifs et cognitifs peuvent être aggravés par le blocage des D2 mésocorticaux. Le syndrome extrapyramidal et des dyskinésies tardives apparaîtront après blocage des D2 nigrostriés, alors que l'hyperprolactinémie et ses complications seront dues au blocage des D2 tubéro-infundibulaires. Le dilemme pharmacologique est le suivant : comment faire pour diminuer la dopamine dans la voie mésolimbique de manière à traiter les symptômes positifs (théoriquement dus à une hyperactivité de cette voie) et en même temps augmenter la dopamine dans la voie mésocorticale, afin de traiter les symptômes négatifs et cognitifs, tout en laissant en paix le tonus dopaminergique des voies tubéro-infundibulaire et nigrostriée afin d'éviter les effets indésirables ? Ce dilemme semble avoir été en partie réglé par les neuroleptiques atypiques que nous verrons plus loin. C'est une des raisons pour lesquelles ceux-ci remplacent rapidement, à travers le monde, les neuroleptiques classiques dans le traitement de la schizophrénie et des autres troubles psychotiques.
408
Psychopharmacologie
Risques et bénéfices d'un traitement i long terme par les neuroleptiques classiques Bien que les neuroleptiques classiques réduisent les symptômes positifs chez la plupart des patients au bout de plusieurs semaines, l'arrêt du traitement est suivi d'une rechute psychotique à un taux qui atteint environ 10 p. 100 des sujets par mois, de telle sorte que 50 p. 100 d'entre eux ou davantage rechutent dans les 6 mois. Malgré cette incitation importante à maintenir leur traitement avec les neuroleptiques classiques de manière à éviter une rechute, le blocage des quatre voies dopaminergiques conduit les patients à considérer que le jeu n'en vaut pas la chandelle. Nombre d'entre eux arrêtent donc leur traitement et rechutent, selon un mode d'admissions et de sorties de l'hôpital de type « revolving door » (porte tournante). Trop souvent, ils prennent le risque d'une rechute face à des effets indésirables jugés subjectivement inacceptables. Les symptômes que les patients tolèrent le moins bien sont les impatiences et les symptômes extrapyramidaux, dont l'akathisie, la rigidité et le tremblement, ainsi que l'émoussement affectif, le retrait social, l'anhédonie et l'apathie, sans oublier le risque rare, mais potentiellement létal, de survenue d'un syndrome malin des neuroleptiques, qui associe rigidité musculaire extrême, forte fièvre et coma. Fort heureusement, le poids des effets secondaires des neuroleptiques atypiques est beaucoup plus faible qu'avec les neuroleptiques classiques, ce qui permet d'espérer une meilleure compliance et une évolution plus favorable (voir chapitre sur les neuroleptiques atypiques).
Propriétés de blocage cholinergique muscarinique des neuroleptiques classiques En plus du blocage des récepteurs dopaminergiques, les neuroleptiques classiques ont d'autres propriétés pharmacologiques importantes (Fig. 11-7). L'une d'entre elles est leur capacité à bloquer les récepteurs cholinergiques muscariniques, à l'origine d'effets indésirables de type bouche sèche, vision floue, constipation et émoussement affectif (Fig. 11-8). Les différents degrés de blocage des récepteurs cholinergiques muscariniques expliquent les variations d'intensité des effets extrapyramidaux selon les neuroleptiques. Ce sont les neuroleptiques classiques les moins anticholinergiques qui ont le plus d'effets extrapyramidaux, tandis que ceux qui dorment le moins de SEP sont ceux qui ont les propriétés anticholinergiques les plus puissantes. Par quels mécanismes le blocage des récepteurs cholinergiques muscariniques entraînet-il la diminution des SEP liés au blocage des récepteurs D2 de la voie nigrostriée ? La réponse se situerait au niveau de la relation réciproque dopamine/acétylcholine au niveau de cette voie (voir Fig. 11-9 et 11-11). Les neurones à dopamine dans cette dernière sont connectés aux neurones à acétylcholine (Fig. 11-9). Dans les conditions normales, la dopamine inhibe la libération d'acétylcholine par les neurones cholinergiques postsynaptiques nigrostriés, ce qui supprime l'activité de l'acétylcholine à cet endroit (voir Fig. 11-9). Si la dopamine ne peut plus supprimer la libération d'acétylcholine du fait du blocage des récepteurs dopaminergiques par un neuroleptique classique, alors l'acétylcholine devient exagérément active (Fig. 11-10).
Neuroleptiques et antipsychotiques
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Neuroleptique classique FIGURE 11-7. Ce dessin représente l'icône d'un neuroleptique classique. Ce type de médicament a en général au moins quatre actions : blocage des récepteurs de la dopamine 2 (D2), blocage des récepteurs muscariniques cholinergiques (Ml), blocage des récepteurs adrénergiques alpha 1 (alpha 1), et blocage des r écepteurs de l'histamine (effet antihistaminique, H1).
Une façon de compenser cette hyperactivité cholinergique est de la bloquer avec des produits anticholinergiques (Fig. 11-11). Ainsi, ces derniers vont diminuer l'activité cholinergique excessive due à la suppression de l'inhibition dopaminergique, inhibition induite par le blocage des récepteurs de la dopamine (voir Fig. 11-11). Si un produit est doué à la fois de propriétés bloquantes D2 et anticholinergique, alors il va avoir tendance à atténuer les effets du blocage D2 au niveau de la voie nigrostriée. Ainsi, les neuroleptiques classiques ayant des vertus anticholinergiques induisent moins de SEP que ceux qui ont de faibles propriétés anticholinergiques. En outre, les effets du blocage D2 au niveau de la voie nigrostriée peuvent être limités par la coadministration d'un médicament anticholinergique. C'est d'ailleurs cette stratégie qui a été suivie pour réduire les SEP liés au traitement par un neuroleptique classique. Malheureusement, cette stratégie ne réduit pas le risque de survenue de dyskinésies tardives. De plus, le blocage des récepteurs cholinergiques provoque un certain nombre d'effets indésirables : sécheresse buccale, vue floue, constipation, rétention urinaire et trouble des fonctions cognitives.
Autres propriétés pharmacologiques des neuroleptiques classiques
Les neuroleptiques classiques possèdent encore d'autres propriétés pharmacologiques sur les récepteurs adrénergiques alpha 1 et histamine 1 (voir Fig. 11-7). Ils agissent donc sur trois des systèmes de neurotransmission impliqués dans l'apparition des effets indésirables des anti-
LIAISON Ml
Constipation
Bouche sèche
Vision floue
Somnolence
FIGURE 11-8. Effets indésirables des neuroleptiques classiques, 1'' partie. L'icône d'un neuroleptiqu classique est représentée ici avec sa portion anticholinergique antimuscarinique Ml insérée dans un réce teur de l'acétylcholine, ce qui provoque constipation, vision floue, bouche sèche et somnolence.
FIGURE 1i-9. La dopamine et l'acétylcholine ont des relations réciproques au niveau de la voie nigrostriée. Le neurone dopaminergique a ici établi une connexion postsynaptique avec un neurone cholinergique, La dopamine supprime normalement l'activité cholinergique. 410
Neuroleptiques et antipsychotiques
411
07, - Bloqueur D2
FIGURE 11-10. Voici ce qui se passe pour l'activité cholinergique lorsque le récepteur dopaminergique est bloqué. Tandis que la dopamine inhibe normalement l'activité cholinergique, la suppression de cette inhibition augmente l'activité cholinergique. Donc, lorsque les récepteurs de la dopamine sont bloqués, l'acétylcholine devient trop active. Apparaissent alors des symptômes extrapyramidaux (SEP). Les mécanismes pharmacoloigues des SEP semblent par conséquent liés à un déficit relatif en dopamine et à un excès d'acétylcholine.
pi Aniicholinergique
FIGURE 11-11. Une façon de compenser l'hyperactWité cholinergique qui apparaît lorsque les récepteurs de la dopamine sont bloqués est de bloquer les récepteurs de l'acétylcholine par un produit anticholinergique. Ce dernier compense donc l'excès d'activité cholinergique due à la suppression de l'inhibition par la dopamine, elle-même secondaire au blocage des récepteurs de la dopamine par les neuroleptiques classiques. Les symptômes extrapyramidaux s'en trouvent donc diminués.
dépresseurs tricycliques (Chapitre 6 : voir Fig. 6-27 et 6-30 à 6-32) : ils sont antihistaminiques (provoquant prise de poids et somnolence) (Fig. 11-12), ils bloquent les récepteurs adrénergiques alpha 1 (entraînant des effets indésirables cardiovasculaires, de type hypotension orthostatique
Prise de poids
Somnolence
FIGURE 11-12. Effets indésirables des neuroleptiques classiques, 2' partie. L'icône d'un neuroleptiI classique est représentée ici avec sa portion anticholinergique antirnuscarinique Ml insérée dans un réc teur de l'acétylcholine, ce qui provoque prise de poids et somnolence.
LIAISON ot 1
CC
Hypotension artérielle
Vertige
Somnolence FIGURE 11-13. Effets indésirables des neuroleptiques classiques, 3' partie. L'icône d'un neuroleptiqu e
ii classique est représentée ici avec sa portion alpha 1 (antagoniste alpha 1) insérée dans un récepteur adréne gigue alpha 1, ce qui provoque vertige, hypotension artérielle et somnolence.
412
Neuroleptiques et antipsychotiques
413
OH
O —C — (CH 2) 3 —
CI
halopéridol FIGURE 11-14. Formule de la structure de l'halopéridol, un des produits les plus largement prescrits au cours de la grande époque des neuroleptiques classiques (avant le milieu des années quatre-vingt-dix).
FIGURE 11-15. Icône pharmacologique de l'halopéridol. Sâ puissance supérieure le rend différent de bien d'autres neuroleptiques classiques. De plus, il est dépourvu d'activité antimuscarinique et antihistaminique puissante. Mais par ailleurs son profil clinique est très conventionnel. et somnolence) (Fig. 11-13), et enfin, ils sont anticholinergiques (d'où l'apparition de sécheresse buccale, vision floue, constipation, rétention urinaire, altérations cognitives) (voir Fig. 11-8). Cependant, les neuroleptiques classiques ne bloquent pas tous de la même manière les différents récepteurs représentés dans la Fig. 11-7. Par exemple, l'halopéridol (Fig. 11-14
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Psychopharmacologie
Antagoniste de la sérotonine et de la dopamine FIGURE 11-16. Icône d'un antagoniste de la sérotonine et de la dopamine (ASD). Ici est représentée la double activité pharmacologique qui définit les ASD, c'est-à-dire le blocage des récepteurs de la sérotonine 2A (5HT2A) et des récepteurs de la dopamine 2 (D2).
et 11-15) a assez peu de propriétés anticholinergiques et antihistaminiques (voir Fig. 11-15), De ce fait, les neuroleptiques classiques peuvent beaucoup varier en termes d'effets indésirables, même si leur profil d'efficacité est globalement le même pour tous. Certains neuroleptiques sont plus sédatifs que d'autres, tandis que certains ont plus d'effets cardiovasculaires et que d'autres enfin sont plus puissants.
Neuroleptiques atypiques : antagonisme sérotoninergique-dopaminergique et points communs des neuroleptiques atypiques Qu'est-ce qu'un neuroleptique atypique ? (NdT : atypical antipsychotic dans le texte) D'un point de vue pharmacologique, il s'agit d'une classe composée d'antagonistes sérotoninedopamine (ASD) (Fig. 11-16). Les autres caractéristiques_pharrnacologiques seront vues plus loin. Pour commencer, nous allons voir de quelle manière les neuroleptiques atypiques tirent certaines de leurs propriétés cliniques « atypiques » de la façon dont la sérotonine et la dopamine interagissent au niveau des quatre voies dopaminergiques majeures du cerveau. II est donc très important de comprendre les interactions sérotonine-dopamine au niveau de chacune d'elles. D'un point de vue strictement clinique, un neuroleptique atypique est défini en partie par des propriétés qui le distinguent des neuroleptiques classiques, c'est-à-dire une efficacité sut les symptômes négatifs et moins de signes extrapyramidaux. Il est nécessaire en premier lieu de comprendre que bloquer uniquement les récepteurs D2 avec un neuroleptique classique
Neuroleptiques et antipsychotiques
415
ne signifie pas la même chose que bloquer simultanément les récepteurs sérotoninergiques 2A et dopaminergiques D2 avec un neuroleptique atypique, au niveau des différentes voies dopaminergiques (voir plus loin). Dès lors, on saisit pourquoi les neuroleptiques atypiques ont des propriétés distinctes et des propriétés communes avec les neuroleptiques classiques. De plus, certaines de leurs caractéristiques permettent de les distinguer entre eux (voir plus loin). Nous commencerons par les similitudes entre les cinq neuroleptiques atypiques (clozapine, rispéridone, olanzapine, quétiapine et ziprasidone), ce qui constitue en quelque sorte la règle, ensuite, nous verrons les exceptions, c'est-à-dire les différences qui existent entre eux. 11 existe actuellement, à travers le monde, cinq médicaments considérés comme des neuroleptiques atypiques selon trois critères pharmacologiques et cliniques : (1) ils ont des propriétés antagonistes sérotoninergiques 2A et dopaminergiques D2 , alors que les neuroleptiques classiques sont uniquement antagonistes D2 ; (2) ils induisent moins de SEP que les neuroleptiques classiques ; et (3) ils traitent les symptômes positifs aussi bien qu'eux. D'après certains, la zotépine devrait être rattachée à ce groupe, de même que le sertindole, récemment retiré du marché mais susceptible d'y revenir un jour (voir la partie sur les médicaments du futur).
Antagonisme sérotoninergique et dopaminergique, et contrôle par la sérotonine de la libération de dopamine dans les quatre voies dopaminergiques majeures La sérotonine joue beaucoup sur la dopamine, mais de manière très variable d'une voie dopaminergique à l'autre. Il faut comprendre cette différence de contrôle qu'exerce la sérotonine sur la dopamine pour saisir la différence d'effets entre les neuroleptiques qui ne bloquent que les récepteurs D2 et les antipsychotiques qui bloquent à la fois Tes récepteurs 5HT 2A et D2. Globalement, la sérotonine inhibe la libération de dopamine par les terminaisons axonales au niveau des différentes voies dopaminergiques, mais le degré de contrôle change d'une voie à l'autre.
Interactions sérotonine-dopamine au niveau de la voie nigrostriée La sérotonine inhibe la libération de dopamine, tant au niveau des corps cellulaires que des terminaisons axonales (Fig. 11-17). Les neurones sérotoninergiques de la partie du raphé située dans le tronc cérébral projettent sur les corps cellulaires des neurones à dopamine situés dans la substance noire et sur les ganglions de la base, où les terminaisons axonales sérotoninergiques sont en relation étroite avec les terminaisons axonales dopaminergiques (Fig. 11-17 à 11-20). Dans ces deux aires, la sérotonine interagit avec les récepteurs 5HT2A postsynaptiques des neurones à dopamine, c_equi inhibe la libération de dopamine. Ainsi, au niveau de la voie nigrostriée, la sérotonine exerce-un contrôle puissant (car s'exerçant à deux niveaux) sur la libération de dopamine. En ce qui concerne les projections sérotoninergiques sur les corps cellulaires et des dendrites des neurones dopaminergiques de la substance noire, les terminaisons axonales proviennent du raphé (voir Fig. 11-18 à 11-20). Au niveau des terminaisons axonales, toutefois, les interactions sérotoninergiques avec les neurones dopaminergiques peuvent se faire par l'intermédiaire de synapses axo-axonales, ou même par neurotransmission non synaptique grâce à la diffusion de sérotonine depuis les terminaisons axonales sérotoninergiques (sans synapse) jusqu'aux terminaisons axonales dopaminergiques (voir Fig. 11-18 à 11-20). Dans les deux cas, la sérotonine interagit avec les neurones
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Psychopharmacologie
Interactions 5HT-DA
Substance noire
Frein
rein
Noyau du raphé
FIGURE 11-17. Interaction sérotonine-dopamine au niveau de la voie dopaminergique nigrostriée. La sérotonine inhibe la libération de dopamine, tant au niveau des corps cellulaires de la substance noire dans le tronc cérébral qu'au niveau des terminaisons axonales des ganglions de la base (voir aussi Fig. 11-18 à 11-20). Dans les deux cas, la libération de sérotonine agit comme un « frein » sur la libération de dopamine.
doparninergiques, via les récepteurs 5HT2A. Un gros plan sur l'action inhibitrice de la séro tonine sur la libération de dopamine par les terminaisons axonales dopaminergiques nigrostriées nous est fourni par les Fig. 11-21 et 11-22.
Voie nigrostriée et pharmacologie des symptômes extrapyramidaux « faibles »
I
Fort heureusement, l'action antagoniste 5HT2A inverse l'action antagoniste D2 au niveau de la voie nigrostriée. Puisque la stimulation des récepteurs 5HT2A inhibe la libération de dopamine (voir Fig. 11-22, par exemple), on peut supposer que le contraire est égale- I ment vrai. Autrement dit, le blocage des récepteurs 5HT2A augmente la libération de dopamine (Fig. 11-23 et 11-24). Lorsque la libération de dopamine est augmentée par un neuroleptique atypique via le blocage des récepteurs 5HT2A, la dopamine supplémen-
Neuroleptiques et antipsychotiques
417
dopamine 17' I C> t:"› f:> rD.
Récepteur 5HT2A
Substamo noire
— Sérotonine Récepteur 5HT2A
Neurone sérotoninergique
Raphé
FIGURE 11-18. Régulation de la dopamine par la sérotonine au niveau de la voie dopaminergique nigrostriée, r partie. Sur ce dessin, la dopamine est libérée sans entrave par les terminaisons axonales au niveau du striatum en l'absence de toute inhibition par la sérotonine.
taire va entrer en compétition avec le neuroleptique atypique pour inverser le blocage des récepteurs D2 (voir Fig. 11-24). De cette manière, l'antagonisme 5HT2A inverse l'antagonisme D2 au niveau de la voie nigrostriée. De façon prévisible, ce mécanisme conduit à la réduction, voire à l'absence de SEP et...cle dyskinésies tardives grâce au faible blocage D2 sur cette voie. Les propriétés antagonistes sérotonine-dopamine (ASD) des neuroleptiques atypiques exploitent cette capacité de l'antagonisme 5HT2A de participer à une sorte de « bras de fer » indirect avec l'antagonisme D2, de manière à entraîner la libération de dopamine qui à son tour atténue ou inverse l'antagonisme D2. Mais finalement, qui gagne de l'action antagoniste D2 ou de la stimulation dopaminergique ? Le résultat dépend du médicament utilisé (si c'est un neuroleptique dassique, c'est l'antagonisme D2 qui est vainqueur), de la posologie (l'antagonisme D2 est plus susceptible de gagner à fortes doses), et de la voie concernée (voir plus loin).
418
Psychopharmacologie
Neurone dopaminergique =r—
Récepteur 5HT2A sorotonine
Substance noire
Récepteur 5HT2A
et■
Neurone sérotoninergique
Raphé
FIGURE 11-19. Régulation de la dopamine par la sérotonine au niveau de la voie dopaminergique nigrostriée, 2' partie. La sérotonine désormais est libérée par une connexion synaptique qui s'étend du raphé à la substance noire et se termine au niveau des récepteurs sérotoninergiques 2A (5HT2A) postsynaptiques (cercle rouge du bas). À cause de cette action, la libération de dopamine par les terminaisons axonales est désormais inhibée (cercle rouge du haut). Au niveau de la voie nigrostriée, la tomographie à émission de positons (PET scan) montre que, chez les schizophrènes, les neuroleptiques atypiques se lient à moins de récepteurs D2 au niveau des ganglions de la base que ne le font les neuroleptiques-classiques à efficacité antipsychotique équivalente (Fig. 11-25 et 11-26). Environ 90 p. 100 des récepteurs D2 sont bloqués par une dose antipsychotique d'un neuroleptique classique (voir Fig. 11-25), tandis que moins de 70 à 80 p. 100 le sont avec un neuroleptique atypique (voir Fig. 11-26). Ce taux amène le seuil de blocage D2 en dessous du niveau nécessaire pour induire des SEP chez de nombreux patients. Ainsi, dans ce fameux bras de fer ASD au niveau de la voie nigrostriée, la libération de dopamine devient suffisante pour réduire la liaison antagoniste D2 à un niveau suffisant pour que puisse apparaître l'effet clinique atypique recherché, c'est-à-dire réduire les SEP sans induire de perte d'efficacité antipsychotique. Dans ce cas de bras de fer nigrostrié, c'est donc la libération de dopamine qui l'emporte sur le blocage.
Neuroleptiques et antipsychotiques
Substance noire
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Récepteur 5HT2A
Neurone sérotoninergique
Rap hé
FIGURE 11-20. Régulation de la dopamine par la sérotonine au niveau de la voie dopaminergique nigrostriée, 3' partie. Ici la sérotonine est libérée par les projections synaptiques d'un contact axo-axonal, ou par neurotransmission par diffusion entre les terminaisons axonales sérotoninergiques et les terminaisons axonales dopaminergiques, résultant de l'occupation par la sérotonine des récepteurs de la sérotonine 2A (5HT2A) (cercle rouge du bas). À cause de cette action, la libération de dopamine par les terminaisons axonales est désormais inhibée (cercle rouge du haut).
Voie mésocorticale et pharmacologie anti-symptômes négatifs L'antagonisme sérotoninergique 2A ne fait pas qu'inverser l'antagonisme dopaminergique D2, il provoque aussi une augmentation de l'activité dopaminergique au niveau de la voie mésocorticale où l'équilibre entre sérotonine et dopamine est différent de celui de la voie nigrostriée. Au niveau de cette dernière, les récepteurs D2 prédominent, alors que dans de nombreuses aires corticales il y a plus de récepteurs 5HT2A que de récepteurs D2. Ainsi, au niveau de la voie mésocorticale, les neuroleptiques atypiques avec des propriétés ASD bloquent plus puissamment les récepteurs des régions corticales à forte densité neuronale 5HT2A (augmentant par conséquent la libération de dopamine) qu'ils ne bloquent les
Dopamine Récepteur D2
C.7 CD' .--4eurone DA
Neurone postsynaptique
HT2A Récepteur t■
Voie nigrostriée FIGURE 11-21. Vue agrandie des interactions sérotonine (5HT)-dopamine (DA) dans la voie dopamines_ gigue nigrostriée. La sérotonine, normalement, inhibe la libération de dopamine. Sur ce dessin, la dopamine est libérée parce que la sérotonine ne bloque pas sa libération. Plus particulièrement, il n'y a pas de sérot nine au niveau des récepteurs 5HT2A des neurones dopaminergiques nigrostriés (mais voir Fig. I1-22).
FIGURE 11-22. Maintenant la libération de dopamine (DA) est inhibée par la sérotonine (5HT) au niveau de la voie nigrostriée. Lorsque la 5HT occupe les récepteurs 5HT2A du neurone dopaminergique (cercle rouge le plus bas), elle inhibe la libération de DA de telle sorte qu'il n'y ait plus de DA dans la synapse (cercle rouge le plus haut). Comparez cela avec la Fig. 11-21. 420
Neuroleptiques et antipsychotiques
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Récepteur D2
Récepteur 5HT
ASD
Voie nigrostriée FIGURE 11-23. Ici les récepteurs de la dopamine 2 postsynaptiques sont bloqués par un neuroleptique atypique antagoniste de la sérotonine et de la dopamine (ASD) au niveau de la voie nigrostriée. Ce dessin
représente ce qui se passe lorsqu'un neuroleptique atypique ne bloque que les récepteurs D2 postsynaptiques. Voir toutefois la Fig. 11-24.
récepteurs des faibles populations de neurones D2. Il s'ensuit dans cette partie du cerveau un phénomène extensif de liaison antagoniste 5HT2A et de libération de dopamine, mais sans antagonisme D2 marqué. Et quel est le résultat ? Une fois de plus, la libération de dopamine gagne contre le blocage de dopamine dans ce bras de fer mésocortical. Théoriquement, la libération de dopamine dans cette partie de l'encéphale devrait améliorer les symptômes négatifs de la schizophrénie, et effectivement les essais cliniques montrent que les neuroleptiques atypiques les améliorent mieux que ne le font le placebo et Ies neuroleptiques classiques. Il faut garder en mémoire que le déficit en dopamine dans la voie mésocorticale serait une des causes des symptômes négatifs de la schizophrénie (Fig. 11-27). Ainsi, la nature de l'antagonisme sérotonine-dopamine dans la voie mésocorticale a permis aux neuroleptiques atypiques de résoudre le dilemme d'augmenter la dopamine mésocorticale déficitaire pour traiter les symptômes négatifs, tout en réduisant simultanément l'hyperactivité dopaminergique mésolimbique pour traiter les symptômes positifs. La tomographie à émission de positons rév.e.le que, comme on pouvait s'y attendre, en raison de leur manque de telles propriétés de fixation, les neuroleptiques classiques prescrits à dose antipsychotique ne bloquent pas les récepteurs 5HT2A corticaux (Fig. 11-28). En revanche, les neuroleptiques atypiques prescrits à dose antipsychotique induisent un blocage presque complet de ces mêmes récepteurs (Fig. 11-29). Là où les récepteurs 5HT2A sont bloqués, la dopamine est libérée (voir Fig. 11-27), ce qui explique, en partie, pourquoi les neuroleptiques atypiques améliorent mieux les symptômes négatifs que ne le font les neuroleptiques classiques. De toute évidence, d'autres mécanismes neurochimiques entrent en jeu dans la physiopathologie des symptômes négatifs, mais la sérotonine et la dopamine y contribuent pour beaucoup, comme c'est le cas au niveau de la voie mésolimbique.
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Psychopharmacologie
4e
Voie nigrostriée FIGURE 11-24. Cette figure illustre la façon dont le blocage des récepteurs de la dopamine 2 (D2) est inversé par le blocage des récepteurs de la sérotonine 2A au niveau de la voie nigrostriée. Par contraste vis-à-vis de la Fig. 11-23, elle montre la double action des antagonistes sérotonine-dopamine (ASD). Seule la première action a été représentée dans la Fig. 11-23, c'est-à-dire le blocage des récepteurs D2. La seconde action, la liaison aux récepteurs de la sérotonine 2A (5HT2A) est représentée ici. Il est intéressant de noter que la seconde action s'oppose à la première. En effet, le blocage des récepteurs 5HT2A inverse celui des récepteurs D2. Cela se produit car la dopamine est libérée lorsque l'effet inhibiteur de la sérotonine disparaît. On parle de désinhibition. Ainsi, le blocage des récepteurs 5HT2A désinhibe le neurone dopaminergique, permettant à ce dernier de déverser sa dopamine. Une conséquence de cette désinhibition est la possibilité pour la dopamine d'entrer en compétition avec l'ASD au niveau des récepteurs D2 et d'inverser l'inhibition qu'il provoque. C'est pourquoi les bloqueurs 5HT2A s'opposent aux bloqueurs D2 dans le striatum. Parce que l'ASD s'oppose au blocage D2, il entraîne peu ou pas de symptômes extrapyramidaux ou de dyskinésies tardives.
Voie tubéro-infundibulaire et pharmacologie anti-hyperprolactinémie L'antagonisme 5HT2A est capable d'inverser l'antagonisme D2 au niveau de la voie tubéroinfundibulaire. Il existe une relation antagoniste et réciproque entre sérotonine et dopamine dans le contrôle de la sécrétion de prolactine par les cellules hypophysaires. En effet, la dopa. mine inhibe la libération de prolactine en stimulant les récepteurs D2 (Fig. 11-30), tandis que la sérotonine l'augmente grâce à la stimulation des récepteurs 5HT2A (Fig. 11-31). Ainsi, lorsque les récepteurs D2 sont bloqués par un netrro-leptique classique, la dopamine ne peut plus inhiber la libération de prolactine, ce qui entraîne l'aiigmentation de son taux (Fig. 11-32). En revanche, dans le cas d'un neuroleptique atypique, il se produit de manière égaie et simultanée une inhibition des récepteurs 5HT2A, de telle sorte que la sérotonine ne peut plus stimuler la sécrétion de prolactine (Fig. 11-33). Ce phénomène atténue donc l'hyperprolactinémie due au blocage D2. Bien que ces considérations soient intéressantes d'un point de vue pharmacologique théorique, en pratique on s'aperçoit que tous les antagonistes sérotonine-dopamine ne réduisent pas la sécrétion de prolactine avec la même intensité, certains d'ailleurs ne la diminuant pas du tout.
Neuroleptiques et antipsychotiques
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Neuroleptique classique FIGURE 11-25. Voici une représentation artistique de la liaison d'un neuroleptique classique aux récepteurs D2 de la voie nigrostriée. Les études de marquage et d'autoradiographie chez l'animal, ainsi que les
études de tomographie à émission de positons (PET scan) chez les schizophrènes ont montré que les neuroleptiques classiques, aux doses antipsychotiques, saturent les capacités de fixation de ces récepteurs. Les couleurs vives indiquent une fixation aux récepteurs D2 et montrent qu'environ 90 p. 100 des récepteurs de la dopamine sont bloqués par les doses antipsychotiques des neuroleptiques classiques, ce qui explique la survenue de symptômes extrapyramidaux (SEP).
oie mésolimbique et pharmacologie destinée à améliorer les symptômes positifs Fort heureusement, l'antagonisme 5HT2A n'inverse pas l'antagonisme D2 au niveau du système mésolimbique. Pourquoi ? Pourquoi en effet l'antagonisme 5HT2A — qui pourtant inverse, au moins en partie, les effets du blocage D2 dans plusieurs voies dopaminergiques — n'inverset-il pas l'effet antipsychotique du blocage D2 au niveau de la voie mésolimbique ? Manifestement, l'action antagoniste de la sérotonine sur les effets de la dopamine mésolimbique n'est pas suffisante, et n'est pas capable de renverser les effets des neuroleptiques atypiques sur les récepteurs D2, ni d'atténuer leur action sur les symptômes psychotiques positifs.
Résumé de l'action des neuroleptiques atypiques en tant que classe En résumé, dans le cas des neuroleptiques classiques, le blocage de la dopamine remporte un bras de fer au niveau de chaque voie dopaminergique, permettant un effet antipsychotique sur les symptômes positifs, au prix d'une aggravation (ou au moins d'une absence d'amélioration) au niveau des symptômes négatifs et de l'apparition de SEP, de dyskinésies tardives et d'hyperprolactinémie. À l'inverse, les neuroleptiques atypiques permettent « d'avoir le beurre et l'argent du beurre » dans le sens où le blocage de la dopamine remporte la bataille de la libération de dopamine là où précisément elle doit gagner afin de traiter les symptômes
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Psychopharmacologie
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Antagoniste sérotonine-dopamine FIGURE 11-26. Voici une représentation artistique de la liaison d'un neuroleptique atypique aux récep. teurs D2 de la voie nigrostriée. Bien que ce patient bénéficie d'un effet antipsychotique équivalent à celui du patient de l'image précédente (voir Fig. 11-25), la fixation du médicament aux récepteurs D2 du striatum est moins intense, l'indice colorimétrique indiquant que 70 à 80 p. 100 environ des récepteurs sont bloqués. Cette réduction est suffisante pour amener le patient en dessous du seuil d'apparition des SEP. Ce patient a donc le bénéfice du médicament antipsychotique, sans subir de SEP. On peut supposer que le blocage (non représenté) des récepteurs D2 au niveau de la voie mésolimbique, cible pour la diminution des symptômes positifs de la psychose, est équivalent pour les deux patients des Fig. 11-25 et 11-26, en raison d'une amélioration comparable de leur pathologie.
positifs destructeurs (c'est-à-dire au niveau de la voie mésolimbique). Pourtant, l'inverse se produit simultanément au niveau mésocortical sous l'action des neuroleptiques atypiques, car à ce niveau, la dopamine remporte une victoire sur le blocage de la dopamine, ce qui améliore les symptômes négatifs contrairement aux neuroleptiques classiques qui eux les aggravent. La cerise sur le gâteau, c'est que lors de l'administration de neuroleptiques atypiques, la sécrétion de dopamine gagne le bras de fer sur le blocage de la dopamine au niveau des voies nigrostriée et tubéro-infundibulaire, et ceci suffisammem pour réduire les SEP et l'hyperprolactinémie. Les effets indésirables des neuroleptiques atypiques sont donc largement moindres que ceux qui sont induits par les neuroleptiques classiques. Cet enchaînement d'événements heureux semble reposer largement sur les différences existant entre les antagonismes sérotoninergiques et dopaminergiques de différentes régions cérébrales, de telle sorte que le blocage simultané des récepteurs D2 et 5HT2A par le même médicament provoque presque des effets opposés chez le même sujet et au même moment ! Bien que de toute évidence d'autres facteurs interviennent en plus de cette explication très simpliste, il s'agit d'un bon point de départ pour saisir l'action pharmacologique des neuroleptiques atypiques en tant que classe médicamenteuse.
Neuroleptiques et antipsychotiques
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Voie mésocorticale Déficit primaire en dopamine
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Libération de dopamine
Déficit secondaire en dopamine
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FIGURE 11-27. La voie dopaminergique mésocorticale intervient dans le déficit des fonctions cognitives et l'apparition des symptômes négatifs de la schizophrénie, sous forme d'un déficit relatif en dopamine, d'origine primaire, ou secondaire à des causes variées, dont un excès en sérotonine. Dans tous les cas, le blocage des récepteurs 5HT2A par un neuroleptique atypique devrait conduire à une libération de dopa.ninc qui compenserait le déficit et améliorerait les symptômes négatifs et cognitifs.
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Neuroleptiques atypiques : plusieurs produits uniques ou une seule classe de plusieurs produits ?
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L'antagonisme sérotonine-dopamine est un concept clé pour expliquer l'action clinique aty- pique de plusieurs neuroleptiques atypiques, mais il ne constitue pas une explication suffisante de toutes les propriétés de ces médicaments uniques. Certains antagonistes sérotoninedopamine sont dépourvus des caractéristiques des cinq fameux neuroleptiques atypiques - mentionnés plus haut (la loxapine, par exemple, qui est un antagoniste sérotonine-dopamine mais qui est considéré comme neuroleptique, particulièrement à fortes doses). Par ailleurs, d'autres médicaments (amisulpride, par exemple) qui induisent peu de SEP ne sont pas forcément des antagonistes sérotonine-dopamine. En outre, certains antagonistes sérotoninedopamine perdent à forte dose leurs propriétés atypiques (la rispéridone, par exemple). II faut donc tenir compte d'autres facteurs cliniques et pharmacologiques pour arriver à avoir une vue d'ensemble sur les neuroleptiques actuellement considérés comme atypiques. Nous allons maintenant étudier cinq produits, au sein d'une liste toujours croissante de neuroleptiques atypiques : clozapine, rispéridone, olanzapine, quétiapine (NdT : non disponible en
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Psychopharmacologie
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Neuroleptique classique FIGURE 11-28. Voici une représentation artistique de la liaison d'un neuroleptique classique aux récepteurs de la sérotonine 2A (5HT2A) du cortex cérébral, incluant les projections dopaminergiques nuésocorticales et le cortex préfrontal dorsolatéral. Les études de marquage et d'autoradiographie chez l'animal, ainsi que les études de tomographie à émission de positons (PET scan) chez les schizophrènes ont montré que les neuroleptiques classiques, aux doses antipsychotiques, ne se fixent à aucun de ces récepteurs. Les couleurs vives indiquent une fixation aux récepteurs 5HT2A, et le fait qu'aucun récepteur ne « s'allume » confirme l'absence de fixation des neuroleptiques classiques aux récepteurs 5HT2A. Là où les récepteurs 5HT2A corticaux sont bloqués, la dopamine est libérée. Ce patient reçoit un neuroleptique classique à des doses andpsychotiques qui reste sans effet sur les récepteurs 5HT2A corticaux. Voyez le contraste avec la Fig. 11-29.
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France) et ziprasidone (NdT : non disponible en France). Plusieurs autres candidats seront également évoqués dans les paragraphes suivants. En plus de la définition limitée du neuroleptique atypique, c'est-à-dire d'une substance douée de propriétés antagonistes 5HT2A et D2 associées à une faible incidence de SEP, les cinq médicaments actuellement agréés ont d'autres caractéristiques pharmacologiques. De toute manière, il n'existe pas deux substances ayant exactement les mêmes propriétés, car elles agissent au niveau de plusieurs sous-types de récepteurs sérotoninergiques et dopaminergiques (par exemple, Dl, D3 et D4 ainsi que 5HT1A, 5HT1D, 5HT2C, 5113, 5HT6 et 5HT7) en plus de leurs effets ASD (voir Fig. 11-33), et ceci sans compter leur action -sur plusieurs autres systèmes (comme les récepteurs noradrénergiques alpha 1 et alpha 2 , cholinergiques muscariniques et histaminergiques 1, ainsi que la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline) (Fig. 11-34). Non seulement les neuroleptiques atypiques ont de multiples effets pharmacologiques en 1 plus de leurs propriétés ASD, mais ils ont aussi des caractéristiques cliniques positives et négatives au-delà de la définition stricte concernant les effets extrapyramidaux limités et l'action sur les symptômes positifs de la psychose. Les caractéristiques positives compren. vent la capacité à améliorer les symptômes négatifs de la schizophrénie mieux que ne le font les neuroleptiques classiques ; la capacité à n'augmenter que faiblement ou pas du tout les
Antagoniste sérotonine-dopamine FIGURE 11-29. Voici une représentation artistique de la liaison des neuroleptiques atypiques aux récepteurs de la sérotonine 2A (5HT2A) du cortex cérébral, incluant les projections dopaminergiques mésocorticales et le cortex préfrontal dorsolatéral. Les études de marquage et d'autoradiographie chez l'animal, ainsi que les études de tomographie à émission de positons (PET scan) chez les schizophrènes ont montré que les récepteurs 5HT2A corticaux sont saturés par les doses antipsychotiques des neuroleptiques atypiques. La dopamine est vraisemblablement libérée au niveau des sites où il y a un marquage des récepteurs 5HT2A, ce qui conduirait à l'amélioration des fonctions cognitives et des symptômes négatifs par un mécanisme impossible à mettre en oeuvre avec les neuroleptiques classiques (voir Fig. 11-28).
Récepteur 5HT2A
Cellule galactophore hypophysaire Prolactine
Récepteur D2
V
Dopamine
FIGURE 11-30. La dopamine inhibe la libération de prolactine par les cellules galactophores de l'épiphyse (cercle rouge). 427
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Psychopharmacologie
Sérotonine Récepteur 5HT2A
FIGURE 11-31. La sérotonine stimule la libération de prolactine par les cellules galactophores de l'épi physe (cercle rouge). La sérotonine et la dopamine ont donc une action régulatrice réciproque sur la sécrétion de prolactine, qui les oppose l'une à l'autre.
ellule galactophore hypophysaire
Prolactine 0
Antago .t D2 FIGURE 11-32. Les neuroleptiques classiques sont des antagonistes D2 qui s'opposent donc à 1' actio inhibitrice de la dopamine sur la sécrétion de la prolactine par l'épiphyse. Par conséquent, les médicam qui bloquent les récepteurs D2 augmentent les taux de prolactine (cercle rouge). taux de prolactine ; la capacité à améliorer les symptômes positifs chez les schizophrènes résistants à un traitement conventionnel ; et la capacité à améliorer l'humeur et à réduire le risque suicidaire non seulement chez les schizophrènes, mais aussi chez les bipolaires pendant les phases maniaques, mixtes ou dépressives de leur maladie. Parmi les caractéristiques cliniques négatives, on compte la prise de poids, la sédation, les crises comitiales ou l'agranulocytose.
Récepteur 5HT2A Cellule galactophore h pophysaire Prolacti ne
Récepteur D2
FIGURE 11-33. Voici la façon dont les antagonistes de la sérotonine 2A (5HT2A) s'opposent à la capacité des antagonistes de la dopamine 2 (D2) à augmenter les taux de prolactine. Comme la sérotonine et la dopamine ont une action régulatrice réciproque dans le contrôle de la sécrétion de prolactine, l'action de l'une annule l'action de l'autre. Ainsi, en stimulant les récepteurs 5HT2A, on s'oppose aux effets de la stimulation des récepteurs D2 (voir Fig. 11-30 et 11-31). Tout cela marche également dans l'autre sens : le blocage des récepteurs 5HT2A (représenté ici) inhibe les effets du blocage des récepteurs D2 (représenté par la Fig. 11-32).
FIGURE 11-34. Au-delà du concept d'ASD. Les neuroleptiques atypiques ne sont pas simplement des antagonistes de la sérotonine et de la dopamine (ASD). Pour tout dire, ils possèdent un des mélanges de proprié-
tés psychopharmacologiques les plus complexes qui soit. Voici leur icône et toutes leurs propriétés. Au-delà de l'antagonisme des récepteurs de la sérotonine 2A et de la dopamine 2, certains produits de cette classe interagissent avec une multitude de sous-types de récepteurs de la dopamine et de la sérotonine, en particulier 5HTIA, 5HTID, 5HT2C, 5HT3, 5HT6, 5HT7, Dl, D3 et D4. D'autres systèmes de neurotransmission sont également impliqués, comme le blocage de la recapture à la fois de la noradrénaline et de la sérotonine, le blocage des récepteurs muscariniques, histaminiques, adrénergiques alpha 1 et alpha 2. Il n'existe pas Jeux neuroleptiques atypiques qui possèdent les mêmes propriétés de liaison, ce qui est un argument pour pliquer leurs effets cliniques différents.
ex
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Psychopharmacologie Un seul mécanisme sélectif = absence d'effet indésirable
ASD halopéridol
Mécanismes multiples = effets indésirables
quétiapine olanzapine < chlorpromazine
Worii
rispéridone
clozapine
Mécanismes érapeutiques multiples plus grande efficacité
etio
Un antipsychotique possédant de multiples mécanismes thérapeutiques est-il meilleur qu'un antagoniste sélectif D2 ? FIGURE 11-35. Les antipsychotiques doués de multiples mécanismes thérapeutiques sont-ils meilleurs que
les antagonistes sélectifs 132 ou les antagonistes sélectifs sérotonine + dopamine (ASD) ? Les phénothiazines ont été les premiers neuroleptiques ; elles sont douées de l'antagonisme (souhaité) des récepteurs D2, alors que leurs autres propriétés sont indésirables et à l'origine d'effets secondaires (partie gauche du spectre). Ensuite, lorsque des antagonistes D2 puissants ayant moins de propriétés pharmacologiques secondaires, comme l'halopéridol, furent découverts, on vit là un progrès (partie centrale du spectre). À cette époque, on considérait que les produits de choix devaient être très sélectifs et n'avoir qu'une action primaire, c'est-à-dire être antagonistes D2. Par la suite, à l'ère des ASD s'est développé le concept qu'un minimum d'effet antagoniste 5HT2A devait être associé à l'effet antagoniste D2 afin d'obtenir une plus grande efficacité et une meilleure tolérance. Les médicaments ayant de telles propriétés sont des neuroleptiques atypiques. Si l'on pousse les choses un peu plus loin, on arrive à l'idée qu'une efficacité encore plus grande pourra être obtenue avec un mélange supplémentaire de propriétés pharmacologiques, surtout dans le traitement des schizophrénies résistantes au traitement ou pour la prise en charge d'autres dimensions symptomatiques de la schizophrénie, au-delà des symptômes positifs et négatifs, comme les troubles de l'humeur et des fonctions cognitives. D'après les grandes études cliniques, chaque neuroleptique atypique majeur est différent d'un autre en termes de propriétés diniques positives ou négatives. En outre, chaque patient peut répondre très différemment par rapport à la médiane des réponses obtenues par un groupe de malades lors des essais cliniques, tout comme il peut répondre de façon très variable d'un produit à l'autre. Par conséquent, en pratique, les médicaments ayant obtenu une autorisation de mise sur le marché appartenant à la classe des neuroleptiques atypiques peuvent être appréciés tout autant en fonction de leurs différences que de leurs points communs. Bien que l'on ne sache pas encore pourquoi ils diffère-nt les uns des autres, la réponse réside certainement ailleurs que dans l'antagonisme 5HT2A et D2, c'est-à-dire qu'on doit pouvoir la trouver dans les propriétés pharmacologiques qu'ils ne partagent pas. Certes, on ne connaît pas encore toutes leurs propriétés, mais un certain nombre a déjà été mis au jour ; elles sont représentées dans la Fig. 11-34 et sont reprises dans Ies paragraphes consacrés à chacun des produits, plus loin dans ce chapitre). Parmi les 17 caractéristiques pharmacologiques énumérées dans ce dessin, certaines sont indubitablement responsables d'effets indésirables, tandis que d'autres sont à l'origine des effets thérapeutiques. Une question se pose alors : est-ce qu'un neuroleptique atypique possédant de multiples mécanismes thérapeutiques est meilleur qu'un autre qui n'en a qu'un petit nombre (Fig. 11-35) ? Le sujet d'une
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possible synergie d'action de multiples mécanismes pharmacologiques a déjà été traité en détail dans le Chapitre 7 au sujet des antidépresseurs (voir Fig. 7-3). C'est d'ailleurs ce concept de synergie qui étaye le principe de l'association de médicaments doués de propriétés thérapeutiques différentes pour des patients qui ne répondent pas à des antidépresseurs prescrits initialement en monothérapie (voir Chapitre 7). Est-ce qu'un tel raisonnement peut expliquer pourquoi un schizophrène va parfois répondre mieux à un neuroleptique atypique qui possède toute une batterie de mécanismes pharmacologiques spécifiques, qu'à un autre neuroleptique atypique doté d'une autre combinaison de mécanismes ? La comparaison produit par produit ne fait que commencer. Elle permettra d'obtenir les bases d'un choix au sein de cette classe de médicaments, tandis que la supériorité des neuroleptiques atypiques sur les neuroleptiques classiques semble désormais établie. À l'heure actuelle, le meilleur neuroleptique atypique pour un patient donné est souvent découvert par tâtonnements. Parce que les différences entre les médicaments de cette classe peuvent être importantes, un petit paragraphe sera consacré à chacun des cinq produits actuellement utilisés dans la pratique clinique. D'autres produits spécifiques seront passés en revue à la fin de ce chapitre.
clozapine On considère que la clozapine est le prototype des neuroleptiques atypiques parce qu'elle a été le premier produit entraînant un faible nombre d'effets indésirables extrapyramidaux, pas de dyskinésies tardives et pas d'hyperprolactinémie. C'est l'un des cinq neuroleptiques atypiques partageant une certaine parenté chimique (Fig. 11-36). Bien qu'étant certainement un antagoniste 5HT2A-D2, la clozapine a un des profils pharmacologiques les plus comple-
FIGURE 11-36. Formules de la structure de la clozapine et de quatre autres antipsychotiques : olanzapine, quétiapine, loxapine et zotépine. Il est intéressant de noter que ce sont tous des ASD, mais que tous ne sont pas des neuroleptiques atypiques (la loxapine est un neuroleptique classique, et la zotépine n'a pas encore été vraiment classée). Ainsi, parmi les produits qui sont dairement atypiques (clozapine, olanzapine et quétiapine), les propriétés cliniques et pharmacologiques peuvent beaucoup varier de l'un à l'autre.
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FIGURE 11-37. Icône de la clozapine. Les principales propriétés de liaison figurent ici. La clozapine a certainement l'un des « panels » de fixation les plus complexes de toute la psychopharmacologie. Ces propriétés varient beaucoup selon les techniques d'études et les espèces, ainsi que d'un laboratoire à l'autre. Cette icône regroupe les propriétés de la clozapine pour lesquelles il existe un consensus actuel, en sachant que les connaissances sur ce produit sont constamment revues et corrigées.
xes de la psychopharmacologie. Il est le seul dans son genre parmi les neuroleptiques atypiques (Fig. 11-37). La clozapine est un neuroleptique atypique particulièrement efficace lorsque les neuroleptiques classiques ont échoué. Bien que certains patients puissent quelquefois obtenir un « éveil » (au sens que lui donne Oliver Sachs) — caractérisé par un retour à un niveau de fonctionnement cognitif, interpersonnel et professionnel presque normal et pas simplement une amélioration des symptômes positifs — ce phénomène hélas reste bien rare. Le fait que cela puisse se produire apporte néanmoins l'espoir qu'un état de bien-être puisse être obtenu dans la schizophrénie grâce à une bonne combinaison de mécanismes pharmacologiques. De tels éveils ont été observés en de rares occasions avec d'autres neuroleptiques atypiques, mais jamais sous neuroleptiques classiques. La clozapine est le seul antipsychotique à faire peser un risque vital à cause d'une agranulocytose survenant dans 0,5 à 2 p. 100 des cas. Cette menace impose la surveillance de la numération formule sanguine chaque semaine pendant les 18 premières semaines, puis tous les mois par la suite (NdT : ce rythme de surveillance est légèrement différent de celui des ÉtatsUnis où il faut réaliser une NFS toutes les semaines pendant 6 mois, puis toutes les deux semaines ensuite), aussi longtemps que le traitement est maintenu. La clozapine amène aussi un risque de crises épileptiques, surtout à fortes doses. Elle peut être très sédative, et c'est l'antipsychotique qui entraîne les plus fortes prises de poids. La clozapine semble donc être le neuroleptique atypique le plus efficace, mais aussi celui qui a le plus d'effets indésirables.
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Les pharmacologues ont essayé de définir ce qui pour la clozapine participe à son efficacité spéciale et ce qui est à l'origine de ses effets indésirables. Comme nous l'avons déjà largement vu, les propriétés ASD entrent en ligne de compte dans la réduction des SEP, des dyskinésies tardives et peut-être dans l'absence d'augmentation de la prolactine. L'amélioration des symptômes négatifs procéderait aussi des propriétés ASD. Toutefois, le concept d'ASD n'explique pas l'action thérapeutique supérieure de la dozapine dans les cas de résistance au traitement, par rapport aux autres produits qui partagent cette caractéristique. Les propriétés ASD n'expliquent pas non plus la prise de poids sous clozapine, ni la sédation, ni les crises comitiales, ni enfin l'agranulocytose. Le mécanisme de cette dernière demeure inconnu, mais heureusement aucun autre neuroleptique atypique ne semble partager cette caractéristique. On ne comprend pas bien non plus les crises d'épilepsie, qui d'ailleurs ne posent pas de problème majeur avec les autres produits atypiques. La prise de poids, plus marquée avec la clozapine qu'avec les autres neuroleptiques atypiques, semble être due au blocage des récepteurs histaminergiques, phénomène éventuellement aggravé par l'effet antagoniste 5HT2C concomitant. La sédation serait secondaire aux effets antihistaminiques et anticholinergiques. En raison du rapport bénéfice-risque, la clozapine n'est généralement pas utilisée comme médicament de première intention, mais uniquement après que plusieurs autres produits ont échoué. Elle est particulièrement utile pour réduire la violence et l'agressivité de certains patients difficiles, pour diminuer le risque de suicide dans la schizophrénie, et pour atténuer la sévérité des dyskinésies tardives, surtout lors de traitements au long cours.
Rispéridone La rispéridone a une structure chimique différente (Fig. 11-38) et est douée d'un profil pharmacologique considérablement plus simple que celui de la clozapine (Fig. 11-39). Elle est surtout atypique à faibles doses, mais peut devenir plus « conventionnelle » à fortes doses, lesquelles peuvent induire des SEP. Elle est utilisée dans certaines conditions préférentielles : à doses modérées dans la schizophrénie et dans certaines situations où l'on utilisait autrefois de faibles doses de neuroleptiques classiques, par exemple chez les sujets âgés psychotiques,
OLTRE 11-38. Formule de la structure de la rispéridone.
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FIGURE 11-39. Icône de la rispéridone regroupant les propriétés de liaison pour lesquelles il y a actuellement un consensus. Parmi les neuroleptiques atypiques, elle a l'un des profils pharmacologiques les plus simples, presque purement ASD. Comme c'est le cas des autres neuroleptiques atypiques dont il est question dans ce chapitre, les propriétés de liaison varient beaucoup selon les techniques d'études et les espèces, ainsi que d'un laboratoire à l'autre, et les connaissances sur ce produit sont constamment revues et corrigées. dans l'agitation et les troubles du comportement dans la démence (voir aussi Chapitre 12), et chez les enfants et Ies adolescents souffrant de psychose (NdT : cette mention ne correspond pas à une indication officielle et validée en France). Bien que la rispéridone soit un ASD, elle augmente — même à faibles doses et pour des raisons peu claires — les taux de prolactine, tout autant que les neuroleptiques classiques. De nombreuses études ont montré que la rispéridone est un médicament très efficace contre les symptômes positifs de la schizophrénie et qu'elle réduit les symptômes négatifs, bien mieux que les neuroleptiques classiques. De récentes études montrent qu'il y a une très faible incidence de dyskinésies tardives lors d'une utilisation prolongée, et que la rispéridone peut améliorer certains patients qui n'ont pas répondu aux neuroleptiques classiques (sans égaler la clozapine, semble-t-il). Des études en cours suggèrent une capacité à améliorer les fonctions cognitives non seulement dans la schizophrénie, mais aussi dans les démences comme la maladie d'Alzheimer. Elle améliorerait l'humeur chez les schizophrènes, et lors des phases maniaques et dépressives du trouble bipolaire. La prise de poids est moindre qu'avec les autres neuroleptiques atypiques (peut-être parce qu'elle ne bloque pas les récepteurs histaminergiques 1) encore que cette éventualité puisse poser un réel problème chez certains patients.
Olanzapine Bien que la structure chimique de l'olanzapine soit proche de celle de la clozapine. Fig. 11-36), elle est plus puissante que celle-ci et possède plusieurs caractéristiques pliai _
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cologiques (Fig. 11-40) et cliniques qui la différencient de la clozapine (voir Fig. 11-37) et de la rispéridone (voir Fig. 11-39). Elle est atypique dans le sens où elle ne provoque pas de SEP, à faibles comme à fortes doses. La tendance actuelle est donc de l'utiliser dans les cas les plus sévères de schizophrénie, de trouble bipolaire et des autres types de psychoses, lorsqu'on recherche un bon contrôle des troubles psychotiques sans déclencher de SEP. Mais il faut admettre qu'il s'agit là d'une approche onéreuse. L'olanzapine est loin d'être aussi sédative que la clozapine, bien qu'elle puisse l'être quelque peu. Elle entraîne une prise de poids, sans doute à cause de ses propriétés antihistaminiques et antagonistes 5HT2C (voir Fig. 11-40). Elle n'augmente que rarement les taux de prolactine. De récentes études montrent une faible incidence de dyskinésies tardives lors d'une utilisation au long cours, et une amélioration chez certains patients qui n'ont pas répondu aux neuroleptiques classiques (sans probablement égaler la clozapine). De nombreuses études ont montré que l'olanzapine est très efficace sur les symptômes positifs de la schizophrénie et qu'elle améliore les symptômes négatifs plus que les neuroleptiques classiques. Des études en cours semblent montrer qu'elle améliore aussi l'humeur dans la schizophrénie, ainsi que dans les phases maniaques ou dépressives du trouble bipolaire, faisant penser qu'elle pourrait être le traitement de première intention du trouble bipolaire, comme nous l'avons évoqué déjà dans le Chapitre 7. D'après certaines études, elle améliorerait les fonctions cognitives dans la schizophrénie et les démences.
Quétiapine La quétiapine (NdT non encore commercialisée en France) a aussi une structure proche de celle de la clozapine (voir Fig. 11-36), mais elle en diffère pharmacologiquement (Fig. 11-41) et cliniquement (voir Fig. 11-37) comme de la rispéridone (voir Fig. 11-39) et de l'olanzapine (voir Fig. 11-40). Elle est très atypique dans le sens où elle n'induit pratiquement aucun SEP ni d'augmentation de prolactine, quelle que soit la dose. Il s'agit donc du neuroleptique atypique préférentiel dans le traitement de la maladie de Parkinson et des psychoses. Elle est également utile dans le traitement de la schizophrénie, du trouble bipolaire, et d'autres types de psychoses, où elle provoque peu de symptômes extrapyramidaux. Du fait qu'elle bloque les récepteurs histaminergiques 1, la quétiapine peut entraîner une prise de poids. Elle inhibe, de façon spécifique à certaines espèces, la biosynthèse du cholestérol dans le cristallin de certains animaux chez lesquels elle provoque une cataracte. Cela n'a pas été démontré pour l'homme. Certains patients sont améliorés par la quétiapine quand les neuroleptiques classiques ont échoué, mais ce phénomène ne serait pas aussi marqué qu'avec la clozapine. Il a été démontré qu'elle est très efficace sur les symptômes positifs, et qu'elle améliore Ies symptômes négatifs de la schizophrénie. Des études en cours sont sur le point de montrer que la quétiapine améliore l'humeur dans la schizophrénie comme dans les phases maniaques et dépressives du trouble bipolaire. Il semblerait également qu'elle puisse améliorer les fonctions cognitives dans la schizophrénie et les démences.
.:iprasidone La ziprasidone (NdT non encore commercialisée en France) a une structure chimique inédite (Fig. 11-42) et un profil pharmacologique très différent de celui des autres neuroleptiques atypiques (Fig. 11-43). On la dit atypique car, comme les autres produits de cette classe, elle induit peu de SEP et augmente plus ou moins la prolactine. Son originalité
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Psychopharmacologie
FIGURE 11-40. Icône de l'olanzapine regroupant les propriétés de liaison pour lesquelles il existe actuellement un consensus. Elle a un profil pharmacologique complexe, mais différent de celui de la clozapine. Comme c'est le cas des autres neuroleptiques atypiques dont il est question dans ce chapitre, les propriétés de liaison varient beaucoup selon les techniques d'études et les espèces, ainsi que d'un laboratoire à l'autre, et les connaissances sur ce produit sont constamment revues et corrigées. majeure au sein de la classe est qu'elle n'a tendance à entraîner qu'une faible prise de poids, voire pas du tout, peut-être en raison de l'absence de propriétés antihistaminiques, et malgré un effet antagoniste 5HT2C. La ziprasidone est le seul neuroleptique atypique antagoniste 5HT1D, agoniste 5HT1A et inhibiteur de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline. Ces dernières caractéristiques pourraient en faire un produit pro-sérotoninergique et pro-noradrénergique, ce qui contribuerait à l'absence d'induction de prise de poids, et en ferait attendre des effets antidépresseurs et anxiolytiques. Des études en cours cherchent à déterminer si les propriétés antidépressives théoriques de la ziprasidone sont supérieures à celles des autres neuroleptiques atypiques. La ziprasidone peut améliorer les patients résistant aux neuroleptiques classiques, mais peut-être pas autant que la clozapine. Certaines études ont- démontré une grande efficacité sur les symptômes positifs de la schizophrénie, mais aussi sue les symptômes négatifs. D'après certaines études, la ziprasidone améliorerait les fonctions cognitives dans la schizophrénie et les démences.
Considérations pharrnaeoeinétiques sur les neuroleptiques atypiques De nombreux principes généraux de pharmacocinétique ont été présentés dans le Chapitre 6 consacré aux antidépresseurs (voir aussi Fig. 6-8 à 6-20). Ici, nous allons envisager certaines questions pharmacocinétiques spécifiques relatives aux médicaments antipsychotiques.
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FIGURE 11-41. Icône de la quétiapine regroupant les propriétés de liaison pour lesquelles il y a actuellement un consensus. Elle a un profil pharmacologique unique, différent de celui de tous les autres neuroleptiques atypiques. Comme c'est le cas des autres neuroleptiques atypiques dont il est question dans ce chapitre, les propriétés de liaison varient beaucoup selon les techniques d'études et les espèces, ainsi que d'un laboratoire à l'autre, et les connaissances sur ce produit sont constamment revues et corrigées.
FIGURE 11-42. Formule de la structure de la ziprasidone.
Cytochrome P450 1A2 L'enzyme essentielle de métabolisation des médicaments est le cytochrome P450 (CYP450) 1A2. Deux neuroleptiques atypiques sont des substrats du P450 1A2.11 s'agit de l'olanzapine et
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FIGURE 11-43. Icône de la ziprasidone regroupant les propriétés de liaison pour lesquelles il y a actuellement un consensus. C'est le seul neuroleptique atypique à être antagoniste 5HT1D et qui bloque la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline. Comme c'est le cas des autres neuroleptiques atypiques dont il est question dans ce chapitre, les propriétés de liaison varient beaucoup selon les techniques d'études et les espèces, ainsi que d'un laboratoire à l'autre, et les connaissances sur ce produit sont constamment revues et corrigées. de la clozapine. De ce fait, lorsqu'elles sont administrées en même temps qu'un inhibiteur de l'enzyme, la fluvoxamine par exemple, leurs taux plasmatiques vont augmenter (Fig. 11-44), Bien que ce phénomène n'ait pas d'incidence clinique majeure pour l'olanzapine (légère augmentation de la sédation), les taux plasmatiques de la clozapine peuvent s'élever au point d'augmenter le risque de crises convulsives. En présence de fluvoxamine, les doses de clozapine doivent donc être réduites, ou alors il faut choisir un autre antidépresseur. D'autre part, lorsqu'un inducteur de l'enzyme 1A2 est prescrit en même temps que la clozapine ou l'olanzapine, les taux de ces dernières vont diminuer, comme lorsqu'un patient se met à fumer, le tabac étant inducteur 1A2 (Fig. 11-45). En théorie, cette situation pourrait provoquer une rechute chez un patient jusqu'alors stabilisé, à cause de la chute des taux du neuroleptique atypique. Les fumeurs devraient donc recevoir de plus fortes doses de neuroleptiques atypiques que les non-fumeurs.
Cytochrome P450 2D6 L'enzyme 2D6 est l'autre enzyme importante du cytochrome P450 concernant les neuroleptiques atypiques. La rispéridone, la clozapine et l'olanzapine en sont des substrats (Fig. 11-46), Le métabolite de la rispéridone est lui aussi un neuroleptique atypique (Fig. 11-47), mais pas celui de la clozapine ni celui de l'olanzapine. Rappelons-nous que certains antidépresseurs sont des inhibiteurs du CYP450 2D6 et qu'ils peuvent donc augmenter les taux de ces trois
Neuroleptiques et antipsychotiques
intestin tx
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circulation san ine 0 ce o_y '>1)z;"
0 = clozapine olanzapine FIGURE 11-44. La clozapine et l'olanzapine sont des substrats du cytochrome P450 1A2 (CYP450 1A2), Lorsque ces médicaments sont prescrits avec un inhibiteur de cette enzyme, la fluvoxamine (un antidépresseur) par exemple, les taux de l'olanzapine et de la clozapine augmentent.
antipsychotiques (Fig. 11-48). En ce qui concerne la rispéridone, l'impact clinique est mal déterminé car la molécule mère et le métabolite sont tous les deux actifs. Théoriquement, les doses d'olanzapine et de clozapine devraient être réduites lorsqu'on les associe à un antidépresseur qui bloque l'enzyme 2D6, bien que ce ne soit pas souvent nécessaire en pratique clinique.
Cytochrome P450 3A4 L'enzyme 3A4 du cytochrome P450 métabolise plusieurs neuroleptiques atypiques, dont la clozapine, la quétiapine, la ziprasidone et le sertindole (Fig. 11-49). Plusieurs psychotropes sont de faibles inhibiteurs de cette enzyme, parmi lesquels la fluvoxamine, la néfazodone et la norfluoxétine (métabolite actif de la fluoxétine). Plusieurs médicaments non psychotropes sont de puissants inhibiteurs 3A4. Citons le kétoconazole (un antifongique), les inhibiteurs des protéases (contre les infections par le virus de l'immunodéficience humaine, VIH) et l'érythromycine (un antibiotique). En ce qui concerne les quatre neuroleptiques atypiques métabolisés par l'enzyme 3A4, l'administration concomitante avec un inhibiteur 3A4 implique nécessairement une réduction de leurs doses (Fig. 11-50). Non seulement les médicaments peuvent être des substrats ou des inhibiteurs du CYP450, mais ils peuvent aussi être des inducraus.de ce système enzymatique, et par conséquent augmenter l'activité de l'enzyme. Nous en avons parlé dans le chapitre 6 au sujet du CYP450 3A4 où nous avons présenté l'exemple de l'induction de l'activité 3A4 par la carbamazépine (anticonvulsivant thymorégulateur) (voir Fig. 6-19). Du fait que l'on associe fréquemment les thymorégulateurs aux neuroleptiques atypiques, il est hautement probable de rencontrer l'association carbamazépine et clozapine, ou quétiapine, ziprasidone ou encore sertindole. Dans tous ces cas, les doses du neuroleptique atypique doivent être augmentées au fil du temps pour compenser l'induction 3A4 par la carbamazépine. D'autre part, en cas d'arrêt d'un traitement par carbamazépine chez un patient recevant l'un de ces quatre neuroleptiques atypiques, il est nécessaire de réduire la posologie
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Psychopharmacologie circulation sanuine
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FIGURE 11-45. Le tabagisme est très fréquent chez les schizophrènes. Le tabac est inducteur de l'enzyme CYP450 1A2 ; il diminue les concentrations des médicaments qui sont métabolisés par cette enzyme, comme l'olanzapine et la clozapine. Les fumeurs ont donc besoin de doses plus élevées de ces médicaments que les non-fumeurs. de ces derniers car l'auto-induction 3A4 par la carbamazépine va progressivement s'effacer (Fig. 11-51).
Neuroleptiques atypiques en pratique clinique Il s'agit de produits relativement récents. Les informations concernant de nouveaux traitements sont avant tout produites par les essais cliniques, puis modifiées à partir de l'expérience clinique pratique. Les neuroleptiques atypiques n'échappent pas à cette règle. Certains résultats cliniques ont déjà confirmé ceux des études scientifiques au sujet de trois des neuroleptiques atypiques mis sur le marché [c'est-à-dire rispéridone, olanzapine et que. tiapine (NdT : non disponible en France)] et sont généralement utilisables dans le choix d'un antipsychotique chez des patients souffrant de toute une gamme de troubles psychotiques, bien que l'on sache peu de choses sur la ziprasidone, dernière arrivée du groupe. Les quatre principaux résultats positifs sont les suivants. Tout d'abord, il est indéniable que les neuroleptiques atypiques induisent beaucoup moins de SEP que les neuroleptiques classiques et souvent même n'ai-provoquent pas du tout (ce qui avait été prévu par la pharmacologie et avancé par les laboratoiFes pharmaceutiques). Deuxièmement, les neuroleptiques atypiques réduisent les symptômes négatifs de la sch:zophrénie mieux que ne le font les neuroleptiques classiques. Il se pourrait cependant que ce phénomène soit lié à une non-aggravation du tableau plutôt qu'à un effet spécifique sur les symptômes négatifs. L'ampleur de cet effet n'est pas aussi nette que celui qui concerne les SEP, et des innovations seront nécessaires. Mais il s'agit déjà d'un bon début. Troisièmement, les neuroleptiques atypiques atténuent les symptômes affectifs de la schizophrénie et des troubles apparentés, comme la dépression résistante et le trouble bipolaire, où leurs effets sont particulièrement marqués. Quatrièmement, les neuroleptiques atypiques semblent capables
Neuroleptiques et antipsychotiques
intestin
441
HYDROXYLATION circulation sanguine
= rispéridone clozapine olanzapine FIGURE 11-46. Plusieurs neuroleptiques atypiques, dont la rispéridone, l'olanzapine et la clozapine, sont des substrats de l'enzyme CYP450 2D6.
N
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rispéridone 2D6 OH CH 3
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O
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GURL 11-47. La rispéridone est transformée en un métabolite actif par l'enzyme CYP450 2D6. ikr. de réduire les symptômes cognitifs de la schizophrénie et des troubles apparentés (maladie d'Alzheimer, par exemple). L'ampleur de ces propriétés est loin d'être négligeable et, finalement, a facilement conduit la rispéridone, l'olanzapine, la quétiapine et la ziprasidone à devenir les traitements de première intention dans les psychoses, reléguant les neuroleptiques classiques et la clozapine au second plan. Les données issues des essais cliniques — portant forcément sur des populations limitées de patients et se déroulant dans des situations idéales — ne s'appliquent cependant pas toutes
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Psychopharmacologie
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paroxétine fluoxétine forte dose de sertraline .
PAS D'HYDROXYLAT1ON circulation san Une
= rispéridone clozapine olanzapine
FIGURE 11-48. Plusieurs antidépresseurs sont des inhibiteurs du CYP450 2D6 ; ils devraient donc en théorie augmenter les taux de ses substrats, comme la rispéridone, l'olanzapine et la clozapine. Toutefois, c phénomène n'est pas cliniquement significatif.
intestin
circulation sanguine o —>
métabolite
= clozapine quétiapine ziprasidone sertindole FIGURE 11-49. Plusieurs neuroleptiques atypiques, dont la clozapine, la quétiapine, la ziprasidon e et le sertindole, sont des substrats du CYP450 3A4. à la pratique clinique du « monde réel ». Certaines données viennent de l'expérience sur le terrain et diffèrent des premières conclusions de la recherche clinique. Elles peuvent être résumées de la façon suivante. Premièrement, différents neuroleptiques atypiques peuvent avoir des effets divergents chez différents patients, contrairement aux neuroleptiques classiques qui ont globalement les mêmes effets, quels que soient les patients. Ainsi, la médiane des effets lors des essais cliniques n'est pas nécessairement le meilleur indicateur de l'étendu des réponses possibles pour un patient donné. Deuxièmement, la posologie optimale pro. posée par les essais cliniques ne coïncide souvent pas avec la posologie utilisée en pratique,
Neuroleptiques et antipsychotiques intestin
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circulation sanguine ci00,,0 00‘.-)0—).
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Inhibiteur kétoconazole érythromycine
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FIGURE 11-50. Plusieurs inhibiteurs du CYP450 3A4 augmentent les taux de certains neuroleptiques atypiques (clozapine, quétiapine, ziprasidone et sertindole). La liste de ces inhibiteurs est donnée ici.
intestin Circulation sanguine intestin
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= clozapine quétiapine ziprasidone sertindole circulation sanguine Ceci, Q>
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FIGURE 11-51. L'enzyme CYP450 3A4 peut être induite par la carbamazépine, un médicament andconvulsivant et thymorégulateur. L'arrêt de la carbamazépine chez un patient qui prend par ailleurs un neuroleptique atypique substrat du CYP450 3A4 (c'est-à-dire-clozapine, quétiapine, ziprasidone ou sertindoIe) impose que l'on réduise la posologie de ce dernier en raison de la disparition de l'auto-induction de 3A4 par la carbamazépine. parfois plus élevée, parfois plus faible. Troisièmement, les neuroleptiques atypiques n'agissent quelquefois pas aussi vite que les neuroleptiques classiques dans la psychose aiguë, chez les patients agressifs ou agités pour lesquels une sédation et une action rapide sont nécessaires. Dans de tels cas, des neuroleptiques classiques ou des benzodiazépines peuvent être utilisés comme traitements d'appoint ou de substitution. Finalement, bien que pratiquement tous les essais cliniques soient des comparaisons produit par produit, ou produit versus placebo, de
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Psychopharmacologie nombreux patients reçoivent deux antipsychotiques au cours de l'étude. Bien que parfois justifiée et rationnelle, cette attitude est le plus souvent critiquable.
Utilisation des neuroleptiques atypiques dans le traitement des symptômes positifs de la schizophrénie et des troubles apparentés Bien que ce soit l'efficacité des neuroleptiques atypiques sur les symptômes positifs qui est la mieux documentée, de nombreuses études ont apporté des preuves de leur utilité dans le traitement des symptômes positifs de plusieurs autres troubles (voir Chapitre 10, Fig. 10-2). Ils sont tout naturellement devenus les traitements d'attaque et d'entretien de première intention des symptômes positifs des psychoses, dans la schizophrénie comme dans la manie aiguë et la manie mixte du trouble bipolaire ; dans la psychose dépressive et la psychose schizo-affective ; dans la psychose associée aux troubles comportementaux des désordres cognitifs comme la maladie d'Alzheimer, la maladie de Parkinson et les autres psychoses organiques ; ainsi que dans la psychose infantile (enfants et adolescents) (Fig. 11-52, traitements de première intention). En fait, les standards thérapeutiques actuels ont évolué dans de nombreux pays, de telle sorte que les neuroleptiques atypiques ont largement remplacé les neuroleptiques classiques dans le traitement des symptômes positifs, sauf dans quelques situations cliniques spécifiques. Une situation « standard » où l'on continue d'utiliser les neuroleptiques classiques est celle d'un cas particulièrement aigu avec un patient non coopérant où il faut une action très rapide ainsi que l'utilisation de la voie parentérale (voir Fig. 11-52, en cas d'urgence). En pratique, cela conduit à prescrire une benzodiazépine sédative aussi bien que quelques-uns des neuroleptiques démodés disponibles sous forme injectable (voie intramusculaire), comme l'halopéridol et la loxapine. Plusieurs neuroleptiques atypiques sont en fin d'évalua. tion pour une administration intramusculaire aiguë et chronique. Une autre situation où les neuroleptiques classiques continuent à être utilisés est celle des patients non compliants qui nécessitent des injections mensuelles d'un neuroleptique d'action prolongée. Aucune forme à action prolongée d'un neuroleptique atypique n'est actuellement disponible, mais pour certains d'entre eux, des recherches sont en cours. Généralement, la plupart des cliniciens essaient plusieurs neuroleptiques atypiques avant d'avoir recours à la dozapine [avec la contrainte des numérations formules sanguines hebdomadaires, puis mensuelles (NdT : ce rythme de surveillance est légèrement différent de celui des États-Unis où il faut réaliser une NFS toutes les semaines pendant 6 mois, puis toutes les deux semaines ensuite)], aux neuroleptiques classiques, ou à toutes sortes d'associations d'un neuroleptique atypique avec d'autres produits (voir Fig. 11-52, traitements de seconde et de troisième intention).
Utilisation des neuroleptiques atypiques dans le traitement des troubles de l'humeur de la schizophrénie et des troubles apparentés
Des effets thymorégulateurs marqués ont été observés avec les neuroleptiques atypiques après que leurs effets antipsychotiques ont été documentés. Ils semblent indépendants des effets sur les symptômes positifs. Le plus impressionnant reste la place que ces psychotropes sont sur le point d'obtenir dans le traitement du trouble bipolaire (Fig. 11-53). Bien que leur efficacité soit surtout démontrée dans la réduction des symptômes psychotiques de la manie, il est clair que ces médicaments stabilisent l'humeur et sont utiles dans certains cas parmi les plus difficiles, comme les cycles rapides ou les épisodes mixtes (état de manie et de dépres. I sion simultanées) qui souvent ne répondent pas aux thymorégulateurs et sont aggravés pa r les antidépresseurs. Les neuroleptiques atypiques peuvent donc représenter le salut chez de
Neuroleptiques et antipsychotiques
Duos
Polythérapie
445
Traitement
eeede 3e intention Traitement e""ede 2e intention Si patient non compilant (neuroleptique retard) ASD;
BZD
Traitement eeeede 1re intention 2
En cas d'urgence
Pharmacie des symptômes positifs
FIGURE 11-52. Pharmacie des symptômes positifs. Les traitements de première intention sont désormais les neuroleptiques atypiques (ASD), non seulement dans la schizophrénie, mais aussi pour traiter les symptômes positifs rencontrés dans le trouble bipolaire, la maladie d'Alzheimer, les psychoses infantiles, etc. Toutefois, les neuroleptiques classiques (D2) et les benzodiazépines (BZD) demeurent utiles pour une administration aiguë par voie intramusculaire (en cas d'urgence), les neuroleptiques classiques (D2) retard pour une injection à un rythme mensuel chez les patients non-coopérants. Ces produits font également partie du traitement de seconde intention, lorsque plusieurs atypiques ont échoué. La clozapine (C), la polythérapie et les associations (duos) sont reléguées en seconde voire en troisième intention.
tels patients ; ils réduisent le besoin de recourir aux antidépresseurs qui risquent d'aggraver le problème, et augmentent l'efficacité des thymorégulateurs administrés simultanément. Les symptômes thymiques de la dépression peuvent faire partie d'autres pathologies que le trouble dépressif majeur. Citons les _symptômes anxieux et l'humeur dépressive de la schizophrénie, le trouble schizo-affectif, le trouble bipolaire avec ses épisodes maniaques, dépressifs, mixtes ou à cycles rapides, les troubles de l'humeur organiques, la dépression psychotique, les troubles de l'humeur de l'enfant et de l'adolescent, et bien d'autres encore (voir Chapitre 10, Fig. 10-6). Les neuroleptiques atypiques sont de plus en plus utilisés dans le traitement des symptômes dépressifs et anxieux de la schizophrénie lorsque ces symptômes sont gênants mais insuffisamment intenses pour atteindre le seuil diagnostique de l'épisode dépressif majeur ou du trouble anxieux. Non seulement ils réduisent ces symptômes, mais surtout atténuent le risque de suicide particulièrement élevé dans la schizophrénie (voir Fig. 11-53). Les neuroleptiques atypiques peuvent être de bons traitements d'appoint en
446
Psychopharmacologie
Traitement de 2e intention Traitement de lre intention de la schizophrénie et autres troubles
eee Thymorégulateur
Traitement de lre intention du trouble bipolaire
FIGURE 11-53. Pharmacie des symptômes affectifs. Les neuroleptiques atypiques (ASD) sont, de façon
surprenante, extrêmement efficaces pour stabiliser l'humeur dans un grand nombre d'affections et sont en passe de devenir le traitement de première intention non seulement pour le traitement des symptômes positifs du trouble bipolaire (voir pharmacie des symptômes positifs, Fig. 11-52) mais aussi pour stabiliser la manie, l'état mixte, les cycles rapides et les état thymiques résistants au traitement. Les neuroleptiques peuvent même réduire le taux de suicide des schizophrènes et des patients bipolaires, et améliorer l'humeur et l'anxiété dans un grand nombre de troubles autres que la dépression majeure. Les neuroleptiques atypiques sont également utilisés comme traitement d'appoint des antidépresseurs dans les cas résistants de dépression unipolaire non psychotique (traitement de seconde intention). (Li : lithium ; C : clozapine ; ISRS : inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine.) association aux antidépresseurs chez les patients déprimés unipolaires, non psychotiques, après échec de plusieurs antidépresseurs.
Utilisation des neuroleptiques atypiques clans le traitement des symptômes cognitifs' de la schizophrénie et des troubles apparentés La sévérité des symptômes cognitifs est corrélée au pronostic à long terme de la schizophrénie. Ils constituent typiquement des symptômes transversaux, car ils peuvent être présents dans de nombreuses affections psychiatriques et neurologiques (voir Chapitre 10, Fig. 10-1). Les neuroleptiques atypiques peuvent améliorer les symptômes cognitifs de plusieurs de ces pathologies, et ce indépendamment de leur capacité à réduire les symptômes psychotiques positifs (Fig. 11-54). Dans la schizophrénie par exemple, ils peuvent améliorer la fluidité du. discours, l'apprentissage de séries et les fonctions exécutives. Dans la maladie d'Alzheimer,
Neuroleptiques et antipsychotiques IChE
1, ACh
447
„Foe Traitement
de 2° intention
Traitement _Ae 1 re intention
Pharmacie des symptômes cognitifs FIGURE 11-54. Pharmacie des symptômes cognitifs. Les neuroleptiques atypiques (ASD) améliorent les fonctions cognitives dans la schizophrénie et la maladie d'Alzheimer (traitement de première intention). Ils peuvent augmenter les effets des inhibiteurs de la cholinestérase (IChE) dans la maladie d'Alzheimer. Ils permettent l'arrêt des anticholinergiques, ce qui représente un bonus non négligeable lorsque l'on passe d'un neuroleptique classique à un neuroleptique atypique (diminution ACh). ils peuvent améliorer la mémoire et le comportement, de façon additive voire synergique avec l'amélioration obtenue avec les traitements spécifiques de cette maladie, les inhibiteurs de la cholinestérase (voir Chapitre 12). Nous avons encore besoin de nombreux travaux pour savoir de quelle manière les neuroleptiques atypiques peuvent optimiser les fonctions cognitives dans la schizophrénie et les troubles apparentés.
Utilisation des neuroleptiques atypiques dans le traitement des symptômes négatif de la schizophrénie Les symptômes négatifs de la schizophrénie constitueraient une caractéristique unique, bien qu'ils puissent se chevaucher avec des symptômes non spécifiques de cette maladie (voir Chapitre 10, Fig. 10-3). N'importe quelle amélioration des symptômes négatifs est précieuse car l'évolution à long terme de la maladie est plus étroitement associée à leur sévérité qu'à celle des symptômes positifs. Il est toutefois évident qu'il faudrait des effets thérapeutiques nettement plus puissants que ceux qui sont obtenus avec les neuroleptiques atypiques si l'on voulait éliminer les symptômes négatifs chez tous les schizophrènes, Deux approches pourraient néanmoins réduire à court terme les symptômes négatifs. Premièrement, les symptômes négatifs liés aux neuroleptiques classiques sont volontiers diminués si on leur substitue un neuroleptique atypique (Fig. 11-55). Deuxièmement, les neuroleptiques atypiques en eux-mêmes peuvent améliorer ces symptômes. L'olanzapine et la rispéridone sont les deux produits pour lesquels un effet sur Ies symptômes négatifs supérieur à celui des neuroleptiques classiques a été démontré (voir Fig. 11-55, traitement de première intention). La quétiapine et la ziprasidone ont, quant à elles, démontré une plus grande efficacité par rapport au placebo (voir Fig. 11-55, traitement de seconde intention).
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Psychopharmacologie Produits qui réduisent les symptômes négatifs dus à la schizophrénie
Produits qui évitent les symptômes négatifs dus aux neuroleptiques classiques
Traitement de 2e intention Traitement de 1re intention
U
Pharmacie des symptômese . / négatifs FIGURE 11-55. Pharmacie des symptômes négatifs. Il est possible d'améliorer les symptômes négatifs (k. la schizophrénie soit en remplaçant un neuroleptique classique (qui les aggrave) par un neuroleptique atypique (ASD) (côté droit de la pharmacie), soit par action directe des neuroleptiques atypiques sur les symptômes négatifs. L'olanzapine (0) et la rispéridone (R) ont un effet supérieur sur ces symptômes dans la schizophrénie que l'halopéridol ou le placebo dans les essais comparatifs (traitement de première intention La ziprasidone (Zi) et la quétiapine (Qu) jusqu'à ce jour améliorent les symptômes négatifs aussi bien que l'halopéridol et mieux que le placebo dans les essais comparatifs (traitement de seconde intention).
Utilisation des neuroleptiques atypiques dans le traitement de l'hostilité, de l'agressivité et du manque de contrôle de l'impulsivité de la schizophrénie et des troubles apparentés Les schizophrènes peuvent se montrer hostiles et agressifs envers eux-même, leur famille et leurs biens, sous forme de tentatives de suicide, automutilation, défaut de contrôle de l'impulsivité, usage de drogue, agressions verbales ou physiques et/ou comportement menaçant. Ces troubles ne sont pas systématiquement corrélés aux symptômes positifs. Ils peuvent poser de réels problèmes médico-légaux. Ces symptômes sont habituellement multidimensionnels, car ils sont rencontrés dans d'autres pathologies, gomme chez l'enfant et l'adolescent : le trouble des conduites, le trouble oppositionnel avec proVocation, l'autisme, le retard mental et le trouble déficitaire de l'attention avec hyperactivité ; comme également la personnalité limite, le trouble bipolaire et divers troubles organiques et lésions cérébrales : traumatisme crânien, accident vasculaire cérébral, maladie d'Alzheimer (voir Chapitre 10, Fig. 10-5), De toute évidence, cette dimension psychopathologique traverse les troubles psychiatriques et n'est donc pas nécessairement associée à la psychose. Les neuroleptiques atypiques, tout comme les neuroleptiques classiques, améliorent ces symptômes (Fig. 11-56), mais il y a largement plus d'études qui ont été réalisées sur l'hostilité et l'agressivité dans les psychoses que dans les maladies non psychotiques.
Neuroleptiques et antipsychotiques
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Traitement de 2e intention Traitement de 1re intention En cas d'urgence
Pharmacie des symptômes agressifs FIGURE 11-56. Pharmacie de l'agressivité. Les neuroleptiques atypiques (ASD), lorsqu'ils sont suffisamment efficaces, sont préférables (traitement de première intention) aux neuroleptiques classiques (D2) dans la prise en charge de l'agressivité, de l'hostilité et de l'impulsivité, en raison de leur meilleur profil de tolérance. Toutefois, dans les situations aiguës, les neuroleptiques conventionnels injectables et les benzodiazépines (BZD) peuvent être utiles. Les neuroleptiques classiques ou la clozapine (C) sont requis lorsque les neuroleptiques atypiques sont inefficaces (traitement de seconde intention).
p
olymédication antipsychotique et conduite à tenir par rapport à la résistance au traitement dans la schizophrénie Les schizophrènes répondent habituellement à un antipsychotique prescrit en monothérapie, qu'il soit classique ou atypique, avec une amélioration d'au moins 30 à 40 p. 100 de leurs symptômes positifs au bout d'un mois ou deux de traitement, d'après les évaluations faites à l'aide d'échelles standardisées. Toutefois, si l'on n'obtient pas d'effet thérapeutique à l'intérieur de cette fourchette de grandeur après l'essai adéquat d'un premier antipsychotique (ordinairement un neuroleptique atypique, compte tenu des recommandations actuelles), la plupart des cliniciens optent pour un autre neuroleptique atypique. Lorsque l'on passe d'un médicament à l'autre, il est prudent de faire se chevaucher les deux produits en diminuant progressivement la posologie de celui qu'on arrête et en augmentant progressivement celle du nouveau (Fig. 11-57). Transitoirement, il y a donc association de deux médicaments, mais ceci est justifié car il faut éviter les effets indésirables et ne pas risquer un effet de rebond à l'arrêt du premier traitement sans pour autant perdre de temps pour l'administration du second. Néanmoins, cette coadministration peut constituer un vrai piège (Fig. 11-58) car lorsque l'on change de produit, il peut arriver que le patient s'améliore à mi-chemin, conduisant le clinicien à décider de continuer à le traiter avec les deux produits plutôt que d'aller jusqu'au bout du changement. Ce type de polymedication n'est pas justifié, car d'après les recommandations actuelles (American Psychiatrie Association), ce n'est qu'après l'échec de plusieurs traitements prescrits en monothérapie, incluant la clozapine et les neuroleptiques classiques, que la polymédication à long terme avec deux neuroleptiques atypiques est justifiée.
Polythérapie admissible
DOSE
Atypique #1
Atypique #2
Atypique #3
TEMPS FIGURE 11-57. Lorsque l'on substitue un neuroleptique atypique par un autre, il est souvent prudent de faire se chevaucher les deux traitements en réduisant progressivement la dose du premier et en augmentant non moins progressivement la dose du second. Une administration simultanée des deux produits a donc lieu pendant quelque temps, mais cela est justifié pour réduire le risque de rebond et d'effets indésirables, et permettre ainsi d'accélérer la mise en route du deuxième traitement.
Piège du relais pris avec un autre médicament
Polythérapie non admissible
DOSE
Atypique #1
Atypique #2
TEMPS FIGURE 11-58. Le piège du chevauchement de traitement. Lorsque l'on passe d'un neuroleptique atypique à un autre, il arrive que le patient s'améliore à mi-chemin. Si l'on fige le traitement à ce moment-là, il en résulte une polythérapie non justifiée à l'heure actuelle. 450
Neuroleptiques et antipsychotiques
•
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Utilisation d'un neuroleptique classique pour « lancer » ou pour « compléter » un neuroleptique atypique « Lancement » par un neuroleptique classique Neuroleptique atypique DOSE
I
TEMPS
À
« Compléments » avec un neuroleptique classique
FIGURE 11-59. Utilisation d'un neuroleptique classique pour «lancer r» un neuroleptique atypique, ou pou r pallier des insuffisances ponctuelles de ce dernier. Une des raisons d'être, pleinement justifiée et particulièrement importante, de la polythérapie antipsychotique est l'instauration d'un traitement chez un patient en phase aiguë d'une psychose, un patient agressif voire extrêmement agité. De tels patients ont parfois besoin de neuroleptiques classiques en complément de leur traitement neuroleptique atypique à l'occasion d'une résurgence de symptômes agressifs.
Lorsque l'on souhaite une efficacité rapide, les neuroleptiques classiques peuvent être associés à un neuroleptique atypique afin d'accompagner le « lancement » du traitement des symptômes positifs par ce dernier. Le neuroleptique classique est ensuite diminué progressivement, tandis que le neuroleptique atypique est augmenté non moins progressivement pour constituer ensuite le traitement définitif une fois que la situation est devenue moins aiguë (Fig. 11-59). Un neuroleptique classique peut être utile aussi pour compléter périodiquement le traitement d'un patient sous neuroleptique atypique chez lequel réapparaissent quelques signes d'agressivité, ainsi que pour permettre une disparition des symptômes plus rapide et plus complète que ce que l'on pourrait obtenir en augmentant la dose du neuroleptique atypique d'entretien (voir Fig. 11-59). Vu l'arsenal de neuroleptiques atypiques et de neuroleptiques classiques (plus la clozapine), et vu les recommandations des experts, on pourrait attendre une incidence faible des polymédications au long cours et que celles ci soient réservées en toute dernière extrémité aux cas les plus graves. Toutefois, l'analyse des pratiques cliniques montre que près d'un quart des patients ambulatoires et la moitié des patients hospitalisés reçoivent deux antipsychotiques en traitement d'entretien. Cette pratique constitue-t-elle une autre option thérapeutique destinée aux patients résistants, ou s'agit-il d'une utilisation irrationnelle ? Quoi qu'il en soit, l'association de deux antipsychotiques est l'une des pratiques les plus utilisées et les moins bien évaluées de la psychopharmacologie clinique actuelle. Elle peut parfois rendre service lorsque aucun médicament utilisé en monothérapie ne s'est révélé efficace. Mais à l'heure actuelle rien ne prouve que l'association de deux antipsychotiques amène un « super effet de bien-être » ou « d'éveil ». Contrairement aux patients déprimés qui guérissent (voir Chapitre 5, Fig. 5-3), les
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Psychopharmacologie Lorsque tout a échoué
Forte dose Neuroleptique atypique
DOSE
Neuroleptique atypique Bon rapport efficacité/coût et propriétés atypiques
Neuroleptique classique OPTION 1 - Forte dose de neuroleptique atypique
OPTION 2 - Ajout d'un neuroleptique classique
TEMPS
FIGURE 11-60. Lorsque tout a échoué, lorsque les neuroleptiques atypiques ont une efficacité insuffisante, alors il faut se tourner vers de fortes doses de ces derniers. C'est particulièrement onéreux et on perd de cette façon les avantages de l'atypicité de ces produits. Une autre option est l'association d'un neuroleptique classique pour potentialiser le neuroleptique atypique. schizophrènes parviennent rarement au bien-être, indépendamment du produit ou de l'association de produits qu'ils reçoivent. Les directives actuelles proposent donc d'avoir recours à des traitements d'entretien constitués de deux antipsychotiques ou même de très fortes doses d'un neuroleptique atypique uniquement de manière très prudente, même lorsque tout le reste a échoué (Fig. 11-60), et seulement après avoir démontré un quelconque avantage.
Autres antipsychotiques et produits du futur
La recherche dans le domaine de la schizophrénie est l'une des plus innovante de la psycho- I pharmacologie. En dépit de son aspect excitant, ce n'est pas forcément un sujet qui passionnera tous les lecteurs, en particulier les débutants dans ce domaine et les médecins généralistes. Ceux-ci peuvent, s'ils le souhaitent, sauter les prochains paragraphes et se rendre directement au résumé en fin de chapitre.
Le passé, prologue des futurs antipsychotiques Il est probable que les premiers neuroleptiques à avoir des propriétés cliniques atypiques sous forme d'une faible incidence de SEP furent la thioridazine et la mésoridazine, qui attribuent leurs effets cliniques à travers un effet anticholinergique puissant plutôt qu'à un quelconque effet antagoniste sérotonine-dopamine (ASD). Le sulpiride et Lamisulpride sont des benzamides induisant peu de SEP mais presque entièrement dénuées d'effets anticholinergiques et d'ASD. On ne sait pas exactement d'où leur vient cette faible incidence de SEP ; d'après les modèles animaux, elle serait liée à une affinité pour les récepteurs mésolimbiques plus importante que pour les récepteurs nigrostriés. On ne sait pas encore s'ils partagent les autres caractéristiques cliniques des neuroleptiques atypiques, comme l'efficacité sur les symptômes négatifs. La zotépine est un ASD disponible dans plusieurs pays, en particulier le Japon et quelques pays européens. Elle a une structure chimique apparentée à celle de la clozapine (voir Fig. 11-36) dont elle se distingue toutefois sur les plans pharmacologique (Fig. 11-61) et clinique. Bien qu'étant un ASD, des SEP ont pu être observés ainsi qu'une augmentation des
Neuroleptiques et antipsychotiques
453
Ir
FIGURE 11-61. Icône de la zotépine regroupant les propriétés de liaison pour lesquelles il y a actuellement un consensus. Comme c'est le cas des autres neuroleptiques atypiques dont il est question dans ce chapitre, les propriétés de liaison varient beaucoup selon les techniques d'études et les espèces, ainsi que d'un laboratoire à l'autre, et les connaissances sur ce produit sont constamment revues et corrigées. taux de prolactine. Comme avec la clozapine, ses effets indésirables incluent un risque de crise comitiale (surtout à forte dose), de prise de poids et de sédation. On ne sait toutefois pas si la zotépine est aussi efficace que la clozapine chez des patients résistant aux neuroleptiques classiques. Il est intéressant de constater qu'elle inhibe la recapture de la noradrénaline, ce qui évoque un possible effet antidépresseur. D'autres recherches cliniques sont nécessaires pour savoir si elle est supérieure aux neuroleptiques classiques et aux neuroleptiques atypiques dans le traitement des symptômes positifs et négatifs. La loxapine est un autre ASD de structure apparentée à la clozapine (voir Fig. 11-36), mais douée de propriétés cliniques singulières (Fig. 11-62). Aux doses usuelles, il s'agit d'un neuroleptique classique avec des effets secondaires de type SEP et augmentation de la prolactine. Utilisée à des doses beaucoup plus faible, la loxapine pourrait cependant avoir des propriétés atypiques. Cela a d'ailleurs été confirmé par la tomographie à émission de positons. Il s'agit d'un des rares produits disponibles sous forme injectable (intramusculaire) et qui ordinairement n'induit pas de prise de poids, et peut même provoquer une perte de poids. Un de ses métabolites principaux bloque la recapture de la noradrénaline, évoquant d'éventuelles propriétés antidépressives. Le sertindole est un autre ASD. Sa structure est basée sur celle de la sérotonine (Fig. 11-63), et il a lui aussi un_ profil pharmacologique singulier (Fig. 11-64). Il a été agréé dans plusieurs pays d'Europe, mais a été retiré du marché à cause d'effets indésirables cardiaques. Il fait l'objet de recherches plus approfondies dans ce domaine. Il pourra être de nouveau disponible dans le futur si ce problème parvient à être résolu. Le sertindole n'induit pratiquement pas
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Psychopharmacologie
FIGURE 11-62. Icône de la loxapine regroupant les propriétés de liaison pour lesquelles il y a actuellement un consensus. Comme c'est le cas des autres neuroleptiques atypiques dont il est question dans ce chapitre, les propriétés de liaison varient beaucoup selon les techniques d'études et les espèces, ainsi que d'un laboratoire à l'autre, et les connaissances sur ce produit sont constamment revues et corrigées.
F
N H N
N
sertindole
CI
FIGURE 11-63. Formule de la structure du sertindole, dérivé de la structure de la sérotonine. de SEP, quelle que soit la dose, et seulement de rares augmentations de la prolactine. entraîne moins de prises de poids que la plupart des antipsychotiques, et, comme la ziprasidone, ne bloque pas les récepteurs de l'histamine mais bloque les 5HT2C (voir Fig. 11-64), Ce produit s'est montré efficace sur la schizophrénie, le trouble bipolaire et d'autres psychoses dans lesquelles il induit peu de SEP. Certains patients se sont améliorés sous sertindole (mais
Neuroleptiques et antipsychotiques
455
1
5HT2C -
sertindole
lir D2 \
FIGURE 11-64. Icône du sertindole regroupant les propriétés de liaison pour lesquelles il y a actuellement un consensus. Comme c'est le cas des autres neuroleptiques atypiques dont il est question dans ce chapitre, les propriétés de liaison varient beaucoup selon les techniques d'études et les espèces, ainsi que d'un laboratoire à l'autre, et les connaissances sur ce produit sont constamment revues et corrigées. peut-être pas autant que sous clozapine) alors que les neuroleptiques classiques avaient échoué. Des études montrent une efficacité sur les symptômes négatifs et une très grande efficacité sur les symptômes positifs de la schizophrénie.
uveaux mécanismes sérotoninergiques et dopaminergiques
L'ilopéridone est une substance en cours de développement clinique, douée de propriétés ASD mais surtout antagoniste alpha 1. La mazapertine est un antagoniste D2, mais plus que des propriétés antagonistes 5HT2A, elle possède un effet agoniste 5HT1A. Le némonapride est un antagoniste D2 (D3, D4) et un agoniste 5HTIA. L'antagoniste sélectif 5HT2A, le MDL-100,907, a été récemment évincé du développement clinique, ainsi que l'avait été quelques années plus tôt la ritansérine, tondes deux en raison du manque d'efficacité sur la schizophrénie. Toutefois on continue de s'intéresser aux produits qui sont à la fois agonistes et antagonistes 5HT2C. Plusieurs sont en cours de développement. Des antagonistes 5HT6 et 5HT7 sélectifs originaux font également l'objet d'études de développement. Côté dopamine, un des produits les plus prometteurs est l'aripiprazole. Actuellement en fin de développement clinique, il s'agit en théorie d'un agoniste des autorécepteurs présynaptiques D2. On pense qu'il exerce ses effets antipsychotiques d'une manière très différente de l'antagonisme sérotonine-dopamine, c'est-à-dire en interrompant la libération de dopamine dans la voie mésolimbique grâce à une stimulation des récepteurs présynaptiques D2. Le CI-1007 et le DAB-452 auraient des mécanismes d'action similaires. Plusieurs antagonistes
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Psychopharmacologie sélectifs D4 ont été testés dans la schizophrénie, avec généralement des résultats décevants, bien que certains essais se poursuivent encore. Parmi de telles substances, certaines étant plus sélectives pour les récepteurs D4 que d'autres, citons le YM-43611, le némonapride, la fanansérine, le L-745,870, le PNU-101,387G, le NGD-94-4 et le LU-111,995. Plusieurs antagonistes sélectifs D3 sont en cours de développement, car la plupart des antagonistes D2 connus bloquent également les récepteurs D3. Il est possible que de purs antagonistes D3, qui augmentent le comportement psychomoteur des rongeurs, puissent améliorer des comportements équivalents dans la schizophrénie, et diminuer les symptômes négatifs. D'autres produits sont essayés dans la schizophrénie, comme les modulateurs-« normalisateurs» D2 et les agonistes partiels D2 (par exemple, la terguride, le CI-1007, le PNU 9639) et des antagonistes sélectifs D1-like.
Nouveaux mécanismes de neurotransmission autres que sérotoninergiques et dopaminergiques dans la stratégie thérapeutique de la schizophrénie Antagonistes sigma. On ne connaît pas très bien la physiologie des récepteurs sigma. On parle même « d'énigme sigma ». A l'origine classés au sein des récepteurs aux opiacés, ils sont désormais associés aux substances psychomimétiques comme la phencyclidine (PCP) (voir Fig. 10-20 ainsi que le Chapitre 13 sur les drogues) et au sous-type N-méthyl-daspartate (NMDA) des récepteurs du glutamate (voir Fig. 10-18 et 10-19). Théoriquement, un antagoniste sigma devrait bloquer les signes PCP-like qui surviennent dans la schizophrénie. Malgré le côté décevant des premiers essais de l'antagoniste sigma BMY-14,802 dans la schizophrénie, d'autres antagonistes, encore plus sélectifs, et particulièrement le SR31742A, sont en cours d'évaluation. L'OPC14523, un produit combinant les effets sigma/agoniste 5HT1A/inhibiteur de la recapture SHT, est actuellement évalué dans la dépression. Antagonistes cannabinoïdes. Les récepteurs cannabinoïdes seront vus en détail dans le Chapitre 13 consacré aux drogues. Le SR141716A, un antagoniste du récepteur cannabinoïde 1 (CB1), réduit l'activité des neurones dopaminergiques mésolimbiques dans les modèles animaux, ce qui évoque une possible activité antipsychotique dans la schizophrénie. Des études sont en cours. Antagonistes de la neurotensine. La neurotensine est un peptide neurotransmetteur colocalisé avec la dopamine dans la voie mésolimbique, ainsi que dans les voies nigrostriée et mésocorticale, mais à de plus faibles concentrations. Le SR-142948, un antagoniste non peptidique, est en cours d'essai clinique dans la schizophrénie, car il pourrait théoriquement diminuer les symptômes positifs sans entraîner de SEP, en agissant plus au niveau mésolimbique que sut les voies nigrostriée et mésocorticale. Cholécystokinine. La cholécystokinine (CCK) est elle aussi colocalisée dans les neurones à dopamine. Elle possède deux sous-types de récepteurs, le CCK-A situé de façon prédominante à l'extérieur du SNC et le CCK-B intracérébral. Les études portant sur les agonistes et antagonistes CCK n'ont, à ce jour, fourni aucun argument solide en faveur d'un possible effet thérapeutique dans la schizophrénie. Substance P et neurokinines. La substance P et les neurokinines, appartenant à la famille des peptides neurotransmetteurs, ont été abordées largement dans le Chapitre 5 (voir Fig. 5-69 à
Neuroleptiques et antipsychotiques
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5-73). Les antagonistes des trois récepteurs des neurokinines (c'est-à-dire, NK-1, NK-2 et NK-3) sont actuellement en cours d'évaluation pour toutes sortes d'indications, en particulier la dépression, et, pour une portion plus faible, la schizophrénie. Agonistes cholinergiques alpha 7 nicotiniques. Nous verrons plus en détail les thérapeutiques de la cognition dans le paragraphe consacré aux psychostimulants du Chapitre 12, mais il n'est pas inutile de réfléchir au rôle de ces substances sur les dysfonctionnements cognitifs de la schizophrénie. En outre, à l'heure actuelle, un déficit cholinergique n'est plus considéré comme l'apanage de la seule maladie d'Alzheimer depuis que l'on sait que les récepteurs cholinergiques alpha 7 nicotiniques sont impliqués dans la transmission familiale de déficits de filtrage sensoriel dans les familles de sujets atteints de schizophrénie. Un déficit d'activité de ces récepteurs prédisposerait théoriquement les patients à des problèmes d'apprentissage et pourrait constituer la base de la pensée délirante et des dysfonctionnements sociaux. De plus, le fait que de nombreux schizophrènes soient de gros fumeurs (environ les deux tiers des schizophrènes nord-américains sont fumeurs, contre un quart des non-schizophrènes) est à considérer à la lumière des hautes concentrations en nicotine nécessaires pour activer les récepteurs et pour les désensibiliser rapidement. Ainsi, il y a plusieurs hypothèses séduisantes concernant l'intérêt d'agir sur ces récepteurs de manière à améliorer en particulier les fonctions cognitives des patients dans la schizophrénie, ainsi que dans la maladie d'Alzheimer.
sociations chimiothérapiques futures dans la schizophrénie et les autres troubles psychotiques Compte tenu des incitations économiques à obtenir la « guérison » et à considérer comme prioritaire le traitement des troubles psychotiques, il est facile de comprendre pourquoi la plupart des produits en développement dans la psychose ne visent qu'un seul mécanisme pathologique et cherchent à être la thérapeutique principale de cette maladie. En réalité, on pense qu'il est plus que simpliste de vouloir concevoir les psychoses comme étant le produit de mécanismes pathologiques singuliers. Les maladies comme la schizophrénie, le trouble bipolaire, la maladie d'Alzheimer ont non seulement des caractéristiques psychotiques, mais aussi des dimensions comportementale, thymique, cognitive et parfois neurodégénérative. Il est difficile d'admettre que des troubles aussi complexes puissent être traités de manière satisfaisante à l'aide d'un simple produit doué d'un seul mécanisme pharmacologique. Comment par exemple une seule substance pourrait-elle soigner simultanément dans la schizophrénie les symptômes positifs, négatifs, cognitifs et thymiques, enrayer la neurodégénérescence et réparer les anomalies neurodéveloppementales ? Il est possible que les traitements- psychopharmacologiques des troubles psychotiques doivent emprunter dans le futur des chapitres aux ouvrages sur les chimiothérapies des cancers et le traitement du SIDA, dans lesquels le principe est l'utilisation simultanée de plusieurs médicaments dans le but d'atteindre une synergie d'action. Les chimiothérapies des cancers combinent plusieurs mécanismes thérapeutiques indépendants. En cas de succès, la réponse thérapeutique totale est supérieure à la somme de ses parties. Cette approche a souvent l'intérêt de réduire les effets indésirables totaux, car les effets secondaires induits par plusieurs produits sont dus à des mécanismes pharmacologiques différents et par conséquent peuvent ne pas s'additionner. Les essais cliniques portant sur de
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Psychopharmacologie multiples substances thérapeutiques qui agissent par plusieurs mécanismes peuvent être particulièrement complexes à mettre en oeuvre. Mais de la même manière qu'il existe toute une littérature sur les méthodologies de ce type d'essais dans les chimiothérapies des cancers et du SIDA, une telle approche devrait être employée pour les troubles neurodégénératifs complexes ayant des mécanismes pathologiques multiples, comme la schizophrénie. Ainsi, les traitements futurs de la schizophrénie associeront presque indubitablement un antipsychotique atypique, agissant sur les symptômes positifs et négatifs, sur l'humeur, la cognition, l'hostilité, sans entraîner de SEP, de dyskinésies tardives ni d'hyperprolactinémie, avec des produits qui augmenteront son efficacité pour atteindre une disparition complète des symptômes négatifs (plus de dopamine ?) et cognitifs (un agoniste cholinergique alpha 7 nicotinique ?). Un produit neuroprotecteur supplémentaire (peut-être un antagoniste glutamatergique) pourrait s'avérer nécessaire si la seule prévention des futurs épisodes psychotiques ne suffit pas à enrayer le cours de la maladie. À long terme, certains types de thérapeutiques moléculaires destinées à prévenir la progression de maladies génétiquement programmées, ou à inverser les conséquences d'un développement cérébral anormal pourront faire partie de l'arsenal thérapeutique de la schizophrénie.
Résumé Ce chapitre est consacré à la pharmacologie des neuroleptiques classiques, antagonistes dopaminergiques D2, ainsi qu'à celle des neuroleptiques atypiques qui ont largement remplacé les premiers dans la pratique clinique. Nous avons vu quelles caractéristiques antagonistes sérotoninergiques 2A-dopaminergiques 2 les neuroleptiques atypiques ont en commun, et quelles sont leurs caractéristiques propres qui permettent de les distinguer les uns des autres. Nous nous sommes également penchés sur certaines considérations pharmacocinétiques des neuroleptiques atypiques, et sur diverses questions importantes dans leur utilisation en pratique clinique. Pour finir, nous avons passé en revue une grande gamme des traitements de la schizophrénie du futur.
CHAPITRE
12
PSYCHOSTIMULA TS ; MÉDICAMENTS DE LA MÉMOIRE ET ÉVEILLANTS
I. Amélioration de l'attention A. Dopamine, noradrénaline et neuropharmacologie de l'attention B. Trouble déficitaire de l'attention C. Psychostimulants ; produits pro-dopaminergiques et pro-noradrénergiques en tant que stimulants de l'attention D. Hyperactivité et impulsivité associées à l'inattention E. Nouvelles stratégies pour améliorer l'attention H. Amélioration de la mémoire A. Acétylcholine et neuropharmacologie de la mémoire B. Impact des troubles de la mémoire sur la neurotransmission cholinergique C. Inhibiteurs de la cholinestérase : améliorer la mémoire ou ralentir l'atteinte mnésique de la maladie d'Alzheimer D. Autres stimulants de la mémoire et des autres fonctions cognitives ; produits du futur III. Résumé
De plus en plus de substances pharmacologiques sont destinées à stimuler les fonctions cognitives. Parmi elles, se trouvent les antidépresseurs et les neuroleptiques atypiques qui semblent agir en partie en réduisant des signes qui ne sont pas considérés comme des troubles cognitifs primitifs. Nous en avons déjà parlé dans les chapitres précédents (voir Chapitres 6 et 7 sur les antidépresseurs, et Chapitre 11 sur les antipsychotiques). Ici, nous allons aborder les agents pharmacologiques qui améliorent les fonctions cognitives dans les troubles possédant des caractéristiques primitives prépondérantes. Nous étudierons l'utilisation de ces produits selon une perspective psychopharmacologique plutôt que du point de vue de la maladie, en considérant deux grandes catégories de substances améliorant les fonctions cognitives : les psychostimulants, qui augmentent l'attention, et les inhibiteurs des cholinestérases, qui améliorent la mémoire. Dans ce chapitre, nous mettrons davantage en relief les mécanismes d'action de ces agents psychopharmacologiques, plutôt que les aspects pratiques concernant leurs posologies et leur prescription que le lecteur retrouvera 459
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Psychopharmacologie en consultant les manuels pratiques adéquats. D'autres considérations importantes au sujet des patients atteints de troubles cognitifs ne seront pas abordées ici, c'est-à-dire les questions du diagnostic et de la prise en charge non pharmacologique, essentielles pour le devenir du patient. Néanmoins, de solides connaissances sur la façon dont les médicaments agissent sur les mécanismes psychophartnacologiques cérébraux constituent une excellente base pour savoir comment les utiliser.
Amélioration de l'attention Dopamine, noradrénaline et neuropharmacologie de l'attention Ce sont la dopamine et la noradrénaline (neurotransmetteurs catécholaminergiques) qui ont les effets les mieux docamentés sur l'attention et les fonctions cognitives associées, comme la' motivation, l'intérêt et toutes les tâches d'apprentissage dépendantes d'un éveil adéquat. Lorsque nous avons parlé de la noradrénaline, nous avons insisté sur le rôle de la voie noradrénergique préfrontale dans le maintien et la capacité à fixer l'attention, ainsi que dans la sensation d'énergie, de fatigue, la motivation et l'intérêt (voir Chapitre 5, Fig. 5-25). Dans le Chapitre 10, nous avons abordé le rôle des projections dopaminergiques mésocorticales dans les fonctions cognitives : fluidité verbale, apprentissage de séries, vigilance dans le fonctionnement exécutif, maintien de l'attention, capacité à fixer son attention, comportement de hiérarchisation des priorités et capacités à moduler son comportement en fonction des indices sociaux (voir Fig. 10-10). Ces considérations étaient alors liées à la façon dont l'attention est altérée dans la dépression (voir Chapitre 5) et la schizophrénie (voir Chapitre 10). Dansesl même ordre d'idées, il ne serait pas étonnant de constater que les mêmes voies et les mêm neurotransmetteurs soient impliqués dans les troubles « primitifs » de l'attention, comme le trouble déficitaire de l'attention, ou les autres troubles cognitifs de type maladie d'Alzheimer et diverses autres démences. Bien que l'éveil soit habituellement considéré comme un état où la dopamine et la noradrénaline sont augmentées, et que l'on considère l'inattention comme le reflet d'un déficit en ces neurotransmetteurs au niveau des voies concernées, cela semble vrai seulement chez les personnes indemnes de trouble cognitif. Et donc ces neurotransmetteurs vont stimuler l'attention, mais jusqu'à un certain degré. Un excès de bonnes choses, comme la dopamine ou la noradrénaline, va conduire en fait à une détérioration des performances cognitives. Ainsi, « l'hyperéveil » doit-il être vraisemblablement associé à une incapacité à se concentrer plutôt qu'à une exacerbation des capacités attentionnelles.
Trouble déficitaire de l'attention
Bien qu'il existe de nombreuses causes de troubles de l'attention, allant de l'insomnie et 1111 de 1 l'absence de motivation chez une personne normale, aux effets_ indésirables des traitements de nombreux troubles cognitifs et affections psychiatriques, nous- n'aborderons ici que le trouble déficitaire de l'attention, pathologie de l'attention pour laquelle il y a le plus grand recours aux substances psychostimulantes. Les critères diagnostiques du déficit de l'attention de type inattention chez l'adulte et l'enfant doivent inclure au moins six symptômes d'inattention, persistant depuis au moins 6 mois. Ces symptômes incluent : 1. Ne parvient souvent pas à prêter attention aux détails, ou fait des fautes d'étourderie dans les devoirs scolaires ou d'autres activités.
Psychostimnlants ; médicaments de la mémoire et éveillants
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ie noradrénergique préfronlale
Voie dopaminergique mésocorticale
FIGURE 12-1. Voies noradrénergiques et dopaminergiques de l'attention. La voie noradrénergique se projette depuis le locus coeruleus situé dans le tronc cérébral sur le cortex frontal, tandis que la voie dopaminergique naît au niveau de l'aire tegmentale ventrale située dans le tronc cérébral et se projette sur Ies aires mésocorticale et préfrontale dorsolatérale du cortex. Elles semblent impliquées dans l'attention, l'éveil, la concentration et d'autres fonctions cognitives apparentées. Un dysfonctionnement de ces structures provoque un déficit de l'attention et une distraction. 2. A du mal à soutenir son attention au travail ou dans les jeux. 3. Semble souvent ne pas écouter quand on s'adresse à lui. 4. Ne se conforme souvent pas aux consignes et ne parvient pas à mener à terme ses devoirs scolaires, ses tâches domestiques ou ses obligations professionnelles (non lié à un comportement d'opposition, ni à une incapacité à comprendre les consignes). 5. A souvent du mal à organiser ses travaux ou ses activités. 6. Évite, a en aversion, ou fait souvent à contrecoeur les tâches qui nécessitent un effort mental soutenu (comme le travail scolaire ou les devoirs à la maison). 7. Perd souvent les objets nécessaires à son travail ou à ses activités (par exemple, cahiers de devoirs, crayons, livres ou outils). 8. Souvent, se laisse facilement distraire par des stimulus externes. 9. A des oublis fréquents dans la vie quotidienne. 10. Certains symptômes étaient présents avant l'âge de 7 ans. Les critères diagnostiques complets sont fournis par le DSM-IV. De tels symptômes d'inattention sont liés à des dysfonctions de la dopamine et/ou la noradrénaline dans certaines aires cruciales du cortex cérébral contrôlant la cognition (Fig. 121). C'est comme si les patients qui présentent de tels symptômes avaient besoin d'une stimulation de leurs systèmes dopaminergiques et noradrénergiques, et de fait, lorsqu'on leur prescrit des produits stimulant ces systèmes, leurs symptômes d'inattention s'améliorent.
Psychostimulants ; produits pro-dopaminergiques et pro-noradrénergiques en tant que stimulants de l'attention Les produits utilisés le plus souvent pour améliorer le trouble déficitaire de l'attention sont le méthylphénidate et la d-amphétamine. Ce sont des substances psychostimulantes. D'autres psychostimulants efficaces ne sont pas autant utilisés : la pémoline, en raison de sa toxicité hépatique, et la métamphétamine, du fait d'un risque élevé d'abus. Le méthylphénidate et la damphétamine agissent essentiellement en libérant la dopamine au niveau des terminaisons présynaptiques (Fig. 12-2 et 12-3). Ils ne bloquent pas seulement le transport de la dopamine,
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Psychopharmacologie
d-amphétamine
méthylphénidate
FIGURE 12-2. Icônes de la d-amphétamine et du méthylphénidate. Ces deux composés sont des stimulants car ils favorisent la disponibilité en dopamine et par conséquent augmentent (« stimulent ») l'attention (voir aussi Fig. 12-3).
mais semblent inverser sa direction en provoquant la sortie de la dopamine hors de la terminai. son neuronale. Le méthylphénidate semble agir moins rapidement, mais plus longtemps que la d-amphétamine. Par un mécanisme similaire, une autre forme d'amphétamine, la bamphétamine, libère la noradrénaline (Fig. 12-4 et 12-5) aussi bien que la dopamine (voir Fig. 12-3). Certains patients répondent mieux au mélange d- et l-amphétamine qu'à la d-amphétamine pure, peut-être grâce à son action sur la noradrénaline. D'autres substances agissant sur le système noradrénergique peuvent être bénéfiques sur l'inattention dans le trouble déficitaire de l'attention ; il s'agit en particulier d'agonistes alpha 2 comme la clonidine et la guanfacine (Fig. 12-6). Rappelons-nous que les effets cognitifs de la noradrénaline sur le cortex préfrontal sont supposés être induits en partie par les récepteurs adrénergiques alpha 2 postsynaptiques (voir Chapitre 5, Fig. 5-25). La clonidine et la guanfacine sont toutes les deux des agonistes adrénergiques alpha 2 directs, pouvant améliorer les fonctions cognitives et l'attention dans le trouble déficitaire de l'attention par l'intermédiaire de ce mécanisme. La réboxétine, un inhibiteur sélectif de la recapture de la noradrénaline, aurait théoriquement le même type d'effets. Le bupropion, un antidépresseur pro-dopaminergique et pro-noradrénergique dont nous avons parlé dans le Chapitre 6 (voir Fig. 6-48 et 6-49), pourrait avoir une- certaine utilité pour améliorer l'attention dans certains cas de trouble déficitaire de l'attention.
Hyperactivité et impulsivité associées à l'inattention Aucun exposé sur le trouble déficitaire de l'attention ne serait complet sans mentionner que ces patients ont fréquemment des problèmes d'hyperactivité et de contrôle de l'impulsivité, caractérisés par au moins six des symptômes suivants, évoluant sur une durée d'au moins 6 mois.
Psychostimulants ; médicaments de la mémoire et éveillants
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d-amphétamine
FIGURE 12-3. Lorsque la d-amphétamine se fixe au transporteur présynaptique de la dopamine sur le neurone dopaminergique, elle bloque non seulement la recapture de la dopamine mais surtout elle provoque la libération de dopamine. Il y aurait une préférence ou une sélectivité de la d-amphétamine pour les terminaisons corticales par rapport aux terminaisons dopaminergiques présynaptiques striatales, de telle sorte que de faibles doses ont un effet préférentiel sur l'attention plutôt que sur l'activité motrice. Le méthylphénidate a une action similaire chez de nombreux patients, moins rapide mais plus durable.
Hyperactivité 1.Remue fréquemment les mains ou les pieds, ou se tortille sur son siège. 2. Se lève souvent en classe ou dans d'autres situations où il est supposé rester assis. 3. Souvent, court ou grimpe partout, dans des situations où cela est inapproprié (chez les adolescents ou les adultes, ce symptôme peut se limiter à un sentiment subjectif d'impatience motrice). 4. A du mal à se tenir tranquille darigies jeux ou les activités de loisir. 5. Est souvent « sur la brèche » ou agit souvent comme s'il était « monté sur ressorts ». 6. Parle souvent trop. Impulsivité 1. Laisse souvent échapper la réponse à une question qui n'est pas encore entièrement posée. 2. A souvent du mal à attendre son tour. 3. Interrompt souvent Ies autres ou impose sa présence (par exemple, fait irruption dans les conversations ou dans les jeux).
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Psychopharmacologie
noradrénaline
1-amphétamine
\6
I,
site de la 1-amphétamine
FIGURE 12-4. L'énantiomère de la d-amphétamine est la 1-amphétamine qui n'a pas de préférence entre les transporteurs de la noradrénaline et de la dopamine. Ainsi, le site de recapture de la noradrénaline (représenté ici) tout autant que le site de recapture de la dopamine (voir Fig. 12-2) sont les cibles de la l-amphétamine, alors que la d-amphétamine est sélective du transporteur de la dopamine. Les symptômes d'hyperactivité et d'impulsivité de ce trouble ne semblent pas liés aux mêmes voies dopaminergiques et noradrénergiques que dans l'inattention du trouble déficitaire de l'attention. Le candidat le plus probable dans ce type d'hyperactivité et d'impulsivité est la voie dopaminergique nigrostriée (Fig. 12-7). C'est déjà le cas pour l'activité motrice. Les afférences glutamatergiques corticales ont théoriquement un effet inhibiteur sur le striatum, ce qui aurait pour incidence de supprimer les obsessions, les compulsions et les impulsions nées dans d'autres régions cérébrales. Bien que l'hyperactivité motrice et/ou l'impulsivité et l'inattention du trouble déficitaire de l'attention soient sous le contrôle de la dopamine, d'autres voies sont impliquées (voir Fig. 12-1 et 12-7). De plus, l'expérience clinique montre que lorsque les patients qui ont les deux types de symptômes sont traités avecun psychostimulant (tous les patients ne souffrent pas des deux formes de problème), les faibles doses semblant avoir une plus grande affinité pour le cortex, les effets bénéfiques sur l'attention apparaissent avant ceux qui concernent le comportement moteur. Chez de nombreux patients ayant un trouble déficitaire de l'attention, ce phénomène semble dû à une plus grande sensibilité aux psychostimulants des terminaisons dopaminergiques mésocorticales que des terminaisons nigrostriées. Certaines observations cliniques tout à fait inattendues sur le traitement du trouble déficitaire de l'attention ont fini par être confirmées après plusieurs décades chez des patients abusant de psychostimulants (la psychopharmacologie de l'abus de substances psychostimulantes
Psychostimulants ; médicaments de la mémoire et éveillants
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FIGURE 12-5. Ici, la l-amphétamine provoque la libération de la noradrénaline par les neurones noradrénergiques présynaptiques. Elle en fait de même avec les neurones dopaminergiques, de la même façon que la d-amphétamine représentée Fig. 12-3. Lorsque la l-amphétamine se fixe au transporteur présynaptique de la noradrénaline au niveau des terminaisons neuronales noradrénergiques présynaptiques, elle bloque la recapture de la noradrénaline mais surtout provoque la libération de cette dernière. Ainsi, la l-amphétamine libère à la fois la noradrénaline et la dopamine, alors que la d-amphétamine est spécifique de la dopamine Comme la noradrénaline et la dopamine peuvent avoir des effets cognitifs différents bien que proches chez des patients différents, la d- et la l-amphétamine ont donc des effets cognitifs différents. sera vue au Chapitre 13). En effet, les systèmes dopaminergiques de ces patients ne se comportent pas forcément comme ceux de sujets non exposés chroniquement à des stimulants. Dans le trouble déficitaire de l'attention, ces substances exercent spécifiquement un effet « paradoxalement » calmant sur le plan mental à faibles doses, ainsi qu'une réduction de l'hyperactivité motrice à fortes doses, alors que de nombreux sujets « normaux » à qui l'on administre des psychostimulants risquent d'être sur-stimulés, « électrisés » sur le plan mental, hyperactifs et agités sur le plan moteur. En-outre, alors que les sujets qui consomment de telles substances ont souvent besoin de doses croissantes pour maintenir un effet stimulant équivalent (tolérance), les patients ayant un trouble déficitaire de l'attention ne montrent que peu ou pas de tendance à augmenter les doses avec le temps Enfin, et tout aussi surprenant, il n'y a que peu ou pas d'inversion de tolérance chez les patients atteints de trouble déficitaire de l'attention qui ne semblent pas présenter de phénomènes d'hypersensibilité, comme c'est le cas chez les toxicomanes aux amphétamines ou à la cocaïne qui provoquent des symptômes psychotiques et un abus de psychostimulants (voir Chapitre 13, consacré aux drogues). D'autre part, on a le sentiment que le trouble déficitaire de l'attention est sur-diagnostiqué et les psychostimulants trop prescrits, alors que les observations précédentes ne sont
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Psychopharmacologie = clonidine guanfacine voie noradrénergique préfrontale récepteur alpha 2 postsynaptique
FIGURE 12-6. On pense que les récepteurs adrénergiques alpha 2 régulent les effets cognitifs de la no adrénaline au niveau du cortex frontal. Les agonistes directs alpha 2 comme la clonidine et la guanfliu améliorent le trouble déficitaire de l'attention, sans doute grâce à son action sur cette région.
FIGURE 12-7. Le syndrome d'hyperactivité motrice est en lien avec l'activité dopaminergique de la voie nigrostriée. L'impulsivité peut être inhibée par les afférences corticales glutamatergiques inhibitrices issues du striatum. Bien que l'augmentation de la dopamine au niveau de cette voie par les stimulants puisse exacerber le comportement moteur et rendre impulsifs des sujets normaux, elle a un effet paradoxal de réduction de l'agitation motrice et de diminution de l'impulsivité chez les patients atteints du trouble déficitaire de l'attention. plus vérifiées si on les prescrit trop librement. Il n'en reste pas mciins un noyau d'individus souffrant d'inattention qui tirent incontestablement bénéfice des psychostimulants, lesquels augmentent leur attention et leurs capacités à se concentrer.
Nouvelles stratégies pour améliorer l'attention Les thymorégulateurs et les neuroleptiques atypiques peuvent être utiles chez des patients qui répondent mal aux psychostimulants, aux agonistes adrénergiques alpha 2 ou au
Psychostimulants ; médicaments de la mémoire et éveillants
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bupropion, surtout si l'on a diagnostiqué à tort un trouble bipolaire primitif ou comorbide. D'autres antidépresseurs, comme la venlafaxine, sont parfois efficaces. Enfin, il peut être fructueux d'essayer la réboxétine, bien que peu de données soient disponibles à ce sujet. Un nouveau stimulant, le modafinil, a reçu une autorisation de mise sur le marché dans le traitement de la narcolepsie. Son mécanisme d'action n'est pas totalement élucidé. Il pourrait être pro-dopaminergique, pas tant en favorisant la libération de dopamine qu'en bloquant sa recapture. Le modafinil agirait également sur d'autres neurotransmetteurs. Il existe donc des raisons théoriques d'utiliser ce produit dans les troubles de l'attention. La perceptine (GT2331) est un antihistaminique 1-13 d'action centrale, ainsi qu'un antagoniste des autorécepteurs dont le blocage provoque une diminution de la libération d'histamine et augmente l'éveil cognitif. Amélioration de la mémoire
a kitylcholine et neuropharmacologie de la mémoire La mémoire est, de toute évidence, une des fonctions les plus complexes du cerveau. Elle implique de nombreuses voies neuronales et systèmes de neurotransmission. Toutefois, à ce jour, nous savons que certaines pathologies interrompent spécifiquement la neurotransmission cholinergique, et que les médicaments nouveaux qui augmentent la transmission cholinergique améliorent la mémoire des patients. Le psychopharmacologue se doit donc de connaître la pharmacologie cholinergique, les maladies concernées et les médicaments dont il dispose pour améliorer les fonctions mnésiques. Synthèse de l'acétylcholine. L'acétylcholine (ACh) est un neurotransmetteur majeur ; elle est synthétisée dans les neurones cholinergiques à partir de deux précurseurs, la choline et l'acétyl coenzyme A (AcCoA) (Fig. 12-8). La choline provient à la fois de l'alimentation et de sources intraneuronales ; l'AcCoA est synthétisée à partir du glucose dans les mitochondries neuronales. Il existe une interaction entre ces deux substrats et l'enzyme choline acétyltransférase. Cette interaction est à l'origine de l'acétylcholine. Destruction et suppression de l'acétylcholine. L'acétylcholine est détruite par deux enzymes qui la dégradent en produits inactifs (Fig. 12-9). L'une est l'acétylcholinestérase (AChE), l'autre étant la butyrylcholinestérase (BuChE) appelée également pseudo-cholinestérase ou cholinestérase non spécifique. Bien que l'AChE et la BuChE soient toutes deux capables de métaboliser l'ACh, elles sont très différentes dans le sens où elles sont encodées par différents gènes, sont présentes dans des tissus différents et que leurs substrats n'ont pas tout à fait les mêmes caractéristiques. L'inhibition de ces deux enzymes produit des effets cliniques différents. De grandes concentrations d'AChE sont présentes dans le cerveau, en particulier dans les neurones qui ont des afférences cholinergiques. La BuChE est également présente dans le cerveau, mais plus spécialement dans les cellules gliales. Comme nous le verrons plus loin, certains des médicaments utilisés dans le traitement de la maladie d'Alzheimer inhibent spécifiquement l'AChE, tandis que d'autres substances inhibent les deux enzymes. L'enzyme clé de l'inactivation de l'ACh au niveau synaptique est l'AChE (Fig. 12-9), bien que la BuChE soit capable de la réaliser si l'ACh diffuse vers la glie. L'acétylcholinestérase est également présente dans les muscles squelettiques, les globules rouges, les lymphocytes et les plaquettes ; la butyrylcholinestérase est présente dans le plasma, les muscles squelettiques, le placenta et le foie.
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Psychopharmacologie
SYNTHÈSE DE L'ACÉTYLCHOLINE Glucose CAT
Choline
ACh
ACh (ACÉTYLCHOLINE)
FIGURE 12-8. Synthèse de l'acétylcholine (ACh)- L'acétylcholine est un neurotransmetteur important, qui est synthétisé dans les neurones cholinergiques à partir de deux précurseurs, la choline et l'acétyl coenzynne_A (AcCoA). La choline provient à la fois de l'alimentation et de sources intraneuronales ; l'AcCoA est synthétisée à partir du glucose dans les mitochondries neuronales. Il existe une interaction entre ces deux substrats et l'enzyme choline acétyltransférase (CAT). Cette interaction est à l'origine de l'acétylcholine (ACh).
L'acétylcholine est détruite trop rapidement et complètement pour pouvoir faire l'objet d'un transport vers le neurone présynaptique qui l'a libérée. En revanche, la choline issue de cette destruction peut être transportée dans le neurone cholinergique présynaptique par un transporteur similaire à celui des autres neurotransmetteurs- (voir la noradrénaline, la dopamine et la sérotonine déjà évoquées). Une fois arrivée dans le neurone, la choline est recyclée au niveau de la synthèse de l'acétylcholine (voir Fig. 12-8). Récepteurs de l'acétylcholine. Il existe de nombreux récepteurs de l'acétylcholine (Fig. 1240) dont la plupart sont des sous-types nicotiniques et muscariniques. Classiquement, les récepteurs muscariniques sont stimulés par la muscarine, un alcaloïde tiré d'un champignon. Les récepteurs nicotiniques, quant à eux, sont stimulés par la nicotine, un autre alcaloïde, issue du tabac. Les récepteurs nicotiniques ont tous des canaux calciques (dont l'ouverture dépend de la fixation du ligand). Ils sont d'action rapide, excitateurs et sont bloqués par le curare. À
Psychostimulants ; médicaments de la mémoire et éveillants
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DESTRUCTION DE L'ACÉTYLCHOLINE AChE
V c> AChE
FIGURE 12-9. Destruction et suppression de l'acétylcholine (ACh). L'acétylcholine est détruite par une enzyme appelée acétylcholinestérase (AChE), qui la transforme en produits inactifs. L'action de l'ACh peut aussi être achevée par un transporteur présynaptique, similaire à celui des autres neurotransmetteurs (voir les paragraphes consacrés à la noradrénaline, la dopamine et la sérotonine). l'inverse, les récepteurs muscariniques sont des protéines G. Ils peuvent être excitateurs ou inhibiteurs et sont bloqués par l'atropine, la scopolamine et d'autres anticholinergiques dont nous parlerons tout au long de ce texte (voir, par exemple, Fig. 11-11). Les récepteurs nicotiniques et muscariniques ont tous deux de nombreux sous-types. Ce sont ceux les récepteurs muscariniques que nous connaissons le mieux. Le sous-type muscarinique postsynaptique Ml est probablement le récepteur central dans les fonctions mnésiques liées à la neurotransmission cholinergique. Le rôle des autres sous-types reste à ce jour inconnu. Hypothèse du déficit cholinergique dans l'amnésie. De nombreuses études ont montré que perturbation de la mémoire (en particulier la mémoire à court terme) et déficit cholinergique sont liés. Par exemple, une substance qui bloque les récepteurs cholinergiques muscariniques (comme la scopolamine) perturbe la mémoire de volontaires sains de façon similaire à ce que l'on peut observer dans la maladie d'Alzheimer. En augmentant la neurotransmission cholinergique chez les volontaires sains, avec des inhibiteurs de la cholinestérase, on peut non seulement inverser les altérations de la mémoire induites par la scopolamine, mais on peut aussi augmenter les capacités
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Psychopharmacologie
RECEPTEURS DE L'ACÉTYLCHOLINE
récepteur M2 —1 11)
présynaptique
récepteur Mi
M2
FIGURE 12-10. Récepteurs de l'acétylcholine (ACh). Il existe de nombreux récepteurs de l'ACh dont la plupart sont des sous-types nicotiniques (N) et muscariniques (M). Ils ont tous les deux de nombreux sous-types, Ce sont ceux les récepteurs muscariniques (Ml, M2 et Mx) que nous connaissons le mieux. Le sous-type muscarinique postsynaptique Ml est probablement le récepteur central dans les fonctions mnésiques liées à la neurotransmission cholinergique. Le rôle des autres sous-types reste à ce jour inconnu.
mnésiques des patients souffrant de maladie d'Alzheimer. Les études menées tant chez l'animai que chez l'homme ont démontré que le noyau basal de Meynert est le centre cérébral majeur où sont regroupés les neurones cholinergiques qui se projettent sur tout le cortex. Ces neurones jouent un rôle prépondérant dans la formation de la mémoire (voir Fig. 12-11). On pense que les atteintes de la mémoire à court terme observées dans la maladie d'Alzheimer sont dues à une dégénérescence de ces neurones. D'autres neurones cholinergiques, comme ceux qui sont situés dans le striatum et ceux qui se projettent depuis l'aire latérale du tegmentum (Fig. 12-12) ne sont pas en cause dans les troubles de la mémoire de la maladie d'Alzheimer.
Psychostimulants ; médicaments de la mémoire et éveillants
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Noyau basal de Meynert FIGURE 12-11. Le noyau basal de Meynert, localisé dans le télencéphale basal, est le principal siège de localisation des corps cellulaires cholinergiques dont l'axone se projette vers l'hippocampe et l'amygdale, ainsi que partout dans le néocortex. On pense que ces neurones particuliers sont impliqués dans la mémoire et les fonctions cognitives supérieures, comme l'apprentissage, la résolution de problèmes et le jugement. Ils dégénèrent précocement et progressivement tout au long de l'évolution de la maladie d'Alzheimer. Un « syndrome de déficit cholinergique » dû à une dégénérescence limitée du noyau basal pourrait être responsable des problèmes plus limités de mémoire à court terme liés au vieillissement « normal» (si cela existe réellement) ; ce sont des atteintes cognitives légères. Bien que la maladie d'Alzheimer puisse commencer par un déficit cholinergique sévère — et c'est d'ailleurs la cause probable des troubles mnésiques observés précocement — la maladie est progressive et Von voit se développer d'autres troubles, comme les difficultés à résoudre un problème, des troubles du jugement, du langage ou du comportement. On voit donc que la dégénérescence débute par le noyau basal au moment où les symptômes mnésiques restent flous et non diagnostiqués (Fig. 1213) ; elle s'étend ensuite aux aires de projection voisines, comme l'hippocampe, l'amygdale et le cortex entorhinal — c'est à ce moment-là que l'on parle de diagnostic précoce — puis elle s'étend encore, de façon diffuse, à travers le néocortex au moment où le patient perd son indépendance et doit être placé en institution. Le processus implique probablement de nombreux neurones et systèmes de neurotransmission lorsque la mort arrive (voir Fig. 12-13). Ici nous nous focaliserons seulement sur la composante cholinergique de la mémoire et sur la composante mnésique de la maladie d'Alzheimer, tout en ayant bien conscience que l'ensemble est beaucoup plus complexe. Impact des troubles de la mémoire sur la neurotransmission cholinergique
La maladie d'Alzheimer tue les neurones cholinergiques (et d'autres encore .f), ce qui provoque la perte de la mémoire. La maladie d'Alzheimer est une pathologie, mais pas encore un diagnostic clinique. Elle est définie par la présence postmortem de structures dégénérati-
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Psychopharmacologie
FIGURE 12-12. D'autres neurones cholinergiques ne seraient pas impliqués dans la mémoire. Parmi ceuxci il y a les intemeurones du striatum, participant à la régulation de la motricité, et les neurones de l'aire teg_ mentale latérale qui envoient des projections vers les régions rostrales et caudales, ainsi que vers le cervelet, et qui participent à un très grand nombre de fonctions. ves anormales dans le néocortex, les plaques séniles formées de dépôts bêta-amyloïdes, ainsi que d'autres protéines comme l'apolipoprotéine A (apo A) (Fig. 12-14), ainsi que de la dégénérescence neurofibrillaire des protéines anormalement phosphorylées (Fig. 12-15). Les plaques séniles sont des lésions extracellulaires dont le nombre est fortement corrélé au déclin des fonctions cognitives. Elles semblent se former progressivement dans les neurones cholinergiques du noyau basal de Meynert (voir Fig. 12-13). Les dégénérescences neurofibrillaires sont pour l'essentiel un type de protéines regroupées en amas. Ce sont les protéines tau. Leur structure chimique est anormale du fait d'une phosphorylation inhabituelle et de leur enchevêtrement. L'élément primitif des dégénérescences neurofibrillaires est constitué d'une paire de filaments hélicoïdaux, sorte de corde faite de deux fibres assemblées l'une avec l'autre. Au cours de la maladie d'Alzheimer, au tout début de l'évolution, et notamment au niveau des neurones cholinergiques, ces protéines ne semblent pas interférer avec le fonctionnement neuronal en altérant le transport des molécules au sein de leur axone. Avec le temps, les dégénérescences neurOlibrillaires s'étendent ; les conséquences du transport axonal anormal se manifestent par les troubles de la fonction mnésique, ainsi que des autres fonctions corticales (voir Fig. 12-13). L'hypothèse de la cascade amyloide de la maladie d'Alzheimer. Une des principales théories contemporaines concernant la maladie d'Alzheitner tourne autour de la formation des dépôts bêta-amyloïdes. On suppose qu'une grande quantité de substance amyloïde détruit les neurones cholinergiques du noyau basal de Meynert (voir Fig. 12-11), bien que les dégâts s'étendent davantage alors que la maladie progresse (voir Fig. 12-13). La maladie d'Alzheimer est hypothétiquement un trouble dans lequel les dépôts bêta-amyloïdes détruisent les neurones, d'une
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symptômes mnésiques
diagnostic précoce 3 - 6 ans
1
placement en institution 3 ans
mort Évolution de la maladie d'Alzheimer non traitée
FIGURE 12-13. L'évolution de la maladie d'Alzheimer non traitée est progressivement déclinante, commençant par des symptômes mnésiques mineurs passant inaperçus, qui probablement signalent le début de
l'atteinte du noyau basal de Meynert. Le diagnostic est fait après environ trois ans de symptômes non spécifiques ; les dégâts du système cholinergique se sont étendus au moins aux projections de ce noyau (c'est-à-dire, à
l'amygdale, l'hippocampe et le cortex entorhinal) et le patient a perdu une grande part de son indépendance fonctionnelle. Trois à 6 ans plus tard, le processus neurodégénératif-s'est étendu au néocortex, de façon diffuse ; ce stade le patient est en général placé en institution. Après trois années de plus, la mort survient. manière quelque peu analogue aux dépôts anormaux de cholestérol dans les vaisseaux provoquant l'artériosclérose. Ainsi, la maladie d'Alzheimer serait d'abord un processus dans lequel existe une formation excessive ou alors une destruction insuffisante de substance bêta-amyloïde. Chez certains patients atteints de la maladie d'Alzheimer, les neurones pourraient présenter une anomalie de l'ADN codant pour une protéine appelée protéine précurseur de la substance amyloïde (amyloid precursor protein, APP) (Fig. 12-16). Au travers de la formation
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Psychopharmacologie
Plaque sénile (dépôt bêta-amyloïde)
FIGURE 12-14. L'étude postmortem du cerveau définit ce qu'est la maladie d'Alzheimer. Sont représentées ici les structures dégénératives anormales appelées plaques séniles contenant un noyau de substance amyloïde.
Dégénérescence neurofibrillaire
FIGURE 12-15. La dégénérescence neurofibrillaire est un autre élément anatomopathologique dans la maladie d'Alzheimer. Elle est issue d'une protéine tau anormalement phosphorylée. • -- - _ d'une APP anormale (voir Fig. 12-16) qui, au lieu d'être détruite, entraîne la formation des dépôts bêta-amyloïdes dans le neurone (Fig. 12-17), l'ADN anormal déclencherait une cascade chimique létale au sein des neurones (Fig. 12-17 et 12-18). La résultante en serait la maladie d'Alzheimer (Fig. 12-19 et 12-20). Ces dépôts et fragments vont constituer les plaques et les dégénérescences neurofibrillaires (voir Fig. 12-18) dont la présence signe les dégâts et la mort cellulaires (voir Fig. 12-19 et 12-20). Quand ces derniers phénomènes atteignent un seuil critique, les symptômes de la maladie d'Alzheimer apparaissent. Selon une autre variante de l'hypothèse de la cascade amyloïde, il est possible que quelque chose n'aille pas avec une protéine qui se lierait à la substance amyloïde et la supprimerait
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HYPOTHÈSE DE LA CASCADE AMYLOÏDE
APP
ADN anormal
modifiée
G
FIGURE 12-16. Hypothèse de la cascade amyloïde dans la maladie d'Alzheimer (1' partie). Selon une des théories contemporaines centrales sur les bases biologiques de cette maladie, un des éléments essentiels est la formation de la substance bêta-amyloïde. La maladie d'Alzheimer est peut-être avant tout une affection caractérisée par des dépôts anormaux de substance bêta-amyloïde qui entraîne la destruction des neurones. Le problème tourne donc autour de l'excès de synthèse de cette substance ou l'insuffisance des neurones à l'éliminer. Certains pensent que les patients destinés à développer cette maladie auraient une anomalie de leur ADN codant pour la protéine précurseur de la substance amyloïde (APP). L'ADN anormal commencerait une cascade chimique létale qui lancerait la formation de l'APP modifiée.
L'APP modifiée entraîne la formation de dépôts bêta-amyloïdes
FIGURE 12-17. Hypothèse de la cascade atnyliede dans la maladie d'Alzheimer (2' partie). Une fois que la protéine précurseur de la substance amyloïde (APP) est synthétisée (voir Fig. 12-16), elle entraîne la formation des dépôts de substance bêta-amyloïde. (Fig. 12-21 et 12-22). Ils'agit de l'APO-E. Une « bonne » APO-E se lie à la substance bêtaamyloïde et la détruit, empêchant le développement de la maladie d'Alzheimer ou d'une démence (Fig. 12-21). Dans le cas d'une « mauvaise » APO-E, c'est une anomalie génétique lors de sa formation qui contribue ensuite à son inefficacité à se lier à la substance bêta-amyloïde. II se produit donc un dépôt de bêta-amyloïde dans les neurones, à l'origine de leur destruction et du développement de la maladie (Fig. 12-22).
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Psychopharmacologie
Les dépôts bêta-amyloïdes forment kes plaques séniles et les dégénérescences neurofibrillaires qui provoquent la mort de la cellule
FIGURE 12-18. Hypothèse de la cascade amyloïde dans la maladie d'Alzheimer (3' partie). Une fois que les dépôts de substance bêta-amyloïde ont été réalisés à partir de PAPP anormale, l'étape suivante consiste en la formation des plaques séniles et des dégénérescences neurofibrillaires à partir des dépôts.
FIGURE 12-19. Hypothèse de la cascade amyloïde dans la maladie d'Alzheimer (e partie). La Forman_ de nombreuses plaques séniles empêche le neurone de fonctionner normalement, voire provoque sa mer Les gènes codant pour l'APO-E sont associés à différents risques de maladie d'Alzheimer. Trois allèles (c'est-à-dire des copies) du gène sont codants pour cette apolipoprotéine ; ce sont les allèles E2, E3 et E4. Par exemple, un gène situé sur le chromosome 19, codant pour 1'APO-E, est lié à de nombreux cas de maladie d'Alzheinier à début tardif. L'APO-E est quée dans le transport du cholestérol ainsi que dans d'autres fonctions neuronales, dont la réparation, la croissance et la maintenance des gaines de myéline et des membranes cellulaires. Le fait d'avoir une ou deux copies de E4 augmente le risque de développer une maladie
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FIGURE 12-20. Hypothèse de la cascade amyloïde dans la maladie d'Alzheimer (5' partie). La formation de nombreuses dégénérescences neurofibrillaires empêche également le neurone de fonctionner normalement, voire provoque sa mort.
<, Bonne o
La « bonne APO-E se fixe à la substance bêta-amyloïde et assure son élimination
FIGURE 12-21. Une autre version de l'hypothèse dè la cascade amyloïde considère la possibilité qu'il y ait un défaut de la protéine qui se fixe à la substance amyloïde et la supprime. Cette protéine est appelée APOE. Une « bonne » APO-E se fixe à la substance amyloïde et la supprime, empêchant la survenue d'une maladie d'Alzheimer ou d'une autre démence. d'Alzheimer, et les patients atteints de cette maladie chez lesquels on trouve l'allèle E4 ont plus de dépôts amyloïdes. La grande majorité des cas de maladie d'Alzheimer sont sporadiques (c'est-à-dire non héréditaires), tandis qu'environ 10 p. 100 des cas sont transmis sur un mode autosomique dominant. Ces
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Psychopharmacologie
Mauvaise » APO-E
G ADN anormal La « mauvaise » APO-E ne peut pas se fixer à la substance bêta-amyloïde
FIGURE 12-22. En comparaison avec la Fig. 12-21, où la « bonne » APO-E se fixe à la substance amyloïde et la supprime, les patients atteints de maladie d'Alzheimer auraient une anomalie de leur ADN conduisant à la synthèse d'une protéine APO-E défectueuse (« mauvaise » APO-E). Dans ce dernier cas, l'APO-E ne peut pas se fixer à la substance amyloïde qui n'est donc pas éliminée du neurone. La conséquence est l'accumulation de la substance bêta-amyloïde, puis des plaques séniles et des dégénérescences neurofibrillaires, puis la perte fonctionnelle du neurone et enfin sa mort. derniers ont fait l'objet d'intenses recherches afin de trouver des pistes au sujet des cas sporadiques, De tels cas familiaux, rares, sont aussi inhabituels à cause de leur début précoce ; ils sont liés à une mutation de trois chromosomes différents : les chromosomes 21, 14 et 1. La première mutation porte sur le chromosome 21 où existe un manque sur le gène de l'APP, ce qui conduit à la formation de dépôts bêta-amyloïdes du fait d'une longueur excessive de l'APP. Il faut à cet égard rappeler que la trisomie 21 est un trouble qui porte sur le même chromosome et que les patients atteints de trisomie 21 ont pratiquement tous une maladie d'Alzheimer après 50 ans. La seconde mutation, retrouvée dans les cas familiaux à début précoce, porte sur le gène du chromosome 14 appelé préséniline, gène pour lequel on ne connaît pas de relation avec l'APP. La protéine anormale issue de cette mutation génique aurait des effets sur les canaux calciques, le transport des protéines intracellulaires et la différenciation cellulaire, c'est-à-dire toutes des fonctions qui peuvent jouer sur le taux de dégénérescence des neurones. La troisième mutation est associée à une forme familiale de maladie d'Alzheimer, à début précoce. Elle est située sur le chromosome 1 et concerne un gène similaire au précédent, la préséniline 2. Ce gène n'a pas non plus de lien avec l'APP. À l'heure actuelle, on ne sait pas encore quelles sont les informations que nous pouvons tirer des quelques cas familiaux pouvant édairer la physiopathologie des cas sporadiques, non familiaux, à début tardif de maladie d'Alzheimer, ni quels neurones cholinergiques sont endommagés. Autres affections qui tuent les neurones cholinergiques (ainsi que d'autresj et provoquent une altération de la mémoire. La démence vasculaire, jadis appelée démence par multi-infarctus, est une forme de démence caractérisée par une évolution plus rapide que celle de la maladie d'Alzheimer dont la pente évolutive est plus douce, Elle est due à de multiples attaques cérébrales qui endommagent l'encéphale de manière suffisante pour entraîner une démence ainsi que des signes neurologiques focalisés. L'hydrocéphalie à pression normale provoque la dilatation des ventricules cérébraux et peut entraîner une démence. La maladie de Creutzfeldt-Jakob est une autre cause de démence liée à une infection cérébrale par un agent pathogène « lent ». La
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dépression est source d'un faux tableau démentiel (on parle de pseudo-démence) réversible, dans de nombreux cas, sous antidépresseur. Dans la maladie de Huntington,la maladie de Parkinson, et d'autres troubles neurologiques, une démence, comme celle à corps de Lewy, peut être associée aux signes et symptômes de l'affection primitive. Ces dernières démences font partie des troubles neurodégénératifs à l'origine de la destruction de divers neurones, dont ceux qui forment les aires responsables de la mémoire et des autres fonctions cognitives. Les patients atteints du syndrome d'immunodéficience acquis (SIDA) présentent souvent une démence liée à l'infection cérébrale par le virus de l'immunodéficience humaine (VI-I). La démence frontotemporale, encore appelée maladie de Pick, implique plus une dégénérescence du lobe frontal et se manifeste par des changements au niveau de la personnalité. Bien que de nombreuses observations soient en faveur d'une action bénéfique des inhibiteurs de la cholinestérase, il n'y a eu que peu de recherches sur l'atteinte des neurones cholinergiques dans ces différentes démences, ou sur l'intérêt thérapeutique de ces substances.
Inhibiteurs de la cholinestérase : améliorer la mémoire ou ralentir l'atteinte mnésique de la maladie d'Alzheimer Quelle que soit la manière dont elle survient, la modification du fonctionnement neuronal cholinergique est l'une des plus précoces dans la maladie d'Alzheimer par rapport aux autres systèmes de neurotransmission. La fonction cholinergique change de façon spectaculaire dans la première année d'apparition des symptômes, alors que la synthèse de la choline acétyltransférase (voir Fig. 12-7) (l'enzyme de la synthèse de l'acétylcholine) a déjà diminué de 40 à 90 p. 100 dans le cortex et l'hippocampe (voir Fig. 12-13). Le noyau basal de Meynert voit sa population neuronale diminuer progressivement de façon corrélée à la perte progressive de la fonction mnésique (voir Fig. 12-13). L'approche la plus efficace pour augmenter la fonction cholinergique dans la maladie d'Alzheimer et améliorer la mémoire des patients est l'inhibition de la destruction de l'acétylcholine par le blocage de l'acétylcholinestérase (Fig. 12-23), ce qui crée automatiquement une accumulation d'acétylcholine. Cette approche pharmacologique a déjà conduit à l'agrément de deux médicaments dans le traitement des troubles de la mémoire dans la maladie d'Alzheimer et au développement d'autres produits actuellement en fin d'évaluation clinique. Ces substances qui augmentent la mémoire sont appelées stimulants cognitifs ou encore agents promnésiants (c'est-à-dire inverses d'amnésiants). Elles ont été spécifiquement agréées pour traiter la maladie d'Alzheimer. Du fait que ces médicaments dépendent de la présence de récepteurs cholinergiques postsynaptiques intacts pour être efficacement stimulés par l'augmentation d'acétylcholine, ils sont certainement plus efficaces au tout début de la maladie quand les cibles cholinergiques postsynaptiques sont encore présentes. Il existe des preuves que les inhibiteurs de la cholinestérase pourraient même ralentir l'évolution des processus dégénératifs sous-jacents chez certains patien ts, et ainsi entraîner trois types de bénéfices pharmacologiques à travers la stimulation par diffusion des récepteurs cholinergiques nicotiniques eithuscariniques. Ces bénéfices probables sont : (1) une amélioration fonctionnelle de la neurotransmission cholinergique centrale au niveau des synapses cholinergiques (ce qui est particulièrement pertinent dans le néocortex) à travers les mécanismes muscariniques et nicotiniques ; (2) une protection vis-à-vis de la dégénérescence neuronale, grâce à l'activation des récepteurs nicotiniques ; (3) une modification de la transformation de la protéine précurseur de la substance amyloïde, par l'activation des récepteurs Ml. Le donépézil est agréé à travers le monde comme traitement de première intention destiné à améliorer la mémoire ou au moins ralentir le taux des pertes mnésiques dans la maladie d'Alzheimer. Il s'agit d'une pipéridine inhibitrice de l'acétylcholinestérase (AChE), réversible, de
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Psychopharmacologie
FIGURE 12-23. Traitement de la maladie d'Alzheimer par inhibiteurs de la cholinestérase. Le déficit du fonctionnement cholinergique dû à la dégénérescence des projections cholinergiques du noyau basal de Meynert serait en lien avec les troubles de la mémoire dans la maladie d'Alzheimer. Les taux d'acétylcholine (ACh) et de l'enzyme qui assure sa synthèse, la choline acétyltransférase, sont très nettement diminués dans le cerveau de ces patients. Un mécanisme particulièrement puissant et efficace pour augmenter l'ACh dans le cerveau est d'inhiber sa destruction à travers l'inhibition de l'enzyme acétylcholinestérase (AChE). Cela provoque l'accumulation de l'ACh qui n'est plus détruite par l'acétylcholinestérase. Cette approche a conduit à l'élaboration de la seule thérapeutique réellement efficace dans le traitement de la maladie d'Alzheimer. Cette figure représente l'action du donépézil, le traitement de première intention. Il inhibe l'acétylcholinestérase au niveau des neurones cholinergiques et des aires avoisinantes. D'autres substances similaires sont en cours d'évaluation clinique. Comme ces produits dépendent de la présence de cibles intactes pour avoir un maximum d'efficacité, elles sont surtout efficaces en début d'évolution de la maladie (avant que les cibles ne dégénèrent). Toutefois, les inhibiteurs de la cholinestérase ralentissent vraiment la dégénérescence elle--même au travers de la libération de facteurs trophiques ou en interférant avec les dépôts amyloïdes.
longue durée d'action, sans activité sur la butyrylcholinestérase (BuChE) (Fig. 12-24). Il est simple à manier en ce qui concerne la posologie et engendre des effets indésirables essentiellement gastro-intestinaux et transitoires la plupart du temps. La tacrine fut le premier inhibiteur agréé dans cette indication. En raison de sa demi-vie brève, de ses interactions médicamenteuses et de sa toxicité hépatique, elle est devenue un traitement de seconde intention, prescrit aux patients qui ne répondent pas au donépézil (NdT : la _mi
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AChE
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FIGURE 12-24. Icône du donépézil, un inhibiteur de la cholinestérase. C'est actuellement le traitement de première intention de la maladie d'Alzheimer, en raison de l'absence d'hépatotoxicité de ce produit administré une fois par jour. Il est réversible et sélectif de l'acétylcholinestérase (AChE) mais pas de la butyrylcholinestérase (BuChE). Il est développé par des laboratoires américains et japonais.
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FIGURE 12-25. Icône de la tacrine, un inhibiteur de la cholinestérase. La tacrine a été le traitement de première intention de la maladie d'Alzheimer, mais, en raison d'une hépatotoxicité elle a été reléguée en seconde intention. Elle doit être administrée 4 fois par jour, sa dose est difficile à adapter et elle entraîne des interactions médicamenteuses. Elle a une action de courte durée, réversible et non sélective, inhibant à la fois l'acétylcholinestérase (AChE) et la butyrylcholinestérase (BuChE). tacrine est sur le point d'être retirée du marché ; le laboratoire qui fabrique la tacrine a demandé aux médecins de ne plus lancer de nouveaux traitements par tacrine). Elle agirait par inhibition réversible de l'AChE et de la BuChE (Fig. 12-25). Sa courte durée de demi-vie conduit à la prescrire en quatre prises qui parfois amènent une perte intercurrente de l'inhibition de la cholinestérase et donc de l'efficacité. Comme pour tous les inhibiteurs de la cholinestérase, ses effets thérapeutiques sur la mémoire et ses effets indésirables dépendent de la dose. La tacrine a fréquemment une toxicité hépatique, ce qui rend nécessaire une surveillance régulière de la fonction hépatique tout au long de son administration. Elle a en outre plusieurs interactions médicamenteuses potentielles d'ordre pharmacocinétique, car elle est un inhibiteur du CYP450 1A2. Ses taux sont augmentés par d'autres médicaments, comme la cimétidine. Ainsi, la tacrine est non seulement le traitement de seconde intention compte tenu de l'existence du donépézil, mais elle est en bonne voie de passer en troisième position lorsque d'autres produits, actuellement en fin d'évaluation clinique, seront disponibles. La rivastigmine est actuellement en fin de développement clinique et attend son agrément dans de nombreux pays. (NdT : elle est commercialisée en France). C'est un carbamate, « pseudo-irréversible » (c'est-à-dire dont l'action s'interrompt après plusieurs heures) et d'action intermédiaire, sélectif non seulement pour l'AChE et la BuChE, mais peut-être aussi pour l'AChE. Elle agit plus volontiers dans le cortex et l'hippocampe que dans les autres aires
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Ps...chopliarin2cologie
AChE
BuChE
FIGURE 12-26. Icône de la rivastigmine, un inhibiteur de la cholinestérase. Ce produit est développé par un laboratoire suisse. Il est pseudo-irréversible, de durée d'action intermédiaire et sélectif de l'acétylcholinestérase (AChE) mais pas de la butyrylcholinestérase (BuChE).
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FIGURE 12-27. Icône du métrifonate, un inhibiteur de la cholinestérase. Ce produit arrive en fin de développement pour la maladie d'Alzheimer, mais c'est déjà un traitement bien connu de la bilharziose. C'est le précurseur du phosphate 2,2-dichlorovinyldiméthyl (DDVP), un inhibiteur irréversible de l'acétylcholinestérase (AChE) et de la butyrylcholinestérase (BuChE).
cérébrales (Fig. 12-26). Sa sécurité d'emploi semble bonne et son efficacité serait comparable à celle du donépézil, bien qu'aucune comparaison produit par produit n'ait été réalisée à ce jour. Depuis les années soixante, le métrifonate est utilisé par des millions de patients dans le traitement de la bilharziose. Ce n'est que récemment qu'il a été évalué en tant que stimulant des fonctions cognitives dans la maladie d'Alzheimer. Ce n'est pas en soi un inhibiteur de l'AChE. Il s'agit davantage d'un précurseur progressivement converti, de façon indépendante d'une enzyme, en une autre substance chimique, le phosphate 2,2-dichlorovinyldiméthyl (DDVP) qui constitue le véritable inhibiteur de la cholinestérase. Le mécanisme d'action du métrifonate est donc celui d'un précurseur d'un organophosphate irréversible, inhibiteur de longue durée de l'AChE et de la BuChE (Fig. 12-27). L'apparition de ses effets est progressive, car il faut un certain temps pour que le métrifonate absorbé oralement se transforme en DDVP. Cette progressivité permet une meilleure acceptabilité au fur et à mesure que le patient s'adapte à bition de la cholinestérase. Certaines études particulièrement rigoureuses ont été réalisées avec le métrifonate. Elles montrent que l'efficacité sur la mémoire dans la maladie d'Alzheimer est fonction de l'importance de l'inhibition de l'AChE L'inhibition de l'AChE dans les globules rouges par le métrifonate étant directement corrélée à l'inhibition de l'AChE cérébrale induite, le dosage des taux d'AChE dans les globules rouges a montré qu'une inhibition de l'enzyme d'environ 50 à 60 p. 100 est suffisante pour atteindre à la fois une efficacité clinique et une bonne tolérance. Des observations de faiblesse musculaire chez certains patients traités à long
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AChE
FIGURE 12-28. Icône de la physostigmine, un inhibiteur de la cholinestérase. Cet inhibiteur de courte durée d'action est utilisé par voie intraveineuse comme antidote de l'intoxication par les anticholinergiques. Une préparation orale à libération prolongée est en cours de développement pour la maladie d'Alzheimer.
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le t FIGURE 12-29. Icône de la galanthamine, un inhibiteur de la cholinestérase. Ce produit est naturellement présent dans les perce-neige et les jonquilles. C'est un agoniste nicotinique qui favorise la libération d'acétylcholine parallèlement à ses propriétés d'inhibiteur de l'acétylcholinestérase (AChE). La galanthamine est en cours d'évaluation dans la maladie d'Alzheimer (NdT : disponible en France). terme dans des essais cliniques ont conduit au réexamen de la posologie et de la sécurité d'emploi avant toute demande de mise sur le marché de certains pays. La physostigmine est un inhibiteur de la cholinestérase de très courte durée d'action, normalement utilisée par voie intraveineuse comme antidote d'un empoisonnement par un anticholinergique. Sa galénique a été revue pour obtenir une préparation orale à libération prolongée qui a été essayée avec succès dans la maladie d'Alzheimer (Fig. 12-28), démontrant une efficacité sur la mémoire et la cognition comparable à celle des autres inhibiteurs de la cholinestérase, mais avec d'importants effets indésirables (nausées et vomissement, par exemple) qui n'ont pu être réglés et ont empêché son introduction sur le marché. La galanthamine issue des perce-neige et des jonquilles est un très intéressant inhibiteur de la cholinestérase. Elle bénéficierait d'un double mécanisme d'action, associant l'inhibition de la cholinestérase à un effet agoniste nicotinique direct à l'origine d'une libération d'acétyIcholine (Fig. 12-29). Les tout premiers essais dans la maladie d'Alzheimer sont en cours (NdT : en France son dossier a obtenu son AMM). Les inhibiteurs de la cholinestérase : une seule famille de six produits ou six produits uniques ? Bientôt, trois des six inhibiteurs de la cholinestérase devraient être disponibles à travers le monde pour le traitement des troubles mnésiques liés à un mécanisme cholinergique dans la maladie d'Alzheimer (Fig. 12-30). Toujours dans la maladie d'Alzheimer, l'utilisation de ces médicaments devrait s'étendre au traitement des troubles du comportement d'origine cholinergique (en plus de l'altération de la mémoire), puisque les troubles comportementaux dans cette
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Psychopharmacologie chélateurs des radicaux libres neuroprotection
œstrogènes Dans le futur
• • qalanthamine
physostigmine
substances cholinergiques En cours de développemen
tacrine En 2e intention pour la mémoire ou la psychose métrifonate
rivastigmine
Bientôt disponibles En ire intention eoee pour la psychose donépézil
En -Ire intention pour la mémoire
Pharmacie de la maladie d'Alzheimer
FIGURE 12-30. Pharmacie de la maladie d'Alzheimer. À l'heure actuelle le donépézil est le traitement de première intention de l'atteinte mnésique, et les neuroleptiques atypiques (ASD) le traitement de première intention des symptômes psychotiques positifs. Prescrits ensemble, ils peuvent agir de façon synergique. Les inhibiteurs de la cholinestérase métrifonate et rivastigmine vont être très bientôt disponibles. Les traitements de seconde intention sont la tacrine pour la mémoire et les neuroleptiques classiques (D2) pour les symptômes positifs. D'autres produits sont en cours de développement clinique ou préclinique. maladie semblent également répondre à une intervention cholinergique (Fig. 12-31). Bien que nous ayons choisi de nous consacrer essentiellement à l'atteinte de la mémoire dans la maladie d'Alzheimer, de toute évidence, l'altération fonctionnelle dans cette affection a plusieurs dimensions, souvent annoncées par des changements au niveau de l'humeur. Ces derniers apparaissent 2—fo17 3 Lesnll en général avant le déclin cognitif et mnésique, et provoquent une-dépendan1ce in ehei., puis l'émergence des changements comportementaux, puis moteurs (voir Fig. biteurs des cholinestérases peuvent avoir un effet synergique avec les neuroleptiques atypiques qui réduisent les troubles du comportement (voir Chapitre 11). L'utilisation des inhibiteurs de la cholinestérase pourrait être étendue à d'autres affections que la maladie d'Alzheimer, comme, par exemple, les troubles mnésiques d'autres affections, le trouble déficitaire de l'attention et le trouble bipolaire. Au cours des prochaines années, le psychopharmacologue informé devra connaître ces médicaments. 11 devra en particulier savoir quel est le rapport bénéfice/risque de chaque membre de cette famille. Compte tenu des avantages des produits
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TEMPS FIGURE 12-31. Évolution de la détérioration des différentes dimensions symptomatiques de la maladie d'Alzheimer. Les modifications de l'humeur, en particulier s'il s'agit d'un premier épisode et qu'elles ne répondent pas aux antidépresseurs, sont parfois le prodrome de l'atteinte mnésique et du déclin cognitif de la maladie d'Alzheimer. Lorsque ce déclin cognitif s'accentue, la dégradation fonctionnelle arrive rapidement après. Des problèmes comportementaux émergent ensuite et deviennent un point important de la prise en charge de ce trouble. Puis les problèmes moteurs se développent à leur tour, lors des dernières années de la vie. On peut donc voir que la maladie d'Alzheimer n'est pas simplement un trouble de la mémoire, bien que ce soit la dimension dont nous avons le plus parlé dans ce chapitre. les plus récents, il n'y a plus guère de raison de prescrire la tacrine. Lorsque la rivastigmine et le métrifonate seront disponibles sur le marché aux côtés du donépézil, il est certain que les cliniciens voudront connaître les avantages et les inconvénients de chacun. Hélas, aucune comparaison produit par produit n'est disponible à ce jour. Ces nouvelles substances sont très différentes les unes des autres sur le plan pharmacologique, et notamment en ce qui concerne le type et la sélectivité de l'inhibition enzymatique. Ces différences expliquent la tolérance et les interactions médicamenteuses, plus que les différences d'efficacité. Les améliorations de la mémoire et des autres fonctions cognitives semblent être comparables avec tous les inhibiteurs de la cholinestérase lorsque individuellement ils sont comparés au placebo (sans autre produit de comparaison). Néanmoins, on assistera très certainement à une « bataille rangée » destinée à démontrer les avantages de l'inhibition enzymatique réversible (action de courte durée) par rapport à ceux d'une inhibition pseudo-irréversible (durée d'action intermédiaire) et irréversible (action de longue durée). Il en ira de même par rapport à l'intérêt de la sélectivité ou de la non-sélectivité de l'inhibition de l'acétylcholinestérase contre la butyrylcholinestérase, ainsi que sur la sélectivité versus la non-sélectivité de l'inhibition de l'acétylcholinestérase dans les différentes régions-cérébrales, À l'heure actuelle, on ignore si ces différences pharmacologiques se traduisent en avantages .pharmacologiques d'un produit sur l'autre, et l'on ne pourra le savoir qu'après une large utilisation en pratique clinique. Il est néanmoins possible que les médicaments qui n'inhibent pas la BuChE soient mieux tolérés, car les effets indésirables peuvent être augmentés avec l'élévation des taux d'AChE de certains tissus. D'autre part, la BuChE est présente dans la glie ainsi que dans les plaques séniles, les dégénérescences neurofibrillaires et dans les vaisseaux sanguins contenant de la substance amyloïde dans les cerveaux de patients atteints de maladie d'Alzheimer. Il est possible, du moins en théorie (mais rien n'a encore été prouvé), que l'inhibition de la BuChE au niveau de ces régions ait pour effet une amélioration de la mémoire.
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Psychopharmacologie Le spectre des bénéfices potentiels sur la mémoire des agents thérapeutiques de la classe des inhibiteurs de la cholinestérase. L'augmentation de l'activité cholinergique compense la perte liée à la dégénérescence des neurones cholinergiques. Cette stratégie thérapeutique est la seule à avoir obtenu quelques résultats tangibles en améliorant la mémoire de patients atteints de troubles cognitifs. Elle est d'ailleurs spécifiquement agréée dans le traitement des symptômes cognitifs de la maladie d'Alzheimer. Elle a cependant d'évidentes limites. Nous avons déjà parlé du moment le plus opportun pour traiter ces troubles, moment qui se situe très tôt dans l'évolution de la maladie, alors que les neurones postsynaptiques et les récepteurs cholinergiques corticaux sont encore intacts, et cela même si les afférentes cholinergiques présynaptiques issues du noyau basal de Meynert ont dégénéré. Mais, malheureusement, il est non seulement difficile de poser le diagnostic à ce stade de la maladie, mais de plus il est particulièrement ardu d'évaluer les effets du traitement, car les échelles d'évaluation dont nous disposons ne sont pas suffisamment sensibles pour apprécier des changements aussi subtils, même dans le cadre d'un programme de recherche clinique. L'autre limite de cette stratégie de stimulation cholinergique vient du fait que lorsque la maladie d'Alzheimer progresse, les neurones postsynaptiques du néocortex dégénèrent ; l'acétylcholine n'a alors plus de cible sur laquelle agir. En outre, remplacer l'acétylcholine n'améliore en rien les fonctions dépendantes des autres neurotransmetteurs. Les études sur l'évolution naturelle de la maladie d'Alzheimer (voir Fig. 12-13), ainsi que les données issues de l'utilisation en pratique clinique à long terme des deux inhibiteurs de la cholinestérase, et les recherches sur les autres produits de la même classe, donnent une idée de ce que l'on peut attendre de ces médicaments en termes d'amélioration de la mémoire. Comme c'est le cas pour de nombreux traitements psychopharmacologiques, le taux de réponse médian d'un grand groupe de patients est en contradiction avec l'éventail des réponses individuelles. Mais comme il n'existe pas encore de moyen de prédire qui va le mieux répondre, seule l'approche empirique par tâtonnement pourra finalement nous éclairer sur le type de patients susceptibles de mieux répondre à ces produits. En revanche, l'éventail de réponses lui-même est bien connu ; il est résumé dans les figures 12-32 à 12-34. La meilleure réponse possible à un inhibiteur de la cholinestérase est une amélioration nette, suffisamment importante pour être perçue par le patient et par son entourage, au cours des semaines qui suivent l'instauration du traitement (voir Fig. 12-32). Cette amélioration marquée peut persister pendant des mois chez certains patients ou être suivie par un déclin de la mémoire plus lent que prévu (voir Fig. 12-32). Toutefois, la réponse habituelle (médiane) est une amélioration initiale généralement non perçue par l'intéressé, ni même par l'entourage, mais uniquement décelable à travers les évaluations par des tests. Elle ne persiste habituellement que 6 mois environ, puis les fonctions cognitives (mesurées par les tests appropriés) déclinent pour être à ce qu'elles étaient avant le début du traitement (voir. Fig. 12-33). Cette réponse est bien due au traitement, car si on l'arrête, les fonctions cognitives vont immédiatement être au niveau de ce qu'elles auraient été si le patient n'avait jamais été traité. Par la suite, le déclin semble se faire à la même vitesse qu'avant la mise en route du traitement (voir Fig. 12-33). Une autre réponse à l'inhibition de la cholinestérase peut se voir sous forme d'agence d'amélioration immédiate mais d'un net ralentissement du taux de déclin attendu (Fig. 12-34). Bien évidemment, il est des patients qui ne répondent absolument pas. Il est en revanche exceptionnel d'en voir qui s'aggravent avec ces substances. Comme nous l'avons dit plus haut, tous les inhibiteurs de la cholinestérase semblent avoir la même capacité à améliorer la mémoire lorsqu'on les compare au placebo dans des essais cliniques à large échelle. Mais à part quelques observations anecdotiques, aucune comparaison produit par produit ne permet d'affirmer que si un patient n'a pas répondu à l'un de ces médicaments, il répondra nettement à un autre. Une amélioration substantielle est supposée se produire en trente
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. ♦ traitement par un inhibiteur •• • de la cholinestérase •
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•
•• •• •• •♦ •• •• *si Bons répondeurs FIGURE 12-32. La meilleure réponse que l'on puisse atteindre avec les inhibiteurs de la cholinestérase dans la maladie d'Alzheimer est une amélioration conséquente, suffisamment importante pour être repérée par le 'atient et son entourage au cours des semaines qui suivent la mise en route du traitement. Certains des patients maintiennent cette nette amélioration pendant plusieurs mois, ou alors ont un déclin de la mémoire beaucoup plus lent que prévu. semaines chez environ 2.5 p. 100 des patients sous inhibiteur de la cholinestérase, contre seulement 8 à 10 p. 100 sous placebo. On peut s'attendre à ce qu'environ 56 à 60 p. 100 des patients cessent de se détériorer ou s'améliorent modérément sous produit actif, contre 50 p. 100 ou moins sous placebo (cette différence étant statistiquement significative). Ce que l'on sait de l'évolution naturelle de la maladie d'Alzheimer et des améliorations apportées par les inhibiteurs de la cholinestérase doit conduire le prescripteur à avoir des attentes réalistes vis-à-vis d'un traitement par inhibiteurs de l'AChE. L'espoir repose sur une possible synergie d'action entre les inhibiteurs de la cholinestérase actuellement disponibles et de futurs produits doués de mécanismes pharmacologiques différents, l'étape actuelle n'étant que le tout premier pas dans la lutte contre cette maladie dévastatrice.
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diagnostic précoce
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•••• traitement par un inhibiteur •• •• de la cholinestérase •• 4,1
•• •• •• •• •
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Réponse habituelle (médiane) FIGURE 12-33. La réponse habituelle (médiane) obtenue avec les inhibiteurs de la cholinestérase dans la maladie d'Alzheimer est une amélioration initiale statistiquement significative des évaluations cognitives, et parfois perceptible par l'équipe soignante, mais souvent pas par le patient lui-même. Une telle réponse dure en général 6 mois, puis le fonctionnement cognitif, évalué au travers de tests, revient à ce qu'il était avant le traitement. Cette réponse est incontestablement liée au traitement, car si on l'arrête, les fonctions cognitives deviennent celles que l'on était en droit d'attendre si le patient n'avait jamais été traité. Par la suite, le déclin se fait à peu près à la même vitesse qu'avant l'instauration du traitement.
Autres stimulants de la mémoire et des autres fonctions cognitives ; produits du futur L'innovation en matière de stimulants cognitifs est l'un des champs de la recherche les plus actifs de la psychopharmacologie, en particulier dans le cadre de la maladie d'Alzheimer. Bien qu'il s'agisse là d'un sujet des plus passionnants, il n'intéressera pas tous les lecteurs, en particulier les débutants dans ce domaine et Ies médecins généralistes. Ceux-ci peuvent, s'ils le souhai. tent, sauter les prochains paragraphes pour se rendre directement au résumé en fin de chapitre.
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Réponse « palliative
12-34. Une autre façon de répondre aux inhibiteurs de la cholinestérase se fait sous forme d'ab'amélioration immédiate, mais avec un incontestable ralentissement du taux de déclin comparativece à quoi on pouvait s'attendre. On parle au sujet de tels patients de répondeurs « palliatifs ». Produits ayant une efficacité non démontrée ou limitée sur la démence PREMIÈRES THÉRAPEUTIQUES CHOLINERGIQUES Les premières tentatives d'augmentation de la fonction cholinergique dans la maladie d'Alzheimer ont été réalisées en utilisant des produits plutôt rudimentaires comme la choline et la lécithine (ou phosphatidyl-choline) qui sont les précurseurs de la synthèse de l'acétylcholine. L'idée d'alors était une analogie avec la maladie de Parkinson, dans laquelle la dégénérescence des neurones dopaminergiques (à l'origine de la maladie) peut être traitée avec succès par la L-DOPA qui est le précurseur de la dopamine. De nombreuses études sur les précurseurs cholinergiques ont eu des résultats négatifs n'apportant aucun espoir tangible d'amélioration de ces patients atteints de maladie d'Alzheimer.
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Psychopharmacologie VASODILATATEURS CÉRÉBRAUX Partant de l'hypothèse que la détérioration cognitive pouvait être due à l'artériosdérose des vaisseaux cérébraux, les vasodilatateurs cérébraux furent essayés à l'origine dans les démences. Le dioxyde de carbone, les inhibiteurs de l'anhydrase carbonique, les anticoagulants, l'acide nicotinique (un dérivé de la vitamine B6), le pyritinol, le méclofénate, la vitamine E, l'oxygène hyperbare, la papavérine, le cyclandélate, l'isoxuprine, la vincamine et la cinnarizine ont fait l'objet d'études destinées à améliorer l'oxygénation cérébrale. Aucune d'entre elles ne s'est montrée efficace, et l'hypothèse d'une mauvaise circulation impliquée dans le processus démentiel a finalement été rejetée. L'utilisation de certaines de ces substances s'est néanmoins maintenue dans certains pays européens, sous couvert de l'hypothèse des « démences par mauvaise circulation cérébrale », comme cela fut le cas du naftidrofuryl chez les patients âgés confus. L'efficacité en est toute relative. La cinnarizine est un vasodilatateur et un antagoniste calcique prescrit en Europe dans le vertige et les démences liées à une ischémie chronique. Son efficacité est ambiguë. La pentoxifylline est un vasodilatateur qui améliore les fonctions mnésiques chez l'animal mais n'a pas réussi à prouver une telle action chez les patients déments. La nimodipine est un inhibiteur calcique agréé dans certains pays pour les maladies cérébrovasculaires, et dans d'autres plus spécifiquement pour réduire le spasme vasculaire dans les hémorragies sous-arachnoïdiennes. Elle normaliserait le taux de calcium cellulaire et pourrait jouer sur d'autres mécanismes, comme l'activation d'enzymes impliquées dans les fonctions cognitives. Par conséquent, la nimodipine a été beaucoup testée dans la maladie d'Alzheimer, mais n'a pas entraîné d'amélioration sur le plan cognitif. Les inhibiteurs calciques sont utilisés au Japon et dans certains pays européens comme de probables neuroprotecteurs et/ou stimulants cognitifs. STIMULANTS MÉTABOLIQUES On compte parmi ces produits l'Hydergine®, nom commercial d'une spécialité faite d'alcaloïdes de l'ergot de seigle et la première a avoir été agréée pendant un certain temps par la FDA aux États-Unis dans le traitement des démences (mais pas spécialement dans les troubles de la mémoire de la maladie d'Alzheimer). Cette spécialité a aussi été développée à l'époque où l'on croyait que la maladie d'Alzheimer et les démences en général étaient dues à des problèmes vasculaires. L'Hydergine® a donc été commercialisée en tant que « vasodilatateur cérébral », compte tenu de ses quelques propriétés antagonistes adrénergiques alpha dont on attendait un effet dilatateur des vaisseaux sanguins. Par la suite, ce médicament a été reclassé dans les stimulants métaboliques, du fait de sa capacité à modifier les taux de l'AMPc (second messager) et peut-être à agir en tant qu'agoniste dopaminergigue, sérotoninergique et noradrénergique. Plusieurs études portant sur de fortes doses d'Hydergine® ont montré une certaine efficacité sur les démences, en particulier celles où l'atteinte cognitive est faible. L'amélioration de l'humeur apparaît plus prononcée que celle de l'état cognitif. À l'heure actuelle, l'intérêt de l'Hydergine® ou d'autres stimulants métaboliques n'est plus reconnu, particulièrement aux États-Unis. VITAMINES ET HORMONES Lorsque les anomalies présentes dans la maladie d'Alzheimer ont été décrites, on a eu recours aux vitamines et aux hormones, en particulier la vitamine B12, la thiamine et le zinc. Toutes les études portant sur ce genre de traitements substitutifs se sont avérées négatives. Le gingko biloba, d'après certains rapports, pourrait améliorer les fonctions cognitives, bien que l'ampleur de l'effet et sa généralisation demeurent incertains, comme c'est d'ailleurs le cas avec d'autres plantes. Certains praticiens utilisent des chélateurs de l'aluminium, d'après certaines spéculations portant sur le rôle de ce métal dans la maladie d'Alzheimer. Des essais ont été réalisés avec des chélateurs comme la desferrioxamine, mais
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tous ont été négatifs. L'avenir de ce type de traitement reste donc incertain, d'autant plus que pour beaucoup d'auteurs il s'agit là d'un placebo à la fois sophistiqué et onéreux. NOOTROPES Les nootropes font partie des psychotropes qui, chez l'animal, améliorent les capacités d'apprentissage et agissent contre leur détérioration. Le mot nootrope a été forgé pour un groupe de médicaments dotés de la propriété d'améliorer certains mécanismes cérébraux supposés en lien avec les performances mentales. Outre une capacité à améliorer la mémoire et l'apprentissage, leurs principales caractéristiques sont : (1) favoriser le passage des informations entre les deux hémisphères ; (2) augmenter la résistance du cerveau aux agressions physiques et chimiques ; (3) ne pas avoir d'effet sédatif, analgésique ou neuroleptique. L'acétyl-L-carnitine est une substance naturelle, produite par l'acétylation de la carnitine dans les mitochondries. Elle a une structure analogue à celle de l'acétylcholine et est donc parfois classée parmi les agonistes ACh faibles et les nootropes. Nous disposons de données (limitées), au Japon, pour des patients souffrant d'ischémie cérébrale, montrant une amélioration chez certains. Les nootropes auraient un effet protecteur cellulaire en inhibant la formation des peroxydes lipidiques produits par l'ischémie cellulaire, ainsi que du lactate produit par l'arrêt circulatoire. La structure chimique du nootrope prototypique, le piracétam, est dérivée de celle de l'acide gamma-arninobutyrique (GABA). Toutefois, à l'heure actuelle, on ne lui connaît aucune action sur les neurones, ni au niveau des récepteurs GABA, pas plus qu'on ne lui en connaît ailleurs. Certains chercheurs émettent l'hypothèse que les nootropes seraient des stimulants cognitifs en influençant les réserves énergétiques cérébrales et en augmentant dans le cerveau les substances chimiques (comme l'ATP) qui apportent l'énergie. Le premier nootrope fut le piracétam, mais d'autres ont été développés depuis : pramiracétam, oxiracétam et aniracétam, par exemple. Des données, limitées, montrent que les nootropes peuvent être utiles pour améliorer la mémoire ou le comportement chez les patients ayant une démence sénile légère à modérée, mais pas chez les patients sévèrement atteints. Ces médicaments sont utilisés ailleurs qu'aux États-Unis où aucun nootrope n'a obtenu d'agrément pour quelque indication que ce soit. Stratégies de recherche sur les dégradations de la mémoire liées à l'âge, les atteintes cognitives légères et les traitements présymptomatiques ou précoces de la maladie d'Alzheimer. Serionsnous tous déments si nous vivions suffisamment longtemps ? L'âge est-il dangereux pour nos neurones cholinergiques ? Plus de la moitié des sujets âgés vivant dans la communauté se plaignent de troubles mnésiques. Quand on leur demande de comparer avec leurs capacités d'il y a cinq ou dix ans, ils expriment en général quatre plaintes : (1) diminution de la capacité à se remémorer les noms, (2) diminution de la capacité à trouver le mot juste, (3) diminution de la capacité à se rappeler où se trouvent les objets, (4) diminution de la capacité à se concentrer. Ce type de plaintes non liées à une démence ou à une dépression est considéré comme une détérioration de la mémoire liée à l'âge. Fort heureusement, il n'apparaît pas que la majorité de ces sujets finissent par évoluer vers une maladie d'Alzheimer. Il y a en revanche un intérêt certain à dépister et prévenir la progression de cette maladie. Nous nous orientons donc vers une aire de traitements présymptomatiques larges et ultraprécoces (voir Chapitre 11 sur la schizophrénie). L'idée n'est pas de supprimer les symptômes en cours, mais de prévenir l'apparition de nouveaux symptômes et la détérioration ultérieure. Que ce soit dans la schizophrénie ou dans la maladie d'Alzheimer, de telles études se heurtent à de nombreux problèmes méthodologiques et logistiques. Il est en particulier difficile de désigner les sujets devant entrer dans l'étude ; le coût est considérable car il
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Psychopharmacologie faut un nombre énorme de patients et que ce type d'étude prend un temps très long ; fixer les critères de fin d'étude pose problème et décider à quel moment un sujet a une schizophrénie précoce ou une maladie d'Alzheimer, etc. ? Pourtant, si tous ces écueils méthodologiques parviennent à être résolus, un certain nombre de nouvelles substances psychopharmacologiques pourra être utilisé de manière à évaluer plusieurs hypothèses pour le moins provocantes. Bien sûr, les inhibiteurs de la cholinestérase ont fait l'objet d'études destinées à évaluer leur capacité à prévenir ou retarder la survenue d'une démence. En raison d'une plus faible incidence de maladie d'Alzheimer chez les utilisatrices d'oestrogènes (chez les femmes) et d'anti-inflammatoires (dans la polyarthrite rhumatoïde et dans une utilisation empirique), 41 ces substances ont fait l'objet d'essais randomisés. L'idée à la base des essais sur les oestrogènes repose sur le fait qu'ils puissent être un facteur neurotrophique (voir. Chapitre 14 sut la psychopharmacologie sexuelle). Celle qui a conduit aux essais sur les anti-inflammatoires est que les dépôts amyloïdes provoquent une réaction inflammatoire accroissant les dégâts neuronaux. En entravant cette réaction, les anti-inflammatoires pourraient arrêter le processus dégénératif. Ainsi, toute une kyrielle de substances pouvant arrêter la cascade inflammatoire fait l'objet d'investigations dans ce sens, dont les bons vieux anti-inflammatoires non stéroldiens (AINS), la nouvelle génération d'anti-inflammatoires, celle des inhibiteurs de la cyclooxygénase de type 2 (COX-2), la vitamine E (un anti-radicaux libres), et le déprényl, un inhibiteur de la monoamine oxydase B potentiellement neuroprotecteur. Une ramification théorique de cette stratégie est l'utilisation de substances neuroprotectrices, comme les antagonistes glutamatergiques, destinées à interrompre un hypothétique processus neurodégénératif excitotoxique dans la maladie d'Alzheimer. Nous en avons largement parlé dans le Chapitre 10 sur la schizophrénie (voir Fig. 10-26 à 10-31), parallèlement aux stratégies thérapeutiques potentielles (voir Fig. 10-32 et 10-33) qui s'appliquent aussi à la maladie d'Alzheimer. Une orientation majeure de la recherche de nouveaux traite. ments dans la maladie d'Alzheimer se fait vers le système glutamatergique qui semble intervenir dans la neurodégénérescence progressive par un mécanisme excitotoxique. L'idée sous-jacente au développement de substances neuroprotectrices est qu'elles mettraient fin à une neurotransmission excitatrice inadéquate ou excessive ; elles pourraient donc interrompre l'évolution progressive de plusieurs troubles neurodégénératifs. Aucun produit de ce type n'est disponible en pratique clinique à ce jour. On peut également prévoir, à long terme, la possibilité d'interrompre la perte par apoptose des neurones dégénérés dans la maladie d'Alzheimer en administrant des inhibiteurs des caspases (voir. Chapitre 11 à propos de la discussion sur les nouveaux traitements de la schizophrénie). Autres stratégies de recherche dans la maladie d'Alzheimer et les autres démences STRATÉGIES CHOLINERGIQUES (INHIBITION DE SUBSTANCES AUTRES QUE LA CHOLINESTÉRASE)
Une stratégie qui a rencontré des limites en termes d'efficacité est de cibler sélectivement les récepteurs cholinergiques avec un agoniste cholinergique. Diverses substances sont actuellement étudiées, et notamment les agonistes des récepteurs cholinergiques Ml (Fig. 12-35). Des agonistes nicotiniques sont aussi en cours d'essai (Fig. 12-36). Les résultats de plusieurs études épidémiologiques sont allés dans le sens d'un possible avantage de la stimulation des récepteurs cholinergiques nicotiniques en trouvant un plus faible risque de maladie d'Alzheimer chez Ies fumeurs. De plus, on constate une diminution du nombre de récepteurs nicotiniques dans Ies cerveaux de malades. Dans le Chapitre 11, nous avons parlé du développement des agonistes cholinergiques alpha-7-nicotiniques en tant que nouveau traitement possible de la schizophrénie. Cela pourrait être valable également dans la maladie d'Alzheimer. Il testedi
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récepteur
GURE 12-35. Utilisation d'un agoniste des récepteurs muscariniques Ml dans le traitement de la maladie d'Alzheimer. Une autre approche, qui pour le moment n'a donné que des résultats limités, est de cibler sélectivement les récepteurs cholinergiques à l'aide d'un agoniste. Divers agonistes cholinergiques sont en cours d'évaluation, et en particulier les agonistes des récepteurs Ml. encore la possibilité de développer une substance qui libérerait l'acétylcholine, peut-être grâce au blocage des canaux potassiques. Mais cette approche dépend étroitement de la présence de terminaisons cholinergiques présynaptiques intactes et par conséquent ne peut être efficace qu'au tout début de la maladie. Plusieurs produits sont actuellement étudiés. ACTION SUR LA BIOSYNTHÈSE DE LA PROTÉINE PRÉCURSEUR DE LA SUBSTANCE AMYLOÏDE OU DE L'APO-E Les thérapeutiques actuelles sont fondées sur l'hypothèse qu'en entravant la synthèse de l'API' (Fig. 12-37) ou de l'APO-E (Fig. 12-38), on puisse modifier le dépôt de subs-
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Agoniste nicotinique
FIGURE 12-36. Utilisation d'agonistes des récepteurs cholinergiques nicotiniques pour le traitement de la maladie d'Alzheimer. Les agonistes nicotiniques ont également été évalués dans cette affection. D'après certai. nes études épidémiologiques, il y aurait un avantage à stimuler les récepteurs cholinergiques nicotiniques en rai. son d'une plus faible incidence de maladie d'Alzheimer chez les fumeurs. De plus, les récepteurs nicotiniques centraux sont diminués chez les malades. À ce jour, aucun produit n'a été breveté dans cette indication.
tance bêta-amyloïde (voir Fig. 12-16 à 12-22) et ainsi prévenir l'évolution progressive de maladie d'Alzheimer. L'inhibition directe de l'expression génique pour la biosynthèse de ces protéines est impossible pour le moment et semble devoir le rester encore un certain temps, Une approche plus réaliste serait d'inhiber la synthèse de la substance bêta-amyloïde, de façon très comparable à ce que font les hypolipémiants qui agissent en inhibant la biosynthèse du cholestérol afin de prévenir l'artériosclérose. Cela pourrait être rendu possible, au moins théorie, en agissant sur les inhibiteurs d'enzymes, comme les inhibiteurs des protéases.
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FIGURE 12-37. Une des approches actuelles pour prévenir la destruction neuronale dans la maladie d'Alzheimer s'appuie sur la neurobiologie moléculaire de la synthèse de la substance amyloïde et de l'implication de la protéine précurseur de la substance amyloïde (APP) dans ce processus. Si l'on pouvait empêcher la synthèse d'APP, les dépôts de substance amyloïde ne seraient pas les mêmes et l'on préviendrait ainsi la progression de la maladie. Une autre possibilité consisterait en l'inhibition de la synthèse de la substance bêta-amyloïde elle-même, dans l'optique des traitements hypolipémiants qui agissent sur la biosynthèse du cholestérol de façon à prévenir l'artériosclérose. FIGURE 12-38. Une autre approche thérapeutique actuelle pour la prévention de la destruction neuronale dans la maladie d'Alzheimer s'appuie aussi sur la neurobiologie moléculaire de la formation de la substance bêta-amyloïde, mais en soulignant le rôle de la liaison de la protéine APO-E dans ce processus. Si la synthèse d'une « bonne » APO-E est assurée ou si l'on prévient la synthèse d'une « mauvaise » APO-E, il est possible que la substance amyloïde ne s'accumule pas dans le neurone. Si l'on parvenait à modifier le dépôt de substance bêta-amyloïde, on aurait bon espoir de prévenir l'évolution progressive de la maladie d'Alzheimer.
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NEUROPEPTIDES On sait que plusieurs systèmes de neurotransmission neuropeptidique sont perturbés dans la maladie d'Alzheimer, parmi lesquels la somatostatine, le cortkotropinreleasing factor (CRF), le neuropeptide Y et la substance P. Un analogue de la somatostatine n'a pas fait la preuve de son efficacité. L'arginine vasopressineet plusieurs de ses analogues out fait l'objet de nombreuses études à cause de leur rôle dans la cognition ; ils ont démontré leur efficacité sur la mémoire chez l'animal. Chez les patients atteints de maladie d'Alzheimer, leur utilisation a conduit à des améliorations modestes du comportement, de l'énergie et de l'humeur, mais sans grand changement de la mémoire. Ceci est également vrai pour les agonistes des corticotropines qui agissent sur l'humeur et le comportement, mais n'ont pas d'effet marqué sur la mémoire et la cognition. Les études sur les analogues de la thyrotropin-releasing hormone, qui ont des effets pro-cholinergiques, n'ont rien donné. La naloxone, un antagoniste des opiacés, n'améliore pas de manière probante la cognition dans la maladie d'Alzheimer.
FACTEURS DE CROISSANCE On devrait pouvoir obtenir une régénération neuronale ou une plus grande résistance vis-à-vis du processus destructif à l'aide de facteurs neurotrophiques sélectionnés. Le nerve growth factor en est le prototype. Il pourrait avoir une action synergique avec les thérapeutiques cholinergiques, car ses récepteurs sont localisés principalement sur les neurones cholinergiques et il est concentré de façon relativement élevée dans le télencéphale basal, précisément là où les neurones cholinergiques dégénèrent dans la maladie d'Alzheimer. Mais il existe néanmoins un danger potentiel à utiliser les facteurs de croissance, car, à côté de la régénération neuronale cholinergique, ils peuvent induire un « bout_ geonnement » inadéquat et une croissance des mauvaises fibres. On constate aussi une augmentation de l'ARNm de la protéine précurseur de l'amyloïde (APP), ce qui n'a rien de rassurant car il peut potentiellement être à l'origine de la formation de bêta-amyloïde indésirable, ainsi que de plaques séniles et de dégénérescences neurofibrillaires. Il existe une autre substance growth factor-like, le ganglioside GM1. Les gangliosides cérébraux sont des lipides complexes en lien avec le développement synaptique. Dans plusieurs modèles animaux, le GM1 a prévenu la dégénérescence neuronale, et il serait capable de prévenir la dégénérescence rétrograde des neurones cholinergiques du télencéphale basal du rat après lésion du cortex cérébral Bien que de telles approches n'en soient qu'à leurs balbutiements, elles n'en sont pas moins des exemples concrets de modèles animaux où des molécules trophiques endogènes peuvent être utilisées dans le traitement de maladies dégénératives comme la maladie d'Alzheimer (voir Chapitres 1 et 4 et Fig. 1-19, 1-22 et 4-13). Mais cela reste une thèse très théorique et essentiellement à long terme. TRANSPLANTATION L'hypothèse qu'une greffe de tissus neuronaux sains puisse favoriser la régénération d'un cerveau malade et le retour à un fonctionnement normal est issue des expériences sur l'animal utilisant des tissus du système nerveux central de foetus, de cellules nerveuses périphériques et de cultures cellulaires. Une fois transplantés dans l'encéphale, ces tissus exercent leurs effets thérapeutiques via divers mécanismes. Ils agiraient comme des générateurs chimiques (de facteurs de croissance, par exemple), ou des générateurs de cellules gliales qui à leur tour favoriseraient les fonctions neuronales. Ils pourraient également fournir au cerveau des axones régénérés à partir du matériel de transplantation qui créeront des afférences vers d'autres neurones. À l'heure actuelle, une intense recherche théorique est exercée dans ce domaine, sans encore permettre d'application clinique et posant un certain nombre de questions éthiques (voir Chapitre 4, Fig. 4-14). Associations chimiothérapiques futures dans les troubles où sont présentes à la fois des perturbations cognitives et une perte mnésique. Comme dans le cas de la schizophrénie (voir Chapitre 11
Psychostimulants ; médicaments de la mémoire et éveillants
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sur les antipsychotiques), le traitement futur de la maladie d'Alzheimer ne devrait pas avoir qu'un seul mécanisme pharmacologique d'action. En dépit des pressions économiques visant à développer le « médicament unique de choix », ainsi que des contraintes méthodologiques imposant de n'étudier qu'un seul produit à la fois, il semble vraisemblable qu'un trouble réunissant des perturbations cognitives, mnésiques, comportementales et une composante dégénérative nécessitera une association de médicaments, comme une substance pro-cholinergique pour la mémoire de travail, plus un neuroleptique atypique pour le comportement, plus un produit neuroprotecteur contre la neurodégénérescence, ou quelque chose de ce genre. Peut-être les futurs traitements psychopharmacologiques devront-ils être calqués sur les chimiothérapies anticancéreuses et celles qui sont développés contre le VIII et le SIDA (voir nouveaux traitements de la schizophrénie), où le standard thérapeutique est l'utilisation simultanée de multiples médicaments pour agir à travers plusieurs mécanismes thérapeutiques dont le total pourrait être supérieur à la somme des parties. sumé Dans ce chapitre, nous nous sommes penchés sur la stimulation cognitive à travers deux thèmes : l'attention et la mémoire. Nous avons passé en revue le rôle de la dopamine et de la noradrénaline dans la neuropharmacologie de l'attention, puis le trouble déficitaire de l'attention qui est le problème le plus fréquemment rencontré parmi les troubles de cette fonction. Nous avons ensuite évoqué l'utilisation de stimulants destinés à améliorer l'attention, principalement dans le trouble déficitaire de l'attention, et passé en revue les mécanismes pharmacologiques d'action du méthylphénidate, de la d- et la t-amphétamine, de la pémoline et des thérapeutiques de deuxième rang comme la clonidine et la guanfacine. Le deuxième sujet abordé dans ce chapitre est consacré à la maladie d'Alzheimer. Il concerne le rôle de l'acétylcholine dans la mémoire et la façon dont les systèmes cholinergiques sont impliqués par les processus à l'origine des plaques et des dégénérescences neurofibrillaires dans les neurones cholinergiques projetant depuis le noyau basal de Meynert et aussi de régions cérébrales plus diffuses. Ensuite, nous avons passé en revue les stratégies cholinergiques majeures destinées à améliorer la mémoire tout en ralentissant sa détérioration dans la maladie d'Alzheimer. Il s'agit essentiellement de l'inhibition de la cholinestérase par de nombreuses substances dont le donépézil et la tacrine, ainsi que les nouvelles substances, prometteuses, comme la rivastigmine, le métrifonate, la physostigmine et la galanthamine. Pour terminer, nous avons imaginé de nombreuses stratégies thérapeutiques dans la maladie d'Alzheimer, toutes basées sur la compréhension actuelle de ses mécanismes physiopathologiques.
I
CHAPITRE
13
PSYCHOPHARMACOLOGIE DE LA RÉCOMPENSE ET DE L'ABUS DE DROGUE
L Usage et abus de substances psycho-actives et récompense : un peu de terminologie II. Voie dopaminergique mésolimbique et psychopharmacologie de la récompense III. Stimulants : cocaïne et amphétamine IV. Hallucinogènes, drogues de synthèse et phencyclidine V. Être « stone » avec ou sans inhalation : marijuana et endocannabinoïdes VI. Nicotine VII. Opiacés VIII. Alcool IX. Benzodiazépines et sédatifs-hypnotiques X. Psychopharmacologie de l'obésité : mes récepteurs me font manger XI. Résumé La psychopharmacologie se définit comme l'étude des substances actives au niveau cérébral. Jusqu'ici, tous les chapitres de cet ouvrage ont été consacrés à la façon dont les psychotropes influent sur le cerveau dans une perspective thérapeutique. Malheureusement les psycho. tropes, pris au sens large, peuvent faire l'objet d'abus et occasionner de graves problèmes de santé publique à travers le monde. En quoi l'abus de substances psycho-actives affecte-t-il l'encéphale ? Pour tenter de répondre à cette question, nous allons évoquer la manière dont l'utilisation non thérapeutique, l'abus-à court terme (intoxication) et les complications d'un abus à long terme agissent au niveau de fa neurotransmission. Nous ne parlerons pas des autres aspects (importants) de tels abus et laisserons à d'autres experts le soin d'explorer la question de la relation entre usage de drogue, économie, criminalité et violence.
-„gge et abus de substances psycho-actives et récompense : un peu de terminologie Avant de pousser plus avant l'exploration des mécanismes neurochimiques liés à l'abus de substances psycho-actives, il est utile de donner quelques définitions (Tableau 13—I). 499
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Psychopharmacologie Tableau 13—I. Neuf termes essentiels et leur définition
Abus : auto-administration de n'importe quelle drogue dans un contexte d'interdit culturel qui engendre des conséquences indésirables. Addiction : ensemble de comportements toxicomaniaques caractérisé par une implication accablante pour la consommation d'une drogue (usage compulsif), pour s'en assurer l'approvisionnement, avec une forte tendance à rechuter après un sevrage. Dépendance : état physiologique de neuroadaptation engendré par l'administration répétée d'une drogue, nécessitant d'en maintenir l'usage afin d'éviter tout syndrome de sevrage. Renforcement : tendance induite par une drogue qui procure du plaisir à en poursuivre l'autoadministration. Tolérance : phénomène qui se développe après une administration répétée d'une drogue, consistant en la nécessité d'augmenter la dose pour obtenir le même effet qu'au début. Tolérance croisée; dépendance croisée : capacité d'une drogue de supprimer la dépendance physique engendrée par une autre drogue et de maintenir l'état de dépendance physique. Sevrage : réaction physique et psychique apparaissant à l'occasion de l'arrêt brutal d'une drogue ayant induit une dépendance. Rechute : réapparition à l'arrêt d'un traitement médical efficace de l'état d'origine dont le patient souffrait. Rebond : manifestation exagérée de l'état initial, parfois subie par le patient immédiatement après l'arrêt d'un traitement efficace.
Usage versus abus
L'usage licite de certaines drogues a toujours été défini au sein d'une culture déterminée. Par conséquent on observe des différences interculturelles mais aussi des variations dans le temps. Lorsqu'une drogue est utilisée d'une manière qui diffère avec l'usage approuvé dans la culture, on parle d'abus. L'usage et l'abus de drogues sont donc définis par la culture et non à travers des mécanismes psychopharmacologiques. L'abus est défini par l'auto-administration de n'importe quelle drogue, mais d'une façon culturellement réprouvée et entraînant des conséquences défavorables. Il est beaucoup plus facile de définir et d'identifier les conséquences psychopharmacologiques défavorables liées à l'usage de drogue que d'arriver à un consensus sur ce qu'est la « désapprobation culturelle ». Tout au long de ce chapitre, et de manière délibérée, notre propos ne sera donc pas de débattre sur ce qui est défini par notre culture en tant que frontière entre usage et abus, d'autant plus que cette limite est floue. Au niveau de l'encéphale, finalement, peu importe ce que la société définit comme mésusage, et ' ce chapitre se cantonnera à analyser l'action aiguë des substances psychotropes, en mettant l'accent sur la façon dont les mécanismes psychopharmacologiques sont modifiés en fonction de la quantité (c'est-à-dire la dose) de drogue et de la fréquence de cette administration. Lorsque la neurotransmission chimique est modifiée à un point tel que le comportement de l'individu devient dangereux pour autrui et pour lui-même, atteignant une détérioration ou un désarroi cliniquement perceptibles, on peut alors dire qu'il a dépassé le seuil du simple usage pour entrer de plain-pied dans le cadre de l'abus tel qu'il est défini par la édition du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM-IV) de l'American Psychiatrie Association. Renforcement et récompense sont les termes qui expliquent, en partie, pourquoi un individu abuse d'une drogue de manière répétitive, ou autrement dit, le fait que les drogues qui font l'objet d'abus ont des propriétés de renforcement, procurant un plaisir qui conduit à une
e
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prise répétitive du produit. La base neurochimique du renforcement dépendrait de l'effet des drogues sur la neurotransmission. Elle est en lien avec ce qui se passe au niveau du cerveau lorsqu'il est intoxiqué par la drogue en question. L'intoxication est un syndrome réversible, spécifique d'une drogue, caractérisé par un comportement cliniquement inadapté ou par des modifications psychologiques, le tout étant dû aux effets psychopharmacologiques de la drogue sur la neurotransmission. Les symptômes d'intoxication vont du comportement belliqueux aux modifications de l'humeur, de l'atteinte cognitive au trouble du jugement, des problèmes sociaux aux difficultés professionnelles.
fiction, dépendance, rebond et sevrage On confond fréquemment addiction et dépendance. Il est difficile de définir l'addiction, terme qui fait peu l'objet de consensus et qui, en fait, n'apparaît pas dans le DSM-IV. Habituellement on fait plutôt référence à un ensemble de comportements caractérisés par une préoccupation débordante envers l'utilisation de la drogue (usage compulsif) et son approvisionnement, ainsi qu'à une forte tendance à la rechute après avoir cessé d'en prendre. La dépendance est plus facile à définir et sera mise en avant dans ce chapitre. Le terme addiction est fréquemment employé à la place de celui de dépendance par les non-experts en psychopharmacologie. La dépendance est un état physiologique de neuroadaptation produit par l'administration répétée d'une drogue, avec nécessité de poursuivre la prise du produit pour prévenir l'apparition d'un syndrome de sevrage. Plusieurs événements peuvent se produire lorsqu'une drogue induit une dépendance et que le sujet continue d'en prendre : la dépendance croisée, la tolérance et la tolérance croisée. Lorsqu'un individu est devenu dépendant d'une drogue et en cesse brutalement l'usage, un syndrome de sevrage et un phénomène de rebond peuvent alors survenir ; ils seront définis plus tard. Les divers mécanismes neuroadaptatifs (en relation avec une drogue spécifique), qui régissent chacun de ces effets, seront abordés en fonction de leur impact sur la transmission chimique de neurotransmetteurs spécifiques. La tolérance apparaît lorsque après une administration répétée, une dose de drogue donnée induit un effet moindre, ou à l'inverse lorsqu'il faut augmenter la dose pour produire le même effet que celui qui était observé les premières fois que la drogue a été utilisée. Lui sont liées la tolérance croisée et la dépendance croisée, c'est-à-dire la capacité que possède une drogue de supprimer ou de maintenir les manifestations de la dépendance physique induites par une autre drogue. Le sevrage est le terme consacré pour les réactions psychologiques et physiques désagréables qui se produisent à l'arrêt brusque d'une drogue. Il est très important de bien distinguer le sevrage du rebond, termes souvent confondus, car l'un et l'autre sont liés aux changements neurochimiques desquels la dépendance procède. Le rebond est ce qui se passe lorsqu'un phénomène de tolérance survient chez des patients qui ont consommé une substance psycho-active (un médicament, -en général) et qui l'ont arrêté brutalement : leurs symptômes réapparaissent de manière excessive. Le-sevrage est ce qui se passe lorsque la tolérance apparaît chez ceux qui prennent une substance psycho-active (que ce soit une drogue ou un médicament) et qui l'arrêtent brusquement : ils développent un syndrome de sevrage associant un besoin insatiable pour le produit, une dysphorie et des signes d'hyperactivité du système nerveux sympathique. La dépendance est un terme assez peu utilisé en dehors de la psychopharmacologie, mais en fait il s'agit d'une caractéristique essentielle que partagent de nombreux médicaments (antihypertenseurs, hormones, etc.) utilisés en médecine. Ainsi, certains antihypertenseurs peuvent produire une hypertension de rebond, plus sévère que l'augmentation de la tension
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Psychopharmacologie artérielle d'origine, lorsqu'ils sont arrêtés brusquement. Bien qu'ils en soient devenus dépendants, on ne dit pas que ces patients sont « toxicomanes » vis-à-vis du traitement de leur hypertension artérielle. Ils n'ont pas non plus des effets de sevrage car leurs symptômes ne sont que les manifestations exagérées des conditions d'origine et ne constituent pas un nouvel ensemble de symptômes comme le besoin inextinguible ou la dysphorie. Si un patient est atteint d'un trouble panique, et qu'il arrête brutalement une benzodiazépine, qu'il a un rebond d'attaques de panique, il pourrait à tort être étiqueté « toxicomane » aux benzodiazépines. Comme le patient qui arrête son antihypertenseur, ce deuxième patient est dépendant de son traitement et souffre d'un phénomène de rebond, mais pas de sevrage ni d'addiction. Ces différences entre dépendance, addiction, rebond et sevrage devraient être expliquées lorsque l'on éduque les patients au sujet de leurs traitements.
Désintoxication La désintoxication est la lente diminution posologique d'une substance qui a entraîné une dépendance et qui provoquerait un sevrage si elle venait à être arrêtée brusquement. Elle peut être réalisée soit en sevrant lentement le produit qui a entraîné la dépendance, soit en lui substituant une autre substance susceptible de provoquer une dépendance croisée et qui possède des mécanismes pharmacologiques similaires. Dans chaque cas, la désintoxication est accomplie après une réduction posologique lente du premier ou du deuxième produit, de telle sorte que les mécanismes neuroadaptatifs de dépendance puissent se réadapter progressivement et prévenir les symptômes de sevrage. La réduction posologique progressive d'un médicament (antihypertenseur ou anti-panique, par exemple) à l'origine d'une dépendance peut également prévenir la survenue d'un phénomène de rebond. Dans ce cas, on ne parle pas de désintoxication, mais d'arrêt progressif. Cette méthode est destinée à prévenir le sevrage, pas le rebond.
Rebond ou rechute ?
Il faut également établir une autre distinction importante entre rebond et rechute, car ces termes sont souvent confondus. La définition de la rechute a déjà été fournie à propos de la dépression dans le Chapitre 5. Elle fait référence à la réapparition des symptômes de la maladie et fait suite à l'arrêt d'un traitement efficace. La rechute présuppose qu'il y avait un problème médical pour lequel le médicament en question avait dû être administré, et par conséquent renvoie à un usage d'une substance ayant reçu une caution médicale. Si un patient diabétique a besoin d'insuline, on peut dire de lui qu'il est devenu dépendant de l'insuline, mais pas toxicomane vis-à-vis de ce traitement. Si ce patient arrête d'un coup son insuline, les taux de glucose vont revenir à ce qu'ils étaient avant le traitement, ce qui est une rechute du diabète et non un rebond conduisant à un étatggravé. Dans le cas d'un trouble panique traité par une benzodiazépine, le patient de la même manière pourrait être considéré comme dépendant de sa benzodiazépine, mais il n'en est pas toxicomane pour autant. S'il arrête le traitement brusquement, il va présenter des attaques de panique rebond, c'est-à-dire des attaques plus fréquentes et plus sévères que celles qui ont précédé l'introduction du trai. tement. En cas d'arrêt progressif de la benzodiazépine, surtout si l'on prend la précaution de diminuer très lentement les doses, ce patient peut subir le retour des attaques de panique habituelles, ce qui constitue une rechute du trouble panique. Il n'y a pas eu de syndrome de sevrage, quand bien même il a souffert d'attaques de panique à l'arrêt de la benzodiazépine, , S'il venait à développer une insomnie, à être irritable, à convulser ou à s'agiter, aucun de ces
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Voie mésolimbique
13-1. La voie dopaminergique mésolimbique est impliquée dans la psychopharmacologie de la récompense, que ce soit pour des « sommets » naturels ou les « voyages » induits par les drogues.
symptômes n'appartenant aux attaques de panique originales, on pourrait alors parler de symptômes de sevrage.
Voie dopaminergique mésolimbique et psychopharmacologie de la récompense
■ La voie finale commune du renforcement et de la récompense serait la voie dopaminergique mésolimbique (Fig. 13-1). Certains la considèrent même comme le « centre du plaisir », tandis qu'ils voient dans la dopamine le « neurotransmetteur du plaisir ». Il existe toutes sortes de façons sympathiques de déclencher une libération de dopamine par les neurones dopaminergiques mésolimbiques : une réalisation intellectuelle ou une performance athlétique, l'écoute d'une symphonie ou un orgasme. Autrement dit, il s'agit d'être « naturellement up » (voir Fig. 13-1). Les afférentes de la voie dopaminergique qui en sont responsables impliquent une invraisemblable « pharmacie » de substances naturelles, le cerveau va jusqu'à utiliser des endosubstances allant de la morphine/héroïne du cerveau (les endorphines) à la
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Psychopharmacologie
substances agissant sur les neurones dopaminergiques mésolimbiques
GARA
amphétamine -.■ Za
op.mé dopamine 11 • *1 * ? cannabis
hallucinogènes
t, C ai alcool
POP
FIGURE 13-2. Voie dopaminergique mésolimbique et psychopharmacologie de la récompense. La voie cérébrale finale commune de la récompense serait la voie mésolimbique. Ses afférentes comprennent une incroyable « pharmacie » de substances naturelles, allant de la morphine/héroïne du cerveau (les endorphines) à la marijuana (l'anandamide), en passant par la cocaïne et l'amphétamine (la dopamine elle-même). De nombreux psychotropes utilisés de façon toxicomaniaque court-circuitent les neurotransmetteurs cérébraux naturels et stimulent directement les récepteurs, provoquant une libération de dopamine. Comme le cerveau utilise déjà des neurotransmetteurs très semblables à ces drogues, il n'y a alors plus lieu d'apprendre à trouver par soi-même des phénomènes naturels de récompense puisque l'on peut obtenir à la demande, facilement, une extase artificielle. Cela néanmoins conduit à des complications. L'alcool, les opiacés, les stimulants, la marijuana, les benzodiazépines, les sédatifs-hypnotiques, les hallucinogènes et la nicotine agissent tous sur le système dopaminergique mésolimbique. marijuana (l'anandamide), en passant par la nicotine (l'acétylcholine), la cocaïne et l'amphé_ tantine (la dopamine elle-même) (Fig. 13-2). Les nombreuses drogues trouvées dans la nature ont elles aussi une voie finale commune provoquant la libération de dopamine par la voie mésolimbique, mais de manière souvent plus explosive et agréable que ce qui se produit physiologiquement. Ces drogues court-circuitent les neurotransmetteurs cérébraux et stimulent directement les récepteurs, ce qui entraîne la libération de dopamine (voir Fig. 13-2). Puisque le cerveau utilise déjà des neurotransmetteurs qui ressemblent aux drogues, pourquoi donc se compliquer la vie à rechercher le plaisir naturellement alors qu'on peut en atteindre un qui est à la fois plus intense, plus rapide et accessible à la demande ? Toutefois, contrairement à l'état naturellement up, le phénomène de récompense induit par une drogue provoque un tel afflux de dopamine au niveau des sites dopaminergiques 2 (D2) postsynaptiques limbiques qu'ils ont furieusement
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besoin de disposer d'encore plus de drogue, afin d'être à nouveau réapprovisionnés en dopamine une fois que la drogue a cessé d'être active. Cette situation conduit l'individu à rechercher davantage de drogue et à instaurer un cercle vicieux. Parce qu'il semble qu'il y ait une fenêtre optimale dans laquelle la stimulation des récepteurs D2 par le système mésolimbique crée un renforcement, le risque de devenir drogué dépend du nombre de récepteurs de chacun. Ainsi, pour les individus qui ont un nombre restreint de récepteurs d'une substance donnée, la consommation de cette substance n'entraînera pas un grand effet, mais elle aura des effets de récompense de plus en plus grands au fur et à mesure que la dose croîtra. À l'inverse, chez les sujets qui possèdent un grand nombre de récepteurs de cette substance, elle aura un effet désagréable qui ne les poussera pas à en reprendre. On peut également supposer que chez ceux qui ont peu de récepteurs, le système de récompense interne ne fonctionne déjà pas très bien. Cette situation les prédisposerait à utiliser des drogues afin de compenser la diminution de l'activité de leurs circuits de récompense. En fait, les études chez les alcooliques, les cocaïnomanes ou les utilisateurs d'amphétamines montrent qu'une faible réponse initiale à une drogue prédit un risque élevé pour un abus futur, tandis qu'inversement une forte réponse initiale prédit un faible risque.
niants : cocaïne et amphétamine La cocaïne (Fig. 13-3) possède deux propriétés majeures puisqu'elle est à la fois un anesthésique local et un inhibiteur des transporteurs des monoamines, en particulier de la dopamine (Fig. 13-4). Les propriétés anesthésiantes de la cocaïne sont encore utilisées en médecine, spécialement par les oto-rhino-laryngologistes. Freud déjà utilisait la cocaïne pour soulager la douleur provoquée par son cancer de la langue. Il aurait aussi tâté de la deuxième propriété de la drogue pour déclencher euphorie, réduction de sa fatigue et atteindre une sensation d'acuité mentale liée à l'inhibition de la recapture de la dopamine au niveau du transporteur de ce neurotransmetteur. La cocaïne a un effet similaire, quoique moins important, sur le transporteur de la sérotonine et de la noradrénaline (voir Fig. 13-3). Elle ne se contente pas de bloquer simplement le transporteur, mais elle libère aussi la dopamine (ou la noradrénaline ou la sérotonine) en éjectant le neurotransmetteur du neurone présynaptique via l'action sur le transporteur de la monoamine (voir Fig. 13-4). À plus fortes doses, la cocaïne induit des effets indésirables, parmi lesquels on retrouve tremblement, labilité émotionnelle, impossibilité de rester en place, irritabilité, paranoïa, panique et comportement stéréotypé. À plus fortes doses encore, elle peut induire une anxiété intense, paranoïa et hallucinations, ainsi qu'hypertension, tachycardie, troubles ventriculaires, hyperthermie et dépression respiratoire. En cas d'overdose, elle peut provoquer défaillance cardiaque aiguë, attaque et crise comitiale. En cas d'intoxication aiguë, ces divers signes cliniques sont fonction de la dose. Ils dépendent de l'inhibition du transporteur de la dopamine, et secondairement des effets de l'excès d'activité dopaminergique (aussi bien que noradrénergique et sérotoninergique) au niveau synaptique. Une intoxication répétée par la cocaïne produit une adaptation complexe du système neuronal dopaminergique, résultante de la tolérance et du phénomène inverse appelé sensibilisation ou tolérance inverse. Un exemple de tolérance inverse pourrait être ce qui se passe chez certains toxicomanes qui s'intoxiquent de façon répétée avec de la cocaïne à des doses qui auparavant n'induisaient qu'une euphorie. On observe alors une réaction comportementale
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sychopfrarmacoloOe
FIGURE 13-3. Icône de la cocaïne. Elle bloque la recapture des monoamines et stimule aussi leur libération, principalement la dopamine (DA) mais aussi la noradrénaline (NA) et la sérotonine (5FIT). C'est aussi un anesthésiant local (caïne). pouvant prendre la forme d'une psychose paranoïde aiguë qu'on ne peut pratiquement pas différencier d'une schizophrénie paranoïde (Fig. 13-5). Ce phénomène n'est pas franchement surprenant, car l'hypothèse majeure de l'étiologie des symptômes positifs de la psychose (abordés dans le Chapitre 10 sur la schizophrénie) est celle d'un excès d'activité dopaminergique dans cette même voie mésolimbique (voir Fig. 10-9). Lorsque les propriétés de renforcement de la cocaïne, liées à une stimulation légère à modérée des récepteurs D2 au niveau de cette voie, deviennent un « excès de bonnes choses » (c'est-à-dire la quête compulsive de l'euphorie et du plaisir à travers la stimulation agréable de ces récepteurs), il finit par en résulter une sensibilisation de ces récepteurs et l'induction d'une hyperactivité de la voie mésolimbique, reproduisant la physiopathologie des symptômes positifs de la schizophrénie (voir Fig. 10-9). Ce type de complication due à la cocaïne nécessite une utilisation répétée propre à sensibiliser le système mésolimbique dopaminergique, qui, pour finir, libère progressivement de plus en plus de dopamine jusqu'à ce que l'abus répété de cocaïne aboutisse à une psychose franche. On ne sait pas encore comment les synapses dopaminergiques deviennent sensibles vis-à-vis de la cocaïne après administration répétée. De façon intéressante, les neuroleptiques classiques et les neuroleptiques atypiques, qui tous bloquent les récepteurs dopaminergiques, peuvent également supprimer les symptômes de l'intoxication par la cocaïne, comme on pouvait le soupçonner à partir de l'analogie avec la schizophrénie (voir Fig. 11-2).
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FIGURE 13-4. Pharmacologie de la cocaïne. C'est un puissant inhibiteur du transporteur de la dopamine. Le blocage aigu de ce transporteur provoque l'accumulation de dopamine, ce qui induit euphorie, réduction de la fatigue et impression d'acuité mentale. La cocaïne a des effets similaires mais moins importants sur les
transporteurs de la noradrénaline et de la sérotonine. En plus des effets de l'intoxication aiguë et des effets de tolérance inverse chroniques de la cocaïne, tous en lien avec l'augmentation des taux de dopamine secondaires à la libération au niveau des synapses, il existe aussi des effets à long terme, probablement dus à d'autres types plus classiques de désensibilisation des récepteurs dopaminergiques. Lorsqu'un cocaïnomane utilise cette drogue sur de très longues périodes de temps, il se produit une désensibilisation (down-regulation) des récepteurs dopaminergiques au fur et à mesure qu'ils s'adaptent à cette exposition chronique. Après un certain nombre d'épisodes consécutifs d'intoxication
Une intoxication répétée par la cocaïne peut inverser la tolérance et induire une psychose paranoïde aiguë
FIGURE 13-5. Développement d'une tolérance inverse chez un cocaïnomane. Une intoxication répétée par la cocaïne induit une adaptation complexe du système neuronal dopaminergique, comme la sensibilisation ou la « tolérance inverse ». Chez les usagers chroniques, la cocaïne libère de plus en plus de dopamine. Dans de tels cas, alors qu'auparavant la cocaïne entraînait une euphorie, on voit apparaître une psychose paranoïde aiguë, que l'on ne peut pratiquement pas distinguer d'une schizophrénie paranoïde. 508
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suivis d'abstinence, ces récepteurs sont responsables d'un syndrome de sevrage particulièrement pénible. Une expérience subjective qui peut succéder à l'euphorie est une impression de « chute » caractérisée par un besoin d'encore plus de cocaïne et associée à une agitation et une anxiété qui entraînent une fatigue voire un épuisement, une dépression, une hypersomnolence et une hyperphagie. Au bout de plusieurs jours, si une nouvelle dose de drogue n'est pas absorbée, le sujet subit d'autres signes de sevrage, parmi lesquels une anergie, une perte d'intérêt, une anhédonie et une augmentation du besoin de prendre de la cocaïne. Comme la neurotransmission dopaminergique à travers les récepteurs D2 au niveau de la voie mésolimbique semble être responsable en grande partie de la psychopharmacologie du plaisir et par conséquent des propriétés de renforcement de nombreuses drogues, il n'est pas surprenant de voir que les cocaïnomanes disent que quand ils sont up, ils ont des sensations plus intenses et agréables qu'un orgasme, mais que quand ils sont clown, ils ressentent une impossibilité à avoir le moindre plaisir (anhédonie). Ces derniers symptômes ressemblent fort à une dépression majeure, ce qui n'est pas vraiment surprenant dans le cadre d'une situation qui agit sur la dopamine en la libérant, puis désensibilise secondairement les récepteurs dopaminergiques. Toute intervention destinée à « renflouer » les stocks de dopamine et à réadapter la sensibilité des récepteurs dopaminergiques serait théoriquement utile pour les cocaïnomanes subissant des phénomènes de tolérance et de tolérance inverse. L'intervention la plus souvent utile, toutefois, est de permettre au système dopaminergique de se restaurer lui-même, avec le temps, compte tenu que le toxicomane doit rester abstinent suffisamment longtemps pour que le système puisse récupérer. Ceci, bien sûr, n'est pas toujours réalisable car pas toujours désiré par le patient lui-même. Dans le futur, on peut imaginer que l'on puisse disposer d'une « cocaïne inverse » à visée thérapeutique, qui agirait de façon analogue à celle des « inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) inverses » ou du « stimulant de la recapture de la sérotonine », la tianeptine, comme nous en avons parlé dans le paragraphe sur le mécanisme d'action des ISRS dans le Chapitre 6. Une telle substance expérimentale pour traiter l'abus de cocaïne ne bloquerait pas la pompe de recapture de la dopamine, pas plus qu'elle ne créerait un flux de dopamine rétrograde en dehors de la synapse comme le fait la cocaïne. En fait, elle pomperait la dopamine à partir du neurone présynaptique ; il s'agit donc d'un stimulant de la recapture de la dopamine. Une autre possibilité thérapeutique future serait représentée par des anticorps and-cocaïne. Les amphétamines, en particulier la d-amphétamine et la métamphétamine (Fig. 13-6) ont également de puissants effets pharmacologiques sur les neurones dopaminergiques. Elles provoquent aussi la libération de dopamine (Fig. 13-7 et 13-8). L'amphétamine et ses dérivés ont en plus une action peu puissante de libération de noradrénaline au niveau synaptique (voir chapitre 12, Fig. 12-4 et 12-5). Certains dérivés amphétaminiques libèrent également la sérotonine. On a découvert récemment un nouveau neurotransmetteur appelé cocaine and amphetamine-regulated transcript (CART) peptide. Il s'agit d'un système de neurotransmis sion peptidergique, identifié d'abord -comme un ARNm qui augmentait après l'administration de la cocaïne ou de l'amphétamine. Maintenant que l'on connaît le peptide pour lequel cet ARN est codant, il semblerait que ce CART peptide aurait un rôle dans l'abus de drogue ainsi que dans le contrôle du stress et du comportement alimentaire. Ces récepteurs pourraient constituer la cible d'un futur traitement des toxicomanies. Les effets cliniques de l'amphétamine et de ses dérivés sont très semblables à ceux de la cocaïne, mais l'euphorie qu'ils produisent est moins intense et plus durable. Les signes d'une intoxication, d'une toxicité, d'une overdose ou d'une sensibilisation par amphétamine (psychose paranoïde aiguë et syndrome de sevrage) sont semblables à ceux de la cocaïne.
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Psychopharmacologie
FIGURE 13-6. Icône de l'amphétamine et de la métamphétamine. L'amphétamine (principalement la d-amphétamine) et ses dérivés apparentés comme la métamphétamine stimulent aussi la libération de dopamine (DA) par un mécanisme similaire à celui de la cocaïne.
Hallucinogènes, drogues de synthèse et phencyclidine Hallucinogènes Les hallucinogènes constituent le groupe de substances qui provoquent une intoxication, appelée parfois « trip », au cours de laquelle se produisent des modifications sensorielles avec illusions visuelles et hallucinations, plus grande conscience des stimuli externes et internes et même des pensées. Les hallucinations se produisent alors que la conscience est claire, c'est-à-dire sans confusion et peuvent être à la fois psychédéliques et psychotisantes. Le terme psychédélique décrit une expérience subjective due à l'augmentation de la perception sensorielle où l'esprit semble en expansion. Le sujet se sent en communion avec l'humanité, l'univers, ou encore il éprouve une expérience religieuse forte. Le terme psychotisant mais de façon concerne les expériences qui miment un état psychotique (voir Tableau assez grossière, entre trip et psychose. Comme nous l'avons vu plus haut, les stimulants comme la cocaïne et les amphétamines imitent la psychose de manière plus franche. L'intoxication par les hallucinogènes induit des hallucinations visuelles à type de traînées lumineuses (l'image est striée de raies lorsqu'on la suit du regard), une macropsie ou une micropsie, une labilité émotionnelle et thymique, une impression subjective de ralentissement du temps, l'impression d'entendre les couleurs et de voir les sons, une plus grande acuité auditive, une dépersonnalisation et une déréalisation. Tout cela peut survenir alors que le sujet conserve une vigilance parfaite. Il peut y avoir d'autres changements, à type de
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12 0
FIGURE 13-7. Pharmacologie de l'amphétamine (r partie). On a récemment découvert qu'après la libération de dopamine par l'amphétamine, les cibles postsynaptiques de cette dernière stimulent l'expression de certains nouveaux gènes qui sont transcrits en ARN messager pour de nouveaux systèmes de neurotransmission. L'ARNm (ou trancript) est appelé cocaine and amphetamine-regulated transcript (CART) (voir aussi Fig. 13-8), Le CART est un nouveau système neurotransmetteur qui semble impliqué dans la réguladon des systèmes neuronaux au cours de l'abus de drogue. trouble du jugement, peur de perdre l'esprit, nausée, anxiété, tachycardie, augmentation de la pression artérielle et fièvre. Il n'est d'ailleurs pas très surprenant de constater que lorsque l'on compare cette liste de symptômes à celle des attaques de panique vues dans le Chapitre 9 (voir Tableau 9—VI), l'intoxication par hallucinogènes produit quelque chose de très comparable, mais plus souvent qualifiée de « mauvais trip ». Si l'intoxication s'intensifie, il peut se produire une confusion aiguë avec désorientation et agitation, appelée delirium qui peut évoluer vers une psychose franche avec délire et paranoïa. Les hallucinogènes les plus communs appartiennent à deux familles de produits. Dans la première, on trouve les indol-alkylamines qui ressemblent à la sérotonine. Ce sont les hallucinogènes classiques comme l'acide d-lysergique (LSD), la psilocybine et la diméthyltryptamine (DMT) (Fig. 13-9). Les produits de la deuxième famille sont les phénylalkylamines. Ils ressemblent à la noradrénaline et à la dopamine, sont apparentés aux amphétamines et comprennent la mescaline, la 2,5-diméthoxy-4-méthylamphétamine (DOM) ainsi que d'autres substances. Plus récemment, des « drogues de synthèse » sont apparues, comme la 3,4-méthylènedioxymétamphétamine (MDMA). Il existe d'autres stimulants et hallucinogènes appelés « ecstasy », qui provoquent un état subjectif complexe, et que certains drogués
Al ma*
CART Peptide CART
FIGURE 13-8. Pharmacologie de l'amphétamine (2. partie). Après que la dopamine a été libérée et que les cibles postsynaptiques ont exprimé le gène du cocaine and amphetamine- regulated transcript (CART) (voir Fig. 13-7), l'étape suivante consiste en la synthèse de divers peptides CART neurotransmetteurs. Ces peptides jouent probablement un rôle dans le contrôle du stress et du comportement alimentaire. Leurs récepteurs seront peut-être la cible des thérapeutiques du futur.
MDMA 5HT2A
Psilocybine LS173. U ' 5HT2A 51 IT2A
Mescaline
5HT2A
FIGURE 13-9. Icône des hallucinogènes. Les hallucinogènes comme l'acide d-lysergique (L.S1)), la c csr_ line, la psilocybine et la 3 ,4 -rnéthylènedioxymétamphétamine (MDMA) sont des agonistes par.'uls Ir récepteurs 5HT2A. 512
I
Psychopharmacologie de la récompense et de l'abus de drogue
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%,/ Sérotonine
LSD U MDMA
f) Psi locybine Mescaline 5HT2A 5HT2C 5HT1A
rIGURE 13-10. Sur cette figure, une drogue hallucinogène comme le LSD, la mescaline, la psilocybine ou une ,rogue de synthèse comme la 3,4-méthylènedioxymétamphétamine (MDMA) interagissent, en tant qu'agonistes partiels, avec les récepteurs 5HT2A au niveau des sites des neurones sérotoninergiques postsynaptiques.
appellent MDMA. Ses effets incluent euphorie, désorientation, confusion, meilleur contact social, augmentation de l'empathie et de l'insight. Les hallucinogènes ont des interactions complexes avec les systèmes de neurotransmission, mais l'un de leurs effets prépondérants est une action agoniste sur les récepteurs sérotoninergiques 2A (5HT2A) (Fig. 13-10). Ils ont très certainement des effets supplémentaires sur d'autres récepteurs 5HT (plus spécialement sur les autorécepteurs somatodendritiques 5HT1A) et au niveau d'autres systèmes de neurotransmission (noradrénergique et dopaminergique, en particulier), effets dont on ne connaît pas vraiment l'importance. La MDMA semble avoir aussi un puissant effet libérateur de la sérotonine. Comme plusieurs autres drogues apparentées
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Psychopharmacologie
PCP
FIGURE 13-11. Icône de la phencyclidine (PCP). C'est un antagoniste d'un canal ionique associé au so type N-méthyl-d-aspartate (NMDA) des récepteurs du glutamate.
structurellement, elle est capable de détruire les terminaisons axonales des neurones sérotoninergiques. Toutefois, l'effet qui semble le plus à même d'expliquer le mécanisme commun de la plupart des hallucinogènes est principalement la stimulation des récepteurs 5HT2A. Les hallucinogènes peuvent produire une tolérance incroyable, parfois après une dose unique. Ce phénomène clinique et pharmacologique rapide serait dû à la désensibilisation des récepteurs 5HT2A. Une autre dimension singulière des hallucinogènes est la production de « flash-back » qui sont la récurrence spontanée de certains symptômes de l'intoxication, en l'absence de prise récente de drogue, et qui durent de quelques secondes à quelques heures. Cela peut se produire quelques jours à plusieurs mois après la dernière prise d'hallucinogènes, avec pour facteur précipitant un certain nombre de stimuli environnementaux. On ne connaît pas les mécanismes psychopharmacologiques du flash-back, mais sa phénoménologie fait évoquer une adaptation neurochimique du système sérotoninergique et de ses récepteurs liée à une tolérance inverse d'une durée incroyablement longue. D'autre part, le flash-back pourrait être une forme de conditionnement émotionnel déclenché par le souvenir d'une expérience vécue sous l'emprise de la drogue. Il s'ensuivrait toute une cascade de sentiments qui à l'origine surviennent au cours de l'intoxication par les hallucinogènes. Ce phénomène est comparable aux réminiscences que vivent les sujets souffrant d'un état de stress post-traumatique.
Phencyclidine À l'origine, la phencyclidine (PCP) (Fig. 13-11) a été développée comme anesthésique, mais elle s'est révélée inutilisable dans cette indication du fait des expériences hallucinatoires psy. chotomimétiques qu'elle induit. La kétamine, son analogue structural, agit par un mécanisme apparenté, et est encore utilisée comme anesthésique, car elle entraîne bien moins d'expériences de ce type. Néanmoins, certains toxicomanes utilisent la kétamine, promue au « club des drogues » et quelquefois appelée « spécial K ». La phencyclidine induit une analgésie intense, une amnésie, un delirium, une stimulation ainsi que des effets antidépresseurs, une démarche chancelante, un discours mal articulé et une forme originale de nystagmus (nystagmus vertical). Un plus grand degré d'intoxication provoque une catatonie (état stuporeux avec catalepsie) entrecoupée d'excitation, d'hallucinations, de délire, de paranoïa, de
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Gl utamate
Site de la PCP
FIGURE 13-12. Pharmacologie de la phencyclidine (PCP). C'est un antagoniste du canal ionique ouvert du sous-type N-méthyl-d-aspartate (NMDA) des récepteurs du glutamate, au niveau d'un site probablement très proche du canal calcique qui se trouve là. Cela signifie que ce site se trouve probablement à l'intérieur du canal et qu'il fonctionne d'autant mieux que le canal est ouvert.
désorientation et de trouble du jugement. L'overdose peut conduire au coma, à une fièvre très élevée, des crises convulsives et une atteinte musculaire (rhabdomyolyse). Nous avons déjà brièvement mentionné les mécanismes d'action de la PCP au sujet des agents neuroprotecteurs dans le chapitre-10 (voir Fig. 10-24). Elle agit comme un modulateur allostérique sur le sous-type NMDA du récepteur du glutamate (Fig. 13-12 et 13-13). Elle le bloque et ainsi diminue le flux de calcium entrant dans la cellule, La phencyclidine elle-même, ainsi que d'autres produits agissant sur le récepteur PCP pourraient être neuroprotecteurs, mais au prix semble-t-il de troubles de la mémoire et d'un tableau de psychose (voir Fig. 13-13). Être « stone » avec ou sans inhalation : marijuana et endocannabinoïdes Les préparations à base de cannabis sont fumées afin de pouvoir délivrer leurs substances psycho-actives, les cannabinoïdes, en particulier le delta-9-tétrahydrocannabinol (THC)
.
Psychopharmacologie
O 000 0 0 0
-
Neuroprotection
Site de la PCP
La PCP i)loqua
Forte sédation
Ill 1111. 11.1e
.ta -Z
Psychose FIGURE 13-13. Le site de la PCP est modulateur du canal ionique qui se trouve sur le complexe récepteur
NMDA-canal calcique. La PCP bloque ce canal et empêche le calcium d'y passer lors d'une stimulation par le glutamate. Cela pourrait avoir un effet neuroprotecteur à très forte dose, et un effet sédatif ou anesthésique à forte dose, mais un effet psychomimétique à dose modérée. (Fig. 13-44). Une fois fumées, ces substances interagissent avec les récepteurs cannabinoïdes propres du cerveau pour déclencher la libération de la dopamine au niveau du système de récompense mésolimbique. On connaît deux types de récepteurs cannabinoïdes : le CB1 (dans le cerveau, couplé à la protéine G et modulant l'adénylate cyclase et les canaux ioniques) et le CB2 (dans le système immunitaire). C'est par le récepteur CB1 que se produiraient les propriétés de renforcement de la marijuana, voire celles de l'alcool. Il existe aussi un système cannabinoïde endogène (la marijuana propre du cerveau) capable d'activer les récepteurs cannabinoïdes. Ces endocannabinoïdes sont synthétisés par les neurones et sont inactivés par un système de recapture et des enzymes aussi bien dans les neurones que dans la glie. L'anandamide est l'un de ces endocannabinoïdes et fait partie d'une nouvelle famille chimique de neurotransmetteurs. Cette famille est nouvelle car il ne s'agit ni d'une mono-
Psychopharmacologie de la récompense et de l'abus de drogue
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THC FIGURE 13-14. Icône du tétrahydrocannabinol (THC), la substance psycho-active contenue dans la marijuana. _
THC naturel GURE 13-15. Icône de l'anandamide, l'endocannabinoïde cérébral (la « propre marijuana du cerveau »). amine, ni d'un acide aminé, ni d'un peptide. Il s'agit d'un lipide, et plus spécifiquement d'un membre de la famille des acides gras, les éthanolamides (Fig. 13-1.5). L'anandamide partage une partie des propriétés pharmacologiques du THC, car ses effets sur les récepteurs cannabinoïdes cérébraux ne sont pas seulement reproduits par le THC, mais ils sont aussi bloqués en partie par l'antagoniste cannabinoïde cérébral sélectif, le SR141716A (Fig. 13-16). La découverte de cet antagoniste de la marijuana (voir Fig. 13-16) ouvre la porte à des agents thérapeutiques potentiels dans divers types de toxicomanie. Il fait déjà l'objet d'essais dans la schizophrénie (voir Chapitre 11), car certains auteurs émettent l'hypothèse que cette pathologie serait liée à une hyperactivité au niveau de la même voie que celle qui est activée dans le système de récompense (voir Fig. 10-9) et qui est surstirnulée par l'utilisation de drogues (voir Fig. 13-2). La marijuana possède des propriétés à la fois stimulantes et sédatives. Aux doses habituelles d'intoxication, elle induit une sensation de bien-être, de détente et de bonté, une perte de la conscience du temps (dont une confusion du passé avec le présent), un ralentissement de la pensée, une altération de la mémoire à court terme et un sentiment d'avoir atteint un insight particulier. À forte dose, elle provoque panique, delirium et (rarement) psychose. Une des
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Psycli plia traacologie
Antagoniste du THC FIGURE 13-16. Icône d'un antagoniste de la marijuana, traitement théorique de la toxicomanie, par ailleurs en cours d'essai dans la schizophrénie. complications de l'utilisation à long terme est le syndrome aboulique rencontré chez les utilisateurs chroniques. Ce syndrome est surtout vu chez les sujets qui utilisent quotidiennement de fortes doses et est caractérisé par la survenue d'une diminution au niveau de la force vitale et de l'ambition. Il comporte également d'autres symptômes de dégradation sociale et professionnelle, parmi lesquels on remarque un rétrécissement du champ de l'attention, un trouble du jugement, une distractibilité, une atteinte des habiletés de communication, une introversion et une diminution de l'efficacité dans les situations interpersonnelles. Les habitudes personnelles se détériorent, il peut se produire un déficit au niveau de l'insight et même un sentiment de dépersonnalisation. Le phénomène de tolérance est bien documenté lors d'une administration chronique chez l'homme, tandis que la question de la dépendance cannabinoïde reste controversée. La découverte du SR141716A, l'antagoniste cannabinoïde cérébral (voir Fig. 13-16) réintroduit cette question car dans les expériences sur des souris exposées chroniquement au THC, il hâte la survenue d'un syndrome de sevrage. Il est par conséquent plus que vraisemblable, bien que cela reste encore à prouver, qu'il puisse bel et bien y avoir une dépendance chez l'homme, et qu'elle serait probablement due aux mêmes types de changements adaptatifs des récepteurs cannabinoïdes que ceux que l'on rencontre pour les autres neurotransmetteurs lors de l'administration chronique d'une autre drogue. Nicotine
La consommation de cigarettes est un mode d'approvisionnement en nicotine. Elle fournit aussi, malheureusement, des substances cancérigènes ainsi que d'autres toxines qui affectent le coeur, les poumons et d'autres tissus. En ce qui concerne sa psychopharmacologie, la nicotine agit directement sur les récepteurs cholinergiques nicotiniques (Fig. 13-17) (voir paragraphe consacré aux neurones cholinergiques du chapitre 12 et Fig. 12-10). Les effets de renforcement de la nicotine sont similaires à ceux de la cocaïne et des amphétamines, car les neurones dopaminergiques de la voie mésolithique reçoivent des afférentes cholinergiques nicotiniques directes qui stimulent le tabagisme (voir Fig. 13-2 et 13-18). C'est de cette façon que se produit l'expérience de récompense liée à la cigarette qui comprend une élévation thymique, une amélioration de la cognition et une réduction de l'appétit. Les effets psychopharmacologiques et comportementaux de la nicotine sont toutefois beaucoup plus A
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acétylcholine V
= nicotine
FIGURE 13-17. Icônes de la nicotine et de l'acétylcholine. faibles que ceux de la cocaïne. Alors que cette dernière bloque le transporteur de la dopamine, provoquant un flux de dopamine au niveau de la synapse, la nicotine ferme le récepteur nicotinique juste après s'être liée à lui (Fig. 13-19), de telle sorte que pendant un temps, ni elle ni l'acétylcholine ne puissent le stimuler de nouveau. La stimulation dopaminergique des récepteurs de la voie mésolimbique se trouve donc interrompue après une courte période par une faible quantité de nicotine. À la place d'une longue et intense euphorie sous cocaïne, le plaisir induit par la nicotine est une attrayante mais faible augmentation de la sensation de plaisir (« mini-flash »), suivie d'un déclin jusqu'à ce que les récepteurs nicotiniques reviennent à leur état antérieur et que le fumeur inhale la bouffée suivante ou fume une nouvelle cigarette. Les effets psychopharmacologiques de la nicotine sont par conséquent quelque peu auto-régulés, ce qui peut expliquer pourquoi ses effets comportementaux sont beaucoup plus limités que ceux de la cocaïne ou de l'amphétamine. Les sujets qui utilisent des stimulants et qui sont également fumeurs désensibilisent leurs récepteurs de la dopamine à cause d'un excès de stimulation dopaminergique. Les fumeurs, toutefois, développent une hypersensibilisation de leurs récepteurs nicotiniques pour compenser le fait que la nicotine entraîne leur fermeture (Fig. 13-20). Ces changements au niveau de la dopamine et des récepteurs nicotiniques seraient liés à des mécanismes psychopharmacologiques en cause dans la forte capacité de la nicotine à produire dépendance et sevrage. La dépendance à la nicotine induit un syndrome de sevrage caractérisé par le besoin de fumer et une agitation ; il est moins sévère que le syndrome de sevrage des stimulants (voir Fig. 13-20). Récemment, l'invention d'un dispositif d'apport transdermique de nicotine a eu beaucoup de succès car il permet aux patients d'arrêter le tabac. Avec un patch, l'apport de nicotine devient continu au même titre qu'une perfusion au lieu d'être pulsatile comme avec la cigarette (Fig. 13-23). L'idée sous-jacente est que la nicotine et les récepteurs dopaminergiques ont la possibilité de se réadapter graduellement vers la normale, ce qui n'est absolument pas le cas du fumeur qui devient abstinent du jour au lendemain. Cette approche permet d'espérer de prévenir ou d'atténuer le syndrome de sevrage. La dose de nicotine peut, de plus, être réduite progressivement, en fonction de ce que le patient peut tolérer. La dose est donc réduite lentement, par paliers jusqu'à ce qu'il puisse tolérer de ne plus fumer du tout, puis se passer du dispositif transdermique. Le succès de cette méthode dépend de la
= acétylcholine = nicotine
0
= dopamine
La nicotine augmente l'activité dopaminergigue
= acétylcholine = nicotine
FIGURE 13-18. Pharmacologie de la nicotine (1" partie). La nicotine agit directement sur les récepteu rs
cholinergiques nicotiniques, qui sont eux-mêmes localisés eu partie sur les neurones dopaminergiques mésolimbiques. Lorsque la nicotine stimule ces récepteurs (A et B), elle provoque la libération de dopamine et donc par là-même transmet récompense et plaisir.
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Psychopharmacologie de la récompense et de l'abus de drogue
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motivation du sujet, avec l'aide éventuelle d'une prise en charge psychologique et de programmes d'information. Une autre façon de faciliter l'arrêt du tabac est d'utiliser le bupropion, un inhibiteur de la recapture de la noradrénaline et de la dopamine (voir Fig. 6-48 et 6-49). Ce produit réduit le besoin qui se manifeste durant l'abstinence (Fig. 13-21) en augmentant la dopamine. Ce traitement repose sur l'idée qu'il faut restituer une partie de la dopamine en aval, au niveau des récepteurs limbiques postsynaptiques D2 lorsqu'ils doivent faire face à l'absence (liée au sevrage récent en nicotine) de leur « dose » de dopamine (Fig. 13-24).
acés Les opiacés agissent sur plusieurs récepteurs, dont les trois sous-types les plus importants sont les récepteurs mu, delta et kappa (Fig. 13-25). L'encéphale produit ses propres substances opiacés-like endogènes, que l'on appelle parfois « l'endomorphine du cerveau ». Il s'agit des peptides dérivés des protéines précurseurs : la pro-opiomélanocortine (POMC), la proenképhaline et la pro-dynorphine. Des segments de ces précurseurs sont scindéi afin de produire les endorphines et les enképhalines stockées dans les neurones opiacés et probablement libérées au cours de la neurotransmission pour produire les actions endogènes opiacéslike (voir Fig. 13-25). Néanmoins, on est loin de tout connaître du nombre et des fonctions précises des opiacés endogènes, de leurs récepteurs et de leur rôle dans l'analgésie et autres fonctions du système nerveux central. Les opiacés exogènes utilisés comme antalgiques (la codéine et la morphine, par exemple) ou de manière toxicomaniaque (l'héroïne, par exemple) agiraient en tant qu'agonistes des récepteurs mu (préférentiellement), delta et kappa (Fig. 13-26). Aux doses antalgiques et au-dessus, les opiacés produisent une euphorie qui constitue leur principal moyen de renforcement. Cette euphorie peut survenir de manière particulièrement intense et brève ; c'est le « flash », suivi d'un profond sentiment de quiétude pouvant durer plusieurs heures, puis d'une somnolence (« nodding »), de variations de l'humeur, d'assombrissement mental, d'apathie et de ralentissement moteur. En cas d'overdose, ces mêmes produits deviennent des dépresseurs respiratoires et peuvent provoquer un coma. Les effets aigus des opiacés peuvent être inversés par des antagonistes comme la naloxone et la naltrexone, qui entrent en compétition avec la drogue en se fixant sur les récepteurs des opiacés. Lorsqu'ils sont consommés chroniquement, les opiacés induisent à la fois tolérance et dépendance. En cas d'administration chronique, l'adaptation des récepteurs des opiacés apparaît très facilement. Le premier signe est constitué par le besoin de prendre des doses de plus en plus grandes afin de soulager une douleur ou de parvenir à l'euphorie recherchée. À la longue, la différence entre dose inductrice d'euphorie et overdose se réduit. Un autre signe de dépendance et d'adaptation des récepteurs des opiacés par diminution de leur sensibilité sous l'action des agonistes est l'apparition d'un syndrome de sevrage lorsque cesse l'administration chronique du produit. Les antâgonistes des opiacés comme la naloxone peuvent hâter la survenue d'un tel syndrome chez un sujet dépendant. Le syndrome de sevrage se caractérise par un sentiment de dysphorie, le besoin d'une nouvelle dose de drogue, une irritabilité et des signes d'hyperactivité du système nerveux autonome comme une tachycardie, un tremblement et des sueurs. Une érection des poils (« chair de poule ») est souvent présente lors d'un sevrage des opiacés, surtout lorsque la drogue est arrêtée d'un seul coup (« état de manque »). C'est le plus souvent si affreux que l'opiomane veut à tout prix mettre un terme au sevrage et se procurer une nouvelle dose de drogue. Ainsi, ce qui a commencé comme une recherche d'euphorie se termine par une quête d'évitement du sevrage. La
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Psychopharmacologie clonidine, un agoniste adrénergique alpha 2, peut réduire les signes d'hyperactivité du système nerveux autonome et faciliter le processus de désintoxication. Au tout début de l'usage, de l'abus et de l'intoxication aux opiacés, et avant l'achèvement des mécanismes neuroadaptatifs qui participent à la désensibilisation des récepteurs des opiacés, il y a alternance entre intoxication et fonctionnement normal. Une fois que les récepteurs se sont adaptés et que la dépendance est installée, le drogué ne parvient plus tellement à l'euphorie, mais subit essentiellement une alternance de périodes avec et sans sevrage. Les récepteurs des opiacés peuvent revenir à la normale si on leur en laisse la possibilité en supprimant tout apport de drogue. Ce processus pouvant être trop difficile à tolérer, on introduit parfois un autre opiacé, la méthadone, qui peut être absorbée par voie orale et diminuée progressivement, et ainsi représente une aide à la désintoxication. La substitution peut aussi se faire avec un agoniste partiel des récepteurs mu, la buprénorphine, administrée par voie sublinguale, et que l'on peut arrêter progressivement. On peut l'associer à la naloxone de façon à ce qu'elle ne soit pas prise par voie injectable. L'acétate de L-alphaacétylméthodol (LAAM) est un opiacé oral d'action longue qui a des propriétés pharmacologiques proches de celles de la méthadone. Les traitements de substitution par agonistes sont à utiliser dans des centres spécialisés, où les toxicomanes trouvent des soins psychologiques, médicaux et où se pratiquent des dosages urinaires de contrôle.
Alcool La pharmacologie de l'alcool reste finalement assez mal connue, son mécanisme d'action étant non spécifique, compte tenu que l'alcool a des effets étendus sur toute la gamme des systèmes de neurotransmission. On ne connaît véritablement bien ni les effets de l'intoxication aiguë avec l'alcool, ni ses effets chroniques de dépendance, de tolérance et de sevrage. Toutefois, diverses recherches montrent que l'alcool agit non seulement en augmentant la neurotransmission inhibitrice au niveau des récepteurs GABA A (Fig. 13-27), mais aussi en réduisant la neurotransmission excitatrice au niveau des sous-types N-méthyl-d-aspartate (NMDA) des récepteurs du glutamate (Fig. 13-28). Du coup, l'alcool augmente l'inhibition et réduit l'excitation, ce qui justifierait qu'on le classe parmi les dépresseurs du fonctionne. ment neuronal du SNC (Fig. 13-29). Ces propriétés de l'alcool expliqueraient certains de ses
FIGURE 13-19. Pharmacologie de la nicotine (2' partie). Bien que la Fig. 13-18 puisse suggérer que la pharmacologie de la nicotine partage quelques similitudes avec celle de la cocaïne, les effets de la nicotine sont beaucoup plus ténus. Tandis que la cocaïne bloque le transporteur de la dopamine et provoque un afflux de dopamine qui va agir sur la synapse, la stimulation des récepteurs nicotiniques par la nicotine (Fig. 13-19A) met fin à leur fonctionnement en provoquant leur incorporation dans un repli de la membrane (Fig. 13-19B) peu de temps après la fixation, de telle sorte que la nicotine ne puisse plus les stimuler avant un certain temps. La stimulation des récepteurs dopaminergiques mésolimbiques est arrêtée après un bref laps de temps et de faibles quantités de nicotine. Au lieu d'une euphorie plus longue et plus durable obtenue avec la cocaïne, ce que l'on peut attendre de la nicotine est une faible augmentation de la sensation de plaisir (« mini-flash »), suivie d'un déclin jusqu'à ce que les récepteurs nicotiniques reviennent à leur état antérieur et que le fumeur inhale la bouffée suivante ou fume une nouvelle cigarette. Les effets psychopharmacologiques de la nicotine sont par conséquent quelque peu auto-régulés, ce qui peut expliquer pourquoi ses effets comportementaux sont beaucoup plus limités que ceux de la cocaïne ou de l'amphétamine.
acétylcholine
récepteur de la nicotiné
acétylcholine
récepteur de la nicotiriè repli — membranaire
La nicotine provoque le masquage de ses propres récepteurs
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Psychopharmacologie Ça nicotlbe peut hypersensibiliser ses récepteurs à cause ele leur masquage constant
acétylcholine
récepteur de la nicotine-repli — membranaire
mi r FIGURE 13-20. Pharmacologie de la nicotine (3' partie). Avec le temps, les fumeurs déveloPpcnt une hypersensibilisation de leurs récepteurs nicotiniques pour compenser le fait que la nicotine les rend inopérants. Ces changements au niveau de la dopamine et des récepteurs nicotiniques seraient liés à des mécanismes psychopharmacologiques en cause dans la forte capacité de la nicotine à produire dépendance et sevrage. effets toxiques et pourquoi il entraîne amnésie et ataxie. Néanmoins, le renforcement induit par l'alcool est théoriquement sous-tendu par les effets de la modification du GABA et du glutamate sur la libération de dopamine dans le système dopaminergique mésolimbique (voir Fig. 13-2). En outre, il semble aussi favoriser la libération des opiacés et des substances cannabinoïdes du système de récompense. Par exemple, chez des animaux devenus alcoolodépendants, on réduit le besoin de prendre de l'alcool en bloquant les récepteurs cannabinoïdes. Le blocage des récepteurs des opiacés par la naltrexone (voir Fig. 13-29) chez l'homme dépendant de l'alcool diminue l'appétence pour ce produit et par conséquent augmente le taux d'abstinence. Si l'on boit alors que l'on est sous naltrexone, la libération d'opiacés ne procure pas de plaisir, alors pourquoi s'embêter à boire ? (certains patients pensent l'inverse : pourquoi s'embêter à prendre de la naltrexone ?... et ils rechutent). La naltrexone est recommandée pendant les 90 premiers jours d'abstinence, période où le risque de rechute est très élevé ; néanmoins, il a été démontré que ce médicament pouvait être sûr et bien toléré chez ces patients sur une durée d'un an. Le nalmefène est un antagoniste des récepteurs mu opiacés. Il a aussi été étudié chez les alcooliques afin de déterminer s'il pouvait augmenter le taux d'abstinence. L'acamprosate, dérivé d'un acide aminé, la taurine, interagit avec les récepteurs NMDA et pourrait peut-être, grâce à cet effet, se substituer à l'alcool durant l'abstinence (Fig. 13-30). Ainsi, lors du sevrage de l'alcool et lorsque les récepteurs mésolimbiques D2 réclament de la dopamine à cause d'un excès de glutamate, il est possible que la substitution par l'acamprosate réduise l'hyperexcitabilité neuronale due au sevrage d'alcool, ce qui réduirait la détresse
Psychopharmacologie de la récompense et de l'abus de drogue
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Où est ma dopamine ?
acet dcholine
lr FIGURE 13-21. En haut, un fumeur régulier s'administre une dose conséquente de nicotine (cercle rouge), libérant la dopamine au niveau de l'aire limbique de façorifréquente, ce qui représente une forte récompense pour les récepteurs dopaminergiques 2 (D2) limbiques (à droite). Tôutefois, lors des tentatives d'arrêt du tabac, la dopamine n'est plus libérée lorsque la nicotine n'agit plus sur les neurones mésolimbiques. Cela rend les récepteurs D2 limbiques furieux et contribue au besoin de fumer de nouveau ; c'est la « colère nicotinique liée au sevrage et l'appétence pour l'alcool. L'acamprosate est disponible sur le marché européen et fait l'objet d'études intensives aux États-Unis. La conduite à tenir en matière d'abus et de dépendance à l'alcool est complexe, et le traitement le plus efficace semble malgré tout être comportemental, ce qui ne ressort pas du domaine de cet ouvrage.
Psychopharmacologie
Taux de nicotine
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CIGARETTE FIGURE 13-22. Le tabagisme est un système qui procure de la nicotine de façon pulsatile. La dépendance à la nicotine entraîne un syndrome de sevrage entre chaque cigarette, lorsque les taux sanguins de nicotine s'abaissent dans le sang et le cerveau. Si l'on ne reprend pas de cigarette, le sevrage en nicotine est caractérisé par le besoin de fumer et une agitation qui évoque, à un faible degré, un sevrage de drogues stimulantes.
Benzodiazépines et sédatifs-hypnotiques Benzodiazépines Nous avons déjà largement parlé dans le Chapitre 8 des mécanismes d'action thérapeutique des benzodiazépines (BZD) en tant qu'anxiolytiques et sédatifs-hypnotiques ainsi que de leurs mécanismes pharmacologiques de modulateurs allostériques des récepteurs GABA A (voir Fig. 8-19 à 8-24). Les BZD provoquent une franche augmentation du flux de chlore à travers Ies canaux chlore, stimulant la neurotransmission inhibitrice et l'effet anxiolytique (Fig. 13-31). On pense que ces effets sous-tendent l'apparition des propriétés de renforcement de l'euphorie et d'une sorte de tranquillité par la sédation, effets qui conduisent certains sujets à abuser de ces médicaments (voir Fig. 13-2). La fixation des BZD sur ces mêmes récepteurs est responsable de leur activité thérapeutique, niais une action excessive sive de pourrait être à l'origine des mécanismes psychopharmacologiques de l'euphorie, de l'effet renforcement de la drogue et à l'extrême, de l'overdose. Lorsque les BZD font l'objet d'une utilisation ou dTh abus chroniques, elles peuvent induire des modifications des récepteurs comme la faculté de moduler les r1é3c—e3p2teursGpABA enAts en réponse à la diminution d'une benzodiazépine au cours du temps (Fig. 13-32). Les patients deviennent irritables ou anxieux, voire même ont des attaques de panique s'ils arrêtent brus. quement leur BZD (Fig. 13-33). Les toxicomanes aux BZD subissent dont une modification avec une désensibilisation des récepteurs (voir Fig. 13-32) qui se manifesterait par un besoin de prendre de plus fortes doses de BZD pour rester up. Lors d'un usage chronique, cette désensibilisation des récepteurs ne peut pas être amortie à l'arrêt de la BZD, surtout si l'arrêt se fait brutalement (voir Fig. 13-33). Ces récepteurs désensibilisés aggravent l'impact de l'arrêt des BZD, car le cerveau a été habitué à être en présence d'une grande quantité de BZD au niveau
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Taux de nicotin
Psychopharmacologie de la récompense et de l'abus de drogue
PATCH TRANSDERMIQUE FIGURE 13-23. Administration transdermique de nicotine clans la prise en charge du sevrage du tabac. Récemment, l'invention d'un dispositif d'apport transdermique de nicotine a eu beaucoup de succès car il permet aux patients d'arrêter le tabac. Avec un patch, l'apport de nicotine devient continu au même titre que dans le cas d'une perfusion au lieu d'être pulsatile comme avec la cigarette (voir Fig. 13-22). L'idée sousjacente est que la nicotine et les récepteurs dopaminergiques ont la possibilité de se réadapter graduellement vers la normale, ce qui n'est absolument pas le cas du fumeur qui devient abstinent du jour au lendemain. Cette approche permet d'espérer de prévenir ou d'atténuer le syndrome de sevrage. La dose de nicotine peut, de plus, être réduite progressivement, en fonction de ce que le patient peut tolérer. La dose est donc réduite lentement, par paliers jusqu'à ce qu'il puisse tolérer de ne plus fumer du tout, puis se passer du dispositif transdermique. Le succès de cette méthode dépend de la motivation du sujet, avec l'aide éventuelle d'une prise en charge psychologique et de programmes d'information.
On de ses récepteurs et se trouve soudainement en manque de ces substances. Par conséquent, le cerveau subit l'inverse de l'intoxication aux BZD, sous forme de dysphonie et de dépression à la place de l'euphorie, d'anxiété et d'agitation au lieu de l'ataraxie, d'insomnie au lieu de la sédation, de tensions à la place de la détente musculaire, et, au pire, de crises convulsives au lieu des effets anticonvulsivants. Tout cela se pourTuit jusqu'à ce qu'une benzodiazépine soit réadministrée ou alors jusqu'au retour des récepteurs à le sensibilité qu'ils avaient avant l'utilisation excessive des BZD. Comme autre possibilité, on peut prescrire une BZD dont la posologie sera ensuite progressivement réduite jusqu'à arrêt, de telle façon que les récepteurs aient le temps de se réadapter au cours de la diminution des doses et que l'on évite ainsi un syndrome de sevrage.
Sédatifs-hypnotiques Les mécanismes pharmacologiques sont sensiblement les mêmes que ceux qui ont été décrits pour les benzodiazépines. Ces substances sont toutefois plus dangereuses en cas d'overdose,
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gie t'sy, hopkiarmneolg ■
FIGURE 13-24. Plutôt que de substituer à la cigarette un patch de nicotine lors du sevrage tabagique, une autre approche thérapeutique consiste à réduire le besoin de fumer, au tout début de l'arrêt du tabac, en apportant une certaine dose de dopamine grâce au blocage de sa recapture au niveau des terminaisons neuronales en utilisant le bupropion. Bien qu'il ne soit pas aussi performant que la nicotine, il atténue le besoin et rend l'abstinence plus tolérable. induisent plus volontiers une dépendance, font plus souvent l'objet d'un usage toxicomaniaque et entraînent des réactions de sevrage plus graves. Apparemment, le récepteur qui sous-tend les effets de ces substances est probablement un modulateur allostérique du canal chlore du récepteur GABA A. Il est plus facilement désensibilisé que le récepteur des benzodiazépines, et ce avec des conséquences plus sérieuses (Fig. 13-34). Il doit aussi intervenir en faveur d'une euphorie bien plus intense et un sentiment de tranquillité qui sera davantage recherché que ce que le récepteur des benzodiazépines induit. Comme les BZD représentent souvent une alternative adaptée à ces produits, les médecins se doivent de limiter le risque d'abus en les prescrivant le moins possible. En cas de réaction de sevrage, la réintroduction de la substance en cause, puis son sevrage progressif sous stricte surveillance médicale permettent d'entamer le processus de désintoxication. On compte parmi ces produits les barbituriques et certains médicaments apparentés comme l'ethchlorvynol et l'éthinamate, l'hydrate de chloral et ses dérivés, ainsi que les dérivés des pipéridinediones comme le glutéthimide et la méthyprylone.
Psychopharmacologie de l'obésité : mes récepteurs me font à manger Le métabolisme et l'utilisation énergétique des aliments sont des fonctions endocriniennes périphériques. Certaines découvertes récentes ont conduit à une meilleure compréhension de la façon dont les éléments constitutifs à la fois centraux et périphériques du contrôle pondéral sont placés sous la dépendance des récepteurs de plusieurs neurotransmetteurs et hormones essentiels. L'obésité résulte d'un déséquilibre entre les apports caloriques et la dépense énergétique. Ce type de découverte suggère l'idée que les traitements de l'obésité du futur seront basés sur des mécanismes à la fois centraux (diminution du besoin impérieux de manger) et périphériques (augmenter l'utilisation de l'énergie). Pour le moment toutefois, il faut garder à
Psychopharmacologie de la récompense et de l'abus de drogue
ro-dynorphin
/7 1 Pro-enképhalin
POMC
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Enképhaline
.0Z
Dynorphine
Bêta-endorphine
récepteur
FIGURE 13-25. Pharmacologie des systèmes opioïdes endogènes. L'encéphale produit ses propres substances opiacés-like endogènes, que l'on appelle parfois « l'endomorphine du cerveau ». Il s'agit des peptides dérivés des protéines précurseurs : la pro-opiomélanocortine (POMC), la pro-enképhaline et la pro-dynorphine. Des segments de ces précurseurs sont scindés afin de produire les endorphines et les enképhalines stockées dans les neurones opiacés et probablement libérées au cours de la neurotransmission pour produire les actions endogènes opiacés-litre. Néanmoins, on est loin de tout connaître du nombre et des fonctions précises des opiacés endogènes, de leurs récepteurs et de leur rôle dans l'analgésie et autres fonctions du système nerveux central. l'esprit que de nombreux traitements psychotropes peuvent induire des changements à ce niveau, et notamment une prise de poids. Il s'agit d'un problème bien connu avec les neuroleptiques atypiques (voir Tableau 1,4I), mais qui concerne également les autres psychotropes parmi lesquels figurent les antidépresseur' Certains patients abusent des stimulants ou de la nicotine dans le but de contrôler leur poids, ou alors se battent continuellement pour le maîtriser lorsqu'ils décident d'arrêter les stimulants ou la nicotine. C'est pourquoi nous avons introduit dans cet ouvrage un paragraphe sur le rôle des récepteurs sur le poids.
Récepteurs de l'histamine 1 Le rôle précis de l'histamine dans le SNC demeure une énigme. On sait toutefois qu'elle joue un rôle dans la régulation de l'éveil et de l'appétit à partir de l'observation des effets des
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Psy ch opharmaculogie
hydrocodone
—o
oxycodone
méthodone héroïne
O
Q'-buprénorphine
FIGURE 13-26. Pharmacologie des systèmes opioïdes endogènes. Les drogues opiacées agissent sur de nombreux récepteurs, appelés récepteurs aux opiacés. Les opiacés, administrés de façon aiguë, ont un effet antalgique grâce à leur action agoniste sur ces récepteurs. Aux doses antalgiques et au-dessus, les opiacés produisent une euphorie qui constitue leur principal moyen de renforcement. Cette euphorie peut surve de manière particulièrement intense et brève ; c'est le « flash », suivi d'un profond sentiment de quiétu pouvant durer plusieurs heures, puis d'une somnolence (« nodding »), de variations de l'humeur, d'asso brissement mental, d'apathie et de ralentissement moteur. En cas d'overdose, ces mêmes produi deviennent des dépresseurs respiratoires et peuvent provoquer un coma. antagonistes H1 (non seulement ces médicaments sont sédatifs, mais en plus ils augmentent l'appétit et le poids chez l'animal comme chez l'homme).1tes -études de liaison des antidépresseurs et des antipsychotiques montrent que la sédation et la prise de poids chez l'homme sont proportionnelles à leur capacité à bloquer les récepteurs de l'histamine. En fait, la liaison à ces récepteurs est davantage corrélée à la prise de poids qu'à l'action thérapeutique de ces produits.
Récepteurs 5HT2C Depuis plusieurs années, les psychopharmacologues savent qu'en augmentant la sérotonin(5HT) disponible dans la fente synaptique, ou qu'en activant directement les récepteurs 5H
11
Site du GABA
Site de la picrotoxine Site de l'alcool
Site des
ezn Alcool Site des barbituriques
FIGURE 13-27. Les effets pharmacologiques de l'alcool passent en partie par l'augmentation de l'action inhibitrice des récepteurs GABA-A.
O FIGURE 13-28. Les effets pharmacologiques de l'alcool passent en partie par la diminution de l'action excitatrice des récepteurs NMDA. 531
cannahinoïdes
alcool FIGURE 13-29. Icône de l'alcool. En plus d'augmenter l'effet inhibiteur du GARA et de réduire l'effet excitateur du glutamate, l'alcool a des effets euphorisants au travers de la libération d'opiacés et d'end°. cannabinoïdes.
FIGURE 13-30. Icône de l'acamprosate. C'est un analogue structural de la taurine, un acide aminé. Il réduit les effets excitateurs du glutamate au niveau du complexe récepteur NMDA-canal calcique.
Benzodiazépine GABA 411r
Site de la benzodiazépine
0 00 0 0 000 0
L'administration d'une benzodiazépine à un patient qui n'en a jamais pris provoque un effet aigu et une large ouverture du canal
FIGURE 13-31. Administration aiguë d'une benzodiazépine chez un sujet non dépendant. Les benzodiazépines (BZD) sont des modulateurs allostériques des récepteurs GABA-A. Si une BZD est administrée chez un patient qui n'en a jamais pris, il y a un effet benzodiazépinique aigu d'ouverture maximale du canal chlore. Cela provoque une franche augmentation du flux de chlore à travers le canal, stimulant la neurotransmission inhibitrice et induisant l'effet anxiolytique. On pense que ces effets sous-tendent l'apparition des propriétés de renforcement de l'euphorie et d'une sorte de tranquillité par la sédation, effets qui conduisent certains sujets à abuser de ces médicaments. La fixation des BZD sur ces mêmes récepteurs est responsable de leur activité thérapeutique, mais une action excessive pourrait être à l'origine des mécanismes psychopharmacologiques de l'euphorie, de l'effet de renforcement de la drogue et à l'extrême, de l'overdose. 533
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Psychopharmacologie
ci I
0 0000 /0
L'administration d'une benzodiazépine à un patient devenu tolérant entraîne une faible ouverture du canal (encore suffisante pour avoir un effet anxiolytique)
01 0000 00 0
FIGURE 13-32. Administration chronique d'une benzodiazépine (BZD) chez un sujet devenu dépendant et qui a développé une tolérance. Lorsque les BZD font l'objet d'une utilisation ou d'un abus chroniques, elles peuvent induire des changements adaptatifs des récepteurs BZD, comme le fait de moduler de façon moins puissante les récepteurs GABA A. L'administration d'une BZD chez un tel patient ouvre le canal chlore moins largement qu'avant mais suffisamment encore pour obtenir un effet anxiolytique, voire une euphorie et un effet de renforcement. Ces effets sont plus modestes toutefois que ceux qui sont obtenus par une administration aiguë avant l'apparition de la désensibilisation et de la tolérance.
on réduit la prise alimentaire, tandis qu'en diminuant l'activation des récepteurs 511T on aboutit à l'effet opposé. Des recherches récentes impliquent plus spécifiquement le sous-type 5HT2C dans la régulation de l'appétit. Par exemple, les souris mutantes dépourvues de récepteurs 5HT2C sont obèses. L'activation des récepteurs 5HT2C diminuent le comportement alimentaire du rat. Un mécanisme 5HT2C serait encore en cause dans la perte de poids sous anorexigène chez l'homme, Les inhibiteurs spécifiques de la recapture de la sérotonine (ISRS) diminuent l'appétit, au moins en début de traitement. La fluoxétine, que l'on peut considérer comme le plus anorexigène des ISRS et qui d'ailleurs, aux États-Unis, possède une indication spécifique dans la boulimie, est également le seul ISRS à avoir une activité agoniste 5HT2C directe en plus de ses propriétés de blocage de la recapture de la sérotonine (voir Chapitre 6 et Fig. 6-41). L'anorexigène le plus récent est la sibutratnine. Elle agit à travers un blocage de la recapture de la sérotonine et de la no!adrénaline, de la même manière que de fortes doses de venlafaxine (voir Chapitre 7 et Fig. 7-1 et 7-2). Les substances qui bloquent les récepteurs 5HT2C ainsi que les récepteurs Hl sont tout particulièrement associées à une prise pondérale, alors que le seul blocage des récepteurs 5HT2C ne provoque pas forcément un tel phénomène (voir Chapitre 11 et Tableau 13—II).
Récepteurs adrénergiques bêta 3 Les trois différents sous-types de récepteurs bêta sont le récepteur adrénergique bêta 1, de localisation essentiellement cardiaque (où il est la cible des bêta-bloquants) ; le récepteur
Psychopharmacologie de la récompense et de l'abus de drogue
53s
L'arrêt soudain d'une benzodiazépine chez un patient tolérant entraîne la fermeture du canal et donc induit de l'anxiété
: URE 13-33. Sevrage aigu d'une benzodiazépine (BZD) chez un sujet dépendant. Si une BZD est souinement arrêtée chez un patient devenu tolérant et dépendant, les récepteurs des BZD vont subir un man• ' aigu au niveau de leurs sites de liaison. Ainsi, l'existence de récepteurs BZD désensibilisés aggrave en ait l'impact de l'arrêt des BZD. Le cerveau qui a été habitué à avoir beaucoup de BZD sur ses récepteurs est soudainement privé de BZD. 11 subit donc une intoxication inverse, c'est-à-dire que vont apparaître une dysphorie ou une dépression au lieu d'une euphorie ; une anxiété et une agitation au lieu d'une ataraxie, une insomnie au lieu d'une sédation, des tensions à la place de la détente musculaire, et, au pire, des crises convulsives au lieu d'effets anticonvulsivants. Tout cela se poursuit jusqu'à ce qu'une benzodiazépine soit de nouveau administrée ou alors jusqu'au retour des récepteurs à la sensibilité qu'ils avaient avant l'utilisation excessive des BZD. Comme autre possibilité, on peut prescrire une BZD dont la posologie sera ensuite progressivement réduite jusqu'à l'arrêt, de telle façon que les récepteurs aient le temps de se réadapter au cours de la diminution des doses et que l'on évite ainsi un syndrome de sevrage.
adrénergique bêta 2, présent à la fois dans les poumons (où il est la cible des agonistes bronchodilatateurs), l'utérus et les muscles squelettiques ; et le récepteur adrénergique bêta 3, localisé principalement dans le tissu adipeux où il régule le métabolisme énergétique et la thermogenèse (à partir des graisses), et ceci tout particulièrement en réponse à la noradrénaline. Des preuves de l'implication active des récepteurs adrénergiques bêta 3 dans le contrôle du poids chez l'homme ont été réunies à partir de la découverte d'une souche génétique présentant un facteur de susceptibilité décrachant l'apparition d'une obésité morbide et d'un diabète non-insulinodépendant. Cette mutation du récepteur adrénergique bêta 3 est spécifiquement associée à l'obésité héréditaire chez les américains Pima d'Arizona et constitue aussi un facteur d'augmentation de l'incidence de l'obésité au Japon. Elle existe également chez certains nonobèses, dont un quart des Afro-Américains et environ 10 p. 100 de la population générale en Europe et aux États-Unis. Ces différents éléments peuvent fonder une stratégie de traitement de l'obésité en stimulant le métabolisme et en brûlant les graisses plutôt qu'en agissant au niveau central sur la satiété. La sibutramine, par exemple, augmente la noradrénaline au niveau des récepteurs adrénergiques bêta 3 périphériques, et par ce moyen stimule la thermogenèse et augmente la consommation d'oxygène, ce qui aboutit à une perte de poids.
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Psychopharmacologie
Site du GABA
Site de la picrotoxine
Site de l'alcool
Site
ae BZD
Barbituriques
Site des barbituriques
FIGURE 13-34. Pharmacologie de l'abus de sédatifs-hypnotiques. Les mécanismes pharmacologiques de ces substances, bien que n'ayant pas été prouvés, semblent être sensiblement les mêmes que ceux q ui ont été décrits pour les benzodiazépines, c'est-à-dire une modulation allostérique du complexe récepteur GABA A-canal chlore dépendant du ligand. Classement des neuroleptiques (classiques Tableau et atypiques) en fonction de la probabilité d'apparition d'une prise de poids (par ordre croissant) Loxapine (ni prise ni perte pondérale) Molindone Ziprasidone Thiothixène Halopéridol Rispéridone Chlorpromazine Sertindole Quétiapine Thioridazine Olanzapine Z,otépine Clozapine (prise de poids la plus importante)
Récepteurs des neuropeptides et histoire de la leptine Trois peptides au moins sont impliqués dans la régulation de la prise de nourriture, la dépense énergétique et l'équilibre énergétique de tout l'organisme. Ceci est vrai chez les rongeurs comme chez l'homme. On les trouve à la fois au niveau périphérique (ce sont alors
Psychopharmacologie de la récompense et de l'abus de drogue
Il
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des hormones), et au niveau central. Il s'agit de la galanine, le neuropeptide Y et la Ieptine. Leur rôle physiologique sur la régulation du poids corporel via les récepteurs du SNC demeure obscur, bien que les effets de la leptine sur la prise alimentaire et la dépense d'énergie soient supposés dépendre d'une action centrale du neuropeptide Y. Le rôle de la leptine périphérique a été mieux étudié. La leptine est un des membres de la famille de l'interleukine 6 cytokine. On la trouve dans de multiples tissus, et elle est sécrétée par les adipocytes où sa concentration est fortement corrélée à la masse graisseuse corporelle et à la taille des adipocytes. Les effets périphériques de la leptine comprennent la régulation de la sécrétion insulinique et celle du métabolisme énergétique dans les adipocytes ainsi que dans les muscles squelettiques, lieux où elle jouerait un rôle en assurant l'entretien de réserves énergétiques adéquates et par conséquent éviterait le dépérissement. Elle agit aussi en tant que signal de régulation des effets de l'état nutritionnel sur la fonction de reproduction. Le cortisol et l'insuline sont de puissants stimulants de la sécrétion de leptine, tandis que les agonistes bêta-adrénergiques réduisent son expression. L'administration de leptine à des souris génétiquement obèses réduit leur prise alimentaire et leur fait perdre du poids. Le déficit congénital en leptine chez l'homme est associé à une obésité sévère à début précoce. De façon quelque peu paradoxale toutefois, les taux de leptine plasmatiques sont augmentés chez les femmes obèses et diminués chez les femmes atteintes d'anorexie mentale. Les taux de neuropeptide Y et de galanine plasmatiques sont également augmentés chez les femmes obèses. Les taux de leptine sont chroniquement augmentés chez les humains obèses, ce qui montre que l'obésité pourrait être liée à un dysfonctionnement des récepteurs de la leptine, appelé résistance à la leptine. En effet, dans ce cas, la leptine est incapable d'engendrer une réponse adéquate lorsqu'elle occupe son récepteur. Améliorer la capacité d'un patient à répondre à la leptine pourrait être une des clés de la perte de poids. Une meilleure compréhension de la neuropharmacologie de la prise de poids conduira certainement à une meilleure prise en charge de l'obésité. Pour l'instant les prescripteurs de psychotropes doivent se contenter de surveiller le poids et l'indice de masse corporelle de leurs patients, tout en essayant de sélectionner les médicaments qui éviteront l'obésité, mais aussi en la prenant en charge si le patient est déjà obèse.
Résumé Ce chapitre s'est attaché à souligner les mécanismes psychopharmacologiques des toxicomanies et à utiliser ces mécanismes pour décrire par ailleurs la dépendance à une drogue. Nous avons défini les termes fréquemment utilisés dans la description de l'abus de drogue et la dépendance, parmi lesquels l'abus, l'addiction, la dépendance, le renforcement, la tolérance, la tolérance croisée, la dépendance croisée, le sevrage, la rechute et le rebond. Nous avons décrit la voie dopaminergique mésolimbique et la neuropharmacologie de la récompense, tout en insistant sur les mécanismes d'action de plusieurs familles de drogues dont les stimulants (cocaïne et amphétamines), les hallucinogènes, les drogues de synthèse, la phencyclidine, la nicotine, la marijuana, les opiacés, l'alcool, les benzodiazépines et les sédatifs-hypnotiques. Nous avons enfin mentionné la façon dont les récepteurs et la voie dopaminergique mésolimbique pouvaient jouer un rôle dans la psychopharmacologie de l'obésité.
CHAPITRE 14
SPÉCIFICITÉ DE LA PSYCHOPHARMACOLOGIE EN FONCTION DU GENRE ; PSYCHOPHARMACOLOGIE DE LA FONCTION SEXUELLE
I. Neurotransmetteurs et psychopharmacologie de la réponse sexuelle humaine IL Dysfonctionnement érectile OEstrogènes, facteurs neurotrophiques cérébraux IV. Œstrogènes et humeur selon le cycle de la femme tout au long de la vie V. Cognition, maladie d'Alzheimer et rôle des oestrogènes selon le genre VI. Résumé
Même si l'on commence seulement à le constater et à l'explorer de manière systématique, la psychopharmacologie peut agir de façon fort différente selon le sexe. Ce chapitre sera consacré à certains concepts expliquant pourquoi on doit traiter différemment un homme et une femme avec les psychotropes. Un des sujets qui concerne les deux genres est l'activité sexuelle, dont l'importance croît depuis que l'on sait que les psychotropes agissent particulièrement sur cette fonction, le plus souvent de manière négative. De plus, certains traitements des dysfonctionnements sexuels, qui s'appuient sur la modification de la neurotransmission chimique, sont désormais disponibles et, par conséquent, trouvent leur place dans cet ouvrage au travers des principes psychopharmacologiques qui sous-tendent leur action. Les propriétés comportementales et neurobiologiques intimes des hormones liées à la reproduction, en particulier les oestrogènes, sont désormais connues et font l'objet d'une utilisation de plus en plus grande du fait de leur potentiel thérapeutique en psychopharmacologie. Nous nous pencherons également sur la tendance à intégrer le rôle des hormones de la reproduction dans la psychopharmacologie en tenant compte des stades du cycle de la vie de la femme (enfance, âge de procréation, grossesse, post,partum, allaitement et soins à l'enfant, prérnénopause et postménopause) et enfin des conséquences de la prise ou non d'oestrogènes sur le choix d'un psychotrope. 539
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Psychopharmacologie Li bitic
voie dopaminergiquo rnesc.:11--ibique
<7
prolactine
FIGURE 14-1. Psychopharmacologie de la réponse sexuelle humaine, 1" partie. La libido est le premier stade de la réponse sexuelle humaine et est liée au désir. Elle serait un phénomène dopaminergique lié au « centre de récompense » dopaminergique mésolimbique qui serait, par ailleurs, responsable de « l'extase naturelle et de la récompense artificiellement obtenue avec les drogues. On pense que la prolactine a une influence négative sur le désir sexuel, néanmoins ce point est relativement mal compris.
Neurotransmetteurs et psychopharmacologie de la réponse sexuelle humaine Du simple point de vue psychopharmacologique, la répolîse sexuelle chez l'humain peut être divisée en trois phases, chacune étant douée de fonctions de neurotransmission distinctes et ayant relativement peu de points communs avec les autres : la libido, l'éveil et l'orgasme.
Libido La libido est le désir sexuel (sexe drive). Elle serait un phénomène dopaminergique lié au « centre de récompense » dopaminergique mésolimbique (Fig. 14-1 ; voir Chapitre 13) ; on sait qu'elle constitue un champ d'action pour certaines drogues et qu'elle est le lieu où se
Psychopharmacologie en fonction du genre ; psychopharmacologie de la fonction sexuelle
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Éveil sexuel
lubrification ci 0 U 0 0 NO 0 ACh
d
érection
FIGURE 14-2. Psychopharmacologie de la réponse sexuelle humaine, 2' partie. L'éveil sexuel. au niveau des organes génitaux externes consiste en l'érection chez l'homme et la lubrification chez la femme. Le monoxyde d'azote (NO) et l'acétylcholine interviennent dans ces phénomènes.
produit « l'extase naturelle » (voir Fig. 13-1 et 13-2). Mais ce site n'est pas seulement responsable de l'orgasme, puisqu'il intervient aussi dans le désir qui précède l'acte sexuel. On pense que la prolactine a une influence négative sur le désir sexuel, ce qui est intéressant dans le sens où il existe une relation réciproque entre dopamine et prolactine (voir Chapitre 11 ; voir Fig. 11-30). Néanmoins, la relation entre prolactine et dysfonctionnement sexuel est peu documentée et relativement mal comprise.
Éveil sexuel Le deuxième stade psychopharmacologique de la réponse sexuelle est l'éveil sexuel (Fig. 14-2), c'est-à-dire l'entrée en action des organes génitaux externes (OGE). Il s'agit de l'érection chez l'homme et de la lubrification chez la femme. Ce type d'éveil prépare les OGE à la pénétration et aux rapports sexuels. Le message d'éveil prend naissance dans le cerveau, fait relais dans la moelle épinière, puis circule dans les voies nerveuses autonomes périphériques sympathiques et parasympathiques, puis dans le tissu vasculaire et finalement dans les OGE. Le long de ce trajet, interviennent deux neurotransmetteurs au moins, l'acétylcholine dans l'innervation parasympathique des OGE, et le monoxyde d'azote qui assure à la fois l'érection de l'homme et la lubrification de la femme. La psychopharmacologie cholinergique a été décrite en détail dans le ChapitreI2 (voir Fig. 12-8 à 12-10). Le monoxyde d'azote est un système de neurotransmission récemment découvert dans le cerveau et les tissus périphériques. Nous allons nous y attarder quelque peu afin de comprendre son action dans la genèse de l'éveil au cours de la réponse sexuelle humaine.
sychopharmacologie du monoxyde d'azote Le monoxyde d'azote (nitric oxide = NO) est un gaz, ce qui en fait un composé plutôt improbable en ce qui concerne la neurotransmission. Il ne s'agit ni d'une amine, ni d'un acide
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Psychopharmacologie aminé, ni d'un peptide ; il n'est pas stocké dans les vésicules synaptiques ni libéré par exocy rose, et il n'interagit pas avec des sous-types de récepteurs spécifiques au niveau de la membrane neuronale. Contrairement à son plus proche parent, le N20 ou gaz hilarant, le NO ne prête pas à rire (NdT : « NO laughing matter » dans le texte). Le protoxyde d'azote (N2 0) est un des premiers anesthésiques de l'histoire. Le monoxyde d'azote (NO) est un gaz très différent, bien que souvent confondu avec le précédent (N20). C'est le NO qui est un neurotransmetteur, pas le N20 ! Aussi incroyable qu'il y paraisse, le NO est un poison et un gaz instable, un composant des gaz d'échappement ; il participe à la destruction de la couche d'ozone, mais c'est également un messager chimique qui agit à la fois dans le cerveau et les vaisseaux sanguins, et en particulier ceux qui contrôlent l'érection du pénis. Eh oui ! Les neurones et le pénis synthétisent du NO. Certains neurones et tissus possèdent l'enzyme oxyde nitrique synthétase (NOS) qui transforme la t-arginine (un acide aminé) en NO (Fig. 14-3). Le monoxyde d'azote diffuse ensuite vers les neurones ou les muscles lisses adjacents et provoque la formation de la guanosine monophosphate cyclique (GMPc), un second messager, en activant la guanylyl cyclase (GC) (Fig. 14-4). Le monoxyde d'azote n'est pas synthétisé en avance ni stocké, mais au contraire semble fabriqué à la demande et libéré par diffusion. Le glutamate et le calcium déclenchent la production de NO en activant la NOS. Eh non ! Il n'y a pas de récepteurs membranaires du NO, au contraire des neurotransmetteurs classiques qui possèdent de nombreux types et sous-types de récepteurs à la surfac des membranes des neurones. La cible du NO est le fer au niveau du site actif de la GC (voi Fig. 14-4). Lorsque le NO se lie au fer, la GC est activée et la GMPc est synthétisée. L'actio de la GMPc s'achève sur une famille d'enzymes appelées phosphodiestérases (PDE), dont il existe plusieurs formes en fonction des tissus (Fig. 14-5). Le NO a bel et bien une fonction de neurotransmetteur. La première fonction de messager du NO a été décrite dans les vaisseaux sanguins. Le NO régule l'érection pénienne en relâchant les muscles lisses des vaisseaux sanguins, ce qui permet au sang d'affluer dans le pénis. Il module également les fibres lisses des vaisseaux cardiaques, et c'est par son intermédiaire que les dérivés nitrés traitent l'angor. C'est aussi un régulateur essentiel de la pression artérielle, de l'agrégation plaquettaire et du péristaltisme. Au niveau du SNC, sa fonction de neurotransmetteur reste mal définie, mais on pense qu'il pourrait être un neurotransmetteur rétrograde. Puisque les neurotransmetteurs présynaptiques activent les récepteurs postsynap_ tiques, il semble logique que la communication dans ce sens puisse être accompagnée d'une forme de rétrocontrôle depuis le site postsynaptique vers le neurone présynaptique. L'idée est que la synthèse de NO dans les synapses est poussée par les neurotransmetteurs présynaptiques, puis diffuse vers les neurones présynaptiques, transportant l'information de façon rétrograde. Le monoxyde d'azote pourrait aussi être impliqué dans la formation de la mémoire, la plasticité neuronale et la neurotoxicité.
Orgasme La troisième étape de la réponse sexuelle humaine est l'orgasme (Fig. 14-6). Elle s'accompagne chez l'homme de l'éjaculation. Les fibres sérotoninergiqu-es spinales descendantes exercent une action inhibitrice sur l'orgasme via les récepteurs 5HT2A (voir Fig. 5-57). Ce sont les fibres noradrénergiques spinales descendantes (voir Fig. 5-28) et l'innervation noradrénergique sympathique des OGE qui facilitent l'éjaculation et l'orgasme. En résumé, il y a trois grands stades psychopharmacologiques de la réponse sexuelle (Fig. 14-7). De multiples neurotransmetteurs participent à ces stades, mais seuls quelquesuns d'entre eux sont appréhendés. La libido (stade 1) a pour dimension pharmacologique la dopamine. Le mécanisme d'éveil sexuel (stade 2), caractérisé par l'érection de l'homme et la lubrification de la femme, implique une pharmacologie impliquant à la fois le système
„..1 1-citruline
0 0 1/4--1 0 0 00 NO (monoxyde d'azote)
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Oxyde nitrique synthétase
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FIGURE 14-3. Le monoxyde d'azote (NO) est synthétisé par une enzyme, la NO synthétase (NOS) qui transforme un acide aminé, la 1-arginine, en NO et 1-citrulline. FIGURE 14-4. Une fois synthétisé, le monoxyde d'azote (NO) active une enzyme, la guanylyl cyclase (GC) en se liant au fer (hème) au niveau du site actif de l'enzyme. Lorsqu'elle est activée, la GC fabrique un messager, la GMP cyclique (GMPc) qui entraîne le relâchement des fibres musculaires lisses (entre autres fonctions). Dans le pénis, la relaxation des fibres musculaires des vaisseaux provoque un afflux de sang qui permet l'érection. 543
FIGURE 14-5. L'action de la GMPc s'achève sous les effets de l'enzyme phosphodiestérase. Dans le pénis, il s'agit de la phosphodiestérase de type V (PDE V).
orgasme
éjaculation
FIGURE 14-6. Psychopharmacologie de la réponse sexuelle humaine, Y partie. L'orgasme est le troisi stade de la réponse sexuelle humaine. Il s'accompagne de l'éjaculation chez l'homme. La sérotonine e une action inhibitrice sur l'orgasme, tandis que la noradrénaline a un effet excitateur ou facilitateur. 544
Psychopharmacologie en fonction du genre ; psychopharmacologie de la fonction sexuelle
545
Psychopharmacologie de la réponse sexuelle NEUROTRANSMETTEUR
Stade 1
Libido:
Stade 2
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Éveil sexuel/Érection Lubrification : NO 00 (---1
+ prolactine
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Stade 3 Orgasme/Éjaculation : 5HT
NA 46k+
GURE 14-7. Les neurotransmetteurs impliqués dans les trois stades de la psychopharmacologie de la FIGURE réponse sexuelle humaine sont présentés ici. Dans le stade 1 (libido) la dopamine a une influence positive et la prolactine un effet négatif. Dans le stade 2, l'éveil sexuel est lié à l'érection chez l'homme et à la lubrification chez la femme. Le monoxyde d'azote et l'acétylcholine facilitent cet éveil. Dans le stade 3 (orgasme) où se produit l'éjaculation de l'homme, la sérotonine a un effet inhibiteur alors que la noradrénaline a un effet facilitateur. cholinergique et le monoxyde d'azote. Pour finir, l'orgasme (stade 3), avec l'éjaculation chez l'homme, procède d'afférentes sérotoninergiques inhibitrices et noradrénergiques excitatrices. Bien que le fonctionnement sexuel soit de toute évidence complexe, et qu'il existe de nombreux points de chevauchement concernant la fonction de ces neurotransmetteurs, ainsi que des exceptions à la règle, il existe des principes généraux de neurotransmission pour chacun des stades de la réponse sexuelle humaine (voir Fig. 14-7). Dysfonctionnement érectile
L'impuissance, c'est-à-dire l'incapacité à maintenir une érection suffisante pour permettre un rapport sexuel, est nommée plus correctement dysfonctionnement érectile. C'est un problème qui concerne, à un degré ou un autre, près de 20 millions d'hommes aux ÉtatsUnis. Une autre façon de voir le problème est de dire que chez les hommes issus de la population générale âgés entre 40 et 70 ans, seulement environ la moitié n'a aucun dysfonctionnement érectile de quelque degré que ce soit (Fig. 14-8). Le problème s'aggrave avec l'âge (Fig. 14-9), car si « seulement » 39 p. 100 des sujets âgés de 40 ans souffrent d'un certain degré d'impuissance (5 p. 100 sont totalement impuissants), à l'âge de 70 ans, ce sont les deux tiers des hommes qui atteignent un certain degré d'impuissance (l'impuissance totale triple, et frappe alors 15 p. 100 des sujets). Les causes de dysfonctionnement érectile sont multiples et comprennent l'insuffisance vasculaire, divers troubles neurologiques, certaines
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Psychopharmacologie Prévalence du dysfonctionnement érectile dans le Massachusetts Massachusetts Male Aging Study Hommes de 40 à 70 ans
Absence de dysfonctionnement érectile (48 p. 100)
Présence d'un dysfonctionnement érectile (52 p. 100)
FIGURE 14-8. Environ la moitié des hommes âgés entre 40 et 70 ans ont un certain degré de dysfonctinnement érectile (impuissance). pathologies endocriniennes (surtout le diabète, mais aussi certains dysfonctionnements portant sur les hormones de la reproduction et de la thyroïde), les drogues, certaines pathologies locales du pénis et les causes psychologiques et psychiatriques. Jusqu'à récemment, les psychopharmacologues ne jouaient pas de rôle particulier au sein de l'équipe thérapeutique prenant en charge les cas de dysfonctionnement érectile, si ce n'est en arrêtant certains médicaments. Les traitements des causes « organiques » étaient, jusqu'à il y a peu, peu satisfaisants et impliquaient en général une approche urologique (prothèse on implant). Une technique chirurgicale antique dite de dérivation vise à contourner les nerfs périphériques atteints et l'apport sanguin inadéquat du pénis, afin de promouvoir l'érection mécaniquement et à la demande. Cette approche peu romantique soulève de sérieuses restrictions en termes d'acceptabilité aussi bien pour le patient que pour sa partenaire. Chez les hommes qui ont une étiologie « fonctionnelle », la stratégie thérapeutique consiste traditionnellement en une approche psychodynamique ou comportementale, incluant également la partenaire et prêtant attention aux troubles fonctionnels associés, aux aspects psycho-éducatifs, aux changements de style de vie. Dans la mesure du possible, toujours en cas d'étiologie « fonctionnelle », on instaure (ou bien on arrête) un traitement psychotrope visant à traiter les troubles associés. Toutefois, en cas de dysfonctionnement érectile, il n'existe que très rarement une cause unique purement « organique » ou « fonctionnelle ». Il s'agit en fait le plus souvent d'une combinaison de différents problèmes : prise d'alcool, tabagisme, diabète, hypertension, traitement antihypertenseur, psychotropes, problèmes chez la partenaire, anxiété de performance, défaut d'estime de soi, et troubles psychiatriques, au premier rang desquels se trouve la dépression. La question du dysfonctionnement érectile est devenue de plus en plus importante en psychopharmacologie, non seulement parce que toutes sortes de psychotropes peuvent en être à l'origine, mais aussi en raison de l'incidence étonnamment élevée de l'impuissance dans plusieurs troubles psychiatriques communs. Par exemple, certaines études montrent que plus de 90 p. 100 des hommes atteints de dépression sévère ont un dysfonctionnement érectile modéré à sévère (Fig. 14-10). Une autre raison de l'importance de ce sujet en psychopharmacologie tient à l'arrivée de nouveaux traitements du dysfonctionnement érectile, simples et efficaces, basés sur la physiologie et la pharmacologie du monoxyde d'azote.
Psychopharmacologie en fonction du genre ; psychopharmacologie de la fonction sexuelle
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1. DE totale DE modérée "CD DE minime
Prévalence (p. 100)
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67 p. 100 57 p. 100
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Âge (années) Association entre âge et prévalence du dysfonctionnement érectile (DE)
Massachusetts Male Aging Study FIGURE 14-9. L'incidence de dysfonctionnement érectile augmente avec l'âge dans cette étude chez des 'pruines normaux âgés de 40 à 70 ans, allant de 39 p. 100 des cas à 40 ans, à 67 p. 100 des cas à 70 ans.
111 Psychopharmacologie du dysfonctionnement érectile
Le désir d'avoir un rapport sexuel est normalement un puissant message envoyé par le cerveau via la moelle épinière et les nerfs périphériques aux muscles lisses du pénis, provoquant en eux la formation de NO en quantité suffisante pour induire la synthèse de GMPc nécessaire à une érection (Fig. 14-11). La GMPc dure suffisamment longtemps pour permettre au rapport sexuel d'avoir lieu, mais lorsque la phosphôdiestérase (de type V au niveau du pénis) la détruit au bout du compte (voir Fig. 14-5), l'érection prend fin (ce qu'on appelle la détumescence). Néanmoins, si un homme fume, mange jusqu'à devenir obèse, a des taux de glucose et une pression artérielle élevés, ses « câbles » du système nerveux périphérique ne répondent pas de façon appropriée au signal « je veux avoir un rapport sexuel ». En d'autres termes, l'innervation du pénis est devenue défectueuse, en général à cause d'un diabète (Fig. 14-12). En outre, il peut ne plus y avoir suffisamment de pression dans la « plomberie » — à cause d'une artériosclérose de l'artère qui irrigue le pénis liée à une hypertension ou une hypercholestérolémie — lorsque la GMPc dit « relâche donc tes muscles lisses et autorise ton sang à affluer dans ta verge ».
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Psychopharmacologie 90 p. 100
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59 p. 100
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25 p. 100 20 —
ti dépression légère
dépression modérée
dépression sévère
Association entre dépression et prévalence du dysfonctionnement érectile Massachusetts Male Aging Study FIGURE 14-10. Le dysfonctionnement érectile est associé à la dépression. Sa fréquence augmente lorsque la dépression s'aggrave. Chez les hommes sévèrement déprimés, certaines études rapportent une impuis. sauce chez plus de 90 p. 100 des sujets.
Dans ce cas, le désir d'avoir une relation sexuelle est présent, mais le signal ne passe pas (il n'y a pas assez de GMPc), et par conséquent aucune érection ne se produit (voir Fig. 14-12). De manière similaire, si un patient déprimé est dans une situation où le désir sexuel pourrait s'exprimer, il existe une fermeture générale des systèmes de neurotransmission au niveau central et périphérique, l'empêchant d'être éveillé sexuellement (voir Fig. 14-12), Fort heureusement, il existe un moyen de compenser la production inadéquate de GMPc, sous forme d'un ralentissement du taux de sa destruction par inhibition de l'enzyme chargée de cette fonction, la phosphodiestérase de type V, à l'aide-d'un inhibiteur de cette enzyme, le sildénafil (Viagra®) (Fig. 14-13). Ce dernier empêche la destruction de la GMPc pendant quelques heures, ce qui permet au taux de GMPc d'augmenter jusqu'à la constitution d'une érection en dépit de tous les problèmes de câbles et de plomberie (voir Fig. 14-13). Il est utile de signaler que le sildénafil n'agit que si le patient est mentalement excité au début de l'acte sexuel et tente d'être sexuellement éveillé, de telle sorte qu'au moins quelques faibles signaux parviennent au pénis (il ne peut donc pas agir pendant le sommeil). Le relâchement des muscles lisses est donc l'élément clef pour obtenir une érection. L'administration de prostaglandines permet aussi le relâchement des muscles lisses péniens et entraîne une érection de manière quasi physiologique. L'injection intrapénienne de
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FIGURE 14-11. Dans les conditions normales, lorsqu'un homme jeune et en bonne santé est éveillé sexuellement, le monoxyde d'azote provoque une accumulation de GMPc qui à son tour entraîne le relâchement des fibres musculaires lisses. Il se produit alors une érection physiologique, représentée ici par un ballon gonflé. L'érection est maintenue suffisamment longtemps pour que la relation puisse avoir lieu, puis la phosphodiestérase V (PDE V) métabolise la GMPc, ce qui met fm à l'érection (phénomène représenté par l'aiguille qui va percer le ballon).
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FIGURE 14-12. Lorsqu'un homme est diabétique ou hypertendu, ou s'il fume, boit de l'alcool, prend des médicaments ou est déprimé, il a de fortes chances de ne pas avoir un signal de désir sexuel suffisant pour atteindre ses nerfs et ses artères périphériques et produire une quantité satisfaisante de GMPc pour obtenir une érection. Cela conduit à l'impuissance sexuelle. entraîne une érection non seulement chez les hommes qui ont une impuissance organique, mais aussi chez ceux dont la cause est fonctionnelle, ainsi que dans les cas multifactoriels. Les restrictions de cette approche quelque peu masochiste sont la nécessité de se faire une injection soi-même à un endroit délicat, l'absence de spontanéité et la possibilité « d'un excès de trop bonnes choses », c'est-à-dire d'une érection prolongée et douloureuse
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Psychopharmacologie
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FIGURE 14-13. Le sildénafil, un inhibiteur de la phosphodiestérase V (PDE V), est capable de compenser l'insuffisance des signaux des nerfs et artères périphériques à produire une quantité appropriée de GMPc destinée à induire une érection. Le sildénafil permet l'accumulation de GMPc en empêchant sa destruction par la PDE V pendant quelques heures. Cela est représenté ici par une rustine sur le ballon. Il en résulte une synthèse suffisante de GMPc malgré la défaillance des signaux issus des nerfs et artères. Le ballon peut être gonflé et par conséquent une érection se produit et permet une relation sexuelle, jusqu'à l'élimination du sildénafil quelques heures plus tard. ISRS (paroxétine, fluoxétine, sertraline)
(4b CD te
NO (monoxyde d'azote)
FIGURE 14-14. Certains antidépresseurs, comme les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (ISRS , inhiberaient la NO synthétase (NOS) et par conséquent réduiraient le NO, ce qui est la cause d'un dysfonctionnement érectile.
(priapisme). Toujours est-il que l'administration de prostaglandines sera en elle-même d'une érection, que l'homme soit ou non éveillé sexuellement. D'autres substances peuvent agir sur l'éveil sexuel, parmi lesquelles les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine (ISRS) qui inhibent directement la NOS et de cette manière entraînent un dysfonctionnement érectile (Fig. 14-14), ainsi que certains dopaminergiques qui augmentent la NOS et peuvent parfois améliorer la fonction érectile (Fig. 1415). Les anticholinergiques interfèrent directement avec l'éveil et peuvent induire un dys-
responsable
Psychopharmacologie en fonction du genre ; psychopharmacologie de la fonction sexuelle
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Dopamine (apomorphine)
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URE 14-15. Certains agents qui augmentent la dopamine (peut-être est-ce le cas de l'apomorphine) des substances très prometteuses : elles augmentent le NO et par conséquent pourraient traiter le fonctionnement érectile. t
fonctionnement érectile. Des produits comme les antipsychotiques et les antidépresseurs tricycliques, ainsi que d'autres encore ayant des propriétés apparentées peuvent aussi être source de dysfonctionnement érectile (Fig. 14-16). hopharmacologie du dysfonctionnement sexuel
En résumé, de nombreux produits utilisés en psychopharmacologie sont susceptibles de favoriser ou d'entraver chacun des trois stades de la réponse sexuelle humaine (voir Fig. 14-16). La compréhension des mécanismes fondamentaux de neurotransmission de chaque stade (voir Fig. 14-7) et des mécanismes psychopharmacologiques d'action des différents psychotropes qui agissent sur ces systèmes de neurotransmission facilite le suivi des traitements psychotropes chez les patients atteints de dysfonctionnement sexuel. trogènes, facteurs neurotrophiques cérébraux
On sait que les oestrogènes d'origine ovarienne, particulièrement le 17 bêta-oestradiol, régulent la fonction de reproduction et ont un effet marqué sur les tissus de la reproduction chez la femme, comme le sein ou l'utérus. Les effets positifs à long terme des oestrogènes en dehors des tissus de la reproduction ont été soulignés également : protection de la minéralisation osseuse et diminution du cholestérol sérique. Récemment, on s'est également beaucoup intéressé à la diversité des effets des oestrogènes sur le cerveau, spécialement dans les régions cérébrales qui ne sont pas impliquées dans le contrôle de la fonction de reproduction et dans la différenciation sexuelle. Ces effets neuronaux sont liés au même type de récepteurs des oestrogènes que ceux qui sont présents dans les autres tissus et ont un effet trophique sur le cerveau (identique à celui qui se produit sur les autres tissus) (voir Chapitre 1 ; voir Fig. 1-19 et Tableaux 1—III et 1-1V). Dans le cerveau, les effets trophiques des oestrogènes déclenchent l'expression des gènes responsables de la formation des synapses. L'cestradiol module l'expression génique en se liant aux récepteurs des oestrogènes (Fig. 14-17). Ces derniers sont différents d'un tissu à l'autre et d'une région cérébrale à l'autre. En plus de cette diversité de récepteurs des oestrogènes, il existe des récepteurs pour la progestérone et les androgènes, ainsi que pour d'autres stéroïdes comme les glucocorticoïdes et les minéralocorticoïdes. Contrairement aux récepteurs des neurotransmetteurs localisés
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Psychopharmacologie Psychopharmacologie de la réponse sexuelle MÉDICAMENTS
Stade 1
Stade 3
Stade 2 Éveil sexuel:
Libido:
Orgasme:
méthylp,Ién!r:ate Ibido
amphétamine
éveil sexuel
• sildénatil
•
orgasme
Cela-bloquants
prostaglandine
dopamine
libido
éveil sexuel
anticholinergiques
FIGURE 14-16. Des substances psychopharmacologiques peuvent agir sur l'un ou l'autre des trois stades de
la réponse sexuelle humaine, positivement ou négativement. En voici le résumé. Durant le stade 1, la libido est augmentée par le bupropion, un inhibiteur de la recapture de la noradrénaline et de la dopamine (IRND), ainsi que par l'amphétamine et le méthylphénidate, des substances stimulantes qui libèrent la dopamine. La libido est diminuée par les antipsychotiques qui bloquent les récepteurs dopaminergiques et augmentent la prolactine. Le stade 2, celui de l'éveil sexuel, peut être augmenté par le sildénafil, qui augmente les effets de la GMPc, par les prostaglandines et éventuellement par certaines substances dopaminergiques. L'éveil sexuel peut être abaissé par certains inhibiteurs de la recapture de la sérotonine (ISRS) et par les anticholinergiques. Enfin, le stade 3, l'orgasme, est parfois inhibé par les ISRS ainsi que par les bêta-bloquants qui bloquent la fonction noradrénergique. sur la membrane neuronale, les récepteurs de l'cestradiol se trouvent dans le noyau des neurones. L'cestradiol doit donc traverser la membrane cellulaire, puis la membrane nucléaire afin de trouver ses récepteurs qui sont par ailleurs situés près des gènes qu'il doit influencer. On appelle ces gènes les « éléments de réponse aux cestrogènes » (voir Fig. 14-17). L'expression de ces éléments de réponse aux cestrogènes progresse généralement dans l'ADN du neurone de la même façon que l'expression des autres gènes neuronaux (voir Chapitre 2 et Fig. 2-31 à 2-42). L'activation des éléments de réponse aux oestrogènes par l'oestradiol nécessite une « dimérisation » (c'est-à-dire le couplage de deux copies des récepteurs des œstrogènes) lorsque l'oestrogène se lie à son récepteur pour provoquer la synthèse d'un facteur de transcription capable de déclencher les éléments de réponse aux oestrogènes (Fig. 14-18). La synthèse des facteurs de transcription a également été étudiée dans le chapitre 2 (voir Fig. 2-33 et 2-35 à 2-38). Une fois que les récepteurs des oestrogènes ont été activés par l'cestradiol pour la production de facteurs de transcription, ils activent l'expression génique
Psychopharmacologie en fonction du genre ; psychopharmacologie de la fonction sexuelle
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noyau cellulaire
oestradiol
récepteur des oestrogènes
élément de réponse aux oestrogènes (gène)
récepteur des œstrogènes
FIGURE 14-17. Les oestrogènes modulent l'expression génique en se liant aux récepteurs des oestrogènes. Ces derniers changent selon les tissus, voire d'une région cérébrale à l'autre. Contrairement aux récepteurs des neurotransmetteurs localisés sur la membrane neuronale, les récepteurs de l'oestradiol se trouvent dans le noyau cellulaire du neurone, de telle sorte que l'oestradiol doit traverser la membrane du neurone, puis celle du noyau pour trouver ses récepteurs. Les récepteurs des oestrogènes se trouvent près des gènes qu'ils sont censés influencer. Ces gènes sont appelés éléments de réponse aux oestrogènes. dans l'ADN neuronal par les éléments de réponse aux oestrogènes (Fig. 14-19). Les produits des gènes exprimés comprennent les facteurs trophiques directs comme le nerve growth factor (NGF) et le brain-derived neurotrophic factor (BDNF), qui favorisent la synaptogenèse et préviennent l'apoptose et la neurodégénérescence. Parmi les produits des gènes, on compte aussi les enzymes de synthèse des neurotransmetteurs des principaux systèmes monoaminergiques qui régulent l'humeur et la mémoire (Fig. 14-20 à 14-22). Ainsi, la présence d'cestradiol peut être cruciale pour le fonctionnement adéquat de la sérotonine (voir Fig. 14-20) et de la noradrénaline (voir Fig. 14-21) chez la femme. L'homme adulte ne répond pas aux oestrogènes de la même manière. La présence d'œstradiol chez la femme âgée mais pas chez l'homme âgé peut être essentielle pour le fonctionnement approprié de l'acétylcholine au niveau du noyau basal de Meynert (voir Fig. 14-22). Nous avons déjà parlé dans le chapitre 12 du rôle de ces neurones cholinergiques qui s'avèrent fondamentaux dans la régulation de la mémoire (voir Fig. 12-11) et sont à l'origine de la maladie d'Alzheimer lorsqu'ils dégénèrent (voir Fig. 12-13). Cela expliquerait le rôle émergent des oestrogènes dans la prise en charge de la mémoire comme de la maladie d'Alzheimer chez les femmes âgées (voir plus haut). De spectaculaires preuves des propriétés trophiques des oestrogènes ont été mises en évidence chez l'animal, dans l'hypothalamus et les neurones de l'hippocampe de femelles adul-
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Psychopharmacologie
noyau cellulalre
élément de répo IS nee) L aux cestrogènes nslI association de 2 récepteurs des oestrogènes pour former un facteur de transcription activé
FIGURE 14-18. L'expression des éléments de réponse aux œstrogènes avec l'ADN du neurone doit être initiée par l'oestrogène et ses récepteurs. L'activation de ces gènes par l'oestradiol nécessite une « dimérisadon » (c'est-à-dire le couplage de deux copies du récepteur des oestrogènes) lorsque l'oestrogène se lie à ses récepteurs afin de former un facteur de transcription actif, capable « de mettre en route » les éléments de réponse aux oestrogènes. tes, au cours de la journée et tout au long du cycle menstruel (Fig. 14-23 et 14-24). Au cours de la phase précoce du cycle, les taux d'cestradiol augmentent, et cette influence trophique ind uit la formation des épines dendritiques, spécialement dans l'hypothalamus ventromédial et sur les neurones pyramidaux de l'hippocampe de la femelle du rat. L'administration de progestérone potentialise rapidement ce phénomène, de telle façon que la formation des épines est à son acmé lors du pic simultané d'oestrogènes et de progestérone, juste après la première moitié du cycle (voir Fig. 14-23). Néanmoins, une fois que les taux d'oestrogènes chutent significativement et que ceux de la progestérone continuent d'augmenter, la présence de progestérone sans oestrogène déclenche la down regulation de ces épines et supprime des synapses en fin de cycle (voir Fig. 14-23). Le mécanisme de cette synthèse et de cette-suppression cycliques des synap. ses pourrait être que l'cestrogène exercerait son influence trophique au travers de faibles taux de glutamate (voir Fig. 14-24) qui serait responsable de la synthèse des épines et des synapses. Cet effet est suivi d'une activation trop importante du glutamate en l'absence d'oestrogène, alors que la progestérone seule induit l'excitotoxicité et la destruction de ces épines et de ces synapses (voir Fig. 14-24). L'hypothèse concernant le rôle du glutamate dans l'excitotoxicité synaptique ou la toxicité neuronale a été vue dans le Chapitre 4 (voir Fig. 4-14 à 4-23), puis détaillée dans le Chapitre 10 (voir Fig. 10-26 à 10-33). D'autres preuves de l'influence trophique des oestrogènes sont fournies par le blocage de leurs effets par des antagonistes des oestrogènes. Le tamoxifène est un antagoniste des récep.
Psychopharmacologie en fonction du genre ; psychopharmacologie de la fonction sexuelle
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noyau cellulaire
expression du gène
r-
FIGURE 14-19. Lorsque les récepteurs des oestrogènes ont été activés par l'oestradiol en facteurs de transcription, ils activent l'expression génique grâce aux éléments de réponse aux oestrogènes au niveau de l'ADN du neurone. Les produits des gènes qui sont exprimés comprennent des facteurs trophiques directs, comme le verve growth factor (NGF) et le brazn-derived neurotrophic factor (BDNF) qui vont faciliter la syna ptogenèse et prévenir l'apoptose et la neurodégénérescence.
teurs des oestrogènes utilisé dans le traitement du cancer du sein, particulièrement dans les tumeurs qui expriment des récepteurs des oestrogènes. Le blocage des récepteurs des oestrogènes des cellules cancéreuses par le tamoxifène déclenche leur apoptose (mort cellulaire programmée), vraisemblablement grâce au blocage de l'effet trophique des oestrogènes sur les cellules tumorales. De façon fort intéressante, le tamoxifène est un antagoniste des récepteurs des oestrogènes au niveau du sein et de l'utérus, mais il est par ailleurs un agoniste partiel qui préserve la minéralisation osseuse et réduit le taux de cholestérol. C'est aussi un antagoniste des récepteurs des oestrogènes au niveau cérébral et il peut induire des dépressions parfois difficiles à traiter. Ainsi, les- oestrogènes et le tamoxifène ont tous une activité agoniste, agoniste partielle et antagoniste sélective des tissus. Cela s'applique aussi à une nouvelle classe d'cestrogènes appelés modulateurs sélectifs des récepteurs des oestrogènes (selective estrogen receptor modulators = SERM), dont le raloxifène est le membre le plus récemment disponible. Ces données expliquent pourquoi certaines femmes répondent différemment à un traitement cestrogénique par rapport à un autre, et, d'un point de vue comportemental, pourquoi leurs effets thymiques et cognitifs peuvent changer selon les produits. On ne dispose malheureusement que de peu de données sur les différents effets pharmacologiques des différents traitements oestrogéniques disponibles sur la fixation des oestrogènes à leurs récepteurs cérébraux, et le seul moyen actuellement disponible pour établir une
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Psychopharmacologie humeur
raphé
FIGURE 14-20. Parmi les produits des gènes activés par l'oestradiol interagissant avec les éléments de réponse aux oestrogènes dans les neurones sérotoninergiques du raphé, on compte non seulement les facteurs neurotrophiques qui entretiennent la croissance des neurones et de leurs synapses (le verve growth factor, NGF, et le braie-derived neurotrophic factor, BDNF, par exemple) mais aussi les enzymes et les récepteurs qui favorisent la neurotransmission sérotoninergique. Ces récepteurs permettraient au neurone d'assurer des fonctions thymiques normales et de mieux répondre aux antidépresseurs dans le cas d'un syndrome dépressif. distinction consiste à procéder par tâtonnement. Néanmoins, la différence d'activité selon la sélectivité des tissus, des régions cérébrales et des sujets par rapport à l'activité agoniste, agoniste partielle et antagoniste peut s'expliquer par le fait qu'il y a de nombreux éléments de réponse de l'ADN aux oestrogènes pouvant s'exprimer différemment selon les tissus, les régions cérébrales et les sujets. Il pourrait même y avoir des différences dépendantes du stade de l'expression des éléments de réponse de l'ADN aux oestrogènes, variant selon le cycle de la femme tout au long de la vie ou selon la présence ou l'absence de troubles thymiques ou cognitifs. Ce questionnement fait actuellement l'objet d'un très puissant courant de recherche.
Œstrogènes et humeur selon le cycle de la femme tout au long de la vie Les taux d'cestrogènes varient de façon spectaculaire selon le cycle de la femme tout au long de la vie et sont en relation avec les divers types d'événements de la reproduction (Fig. 14-25), Effectivement, les taux commencent à augmenter et à suivre un cycle au cours de la puberté (voir aussi Fig. 14-23). Cette cyclicité persiste durant toute la période où la femme est en âge de procréation, sauf pendant la grossesse où les taux d'oestrogènes grimpent en flèche
Psychopharmacologie en fonction du genre ; psychopharmacologie de la fonction sexuelle
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humeur
locus coeruleus
f
f
FIGURE 14-21. Parmi les produits des gènes activés par Fcestradiol interagissant avec les éléments de réponse aux oestrogènes dans les neurones noradrénergiques du locus coeruleus (situé dans le tronc cérébral), on compte non seulement les facteurs neurotrophiques qui entretiennent la croissance des neurones et de leurs synapses (le nerve growth factor, NGF, et le brain-derived neurotrophic factor, BDNF, par exemple) m ais aussi les enzymes et les récepteurs qui favorisent la neurotransmission noradrénergique. Ces récepteurs permettraient au neurone d'assurer des fonctions thymiques normales et de mieux répondre aux a ntidépresseurs dans le cas d'un syndrome dépressif. (voir Fig. 14-25). Puis les taux d'oestrogènes chutent brutalement dans le post-partum immédiat et les cycles reprennent lorsque la mère cesse d'allaiter son enfant (voir Fig. 14-25). Bien que l'âge médian de la ménopause, période où les menstruations disparaissent totalement, soit en moyenne à 51 ans, les femmes n'entrent pas en ménopause en une nuit. La période de transition (la préménopause) se situe entre les cycles menstruels réguliers et leur disparition totale. Elle commence 5 à 7 ans avant la ménopause et est caractérisée par l'alternance de cycles apparaissant et disparaissant selon les périodes et de cycles anovulatoires avant la disparition de toute activité cyclique menstruelle (voir Fig. 14-25). Les taux hormonaux deviennent chaotiques et imprévisibles durant toutes ces années. Cela peut être véct comme un événement stressant sur les plans physiologique et psychologique. La ménopause est le stade final de l'activité cestrogénique de la femme mais peut constituer le signal de départ d'un traitement substitutif pouvant restaurer des taux d'oestrogènes similaires atu taux physiologiques de la période où la femme est en âge de procréer. II existe des liens potentiels entre les changements au niveau des taux d'oestrogènes tout ai long du cycle de la vie d'une femme et le fait que la dépression soit plus fréquente chez la fetnm
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Psychopharmacologie \ I ./
cognition „aie
44
noyau basal de Meynert
FIGURE 14-22. Parmi les produits des gènes activés par l'cestradiol interagissant avec les éléments de réponse aux oestrogènes dans les neurones cholinergiques du noyau basal de Meynert (situé dans le télencéphale basal), on compte non seulement les facteurs neurotrophiques qui entretiennent la croissance des neurones et de leurs synapses (le nerve growth factor, NGF, et le brain-derived neurotrophic factor, BDNF, par exemple) mais aussi les enzymes et les récepteurs qui favorisent la neurotransmission cholinergique. Ces récepteurs permettraient au neurone d'assurer des fonctions mnésiques optimales (en particulier la mémoire verbale chez la femme âgée) et de mieux répondre aux inhibiteurs des cholinestérases dans le cas de la maladie d'Alzheiiner. à certaines périodes de ce cycle que chez l'homme. Chez ce dernier, l'incidence de la dépression augmente au cours de la puberté, puis demeure essentiellement constante tout au long de la vie en dépit d'un déclin lent des taux de testostérone à partir de l'âge de 25 ans (Fig. 14-26). Par contraste, chez la femme, l'incidence de la dépression suit les modifications des taux d'oestrogènes tout au long du cycle de sa vie (Fig. 14-27). Lorsque les taux augmentent à la puberté, l'incis ménopause (voir Fig. 14-27). dence de la dépression grimpe en flèche, avant de retomber apte Les femmes ont donc la même fréquence de dépression que les honitnes avant la puberté et après la ménopause. Quand elles sont enceintes les taux d'oestrogènes sont élevés et cycliques, et re à celle des hommes (voir Fig. 14 l'incidence de la dépression est deux à trois fois supérieure Toujours au sujet des femmes, plusieurs autres points importants concernent l'évaluation de leur vulnérabilité à l'apparition et la récurrence des troubles de l'humeur tout au long de leur vie. Cela est en lien avec certains changements au niveau de leur état hormonal (Fig. 14-28), Les premiers épisodes de dépression commencent souvent à la puberté ou au début de l'âge adulte, lorsque les taux d'œstrogènes se mettent à augmenter pour la première fois. Ces épisodes ne sont malheureusement pas souvent diagnostiqués ni traités. Tout au long de la
Hormones sexuelles et synaptogenèse au cours du cycle menstruel
cestradioL
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10 0
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85
LH 10
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ovulation
menstruation
FIGURE 14-23. On peut observer en quelques jours de spectaculaires propriétés trophiques des oestrogènes au niveau des neurones de l'hypothalamus et de l'hippocampe chez la femelle dans les études sur l'animal et au cours d'un seul cycle menstruel. Au cours de la phase précoce du cycle, les taux d'oestradiol augmentent et exercent leur influence trophique sur la formation des épines dendritiques et la synaptogenèse. L'administration de progestérone potentialise cela rapidement, de telle sorte que la formation des épines est à son maximum au moment du pic de l'oestrogène et celui de la progestérone, c'est-à-dire juste après la première moitié du cycle. Toutefois, lorsque les taux d'oestrogènes chutent de façon conséquente tandis que les taux de progestérone continuent d'augmenter, la présence de progestérone en l'absence d'cestrogène entrave la régulation des épines et la suppression des synapses à la fin du cycle menstruel.
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Psychopharmacologie
Destruction synaptique
Synaptogenèse
Excitotoxicité
Milieu de cycle FIGURE 14-24. Selon une hypothèse concernant la formation et la suppression des synapses au cours de chaque cycle menstruel, les oestrogènes exerceraient une action trophique au travers de l'activation de faibles taux de glutamate qui induit la synthèse d'épines dendritiques et la synaptogenèse. Toutefois, ce processus est suivi par une activation excessive du glutamate en l'absence d'oestrogènes, lorsque la progestérone seule induit excitotoxicité et destruction de ces mêmes épines et synapses. vie génitale faite de cycles menstruels réguliers, la plupart des femmes deviennent irritables pendant la phase lutéale qui précède les règles, phénomène qui, lorsqu'il devient invalidant, entre dans le cadre du syndrome prémenstruel (SPM) que l'on peut traiter avec des antidépresseurs ou des oestrogènes, utilisés parfois seulement au cours de la phase lutéale. Chez d'autres patientes, cette aggravation de fin de cyde démasqué-un trouble de l'humeur qui est en fait présent durant tout le cycle mais qui ne devient évident que da-fait de cette manifestation finale. On appelle cela « l'aggravation menstruelle ». Ce phénomène peut être le prodrome d'une future majoration dépressive, niais aussi la marque d'un état de guérison incomplète d'un épisode dépressif antérieur. Néanmoins, la plupart des SPM et des « aggravations menstruelles » sont importants, non seulement du fait des symptômes qu'ils entraînent à court terme, mais aussi à cause du risque d'une récurrence dépressive future, indiquant par-là même un besoin potentiel d'un traitement symptomatique et préventif. La Fig. 14-28 représente les deux périodes où la femme est la plus vulnérable vis-à-vis de son premier épisode dépressif ou de la récurrence d'un épisode dépressif majeur si elle a déjà
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naissance
puberté grossesse
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51-100
FIGURE 14-25. Les taux d'cestrogènes varient de façon spectaculaire tout au long de la vie d'une femme. Toutes ces variations sont en rapport avec différents types d'événements concernant la reproduction. Les taux commencent à augmenter et à adopter une variation cyclique à la puberté. Les cycles persistent tout au long de la vie génitale, sauf au cours de la grossesse où à ce moment-là les taux explosent littéralement. Les taux dégringolent brutalement lors du post-partum, puis les cycles menstruels réguliers reprennent à l'arrêt de l'allaitement. Bien que l'âge médian de la ménopause, où les menstruations prennent définitivement fin, soit de 51 ans, les femmes ne les voient pas disparaître du jour au lendemain. La période de transition entre les cycles réguliers et leur disparition complète s'appelle la préménopause ; elle peut débuter entre 5 et 7 ans avant la ménopause. La dernière période est donc celle de la ménopause, où un traitement hormonal substitutif (THS) par œstrogènes restaure des taux similaires à ceux qui existaient durant la période où la femme était en âge de procréer.
POURCENTAGE DE PRODUCTION DE LA TESTOSTÉRONE 100
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ÂGE DE DÉBUT
FIGURE 14-26. Chez l'homme, l'incidence de la dépression augmente à la puberté, puis reste quasiment nstante tout au long de la vie, en dépit d'une décroissance lente des taux de testostérone à partir de 25 ans.
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Psychopharmacologie
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ÂGE DE DÉBUT
FIGURE 14-27. Chez la femme, l'incidence de la dépression suit en miroir l'évolution des taux d'eestro. gènes tout au long de la vie. Lorsque les taux d'oestrogènes augmentent lors de la puberté, l'incidence de la dépression augmente également pour chuter ensuite lors de la ménopause. L'incidence de la dépression avant la puberté et après la ménopause est donc la même que celle des hommes. Durant la vie d'activité génitale, toutefois, l'incidence de la dépression est deux à trois fois supérieure à celle de l'homme.
été malade. Toutes les deux sont associées à d'importantes modifications des taux d'cestrogenes. La première période est celle du post-partum, lorsque les taux d'oestrogènes qui ont considérablement augmenté diminuent de façon brusque immédiatement après l'accouchement, La deuxième période est celle de la prémenopause, avec un état hormonal chaotique caractérisant la transition entre des cycles menstruels réguliers et la ménopause. Chaque changement de l'état oestrogénique d'une femme tout au long de sa vie représente un risque accru de récurrence d'un épisode dépressif majeur, phénomène que certains experts appellent « kindling » ou « embrasement ». Par exemple, le risque pour une femme d'avoir une dépression du post-partum est fortement augmenté si elle a déjà présenté un épisode dépressif après sa grossesse précédente. Une femme dont l'épisode dépressif a été déclenché par une variation endocrinienne est de toute manière plus susceptible de rechuter si un événement de même nature se reproduit (voir Fig. 14 - 28 incluant la puberté, l'avortement spontané, le post-partum, la pré-ménopause, la prise d'un contraceptif oral ou d'un traitement hormonal substitutif, surtout un progestatif). L'augmentation du risque de récurrence dépressive chez une femme dont les épisodes sont liés à son état hormonal et à des modifications des taux d'oestrogènes peut être apparentée au phénomène de récurrence d'autres troubles psychiatriques, comme le trouble bipolaire et la schizophrénie. Il se pourrait donc que certaines maladies mentales, dont la dépression, soient potentiellement dangereuses pour le cerveau à travers la production de dégâts d'origine excitotoxique (voir Chapitres 4 et 10). Il est possible que les changements de l'état d'imprégnation cestrogénique puissent déclencher l'excitotoxicité de la même manière qu'ils le font pour chaque cycle menstruel (voir Fig. 14-23 et 14-24). Ce phénomène se produit lors de très importants
Psychopharmacologie en fonction du genre ; psychopharmacologie de la fonction sexuelle
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Risque de dépression au cours du cycle de la vie d'une femme
SPM
aggravation menstruelle
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risque maximal
risque maximal
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naissance
puberté 10-14
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post-partum grossesse post-partum préménopause ménopause 18-40
37-55 moyenne = 51
51-100
FIGURE 14-28. Plusieurs points importants concernant l'évaluation de la vulnérabilité des femmes visà-vis de la survenue d'une dépression sont illustrés ici. Il s'agit tout d'abord de la première décompensation à l'adolescence et au début de l'âge adulte ; du syndrome prémenstruel (SPM) et de l'aggravation menstruelle qui peuvent être les prodromes d'épisodes futurs ou annoncer une guérison incomplète d'un épisode dépressif antérieur ; et enfin il s'agit de deux périodes de vulnérabilité particulièrement élevée vis-à-vis d'un premier épisode ou de la récurrence d'épisodes antérieurs : celles du post-partum et de la préménopause.
changements cycliques des taux d'oestrogènes déclenchant des épisodes dépressifs à l'origine d'une souffrance au cours de l'épisode lui-même, mais aussi de lésions cérébrales. De ce fait, la guérison est grevée d'un risque notable de récidive et de diminution de la réponse aux traitements pour chaque nouvel épisode. Ce raisonnement est à l'origine de l'hypothèse concernant l'évolution clinique de la schizophrénie (voir Chapitre 10 et Fig. 10-20). Quelle que soit la cause du risque élevé de récurrence de la dépression chez les femmes tout au long de leur vie et de l'association à des changements de leurs taux d'oestrogènes, il est fondamental d'identifier et de traiter les épisodes dépressifs en cours aussi bien que de trouver un traitement préventif, car la récurrence est prévisible ; elle peut être traitée efficacement et une prophylaxie existe potentiellement. Le choix d'un traitement curatif des symptômes dépressifs et d'un traitement préventif doit tenir compte de l'état d'imprégnation oestrogénique et des événements liés à la reproduction dans la vie d'une femme. L'impact thérapeutique potentiel des oestrogènes euxmêmes, tout autant que celui des antidépresseurs, ne doit pas être oublié. Des directives concernant l'utilisation des antidépresseurs et/ou des oestrogènes au cours des différentes phases du cycle ne sont apparues que récemment (Fig. 14-29). L'examen des adolescentes doit en premier lieu rechercher impérativement l'existence d'un premier épisode dépressif (voir Fig. 14-29). Compte tenu que cette pathologie est fréquemment sous-diagnostiquée, et malgré l'absence d'agrément officiel pour les antidépresseurs chez les enfants et les adolescents, les nouveaux antidépresseurs sont souvent utilisés dans cette indication, Leur sécurité d'emploi n'a toutefois été établie que chez l'enfant et l'adolescent atteints d'un trouble obsessionnel compulsif (voir Chapitre 5). Par ailleurs, l'utilisation d'un contraceptif oral chez l'adolescente aussi bien que chez la femme en âge de
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Psychopharmacologie
Savoir utiliser les oestrogènes et/ou les antidépresseurs au cours du cycle de la vie d'une femme
u'erer ou évier tu débuter antidépresseurs ? les antidépresseurs / antidépresseurs pour un 1er épisode "—es— St allaitement
réinstaurer les antidépresseurs afin d'éviter une rechute ?
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FIGURE 14-29. Cette figure illustre les questions d'intégration des changements endocriniens et des
événements liés au cycle de la reproduction de la femme avec le traitement des troubles de l'humeur par les antidépresseurs et/ou les oestrogènes. Cela comprend l'utilisation des antidépresseurs avant l'âge de 18 ans si nécessaire ; la question du choix d'une contraception orale pour réduire le risque dépressif ; le calcul du rapport bénéfices/risques d'un traitement antidépresseur au cours de la grossesse et de l'allaitement ; et la décision d'inclure ou non des oestrogènes comme traitement d'appoint chez une femme souffrant de troubles de l'humeur. Il existe de nombreuses options, et la possibilité d'être inventif dans la manière d'administrer des hormones en association avec les antidépresseurs (pour optimiser leur traitement) à des femmes en préménopause ou ménopausées ayant un trouble de l'humeur. procréer n'est pas anodine et doit donc être réfléchie (voir Fig. 14-29), car ces substances peuvent induire une dépression ou aggraver un épisode préalable. L'induction d'une dépression par un contraceptif oral (surtout les progestatifs purs) pose particulièrement problème chez les femmes ayant déjà un antécédent de dépression. Le passage à un contraceptif faiblement dosé en progestatif et contenant également un oestrogène peut quelquefois avoir un effet préventif sur les troubles de l'humeur de ces patientes. Un autre point de thérapeutique dont il faut tenir compte dans la prise en charge d'une pathologie ayant un tel risque de rechute est centré sur la question du traitement d'entretien au cours de la grossesse (voir Fig. 14-29). Cette décision conditionne la prise en compte du rapport bénéfice/risque, en termes de récurrence dépressive pour la patiente à l'arrêt du traitement antidépresseur contrebalancé par le risque d'anomalie du développement foetal lié au traitement antidépresseur maternel. Le risque pour le foetus est maximal au début de la grossesse (c'est-à-dire au cours du premier trimestre, lorsque le cerveau et les autres organes sont en pleine formation), alors que pour la mère, il est le plus élevé lors du post-partum. Généralement, le compromis est d'attendre la fin de la grossesse avant de mettre en route un traitement. C'est en effet le moment où la mère commence à se déprimer. On peut éventuellement décider de patienter jusqu'au lendemain de l'accouchement. Cette stratégie thérapeutique peut cependant entraîner un autre problème, celui des antidépresseurs pendant l'allaitement (voir Fig. 14-29), puisque ceux-ci sont excrétés dans le lait
Psychopharmacologie en fonction du genre ; psychopharmacologie de la fonction sexuelle
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maternel. Là encore, le rapport bénéfice/risque doit être soigneusement évalué, au cas par cas, en tenant compte du risque de récurrence chez la mère si elle ne prend pas de traitement (en fonction de sa propre histoire personnelle et de ses antécédents familiaux de troubles de l'humeur), ainsi que du risque de ne pas favoriser une bonne relation mère-enfant en supprimant l'allaitement au sein ou à l'inverse d'exposer l'enfant à l'antidépresseur par l'intermédiaire du lait maternel. Bien que l'on connaisse désormais assez bien le risque d'exposition de l'enfant à de faibles doses d'antidépresseur, on sait que le risque de récidive pour une mère qui a déjà fait une dépression du post-partum et qui n'a pas pris d'antidépresseur après sa grossesse suivante est de 67 p. 100, probabilité qui tombe à un dixième de cette valeur si la mère prend un antidépresseur dans le post-partum. Un autre point concerne l'utilisation des oestrogènes dans le traitement d'un trouble de l'humeur (voir Fig. 14-29). Les oestrogènes peuvent améliorer l'humeur et induire un état de bien-être chez les femmes normales en préménopause, particulièrement chez celles qui ont des symptômes vasomoteurs à type de bouffées de chaleur. Toutefois, leur utilisation en tant qu'antidépresseur chez une femme souffrant d'un épisode dépressif majeur reste controversée. Les antidépresseurs demeurent le traitement de première intention de l'épisode dépressif majeur tout au long de la vie de la femme. En revanche, en cas d'inefficacité, l'utilisation des oestrogènes seuls ou en association avec un antidépresseur fait l'objet de recherches, particulièrement dans les troubles de l'humeur spécifiquement liés au cycle de la reproduction de la femme (voir Fig. 14-29). Par exemple, certaines patientes souffrant de SPM tirent avantage des antidépresseurs, tandis que d'autres sont améliorées par l'apport de faibles doses d'oestrogènes (éventuellement sous forme de patchs transcutanés) lors de la phase lutéale tardive. Certaines patientes profondément déprimées au cours du post-partum répondront rapidement à des antidépresseurs, d'autres à l'électroconvulsivothérapie, et d'autres encore à l'administration d'oestrogènes pour revenir plus tranquillement à des taux physiologiques. Il n'y a aucune donnée objective permettant de savoir qui tirera bénéfice d'une technique plutôt que d'une autre, mais les patientes qui reçoivent les oestrogènes sont en principe celles qui ont eu tendance à ne pas répondre aux traitements de première intention. Chez les femmes souffrant d'une dépression de la préménopause, et plus particulièrement chez celles pour lesquelles il s'agit d'une récidive ou qui sont résistantes aux antidépresseurs, un traitement œstrogénique substitutif peut s'avérer efficace. Nous avons déjà abordé ce sujet dans le Chapitre 7 avec les associations aux antidépresseurs lorsque les premières stratégies mises en place ont échoué (voir Fig. 7-34). Il n'y a pas de directive consensuelle concernant ces modalités de traitement, mais les choses heureusement sont en train de changer. Le traitement de la dépression de la ménopause peut aussi être amélioré par un traitement substitutif par oestrogènes, comme cela est indiqué dans les Fig. 14-20 et 14-21. Il s'agit d'une conséquence directe de l'effet bénéfique des oestrogènes sur les systèmes monoaminergiques fondamentaux impliqués dans l'humeur, comme la sérotonine et la noradrénaline. En l'absence d'oestrogène, ces systèmes ne fonctionnent pas correctement, ce qui provoque le trouble de l'humeur et l'absence de réponse aux antidépresseurs. La restauration de l'imprégnation oestrogénique au niveau des neurones monoaminergiques permet aux récepteurs des oestrogènes de « réveiller » les éléments de réponse aux oestrogènes au sein de ces neurones, ce qui règle le problème thymique ou éventuellement permet à la patiente de répondre aux antidépresseurs. Une autre question concernant les femmes ménopausées est centrée sur le rôle de la progestérone et des oestrogènes dans la prise en charge de leur trouble de l'humeur. Du fait que la progestérone peut être un antagoniste des oestrogènes dans certains tissus, comme l'utérus et certaines régions cérébrales (voir Fig. 14-24), il n'est pas étonnant de constater que la progestérone puisse contrecarrer les effets positifs des oestrogènes sur l'humeur de certaines femmes. Dans de tels cas, l'administration de progestérone au sein d'un traitement hormonal
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Psychopharmacologie
Sildénaf il
CEstrogenes conjugués
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Progestérone
Nouvelles thérapeutiques de la réponse sexuelle utilisables par les psychiatres
FIGURE 14-30. La psychopharmacologie commence à identifier de nouvelles thérapeutiques spécifiques du genre et liées au fonctionnement sexuel. Elles comprennent les traitements de la réponse sexuelle humaine, en particulier ceux du dysfonctionnement érectile chez l'homme, ainsi qu'une meilleure appréciation du rôle des hormones dans la prise en charge des troubles thymiques et cognitifs de la femme.
substitutif peut induire une décompensation dépressive ou majorer une « aggravation menstruelle » au cours des règles normales (là où la progestérone endogène semble faire la même chose). Chez les femmes en postménopause, l'association de progestérone aux oestrogènes est nécessaire pour prévenir un cancer de l'utérus. Chez une femme qui a subi une hystérectomie, l'apport de progestérone n'est pas nécessaire. Chez une femme qui n'a pas eu d'hystérectomie, la prescription quotidienne d'oestrogène et di progestérone sera moins préjudiciable que l'administration du progestatif seulement en fin de cycle. Ces différentes stratégies thérapeutiques hormonales de la prise en charge de l'humeur et des fonctions cognitives chez les femmes tout au long du cycle de la reproduction sont résumées dans la Fig. 14-30, ainsi que le sont certains traitements du dysfonctionnement érectile de l'homme. Les composantes de cette nouvelle pharmacopée du traitement de questions spécifiques à chaque sexe et des problèmes de la fonction sexuelle en psychopharmacologie incluent le sildénafil et les prostaglandines dans le cas de dysfonctionnement érectile, et de nombreuses hormones, parmi lesquelles les oestrogènes, les progestatifs et la
Psychopharmacologie en fonction du genre ; psychopharmacologie de la fonction sexuelle
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testostérone, sous forme orale ou transcutanée. Le rythme et la fréquence du traitement hormonal comme, par exemple tous les jours, à la fin du cycle seulement, de manière cyclique ou inverse au cycle, etc., sont des données dont on doit tenir compte car elles peuvent induire chez les femmes des réponses' fort différentes. Enfin, n'oublions pas que certaines hormones (comme la progestérone, par exemple) doivent être évitées chez certaines patientes.
Cognition, maladie d'Alzheimer et rôle des oestrogènes selon le genre Bien qu'il n'existe pas de différence sexuelle au score global du QI dans les tests standardisés d'intelligence générale, il existe quelques différences cognitives entre les hommes et les femmes. La donnée la mieux établie concerne les aptitudes spatiales et quantitatives pour lesquelles les hommes, généralement, excellent, alors que les femmes sont les meilleures au niveau des capacités verbales, la vitesse perceptive et la précision. L'ampleur de ces différences, toutefois, reste modeste. Quoi qu'il en soit, des différences existent, peut-être à cause de l'influence prénatale des hormones de la reproduction sur l'organisation cérébrale au cours du développement foetal. Il est intéressant à noter qu'après la ménopause, les femmes perdent de-leurs habiletés mnésiques qui sont éventuellement restaurées par un traitement hormonal substitutif. Ce type d'observation suggère que les oestrogènes sont nécessaires au maintien d'un fonctionnement optimal de la mémoire verbale chez la femme (voir Fig. 14-22), que la diminution ou l'absence d'oestrogènes peut conduire au défaut d'expression de certains gènes cruciaux, nécessaires au maintien de cette fonction dans les voies mnésiques cholinergiques, que ce processus est réversible et que certaines fonctions adéquates peuvent être restaurées lorsque l'on réadministre un signal oestrogénique (qui relance l'expression génique). Ces effets des oestrogènes sur la mémoire des femmes ménopausées normales, tout comme ceux qui concernent les fonctions cognitives des hommes et des femmes, sont dans l'ensemble d'amplitude modeste. La maladie d'Alzheimer est par ailleurs plus fréquente chez la femme que chez l'homme. Les atteintes de la mémoire dans cette affection sont liées à une neurotransmission cholinergique défaillante (voir Chapitre 12 et Fig. 12-13). Environ une et demi à trois fois plus de femmes sont touchées que d'hommes. Même si les femmes vivent en moyenne plus longtemps que les hommes, et donc que leur risque de développer une maladie d'Alzheimer est plus grand (parce qu'un nombre plus important d'entre elles sont vivantes à un âge où l'affection est la plus fréquente), ce phénomène démographique ne suffit pas à expliquer pourquoi les femmes ont un risque de maladie d'Alzheimer plus élevé que celui des hommes ni pourquoi, lorsque hommes et femmes sont atteints, la survie de ces dernières est supérieure à celle des hommes une fois que la maladie a débuté. Après correction statistique de ces éléments, il apparaît qu'il existe effectivement un risque de maladie d'Alzheimer lié au genre. Certaines études préliminaires montrent que ce risque peut être réduit chez les femmes qui reçoivent un traitement hormonal substitutif. L'effondrement des oestrogènes après la ménopause pourrait être responsable de cette augmentation du risque de maladie d'Alzheimer spécifiquement lié au genre, peut être à cause, en particulier, de la perte de leur action trophique sur les neurones cholinergiques dont dépend la mémoire (voir Fig. 14-22), mais aussi à cause de la perte de leur influence trophique sur l'ensemble de l'encéphale (voir Fig. 14-17, 14-18 et 14-19).Ainsi, le traitement oestrogénique substitutif permettrait (de façon hypothétique) le retour des éléments essentiels de réponse aux oestrogènes au niveau des neurones cholinergiques (voir Fig. 14-22) comme dans l'ensemble du cerveau de façon à remonter le temps. Il assurerait donc un certain niveau de protection vis-à-vis de la maladie d'Alzheimer. Dans le Chapitre 12, nous avons d'ailleurs vu que plusieurs études randomisées et contrôlées sont en cours afin de déterminer si les oestrogènes peuvent effectivement représenter une protection contre le développement de la maladie d'Alzheimer. On a également observé qu'une fois que la maladie d'Alzheimer est diagnostiquée, les oestrogènes pouvaient éventuellement augmenter l'efficacité des inhibiteurs de la cholinestérase (voir Chapitre 12).
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Psychopharmacologie
Résumé Dans ce chapitre, certaines questions de psychopharmacologie liées au genre et à la sexualité ont été abordées. Parmi celles-ci, nous avons vu les mécanismes de neurotransmission impliqués dans les trois stades psychopharmacologiques de la réponse sexuelle humaine, c'est-àdire la libido, l'éveil sexuel et l'orgasme. Les neurotransmetteurs qui participent à chacun des trois stades ont été énumérés, de même que les médicaments qui favorisent ou inhibent ces stades. Un intérêt particulier a été porté à un neurotransmetteur le monoxyde d'azote. Les caractéristiques cliniques et physiopathologiques du dysfonctionnement érectile, de même que ses traitements, ont été passés en revue. Parmi ces derniers, on compte le sildénafil (Viagre), un inhibiteur de la phosphodiestérase. Nous nous sommes également penchés sur le rôle des œstrogènes tout au long du cycle de la reproduction de la femme, incluant leurs importantes propriétés comportementales et neurobiologiques. Le rôle des hormones de la reproduction, surtout des oestrogènes, a été souligné et intégré à la psychopharmacologie en tenant compte des différents stades du cycle de la reproduction de la femme (enfance, âge de la procréation, grossesse et post-partum, allaitement, préménopause et postménopause) et de la présence d'un éventuel traitement hormonal substitutif avant tout choix d'un psychotrope en cas de troubles thymiques ou cognitifs.
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INDEX Les folios suivis de la lettre f indiquent une illustration ; les folios suivis de la lettre t renvoient à un tableau.
Aboulie induite par la marijuana, 518 dans la schizophrénie, 369 Abus de substances psychoactives, vair Abus de substance Abus de substance, 499-537 addiction, 500t, 501 alcool, 522, 524-525, 531f, 532f dans la phobie sociale, 360 récepteurs, 313, 316f alimentation, obésité, 528, 530, 543-537, 536t amphétamines, 509, 510f-512f benzodiazépines, 526-527, 533f-535f cocaïne, 505-509, 506f-508f définition, 500f dépendance, 500t, 501-502 désintoxication, 502 effets d'allure schizophrénique, 374 endocannabinoYdes, 516-517, 512f-516f hallucinogènes, 510-515, 512f-516f intoxication, 501 marijuana, 515-518, 517f, 518f nicotine, 518-521, 519f, 520f, 523f-528f antidépresseurs et, 211-212, 216f antipsychotiques et, 438, 440f opiacés, 521-522, 529f, 530f rebond, 500t, 501 rechute versus rebond, 500t, 502-503 récompense, 500-501 voie dopaminergique mésolimbique, 503-505, 503f, 504f renforcement, 500-501, 500t dans la schizophrénie, 448 sédatifs-hypnotiques, 527-5528, 536f sevrage, voir Sevrage de médicament symptômes agressifs, 372f, 373 terminologie, 499-503, 5001 tolérance, 5001, 501 tolérance croisée et dépendance croisée, 500t, 501 versus usage, 500-501 Acamprosate, dans l'abstinence d'alcool, 524-525, 532f Acétate de L-alpha-acétylméthodol, dans le sevrage des opiacés, 522
Acétylcholine déficit en, dans les troubles de la mémoire, 469-471, 471f-473f excès en, dans les thérapeutiques neuroleptiques classiques, 408-409, 410f, 411f dans l'exposition à la nicotine, 519, 519f, 520f, 523f-525f récepteurs, 468-469, 470f dans la réponse sexuelle, 541, 541f, 545f suppression, 467-468, 469f synthèse, 467, 468f Acétylcholinestérase, dans la destruction de l'acétylcholine, 467-468, 469f Acétyl coenzyme A, dans la synthèse de l'acétylcholine, 467, 468f Acide 5 -hydroxyindole acétique, excès dans le comportement destructeur, 180 Acétyl-L-carnitine, dans la maladie d'Alzheimer, 491 Acide alpha-amino-3-hydroxy-5-mérhy1-4-isoxazolepropionique (AMPA), récepteur, 387, 390f Acide gamma-aminobutyrique (GAGA) action, 6, 8f anticonvulsivants dans la régulation de l', 268-271, 269f-270f, 272f benzodiazépines et, 311-323, 312f-316f, 317t, 318f-323f destruction, 312, 313f équilibre, dans le trouble panique, 349-350, 351f neurones contenant de l', 311-312, 312f-313f recapture, 312, 313f récepteurs de l', 312-313, 314f-316f action de l'alcool sur les, 522, 524, 531f, 532f effets des agonisses et antagonistes sur les, 319-322, 320f-323f modulation allostérique des récepteurs des benzodiazépines, 316-317, 318f, 319, 319f, 526, 533f-535f synthèse, 312, 312f transaminase, 312, 313f transporteur, 312, 313f Acide glutamique, voir Glutamate Acide valproïque en tant que thymorégulateur, 268-269, 269f dans le trouble bipolaire, 208, 281f 575
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Index
Acides aminés, en tant que neurotransmetteurs, 19t, 20, 20t, voir aussi Glutamate Adatansérine, 262 Addiction, 500t, 501 Adénosine monophosphate cyclique dans l'action double des antagonistes sérotoninergiques 2A/inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, 262f-263f, 265f dans l'action des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, 249f-250f response element binding protein, 249f-250f, 262f-263f, 265f en tant que second messager, 14, 56, 59f, 61, 64f Adénosine triphosphate, dans l'action des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, 249f-250f Adénylate cyclase dans l'action des antagonistes sérotoninergiques 2A/inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, 262f-263f, 265f dans l'action des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, 249f-250f antidépresseurs augmentant Ir, 264 Adhésion (molécules d'), dans la migration neuronale, 27-28 ADN, voir aussi Gène(s) dans la désensibilisation des récepteurs, 66f effets des neurotransmetteurs sur l', 56, 57f dans le génome humain, 21 dans l'hypersensibilisation des récepteurs, 67f Adolescent dépression de l', 154 taux d'oestrogènes chez changements de l'humeur et, 556, 558, 561f, 562f, 563 Agitation induite par les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, 233 dans la psychose, 367 Agonistes, 82-83, 83f-84f alpha 2 dans l'anxiété, 307, 309f dans le trouble déficitaire de l'attention, 462, 466f, 466-467 dans l'anxiété, 321f bêta, en tant qu'antidépresseurs, 263-265 de la cholécystokinine, dans la schizophrénie, 456 cholinergiques, dans la maladie d'Alzheimer, 492-493, 493f, 494f des corticotropines, dans la maladie d'Alzheimer, 496 exemples cl', 82-83 inverses, 83f, 84, 87f, 88f interactions avec les récepteurs des benzodiazépines, 319-320, 320f, 321f nets, 87, 88, 93f opiacés, 521, 522 partiels, 83f, 85-89, 89f-96f interactions avec les récepteurs des benzodiazépines, 320-321, 321f, 324, 358 de la sérotonine, hallucinogènes, 513-514, 513f spectre, 82, 83f, 86, 92f totaux, 82-83, 84f, 86, 88, 92f, 93f benzodiazépines en tant qu', 319-320, 321f, 322f
Agoraphobie description clinique, 358-359 traitement, 355 trouble panique avec, 347 Agranulocytose, induite par la clozapine, 432, 433 Agression de personnes, dans la schizophrénie, 373 Akathisie, induite par les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, 233 Alcool pharmacologie, 522, 524-525, 531f, 532f dans la phobie sociale, 360 récepteurs de l', 313, 316f Alimentation interactions des inhibiteurs de la monoamine oxydase avec l', 214-215, 217, 219f-221f régulation comportementale, sérotonine dans la, 178, 183f troubles de l', inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, 231-232, 233t Allaitement, antidépresseurs pendant l', 564-565 Alogie, dans la schizophrénie, 369 Alprazolam dans l'association insomnie/anxiété, 279 interactions médicamenteuses avec 1', 210, 214f dans le trouble panique, 354-355 Alprostadil, dans le dysfonctionnement érectile, 549-55 Alzheimer (maladie d') anomalies des apolipoprotéines dans la, 472 déficit cholinergique dans la, 469-471, 471f-473f définition, 471-472, 474f dégénérescence neuronale, 117, 124, 126, 129f, 130, 392 différences selon le genre, 558f, 567 dysfonctionnement cognitif dans la, 370, 371f, 446-447, 447f excitotoxicité du glutamate dans la, 393f facteurs génétiques, 476-478, 477f, 478f histoire naturelle, 471, 473f, 485f hostilité dans la, 448, 449f hypothèse de la cascade amyloïde de la, 472-478, 475f-478f neurodégénérescences fibrillaires, 472, 474f, 477f plaques séniles, 472, 474f, 476f protéines tau, 472, 474f symptômes agressifs dans la, 372f, 373 symptômes positifs, 368, 370f traitement agents cholinergiques, 489 agonisses cholinergiques, 492-493, 493f, 494f des altérations de l'APO-E, 493-494, 495f des altérations de la protéine précurseur de l'amylordè, 493-494, 495f facteurs de croissance, 4% futur, 457-458, 496-497 greffe neuronale, 496 hormones, 490-491, 553 inhibiteurs de la cholinestérase, 479-487, 480f-489f inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline, 239 médicaments antipsychotiques, 444, 445f, 446-447, 447f médicaments nootropes, 491 neuropeptides, 496
Index Alzheimer (maladie d') (suite) non démontré, 489-492 précoce, 491-492 présymptomatique, 491-492 recherche sur le, 492-497, 493f-495f réponse au, 486-487, 487f-489f rispéridone, 434 stimulants métaboliques, 490 vasodilatateurs cérébraux, 490 vitamines, 490-491 dans la trisomie 21, 478 Aménorrhée, induite par les médicaments antipsychotiques, 406, 407f Amineptine, dans la dépression, 242 Amines, en tant que neurotransmetteurs, 19t, 20, 20t, voir aussi Dopamine ; Noradrénaline Amisulpride, 425, 452 Amitriptyline, dans le trouble panique, 353-354 Amnésie, voir Mémoire Arnoxapine, action, 256 AMPA (acide alpha-amino-3-bydroxy-5-méthy1-4-isoxazole-propionique), récepteur, 387, 390f Amphétamines voir aussi d-Amphétamine ; l-Amphétamine abus, 509, 510f-512£ en association médicamenteuse, 286, 286f, 288f, 291f-293f effets d'allure schizophrénique, 374 mimant la dopamine, 504, 504f dans la réponse sexuelle, 552f Amplification, dans la neurotransmission, 78 Amygdale, neurokinines dans l', 191f Anandarnide, 504, 504f, 516-517, 517f Androgènes, récepteurs des, dans le cerveau, 441 Anesthésique, cocaïne en tant qu', 505, 506f Anhédonie, dans la schizophrénie, 369 Antagonistes, 83, 83f, 85f, 86f, 88f, 90f actions, au niveau des canaux ioniques, 83, 85f, 86f, 88f, 90f alpha 2, dans l'action double sérotoninergiquenoradrénergique, 251-254, 251f-257f cannabinoïdes, 456 de la cholécystokinine, 324, 456 cortkotropin-releasing factor, 324 définition, 82 de l'excitotoxicité, 130 du glutamate, 392, 394, 397f, 398f, 492 interactions des récepteurs des benzodiazépines et, 321-322, 322f, 323f de la marijuana, 517, 518, 518f nets, 87, 96f des neurokinines, 266, 456-457 de la neurotensine, 456 des opiacés, 521 des récepteurs de la dopamine, 402-407, 403f, 404t, 405f-407f des récepteurs des oestrogènes, 554-556 sérotonine-dopamine, voir Sérotonine-dopamine, antagonistes des récepteurs sigma, 456 de la sérotonine, 256-257, 258f-265f, 261-262, 285-286, 285f, 290f
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de la substance P, 456-457 Antagonistes sérotonigergiques 2/inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, 256-257, 258f-265f, 261262, 285-286, 285f, 290f Anticholinergiques (médicaments) avec les antipsychotiques, 408-409, 410f, 411f dysfonctionnement érectile dû aux, 550, 552f effets secondaires, 409 Anticonvulsivants comme thymorégulateurs, 267-271, 268t, 269f-270f, 272f dans le trouble bipolaire, 281f, 282 Antidépresseurs, voir aussi chaque produit action, 200-205 aiguë, 200, 201f en association, 283-285, 285f-294f évolution temporelle, 201f hypothèse monoaminergique, 179-180, 185, 203-204, 205f hypothèse du récepteur des neurotransmetteurs, 200-203, 201f-204f inhibiteurs de la monoamine oxydase, 156f, 157, 179-180, 185 des tricycliques, 156f, 157 chez l'adolescent, 154 agonistes et antagonistes de la sérotonine, 264-265 agonistes bêta, 263-265 dans l'anxiété, 299-305, 304f association, voir Polymédication bonnes nouvelles au sujet des, 147-148, 148t-150t, 149f, 150 caractéristiques idéales, 262-263 classiques, voir Monoamine oxydase, inhibiteurs de la ; Antidépresseurs tricycliques considérations sur l'état cestrogénique avec les, 563-567, 564f, 566f déméthylation, 208f dysfonctionnement érectile dû aux, 550-551, 550f, 551f dans la dysthymie, 144, 145, 146f, 147f effets indésirables des benzodiazépines, 315, 320, 321f, 331 inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline, 240 inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, 232-233 mirtazapine, 255f, 256f réboxétine, 240 des tricycliques, 219-220, 225f, 226E, chez l'enfant, 153-154 dans l'état de stress post-traumatique, 363 évolution à long terme sous, 142-144, 142f-147f, 144t dans la grossesse, 564 inhibiteurs doubles de la recapture de la sérotonine et de la dopamine, 262, 265 inhibiteurs doubles de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, 246-250, 246f-250f inhibiteurs de la monoamine oxydase, voir Monoamine oxydase, inhibiteurs de la inhibiteurs de la recapture de la dopamine, 241-242, 241f, 242f, 290f-294f cocaïne en tant qu', 505-506, 506f, 507f
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Index
Antidépresseurs (suite) inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline, 241-242, 241f, 242f en association médicamenteuse, 286, 286f-290f, 288, 292f, 293f inhibiteurs sélectifs de la recapture noradrénergique, 234-241, 237f-238f, 239t, 286, 286f-287f, 288 inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, voir Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline ; et les médicaments spécifiques dans l'insomnie, 329t, 332 interactions avec les, voir Interactions médicamenteuses interactions alimentaires avec les, 214-215, 217, 219f-221f maladies résistantes aux, 152, 152t, voir aussi Polymédication diagnostic, 283 mauvaises nouvelles au sujet des, 150-153, 150t-152t métabolisme, 209-210, 211f, 213f modulateurs monoaminergiques, 263-265 neurokinines, antagonistes des, 266 neuroleptiques et, 445-446 oestrogènes en tant qu', 565-567, 564f, 566f pharmacocinétique, 205-212 CYP450 1A2, 207f-210f, 208-209, 217t CYP450 3A4, 207f, 210-211, 214f-215f, 217t CYP450 2C9, 207f, 217t CYP450 2D6, 207f, 209-210, 211f-213f, 217t inducteurs CYP450, 211-212, 216f, 217t inhibiteurs de la monoamine oxydase, 217t versus pharmacodynamie, 205-206, 206t phénomène du « naufrage », 150-151 dans la phobie sociale, 360-361 plantes, 266 psychothérapie et, 294-295 réponse aux, 142, 143f, 144-145, 147-148, 147f-149f, 148t, 149t, 151-152 résultats guérison, 142, 142f, 143f rechute, 142, 144f, 148, 149f récurrence, 142, 144f, 144t, 150, 150t rémission, 142, 142f, 143f, 147-148, 148t, 151-152, 151t second messager, stimulant du, 264 sous-types de dépression et, 144-147, 147f, 148f substances potentialisatrices, 271-274, 273f-278f, 278-279, 280f, 284f synergie, voir Synergie thymorégulateurs, 266-271, 267f, 269f-270f, 272f, voir aussi Lithium dans le traitement d'entretien, 150, 150t tricycliques, voir Antidépresseurs tricycliques dans le trouble bipolaire, 143, 153, 262, 281f, 282 dans le trouble panique, 353-354 Antidépresseurs tricycliques, 212-222 action, 156f, 157, 219-220, 223f-226f au niveau de la synapse sérotoninergique, 256 non sélectifs, 247, 248f aspects historiques, 218-219 effets indésirables, 219-220, 225f, 226f inhibiteurs de la monoamine oxydase avec les, 279 dans l'insomnie, 329t, 332 interactions avec l'enzyme CYP450, 217t
interactions des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine avec, 209-210, 213f liste, 221t métabolisme, 209-210, 211f, 213f structure, 218, 223f surdosage, 225 dans le trouble panique, 353-354, 356f Antihistaminiques antagonistes alpha 2, 252, 255f-257f antagonistes de la sérotonine 2/inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, 258f, 261 antidépresseurs tricycliques, 222, 223f, 225f dans l'insomnie, 332 neuroleptiques, 409, 409f, 412f Anti-inflammatoires non stéroïdiens, dans la maladie d'Alzheimer, 492 Antioxydants dans l'excitotoxicité, 130 dans les maladies dégénératives, 392, 397f, 398f Antipsychotiques (atypiques), voir aussi les médicaments spécifiques : Clozapine ; Olanzapine ; Quétiapine ; Rispéridone ; Ziprasidone administration intramusculaire, 444 agonistes cholinergiques alpha-7-nicotiniques, 457 dans l'agressivité, 448, 449f antagonistes cannabinoïdes, 456 de la cholécystokinine, 456 des neurokinines, 456-457 de la neurotensine, 456 sérotonine-dopamine en tant qu', voir Sérotonine-dopamine, antagonistes sigma, 456 de la substance P, 456-457 d avantages, 426, 428, 430-431, 440-441 coadministration, 449, 450f cytochrome P450, enzymes, 436-440, 439f-443f début de l'action, 443 définition, 414-415, 414f dosage, 442-443 dans les dysfonctionnements cognitifs, 446-447, 447f effets indésirables, 423-424, 428, 440 clozapine, 432-433 olanzapine, 435 prise de poids, 529, 536t quétiapine, 435 spectre des, 430f symptômes négatifs, 419, 421, 425f-427f ziprasidone, 436 efficacité, 440-441 essais cliniques, 440-444 futur, 457-458 histoire, 452-455, 453f-455f dans l'hostilité, 448, 449f dans l'impulsivité, 448, 449f inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et, 285f, 286 dans l'intoxication par la cocaïne, 506 neuroleptiques classiques avec, 451-452, 451f, 452f nouveaux, 455-456 pharmacocinétique, 436-440, 439f-443f pharmacologie, 425-426 réponse aux, 430, 442
Index Antipsychotiques (suite) dans la schizophrénie futur, 457-458 polymédication, 449, 450f-452f, 451-452 résistante au traitement, 449, 450f-452f, 451-452 dans la stabilisation de l'humeur, 444-446, 446f symptômes agressifs et hostiles, 448, 449f symptômes cognitifs, 446-447, 447f 1 1.11 symptômes négatifs, 447, 448f symptômes positifs, 444, 445f dans le trouble bipolaire, 281f, 282 dans le trouble obsessionnel-compulsif, 342f, 345 dans les troubles de l'humeur, 444-446, 446f variations au sujet des, 425-426, 428, 430-431, 430f tipsychotiques (neuroleptiques classiques ou de type non spécifié), 402-414 administration intramusculaire, 444 antipsychotiques atypiques avec, 451-452, 451f, 452f bloqueurs des récepteurs de la dopamine 2, 402, 403f, 404, 404t, 405f-407f, 406 dysfonctionnement érectile dû aux, 550-551 effets indésirables, 408, 409, 411, 412f, 413-414, voir aussi Dyskinésies tardives liés au blocage des récepteurs muscariniques, 408, 410f, 411f spectre des, 430f histoire, 402 dans l'intoxication par la cocaïne, 506 liste, 404t dans la maladie d'Alzheimer, 484f pharmacologie, 409, 411, 412f, 413-414, 413f propriétés bloquantes muscariniques cholinergiques, 408-409, 409f-411f risques et bénéfices, 408 dans la schizophrénie, 402 en tant que thymorégulateurs, 271 dans le trouble obsessionnel-compulsif, 342f, 345 Anxiété normale, 298 régulation de l', sérotonine dans la, 178, 183f Anxiolytiques ezsépimes, 311-323, 312f-316f, 317t, 318f-323f noradrénergiques, 306-307, 308f-3 11f, 309, 311 d'origine naturelle, 324 sérotoninergiques, 306, 307f venlafaxine, 250 Apathie induite par les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, 233 inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline dans 1', 238-239 dans la psychose, 367-368 APO-E (protéine), dans la maladie d'Alzheimer, 474-477, 477f, 478f, 493-494, 495f Apomorphine, dans le dysfonctionnement érectile, 551f Apoptose des neurones, 24, 25f, 26f, 27, 117 dans l'excitotoxicité, 122 prévention de l', produits des éléments de réponse aux oestrogènes dans la, 552-553, 553f-558f dans la schizophrénie, 385-386, 386f traitements s'appuyant sur l', 392, 397f, 398f
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Appétit anorexigènes, 534 régulation de l', sérotonine dans la, 178, 183f, 231-232, 233t Appréhension, dans la psychose, 368 Apprentissage, altération de l', dans la schizophrénie, 370 Arborisation des neurones, 25f, 30, 3 Of-3 2f Arginine, synthèse du monoxyde d'azote à partir de l', 542, 543f Aripiprazole, 455 ARN polymérase action, 21, 22f dans la neurotransmission, 42f transcription de l'ADN en, 21 Association, études d', dans les maladies, 103 Astémizole, interactions médicamenteuses avec l', 210, 214f, 215f ATC, voir Antidépresseurs tricycliques Athérosclérose, dysfonctionnement érectile dans l', 547 ATP, dans l'action inhibitrice sélective de la recapture de la sérotonine, 249£-250E ATPase, dans la neurotransmission, 42f, 43f Attaque(s) cérébrale(s) dégénérescence neuronale, 392 excitotoxicité du glutamate, 393f hostilité, 448, 449f induites par la cocaïne, 505 multiples, démence et, 478 Attention, voir aussi Trouble déficitaire de l'attention altération dans la schizophrénie, 369, 370 régulation de l', neurotransmetteurs dans la, 165f, 460, 461f Autisme dysfonctionnements cognitifs, 370, 371f hostilité, 448, 449E Autochâtiment anxieux, dans la psychose, 368 Autorécepteurs dopamine, 163 noradrénaline, 159-160, 160f-163f, 176 postsynaptiques désensibilisation, 202-203, 228-230, 230f-232f noradrénaline, 159-160, 160E sérotonine, 172, 172f, 176, 181f, 227, 228f, 229, 232-233,232f présynaptiques alpha 2, 251-253, 251f-255f, 257f dopamine, 163 noradrénaline, 159-160, 160f-163f sérotonine, 172-173, 172f-175f, 228f sérotonine, 172-173, 172f-175f, 176, 181f, 227-229, 228f-232f, 232-233 effets de la buspirone, 273-274, 278, 276E-278f, 306, 307f effets du pindolol, 278-279 Autorécepteurs somatodendritiques noradrénaline, 160, 161f, 162f sérotonine, 173, 173f, 227-229, 228£-231f effets de la buspirone, 273-274, 276f-278f, 278 306, 307f effets du pindolol, 273-274, 278
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Autorécepteurs terminaux, sérotonine, 173, 174f, 175f Autoreproches, dans la psychose, 368 Axones, 2, 2f, 5f libération de sérotonine, 229, 229f, 231f Barbituriques dans l'anxiété, 323-324 dans l'insomnie, 332-333 récepteurs des, 313, 316f Battre (se) ou fuir, réaction, 298 Bazinaprine, dans la dépression, 265 Béfloxatone, dans la dépression, 218 Benzodiazépines (BZD) abus, 526-527, 533f-535f acide gamma-aminobutyrique, neurotransmission, 311-323, 312f-316f, 317t, 318f-323f équilibre, dans le trouble panique, 349-350, 351f dans l'anxiété, 303, 311-324 versus buspirone, 306 indications, 322-323 liste, 3171 récepteurs des, 312-317, 318f-323f, 319-322 dans l'association insomnie/anxiété, 279 dépendance, 502 effets indésirables, 315, 320, 321f, 331 endogènes, 315-316 dans l'insomnie, 329-332, 329t, 330f, 331f interactions avec les antidépresseurs, 210-211, 214f, 275f d'origine naturelle, 315-316 dans la phobie sociale, 361 récepteurs des, 312-322 actions au niveau des, 315 effets des agonistes et antagonistes, 319-322, 320f-323f, 351f excès, dans le trouble panique, 350, 351f interactions allostériques, 316-317, 318f, 319, 319f, 526, 533f spectre, 351f sous-types, 314-315 sevrage, 331-332 stratégie d'économie dans le trouble panique, 354-355 dans le trouble bipolaire, 281f, 282 dans le trouble obsessionnel-compulsif, 342f, 345 dans le trouble panique, 354-355, 356f en tant que thymorégulateurs, 271 Bêtabloquants effets sur la réponse sexuelle, 552f dans la phobie sociale, 361 BMS181,101 (antagoniste de la sérotonine 2/inhibiteur de la recapture de la sérotonine), 262 BMY-14,802 (antagoniste sigma), dans la schizophrénie, 456 Borderline (trouble de la personnalité de type) hostilité, 448, 449f symptômes agressifs, 372f, 373 Bouche, sécheresse de la, induite par les antipsychotiques, 410f Boulimie, inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine et, 231-232, 233t Brain-derived neurotrophic factor (BDNF) déficit en, dépression et, 187-188, 188f, 189f, 204, 205f expression du, oestrogènes dans 1', 553, 555f, 557f, 558f
Brasofensine, dans la dépression, 242 Brofaromine, dans la dépression, 218 Buprénorphine, 522, 530f Bupropion dans l'arrêt du tabac, 521, 528f en association médicamenteuse, 286, 287f, 290f, 292f-294f dans la dépression, 241-242, 241f, 242f interactions avec l'enzyme CYP450, 217t dans la réponse sexuelle, 552f dans le trouble déficitaire de l'attention, 462, 466-467 Buspirone dans l'anxiété, 306, 307f dans la phobie sociale, 361 dans la potentialisation des antidépresseurs, 273-274, 275f-278f, 278 dans le trouble obsessionnel-compulsif, 342f Butyrylcholinestérase dans la destruction de l'acétylcholine, 467-468, 469f inhibiteurs de la, dans la maladie d'Alzheimer, 481-482, 481f, 482f, 485 Caféine, attaques de panique dues à la, 349 Calcium, destruction de neurones dans l'excès en, 123f Canaux calciques, 50f action des anticonvulsivants sur les, 267-268, 269f dépendant du voltage, dans la neurotransmission, 6 liaison d'un récepteur du glutamate aux, 387-388, 390f-392f, 392, 515, 515E, 516f régulation des, glutamate dans la, 122, 123f-129f, 126 Canaux chlore, 50f acide gamma-aminobutyrique dans la régulation des, 312, 315f, 316-317, 318f-320f, 319, 350, 526, 533f-535f dysfonctionnement des, dans le trouble panique, 350, 351f Canaux ioniques, voir aussi les canaux spécifiques par exemple Canaux calciques action des agonistes, 82-83, 84f, 92f inverses, 83f, 84, 87f, 88f partiels, 85-86, 89f-92f action des antagonistes, 83, 85f, 86f, 88f, 90f action des anticonvulsivants, 267-270, 269f-270f, 272f complexes de récepteurs, 40f, 79-81, 81f, 82f dépendant du ligand, 40f, 50f, 79-81, 81f, 82f modulation allostérique, 92, 97E dépendant du voltage, 44, 50f liaison du récepteur du glutamate, 387-388, 390f-392f, 392, 515, 515f, 516f modulation allostérique, 89-97, 97f régulation, 56, 57f, 58f structure, 80-81 types, 41f, 44 Canaux potassium, 50f action des anticonvulsivants, 267-269, 269f Canaux sodiques, 50f action des anticonvulsivants, 267-271, 269f-270f, 272f dépendant du voltage, 6 Cannabinoïdes, 515-518, 517f, 518f antagonistes, dans la schizophrénie, 456 endogènes, 516-517,517f
Index Carbamazépine en tant qu'inducteur CYP450, 211-212, 216f, 439-440, 443f en tant que thymorégulateur, 269, 269f dans le trouble bipolaire, 281f, 282 CART (cocaine- and amphetamine-regulated transcript) peptides, 509, 512f Cascade amyloïde, hypothèse de la, dans la maladie d'Alzheimer, 472-478, 475f-478f Caspase, inhibiteurs de la, dans les maladies dégénératives, 392, 397f, 398f Catastrophe, pensées de, dans les attaques de panique, 346 Catéchol-O-méthyl transférase dans la destruction de la dopamine, 168f dans la destruction de la noradrénaline, 157, 159f Cerveau développement, voir Neurodéveloppement effets des oestrogènes, 551-556, 553f-560f vasodilatateurs, dans la maladie d'Alzheimer, 490 Cervelet, action de la noradrénaline dans le, 162, 166f, 240 Chélation, traitement par, dans la maladie d'Alzheimer, 490-491 Chevauchement des antipsychotiques, 449, 450f Chirurgie du trouble obsessionnel-compulsif, 345 Chlorpromazine efficacité, 430f mécanisme d'action, 402 Cholécystokinines agonistes des, dans la schizophrénie, 456 antagonistes des dans l'anxiété, 324 dans la schizophrénie, 456 attaques de panique dues aux, 350 récepteur des, 350 Choline acétyltransferase, dans la synthèse de l'acétylcholine, 467, 468f dans la maladie d'Alzheimer, 489 dans la synthèse de l'acétylcholine, 467, 468f Cholinestérase inhibiteurs de la, dans la maladie d'Alzheimer, 479-487, 480f-489f non spécifique (butyrylcholinestérase), dans la destruction de l'acétylcholine, 467-468, 469f C1-1007 (antipsychotique), 455-456 Cinnazine, dans la maladie d'Alzheimer, 490 Cisapride, interactions médicamenteuses avec le, 210, 214f, 215f Citalopram action, 222, 237f en association médicamenteuse, 291f interactions avec l'enzyme CYP450, 217t dans la phobie sociale, 360 dans le trouble panique, 352 Citrulline, synthèse du monoxyde d'azote à partir de la, 542, 543f Clomipramine métabolisme, 208, 208f dans le trouble obsessionnel-compulsif, 339, 341, 343 Clonazépam dans l'association insomnie/anxiété, 279 dans la phobie sociale, 361
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en tant que thymoregulateur, 271 dans le trouble obsessionnel-compulsif, 345 dans le trouble panique, 354-355 Clonidine dans l'anxiété, 307, 309f dans la phobie sociale, 361 dans le sevrage des opiacés, 522 dans le trouble déficitaire de l'attention, 462, 466f Clozapine, 431-433, 431f, 432f efficacité, 430f métabolisme, 437-438, 439f-443f et polymédication, 451 versus quétiapine, 435 versus zotépine, 452-453 Cocaïne effets d'allure schizophrénique, 374 effets indésirables, 505-506 effets à long terme, 507, 509 en tant qu'inhibiteur de la recapture de la dopamine, 505-506, 506f, 507f intoxication, 505-506 « inverse », 509 versus nicotine, 517-518, 523f propriétés anesthésiques, 505, 506f ressemblance avec la dopamine, 504, 504f sevrage, 509 tolérance inverse, 505-506, 508f Cocaïne- and amphetamine-regulated transcript (CART) peptides, 509, 512f Codéine, 521, 5301 Cognition, différence en fonction du genre, 567 Comportement changements génétiques et, 21, 23 dans la schizophrénie troubles du, 368, 369, 448 violent, 372£, 373 Compulsions, 337, 337t, 338r régulation des, sérotonine dans la, 178, 182f COMT, voir Catéchol-O-méthyl transférase Conduites, troubles des, symptômes agressifs, 372f, 373, 448, 449f Constipation induite par les médicaments antidépresseurs tricycliques, 225f antipsychotiques, 410f inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline, 240 Contraceptif oral, dépression due à un, 564 Corps cellulaire du neurone, 2, 2f, 3f Cortex frontal action de la noradrénaline sur le, 162, 165f, 239 action de la sérotonine sur Ie, 178, 182f, 231 Cortex préfrontal dorsolatéral, dégénérescence du, dans la schizophrénie, 375, 378f Corticotropine, agonistes, dans la maladie d'Alzheimer, 496 Corticotropin-releasing factor, antagonistes, dans l'anxiété, 324 Cotransmission des neurotransmetteurs, 20, 20t versus modulation allostérique, 96-97 CP-448,187 (antagoniste de la sérotonine 1D), 265 Creutzfeld-Jakob (maladie de), démence dans la, 478-479
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Index
Croissance, facteurs de, voir Facteurs neurotrophiques dans la maladie d'Alzheimer, 496 Cycle menstruel formation des synapses au cours du, 553-554, 559f, 560f troubles du, induits par les antipsychotiques, 406, 407f variation des oestrogènes au cours du, modifications de l'humeur et, 556, 558, 560, 561f, 562-564, 562f Cycles rapides, dans le trouble bipolaire, 136 CYP450, enzymes, voir Cytochrome P450 (enzymes) ; et les enzymes spécifiques Cytochrome P450 (enzymes) inhibiteurs du, interactions médicamenteuses avec les, 437-440, 439f- 443f dans le métabolisme des antidépresseurs, 205-212, 206f, 207f CYP450 1A2, 207f-210f, 208-209, 217t CYP450 3A4, 207f, 210-211, 214f-215f, 217t CYP450 2C9, 207f, 217t CYP450 2D6, 207f, 209-210, 211f-213f, 217t inducteurs, 211-212, 216f, 217t polymorphisme, 207£, 208 dans le métabolisme des antipsychotiques CYP450 1A2, 437-438, 439f, 440f CYP450 3A4, 439-440, 442f, 443f CYP450 2D6, 438-439, 441f, 442f d-Amphétamine, dans le trouble déficitaire de l'attention, 461-462, 462f, 463f
Dégénérescences neurofibrillaires, dans la maladie d'Alzheimer, 472, 474f, 477f Déhydroépiandrostérone, dans la potentialisation des antidépresseurs, 279 Délires dans l'intoxication par la phencyclidine, 514 dans la psychose, 367 dans la schizophrénie, 368, 375, 376f Délirium, dans l'intoxication par les hallucinogènes, 511 Delta-9- tétrahydrocannabinol, 515-518, 517f Démence, voir aussi Alzheimer (maladie d') dégénérescence neuronale, 117 dysfonctionnement cognitif, 370, 371f, 446-447, 447f frontotemporale, 479 pathogenèse, 114-115, 116f symptômes agressifs, 372f, 373 symptômes positifs, 369, 370f traitement, 446-447, 447f quétiapine, 435 rispéridone, 434 ziprasidone, 436 troubles de la mémoire, 478-479 vasculaire (multi-infarctus), trouble de la mémoire dans la, 478 Déméthylation des antidépresseurs, 208, 208f Dendrites, 2, 2f, 3f, 30, 30f-32f destruction des, 127f épines, 3f formation des, au cours du cycle menstruel, 553-554, 559f, 560f Dépendance aux médicaments, 500t, 501-502 benzodiazépines, 526-527, 534f
croisée, 500t, 501 détoxification après, 502 nicotine, 519, 525E opiacés, 521 Déphosphatases, dans la neurotransmission, 42f Dépôts bêta-amyloïdes, dans la maladie d'Alzheimer, 472-478, 475£-478f prévention, 493-494, 495f Déprényl, dans la maladie d'Alzheimer, 492 Dépression anxiété, traitement, 298-305, 300f, 304f bases biologiques de la, hypothèse des monoamines, voir Hypothèse monoaminergique de la dépression caractéristiques cliniques, 136-139, 137t-141t conception erronée, 136-137, 137t critères diagnostiques, 137, 138t, 139t en tant que déficit pseudo-monoaminergique, 187-188, 188f, 189f description, 136 différences en fonction du genre, 557-558, 561f, 562f double, 144, 147f
dysfonctionnement érectile, 546, 548f éducation des patients, 140t chez l'enfant taux d'cestrogènes, 558 traitement, 153-154 épidémiologie, 137-139, 140t, 141t évolution longitudinale, 153-154 facteurs de risque, 140t guérison, 142, 142f, 143f histoire naturelle, 137-139, 140t, 141t, 142, 142£ hypothèse des neurokinines, 188-196, 190f-197f
hypothèse des récepteurs des neurotransmetteurs, 185 -186, 185f, 186f, 188f, 189f manie, 136 non traitée, 137-139, 140r, 141t, 142, 142f normale versus maladive, 136 du postpartum, 561f, 562, 562f, 563f prédisposition, 111f premier épisode, chez la fille adolescente, 563-564 pseudo-démence, 479 psychotique symptômes positifs, 368, 370f traitement, 445 rechute, 142, 144f, 148, 149f récurrence, 142, 144f, 144t, 150, 150t réfractaire, 152, 152t diagnostic, 283 traitement, 293-294, voir aussi Polymédication rémission, 142, 142f, 143f, 147-148, 148t, 151-152, 151t partielle, 151, 151t dans la schizophrénie, 372f,-373-374 dans le sevrage des benzodiazépines, 527 versus sevrage de cocaïne, 509 somatisation, 136-137 suicide, 139, 141t en tant que syndrome, 137, 139t versus taux d'cestrogènes au cours du cycle de la vie de la femme, 557-558, 560, 561f-564f, 562-567, 566f traitement, voir aussi Antidépresseurs chez l'adolescent, 154 II
Index
Dépression (suite) antipsychotiques, 445-446 bonnes nouvelles au sujet du, 147-148, 148t-150t, 149f, 150 les cinq R, 142-144, 142f-147f, 144t considérations sur l'état cestrogénique, 563-567, 564f, 566f chez l'enfant, 153-154 entretien, 150, 150t évolution à long ternie, 142-144, 142f-147f, 144t mauvaises nouvelles au sujet du, 150-153, 150t-152t « naufrage », 150-151 réponse au, 142, 143f, 144-145, 147-148, 147f-149f, 148t, 149t, 151-152 résistance au, 293-294, voir aussi Polymédication versus sous-types, 144-147, 147f, 148f dans le trouble bipolaire, voir Trouble bipolaire unipolaire, 137 Désensibilisation des récepteurs, 65, 66f, 68f Desferrioxamine, dans la maladie d'Alzheimer, 490-491 Désintoxication, 502 Désipramine dans la dépression, 286, 287f, 290f, 293f dans le trouble panique, 353-354 Désorganisation conceptuelle, dans la psychose, 367 Désorientation, dans la psychose, 367 Destin funeste, impression de, dans les attaques de panique, 346 « Deux coups », hypothèse des, des troubles psychiatriques, 107-108, 110f Développement du cerveau, voir Neurodéveloppement Diabète, dysfonctionnement érectile et, 547 Diazépam en tant que thymorégulateur, 271 dans le trouble panique, 354-355 Diencéphale, projections dopaminergiques sur le, voir Voie dopaminergique nigrostriée Diéthylpropion, dans la dépression, 2 91f-293f Dihydroxyphénylalanine, dans la synthèse de la dopamine, 157, 158f 2,5-Dirnéthoxy-4-méthylaniphétainine, 511 Diméthyltryptamine (DMT), 511 Dioxyde de carbone, hypersensibilité au, dans le trouble panique, 350 Donépézil, dans la maladie d'Alzheimer, 479-480, 480f, 481f, 484f, 485 DOPA, voir Dihydroxyphénylalanine Dopamine, voir aussi Voies dopaminergiques bêta-hydroxylase, dans la synthèse de la noradrénaline, 157, 158f destruction de la, 163, 168f effets des antidépresseurs sur la, 179-180, 185 excès de induit par l'amphétamine, 509, 510f-512f induit par le tabac, 518-519, 520f, 523f dans la psychose, 126 dans le trouble obsessionnel-compulsif, 339-340 inhibition de la, induite par les inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, 233 interactions de la sérotonine avec, voir Sérotoninedopamine, antagonistes dans la libido, 540-541, 540f, 545 neurones contenant de la, 163, 167f-169f
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neurotransmetteur du plaisir, 503-505, 503f, 504f recapture de la action des antidépresseurs tricycliques sur la, 219, 223f effets du bupropion sur la, 287f-288f inhibiteurs de la, 241-242, 241f, 242f, 290f-294f, 505506, 506f, 507f récepteurs de la, 163, 169f abus de substance et, 504-505, 504f antipsychotiques dans le blocage des, 402-407, 403f, 404t, 405f-407f dans la régulation de l'attention, 460, 461f remplacement, dans la maladie de Parkinson, 130,132f dans la réponse sexuelle, 540, 545f synthèse de, 157, 158f, 163, 167f synthèse de noradrénaline à partir de la, 157, 158f transport de la, 163, 167f, 168f Double anxiété, syndrome de, 302f Double dépression, 144, 147f Down regulation, voir Désensibilisation Doxépine, dans le trouble panique, 353-354 Dramatisation, dans la psychose, 367 Drogue, abus de, voir Abus de substance Drogues de synthèse, 511, 513f Duloxétine, dans la dépression, 247 Dynorphines, 521.529f Dysfonctionnement cognitif inhibiteurs sélectifs de ta recapture de la noradrénaline, 238, 239 dans la schizophrénie, 370, 371f traitement, 446-447, 447f voie dopaminergique mésocorticale, 374-377, 375f, 377f, 378f, 404, 405f traitement, voir aussi Psychostimulants oestrogènes, 567 Dysfonctionnement sexuel érectile, 545-55 I, 546f-552f expression, dans la schizophrénie, 373 inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, 233 Dyskinésies tardives, 69, 378 caractéristiques cliniques, 404 causes, 404, 406f réversibilité, 406 risques, 406 traitement, 394 Dysphorie, dans le sevrage des benzodiazépines, 527 Dysthymie, 144, 145, 146f, 147f anxieuse, 300f chevauchement avec l'anxiété, 300f Dystonies, induites par les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, 233 Ecstasy, à partir des drogues de synthèse, 511, 513 « Effet fromage », avec les inhibiteurs de la monoamine oxydase, 214-2 15, 217, 219f-221f Effets indésirables, voir aussi Symptômes extrapyramidaux ; Dyskinésies tardives de l'acide valproïque, 268-269 des antagonistes sérotoninergiques 2/inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, 260, 261 des anticholinergiques, 409 des antidépresseurs tricycliques, 219-220, 225f, 226f
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Index
Effets indésirables (suite) des antipsychotiques atypiques, 423-424, 428, 440 classiques, 408, 409, 411, 412f, 413-414 clozapine, 432-433 olanzapine, 435 quétiapine, 435 spectre, 430f ziprasidone, 436 des benzodiazépines, 315, 320, 321f de la clozapine, 432-433 des inhibiteurs doubles de la recapture de la sérotonine et de la dopamine, 247, 248f des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline, 240 des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, 233 du lithium, 266-267 de la mirtazapine, 255f, 256f de l'olanzapine, 435 Éjaculation, psychopharmacologie de l', 542, 544f, 545, 545f Élagage de l'arbre dendritique, 30, 32f, 122, 127f, 128f Électroconvulsivothérapie, 293-294 Électroencéphalographie, dans les attaques de panique, 352 Élément activateur du gène, 21 Élément promoteur du gène, 21 Embrasement, voir Kindling Embryologie du cerveau, 24, 25f, 27 schizophrénie et, 380-385, 381f-385f développement de la synapse et, 111-112, 112f, 113f Émoussement affectif, dans la schizophrénie, 369 Endocannabinoïdes, 516-517, 517f Endorphines, 503-505, 503f, 504f, 521, 529f Énergie, régulation de l', noradrénaline et, 165f Enfant démence, 434 dépression, 153-154, 558 développement, vulnérabilité pour les maladies et, 108110, 110f phobie sociale, 359 psychose symptômes positifs, 369, 370f traitement, 444, 445f stades prodromiques de schizophrénie, 385, 386f symptômes agressifs, 372f, 373 trouble bipolaire, 154 trouble déficitaire de l'attention, voir Trouble déficitaire de l'attention troubles de l'humeur, 445 Enképhalines, 521, 529f Entité anatomique, concept du système nerveux en tant qu', 3-5, 5f, 7f Entité chimique, concept du système nerveux en tant qu', 5-6, 7f Environnement, facteurs de l', dans les maladies, 108f, 110, 110f Enzymes, dans la neurotransmission, 21, 42f inhibiteurs des, 70f-74f dans les maladies, 99-100
en tant que site d'action des médicaments, 69f-74f, 71-7 dans le système second messager, 54f, 56, 57f, 58f synthèse, 23 Épilepsie (crises d') excitotoxicité, 122 induites par la clozapine, 432, 433 induites par la cocaïne, 505 pathogenèse, 128 dans le sevrage des benzodiazépines, 527 Érection dysfonctionnement, 545-551 causes, 545-547, 548f, 549f définition, 545 épidémiologie, 545-546, 546f, 547f psychopharmacologie, 547-551, 549f-551f traitement, 541-542, 541f-545f, 545 psychopharmacologie, 541-542, 541f-545f, 545 Ergot de seigle, alcaloïdes de l', dans la maladie d'Alzheimer, 490 Érythème facial, dans la phobie sociale, 359 Érythromycine, en tant qu'inhibiteur de l'enzyme CYP450, 215f, 439, 443f État de stress post-traumatique, 110, 111f bases biologiques, 362 critères diagnostiques, 363t description clinique, 362, 363t traitement, 362-363, 364f Ethchlorvynol, dans l'insomnie, 332-333 Éthinamate, dans l'insomnie, 332-333 Euphorie, dans l'abus de drogue amphétamines, 509 benzodiazépines, 526, 527 cocaïne, 505 opiacés, 521 sédatifs-hypnotiques, 528 Éveil neuropharmacologie, 460, 461 dans la réponse sexuelle, 541, 541f, 542, 545, 545f, 552f Événements présynaptiques, dans la neurotransmission, 6, 9, 10f-12f Événements de vie, troubles psychiatriques et, 107-109, 108f-111f Excitation-sécrétion (couplage), 6 Excitotoxicité, 122, 123f-129f, 124, 126, 128, 130 antagonistes, 130 élagage des dendrites, 32f, 122, 127f, 128f événements cellulaires au cours de l', 394f-396f oestrogènes dans l', 562-563 progestérone, 554, 560f dans la schizophrénie, 386-387, 389, 392f-396f système glutamatergique et, 389, 392, 392f-396f Exposition, thérapie d', dans la phobie sociale, 361-362 Facteurs culturels, dans l'abus de substance, 500-501 Facteurs génétiques, 103, 106, 107f, 107, 108f, 109-110, 111f dans la maladie d'Alzheimer, 476-478, 477f, 478f dans l'obésité, 535 plasticité neuronale, 111, 112f dans la schizophrénie, 381-385, 384f-385f
Index Facteurs neurotrophiques en cours de développement, 25, 27-29, 27t, 28f, 31-32 dans la maladie d'Alzheimer, 496 oestrogènes en tant que, 551-556, 553f560f dans la pathogenèse des maladies, 117-120, 118f-120f' supplémentation, 117-120, 118f-120f Facteurs trophiques, voir Facteurs neurotrophiques Fanansérine, 456 Fatigue, inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline, 238-240 Fente synaptique, 4f Fer, de la guanyl cyclase, liaison du monoxyde de carbone, 542, 543E Flashback, dans l'abus d'hallucinogènes, 514 Flésinoxan, dans la dépression, 265 Flibansérine, dans la dépression, 262 Flumazénil en tant qu'antagoniste des benzodiazépines, 321, 322f, 323f attaques de panique induites par le, 350 Fluoxétine comme coupe-faim, 534 dans la dépression action, 51f, 53f, 222, 235f en association médicamenteuse, 293f interactions avec l'enzyme CYP450, 217t interactions médicamenteuses, 210-211, 215f interactions avec l'enzyme CYP450, 217t, 442f, 443f dans la phobie sociale, 360 dans le trouble panique, 352 Fluparoxan, dans la dépression, 254 Flurazépam, dans l'insomnie, 330 Fluvoxamine dans la dépression, action, 222, 237f interactions avec l'enzyme CYP450, 217t, 438, 439, 439f, 443f interactions médicamenteuses, 208-210, 209f, 210f, 215f dans la phobie sociale, 360 dans le trouble panique, 352 Foetus blessure du, dans la schizophrénie, 380-385, 381f-385f développement synaptique, 111-112, 112f, 113f neurodéveloppement, 24, 25f, 27 Fonction exécutive, dégradation de la, dans la schizophrénie, 370 Fonction sexuelle hormones, voir CEstrogènes ; Testostérone régulation de la, sérotonine dans la, 178, 184f réponse sexuelle, 540-542, 540f-545f, 545 Fonction vésicale, régulation de la, noradrénaline dans la, 162, 167f, 240 Fos, gène et protéine, 41, 45f, 60f, 61-62, 61f-64f Fréquence cardiaque, régulation de la, noradrénaline dans la, 162, 166f, 240 G, protéines, voir Protéines G GABA, voir Acide gamma-aminobutyrique Gabapentine dans la dépression, 270, 270f dans le trouble bipolaire, 281f, 282
585
Galactorrhée, induite par les antipsychotiques, 406, 407f Galanine, obésité et dysfonctionnement du récepteur de la, 536-537 Galanthamine, dans la maladie d'Alzheimer, 483, 483f, 484f Ganglions de la base action de la sérotonine, 178, 182f, 233 projections dopaminergiques, voir Voie dopaminergique nigrostriée troubles des, trouble obsessionnel-compulsif dans les, 340 Gangliosides, dans la maladie d'Alzheimer, 496 Gène(s) activation, 15f, 22f-23f d'apparition tardive, 46f activation, 61-62, 61f-65f élément activateur, 21, 22f élément promoteur, 21, 22f éléments de réponse aux oestrogènes, 552-553, 553f-558f expression effets des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine sur l', 248-249, 249f-250f effets des neurotransmetteurs sur l', 21-24, 22f, 23f hypothèse de l', dans le dépression, 187-188, 188f, 189f, 203-204, 205f, 227 hétérogénéité, 106 multiples, dans la pathogenèse des maladies, 106 postsynap tiques, 14 pré-propeptide, 9, 11f préséniline, 478 présynap t igues, 14 produits du, types de, 47f région codante, 21, 22f région régulatrice, 21, 22f régulation, 56, 59f-65f, 61-62 réponse précoce, 41, 46f dans l'activation génique tardive, 61, 61f-63f Génétique complexe des maladies, approche, 103, 108f Gépirone dans l'anxiété, 306 dans la dépression, 264-265 Gingko biloba, dans la maladie d'Alzheimer, 490 Glie, action du glutamate et, 387, 388f, 389f Glutamate action, 6, 8f, 312 antagonistes dans la maladie d'Alzheimer, 492 dans les maladies dégénératives, 392, 397f, 398f dans la schizophrénie, 392, 394, 397f dans l'excitotoxicité, 389, 392, 392f-396f spectre, 393f récepteurs du, 387-389, 390f-393f, 515, 515f, 516f régulation, 130 anticonvulsivants, 268-271 défaut de la, dans la schizophrénie, 387-392, 388f-396f suppression, 387, 389f synthèse, 387, 388f dans la synthèse de l'acide gamma-aminobutyrique, 312, 312f dans la transmission excitatrice, 122, 123f-129f, 126, 130 transport, 387, 389f
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Index
Glutamine dans la synthèse du glutamate, 387, 388f synthétase, action de la, 388f Gluthétimide, dans l'insomnie, 333 Glycine, site modulateur, du récepteur du glutamate, 387 GM1 ganglioside, dans la maladie d'Alzheimer, 496 Grandeur, attitude de, dans la psychose, 367 Grossesse dépression, 564 taux d'cestrogènes, changements thymiques, 556-557, 561f, 562f, 564 Guanfacine, dans le trouble déficitaire de l'attention, 462, 466f Guanosine monophosphate cyclique dans l'érection, 547-548, 549f, 550f dans la synthèse du monoxyde d'azote, 542, 543f Guanylyl cyclase, dans la synthèse du monoxyde d'azote, 542, 543f Guérison de la dépression, 142, 192f, 143f Habiletés de coping, vulnérabilité vis-à-vis de la maladie et, 108-110, 109f Hallucinations auditives, dans la schizophrénie, 368, 375 induites par la cocaïne, 505 induites par la phencyclidine, 514 psychédéliques, 510 dans la psychose, 367 psychotisantes, 510 dans la schizophrénie, 368, 375, 376f visuelles, dans l'intoxication par les hallucinogènes, 510 Hallucinogènes, 510-515, 512£-516f Halopéridol description, 413-414, 413f efficacité, 430f structure, 413f en tant que thymorégulateur, 271 Héroïne, 521, 530f Hétérorécepteurs noradrénergiques, 172f, 176, 176f-178f postsynaptiques, alpha 1, action de la noradrénaline sur les, 251-252, 253f-254f, 257f présynaptiques, alpha 2, 251-253, 251f-255f, 257f Hippocampe dysfonctionnement dans la dépression, 187, 189£ état de stress post-traumatique, 362 dans le trouble panique, 352 effets trophiques des oestrogènes, 553-554, 559f-560f Histamine (récepteurs del') antagonistes de la sérotonine 2/inhibiteurs de la recapturc de la sérotonine, 258f, 261 blocage, obésité dans le, 529-530 effets des antagonistes alpha 2, 252, 255f-257f effets des antidépresseurs tricycliques, 222, 223f, 225f Hormones, voir aussi Œstrogènes ; Testostérone dans la maladie d'Alzheimer, 490-491 en tant que neurotransmetteurs, 19t dans la potentialisation des antidépresseurs, 275f, 279, 280f hormones thyroïdiennes, 272, 275f
Hostilité dans la psychose, 367 dans la schizophrénie, 372f, 373 5HT, voir Sérotonine Humeur • changements d', en fonction du taux en oestrogènes, voir OEstrogènes, changements thymiques régulation de l' noradrénaline, 165f sé:otonine, 178, 182f troubles de l', voir Trouble bipolaire ; Dépression ; Manie aggravation menstruelle, 560 Huntington (maladie d') dégénérescence neuronale, 130 démence dans la, 479 Hydergine, dans la maladie d'Alzheimer, 490 Hydrate de chloral, dans l'insomnie, 333 Hydrocéphalie Ipression normale, démence dans P, 47à Hydrocodone, 530f 5 -Hydroxytryptamine, voir Sérotonine 5-Hydroxytryptophane, dans la synthèse de la sérotonine, 164, 170f Hyperactivité, dans la trouble déficitaire de l'attention, 462-466, 466f Hypericum, dans la dépression, 266 Hyperprolactinémie dans l'hypofonctionnement de la voie dopaminergique tubéroinfundibulaire, 375f, 378, 379f, 380 induite par les antipsychotiques, 406, 407f, 422, 427 f429f Hypersensibilisation des récepteurs, 65, 67f, 68f, 69 Hypersensibilité vis-à-vis des produits de la respiration, dans le trouble panique, 350 Hypertension, induite par les inhibiteurs de la monoamine oxydase, 214-215, 217, 220f Hyperventilation, attaques de panique et, 350 Hypomanie, 136, 145f lithium dans l', 266-267 Hypophyse, projections dopaminergiques, voir Voie dopaminergique tubéro-infundibulaire Hypotension induite par les antidépresseurs tricycliques, 226f induite par les antipsychotiques, 412f Hypothalamus action de la sérotonine, 178, 183f, 233 effets trophiques des oestrogènes, 553-554, 559f, 560f hormones de l', en tant que neurotransmetteurs, 19t neurokinines, 191f projections dopaminergiques issues de l', voir Voie dopaminergique tubéro-infunclibulaire Hypothèse monoaminergique, de la dépression, 154-185: antidépresseurs classiques, 179-180, 185 déficit en récepteurs, 185-186, 185f, 186f expression génique, 187-188, 188f, 189f, 203-204, 205f, 227 inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, 227 neurones dopaminergiques, 163-164, 167f-169f noradrénergiques, 157-162, 158f-164f, 164t sérotoninergiques, 163, 170f-184f, 172-173, 176, 178, • 178t, 185t vue d'ensemble, 154, 155f, 156f, 157
Index
Hypothèse respiratoire du trouble panique, 350-352 Hypothèses neurodéveloppementale et neurodégénérative combinées de la schizophrénie, 397, 399f Hypothyroïdie, traitement dans la dépression, 272 Idazoxan, dans la dépression, 254 Ilopéridone, 455 IMAO, voir Monoamine oxydase, inhibiteurs de la Imipramine, dans la dépression, 208, 208f Immunedéficience humaine (infection par le virus de démence dans 1', 479 Impatiences, induites par les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, 233 Impuissance (dysfonctionnement érectile), 545-551, 546f-552f Impulsivité, 462-466, 466f dans la schizophrénie, 373, 448, 449f Inattention, voir Trouble déficitaire de l'attention Information, altération du traitement de l', dans la schizophrénie, 370 Inhibiteurs de la recapture e n association médicamenteuse, 286, 288, 286f-290f, 292f-294f de la dopamine-noradrénaline, 241-242, 241f, 242f ex) association médicamenteuse, 275f, 286, 288, 286f-290f, 292f-294f de la noradrénaline, voir IRN Inhibiteurs réversibles de la monoamine oxydase, 215, 217, 221f dans le trouble panique, 354, 358 Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline, dans la dépression, 234-241 action, 234-235, 237f, 238f, 239-240 inhibiteurs doubles de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, 246-250, 246f-250f en association médicamenteuse, 286, 286f-287f, 288 effets indésirables, 240 efficacité, 239 indications, 238-239, 239t réponse, 236-237 Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine action double, 246-250, 246f-250f, 256-257, 258f-265f, 261-262 immédiate, 227-228, 229f médiation de l', 230-234, 232t, 233t en tant qu'anorexigènes, 534 dans l'anxiété, 302-303, 304f, 305-306, 307f dans la dépression, 222, 225-234 action, 226f-232f, 24G-250, 246f-250f, 256-257, 258f-265f, 261-262 en association médicamenteuse, 275f, 285f, 289f, 291f, 293f effets indésirables, 232-233 indications, 237 en tant qu'inhibiteurs du CYP450, 209-210, 212f, 213f interactions avec les antidépresseurs tricycliques, 209-210, 212f, 213f à libération prolongée, 234 liste, 222, 226t nouveaux, 234
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pharmacologie, 222, 225, 226f-232f, 227-230, 234, 235f-237f récepteurs, 230-234 réponses individuelles, 234, 235f-237f surdosage, 225 dysfonctionnement érectile dû aux, 550, 550f-552f dans l'état de stress post-traumatique, 362-363, 364f dans la phobie sociale, 360 dans le trouble obsessionnel-compulsif, 339, 341, 342f, 343-345, 344t dans le trouble panique, 352, 353 t, 355, 356f, 357 Inhibition suicide des enzymes, 73, 74f, 213 Insomnie, 324-333 anxiété avec, traitement, 279 classification, 325-326, 325t à court terme, 325 description clinique, 324-326, 325t diagnostic différentiel, 325 induite par les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, 233 à long terme, 326 primaire, 325 rebond, 331-332 secondaire, 325 dans le sevrage des benzodiazépines, 527 traitement, 326-333 antidépresseurs, 329t, 332 benzodiazépines, 329-332, 329t, 330f, 331f des conditions primaires, 325 durée, 326 hydrate de chloral, 332-333 hypnotiques non benzodiazépiniques d'action de courte durée, 326-329, 327f, 328f, 329t produits délivrés sans ordonnance, 325 substances anciennes, 332-333 transitoire, 325 Interactions médicamenteuses avec l'alimentation, 214-215, 217, 219f-221f antidépresseurs tricycliques, 209-210, 213f antipsychotiques et inhibiteurs du cytochrome P450, 437-440, 439f-443f benzodiazépines et antidépresseurs, 210-211, 214f inhibiteurs de la monoamine oxydase, 214-215 Intoxication alcool, 522, 524-525, 531f, 532f cocaïne, 505-506 définition, 501 hallucinogènes, 510-511, 514 opiacés, 521-522 phencyclidine, 514-515 Invaginations (membranaires), neurotransmetteurs provoquant des, 16f IRN (inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline), 241-242, 241f, 242f, 275f, 286, 288, 286f-290f, 292f, 293f dans la dépression, voir Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline IRND, voir Inhibiteurs de la recapture de la dopaminenoradrénaline Irritabilité, dans la psychose, 367 ISRN, voir Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline
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Index
ISRS, voir Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine fun, gène et protéine, 41, 45f, 61-62, 61f-63f KaYnate, récepteurs, 387, 390 Kétamine, abus de, 514 Kétoconazole, interactions de l'enzyme CYP450 avec le, 215f, 439, 4431 Kindling de la dépression, état ccstrogénique et, 562 des épisodes maniaques, 267 Lactate, hypersensibilité au, dans le trouble panique, 350 Lamotrigine en tant que thymorégulateur, 269-270, 270f dans le trouble bipolaire, 281f, 282 1-Amphétamine, dans le trouble déficitaire de l'attention, 462, 464f, 465f Lazaroïdes dans l'excitotoxicité, 130 dans les maladies dégénératives, 394 L-DOPA, dans la maladie de Parkinson, 130,132f Lécithine, dans la maladie d'Alzheimer, 489 Leptine, dysfonctionnement des récepteurs, dans l'obésité, 536-537 Leucine zippers, fonction, 41, 47f, 61-62, 60f-64f Lewy, démence à corps de, 479 Libido médicaments altérant la, 552f neurotransmission, 540-541, 540f, 545 Linkage, analyse, dans les maladies, 103 Lithium action, 266, 267f dans la potentialisation des antidépresseurs, 272, 275f dans le trouble bipolaire, 153, 280, 281f, 282 dans le trouble obsessionnel-compulsif, 342f Lobe temporal, dysfonctionnement du, attaques de panique dans le, 352 Locus coeruleus, neurones noradrénergiques dans le, 161-162, 164f, 239 effets antagonistes alpha 2, 251-252 effets des oestrogènes, 557f hyperactivité, 307, 308f, 309f Lorazépam, dans le trouble panique, 354-355 Loxapine, 425, 431f, 453, 454f LSD (acide d-lysergique diéthylemide), 511, 512f-513f Lysosomes, interactions des récepteurs avec les, 16f Magnésium, site modulateur, des récepteurs du glutamate, 387, 390f-391f Manie, voir aussi Trouble bipolaire critères diagnostiques, 139t dépression avec, 136 description, 136 excitotoxicité, 122, 393f pathogenèse, 128 traitement anticonvulsivants, 267-271, 268t, 269f-270f, 272f
antipsychotiques, 271, 444, 4451 benzodiazépines, 271 lithium, 266-267, 267f MAO, voir Monoamine oxydase Maprotiline, dans la dépression, 290f, 293f Marijuana, 515-518, 517f, 518f similitudes avec l'anandamide, 504, 5041, 516-517, 517f Mazapettine, 455 MDL-100907 (double antagoniste de la sérotonine 2/ inhibiteur de la recapture de la sérotonine), 262, 455 MDMA (3 ,4-méthylènedioxymétamphétamine), 511, 512f-513f, 513 Médicaments nootropes, dans la maladie d'Alzheimer, 491 Mélatonine, dans l'insomnie, 332 Mémoire effets des oestrogènes, 567 neuropharmacologie, 467-471 destruction et reprise de l'acétylcholine, 467-468, 469f récepteurs de l'acétylcholine, 468-469, 470f synthèse de l'acétylcholine, 467, 468 potentialisation à long terme, 387, 3901 troubles de la, voir aussi Alzheimer (maladie cl') dans la démence, 478-479 dans le dysfonctionnement cholinergique, 469-471, 471f-473f induits par la marijuana, 517-518 inhibiteur des cholinestérases, 479-488, 480f-489f légers, traitement, 491-492 après la ménopause, 567 oestrogènes, 553 stratégies de recherche, 492-497, 493f-495f thérapies d'efficacité non prouvée, 489-492 Ménopause perte de mémoire verbale après la, 567 taux d'oestrogènes dans la, modifications de l'hu et, 557, 558, 561f-563f, 562, 565-566 Menstruations, aggravation des troubles de l'hum cours des, 560 Méprobamate, dans l'anxiété, 324 Mescaline, 511, 512f-513f Mésoridazine, 452 Métamphétamine abus, 509, 510f-512f dans le trouble déficitaire de l'attention, 461 Méthadone, 522, 5301 3,4 -Méthylènedioxymétamphétamine, 511, 512f-513f, 513 Méthylphénidate en association médicamenteuse, 288f, 291f-293f dans la réponse sexuelle, 552f dans le trouble déficitaire de l'attention, 461-462, 462 Méthyprylon, dans l'insomnie, 333 Métrifonate, dans la maladie d'Alzheimer, 482-483, 482f, 484f, 485 Meynert, noyau basal de, neurones cholinergiques du, 470-471, 471f, 473f effets des oestrogènes, 558f Miansérine, dans la dépression, 253-254 Migration des neurones, 25f, 27-28 anormale, 111, 113f, 380, 381f, 382f
À
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Index
Neuroleptiques, voir aussi Antipsychotiques définition, 402 syndrome déficitaire induit par les, 404, 405f syndrome malin des, 408 Neurornodulateurs, description, 6, 8f Neurone(s) acide gamma-aminobutyrique, 311-312, 312f-313f apoptose, voir Apoptose des neurones arborisation, 25f, 30, 30f-32f câblage anormal, 112-113, 115f normal, 114f cholinergiques effets des oestrogènes, 558f localisation, 470-471, 471f, 173f synthèse de l'acétylcholine, 467, 468f communication entre les compensation de la dégénérescence, 119f normale, 118f dopaminergiques, 163, 167f-169f éléments de réponse aux oestrogènes, 552-553, 553f558f élimination compétitive, 25f, 29, 29f entité anatomique, 3-5, 5f, 7f excitotoxicité, voir Excitotoxicité hypotrophie, 116f membrane perméabilité, 42f, 43f, 46, 51f, voir aussi Canaux ioniques récepteurs, 36-37, 36f-38f, 40f, 41f, 43f migration, 25f, 27-28 anormale, 111, 113f, 380, 381f, 382f monoaminergiques, voir Neurones monoaminergiques ; types spécifiques myélinisation, 25f nécrose, 24, 26f, 117 nombre, 3 noradrénergiques, 157-162, 158f-164E, 164t dans le locus coeruleus, 239, 251-252 organisation des, pour la transmission de l'information synaptique, 1-2, 2f-4f plasticité, voir Plasticité des neurones postsynaptiques, 4f, 5f présynaptiques, 4f, 5f redondance, 24 sélection, 111, 112f défectueuse, 111, 112f sérotoninergiques, 163, 170f-184f, 172-173, 176, 178, 178t, 185t structure, 30f synapses, voir Synapses transplantation, 121f, 122 dans la maladie d'Alzheimer, 496 Neurones monoaminergiques dopaminergiques, 163-164, 167f-169f dysfonctionnement, dans le déficit en neurotransmetteurs, 155f effets des agonistes bêta, 263-265 état normal, 155f noradrénergiques, 157-162, 158f-164f, 164t dans le locus coeruleus, 239, 251-252, 307, 308f, 309f sérotoninergiques, 163, 170f-184f, 172-173, 176, 178, 178t, 185t
Neuropeptides destruction, 9, 12f dysfonctionnement des récepteurs dans les, dans l'obésité, 536-537 dans la maladie d'Alzheimer, 496 synthèse, 9, 12f Neurotensine, antagonistes de la, dans la schizophrénie, 456 Neurotransmetteurs, voir aussi Neurotransmission ; et les neurotransmetteurs spécifiques en tant qu'agonistes, 82-83, 83f-84f inverses, 83f, 84, 87f, 88f, 319-320, 320f, 321f partiels, 83f, 85-89, 89f-96f, 320-321, 321f en tant qu'antagonistes, 83, 85f, 86f, 88f, 90f classiques, 18 cotransmission, 20, 20t versus modulation allostérique, 96-97 déséquilibre, 130 liaison des, aux agonistes inverses, 83f, 84, 87f, 88f mobilisation, dans l'électroconvulsivothérapie, 288f, 294 monoamine, voir Dopamine ; Neurotransmetteurs monoaminergiques ; Noradrénaline multiples, 18-20, 19t, 20t, 78, 79f nombre, 18 d'origine naturelle, 18-19, 19t, 20t en tant qu'agonistes, 82-83 plaisir induit par les, 503-505, 503f, 504f recapture des, transport actif, 42f, 43f, 46-49, 51f-53 récepteurs des, hypothèse de la dépression, 185-186, 185f, 186f, 188f, 189f inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine 227 rétrogrades, monoxyde d'azote en tant que, 542 substitution des, dans la maladie de Parkinson, 130, 132f système de navettes, 52f types, 18-20, 19t, 20t, 154 Neurotransmetteurs monoaminergiques, voir aussi Dopamine ; Noradrénaline recapture, 9, 11f stockage, 9 synthèse, 9, 10f Neurotransmission, voir aussi Neurotransmetteurs ; et les neurotransmetteurs spécifiques absence, 130, 131f, 132f J amplification, 78 anormale, dans les maladies, 99-133 dans l'absence de neurotransmission, 130, 131f, 132f dégénératives, 114, 116f, 117-120, 118f-121f du deieloppement, 111-113, 112f-116f dans l'équilibre entre neurotransmetteurs, 130 enzymes, 99-100 études neurobiologiques, 100-101, 101t études de psychiatrie biologique, 101-103, 102t études de psychopharmacologie, 104-105, 105t événements de vie, 107-108, 108f-111f par excès d'excitation, 122, 123f-129f, 124, 126, 121, 130 facteurs génétiques, 103, 106, 107f récepteurs, 99-100 supplémentation en facteurs neurotrophiques, 117-120, 118f-120f
Neurotransmission (suite) biologie moléculaire, 21-24, 22f, 23f but, 14, 18 canaux ioniques, voir ce terme dimensions, 2-6 spatiale, 3-6, 5f, 7f temporelle, 6, 8f, 17f événements postsynaptiques, 9, 13-14, 13f, 15f-17f, 18 événements présynaptiques, 6, 9, 10f-12f lente (slo2v-onset), 6, 8f, 14 mauvais taux de, 130 modulation allostérique, 89-97 acide gamma-aminobutyrique, 312, 315f versus cotransmission, 96-97 négative, 94-96 positive, 92-94, 97f récepteurs du glutamate et, 387-388, 390f-391f, 515, 515f, 516f non synaptique (volume), 5-6, 7f plasticité, voir Plasticité des neurones premiers messagers, 13f, 14, 49, 54f, 69 rapide (fast-onset), 6, 8f, 14 récepteurs, voir Récepteur(s) régulation génique, 56, 59f-65f, 61-62 régulation ionique, 56, 57f, 58f dans la réponse sexuelle, 540-542, 540f-545f, 545 seconds messagers, voir ce terme synapses, voir ce terme transporteurs, 42f, 43f, 46, 51f travail d'équipe, 39-41, 41f, 42f, 44f-47f volume (non synaptique), 5-6, 7f Neurotransmission chimique, voir Neurotransmission ; Neurotransmetteurs ; et les neurotransmetteurs spécifiques Nicotine, 518-521, 519f, 520f, 523f-528f pi: mimant l'acétylcholine, 504, 504f récepteurs de la, 468-469, 470f, 518-519, 520f, 523f524f cible des médicaments, dans la maladie d'Alzheimer, 492-493,494f Nimodipine, dans la maladie d'Alzheimer, 490 N-Méthyl-d-aspartate (NMDA), récepteurs, 387-389, 390f-392f, 397f, 515, 515f, 516f action de l'alcool, 522, 524, 531f action de la phencyclidine, 515, 515f, 516f Noradrénaline accumulation, dans l'interaction tyratnine-inhibiteurs de la monoamine oxydase, 220£ d'action lente, 6, 8E déficit, 161-162, 164t versus déficit en sérotonine, 236-238 destruction, 157, 159f, 218f-220f -dopamine, inhibiteurs de la recapture, 241-242, 241f, 242f en association médicamenteuse, 275f, 286, 288, 286f-290f, 292f-294f effets antidépresseurs, 179-180, 185 excès symptômes, 308f, 310f dans le trouble panique, 348-349, 349f
Index
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inactivation, 157-158, 159f inhibiteurs antidépresseurs tricydiques en tant qu', 220 dans l'anxiété, 306-307, 308f-311f, 309, 311 libération effets antagonistes alpha 2 sur la, 251-254, 253f-257f avec la libération de sérotonine, antagonistes alpha 2 dans la, 251-254, 251f-257f normale, 155f neurones, 157-162, 158f-164f, 164t dans le locus coeruleus, 161, 164f, 239, 251-252, 307, 308f, 309f pompe de transport, 158, 159f, 160f recapture, 218f en association médicamenteuse, 286, 288, 286f-290f, 292f-294f effets du bupropion, 288f inhibiteurs, 241-242, 241f, 242f, 275f, 286, 288, 286f290f, 292f, 293£, voir aussi Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline inhibiteurs de la recapture de la noradrénaline et de la dopamine, 241-242, 241f, 242f avec l'inhibition de la sérotonine, 246-250 récepteurs, 158-161, 160f-163f, 172f, 176, 176f-178f, 239, 240 dans l'action des antidépresseurs tricydiques, 222, 223f, 224f dans la régulation de l'attention, 165f, 460, 461f dans la régulation de la sérotonine, 172f, 176, 177f-179f, 178, 178t, 182f-184f dans la réponse sexuelle, 542, 545f synergie avec la sérotonine, 248-249, 249f-250f synthèse, 157, 158f Norfluoxétine, interactions avec l'enzyme CYP450, 439 Nortriptyline dans la dépression, 290f, 293f, 295 dans le trouble panique, 353-354 NOS (nitric oxide synthetase), voir Monoxyde d'azote synthétase Noyau accumbens, projections dopaminergiques, dans la schizophrénie, 374, 375f, 376f Noyau basal de Meynert, neurones du cholinergiques, 470-471, 471f, 473f effets des oestrogènes, 558f Noyau du raphé, 232 neurones sérotoninergiques, 176, 178, 179f, 182f-184f Nystagmus, dans l'intoxication par la phencyclidine, 514 Obésité, 528-530, 534-537 blocage des récepteurs et dysfonctionnement bêta 3 adrénergique, 534-535 histamine 1, 529-530 leptine, 534-535 neuropeptide, 534-535 sérotonine, 530, 534 dysfonctionnement érectile, 547 facteurs génétiques, 535 induite par les antipsychotiques, 529, 536t Obsessions, 336, 337t, 338t régulation des, sérotonine dans la, 178, 182f
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Index
OEstrogènes antagonistes des récepteurs des, réponse psychologique aux, 554-556 changements thymiques, 556-558, 560, 561f-564f, 562-567, 566f pendant l'âge de procréation, 556, 558, 560, 561f, 562-564, 562f pendant l'allaitement, 564-565 dépression, 557-558, 560, 561f-564f, 562-567, 566f pendant la grossesse, 556-557, 561f, 562f, 564 pendant la ménopause, 557, 558, 561f-563f, 562, 565566 postpartum, 557, 561f, 562, 562f au cours de la puberté, 556, 558, 561f, 562f, 563 syndrome prémenstruel et, 560 vue d'ensemble, 556-557, 561f éléments de réponse aux, dans le cerveau, 552-553, 553f-558f en tant que facteur neurotrophique cérébral, 551-556, 553f-560f dans la maladie d'Alzheimer, 492, 553, 558f, 567 dans la potentialisation des antidépresseurs, 275f, 279, 280f récepteurs des, dans le cerveau, 551-553, 553f-558f substitution, 557, 561f amélioration de la mémoire verbale, 567 dans la dépression, 565-567, 564f, 566f incidence de la maladie d'Alzheimer et, 567 Olanzapine, 431f, 434-435, 436f efficacité, 430f métabolisme, 437-438, 439f-442f dans la schizophrénie, 447, 448f en tant que thymorégulateur, 271 Ondine (malédiction d'), versus trouble panique, 350-352 OPC14523 (antagoniste sigma), dans la schizophrénie, 456 Opiacés abus, 521-522, 529f, 530f d'origine naturelle, 19t, 503-505, 504f, 521, 529f Ordonnance, produits délivrés sans, dans l'insomnie, 332 Organes génitaux externes, effets des neurotransmetteurs sur les, dans la réponse sexuelle, 541-542, 541f-545f, 545 Orgasme, psychopharmacologie de l', 542, 544f, 545, . 545f, 552f Oxycodone, 530f Oxyde nitreux, versus monoxyde d'azote, 542 Oxyde nitrique, voir Monoxyde d'azote Panique excitotoxicité, 122 régulation, sérotonine dans la, 178, 183f Panique (attaques de) attendues versus inattendues, 346-347 description clinique, 346, 346t durée, 346 dans l'état de stress post-traumatique, 362 événements déclenchants, 346-347
dans l'excès en noradrénaline, 348-349, 349f hypothèse respiratoire, 350-352 induites par les cholécystokinines, 350 induites par la cocaïne, 505 induites par le fluniazénil, 350 induites par les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, 233 versus intoxication par les hallucinogènes, 511 neuroanatomie, 352 nocturnes, 346 pathogenèse, 125f, 126f, 128 dans le sevrage des benzodiazépines, 526 versus trouble panique, 346-347, 346t dans les troubles phobiques, 358-359 versus troubles phobiques, 359 Panique (trouble), 346-358 agoraphobie, 358 anxiété subsyndromique précurseur du, 302f, 303f versus attaques de panique, 346-347, 346t bases biologiques, 348-352 dysrégulation des neurotransmetteurs, 348-350, 349f, 351f hypothèse respiratoire, 350-352 critères diagnostiques, 348t description clinique, 346-348, 346t-348t épidémiologie, 347 excitotoxicité du glutamate, 393f neuroanatomie, 352 pathogenèse, excitotoxicité dans la, 126 taux de suicide, 347 traitement, 352-358 agonistes partiels des benzodiazépines, 358 antidépresseurs, 357 antidépresseurs tricydiques, 353-354, 356f association, 355, 356f, 357 benzodiazépines, 354-355, 356f inhibiteurs de la monoamine oxydase, 354, 356f, 358 inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, 352, 353t, 355, 356f, 357 nouveaux, 353, 357-358 options, 353f, 356f rechute après, 357 thérapie cognitive, 355, 356f, 357 thérapie comportementale, 355, 357 versus troubles phobiques, 359 Paranoïa induite par la cocaïne, 505 dans l'intoxication par la phencyclidine, 514 Parkinson (maladie,s1e) dans le déficit en dopamine, 377 dégénérescence neuronale, 124, 126, 129f, 130, 13 démence, 479 induite par les drogues, 404, 405f inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, traitement antipsychotiques, 444, 445f chélateurs des radicaux libres, 394 transplantation neuronale, 121f, 122 Parole (troubles de la) dans la psychose, 367-368 dans la schizophrénie, 368-370
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Paroxétine "0 dans la dépression action, 222, 236f en association médicamenteuse, 293f interactions avec l'enzyme CYP450, 217t interactions avec l'enzyme CYP450, 217t, 442f dans la phobie sociale, 360 dans le trouble panique, 352 Patch transderrnique, pour le sevrage de la nicotine, 519 PCP, voir Phencyclidine Pémoline, dans le trouble déficitaire de l'attention, 461 Pénis (érection), voir aussi Érection dysfonctionnelle, 545-551, 546f-552f psychopharmacologie, 541-542, 541f-545f, 545 Pensée, trouble du cours de la, dans la schizophrénie, 370, 375 Pentoxyfylline, dans la maladie d'Alzheimer, 490 Peptidase catabolique, 9, 12f Peptidase signal, dans la synthèse de la substance P, 193, 193f Peptides, voir aussi Neuropeptides en tant que neurotransmetteurs, 19t, 20, 20t Perceptine, dans le trouble déficitaire de l'attention, 467 Perception, distorsion de, dans la psychose, 366-367 Persécution, délire de, dans la schizophrénie, 368 Personnalité, vulnérabilité vis-à-vis de la maladie et, 108-110, 109f Perturbations motrices dans la psychose, 367 dans la schizophrénie, 375f, 377-378, 379f 111 dans le trouble déficitaire de l'attention, 462-466, 466f Peur, voir Troubles phobiques Pharmacocinétique des antidépresseurs, voir Antidépresseurs, pharmacocinétique Pharmacogénétique, 105 Phencyclidine (PCP), 514-515, 514f-516f site modulateur de la, du récepteur du glutamate, 388, 390f-391f, 515, 515f, 516f hénomène du « naufrage », dans le traitement de la dépression, 150-151 itenothiazines structure, 223f en tant que thymorégulateurs, 271 hentermine, dans la dépression, en association médicamenteuse, 291f-293f . hénylpipérazines, en tant qu'antagonistes de la sérotonine 2/inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, 256-257, 258f-265f, 261-262 hobie sociale bases biologiques, 359 critères diagnostiques, 360t description clinique, 359 traitement, 360-362, 361f I Phobies simples (ou spécifiques), description clinique, 358-359 Phosphatidyl-choline (lécithine), dans la maladie d'Alzheimer, 489 Phosphatidyl-inositol, en tant que second messager, 14 Phosphodiestérases, dans la désactivation de la guanosine monophosphate, 542, 544f, 547, 549f i awsphoryIation, dans l'activation génique, 59f
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Physostigmine, dans la maladie d'Alzheimer, 483, 483f, 484f Pick (maladie de), démence dans la, 479 Picrotoxine, récepteur, 313, 316f Pindolol, dans la potentialisation des antidépresseurs, 278-279 Piracétam, dans la maladie d'Alzheimer, 491 Plaisir absence de, dans la schizophrénie, 369 centre du, voie dopaminergique mésolimbique en tant que, 503-505, 503f, 504f en fumant, 519, 520f, 523f Plantes, antidépresseurs, 266 Plaques séniles, dans la maladie d'Alzheimer, 472, 474f, 476f Plasticité des neurones, 24-32, 25f, 26f, 27t, 28f-32f, 111-122 dans les maladies dégénératives, 114, 116f, 117-120, 118f-121f du développement, 111-113, 112f-116f médicaments basés sur la, 113 Poids, prise de, induite par les médicaments, voir aussi Obésité antidépresseurs tricycliques, 225f antihistaminiques, 529-530 antipsychotiques, 411f, 412f, 529, 536t clozapine, 433 mirtazapine, 255f, 256f rispéridone, 434 Polyamines, site modulateur des, du récepteur du glutamate, 387, 390f-391f Polymédication dans l'association anxiété/insomnie, 279 dans la dépression, 271-293 antidépresseurs tricycliques, 279 approche rationnelle, 283-293, 284f-294f buspirone, 273-274, 276f-278f, 278 diagnostiquer la résistance au traitement, 283 héroïque (augmentation sérotoninergique et noradrénergique), 288, 289f-294f, 290-294 hormones, 275f, 279, 280f hormones thyroïdiennes, 272 inhibiteurs de la monoamine oxydase, 279 oestrogènes, 275f, 279, 280f pindolol, 278-279 principes, 283-285, 285f-294f produits, 271, 273f, 274f produits potentialisateurs, 271-274, 273f-278f, 278-279, 284f synergie dans le système noradrénergique, 286, 288, 286f-287f synergie dans le système sérotoninergique, 285-286, 285f thymorégulateurs, 272 vue d'ensemble, 275f intramoléculaire antagonistes de la sérotonine 2/inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, 256-257, 258f-265f, 260 inhibiteurs doubles de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, 247, 248f dans la psychose, 430-431, 430f, 449, 450f-452f, 457-458
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Polymédication (suite) dans la schizophrénie, 449, 450f-452f, 451-452, 457-458 dans le trouble bipolaire, 281f, 282 Portion extracellulaire du récepteur, 36-37, 36f-38f Portion intracellulaire du récepteur, 36, 36f-38f, 39 Portion transmembranaire du récepteur, 36-37, 36f-38f, 39, 40f, 41f Postpartum, dépression du, 561f, 562, 562f, 563f Potentialisation, à long terme, dans la mémoire, 387, 390f Pramipexole, dans la dépression, 287f, 288, 288f, 291f293f Préménopause, taux d 'cestrogènes, changements thymiques, 557, 558, 561f-563f, 562, 565-566 Premier messager, dans la neurotransmission, 13f, 14, 49, 54f, 69 Pré-propeptides, 9, 11f des neurokinines, 191, 192f-195f, 193 Préséniline, mutations géniques, dans la maladie d'Alzheimer, 478 Pression artérielle, régulation de la, noradrénaline dans la, 166f, 240 Priapisme, 549-550 induit par la trazodone, 261 Prodynorphine, 521, 529f Proenképhaline, 521, 529f Progestatifs, dépression due aux, 562 Progestérone dans la formation des épines dendritiques, 553-554, 559f, 560f récepteurs de la, dans le cerveau, 441 substitution, 565-567, 566f Prolactine excès dans les défauts de la voie dopaminergique tubéroinfundibulaire, 375f, 378, 379f, 380 induit par les antipsychotiques, 406, 407f, 422, 427f-429f réponse sexuelle, 541 Promnésiants, produits, voir Psychostimulants, dans les troubles de la mémoire Pro-opiornélanocortine, 521, 529f Propeptides, 9, 11f des neurokinines, 191, 192f-195f, 193 Prostaglandines, dans le dysfonctionnement érectile, 548-550, 552f Protachykinine A, 191, 192f Protéase, inhibiteurs de la, interactions avec l'enzyme CYP450, 215f, 439, 443f Protéine précurseur de l'amyloïde anormale, dans la maladie d'Alzheimer, 473-475, 475f, 476£, 478, 493-494, 495f Protéine(s) kinase(s) A dans l'action double antagoniste de la sérotonine 2/inhibitrice de la recapture de la sérotonine, 262f-263f dans l'action des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, 249f-250f activation, 56, 59f, 61, 64f génique, 22f, 56, 59f, 61 C
dans l'action double antagoniste de la sérotonine 2/inhibitrice de la recapture de la sérotonine, 265f
dans l'action des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, 250f dans la neurotransmission, 42f Protéines G dans l'action double des antagonistes sérotoninergiques 2A/inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, 262f-263f, 265f dans l'action des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, 249f-250f dans l'action du lithium, 266, 267f augmentation, antidépresseurs dans l', 264 dans la neurotransmission, 49, 53, 54f, 55f, 56 superfamille des, 78-79, 80f Protriptyline, dans la dépression, 290f, 293f Pseudo-cholinestérase (butyrylcholinestérase), dans la destruction de l'acétylcholine, 467-468, 469f Pseudo-démence, dans la dépression, 479 Pseudo-monoamine, hypothèse de la, dans la dépression, 187-188, 188f, 189f Psilocybine, 511, 512f-513f Psychiatrie biologique, 101-103, 102t Psychochirurgie, dans le trouble obsessionnel-compulsif, 345 Psychopharmacologie définition, 100 discipline, 104-105, 104t Psychose, voir aussi Schizophrénie définition, 365-366 dépressive, 367-368, 444, 445f description clinique, 366-368, 366t, 367t désorganisée et agitée (excitée), 367 excitotoxicité, 122, 126 idées fausses, 366 induite par la cocaïne, 506, 508f induite par la marijuana, 517-518 dans l'intoxication par la PCP, 515, 516f paranoïde, 367, 506, 508f dans l'utilisation de cocaïne, 506, 508f pathogenèse, 128 traitement, 444, 445f, voir aussi Antipsychoti ques troubles caractérisant la, 366-367, 366t, 367t versus schizophrénie, 368 versus « voyage » sous hallucinogènes, 510, 511 Psychostimulants dans la psychose, 446-447, 447f dans le trouble déficitaire de l'attention, 460-467 agonistes alpha 2, 462, 466f antipsychotiques, 466-467 critères diagnostiques, 460-461, 461f hyperactivité, £62-466, 466f impulsivité, 462-466-, 466f neuropharmacologie, 460 461f nouveaux, 466-467 stimulants, 461-462, 462f-465f thymorégulateurs, 466-467 dans les troubles de la mémoire, 467-497 efficacité non démontrée, 489-492 inhibiteurs de la cholinestérase, 479-488, 480f-489f neuropharmacologie, 467-471, 468f-473f neurotransmission cholinergique et, 471-479, 474f-478f recherches, 492-497, 493f-495f
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Psychothérapie, 294-295 de la phobie sociale, 361-362 Puberté, taux d'oestrogènes, changements thymiques, 556, 558, 561f, 562f, 563 Pupilles, dilatation des, dans l'anxiété, 308£, 310f Quétiapine, 431f, 435, 437f efficacité, 430f métabolisme, 439-440, 442f, 443f dans la schizophrénie, 447, 448f en tant que thymorégulateur, 271 Radicaux libres chélateurs des, 130 dans les maladies dégénératives, 392, 397f, 398f dans l'excitotoxicité, 122, 130, 392, 395f, 396f Ralentissement psychomoteur induite par les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, 233 inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline, 239, 240 dans la psychose, 367-368 Rebond d'insomnie, 331-332 dans l'utilisation d'un médicament, 500t, 501 versus rechute, 500t, 502-503 Réboxétine dans la dépression action, 234-235, 237£ 238f, 239-240 en association médicamenteuse, 286, 287f, 290f, 293f effets indésirables, 240 efficacité, 239 indications, 238-239, 239t inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, 250 interactions avec l'enzyme CYP450, 217t réponse, 236-237 dans le trouble déficitaire de l'attention, 467 dans le trouble panique, 353 Recapture action des antidépresseurs tricycliques, 219, 224f blocage de la, 201, 203f, 204f de la dopamine, voir Dopamine, recapture de la monoamine, 9, llf transport actif, 42f, 43f, 46-49, 51f-53f noradrénaline, voir Noradrénaline, recapture ; Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline sérotonine, 219, 224f, voir aussi Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine Récepteur(s), 35-71, voir aussi Autorecepteurs ; Hétérorécepteurs de l'acétylcholine, 468-469, 470f acide alpha-amino-3-hydroxy-5-méthy1-4-isoxazolepropionique (AMPA), 387, 390f acide gamma-aminobutyrique (GAGA), 312-313, 314f316f action de l'alcool, 522, 524, 531f, 532f effets des agonisses et antagonistes, 319-322, 320f-323f
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modulation allostérique du récepteur des benzodiazépines, 316-317, 318f, 319, 319f, 526, 533f-535f, 526,533f action des médicaments, 65, 66f-68f, 69, 71 adrénergiques alpha, 222, 223f, 226f alpha 1, antipsychotiques dans le blocage des, 409, 409f, 411 bêta 3, 534-536 obésité et blocage des, 534-536 alcool, 313, 316f alpha dans l'action des antidépresseurs tricycliques, 222, 223f, 226f rnonoaminergiques, 158-160, 160f-163f, 162, 165f, 176, 176f-178f androgènes, 441 barbituriques, 313, 316f benzodiazépines, 312-317, 318f-323f, 319-322 adaptation, dans l'utilisation chronique, 526, 534f excès, dans le trouble panique, 350, 351f bêta monoaminergiques, 158-159, 160f, 165f cannabinoïdes, 516-517 antagonistes, 456 cholécystokinine, 350 cholinergiques, cible des médicaments, dans la maladie d'Alzheimer, 492-493, 493f, 494f définition, 78 désensibilisation, 65, 66f, 68f dopamine, 163, 169f abus de substances, 504-505, 504f blocage, antipsychotiques, 402-407, 403f, 404t, 405f407f à douze domaines transmembranaires, 39, 41f, 44f down regulation (désensibilisation), 65, 66f, 68f fonction, 14 dans les maladies, 99-100 travail d'équipe, 39-41, 41f, 42f, 44f-47f dans la fonction du canai ionique, 44, 50f galanine, 536-537 glutamate, 387-389, 390f-393f, 515, 515f, 516f métabotropiques, 387, 390f histamine, voir Histamine (récepteurs de l') hypersensibilisation, 65, 67f, 68f, 69 interactions du second messager, voir Seconds messagers kaïnate, 387, 390f leptine, 536-537 modulation allostérique, 89-97 versus cotransmission, 96-97 négative, 94-96 positive, 92-94, 97f multiples sous-types, 78-81, 79f-82f muscariniques, voir Récepteurs cholinergiques muscariniques neurokinine 1, substance P et, 188, 190-191, 192f-196f, 193-194 neurokinine 2, neurokinine A et, 192f, 194-195, 195f, 196f neuropeptide, 536-537 neurotransmetteurs des monoamines, 9, 11f neurotransmetteurs, perturbations des, dépression dans la, 187-188, 188f, 189f
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Récepteur(s) (suite) nicotiniques, 468-469, 470t, 518-519, 520f, 523f-524f cible des médicaments, 492-493,494f N-méthyl-d-aspartate, 387-389, 390f-392f, 397f, 515, 515f, 516f action de l'alcool, 522, 524, 531f action de la phencyclidine, 515, 515f, 516f noradrénaline, voir Noradrénaline, récepteurs oestrogènes cérébraux, 551-553, 553f-558f opiacés, 521-522, 529f, 530f organisation, 36-39, 36f-38f, 40f, 41f, 43f orphelins, 24 picrotoxine, 313, 316f portion extracellulaire, 36-37, 36f-38f portion intracellulaire, 36, 36f-38f, 39 portion transmembranaire, 36-37, 36f-38f, 39, 40f, 41f primaires, 90-91 progestérone, 441 protéine G, voir Protéines G à quatre domaines transmembranaires, 39, 40f, 44f, 79 superfamilles définies sur, 79-81, 81f, 82f dans la régulation génique, 56, 59f-65f, 61-62 dans la régulation ionique, 56, 57f, 58f secondaires, 90-91 sélectivité, 78 à sept domaines transmembranaires, 36f-38f, 39, 40f, 44f, 79-80, 80f sérotonine, voir Sérotonine, récepteurs sigma, antagonistes, 456 sous-typage pharmacologique, 78, 79f superfamilles, 39, 78-81, 80f-82f synthèse, 14, 16E, 23 régulation, 65, 66f-68f, 69 terminaux présynaptiques, noradrénaline, 160, 163f transporteurs en tant que, 42f, 43f, 46, 51f up regulation (hypersensibilisation), 65, 67f, 68f, 69 vue du dessus, 38f zaléplon, 313 zolpidem, 313 zopiclone, 313 Récepteurs cholinergiques muscariniques, 468-469, 470f dans l'action des antidépresseurs tricycliques, 222, 223f, 225f dans l'action des inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline, 240 blocage, antipsychotiques dans le, 408-409, 409f-411f Rechute dans la dépression, 142, 144f, 148, 149f clans la schizophrénie, 408 dans le trouble panique, 357 dans l'usage et l'abus de drogue, 500t, 502-503 Récompense terminologie, 500-501, 500t voie dopaminergique mésolimbique, 503-505, 503f, 504f effets de l'alcool, 524 effets de la cocaïne, 506,509 effets de la nicotine, 518-519, 520f Récurrence de la dépression, 142, 144f, 144t, 150, 150t Région codante d'un gène, 21, 22f régulatrice du gène, 21, 22f
Rémission, dans la dépression, 142, 142f, 143f, 147-148, 148t, 151-152, 151t partielle, 151, 151t Renforcement dans l'abus de substances, 500-501, 500t voie dopaminergique mésolimbique, 503-505, 503f, 504f Répondeurs anxieux, dans le traitement de la dépressin anxieuse, 298-299, 30If-303f Réponse sexuelle action du monoxyde d'azote, 541-542, 543f, 544f effets des médicaments, 550-551, 552f éveil sexuel, 541, 541f, 542, 545, 545f, 552f libido, 540-541, 540f, 552f orgasme, 542, 544f, 545, 545f, 552f vue d'ensemble, 542, 545, 545f Réponse au traitement de la dépression, 142, 143f, 144-145, 147-148, 147f-149f, 148t, 149t, 151-152 dans la maladie d'Alzheimer, 486-487, 487f-489f Rétention urinaire, noradrénaline dans la, 162, 167f, 240 RIMA (reversible monoamine oxidase inhibitors), 215, 217, 221f dans le trouble panique, 354, 358 Rispéridone, 425, 433-434, 433f, 434f efficacité, 430f métabolisme, 438-439, 441f, 442f dans la schizophrénie, 447, 448f • en tant que thymorégulateur, 271 Ritansérine, 455 Rivastigrnine, dans la maladie d'Alzheimer, 481-482, 482f, 484f, 485 Rolipram, dans la dépression, 264 SARI (serotorain 2 antagonists/serotonin reuptake inhibitors), dans la dépression, 256-257, 258f-265f, 261-262, 275f, voir aussi Antagonistes sérotoninergiques 2/inhibiteurs de la recapture de la sérotonine Schizophrénie, 368-398 asymptomatique, 385, 386f définition, 368 dégénérescence neuronale, 117, 124, 126, 129f épidémiologie, 368 état cestrogénique, 562 état prodromique, 385, 386f exacerbation, 385, 386f facteurs génétiques, 106, 381-385, 384f-385f déficit en neurotransmission glutamatergique, 387392, 388f-396f excitotoxicité, 386-387 hypothèse combinée neurôdéveloppementale/neurodégénérative, 397, 399f hypothèse dopaminergique, 374-380, 375f voie dopaminergique mésocorticale, 374-377, 375f, 378f, 404, 405f voie dopaminergique mésolimbique, 374, 375f, 376f, 402, 403f, 404, 407 voie dopaminergique nigrostriée, 375f, 377-378, 379f, 404, 405f, 406, 406f, 407 voie dopaminergique tubéro-infundibulaire, 375f, 378, 379f, 380
Index
Schizophrénie (suite) hypothèse neurodéveloppementale, 380-385, 381f-385f versus intoxication par la cocaïne, 506, 508f phases, 385, 386f prédisposition, 111f versus psychose, 111f rechute, 408 symptômes, 368-374, 369f agressifs et hostiles, 372f, 373, 448, 449f cognitifs, 370, 371f, 374-377, 375f, 377f, 378f, 446-447, 447f dépressifs et anxieux, 372f, 373-374 négatifs, 396-370, 371f, 373t, 379-377, 375f, 377f, 378f, 447-448, 948f positifs, 368-369, 369f, 373 t, 374, 376f, 494, 445f versus syndrome déficitaire induit par les neuroleptiques, 404, 405f traitement, voir aussi Antipsychotiques clozapine, 432-433 futur, 457-458 inhibiteurs de la dégénérescence, 392, 397f, 398f olanzapine, 435, 447, 448f polymédication, 449, 450f-452f, 451-452, 957-458 présymptomatique, 394, 397 produits nouveaux, 955-956, 456-457 psychostimulants, 446-447, 447f quétiapine, 435, 447, 448f rispéridone, 433-434, 433f, 434f, 447, 448f sertindole, 455 symptômes agressifs, 448, 449f symptômes hostiles, 448, 449f symptômes positifs, 494, 445f thymorégulateurs, 444-446, 496f ziprasidone, 436, 447, 448f Sclérose latérale arnyotrophique, dégénérescence neuronale dans la, 124, 126, 129f, 130 Scopolamine, dans l'insomnie, 332 Sécheresse buccale, induite par les médicaments antidépresseurs tricydiques, 225f antipsychotiques, 410f inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, 240 Seconds messagers, 13f, 14, 15f, 44f, 49, 53, 54f, 55f, 56 dans la régulation génique, 56, 59f-60f, 61, 69 ionique, 56, 57f, 58f synthèse, 55f, 57f dans la synthèse du monoxyde d'azote, 542, 543f Sédatifs-hypnotiques, dans l'insomnie, 326, 329t abus, 527-528, 536f antidépresseurs, 329t, 332 benzodiazépines, 329-332, 3291, 330f, 331f hydrate de chloral, 332-333 non benzodiazépiniques de courte durée d'action, 326329, 327f, 328f produits anciens, 332-333 délivrés sans ordonnance, 332 Sédation induite par la clozapine, 433 Sémaphorines, 28-29, 28f Sérotonine antagoniste alpha 2/inhibiteur de la recapture de la sérotonine, 256-257, 258f-265f, 261-262, 275f, 285286, 285f, 290f
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d'apparition lente, 6, 8f déficit, 178, 185t versus déficit en noradrénaline, 236-238 dans le trouble obsessionnel-compulsif, 338-340 destruction, 164, 171f effets des antidépresseurs sur la, 179-180, 185 inhibiteurs de la recapture, voir Inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine interactions de la dopamine avec la, voir Sérotoninedopamine, antagonistes libération effets des antagonistes alpha 2, 251-254, 252f-257f avec la libération de noradrénaline, antagonistes alpha 2, 251-254, 251f-257f au niveau des terminaisons axonales, 229, 229f, 231f mimant les hallucinogènes, 511, 513-514, 512f, 513f récepteurs, 164, 172-173, 172f-177f 2A, effets doubles antagoniste de la sérotonine 2/inhibiteur de la recapture de la sérotonine, 256-257, 258f-265f, 261-262 dans l'action des antidépresseurs tricydiques, 222, 223f, 224f action, dans les effets indésirables, 232-233 blocage, obésité dans le, 530, 534 hypersensibilisation, 227, 228f régulation noradrénaline dans la, 176, 177f-179f, 178, 178t, 182f184f oestrogènes dans la, 553, 556f dans la réponse sexuelle, 542, 545, 545f synergie avec la noradrénaline, 298-249, 249f-250f synthèse, 163-164, 170f transport, 169, 171f, 172f Sérotonine-dopamine, antagonistes, 262, 265, 414-424, 414f dans la dépression, 262, 265 nouveaux, 455-456 résumé, 423-424 dans le trouble bipolaire, 262 au niveau de la voie mésocorticale, 419, 421, 425f-427f au niveau de la voie mésolimbique, 423 au niveau de la voie nigrostriée, 415-418, 416f-424f au niveau de la voie tubéro-infundibulaire, 422, 427f-429f Sertindole, 453-455, 454f, 455f métabolisme, 439-440, 442f, 443f Sertraline dans la dépression action, 222, 236f, 265 interactions avec l'enzyme CYP450, 217t, 442f dans la phobie sociale, 360 dans le trouble panique, 352 Sevrage de médicament, 500t, 501-503 benzodiazépines, 331-332, 526-527 cocaïne, 509 nicotine, 519, 525f, 526f opiacés, 521-522 Sibutramine en tant qu'anorexigène, 534, 535 dans la dépression, 247 SIDA, démence dans le, 479 Sigma, antagonistes, dans la schizophrénie, 456
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Index
Signal, transduction du, déficit de la, dans l'action du neurotransmetteur, 187-188, 188f, 189f Sildénafil, dans le dysfonctionnement érectile, 548, 550f, 552f Sodium, dans le transport actif, 47-48, 51f, 52f Sodium-potassium ATPase, dans le transport actif, 42f, 43f, 46, 48, 52f Somatisation, dans la dépression, 136-137 Somatostatine, analogues de la, dans la maladie d'Alzheimer, 496 Sommeil attaques de panique, 346 Ondine (malédiction d'), versus trouble panique, 350-352 régulation du, sérotonine dans la, 178, 183f troubles du, voir aussi Insomnie anxiété avec, traitement, 279 dans l'état de stress post-traumatique, 362 induits par les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, 233 « Sommets naturels », 503-505, 503f, 504f Somnifères, voir Sédatifs-hypnotiques Somnolence induite par les antidépresseurs tricycliques, 225f, 226 induite par les antipsychotiques, 410E, 411, 412f Spécial K (kétamine), abus de, 514 SR141716A (antagoniste cannabinoïde), 518 dans la schizophrénie, 456 SR142948 (antagoniste de la neurotensine), dans la schizophrénie, 456 SR31742A (antagoniste sigma), dans la schizophrénie, 456 SR46349 (antagoniste de la sérotonine 2/inhibiteur de la recapture de la sérotonine), dans la dépression, 262 SR58611 (agoniste bêta), dans la dépression, 264 Stéroïdes neuroactifs, dans l'anxiété, 324 Stimulants, voir aussi les produits spécifiques, par exemple Amphétamines ; Cocaïne dans les associations médicamenteuses, 286, 286f, 288, 288f, 289f, 291f-293f effets d'allure schizophrénique, 374 métaboliques, dans la maladie d'Alzheimer, 490 versus nicotine, 517-518 dans le trouble déficitaire de l'attention, 461-462, 462f-466f, 465-466 Stratégie héroïque, pour augmenter à la fois la sérotonine et la noradrénaline, 288, 289f-294f, 290-294 Stress état de stress post-traumatique, 110, 111f, 362-363, 363t, 364f répression du brain-derived neurotrophic factor, 187-188, 188f, 189f troubles anxieux, 303f troubles psychiatriques, 107-109, 108f-111f Striatum, projections dopaminergiques sur le, voir Voie dopaminergique nigrostriée Substance noire, projections dopaminergiques de la, voir Voie dopaminergique nigrostriée Substance P, 190, 190f-195f, 193 antagonistes de la, dans la schizophrénie, 456-457 structure, 191, 192f synthèse, 191, 192f-195f, 193
Substances neuroprotectrices, dans la maladie d'Alzheimer, 492 Substances potentialisatrices des antidépresseurs, 271-274, 273f-278f, 278-279, 280f, 284f Sudation, dans l'anxiété, 308f, 310f Suffocation, théorie de l'alarme de, dans le trouble panique, 350-352 Suicide dans la dépression, 139, 141t dans la schizophrénie, 373, 448 dans le trouble panique, 347 Sulpiride, 452 Superfamilles de récepteurs, 39, 78-81, 80f-82f Symptômes agressifs, 372f, 373, 448, 449f Symptômes extrapyramidaux induits par les antipsychotiques, 404, 405f, 408-409, 410f, 411f atypiques, 440 interactions sérotonine-dopamine, 416-418, 421f-424f dans la schizophrénie, 369, 371f, 375f, 377-378, 379f Symptômes négatifs induits par les antipsychotiques, diminution des, 419, 421, 425f-427f de la schizophrénie, 369-370, 371f, 373t voie doparninergique mésocorticale, 374-377, 375f, 377f, 378f, 404, 405f traitement, 447-448, 448f Symptômes positifs, de la schizophrénie, 368-369, 369f, 373t traitement, 444, 445f voie dopaminergique mésolimbique, 374, 376f Synapses, 1-18 aspects temporels, 6, 8f concept du système nerveux en tant qu'entité anatomique, 3-5, 5f, 7f développement anormal maladies dans le, 111-113, 112f-116f schizophrénie dans le, 380, 381f-383f événements postsynaptiques, 9, 13-14, 13f, 15f-17f, 18 événements présynaptiques, 6, 9, 10f-12f formation, 25f, 28-30, 29f au cours du cycle menstruel, 553-554, 559f, 560f produits des éléments de réponse aux oestrogènes, 552-553, 553f-558f neurotransmission sans (volume neurotransmission), 5-6, 7f nombre, 3 organisation du neurone, 1-2, 2f-4f recapture du neurotransmetteur, transport actif, 42f, 43f, 46-49, 51f-53f remodelage, 30-31 structure, 2, 4f Syndrome anxiodépressif, 300f, 303f Syndrome du déficit cholinérgique, troubles de la mémoire dans le, 469-471, 471f-473f Syndrome prémenstruel, 560 Synergie, voir aussi Polymédication entre antidépresseurs antagonistes de la sérotonine 2/inhibiteurs de la recapture de la sérotonine, 257, 258f-265f, 260 inhibiteurs doubles de la recapture de la sérotonine et de la noradrénaline, 247-248, 248f-250f dans les systèmes monoaminergiques, 285, 285f-288f
Index
Synergie (suite) dans les systèmes sérotoninergiques, 285-286, 285f dans les systèmes sérotoninergiques et noradrénergiques, 285, 287f, 289f-294f Système digestif, action de la sérotonine sur le, 178, 184f, 233 Système limbique action de la noradrénaline, 162, 165f, 240 action de la sérotonine, 178, 183f, 233 projections dopaminergiques sur le, voir Voie dopaminergique mésolimbique
Tabagisme arrêt, 518-519, 520f, 521, 527E en tant qu'inducteur GYP450 antidépresseurs, 211-212, 216f antipsychotiques, 438, 440f pharmacologie de la nicotine, 518-521, 519f, 520f, 523f-528f Tachycardie, dans l'anxiété, 308f, 310f Tachykinines, hypothèse des, voir Neurokinines, hypothèse du dysfonctionnement émotionnel Tacrine, dans la maladie d'Alzheimer, 480-481, 481f, 484f, 485 Tamoxifène, réponse psychologique au, 554-555 Tandospirone, dans l'anxiété, 306 Tau, protéine, dans la maladie d'Alzheimer, 472, 474f Témazépam, dans l'insomnie, 330, 331f Terfénadine, dans la dépression, interactions médica1 menteuses avec, 210 Terguride, 456 Terreur, dans les attaques de panique, 346 Testostérone versus dépression, 558, 56If dans la potentialisation des antidépresseurs, 279 Théophylline, interactions de la fluvoxamine avec la, 209, 210f Thérapie cognitive, 294-295 de la phobie sociale, 361-362 du trouble panique, 355, 356f Thérapie comportementale, 294-295 de la phobie sociale, 361-362 du trouble obsessionnel-compulsif, 342f, 345 du trouble panique, 355, 356f Thioridazine, 452 Thymorégulateurs, 266-271 anticonvulsivants, 267-271, 1681, 269f-270f, 272f antipsychotiques, 271, 444-446, 446f benzodiazépines, 271 lithium, voir Lithium dans le trouble déficitaire de l'attention, 466-467 Tianeptine dans l'abus de cocaïne, 509 dans la dépression, 234 Tics, trouble obsessionnel-compulsif et, 340 Tolérance au médicament, 500t, 501 benzodiazépines, 526-527, 534f croisée, 500t, 501 hallucinogènes, 514 opiacés, 521
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Tomographie par émission de positons dans l'action des antipsychotiques atypiques, 421, 424f, 427f classiques, 421, 423f, 426f dans les attaques de panique, 352 dans le trouble obsessionnel-compulsif, 341 Topiramate en tant que thymorégulateur, 270-271, 272f dans le trouble bipolaire, 281f, 282 Tourette, syndrome de Gilles de la, trouble obsessionnel-compulsif, 340 Tramadol, dans la dépression, 247 Transcription, facteurs de, 18, 21, 22f activation, protéine kinase, 56, 59f leucine zippers en tant que, 41, 47f, 61-62, 60f-64f multiples, 45f récepteurs des œstrogènes en tant que, 552-553, 554f-555f Transplantation de neurones, 121f, 122 dans la maladie d'Alzheimer, 496 ' Transport actif, dans la neurotransmission, 42f, 43f, 46-49, 51f-53f Transporteurs, 42f, 43f, 46-49, 51f-53£ de l'acétylcholine, 467-468, 469f de la dopamine, 163, 167f, 168f du glutamate, 387, 389f présynaptique, 387, 389f de la noradrénaline, 158, 159f, 160f de la sérotonine, 164, 171f, I72f Traumatisme crânien, hostilité dans le, traitement, 448, 449f Trazodone dans la dépression action, 256, 258f, 261 en association médicamenteuse, 289f inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine avec, 285, 285f dans l'insomnie, 332 dans le trouble obsessionnel-compulsif, 342f dans le trouble panique, 356f Tremblement dans l'anxiété, 308f, 310f induit par la cocaïne, 505 noradrénaline et, 162, 166f, 240 Triazolam dans la dépression, interactions médicamenteuses, 210, 214f dans l'insomnie, 329-330, 330f « Trip », avec les hallucinogènes, 510-511 Trisomie 21, maladie d'Alzheimer dans la, 478 Tronc cérébral action de la noradrénaline, 162, 166f, 240 action de la sérotonine, 178, 183f, 184f, 233 Trouble anxieux généralisé critères diagnostiques, 298, 299t dépression associée, 299-305, 304f description clinique, 298-299, 299t, 300f-303f précurseur de l'anxiété subsyndromique, 302f, 303f traitement, voir aussi Anxiolytiques antidépresseurs, 299-305, 304f benzodiazépines, 323 efficacité, 299, 301f-303f
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Index
Trouble bipolaire critères diagnostiques, 137, 138f, 139r cycles rapides, 143, 146f description, 2, 137 chez l'enfant, 154 épidémiologie, 138 erreur diagnostique, 283 état oestrogénique et, 562 facteurs génétiques, 106 hostilité, 448, 449f symptômes agressifs, 372f, 373 symptômes positifs, 368, 370f traitement antagonistes sérotonine-dopamine, 262 anticonvulsivants, 267-271, 268t, 269f-270f, 272f antipsychotiques, 271, 281f, 282, 444-446, 445f, 446f association médicamenteuse, 280, 281f, 282 électroconvulsivothérapie, 293-294 futur, 457-458 hormones thyroïdiennes, 272 dans l'hostilité, 448, 449f lithium, 266-267, 267f longitudinal, 153 olanzapine, 435 quétiapine, 435 réponse au, 143 rispéridone, 434 ziprasidone, 436 Trouble déficitaire de l'attention critères diagnostiques, 460-461, 461f hostilité, traitement de l', 448, 449f inhibiteurs sélectifs de la recapture de la noradrénaline, 239 neuropharmacologie, 460-461, 461f psychostimulants agonistes alpha 2, 462, 466f antipsychotiques, 466-467 hyperactivité, 462-466, 466f impulsivité, 462-466, 466f nouveaux, 466-467 stimulants, 461-462, 462f-465f thymorégulateurs, 466-467 symptômes agressifs, 372f, 373 Trouble obsessionnel-compulsif, 336-346 bases biologiques, 337-341 hypothèse dopaminergique, 339-340 hypothèse sérotoninergique, 338-339 hypothèse sérotoninergique et dopaminergique, 340 critères diagnostiques, 338t description clinique, 336-337, 337t-339t neuroanatomie, 341 spectre, 337, 339t traitement, 341-346 d'appoint, 344-345 comportemental, 342f, 345 inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, 339, 341, 342f, 343-345, 344t nouveau, 345-346
psychochirurgie, 345 résistance, 345 Trouble oppositionnel avec provocation, traitement, 448, 449f Trouble panique, voir Panique (trouble) Trouble schizoaffectif symptômes agressifs, 372f, 373 symptômes positifs, 368, 370f traitement, 444, 445f, 445 Troubles affectifs, voir Trouble bipolaire ; Dépression ; Manie Troubles anxieux, voir aussi Trouble obsessionnelcompulsif ; Panique (trouble) classification, 298-299, 299t, 300f-303f critères diagnostiques, 298, 299t dépression avec, traitement de la, 299-305, 304f description clinique, 298-299, 299t, 300f-303f état de stress post-traumatique, I10, 111f, 362-363, 3631, 364f induits par la cocaïne, 505 induits par les inhibiteurs sélectifs de la recapture de la sérotonine, 233 insomnie associée, traitement de l', 279 dans la schizophrénie, 372f, 373-374 spectre, 300f subsyndromiques, 300f-303f syndrome de la double anxiété, 302f traitement, 336, voir aussi Anxiolytiques antidépresseurs, 299-305, 304f d'appoint, 324 barbituriques, 323-324 histoire, 300-303, 304f incomplet, 298-299, 301f-303f médicaments antipsychotiques, 445 méprobamate, 324 mirtazapine, 253, 256f nouveau, 324 troubles phobiques, 358-362, 3601, 361f Troubles dégénératifs, voir aussi Alzheimer (maladie d') pathogenèse, 114, 116f, 117-120, 118f-121f excès de calcium dans la, 123f, 124, 126, 127f, 129f schizophrénie, 385-392, 386f défaut de neurotransmission glutamatergique, 387-392, 388£-396f excitotoxicité, 386-387 traitement basé sur, 392, 397f, 398f Troubles neurodégénératifs, voir Troubles dégén Troubles phobiques, 358-362 agoraphobie description clinique, 358-359 traitement, 355 trouble panique avec, 347 bases biologiques, 359 description clinique, 358-359, 3601 phobie sociale, 359, 360-362, 360s, 361f traitement, 360-362, 361f trouble panique avec, 359
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Tryptophane hydroxylase, dans la synthèse de la sérotonine, 164, 170f synthèse de la sérotonine à partir du, 164, 170f Tybamate, dans l'anxiété, 324 Tyremine, régime, interactions des inhibiteurs. de la monoamine oxydase avec la, 214-215, 219f-221f Tyrosine hydroxylase dans la synthèse de la dopamine, 157, 158f, 167f dans la synthèse de la noradrénaline, 157, 158f synthèse de la noradrénaline à partir de la, 157, 158f Up regulation, voir Hypersensibilisation Valériane, dans l'insomnie, 332 Vasodilatateurs cérébraux, dans la maladie d'Alzheimer, 490 Vasopressine, dans la maladie d'Alzheimer, 496 Venlafaxine dans l'anxiété, 249-250, 303-304, 304f dans la dépression action, 246-247, 246f-250f en association médicamenteuse, 285f, 289f-291f, 291 interactions avec l'enzyme CYP450, 217t dans la phobie sociale, 360-361 dans le trouble déficitaire de l'attention, 467 dans le trouble panique, 353, 356f, 357 Vertige induit par les antidépresseurs tricycliques, 226f induit par les antipsychotiques, 421f Vésicules synaptiques, 4f Vieillissement dysfonctionnement érectile et, 545, 546f, 547f perte de mémoire et, 491-492 Vision floue induite par les antidépresseurs tricycliques, 225f induite par les antipsychotiques, 410f Vitamine(s) E dans la maladie d'Alzheimer, 492 dans les maladies dégénératives, 394, 398f dans la maladie d'Alzheimer, 490-491 Voie dopaminergique mésocorticale interactions sérotonine-dopamine, 419, 421, 425f-427f dans la réponse sexuelle, 540, 540f dans la schizophrénie, 374-377, 375f, 377f, 378f, 404, 405f oie dopaminergique mésolimbique interactions sérotonine-dopamine, 423 récompense et renforcement, 503-505, 503f, 504f alcool, 524 cocaïne, 506, 509
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nicotine, 518-519, 520f dans la schizophrénie, 374, 375f, 376f, 402, 403f, 404, 407 Voie dopaminergique nigrostiée activité cholinergique, 408-409, 410f dysfonctionnement, dyskinésies tardives dans le, 406 interactions de la sérotonine et de la dopamine, 415-418, 416f-424f dans la schizophrénie, 375f, 377-378, 379f, 404, 405f, 406, 406f, 407 dans le trouble déficitaire de l'attention, 464, 466f Voie dopaminergique tubéro-infundibulaire interactions sérotonine-dopamine, 422, 427f-429f dans la schizophrénie, 375f, 378, 379f, 380 Voies dopaminergiques de la schizophrénie, 374-380, 375f, voir aussi les voies spécifiques znésocorticale, 374-377, 375f, 377f, 378f, 404, 405f mésolimbique, 374, 375f, 376f, 402, 403f, 404, 407 nigrostriée, 375f, 377-378, 379f, 404, 405f, 406, 406f, 407 tubéro-infundibulaine, 375f, 378, 379f, 380 Vomissement, centre du, action de la sérotonine sur le, 178, 184f YM-43611 (antipsychotique), 456 YM992 (antagoniste de la sérotonine 2/inhibiteur de la recapture de la sérotonine), 262 Yohimbine action, 254 attaque de panique due à la, 348-349, 349f Zaléplon dans l'association insomnie/anxiété, 279 dans l'insomnie, 326-329, 327f récepteur, 313 dans le trouble obsessionnel-compulsif, 342f, 345 dans le trouble panique, 356f Zinc dans la maladie d'Alzheimer, 490-491 site modulateur, récepteur du glutamate, 387, 390f-391f Ziprasidone, 435-436, 437f, 438f métabolisme, 439-440, 442f dans la schizophrénie, 447, 448f Zolpidem dans l'association insomnie/anxiété, 279 dans l'insomnie, 326-329, 328£ récepteur, 313 dans le trouble obsessionnel-compulsif, 342f, 345 dans le trouble panique, 356f Zopiclone, dans l'insomnie, 326-329, 328f Zotépine, 431f, 452-453, 453f