Encyclopédie Médico-Chirurgicale 50-470-A-10
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Phlébologie esthétique : bilan phlébologique P Amblard
Résumé. – Le bilan phlébologique doit toujours être méthodique et systématique. L’interrogatoire fournit des renseignements sur les troubles motivant la consultation, les antécédents veineux et généraux, les facteurs de risque (hérédité, mode de vie, prises médicamenteuses). L’examen clinique se pratique sur un sujet debout ; outre l’inspection, la palpation est un temps capital. Pour mettre en évidence une éventuelle incontinence ostiale saphénienne, on recherche systématiquement un reflux circulatoire à la toux, un signe de flot ou manœuvre de Schwartz, une épreuve de Trendelenburg. L’examen du malade couché permet de mieux apprécier le retentissement de l’insuffisance veineuse. Le test de Perthes permet d’apprécier la perméabilité du réseau veineux profond. Cependant, l’intérêt de ces différents tests a beaucoup diminué depuis la pratique de l’examen ultrasonique à effet doppler. © 2000 Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS. Tous droits réservés.
Mots clés : Schwartz (manœuvre), Trendelenburg (épreuve), Perthes (test), doppler, échodoppler.
Introduction Quel que soit le motif de la consultation, le bilan phlébologique doit toujours être méthodique et systématique. L’interrogatoire du patient est un temps important, mais l’examen clinique est irremplaçable même si un certain nombre de manœuvres phlébologiques ont perdu de leur importance du fait des moyens paracliniques sophistiqués dont nous disposons à l’heure actuelle.
ANTÉCÉDENTS D’ATTEINTE VEINEUSE
Ils peuvent être connus du patient : thrombophlébite, embolie pulmonaire, anticoagulation antérieure, varices et leur traitement ; mais ils sont parfois méconnus ou oubliés. Il faut alors rechercher la notion d’un œdème transitoire consécutif à un traumatisme, un plâtre, un accouchement, une intervention chirurgicale. FACTEURS DE RISQUE
– Hérédité variqueuse. – Mode de vie : sédentarité, obésité, grossesses répétées, station debout prolongée au travail, chauffage par le sol, tabagisme.
Interrogatoire Il fournit d’emblée des renseignements sur l’histoire de la maladie variqueuse, sa genèse, son évolutivité, son retentissement fonctionnel. Il va s’efforcer de préciser plusieurs points.
– Prises médicamenteuses : traitement contraceptif oral, hormonal substitutif. ANTÉCÉDENTS GÉNÉRAUX
L’interrogatoire se terminera par la recherche d’antécédents généraux en particulier obstétricaux, les traitements déjà pratiqués et leurs incidents éventuels : réactions inflammatoires, allergiques, pigmentation.
TROUBLES MOTIVANT LA CONSULTATION
Ils peuvent être totalement absents même chez des sujets porteurs de grosses varices, le soin esthétique étant alors la seule préoccupation. À l’inverse, les signes fonctionnels peuvent être importants : lourdeurs de jambe, crampes, paresthésies ; leur caractère commun est leur maximum vespéral, aggravé par la station debout prolongée, la chaleur, la période prémenstruelle chez la femme ; le décubitus, en revanche, entraîne en règle général une amélioration de ces troubles. Le patient peut enfin signaler un œdème vespéral plus rarement permanent.
Examen clinique Il se pratique sur un sujet dévêtu, d’abord debout sur un escabeau suffisamment large, puis couché sur une table d’examen. EXAMEN DU SUJET DEBOUT
L’examinateur est assis sur un siège assez bas et dans de bonnes conditions d’éclairage ; le patient tourne lentement sur lui-même de 360°, exposant successivement les faces antéro-internes, externes et postérieures de ses membres inférieurs.
¶ Inspection Pierre Amblard : Professeur des Universités, praticien hospitalier, hôpital A Michallon, service de dermatologie, BP 217 X, 38043 Grenoble cedex, France.
Elle permet d’emblée de reconnaître le type de varices : tronculaires systématisées ou non, réticulaires, télangiectasies, les éventuels
Toute référence à cet article doit porter la mention : Amblard P. Phlébologie esthétique : bilan phlébologique. Encycl Méd Chir (Editions Scientifiques et Médicales Elsevier SAS, Paris, tous droits réservés), Cosmétologie et Dermatologie esthétique, 50-470-A-10, 2000, 3 p.
Phlébologie esthétique : bilan phlébologique
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troubles trophiques cutanés, l’œdème malléolaire, la présence éventuelle de varices sus-pubiennes évocatrices d’antécédents de phlébite iliaque, d’un affaissement de la voûte plantaire ou au contraire d’un pied creux.
¶ Palpation C’est un temps capital de l’examen. Elle permet d’apprécier la trophicité de la peau, l’importance d’une éventuelle dermatofibrosclérose ; elle permet en outre la mise en évidence de varices trop profondes pour être visibles et surtout le repérage des deux veines saphènes. La veine saphène interne est perçue à un ou deux travers de doigt en dessous de l’arcade crurale, en dedans des battements de l’artère fémorale. Deux manœuvres simples permettent de mettre en évidence une insuffisance valvulaire ostiale : – le reflux circulatoire à la toux perçu comme un frémissement lorsque le sujet tousse ; – la manœuvre de Schwartz ou « signe du flot ». L’examinateur palpe un segment variqueux d’une main et, de l’autre, percute un autre segment d’amont ou d’aval. Si les valvules sont continentes, la percussion du trajet proximal n’est pas perçue en amont ; en revanche, la perception de cette percussion en amont apporte la preuve d’un reflux veineux. La crosse de la saphène externe est classiquement perçue dans le creux poplité chez le sujet genou fléchi, mais sa localisation subit de nombreuses variations anatomiques. EXAMEN DU SUJET COUCHÉ
On appréciera d’abord l’état des téguments [2].
¶ Dermite ocre Elle débute par un purpura pétéchial dont les éléments vont rapidement confluer en une nappe cohérente, aux bords émiettés, qui évolue vers une pigmentation ferrique indélébile.
¶ Lésions d’atrophie blanche Éléments arrondis ou ovalaires, dont le centre est blanc nacré, atrophocicatriciel, correspondant à un infarctus cutané. Ils sont à différencier des cicatrices d’ulcères anciens.
¶ Eczéma Il s’agit en fait de lésions érythémateuses, soit suintantes et vésiculeuses, soit sèches et squameuses. Elles témoignent de la stase vasculaire, d’une surinfection (réalisant une épidermite microbienne) ou d’une intolérance locale aux produits appliqués (et il s’agit alors, dans ce seul cas, d’un véritable eczéma de contact).
¶ Hypodermite C’est-à-dire une inflammation du tissu sous-cutané. Elle peut être aiguë, donnant une lésion rouge, chaude, œdémateuse, douloureuse, ou chronique, évoluant vers une sclérose dure, rétractile, qui englobe l’ulcère et peut s’étendre à toute la jambe, en formant une guêtre scléreuse. Plusieurs mensurations au mètre ruban seront systématiquement pratiquées : mesure du périmètre des deux membres inférieurs au niveau de la tibiotarsienne, des mollets, des cuisses ; mesure de la longueur des deux membres inférieurs. L’état de la circulation artérielle sera apprécié par la palpation des artères périphériques. Enfin, on étudiera la mobilité des articulations, en particulier de la tibiotarsienne, les mouvements de flexion-extension du pied étant particulièrement importants dans le retour du sang veineux. MANŒUVRES COMPLÉMENTAIRES
De nombreuses épreuves complémentaires ont été proposées pour apprécier l’incontinence des crosses saphéniennes, la localisation des veines perforantes, l’état du réseau profond. Elles ont perdu beaucoup de leur intérêt depuis l’apparition des méthodes d’exploration fonctionnelles modernes. 2
Dermatologie esthétique
Tableau I. – Classification clinique, étiologique, anatomique, physiopathologique (CEAP). Classification clinique C0 C1 C2 C3 C4 C5 C6
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pas de signe visible ou palpable de la maladie variqueuse présence de télangiectasies ou de varices réticulaires varices œdème troubles trophiques (pigmentation, dermite de stase, hypodermite, ...) troubles trophiques et cicatrice d’ulcère troubles trophiques et ulcère ouvert s’y ajoutent les codes A et S A - asymptomatique B - symptomatique Classification étiologique Ec - étiologie congénitale Ep - étiologie primitive (cause indéterminée) Es - étiologie secondaire (cause identifiable : post-thrombotique, post-traumatique, autre) Classification anatomique Système veineux superficiel (As) 1 - télangiectasies, varices réticulaires 2 - grande saphène - au-dessus du genou 3 - grande saphène - au-dessous du genou 4 - petite saphène 5 - varices non saphéniennes Système veineux profond (Ad) (deep) 6 - veine cave inférieure 7 - veine iliaque commune 8 - veine iliaque interne 9 - veine iliaque externe 10 - veines pelviennes 11 - veine fémorale commune 12 - veine fémorale interne 13 - veine fémorale superficielle 14 - veine poplitée 15 - veines jambières (tibiales antérieures et postérieures, péronières) 16 - veines musculaires (jumelles, soléaires, ...) Veine perforante (Ap) 17 - cuisse 18 - jambe Classification physiopathologique Pr - reflux Po - obstruction Pro - reflux et obstruction Score de sévérité du dysfonctionnement veineux chronique - Score anatomique (1 point pour chaque atteinte : superficielle, profonde ou perforante ; total de 0 à 3 points) - Score clinique (addition des points de chaque item ; total de 0 à 18 points) Douleur 0 - absente ; 1 - modérée ; 2 - sévère Œdème 0 - absent ; 1 - modéré ; 2 - important Claudication veineuse 0 - absente ; 1 - modérée ; 2 - invalidante Pigmentation 0 - absente ; 1 - localisée ; 2 - étendue Hypodermite 0 - absente ; 1 - localisée ; 2 - étendue Taille de l’ulcère 0 - absent ; 1 - < 2 cm de diamètre ; 2 - > 2 cm Durée de l’ulcère 0 - absent ; 1 - < 3 mois ; 2 - > 3 mois Récidive de l’ulcère 0 - absent ; 1 - ulcère cicatrisé ; 2 - récidive Nombre d’ulcères 0 - absent ; 1 - unique ; 2 - multiples
Seule l’épreuve de Trendelenburg est encore d’actualité car facilement réalisable au cours de l’examen clinique. Elle démontre l’incontinence ostiale de la saphène interne ou de la saphène externe. Le membre inférieur est surélevé à la verticale pour vider les veines superficielles ; un garrot interrompant seulement le courant veineux superficiel est mis en place à la racine de la cuisse (ou du creux poplité). Le patient se met alors debout ; lorsque, à l’ablation du garrot, les veines ne se remplissent que lentement de bas en haut, on peut affirmer que les valvules sont continentes ; en revanche, si à l’ablation du garrot elles se remplissent de haut en bas, on peut affirmer l’insuffisance de la valvule ostiale. En plaçant les garrots à différents niveaux, on peut aussi situer le siège des veines perforantes.
Dermatologie esthétique
Phlébologie esthétique : bilan phlébologique
Épreuves fonctionnelles vasculaires
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bien visualiser les vaisseaux, d’apprécier l’état de leurs parois, de mesurer la vitesse d’écoulement du flux sanguin ; le duplex permet également de bien étudier le réseau artériel.
EXAMEN ULTRASONOGRAPHIQUE À EFFET DOPPLER
Un petit appareil doppler monodirectionnel permet de compléter utilement l’examen clinique. Il est basé sur le principe suivant : la fréquence du son d’un véhicule qui s’approche à vitesse constante d’un observateur immobile augmente progressivement, puis s’abaisse brusquement lorsque le véhicule dépasse l’observateur : c’est l’effet doppler. Dans le cadre des épreuves fonctionnelles vasculaires, la source sonore est un faisceau d’ultrasons réfléchis par les érythrocytes ; la fréquence réfléchie est proportionnelle à la vitesse du sang. La variation de fréquence est faible (inférieure à 20 000 Hz) et donc uniquement audible par l’intermédiaire d’un casque spécial ou d’un haut-parleur. Pratiqué par un opérateur entraîné, l’examen ultrasonographique permet d’apprécier la perméabilité des vaisseaux profonds, d’évaluer la continence des crosses saphéniennes, de bien localiser les veines perforantes. ÉCHOGRAPHIE DOPPLER PULSÉ (DUPLEX)
On aura recours à cet examen dès qu’un reflux aura été détecté. Il est en effet plus sensible et plus spécifique que l’examen doppler conventionnel, mais nécessite un appareillage coûteux. Il permet de
AUTRES MÉTHODES D’EXPLORATION VASCULAIRES
Parmi les autres méthodes d’exploration du réseau veineux, seule la phlébographie garde quelques indications, en particulier lorsqu’un traitement chirurgical des varices est envisagé chez un sujet aux antécédents de thrombose veineuse profonde [3].
Conclusion Au terme de cet examen, on pourra conclure que l’on est en présence de télangiectasies isolées, de télangiectasies dépendant d’une veinule ou d’une perforante, d’une insuffisance veineuse, qu’il s’agisse de varices essentielles ou postphlébitiques ; on pourra alors apprécier la gravité de l’insuffisance veineuse qui sera évaluée en accord avec la classification CEAP (tableau I) [1].
Références [1] Kistner RL, Nicolaides AN. Classification and grading of chronic venous disease in the lower limbs: a consensus statement. Phlebology 1995 ; 10 : 42-45 [2] Ramelet AA, Monti M. Phlébologie. Paris : Masson, 1999 [3] Vin F. Interrogatoire et examen clinique. In : Barthélémy P, Lefebvre D éd. Insuffisance veineuse des membres inférieurs. Paris : Masson, 1994 : 67-74
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