UNIVERSITE PARIS-VII VINCENNES ST-DENIS
UFR « ARTS, PHILOSOPHIE, ESTHETIQUE » DEPARTEMENT DE MUSIQUE
LA STRUCTURATION STRUCTURATION DU SOLO DE BATTERIE BATTERIE IMPROVISE CHEZ MAX ROACH DANS LE CADRE DU QUINTETTE CLIFFORD BROWN-MAX ROACH (1954 – 56) MAITRISE PAR LAURENT BARON
DIRECTEUR DE RECHERCHE : Monsieur Philippe MICHEL ANNEE UNIVERSITAIRE 2002-2003
Introduction
« Max Roach est sans doute le principal pivot de toute l’histoire de la batterie. Vers lui convergent l’exactitude de Cozy Cole, la virtuosité de Gene Krupa, la souplesse de Jo Jones, la sèche énergie de Buddy Rich, la puissance et la finesse de Catlett dont il a développé les conceptions mélodiques. »1 « Géomètre de la mesure, algébriste du rythme, Max Roach est le plus grand mathématicien de la batt batteri eriee de jazz. jazz. Mais Mais c’est c’est un ma math thém émat atic icien ien perv pervers ers,, dont dont les démo démons nstr trat atio ions ns implacables conduisent toujours au résultat que l’on n’attendait pas. Par le vacarme, il sculpte le silence. A force d’intelligence, il célèbre la sensualité. Dans la froideur, il met le feu aux poudres. Au bout du calcul, il trouve la démesure. Au bout de la connaissance, la déraison. Mad Max. » 2 « Passionné et lucide, confiant et insatisfait, Max Roach est au jazz ce que René Char est à la poésie : sa grandeur est fraternelle, son art, à notre mesure. » 3
Max Roach « batteur poète »4, Ma Max « le mélodiste »5 , l’« algébriste »6 , l’« architecte du rythme »· , Max « le rebelle »7 , « le révolutionnaire »8 , « Mad Max » … Que de noms, que de surnoms sortis de l’imagination des spécialistes, critiques, journalistes et poètes du jazz ! Qu’on les prenne pour argent comptant ou qu’on en questionne la pertinence, ces mots révèlent plusieurs choses sur la perception de ce batteur unique qu’est Max Roach : le lyrisme, la passion, la réflexion et la construction, l’engagement. Mais, au-delà de ce prestige, qu’en est-il de Max Roach, véritablement ? Une consultation de l’ouvrage chronologique Chronique du Jazz voit apparaître régulièrement REDA Jacques, Autobiographie du Jazz in Les génies du jazz, vol 4, article « Max Roach », p. 158 2 GERBER Alain, article « Max Roach, "Algébriste du rythme" -le 3è festival de jazz de Paris » , 30 octobre 1982, in Portraits en Jazz ,, p. 262, éditions Renaudot et Cie, 3 JALARD Michel-Claude, Michel-Claude , « Max Roach à Paris –un poète de la batterie », Jazz Magazine no 58, avril 1960, p. 15 4 JALARD Michel-Claude, op cit, pp. 14-15 5 PACZYNSKI Georges, Une histoire de la batterie jazz , -Tome 2, p. 87, éditions Outre Mesure 6 GERBER Alain, Portraits en jazz, p.262 7 BALEN Noël, L’odyssée du Jazz,, éditions Fayard 8 ROSSI Christophe, « Max Roach – le révolutionnaire », Batteur Magazine no 20, mai-juin 1989, pp. 46-47 1
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le nom de Max Roach à partir de 1945 (1945, 47, 1952-53-56-57-58-60). On peut également également y voir affirmé qu’« entre les mains des Kenny Clarke et des Max Roach, les solos de batterie deviennent des événements élaborés, à l’égal des instruments mélodiques mélodiques ». Les sources dont nous disposons ici, en France, pour le jazz, et en particulier pour la batterie, à la notable exception de George Paczynski, sont rarement des sources musicologiques, mais plutôt journalistiques. Voyons ce que pense de Max Roach un musicien et batteur américain, Kenny Washington : « Le jazz est semblable à une course de relais : un athlète court un tour avant de passer le bâton au prochain coureur, qui fait à son tour de même pour le prochain. Un grand batteur découvre quelque chose de musicalement unique, et peu après il le transmet (passe sa baguette) au prochain musicien inspiré. Je suis bien placé pour le savoir. Je suis un des enfants de Max Roach. » 9 Il ajoute, plus loin, « Max est, sans aucun doute, un des plus grand solistes de tous les temps. » Le critique américain Rafi Zabor semble abonder dans cette direction quand il affirme « aucun individu n’a eu sur aucun instrument une influence aussi décisive que Max Roach sur la batterie ces trente dernières années. »10
Max Roach, un des batteurs-clés de l’histoire du jazz
Sans aller jusque-là, il faut avouer qu’il est difficile, si l’on s’intéresse au be-bop, d’ignorer le nom de Max Roach. Ayant accompagné Charlie Parker, Dizzie Gillespie, Thelonious Monk, Miles Davis, Bud Powell, J.J. Johnson et d’autres encore, il est un acteur essentiel de cette période et de ce milieu du jazz. Disciple de Kenny Clarke, il fut un des premiers batteurs à faire du be-bop. Avec Charlie Parker, il participa à la diffusion du style lors de nombreuses séances d’enregistrement. L’importance de Max Roach est telle que le guitariste Barney Kessel affirme : « Sid Catlett fut le dernier des batteurs de swing. Pour moi, Max Roach est le premier batteur de be-bop. Kenny Clarke fut le pont. » 11 Mais si Max Roach occupe une place importante dans l’histoire de la batterie et de la musique de jazz, ce n’est pas seulement parce qu’il a propagé, lors d’enregistrements avec Charlie Parker de 1945 à 1953 environ, le nouveau style d’accompagnement et de fonctionnement de la batterie dans la section rythmique mis en place par Kenny Clarke. Lors de sa carrière, il a également fait gagner au batteur une respectabilité et un statut de musicien à part entière, capable de jouer de plusieurs instruments, de composer et d’arranger, maîtrisant les formes et l’harmonie. Son travail au sein du quintette co-dirigé avec Clifford Brown (1954-1956) est crucial de ce point de vue : en plus d’être un accompagnateur puissant, Max Roach s’impose comme un leader et un des solistes obligés de la formation, chaque morceau lui donnant l’occ l’occasi asion on d’expo d’expose serr et d’expl d’explore orerr un mode mode d’impr d’improvi ovisa satio tionn solis soliste te qui qui,, à mon sens, sens, n’appartient qu’à lui. WASHINGTON Kenny, Notes de pochette du disque « Alone Together –The Best Of The Mercury Years ; Clifford Brown and Max Roach » , 1994 10 ZWERIN Mike, « Max Roach: From Hip Hop to Bebop », 14 January 1999, site www.culturekiosque.co/jazz/miles/rhemile29.html 11 http: http://me //member mbers.tr s.tripod. ipod.com/ com/ ~hard ~hardbop/r bop/roach oach.htm .htmll 9
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Confronté à la musique du quintette et au jeu de Max Roach il y a quelques années, j’ai toujours souhaité, afin de mieux jouer moi-même, en approfondir la connaissance connaissance et tenter de mieux les comprendre. C’est pourquoi j’ai choisi de m’intéresser m’intéresser en particulier particulier à cette période créatrice de Max Roach qu’est celle du quintette Clifford Brown - Max Roach. Méthodologie
Parmi les principaux outils que j’ai employés, j’ai eu recours au corpus livresque jazzistique, jazzistique, c’est-à-dire aux livres et magazines faisant mention de ou contenant une entrevue de Max Roach. Je dois dès lors prévenir que je fais un usage important de citations, en particulier de citations citations de Max Roach, afin d’illustrer l’aspect conceptuel -cadre et guide du geste musical- de son jeu. Presque toutes ces citations citations sont postérieures postérieures à la période étudiée, mais je considère, considère, au vu de ce à quoi elles renvoient, qu’elles sont généralement plus des commentaires que des projets. Max Roach est une force au présent, et je fais l’hypothèse que si les idées qu’il aborde n’étaient pas clairement formulées à l’époque, elles étaient néanmoins bien présentes dans son jeu : quelques allers-retours allers-retours entre les relevés et les citations permettent de valider cette hypothèse. Également, étant donné la relative absence de biographe et d’analyste, ainsi que le sérieux apparent, le côté réfléchi, l’expérience de l’enseignement – et les qualités d’analyse et de synt synthè hèse se qui qui en déco découl ulen entt souv souven entt - de Max Max Roac Roachh j’ai j’ai déci décidé dé,, au vu de plus plusie ieur urss recoupements recoupements probants, de faire de Max Roach ma principale source d’information sur sa vie. Car même s’il peut déformer, oublier, mélanger ou manquer de cohérence -ce qui serait étonnant, car il travaille depuis plusieurs dizaines d’années sur un ouvrage à caractère autobiographique-, - je n’ai trouvé personne de mieux informé que lui. Par ailleu ailleurs, rs, plu plutôt tôt que reform reformule uler, r, et au risqu risquee d’accu d’accumul muler er les citati citations ons,, j’ai j’ai préfér préféréé conserver la lettre et l’esprit des déclarations de Max Roach. J’ai également eu recours à des méthodes et ouvrages traitant spécifiquement de l’histoire et des techniques de la batterie, afin d’approfondir l’aspect conceptuel du jeu et de mieux situer techniquement Max Roach dans l’histoire de la batterie de jazz. J’ai consulté autant d’enregistrements d’enregistrements de Max Roach qu’il m’a été possible de trouver, et cela avec divers artistes avant et après la période étudiée, ainsi, bien sûr, qu’au sein du quintette Clifford Brown - Max Roach. Je me dois de souligner la source précieuse d’information qu’ont été les pochettes de ces disques, qui m’ont souvent apporté des éléments de contexte et des commentaires ou analyses instructifs quant à l’enregistrement et à l’esprit qui y a présidé. Sans toutes les citer, et sans pouvoir toutes les référencer correctement, j’avoue qu’elles m’ont été une aide précieuse. Au sujet des documents sonores, j’aurais aimé approfondir l’étude des partenaires de Max Roach de la période (en particulier particulier Clifford Brown B rown et Sonny Rollins) au-delà de l’écoute et de la consul consultat tatio ionn de bio biogra graphi phies es et essa essais is criti critique ques, s, et ce afin afin de mieux mieux compre comprend ndre re les les interactions interactions de leur jeu avec celui de Max Roach. J’ai d’ailleurs trouvé sur Internet les relevés des solos de Clifford Brown sur Parisian Thoroughfare et Joy Spring (master take) mais – outre le fait que je sortirais probablement du cadre de mon sujet- mes qualifications en improvisation mélodique tempérée, mes connaissances relatives à leurs instruments et mon 4
aptitude moyenne de relevé mélodique ne me permettraient pas d’approfondir véritablement l’étude de leur jeu. De ce fait, et comme aucune influence directe ne s’est imposée à mes oreilles, je suis resté dans l’optique de considérer les solos de Max Roach comme des objets musicaux complets et indépendants des autres improvisations. D’autre part, mes recherches d’enregistrements ont été limitées quant aux périodes antérieures et postérieures à celle étudiée. Pour cette dernière (1954-56), je ne me suis pas intéressé en profondeur à la totalité des enregistrements du quintette, parfois pour des problèmes de ressources, parfois par choix. Enfin, j’ai eu recours à un certain nombre de relevés de solos de Max Roach de la période étudiée. La plupart des relevés sont de mon fait, mais j’ai recours à certaines transcriptions transcriptions effectuées par George Paczynski (in Une histoire de la batterie de jazz – Tome 2 : le bebop : la voie royale et les chemins de traverse ), qui sont clairement indiquées quand j’y ai recours. J’ai le sentiment qu’un travail sur la structuration de l’improvisation soliste chez Max Roach se doit de faire un usage extensif de relevés. Sans cet outil, on serait en effet condamné à rester à un premier niveau d’analyse en grande partie biographique et conceptuel, dont le relevé est l’indispensable complément. Les relevés permettent d’apprécier, au niveau du geste musical abouti, les éléments caractéristiques du jeu de Max Roach, tant du point de vue de la syntaxe et du jeu sur la forme que du point de vue du vocabulaire et des matrices rythmiques et mélodiques de celui-ci. Bien qu’il eût été intéressant de relever l’intégrale l’intégrale des solos de batterie de Max Roach –ce qui aurait cependant été long et fastidieux (les 4 minutes 30 de Mildama et les 6 grilles de Sweet Clifford viennent à l’esprit)- j’ai choisi de m’attacher à réaliser un programme particulier, en opérant selon les principes méthodologiques suivants : . relever un solo au moins dans chacune des principales formes employées (32 mesures AABA, 32 mesures AA’, blues) . avec et sans échanges préalables (également relevés, avec le rythme des interventions des partenaires de Max) . à divers tempi . à diverses périodes de l’existence l’existence du quintette quintette (1954, 55 avec Harold Land Land au saxophone ténor, 1956 avec Sonny Rollins à sa place) . en tenant compte des particularités du solo, qu’il s’agisse d’un usage (exceptionnel) des Joy Spring) ou des mailloches ( Delilah) ou de modalités d’improvisation originales balais ( Joy (par exemple d’une improvisation caisse-claire grosse caisse sur la première grille de Sweet Clifford , , ou d’une improvisation caisse-claire, caisse-claire, cymbale et charleston sur la première grille de Love Is a Many Splendored Splendored Thing ) . en comparant les solos de deux prises d’un même morceaux (ce qui m’a permis, d’ailleurs, d’être sûr que Max Roach improvise bien ses solos). Sans pour autant relever le détail des solos, j’ai également relevé la trame d’improvisations (organisation, carrures et matériau) sur des formes plutôt marginales, comme le 64 mesures AABA (Cherokee), ou le 48 mesures ABA (3 fois 16) ( I’ll Remember April). Afin d’apprécier le travail sur la forme, on trouvera en annexe, en complément des relevés de solos, des relevés de chaque thème (mélodie du thème et trame harmo-rythmique, issus de divers Real books). Si on regarde la liste des relevés, il apparaît que j’ai relevé beaucoup de solos de la « première 5
période » du quintette (1954-55), et ce pour plusieurs raisons : tout d’abord parce que j’ai voulu, afin de pouvoir constater l’évolution, la continuité et l’originalité du jeu de Max, cerner les bases sur lesquelles il travaille avec une batterie avec toms et depuis ses enregistrements avec Charlie Parker ; ensuite, parce que les tempi de la dernière période sont souvent très élevés, ce qui rend la transcription difficile ; enfin, je dois l’avouer, parce que ces solos de la « première période » m’étaient plus familiers. Il est tout à fait possible que ces relevés contiennent quelques imprécisions imprécisions ou fautes, mais ils sont le résultat d’un travail long, systématique et méticuleux. En tant qu’approximations (ce qu’est nécessairement nécessairement un relevé), ils se veulent de fiables approximations. approximations. Il va sans dire qu’il est crucial de se reporter aux enregistrements pour découvrir les solos dans toute leur richesse.
Avant d’en arriver à l’exposé des résultats de mon travail, je me dois de reconnaître que mon approche a ses limites. En effet, en ce qui concerne la structuration des solos de Max Roach, et pour le dire aussi platement que possible, je n’ai pu envisager que ce que ma propre expérience me permet d’envisager : ce travail est le travail d’un étudiant et apprenti batteur, et en ce sens est limité par la compétence et les conceptions personnelles de son auteur quant à l’instrument et les facteurs intervenant dans l’improvisation. Comme je l’ai mentionné plus haut, j’ai indiqué dans la bibliographie quelques-uns des principaux ouvrages pédagogiques me servant dans ma formation musicale à la batterie. D’autre part, on peut noter que j’ai fait l’impasse sur les solos de l’album Sonny Rollins + 4 , pourtant enregistré durant la période étudiée par les membres du quintette. Je l’ai fait, entre autres, afin d’éviter le solo de Valse Hot , le premier solo enregistré de Max Roach à trois temps, car j’estime que l’usage des mesures à trois temps et autres mesures impaires est davantage rattachée à la suite de la carrière de Max Roach ; au vu de leur marginalité dans la période, j’ai donc préféré éviter de les analyser.
Dans une première partie, j’ai décidé de m’intéresser à tout ce qui pourrait nous aider à comprendre la période étudiée. Dans cette optique, je commencerai par considérer la vie de l’artiste dans sa globalité, afin de mieux comprendre l’homme ainsi que le contexte et les particularités de la période étudiée ; puis je m’interrogerai sur sa formation, ses influences, avant de tenter de dresser un portrait de sa personnalité musicale ; pour finir cette partie j’essaierai j’essaierai de suivre la genèse genèse de son son style, en m’intéressant m’intéressant à son jeu en solo solo et à sa place place lors des enregistrements avec Charlie Parker. Dans une deuxième partie, je passerai à la période étudiée et m’intéresserai plus en profondeur au groupe et à ses réalisations avant d’interroger directement le jeu de Max Roach afin de tenter d’en saisir les principes.
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I) PREMIERE PARTIE : ELEMENTS DE CONTEXTE
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A) Éléments de biogr!"ie « Je me suis marié quatre fois. J’ai vécu. J’ai travaillé avec les plus grands et ce dès mon adolescence. Quand j’ai voulu enseigner, je l’ai fait. J’ai toujours fait des choix, personne ne me dit ce que je dois faire. »12 Max Roach
Pour réaliser cette partie, j’ai décidé de m’appuyer sur la biographie qui m’a semblé la plus complète complète et synthé synthétiqu tique–ce e–celle lle du Dictionnaire du Jazz- en la corrigeant, l’étoffant et la remaniant sur la base des autres biographies et citations à caractère biographique que j’ai pu trouver. Je permets de convoquer à de multiples reprises le principal intéressé de cette biographie par le biais de déclarations recueillies dans divers ouvrages et magazines.
#) L$en%nce et les débuts « Bonjour. Mon nom est Max Roach et je suis né aux Etats-Unis d’Amérique au cours de l’année 1924. Ma famille a migré du Sud Profond –plus précisément la Caroline du Nordvers New York –plus précisément Brooklyn. Et c’est là que j’ai commencé à prendre mes leçons de musique et écouter la musique qui m’a préparée à devenir ce que je suis aujourd’hui. Ma mère est chanteuse de gospel, et ma tante pianiste d’église. L’appartement dans lequel nous avons emménagé emménagé à New York avait un piano mécanique. mécanique. Nous avons appris en faisant faisant jouer des rouleaux, en utilisant les pédales, et en écoutant ainsi la musique de gens comme Jelly Roll Morton, Scott Joplin, Fats Waller, Waller, Willie « The Lion » Smith, etc… » 13
Ses débuts musicaux sont liés d’abord aux activités de l’Eglise de la Concorde, puis à celles de l’école qu’il fréquente. Son environnement familial favorise également son apprentissage, et lui permet de voir à la fois des concerts de jazz et de musique classique Européenne. Arthur Taylor : « Comment as-tu commencé à t’intéresser à la musique ? » Max Roach : « J’ai commencé la musique à l’Eglise Baptiste de la Concorde. Cela s’est passé durant les le s étés, alors que mes deux parents travaillaient. Cela ressemblait à ce qu’ils appellent les aujourd’hui les centres aérés, mais c’était l’église qui s’occupait des enfants. C’est là que j’ai commencé commencé à m’intéresser m’intéresser à la musique, à sept-huit sept-huit ans. Il y avait une tante vivant à la maison qui était pianiste d’église. Elle nous a appris, à mon frère et à moi, la portée et l’harmonie au clavier servant à jouer de la musique religieuse (spiritual music). C’est dans cette même église que j’ai commencé à m’intéresser à la batterie, et j’ai commencé à étudier sérieusement la musique. Puis j’ai pris la décision de faire de la musique ma profession. J’ai continué tout au long du lycée, avant d’aller à la Manhattan School Of Music. »14
PEREMARTI Thierry « Max Roach –Free drum now suite » Jazz Hot no no 474, mai 1990, p. 24 13 Vidéo Max Roach – Jazz Collection, Collection, 1989 14 TAYLOR Arthur, Notes and Tones-Musician to Musician Interviews, entrevue Max Roach, p. 113, éditions Da Capo Press 12
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Max est alors fasciné par les big bands de Duke Ellington, Count Basie, Chick Webb. Sur les conseils de sa mère, après avoir pratiqué la clarinette, il abandonne le bugle pour la batterie. « Mon premier instrument fut le piano, puis la trompette et la clarinette, et enfin la batterie. J’ai grandi avec Bud Powell, alors pas question de jouer du piano ; après, j’ai rencontré Dizzy Gillespie Gilles pie et Parker, Miles, mes espoirs de devenir saxophoniste ou trompettiste ont été balayés. Mais j’adore la batterie, j’y ai consacré tout mon temps temps ». 15 Il commence assez tôt à jouer dans les fanfares, comme on l’a vu d’abord en qualité de trompettiste trompettiste et de clarinettiste, clarinettiste, puis enfin de batteur et percussionniste. percussionniste. À l’époque, les écoles dispensent des cours d’instrument aux élèves, qui ont le droit de les ramener chez eux afin de s’entraîner. Je pense qu’on peut dire que j’ai vraiment commencé à jouer dans les fanfares à l’âge de huit, neuf ans –c’est-à-dire vers 1931,1932-33, et ce jusqu’au lycée, où j’ai commencé à jouer la musique de Count Basie, Duke Ellington et d’autres gens comme ça, à l’école. (appui)16 Tout jeune, il fréquente Bud Powell, qui est un de ses amis, et pratique une grande diversité de styles musicaux. « Jazz Hot : Vous avez été un des premiers à accompagner Bud Powell. Dans quelles circonstances ? Max Roach : On se connaissait tout gosse. gosse . On habitait Harlem. On jouait tous les deux dans les dancings où les filles distribuaient des tickets à dix cents la danse. Les gens achetaient leurs tickets, les filles les ramassaient ramassaient et c’était parti pour un tour. On jouait une chanson chanson à la minute, dans tous les styles de danses. C’était de vrais petits jobs pour nous, on apprenait comme ça un tas de choses. choses. Toujours s’adapter. C’était une sacrée école. »17 Il reçoit sa première batterie à l’âge de douze ans avant de commencer des études de percussion classique, théorie musicale et composition à la Manhattan School of Music. Son premier engagement véritablement véritablement professionnel lui est fourni par Louis Jordan au début des années 40 ; plus tard, Max se souvient de ses débuts comme d’une période de grande activité, qui lui a permis d’aborder une grande diversité de styles musicaux. « Tout jeune déjà, je jouais avec des marching bands, des orchestres symphoniques. Je faisais du rhythm and blues un soir, le lendemain j’étais j’ étais avec Louis Jordan, après je jouais avec Coleman Hawkins pour passer ensuite au Dixieland et au New Orleans, sans compter les engagements avec les big bands. » 18 À l’âge de 16 ans, à l’occasion d’une absence de Sonny Greer, il est amené à prendre exceptionnellement la place de batteur dans l’orchestre de Duke Ellington. Laissons-le en parler : « Monsieur Monroe m’a appelé et m’a dit « M. Ellington a besoin d’un batteur. Comme tu sais lire la musique, pourquoi ne vas-tu pas là-bas pour remplacer le grand Sonny Greer ? » (…) J’y suis allé, j’ai rencontré le grand homme, et puis je me suis rendu compte que M. Greer PEREMARTI PEREMART I Thierry, op. cit., p. 23 16 Vidéo Max Roach – Jazz Collection Collection 17 PEREMARTI Thierry,op. cit., p. 24 18 PEREMARTI Thierry, op. cit., p. 23 15
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n’avait pas de partitions sur scène. J’étais assis là, l’air paniqué, et M. Ellington l’a remarqué. Il m’a dit : « Fils, garde un œil sur moi et un œil sur le spectacle –c’était du vaudeville ». Et je me suis rendu compte que c’était un chef fantastique. Et le lendemain, tout le monde parlait de ce gamin qui jouait avec Duke Ellington. 19 Il renouvellera l’expérience plus tard avec l’orchestre de Count Basie.
&) L cin'unte(deui*me rue + be(bo! et s,ing Kenny Clarke, à propos du jeune Max Roach : Les souvenirs amusés de ce dernier en disent long sur l’impatience du jeune Max, sa boulimie d’apprentissage et sa candeur frénétique : « Un jour, j’allais entendre Charlie Parker dans un endroit qui s’appelait Monroe’s Uptown House, et je me souviens du petit Max Roach, qui me disait « Oui, je joue de la batterie, je commence et je voudrais vous demander quelques trucs. » Ce soir-là, j’entendis Max nous faire une drôle de démonstration : il jouait et sifflait s ifflait en même temps ce qui lui passait par la tête, avec l’air de se moquer pas mal de ce que faisait Parker. Il se servait seulement des balais et, comme je lui demandais pourquoi il n’utilisait pas les baguettes, il me répondit : « Parce que je n’ai pas encore appris.» appris.» 20 Bien qu’attendrissante et rassurante pour les musiciens en cours de développement, cette anecdote a le défaut de ne pas cadrer avec la chronologie : en 1942, alors qu’il rencontre Gillespie qui l’embauche dans son orchestre, Max a 18 ans et joue de la batterie depuis au moins 6 ans, et avant cela du tambour dans les fanfares, soit une petite dizaine d’années de pratique, nécessairement aux baguettes. D’après le propre témoignage de Max, ce dernier rencontra pour la première fois Charlie Parker par l’intermédiaire du trompettiste Victor Coulson, alors qu’il jouait déjà avec John Birks Gillespie. « Ce souvenir ému » n’est donc pas à prendre pour argent comptant, bien qu’il puisse faire allusion à une période antérieure.
En 1942, son nom devint associé à ceux de Charlie Parker, Thelonious Monk et Dizzy Gillespie quand il devint le batteur attitré de la Monroe’s Uptown House, et qu’il participait aux jam-sessions à ce club et au fameux Minton’s Playhouse , véritable laboratoire du be-bop où se retrouvaient Thelonious Monk, Charlie Parker, Dizzy Gillespie et Kenny Clarke. « Max Roach : C’était une époque formidable pour nous dans la 52è rue… Ça l’était pour moi, en tout cas, débarqué là aux côtés d’un Parker, d’un Gillespie, d’un Thelonious Monk… Ces trois-là ont beaucoup d’importance pour pour nous. » 21 Il s’inspire alors considérablement de Kenny Clarke, parti au service militaire en Europe, et devient rapidement l’un des batteurs préférés des chefs de file du mouvement, Charlie Parker et Dizzy Gillespie. « Ainsi, Gillespie, après avoir entendu son drumming, lui dira : « Tu peux dès à présent te vanter d’être dans mon groupe ; et si même l’archange Gabriel venait en personne te demander de jouer avec lui, il faudrait faudrait que toi et ta batterie restiez avec nous. »22 A propos de l’archange auquel fait allusion Gillespie, cet engagement mène Max Roach bien loin de ses racines musicales Gospel. Vidéo Max Roach – Jazz Collection Collection BALEN Noël, op. cit., article « Max Roach : le rebelle », p. 294 21 Vidéo « Tribute To Charlie Parker » 1989, Feeling productions/La Sept/ Le Centre Audiovisuel Audiovisuel de Paris (55’) 22 Les génies du jazz, vol 4, article Max Roach, p. 160 19 20
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« J’ai eu la chance de travailler avec Dizzy lorsque Kenny a émigré en Europe. Sans ça je n’aurais sans doute pas avec lui car j’ai grandi dans un milieu musical différent à NewYork. »23 En 1944, engagé donc par Gillespie qui forme un quintette comprenant notamment Oscar Pettiford, il enregistre pour la première fois, cette formation étant mise au service de Coleman Hawkins –que Max retrouvera vingt ans plus tard pour We Insist ! Freedom Now Suite.
La carrière de Max est désormais lancée ; il pratique toutes sortes de musiques, met à profit ses talents de multi instrumentiste et fréquente un autre grand batteur de sa génération, Art Blakey. « Déjà à l’époque, il fallait jouer de plusieurs instruments, il m’arrivait d’accepter des engagemen engagements ts en tant que pianiste pianiste où Art Blakey prenait la batterie. batterie. La semaine semaine d’après, d’après, on inversait. »24 Peu de temps après, il part en tournée avec le saxophoniste Benny Carter. De retour à New York, il commence à participer à des enregistrements, enregistrements, bientôt historiques, de Charlie Parker. À l’automne 1945, avec le concours du jeune Miles Davis qui est venu s’adjoindre à Gillespie, le quintette de Parker enregistre les célébrissimes Billie’s Bounce et Now’s The Time. Il est à noter que le retour temporaire de Kenny Clarke aux Etats-Unis après la guerre n’assombrit en rien la carrière de Max Roach ; ils partageront d’ailleurs les sessions Birth Of The Cool de Miles Davis avant que Kenny n’émigre en Europe et ne laisse définitivement le champ libre à une génération à laquelle il a ouvert la voie. Kenny fait les remarques suivantes sur Max à l’époque : « Quand j’étais au Minton’s après la guerre, Max y venait souvent et jouait avec un contrôle et une technique incroyables – il avait développé une superbe main gauche. (…) Connaître Max était une expérience enrichissante. C’était le batteur de la nouvelle génération, très intéressé par la technique, mais il était aussi très musical. »25 De 1946 à 1949, Max appartient à diverses formations dirigées par Charlie Parker, participe en particulier à l’enregistrement de bon nombre de disques pour la compagnie Dial et, en janvier 1949, en alternance alternance avec Kenny Clarke, aux séances de l’orchestre l’orchestre de Miles Davis mentionnées mentionnées plus haut et qui, malgré leur insuccès, marquent la naissance naissance du jazz cool. Gerry Mulligan, dans la pochette du disque The Complete Birth Of the Cool, déclare qu’à son sens « Max était le batteur idéal pour ces sessions » ; il déclara plus tard qu’il en pensait également le plus grand bien dans le contexte d’un big band, n’hésitant pas à le qualifier de « batteur idéal pour un big band de par sa disposition mélodique ». Durant cette même année 1949, il effectue une tournée en compagnie du All Stars du JATP (Jazz At The Philarmonic) de Norman Granz. Au début des années 50, il enregistre de nouveau avec Parker, désormais sous contrat avec Verve, mais aussi en trio avec Bud Powell en mai 1951 et avec le trio Thelonious Monk en décembre 1952. ROSSI Christophe, article « Max Roach – le révolutionnaire », Batteur Magazine no 20, mai-juin 1989, p. 46 24 PEREMARTI Thierry, op. cit., p. 23 25 HENNESSEY Mike, Klook - The Story of Kenny Clarke , p. 64 23
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En 1952, il crée avec Charles Mingus une petite et éphémère compagnie discographique, Debut, qui, en mai 1953, publie l’enregistrement d’un concert réunissant à Toronto Parker, Gillespie, Bud Powell, Mingus et Max Roach, baptisé Jazz At Massey Hall -The Greatest Jazz Concert Ever . En 1953, il remplace–recommandé par celui-ci- Shelly Manne au Lighthouse All Stars, sous la directio directionn du contreba contrebassis ssiste te Howard Howard Rumsey, Rumsey, en Californi Californie. e. Plusieurs Plusieurs enregis enregistrem trements ents conservent la trace de cette collaboration. De façon plus anecdotique, il profite de son séjour sur la côte Est pour obtenir un petit rôle dans le film d’Otto Preminger Carmen Jones, adaptation « afro-américaine » (premier film du genre, politique en ce sens) de Carmen, film que Parker, au seuil de sa mort, retournera voir plusieurs fois afin de l’y apercevoir. C’est alors qu’en mai 1954, suite à la proposition de Gene Norman, il crée le premier quintette Clifford Brown - Max Roach.
-) Les débuts en solo et le r./e du btteur En 1954, Max Roach a 29 ans, et c’est maintenant qu’il va donner toute sa mesure. Il crée le quintette Max Roach - Clifford Brown. Il a depuis longtemps l’âme d’un leader. Il veut, selon ses propres termes, ter mes, « faire avec la batterie ce qu’ils (les boppers) faisaient avec leurs cuivres ». (Downbeat , avril 1954) 26
Le choix de Clifford Brown est loin d’être anecdotique ; les deux hommes se ressemblent et ce n’est pas la première fois qu’ils se rencontrent. Clifford a été signalé à Max Roach par les plus grands. Sa rencontre avait marqué Dizzy Gillespie, ainsi qu’Art Blakey qui vient de l’avoir quelques mois au sein de son groupe. Après une première et éphémère mouture avec Teffy Edwards au piano, Carl Perkins à la contrebasse et Sonny Stitt au saxophone ténor, le quintette se stabilise avec Harold Land au saxophone ténor, Richie Powell -le jeune frère de l’ami d’enfance de Max, Bud Powell- au piano et George Morrow à la contrebasse. Plusieurs Plusieurs enregistrements sont effectués pour Gene Norman et Mercury, qui seront publiés par Em Arcy. Selon les termes de l’ouvrage Les génies du jazz , « le groupe est exceptionnel non seulement pour les standards qu’il interprète, mais surtout par la façon de les les traiter. »27 Le quintette impose un style énergique et lyrique qui sera plus tard reconnu sous le nom de "hard bop ". En trois ans, il connaît plus de succès que l’autre grande formation dans ce style du moment, menée par l’ancien leader de Clifford et la connaissance de longue date de Max Roach, Art Blakey. En janvier 1956, Sonny Rollins prend le poste vacant depuis peu de saxophoniste ténor. Rejoignant au départ, selon Alain Gerber, le groupe en pensant faire un remplacement sans grande conséquence, les premiers concerts vont rapidement le faire changer d’avis ; toujours selon Alain Gerber, grand solitaire, Sonny vient de faire la rencontre d’une compagnie qui le méri mérite te.. L’ex L’exem empl plee d’un d’unee vie vie sain saine, e, stud studie ieus usee et insp inspir irée ée,, que que lui lui four fourni nitt Clif Cliffor fordd l’impr l’impress ession ionne ne et l’ins l’inspir pire. e. Le group groupee accél accélère ère la fréque fréquenc ncee de ses enreg enregist istrem rement ents, s, enregistrant même un album sous le nom de Sonny, qui regroupe des compositions de ce PACZYNSKI Georges, op. cit. (Tome 2), p. 102 Les génies du jazz, vol 4, article « Max Roach », p. 163
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dernier. C’est C’est alors que, juste après l’enregi l’enregistre strement ment par Sonny Rollins Rollins en compagnie compagnie de Max de l’album Saxophone Colossus, la mort frappe Clifford, Richie et sa femme qui disparaissent dans un accident de voiture sur l’autoroute de Pennsylvanie. C’est un traumatisme qui marquera à jamais Max et Sonny. « J’ai reçu un coup de fil de notre agent, qui m’a informé que Clifford et Richard avaient été tués sur l’autoroute de Pennsylvanie. Sonny Rollins, George Morrow –le contrebassiste- et moi-même étions alors à Chicago, et nous étions descendus dans un hôtel ; je les ai fait venir dans ma chambre et leur ai dit ce qui s’était passé. Sonny est alors allé dans sa chambre et je l’ai entendu jouer du saxophone toute la nuit –il a simplement joué toute la nuit. Je pouvais l’entendre de ma chambre, il n’a cessé de jouer de son instrument. Je me suis abruti, je me suis saoûlé. Et j’ai eu une hallucination dans laquelle Clifford, Richard et la jeune femme de ce dernier venaient à moi… Et dans mon hallucination, leurs corps étaient… en morceaux, car ils avaient chuté du flanc d’une montagne, et les portes… leurs corps étaient tombés hors de la voiture. Mais, quoi qu’il en soit, Clifford me dit : « Ne t’inquiète pas, Max, tout va bien ! » Tout cela dans une stupeur stupeur induite par l’alcool. Je n’oublierai jamais l’atmosphère de ce jour. Mais de ce jour à aujourd’hui, Sonny Rollins -qui est ensuite parti de son côté- et moi n’avons jamais parlé de ça, nous n’avons jamais parlé de l’accident. Sonny et moi, nous ne nous sommes jamais dit ne serait-ce s erait-ce qu’un mot à propos de cet accident. » 28 Sonny part alors de son côté, Max accompagnant accompagnant quelque temps son ascension qui se heurtera assez vite à celle de son ami John Coltrane. L’incapacité de Sonny d’intégrer un grand groupe, de créer un écrin pour développer ses idées et sa vision, comme l’a fait Coltrane, le pénalisera pénalisera -selon certains- dans la suite de sa carrière. La mort de Bird, survenue en 1955, avait mis un terme à l’une des époques les plus animées et les plus plus passi passion onna nant ntes es de l’his l’histo toire ire du jazz. jazz. Avec Avec celle celle de Brow Browni niee et ma malg lgré ré la collaboration de musiciens de talent tels que Kenny Dorham et Benny Harris, une autre période importante s’achevait pour Max Roach. Roach. 29
0) Le c"ngement « La mort de Brownie a vraiment porté un sale coup à Max Roach. Avec lui, ils avaient un grand groupe. Richie et Brownie morts, Max l’a dispersé. Quelque chose s’est vraiment déchiré dans la tête de Max et je ne crois pas qu’il ait jamais rejoué de la même façon. Brownie et lui étaient faits pour s’entendre, par leur façon de jouer : très rapides, ils pouvaient vraiment s’alimenter l’un l’autre. J’ai toujours eu le sentiment que les grands trompettistes ont besoin de grands batteurs pour donner tout ce qu’ils ont. Je sais que ça a toujours été mon cas ; Max me disait combien il aimait jouer avec Brownie. Sa mort l’a vraiment touché, il a mis longtemps à s’en remettre. 30 Miles Davis
La perte si douloureuse de Clifford allait cependant faire naître une autre musique : « Pendant Vidéo Max Roach – Jazz Collection Collection 29 Les génies du jazz, vol 4, article « Max Roach », p. 164 30 DAVIS Miles et TROUPE Quincy, Miles, l’autobiographie, Paris, Presses de la Renaissance, 1989, p. 175 28
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quelque temps je me suis senti dans un autre monde. Avec Sonny (Rollins) et George Morrow, nous avons fait quelques concerts prévus, sans Brownie et sans Richard. À partir de cette tragédie et avec le trio qui était un hommage à ces deux musiciens fabuleux, Sonny et moi avons commencé à nous adapter à ce fameux "sound". J’ai commencé à travailler d’une façon différente. C’est comme ça que Sonny a fait son premier « Freedom Now Suite » avec Pettiford et moi. Ce n’était pas une formule nouvelle, Mulligan et Baker le faisaient déjà sur la côte Ouest, mais j’y suis venu à cause de ce drame. 31 Max Roach Il est à noter que, d’ailleurs, ce « sound » connaîtra un bel avenir, car les formations sans piano deviendront par la suite particulièrement importantes dans la carrière de Max Roach.
En effet, Max ne se laisse pas abattre : « Si Hawkins, Dizzy, Parker, Clifford Brown ont été des étapes, c’est parce que je n’avais que le choix de jouer et d’avancer. Si les gens veulent toujours entendre la même chose de vous, alors il faut changer. Je crois qu’il n’y a que les historiens et les critiques qui vous disent « votre vie s’est arrêtée quand Charlie Parker est mort ou quand Clifford Brown est décédé. » »32 C’est C’est sans sans doute doute cette cette déte détermi rminat nation ion qui fait fait dire dire a Alain Alain Gerber Gerber « Pour un artiste, en bref, peut-être peut-être ne s’agit-il s’agit-il pas tant d’être à l’avant-garde l’avant-garde qu’au cœur des batailles et de les remporter l’une après l’autre, - avec cette audace sans ostentation qui ressemble à de l’élégance. Avec même, quelquefois, toutes les apparences de l’infaillibilité. Si quelqu’un correspond à ce portait, c’est bien Max Roach. Roach. » 33 Mais, contrairement à cette image de héros sans peur et sans reproche, Max fera face, de nomb nombre reus uses es anné années es dura durant nt à la suit suitee de la mo mort rt de Clif Cliffo ford rd,, à de séri sérieu euxx prob problè lème mess d’alcoolisme d’alcoolisme et de drogue : (…) parce que durant cette période de ma vie, je touchais un peu à tout… Cigarette, alcool, drogues, tout et n’importe quoi (…) Mais je traversais une période très particulière. Après la mort de Clifford, j’ai eu de nombreuses phases durant lesquelles je m’efforçais de me retrouver, moi et ma santé mentale. 34 Dans un premier temps, Max tente de retrouver la dynamique de son quintette avec Clifford : il remonte une formation similaire avec Kenny Dorham à la trompette et Ray Bryant au piano Max Roach plus pl us Four –octobre ( Max –octobre 1956). Très actif, il enregistre en 1957 en tant que leader un un album qui introduit une fois pour toutes les mesures à 3 temps dans le jazz ( Jazz In 3/4 Time ), enregistrant par ailleurs en tant que sideman avec Charles Mingus, Thelonious Monk pour Brilliant Corners en 1956, et à nouveau Sonny Rollins pour The Freedom Suite en 1958. Cette même année, Booker Little vient remplacer Kenny Dorham à la trompette. Toujours attiré par l’expérimentation, il enregistre en août 1958 avec le Boston Percussion Ensemble. Max se rend rapidement compte que des changements sont nécessaires. Il commence des expérimentations en solo et commence à s’engager politiquement. Mais après la mort de Clifford Brown, j’ai réalisé que toute ma carrière était…. devait changer changer de direction. J’étais devenu devenu indépenda indépendant nt de presque presque toutes mes influences. influences. Charlie Charlie Parker était mort, Dizzy Gillespie était parti de son côté, Miles était parti de son côté, J.J. Les génies du jazz, vol. 4, article « Max Roach », p.164 32 PEREMARTI Thierry, op. cit., p. 24 33 GERBER Alain, op.cit., article « Max Roach joue et gagne » (inédit) , p. 304 34 Vidéo Max Roach –Jazz Collection 31
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Johnson et tous les autres… Alors j’ai commencé à faire ce qu’on appelle de la « percussion solo » (…) C’était je, moi, et moi-même, pour pour ainsi dire. J’ai commencé à faire des disques comme « Deeds, not Words », j’ai commencé à m’impliquer politiquement. J’ai été impliqué aux côtés de, bien sûr, Martin Luther King, Malcom X, et tout le mouvement mouvement des droits civiques. Et la plus grande partie de ma musique a pris un tour politique. Durant la carrière de Malcolm, il utilisait les artistes pour attirer d’énormes foules, quoi que je vous fassiez ( les artistes ) – et j’écrivais de la musique spécialement faite pour cadrer avec ce qu’il faisait. 35 Alors que les compositions de Max Roach prennent un tour politique, elles commencent à intégrer la voix d’Abbey Lincoln, Lincoln, qui devient rapidement son épouse. Les deux seront mariés de 1962 à 1970. En septembre 1960, cet engagement engagement culmine une première fois avec l’enregistrement, l’enregistrement, pour la firme Candid, de We Insist ! Freedom Now Suite, avec Coleman Hawkins au saxophone ténor, Booker Little à la trompette et Oscar Brown Jr qui rédige les textes de ce disque-manifeste. Max considère cet engagement quelque chose de logique : Batteur Magazine : « Votre engagement politique a été une constante durant toute votre carrière. Comment était la lutte au début ? » Max Roach : « Dizzy et moi avons parlé de ces premiers jours de lutte aujourd’hui même. Ce n’est pas facile d’être artiste, aujourd’hui comme hier. Ce n’est pas facile de vendre de la poésie, de vendre des sons. C’est toujours une lutte. Pour être un artiste il faut se dévouer à cette lutte et ne pas vendre son art comme on vend de la confiserie ou du parfum. En tant qu’être humain vivant dans une société, je sais qu’il est difficile de vivre parfois, qu’on soit noir ou blanc. Je pense que si l’on est adulte, responsable d’une famille, on est directement concerné par la politique. Dans mon pays, je me préoccupe de savoir si chaque individu a une chance égale de vivre et d’apprécier la vie. En Afrique du Sud la seule raison qui fait que les Noirs soient malheureux c’est qu’ils n’ont pas le droit de profiter de la vie. Ils sont toujours en lutte. Les Français ont lutté il y a deux cents ans. Lutter est une chose naturelle. »36 Il ajoute que sa lutte n’est pas nouvelle, qu’elle a une longue histoire : « Lorsque j’ai composé « Freedom Now Suite » ce n’était pas un cri de révolte nouveau. Auparavant Duke Ellington avait écrit « Black, Brown and Beige », Bessie Smith avait fait « Black Mountain Blues ». Avant il y avait les vieux Negro spirituals, « Let My People Go », « Go Down, Moses ». C’est une part de notre culture. » 37 Son engagement se prolonge quand, en 1960 il se joint à Charles Mingus, Roy Eldridge, Eric Dolphy et Jo Jones pour enregistrer –toujours pour Candid- Newports Rebels, qui prolonge leur mouvement de protestation contre le festival de Newport. En octobre 1961, Booker Little meurt d’une crise d’urémie, et Max doit à nouveau changer de trompettiste.
Cette même année, l’album It’s Time, enregistré pour Impulse, tente de prolonger l’expérience de la la Freedom Now Suite en incor incorpo poran rantt seize seize chori choriste stess à une nouve nouvelle lle format formation ion qui comprend notamment Clifford Jordan et Mal Waldron. Percussion Bitter Sweet (même (même année, même compagnie) réussit mieux ce projet grâce à la présence d’Eric Dolphy. » En septembre 1962, il participe avec Duke Ellington et Charles Mingus à l’enregistrement en Vidéo Max Roach – Jazz Collection Collection 36 ROSSI, Christophe, op.cit., p. 50 37 ROSSI, Christophe, op.cit., p. 50 35
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grands moments moments trio trio de l’hist l’histori orique que Money Jungle, qui fut pour Ellington un de ses « grands 38 mystiques, où trois Muses se fondent en une seule entité » » . De même que Mingus, il s’impose comme l’un des inspirateurs du free jazz naissant tout en restant fidèle à sa propre esthétique profondément enracinée dans le bebop. Cependant, de son point de vue, il s’agit de toujours faire de nouvelles choses, au-delà des étiquettes et des « courants ». Il est à noter que Max, du point de vue musical, ne cautionne pas le mouvement du free jazz dans son ensemble : « Sous l’étiquette free jazz, il y avait un groupe de musiciens dont je n’ai jamais pu accepter le fait qu’ils n’aient jamais pris le temps d’apprendre consciencieusement à se servir de leur instrument. Cecil Taylor, lui, sait. Il en a fait le tour. Anthony Braxton est un autre exemple, il est le plus proche de ce que Charlie Parker fut, sans jamais l’imiter. Il faut énormément respecter les maîtres instrumentistes. Parker n’a jamais diminué l’importance d’un Johnny Hodges ou d’un Benny Carter, comme Coltrane n’a jamais diminué l’importance d’un Lester Young qui n’a jamais diminué Coleman Hawkins. Ces gens-là ont apporté des idées nouvelles parce qu’ils étaient avant tout des instrumentistes hors pair. Idem pour Art Tatum. C’est instrumentalement parlant que je ne pouvais pas traiter avec des musiciens dits de "free jazz". Par contre, au niveau des engagements engagements socio-politiques, ça collait. »39
Mais son engagement politique n’est pas sans conséquences : il est mis sur liste noire par plusieurs grandes compagnies de disques. Cependant, il n’a aucun regret : « Je ne pense pas que le fait d’avoir été un « politique » dans les années soixante ait pu affecter affecter ma carrière ou ce que je suis devenu. devenu. Aujourd’hui Aujourd’hui j’ai toujours toujours des problèmes problèmes avec les maisons de disques, mais peut-être peut-être est-ce mieux mieux ainsi. Cela me permet de faire ce que je 40 veux et d’être avant tout moi-même. » Toujours dans un esprit d’expérimentation, il est un des premiers batteurs à essayer une batterie électronique : Batteur Magazine : A propos d’électronique, je me souviens vous avoir vu présenter les toutes premières batteries électroniques à la fin des années 60, ça m’a frappé. Max Roach : « Il s’agissait d’une batterie expérimentale de la marque Hollywood. Je l’ai utilisée avec différents orchestres et même au sein d’un orchestre symphonique. Mais c’était très primitif. Il était difficile de contrôler le son et de l’équilibrer avec les autres instruments. En revanche, c’est très intéressant pour les solos. Dès que je jouais en orchestre, je revenais au mode acoustique. » 41
1) Le 'urtet2 les duos2 l$enseignement2 l com!osition2 M$Boom et les e!érimenttions A partir de 1966, il enregistre avec divers partenaires plusieurs albums pour Atlantic : Drums Unlimited (1966) (1966) qui contient contient trois plages entièrement solo ( The Drum Also Waltzes , For Big Sid , Drums Unlimited ), ), renoue avec la formule du quintette, cette fois avec Freddie Hubbard ELLINGTON Duke, Music Is My Mistress 39 PEREMARTI Thierry, op.cit., p. 23 40 PEREMARTI Thierry, op.cit., p. 23 41 ROSSI, Christophe, op.cit., p. 49 38
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Lift Every Voice and Sing –1971) ; tente de nouveau d’intégrer les interventions d’un choeur ( Lift à un nouveau quintette qui comprend Cecil Bridgewater et Billy Harper, deux musiciens qui collaboreront régulièrement avec lui par la suite. En 1973, il fonde avec Roy Brooks, Joe Chambers, Omar Clay, Warren Smith et Freddie Waits l’ensemble de percussions M’Boom Re : Percussion . Quoiqu’épisodique, Quoiqu’épisodique, cet ensemble se produit en concert et enregistre régulièrement au cours des années 70 et 80. Batteur Magazine : La phase suivante de cette recherche fut votre groupe de percussions, M’Boom. Max Roach : « Oui ce fut une extension de ce concept avec toute la famille des instruments à percussion : la batterie, le vibraphone, le marimba, les l es timbales de concert qui suggéraient la ligne de basse et les instruments afro-cubains. »42 « Nous avons un orchestre complet, qui a tous les sons et même plus. Pour M’Boom, j’ai rassemblé plus de cent instruments différents. Nous nous sommes réunis, nous sommes allés au stud studio io et avon avonss comm commen encé cé à expé expérim rimen ente ter. r. Ce sur sur quoi quoi j’ai j’ai insis insisté té était était que que nous nous choisissions un répertoire qui reflète ce à quoi les Duke Ellington, les Thelonious Monk et les Dizzy Gillespie et les Miles Davis et e t nous-mêmes étions confrontés. Et nous avons commencé à travailler sur cette idée. Elle plut beaucoup à tous et ils l’apprécièrent car, maintenant, nous étions la « front line », nous étions devenus les solistes. L’orchestre ne cesse d’exister. Nous nous réunissons et nous créons, tout simplement. Nos répétitions sont amusantes, nos concerts sont amusants. Et cela fait 25 ans que nous jouons ensemble, vous savez. Et c’était notre attitude, qui ne ressemble à celle d’aucun autre ensemble de percussion au monde, qu’il soit Japonais, Européen ou Africain ou d’ailleurs… C’était juste simplement l’idée que nous allions nous-même créer –comme nous essayons de créer cet être humain, aux Etats-Unis, cet être humain qui a été complètement lobotomisé et ne sait rien de son histoire ou de n’importe quoi d’autre.» 43
Pendant ces mêmes années, l’activité du batteur, qui est devenu enseignant à plein temps au Département Département de Musique et Danse de l’université l’université du Massachusetts-Amherst, Massachusetts-Amherst, où il participe participe à l’élaboration d’un cursus en « American Music », gravite essentiellement autour du quartette sans piano qu’il présente régulièrement en tournée et dans de multiples enregistrements souvent effectués en Europe. De temps à autre, un quatuor à cordes est adjoint à ce quartette. Selon Selon l’article l’article « Max Roach Roach » du Dictionnaire du jazz, « le résultat de cette tentative d’instrumentation originale n’emporte pas cependant tous les suffrages, nettement moins en tout cas que les duos que le batteur commence à provoquer à partir de 1976 avec des musiciens aboutis instrumentalement et plus ou moins liés à l’esthétique free, tels qu’Archie Shepp (Force, 1976 ;The Long March), Dollar Brand (Streams Of Consciousness, 1977), Anthony Braxton (Birth and Rebirth, 1978 ; One in Two, Two In One), Cecil Taylor (Historic Concerts, 1979) » ; en 1989, il retrouve Dizzy Gillespie pour un duo exceptionnel ( Max & Dizzy, Paris 1989 –A&M CD6404). « Au cours de ces duos, et sans rien renier de sa propre histoire musicale, le batteur fait preuve d’une admirable capacité de renouvellement . » Max affectionne particulièrement cette formule du duo : « Au festival de Bologne, j’ai fait la même chose, j’ai joué en duo avec Wynton Marsalis. (…) J’aimerais J ’aimerais faire un duo avec Sonny Sonny Rollins, un avec Miles Davis. »44 ROSSI, Christophe, op.cit., p. 48 Vidéo Max Roach – Jazz Collection Collection 44 PEREMARTI Thierry,op.cit., p. 24 42 43
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En 1979, afin de renouer avec le milieu musical de New York, Max Roach obtient un poste de « professeur adjoint », moins prenant que son ancien poste de professeur d’université. En 1983, Max défraie la chronique en jouant avec un jeune chanteur de rap. Mais pour lui, « ( …) travailler avec le rapper Fab Five Freddy n’a rien de surprenant. Je considère le rap comme un art à part entière, comme un phénix. Ces gens-là recréent à leur manière le mouvement par le break dancing, l’art pictural par le graffiti, la poésie par le rap et le son par les disc-jokeys et leur l eur tourne-disques. Tout est représenté : danse, arts plastiques, poésie, musique : je fais tout à fait confiance à ces jeunes, ils me rappellent Louis Armstrong et Charlie Parker. Sans éducation musicale particulière, ils créent quelque chose de neuf à leur manière. »45 Tout en ne cessant de développer la composition, Max continue de militer politiquement : en 1985, à l’occasion d’un concert-manifeste pour la libération du leader sud-africain Nelson Mandela, il joue avec Eddy Louiss, Bernard Lubat, le saxophoniste Manu Dibango et le chanteur malien Salif Keita. La même année, il gagne un Obie Award pour pour la musique de trois pièces de Sam Shepard qui venai venaient ent d’êtr d’êtree remont remontée éess au Mama Theater de New York. Il collabore ensuite avec le chorégraphe Alvin Ailey sur le ballet Survivors, un hommage à Willie et Nelson Mandela. Toujours attiré par l’expérimentation, il joue avec des ensembles de percussion africains, japonais, japonais, européens, improvise en direct avec une artiste de la vidéo et travaille avec le verbe parlé en improvisant un solo de batterie sur le célèbre discours du révérend Martin Luther King I Have A Dream. Compositeur Compositeur prolifique, il a signé la musique du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare , pour le San Diego Diego Repertory Repertory Theater, Theater, et Toot Sweet, suite en cinq mouvement pour batterie et orchestre de chambre créée en 1988 à Milan avec le compositeur comme soliste et chef d’orchestre. Il a obtenu en 1988 une bourse nationale de la Mac Arthur Foundation d’un montant de 372 000 dollars, qu’il compte mettre à profit en montant un programme d’action culturelle à Bed-Stuy. En 1990, il travaille en tant que directeur musical d’une pièce de LeRoi Jones. Si les années 90 sont moins actives, elles voient tout de même Max Roach faire plusieurs tournée tournéess avec avec une grande grande diversit diversitéé de formations, formations, dont son quartet , le double quartet , le Chorus and Orchestra, M’Boom et d’autres encore. Max porte un regard optimiste sur la musique de cette fin du XXè siècle : « La musique de cette fin de siècle est très fluide, très démocratique, ce n’est pas de la musique impérialiste. Chaque génération essaie de témoigner de son époque. » 46 Toujours actif jusqu’à la fin de sa carrière, Max cherche à témoigner de « son » époque en achevant et publiant une autobiographie qu’il a débutée il y a plus de 20 ans comme une biographie de Charlie Parker. Il déclarait en 1990 : J.H. : Où en est le livre que vous écrivez depuis des années ? M.R. : Je continue de l’écrire. J’ai énormément d’informations. (…) Ça va être aussi mon histoire, celle d’un être humain, au vingtième siècle, de race noire et qui se trouve être un musicien de jazz. L’histoire de quelqu’un qui a voyagé partout dans le monde et qui a trouvé PEREMARTI Thierry,op.cit., p. 23 ROSSI, Christophe, op.cit., p. 50
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sur son passage des gens comme Duke Ellington. (…) Mais avant tout, il sera question d’être Noir à cette époque, la musique étant de de l’ordre de l’incident. Accidentellement, la musique m’a certainement sauvé. J’ai eu de la chance, j’aurais pu mourir dans un caniveau comme beaucoup d’autres. d’autres. » 47 À l’heure où j’écris ces lignes, ce livre n’est toujours pas publié.
PEREMARTI Thierry,op.cit., p. 25
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B) Les in%luences musicles du début de crri*re « Bien sûr, j’ai beaucoup écouté Sidney Catlett, Jo Jones, Chick Webb et Kenny Clarke. Mais je puis dire que je me suis formé moi-même mon propre propre style. Les premiers disques où je me retrouve, re trouve, ce sont des sessions avec Coleman Hawkins en 1944, Dizzy Gillespie et les premières faces de Charlie Parker. Mais il est délicat de décider à partir de quel moment j’ai été vraiment moi-même car, lorsque j’entends des gens qui font ce que je fais, je ne puis plus refaire la même chose. » 48
Dans cette partie, j’ai choisi d’examiner, du plus lointain au plus proche, les influences les plus importantes de Max Roach, afin de saisir comment il s’est formé et avoir ainsi un éclairage particulier sur sa personnalité musicale. Comme nous l’avons vu dans la biographie, il a été dès sa plus tendre enfance soumis à l’écoute des grands pianistes de ragtime, de la musique religieuse noire, des big-bands et du swing, de la musique classique Européenne, des danseurs de claquettes et des divers styles de danse pratiqués dans les " dancings halls ". Mais quels batteurs et musiciens en particulier l’ont influencé dans son développement ? C’est à cette question que je tenterai de répondre dans cette partie. J’ai tou toujou jours détes étesté té l’id l’idéée que que le batte atteuur ne doive oive être être qu’un ’un Max Max Roac Roachh : « J’a accompagnateur soumis. Les gens qui m’ont réellement motivé étaient ceux qui utilisaient le potentiel musical de l’instrument. »49
#) Les 3trois m4tres3 « Les trois maîtres… Trois des maîtres –il y a eu d’autres batteurs, bien sûr- qui s’imposent à mon esprit sont Papa Jo, le grand batteur de l’orchestre l’orchestre de Count Count Basie, Basie, dont j’ai toujours dit à mes étudiants étudiants que sur deux temps que n’importe n’importe quel batteur joue, trois appa appartienn rtiennent ent en fait à Papa Jo Jones. C’était une manière de dire que… il a tout fait ! L’autre batteur, bien sûr, est Sidney Catlett, qui fut le batteur de Louis Armstrong à un moment. Et quand Gene Krupa a quitté l’orchestre de Benny Goodman pour monter son propre groupe, Benny s’est adressé à Sidney Catlett, et c’est probablement une des très rares fois où l’intégration a triomphé et le racisme raci sme a été mis à mal, et cela c ela à cause du talent d’un homme comme Sidney Catlett. Qui, par la manière dont il se servait de cet instrument, son sens de l’humour et ce qu’il pouvait faire avec cet instrument faisait que quelqu’un comme Benny Goodman se devait de prendre quelqu’un comme comme lui pour remplacer Krupa. Kenny Clarke mérite une place particulière car, de tous les batteurs modernes, ce qu’il a fait avec l’instrument, la manière dont il a coordonné la grosse caisse et la hi-hat, et l’utiliser ainsi… c’était incroyable.(…) La façon dont il gérait ses quatre membres est impossible, quand on l’entend et on voit comment cela est fait. » 50 a) Cozy Cole
Il peut sembler surprenant d’inclure le batteur swing Cozy Cole dans la liste des influences de JALARD Michel-Claude, op.cit., p. 14 ZWERIN Mike, op. cit. 50 Vidéo Max Roach – Jazz Collection Collection 48 49
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Max Roach. En effet, ce dernier n’a jamais, à ma connaissance, cité Cozy comme influence. La citation suivante de « Philly » Joe (Joseph) Jones éclairera sans doute cette décision : « Avant de quitter New York je suis allé voir Cozy (Cole). Max Roach étudiait avec lui à l’époque. Même Jo Jones passait le voir de temps en temps, alors je savais que Cozy était un sacré professeur. C’était un sacré type, et je l’ai toujours beaucoup apprécié. Cela se passait quand il tenait une école sur la quarante-huitième quarante-huitième rue. » 51 Si on croise cette information avec la date de départ de « Philly » Joe Jones de New York pour Washington afin de jouer avec Ben Webster (1949), on en arrive à la conclusion que, alors qu’il finissait de se former et développait ses conceptions solistes, Max étudiait avec Cozy Cole. Je pense qu’en regard de cette conjecture, on appréciera mieux le fait que j’ai inclus celui-ci dans la liste des influences de Max, alors que Chick Webb – qui a sans doute influencé Max par le caractère flamboyant de son jeu tant en accompagnement qu’en solisten’y figure pas. Cozy Cole inspirera ou confortera sans doute Max dans son attitude studieuse quant à l’étude de l’instrument : « Cozy Cole possédait un feeling tout à fait extraordinaire. Il étudiait sans relâche et sa devise était : « Plus vous étudiez plus vous vous apercevez que vous ne savez rien, mais plus vous étudiez plus vous vous rapprochez du but. » La batterie était toute sa vie. »52 D’autre part, Cozy personnifie, en tant que batteur et professeur, un aspect particulièrement important du jeu de batterie jazz, auquel Max restera très attaché : « Pour Cozy, comme pour les batteurs New Orleans et middle jazz, la grosse caisse est le fondement du tempo : « La grosse caisse -rappelle Cozy- est l’élément primordial de la batterie. Quelle peut bien être l’utilité d’un batteur qui n’est pas capable de tenir un tempo ? Tenir un tempo, cela ne veut pas dire le marquer continuellement de manière mécanique, mais faire en sorte qu’il soit toujours présent même quand il est sous-entendu. » Les boppers tels que Kenny Clarke ou Max Roach joueront eux aussi la grosse caisse sur tous les temps et elle demeurera une part essentielle de la batterie. »53 Un autre autre facte facteur ur int interv ervie ient nt qui qui sera sera d’une d’une grand grandee influ influenc encee sur sur Kenny Kenny Clark Clarkee donc, donc, indirectement, sur Max Roach : « Cozy a été l’un des premiers premiers batteurs à se pencher véritablement véritablement sur le développem développement ent de la coordination mains-pieds menant à l’indépendance des quatre membres. De ce point de vue, il était en avance sur son temps : ses recherches annonçaient déjà celles des batteurs bop des années 40. » 54 Cozy avait également des convictions que partagera Max : Il estimait également qu’« un batteur devrait aussi apprendre à faire des arrangements, pas forcément pour devenir arrangeur lui-même mais pour être capable, s’il prend un jour la direction d’un orchestre, de parler métier avec l’arrangeur et de lui expliquer exactement ce qu’il désire. »55 TAYLOR Arthur, op.cit., p. 43 PACYNSKI Georges, Une histoire de la batterie de Jazz - Tome 1 : des origines aux années Swing, éditions Outre Mesure, collection Contrepoints, p. 204 53 PACYNSKI Georges, op.cit. (Tome 1), p. 211 54 PACYNSKI Georges, op.cit. (Tome 1), p. 205 55 Les cahiers du jazz, no 10, 1964, pp. 75-76 51 52
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Enfin, Cozy était d’accord avec un point important de la pratique de la batterie de jazz, sur leque lequell tou toutes tes les les influ influenc ences es de Max sont sont unan unanime imess : Au cours d’une table ronde sur la batterie, il dit à Art Blakey : « Comme tu le dis toi-même, Art, il ne faut jamais rien jouer qu’on ne sente pas véritablement. » 56 b) Poppa Jo Jones
famili liar arise ise Batte Batteur ur au swing swing infail infailli lible ble,, Jo Jones Jones n’est n’est pas seule seulemen mentt batteu batteur, r, « il se fami effectivement très tôt avec le piano, la trompette et le saxophone. Cet apprentissage pluriinstrumental s’accompagne d’une expérience extrêmement propice au développement du musicien musicien qu’il va devenir devenir : il se joint à une troupe ambulante ambulante dans dans laquelle il se produit produit en 57 tant que chanteur et danseur de de claquettes. » On trouve dans son jeu de nombreuses phrases de 3 temps dans du 4/4, son jeu de balais ainsi que son jeu sur la charleston sont parmi les principaux modèles du genre, et il arrive de l’entendre phraser avec la main gauche sur la caisse claire. De tous ces points de vue, il a sans doute influencé Max. c) idney Catlett
Sidney Catlett Catlett est remarquable car il est un des seuls batteurs de swing à avoir su bien jouer à la fois le style swing et le style be-bop. Son jeu présente de nombreuses marques de modernité qui trouveront leur aboutissement dans le style d’accompagnement be-bop : « À en croire Charlie Persip, le batteur bop, Sidney a été l’un des premiers à jouer la grosse caisse avec des accents et lancer ainsi des "bombes" – technique que développeront plus tard Kenny Clarke, Max Roach et Art Blakey à un très haut niveau. » 58 Autre point important sur lequel Jo Jones et Sidney Catlett n’auront pas qu’un peu influé, « la contrebasse tiendra une telle place dans l’orchestre qu’ un batteur ne pourra désormais plus exister sans faire équipe avec un contrebassiste . Le tandem contrebasse-batterie constituera l’un des piliers de toute l’histoire du jazz à venir. (…) Sid écoutait lorsqu’il jouait – explique Billy Taylor. Il travaillait en étroite collaboration avec le contrebassiste. Il se soudait à lui ; tous deux fonctionnaient comme un attelage. Le pianiste dans un trio pouvait se lever et aller se promener. Je veux dire que le rythme était bien là. » 59 Peut-être parce qu’il a grandi avec Bud Powell, Max Roach, tout en faisant corps avec la basse (par la ride et les temps à la grosse caisse), portera lui une grande partie de son attention au jeu du pianiste, répondant au soliste souvent en conjonction avec celui-ci, quand il ne fait pas écho à son « comping ». Bien qu’il soit un batteur confirmé, Sidney affirme : « Je ne suis pas un technicien. Je joue ce que je sens et cela sort en général de la façon dont je l’ai désiré. » 60, ce qui nous ramène à l’idée de la musique avant la technique. Par ailleurs, Sidney a été un des premiers à développer un jeu mélodique en faisant usage des toms ; il emploie de façon extensive plusieurs des illusions auditives qui, selon George Les cahiers du jazz no 10, 1964, p. 62 PACYNSKI Georges, op.cit. (Tome 1), p. 229 58 PACYNSKI Georges, op.cit. (Tome 1), p. 248 59 KORALL Burt in Drummin’ Men, pp. 176-177 60 Down Beat , 24 mars 1966, p. 27. Interview réalisée en avril 1941 par la revue Music and Rhythm 56 57
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Paczynski, traversent l’histoire du jazz, et marqueront Max. Le morce morceau au solo solo For Big Sid issu issu de l’al l’albu bum m de Max Roach Roach Drums Unlimited (1966) confirme l’influence de Sidney Catlett sur Max d) !enny Clar"e
« Kenny était enthousiasmé par quatre batteurs : Jo Jones, Big Sid Catlett, Cozy Cole et Walter Johnson – « Jo pour son attitude casse-cou, mais toujours correcte ; Big Sid pour son "timing and dynamics " ; Cozy pour son aisance à aborder les problèmes musicaux et Walter pour sa sûreté ».61 Tout comme Jo Jones, Kenny et Max Roach sont multi–instrumentistes, multi–instrumentistes, ce qui leur donne une vision globale de la musique qu’ils jouent : « Parallèlement Kenny joue du piano, du vibraphone, vibraphone, du xylophone et même du trombone trombone ! Il sait non seulement interpréter des mélodies écrites mais improviser en suivant les accords d’une grille. » 62 Max souligne également ces faits, mais insiste également sur les talents de compositeur de Kenny Clarke : « Et un autre aspect de Kenny : Kenny était un merveilleux pianiste, un percussionniste correct, un bon vibraphoniste, et un très bon compositeur. Il a écrit de nombreux morceaux qui qui ont été enregistrés. »63 La dimension compositionnelle sera, à mon avis, omniprésente dans le jeu de Max Roach, et ce avant même qu’il n’écrive régulièrement des morceaux pour les ensembles dont il fera partie.
L’app ’appor ortt capi capita tall de Kenn Kennyy Clar Clarke ke à l’hi l’hist stoi oire re du jaz jazz est est sans sans cont contes este te le styl stylee d’accompagnement d’accompagnement be-bop : tout en maintenant le tempo sur la grande cymbale ride, les 2è et 4è temps à la charleston, ainsi que tous les temps à la grosse caisse, Kenny joue, de manière discontinue et en complément du jeu des solistes, des ponctuations à la main gauche, sur la caisse claire, ainsi qu’à la grosse caisse, en alternance avec le tempo. Laissons-le en parler : « Vers 1940, le jeu de batterie était en général trop lourd pour coller systématiquement avec la basse et le piano et créer réellement une section rythmique cohérente. Les batteurs avaient l’habitude de taper comme des sourds et je crois avoir été l’un des premiers à sentir la nécessité de rendre ce jeu plus léger pour pouvoir l’incorporer plus aisément dans la rythmique. »64 Loin d’avoir peur de se contredire, Kenny affirme plus tard : « Je jouais comme cela pour moi, pas pour inventer quelque chose pour les autres (…) C’était une facilité que j’ai trouvée et tout le monde a aimé cela (…) Le rythme sur la cymbale, la grosse caisse pour les accents et des trucs comme cela, et la main gauche pour la caisse claire –c’était bien pour moi, mais les autres ont pensé que c’était bien pour eux aussi. Et tout le monde a commencé à jouer comme ça. 65 J’ai le sentiment que c’est Georges Paczynski qui, dans Une histoire de la batterie de JazzTome 2 : les années bebop : la voie royale et les chemins de travers , nous livre la clé de ce développement : HENNESSEY Mike, op. cit., pp. 188-189 PACYNSKI Georges, op.cit. (Tome 2), p. 52 63 Vidéo Max Roach – Jazz Collection Collection 64 PACYNSKI Georges, op.cit. (Tome 2), p. 53 65 PACYNSKI Georges, op.cit. (Tome 2), p. 53 61 62
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Contrairement à tous les batteurs qui le précédèrent, ce n’est pas un batteur qui influença Kenny et lui permit d’améliorer son style de batterie mais… deux contrebassistes ! Kenny essayait en effet depuis 1931 un type de jeu nouveau en travaillant avec son frère, le contrebassiste Frank Clarke qui lui fit découvrir un autre contrebassiste, Jimmy Blanton : « Mon frère, le bassiste, avait acheté un disque de Jimmy Blanton en solo. En l’écoutant, nous eûmes la révélation qu’il fallait changer quelque chose au jeu de batterie pour pouvoir accompagner cette nouvelle façon de jouer à la contrebasse. Mon frère et moi passâmes des heures à expérimenter cette nouvelle interpénétration de la contrebasse et de la batterie et nous fîmes des choses qui nous parurent parurent très intéressantes intéressantes – je crois que c’est à partir de là que j’ai réellement commencé à chercher dans une toute nouvelle direction. »66 Kenny s’attira des reproches de la part des contrebassistes dont il était le partenaire, car, tout en jouant le cha-ba-da sur la cymbale, il continuait à marquer les quatre temps à la grosse caisse. « Quand j’entends cette grosse caisse tout le temps – lui lança l’un d’euxd’eux- je ne peux pas me concentrer sur mon solo. » (Modern Drummer, février 1984, p. 20) Alors Kenny décida de marquer les quatre temps beaucoup plus discrètement avec son pied droit, tout en ajoutant de temps en temps des accents. 67
Comme Comme toute toutess les inn innova ovati tions ons,, celle celle de Kenn Kennyy n’est n’est pas im imméd médiat iateme ement nt compri comprise se ni forcément appréciée, et c’est à cause d’elle qu’Earl Hines renvoie Kenny de son orchestre au début de sa carrière. « En fait, quand j’étais au Minton’s, personne n’a vraiment saisi ce que j’étais en train de faire avec mon instrument. Je me souviens de Sid Catlett (…) il écoutait et écoutait. Il dit finalement : « Joues-tu la grosse caisse ? » Je répondis : Oui, mais je fais des accents en dehors des quatre temps. » Je ne pouvais abandonner cela et jouer sans grosse caisse. Les accents n’auraient pas été en place. Big Sid dit : « Oui, je comprends. » » 68 Toutefois, Kenny n’a pas développé son style hors de tout contexte. Ses partenaires de " jamsession" du du Minton’s Uptown House ne sont pas en reste : « Aux dires du batteur, Thelonious Monk serait à l’origine de son jeu de grosse caisse. Le phrasé du pianiste, surtout les accents, l’auraient conduit à jouer lui aussi des accents, mais à la grosse caisse. » 69 Les thèmes qu’il joue – dûs entre autres à Charlie Parker- et leur vocabulaire rythmique original constituera, selon George Paczynski, une influence importante : « Grâce à un large éventail de thèmes bop, le batteur va emmagasiner une série de motifs rythmiques qui le doteront d’un véritable vocabulaire et qui apparaîtront, sous une forme ou une autre, dans les thèmes qu’il travaillera. Ils seront évidemment placés à des endroits divers, selon la structure du morceau. (…) Le batteur articulera alors ces cellules –ossature d’authentiques phrases musicales- non seulement lors des exposés, mais surtout au cours des improvisation improvisations. s. Tout l’art du musicien musicien résidera dans dans une vaste disponibilité disponibilité auditive auditive et gestuelle. Il ne s’agira pas cependant pour lui de « resservir » telle ou telle formule retenue par cœur, mais au contraire de répondre musicalement –d’une manière intéressante, toujours nouvelle nouvelle et en totale décontractiondécontraction- au discours discours toujours toujours renouvelé de ses partenaires partenaires et de 70 souligner, à son goût, certaines notes ou certains silences. » Et si Kenny n’avait pas joué ainsi sans ses partenaires du Minton’s, inversement le bop Jazz Hot, novembre 1963, p. 25 PACYNSKI Georges, op.cit. (Tome 2), p. 59 68 PACYNSKI Georges, op.cit. (Tome 2), pp. 54-55 69 HENNESSEY Mike, op. cit., p. 46 70 PACYNSKI Georges, op.cit. (Tome 2), p. 60 66 67
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n’aurait pas été le même sans lui ; ainsi commente Dizzy Gillespie le rôle joué par Kenny important que le mien, ou que Clarke : « Tout le monde a joué un rôle, et le sien a été aussi important celui de Charlie Parker et de Monk. Sa contribution se place au même niveau que celle des autres. autres. Pas de prééminenc prééminencee particulière. particulière. Il y avait une collaboration collaboration très étroite entre nous tous. Par exemple, si j’avais une idée, je l’exposais à Klook au piano, et lui à la batterie cherchait à l’encadrer ou à la mettre en valeur par des figures rythmiques ; et, ce faisant, il me suggérait dix autres idées. »71 Comme on a pu le comprendre, la clé de ce nouveau style est la complémentarité et la dynamique de la relation entre les musiciens, section rythmique et solistes. Jouant également avec Dizzy Gillespie, Gillespie, Thelonious Monk et Charlie Parker, Max subira aussi l’influences des partenaires de Kenny Clarke. Selon les mots d’Alain Gerber à propos de ce nouveau style, « ainsi en va-t-il des inventions, quan quandd elle elless sont sont vrai vraime ment nt capi capita tale les, s, elle elless défi défini niss ssen entt la nouv nouvel elle le ma mani nièr èree d’êt d’être re 72 conventionnel. » Comme nous l’avons vu, pour les batteurs qui ont précédé Kenny, l’idée doit passer avant la technique. Kenny reprend cette idée, et va même beaucoup plus loin : « Je pense que n’importe quel musicien n’a besoin que suffisamment de technique pour s’exprimer ; je ne pense pas qu’on devrait aller au-delà. Cela ne veut plus rien dire lorsque cela va au-delà de ce qu’il ressent. Il est toujours bon d’avoir un peu de technique de côté ( en réserve), mais je ne pense pas qu’il faille se focaliser uniquement sur la technique dans la mesure où on fait de la musique, et que la musique vient du cœur ! Et cela n’a rien à voir avec la technique telle qu’on l’envisage d’habitude. d’habitude. »73 Max reconnaît explicitement l’influence énorme qu’a eu sur lui Kenny : que si j’avais eu un grand frère c’eût Max Roach : « J’ai beaucoup appris de lui (…) Je parie que été Kenny Clarke. Il avait une superbe coordination. Ses quatre membres travaillaient ensemble en complète harmonie sans qu’aucun ne prenne le dessus. La plupart des batteurs sont presque toujours « off balance », Klook, lui (…) n’avait pas les défauts habituels des autres batteurs. Tout était équilibré. » 74
&) Les dnseurs de cl'uettes On oublie souvent qu’à une certaine époque de la « Swing Craze », c’était les danseurs de claquettes, et non les batteurs qui tenaient le haut de la scène. Max n’est pas sans avoir été influencé par ceux-ci : Jazz Magazine : « Vous avez souligné l’utilisation des pieds dans la batterie, ce qui fait songer songer à l’influence l’influence des grands danseurs danseurs de claquettes claquettes sur la batterie batterie jazz. A mon sens, ces danseurs ont eu un grand impact sur la batterie be-bop. » Max Roach : « Vous avez parfaitement raison. En fait, les premiers batteurs, Poppa Joe Jones, Buddy Rich, etc. étaient des danseurs de claquettes. Et des bons. Philly Joe en particulier. Moi-même, d’ailleurs… (c’est moi qui souligne) »75 Max estime d’ailleurs que les claquettes et la batterie sont plus proches qu’on ne l’estime BALEN Noël, op. cit., p. 292 GERBER Alain, op. cit., article « Kenny Clarke, batteur choc », 19 septembre 1982, p. 260 73 TAYLOR Arthur, op.cit., entrevue avec Kenny Clarke, pp. 190-191 74 HENNESSEY Mike, op. cit., pp. 248-249 75 SIDRAN Ben, article « Max : la tête et les jambes », Jazz Magazine no 370, avril 1988, p. 26 71 72
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généralement : « Les claquet claquettes tes et la batteri batteriee (trap drumming) ont beaucoup de choses en commun, en particulier le fait que les rythmes qu’emploie le danseur sont très originaux, et aussi le fait qu’il doit utiliser tout son corps. Son langage corporel est en quelque sorte comme la batterie. Il y a toutes ces choses que nous faisons avec nos mains et nos pieds, eux doivent gérer leur corps et faire tout de même des sons. Une des grandes influences de danse de claquettes sur ma vie est, bien sûr, ce gentleman, M. "Baby" "Baby" Laurence. »76
-) Les 4nés et les !rtenires musicu Max a également profité de la bienveillance de ses aînés et de leurs encouragements, ainsi que de l’influence des nombreux partenaires dont il a croisé la route au cours de sa carrière. Duke Ellington est une référence qui revient souvent dans ses déclarations, tout comme Coleman Hawkins, Charlie Parker, Bud Powell, Thelonious Monk et d’autres encore. Ainsi, à propos de Coleman Hawkins, durant l’enregistrement de We insist ! Freedom Now Suite : « Il fut le premier dans le studio d’enregistrement. Quand je suis arrivé au studio avec les ingénieurs du son et d’autres, M. Hawkins était là, exactement comme Duke Ellington, ces grands professionnels. Il était là, testant des anches, s’échauffant, attendant qu’on arrive et puis il l’a fait. (Quand) je lui ai expliqué ce dont la musique parlait, de la même manière que faisait Duke Ellington (…) Il encourageait toujours les jeunes musiciens. Je sais que, pour moi, il a encouragé ma composition, que je continue à écrire –tout comme l’avait fait M. Ellington. Et c’est ainsi que l’on continue à évoluer et progresser, grâce aux encouragements et l’attitude de gens comme ça. »77 « Charlie Parker et Bud Powell ont joué un rôle important dans mon développement. Thelonious Monk et Miles Davis aussi. J’ai eu beaucoup de chance d’être associé avec des gens qui n’étaient pas seulement des musiciens et artistes de musique noire accomplis mais également des êtres aimables qui partageaient volontiers et généreusement leur savoir. »78 Charlie Par"er
Charlie Parker est un repère essentiel dans la carrière de Max Roach ; dans la citation qui suit, Max exprime de façon détournée la nature de leur relation, lors d’une question à propos de John Coltrane : Batteur Magazine : « Votre longue carrière est jalonnée d’expériences diverses avec les plus grands noms du jazz. Vous Vous n’avez jamais joué avec Coltrane ? » Max Roach : « Si, avec le big band de Jimmy Heath, mais il ne prenait aucun solo, il i l lisait seulement la partition. Ensuite l’occasion ne s’est pas présentée et lorsqu’il est devenu connu, il avait un des plus grands grands batteurs du monde, monde, Elvin Jones ! Coltrane et Elvin Jones, c’était l’alliance parfaite, comme Charlie Parker et moi. » 79 Max Roach : « Vous pouvez dire que Bird est vraiment responsable de ma manière de jouer de la batterie (…). Il choisissait des tempos tellement rapides qu’il était impossible de jouer Vidéo Max Roach – Jazz Collection Collection 78 TAYLOR Arthur, op.cit, entrevue avec Max Roach, p. 107 79 ROSSI Christophe, op. cit., p. 50 76 77
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un style simple d’accentuation égale des quatre quatre temps, à la manière de Cozy Cole. »80 Jouer bop, parce qu’il était impossible de jouer autrement en présence de Charlie Parker, voilà une idée intéressante. Max gardera par la suite ce goût et cette habitude des tempi très rapides ; de nombreux morceaux du quintette Clifford Brown - Max Roach reflètent d’ailleurs cette tendance.
Un autre aspect du jeu de Max qui est tributaire de sa fréquentation de Charlie Parker (et de ses acolytes Dizzy Gillespie et Miles Davis) est cette habitude de ne pas jouer que le tempo, mais de contrecarrer la pulsation par des ponctuations et répondre aux solistes. Max Roach : « Ce qu’il y avait de magnifique dans le travail de Charlie Parker c’était qu’il y avait en lui ce que j’appellerai j’appellerai l’architecture l’architecture de la section rythmique, c’est-à-dire c’est-à-dire que sans orchestre et sans section rythmique, vous pouviez entendre la pulsation. Toujours. (…) Ainsi, un batteur n’avait pas à garder le tempo pour lui. C’est pourquoi vous pouviez jouer entre les phrases. Vous pouviez faire ce que vous désiriez désir iez faire avec lui. C’est ce qu’il y avait de beau dans le travail avec Dizzy, Miles, Charlie Parker et des gens comme cela. Vous n’étiez pas contraint de ne faire que garder le tempo pour pour eux. »81 Un autre apport de Charlie Parker à Max a été sur le plan du phrasé et de la construction du discours : Dizzy Gillespie : « Parce que Charlie Parker a été l’architecte d’un style. Tout le monde, tous les jeunes musiciens voulaient jouer comme ça ! Y compris moi, y compris Miles, etc… Tous, nous avions le phrasé… C’est le phrasé qui est le plus important dans la musique de Charlie Parker. Si vous vouliez transcrire ce qu’il jouait, ça ne sonnerait pas pareil. La façon qu’il avait d’attaquer d’attaquer telle note, d’aller à telle autre, de jouer lié et puis d’attaquer, d’attaquer, d’attaquer d’attaquer à 82 nouveau… Sa façon de jouer, quoi. C’est pourquoi nous l’appelions architecte. » Je pense qu’avoir entendu Charlie Parker développer ses idées et ses solos, soir après soir, n’a pu que stimuler et inspirer Max Roach quant à son propre discours, son articulation et la découpe de ses phrases.
REISNER Robert, Bird, la légende de Charlie Parker Modern Drummer , juin 1982, p. 58 82 Vidéo Tribute To Charlie Parker -1989 -1989 80 81
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5) M Roc" Ro c" + un !ortri !or tritt musicl music l « On dit, avec beaucoup de raison apparente, que la batterie, dans sa conception moderne, tient un rôle presque mélodique. Je préfère cependant que l’on emploie le terme « lyrique ». Il indique cette qualité de présence, cette valeur poétique que certains virtuoses éprouvés n’apportent jamais. Les grand jazzmen sont ceux qui ajoutent quelque chose de leur propre insp inspira irati tion on.. (…) (…) Qu Quel el que que soit soit le type type d’ar d’artt envis envisag agé, é, c’est c’est cette cette même même chal chaleu eurr que, que, 83 constamment, je recherche. »
#) L$instrument « Vous savez, la batterie est probablement le seul instrument né de l’expérience nordaméricaine. Trompettes, saxophones, violons, pianos et congas, tous les autres viennent d’ailleurs. Prenez la percussion, que ce soit en Afrique, en Europe, au Moyen-Orient, en Extrême orient, en Amérique du Sud… les batteurs ne jouent pas avec leurs pieds. Le batteur américain, c’est un orchestre à lui tout seul. Et cet instrument, la batterie, est typiquement américain. Il y a eu une sorte d’évolution. Et puis, bien sûr, il y a la composition sociologique des populations. Nous utilisons les cymbales, qui sont orientales. Nous utilisons les toms des Africains et des Indiens d’Amérique. Les caisses claires et les grosses caisses européennes… Prenons un orchestre symphonique : il y a quatre ou cinq personnes dans un ensemble de percussions, qui jouent les parties graves, les triangles et les cymbales. Prenons les ensembles de percussion africains : ils ont le tambour père, la mère et le quinto, les petits tambours. Et il y a aussi quatre ou cinq musiciens. Ici, le batteur est hommeorchestre. »84 « J’ai toujours pensé que la batterie était un instrument à part entière qui peut se suffire à lui-même, comme le piano ou la guitare. » 85 a) #a techni$ue
Il y a un paradoxe Max Roach : Max est un des plus prodigieux techniciens de l’histoire l ’histoire du jazz mais il ne parle jamais de technique, pas même à son insu i nsu ; son intelligence musicale lui l ui permet d’assimiler et de faire revivre les formes les plus diverses, mais il ne s’attache guère, chez un artiste, qu’à cet aspect irrémédiablement secret qui le sépare de lui. 86 Kenny Kenny Clarke Clarke renchérit renchérit sur le sujet sujet : il affirme que « Max est l’un des rares (batteurs) à essayer de tirer un son musical de la batterie (…) sans être distrait par un étalage de technique inutile. » 87
Le secret de Max Roach ? Surmonter la technique par le travail, afin de pouvoir entrer de plain-pied dans la musique en en saisissant toutes ses facettes : Max Max Roac Roachh : « Il faut concentrer son effort pour développer la technique sous tous ses aspects aspects (…) Chaqu Chaquee batteu batteurr devrai devraitt jouer jouer d’un d’un instru instrumen mentt mélodi mélodique que –un clavier clavier de
JALARD Michel-Claude, op. cit., p. 15 SIDRAN Ben, op. cit., p. 26 85 ROSSI Christophe, op. cit., pp. 47-48 86 JALARD Michel-Claude, op. cit, p. 14 87 Jazz Hot, mai 1990, p. 24 83 84
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préférence et, bien sûr, travailler l’harmonie au piano » 88
Afin Afin d’atte d’atteind indre re son nive niveau, au, Max Max a beauc beaucoup oup trava travaill illéé et est est resté resté concen concentré tré sur son développement : « En 1942, il sort du Manhattan Conservatory of Music avec un diplôme de percussion : « Le travail m’était définitivement entré dans le sang » confiera-t-il. »89 « Max travaillait énormément : « J’ai fait quatre ou cinq heures par jour pendant tant d’années. » » 90 « Arthur Taylor : Tu préfères jouer en concert ou en club ? Max Roach : Je pense que ce dépend du développement d’une personne. Alors qu’on se développe, les clubs sont bons. Quand je voulais jouer tout le temps, je me fichais d’où je jouais du moment que je jouais, jouais, parce que je voulais apprendre. » 91
Quant au geste, Max se concentre afin d’effectuer le minimum de mouvements nécessaires. (Et) lorsqu’un journaliste lui demande s’il accorde une grande importance à la position des mains et à l’action des poignets, il répond sans hésiter qu’il porte toute son attention à ne pas faire de mouvement inutiles : « Le mouvement inutile est un geste parasite. »92 Sa posture, on peut s’en rendre compte sur les documents photographiques et filmiques disponibles, correspond à cet objectif d’éviter tout mouvement inutile : il est « tranquille, le dos droit, les coudes au corps, ou peu s’en faut (…) »93. Durant le jeu, il évite de penser à la technique ; n’en ayant pas besoin, il se concentre sur le son et sur la musique : « Je ne pense jamais aux doigtés. J’écoute seulement le son. J’entends une certaine masse sonore dans une certaine masse spatiale, et ce que vous réalisez dans cet espace ne dépend pas nécessairement nécessairement des doigtés. »94 Max reste en effet fidèle aux convictions de Cozy Cole, Sidney Catlett et Kenny Clarke : « Une fois la technique dominée, il faut jouer les idées que l’on a dans la tête, de manière poétique. »95 b) #a techni$ue et l’apport de la Manhattan chool %& Music
De ce que j’en sais, il y a en France plusieurs approches techniques lié au son que l’on veut obtenir. Alors que la technique « classique » consiste à garder les baguettes le plus en l’air possible et obtenir le son le plus léger et staccato possible par une frappe et un relevé rapides, la technique de la batterie jazz consiste à garder les baguettes près de la peau, en position de repos, de les relever juste avant l’attaque et de les laisser retomber sur la peau et revenir à sa position de départ, ce qui résulte en un son plus rond, plus portando. Bien que familiarisé avec la technique « Moeller », une des techniques les plus répandues aux Etats-Unis (Gene Krupa prit d’ailleurs des leçons avec Moeller lui-même), je ne peux que faire l’hypothèse d’une Georges Paczynski, op.cit., p. 130 Georges Paczynski, op.cit., p. 88 90 Georges Paczynski, op.cit., p. 131 91 Arthur Taylor, op.cit., p. 111 92 Modern Drummer , janvier-février 1989, p. 22 93 GERBER Alain, op.cit., article « Max Roach, « Algébriste du rythme »-le 3è festival de jazz de Paris », 30 octobre 1982, p. 262 94 Modern Drummer , janvier-février 1989, p. 11 95 ROSSI Christophe, op. cit., p. 49 88 89
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pareille dichotomie dichotomie technique aux Etats-Unis ; que cela soit identique à ce qu’il y a en France ne change rien au fait que, d’après Max Roach, il existe deux techniques bien différentes, différentes, une pour la musique classique européenne, et une pour la musique afro-américaine : Peux-tu me parler de la technique que tu emploies sur ton instrument ? Je pense qu’il y a deux sortes s ortes de techniques, et je peux te raconter une histoire amusante à ce sujet : j’allais à la Manhattan School of Music et je travaillais en même temps sur la cinquante-deuxième rue. Je gagnais de quoi payer mes frais de scolarité en jouant avec Bird et Coleman Hawkins. Le professeur de percussion à Manhattan m’avait demandé de choisir la percu percussi ssion on comm commee spéc spécial ialis isati ation on et me dit dit que que la techn techniq ique ue que que j’em j’empl ploy oyai aiss étai était t incorrecte. Cela a fini par me faire changer ma spécialisation pour la composition. Si quelque chose ne marche pas, j’essaie autre chose ; j’ai trouvé ça très bénéfique. Le professeur de percussion m’avait dit : « C’est ainsi qu’il faut jouer si tu veux être percussionniste. » Cette techniquelà aurait été bonne si j’avais voulu faire carrière danse un grand orchestre jouant de la musique européenne, mais elle n’aurait pas fonctionné sur la cinquante-deuxième rue, où je gagnais ma vie. Il y avait un conflit, jusqu’à ce que je me rende compte qu’il s’agissait de deux techniques différentes. D’un côté je jouais avec des gens comme Coleman Hawkins et Charlie Parker et j’essayais d’émuler des gens comme Jo Jones, le célèbre batteur de Count Basie, Sidney Catlett, Chick Webb et Kenny Clarke. D’un autre côté, si je m’étais conformé à la technique que le professeur de percussion voulait m’apprendre à Manhattan, celle-ci n’aurait pas été adaptée à la cinquante-deuxième rue. Réciproquement, la technique que j’utilisais à l’époque, que j’utilise aujourd’hui, que je m’évertuais à apprendre et que je continue à approfondir aujourd’hui, n’aurait pas été adaptée à la musique musi que Européenne. C’est un vraie ségrégation : il y a une technique particulière pour faire de la musique noire, et j’imagine qu’il y en a une autre pour faire de la musique européenne, qu’on apprend à l’école. Les deux techniques sont différentes. Notre technique noire est difficile, et elle évolue sans cesse. C’est le genre de musique qui développe ses propres techniques au fil du temps, en quelque sorte. Chaque génération de musiciens à l’opportunité d’y apporter quelque chose de nouveau, s’il savent ce qui s’est passé avant eux, bien sûr.96 On remarquera que Max confie avoir changé de spécialité au cours de ses études : le diplôme qu’il obtiendra au sortir de la Manhattan School Of Music est un diplôme de composition (spécialité (spécialité – c’est moi qui souligne), souligne), percussion percussion et théorie musicale. L’importance L’importance qu’accorde un certain nombre de biographes aux études de Max dans cette institution révèle rarement ce fait, et les observateurs tendent à lier les compétences techniques de Max aux seules études de percussion. Or, même si celles-ci ont leur importance, de l’aveu même de Max la technique qu’on voulait lui inculquer n’était pas celle de la batterie de jazz dont il se servait et a continué à se servir par la suite. C’est celle-ci qu’il a développée, à force de travail. L’apport principal de ses études n’est, à mon sens, pas ses cours de percussion (qui ont certes leur importance), mais ses cours de composition. Ce sont eux qui, selon moi, éclairent la fameuse citat citation ion de Max « Je veux faire avec le rythme ce que Bach a fait avec la mélodie. » sur laquelle je reviendrai plus loin. c) #a conception de l’instru'ent
Si Max Roach tient une place aussi importante dans l’histoire de la batterie, c’est que, selon les les term termes es du Dictionnaire du jazz, « (…) c’est aussi la fonction de la batterie qui est changée : d’instrument pour la danse, elle devient instrument de concert. Avec Max Roach, TAYLOR Arthur, op.cit., pp. 115-116
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d’ailleurs, la batterie s’avoue plus encore instrument mélodique capable de phraser et de moduler les sons : il affranchit la batterie du carcan de la section rythmique et la fait voix musicale à même de tenir et de développer de de longs discours. »97
Pour Max, en accompagnement, l’instrument sert, outre à jouer le tempo, à articuler le discours : « Tout est plus complexe aujourd’hui. Un batteur a davantage de liberté, mais il a aussi davantage de responsabilités. En plus de devoir tenir le tempo, il a l’opportunité d’ajouter des ponctuations rythmiques. Pour moi, ce sont des virgules, des points, des points d’exclamation et d’interrogation. (…) Un batteur peut ajouter beaucoup de savoir. » 98 Comme nous l’avons déjà vu, Max considère la batterie comme un instrument à part entière. Au sein sein de cet cet instru instrumen ment,t, il reconn reconnaî aîtt l’exis l’existe tence nce de div divers erses es coul couleur eurss (combi (combinai naiso sons ns timbrales timb rales)) liées liées aux différent différentss instrumen instruments ts dont est composée composée la batterie batterie : « Sachez aussi utiliser différentes couleurs. Comme le disait Jo Jones, chaque élément a sa propre couleur. Sachez en profiter et changez de couleur selon l’instrument que vous accompagnez. » 99 À propos de ces couleurs, abordons maintenant le problème de l’accord de l’instrument. d) #’accord de l’instru'ent
D’aucuns ont dit que le jeu de Max Roach sur l’instrument était « mélodique mélodique ». Sur cet aspect de son jeu, il convient d’examiner les sons dont il dispose, et plus particulièrement les sons de caisses, employées majoritairement et donnant cette impression de « mélodies ». Mais, selon ses propres paroles, et contrairement à un rapprochement possible avec l’emploi de timbales (à hauteurs déterminées), Max n’accorde pas ses caisses de façon « mélodique » au sens tempéré et diatonique du terme. « Je traite la batterie comme un instrument de diapason indéterminé. Je considère que la grosse caisse constitue le plus grave. Je n’accorde pas en quintes, quartes ou tierces, j’admets (italique) qu’il s’agit d’un instrument de diapason diapason indéterminé. Les bons batteurs savent comment jouer dans dans la clé (key : tonalité) , utilisée à tout moment. Et dans ce domaine, Art Blakey se place devant tous les autres. Il peut monter sur scène avec la batterie de n’importe qui. Qu’on joue en fa, en sol, en si bémol et en mi bémol, sa batterie joue toujours comme il faut. C’est à ça que servent l’oreille et la familiarité avec les tambours, les cymbales, etc. On va droit au but. Et puis, la plupart de ceux qui font ça sont d’excellents musiciens. À l’origine, Art Blakey était pianiste, comme moi. Elvin Jones est un bon guitariste, Tony Williams aussi, tous ces gens gens sont sont des des comp compos osit iteu eurs… rs… Mais Mais la plup plupar artt des des batt batteu eurs rs le font font,, de tout toutee façon façon.. L’instrument le permet. »100 Cette citation rappelle que, pour Max Roach, la batterie est un instrument complet, qui opère dans un contexte musical que, pour utiliser l’instrument musicalement, il faut connaître et comprendre.
Également, et de manière frappante dans les enregistrements de la période concernée -dont la qualité permet d’apprécier pleinement le son de la batterie-, Max cherche, par l’accord, à obtenir un son plein et vivant de son instrument, qui va dans le sens de sa recherche de Dictionnaire du jazz, article batterie, p. 72 98 Les génies du jazz, vol 4, article Max Roach, p. 163 99 ROSSI Christophe, op. cit., p. 49 100 SIDRAN Ben, op. cit., p. 26 97
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lyrisme. Arthur Taylor : « Comment accordes-tu ta batterie ? » Max Roach : « Je l’accorde afin qu’elle sonne la plus vivante possible, sans choisir des notes en particulier. Un petit fût sonnera naturellement plus aigu qu’un gros fût. Le tambour est un instrument qui a le privilège d’être de hauteur indéterminée, à moins qu’il ne s’agisse d’une timbale ou d’un tambour réglable, ce qui veut dire qu’un percussionniste ou batteur peut faire quelque chose avec des boîtes en carton. Essayer de les accorder en quintes ou en quartes ne correspond pas au but de l’instrument. Je le laisse, en quelque sorte, aller de luimême. Si tous sonnent de la même manière, ça ne me dérange pas tant qu’ils ont de la vie et de la résonance ; je le pense vraiment. Mais ils ne peuvent sonner de la même manière car il y en a un plus grand que que l’autre. C’est pourquoi ils sont de différentes tailles. » 101 Si cette dernière remarque est vraie, on observe que dans les enregistrements de la période 1954-56, si l’ordre des sonorités, de la plus aigue à la plus grande est le plus souvent caisse clai claire, re, tom tom aigu aigu,, tom tom basse basse et gross grossee caiss caisse, e, il arrive arrive que (comme (comme dans dans par par exempl exemplee l’enregistrement de Delilah) les hauteurs de caisse claire et de tom aigu soient très proches. e) #a polyryth'ie en acco'pagne'ent et en solo
Batteur Magazine : « Comment abordez-vous la polyrythmie ? » Max Roach : « J’installe une pulsation de base avec la grosse caisse et la charleston. » 102 Max se souvient de l’importance de la pulsation, de la grosse caisse, comme la soulignaient Cozy Cole, Jo Jones, Sidney Catlett et Kenny Clarke. Comme nous aurons l’occasion de le remarquer plus loin, l’ostinato dont il parle est une base essentielle de son jeu en solo.
&) Les conce!tions musicles et rtisti'ues « Quelle est la tâche d’un leader ? Pas seulement d’être un grand instrumentiste et un bon technicien, technicien, mais aussi d’être un musicien musicien accompli : savoir écrire, composer composer et arranger la musique et s’occuper de son groupe ; et enfin avoir le concept de sa propre musique et de son propre groupe. Il faut savoir ce que l’on attend de chacun des musiciens impliqués dans l’aventure. »103
On retrouve ici la somme des conseils de Cozy Cole (savoir lire et écrire la musique, savoir arranger) et de Kenny Clarke (batteur, compositeur, pianiste, vibraphoniste, tromboniste, capable d’improviser avec un instrument à hauteurs déterminées). a) #e jazz
Max a une vue particulièrement anti-dogmatique du jazz. Pour lui, il s’agit avant tout d’êtres humains opprimés qui tentent de se dépasser par la création : « Ce qu’est le jazz, ses limites techniques, il est difficile de le dire et sans doute d’y répondre. Mais ce que je sais, c’est que ceux ce ux qui le font, ce sont ceux qui possèdent pos sèdent cette chaleur, cet esprit de création qui se manifeste indépendamment même des formes musicales en faveur dans un moment donné. Moderne ou pas, avant-garde ou vieux jeu, la question n’est pas là, seule compte l’audace personnelle par rapport à son propre itinéraire. Peu importe les styles ou les écoles : ce qui reste finalement, c’est Louis Armstrong, Coleman TAYLOR Arthur, op. cit., p. 108 ROSSI Christophe, op. cit., p. 50 103 ROSSI Christophe, op. cit., pp. 46-47 101 102
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Hawkins, Benny Carter, Dizzy Gillespie, Charlie Parker… »104 « La création vient la plupart du temps de ceux qui sont opprimés. Ils n’ont pas le choix, ça se reflète dans leur culture. »105
D’ailleurs, Max rejette les étiquettes élaborées par les critiques afin de pouvoir classifier les styles et les courants : Musica jazz : « Dans votre carrière, vous avez activement participé part icipé à de grandes révolutions stylistiques dans le jazz, celles qu’on appelle conventionnellement « bebop », « free jazz » et ainsi de suite. Tenez vous de telles définitions définitions pour correctes correctes ? Pour Pour un musicien comme vous qui les a vécues, ont-elles un sens ? » Max Roach : « Non, pas du tout. En ce qui me concerne, concerne, je ne joue pas du jazz, je n’ai jamais fait de jazz : je fais de la musique. Je joue la musique de Duke Ellington, de Charlie Parker… Même quand j’enseigne au conservatoire aux Etats-Unis, je ne parle pas de jazz, mais j’assigne à la musique le nom de l’homme qui l’a créée : c’est la musique de Miles Davis, c’est ma musique, c’est celle d’Ellington. Des expressions comme bebop ou free jazz n’ont pas de sens pour moi, parce que ce sont les personnes qui font la musique : il s’agit d’une création d’êtres humains. »106 Enfin, pour Max, il n’y a pas de « vrai jazz ». Il n’y a, encore une fois, que des individus qui tentent de s’émanciper : « Certains ont une vision plus dogmatique de la musique et veulent préserver le bebop en tant que vraie musique. Je n’ai jamais raisonné en ces termes et du reste ce qu’est le bebop n’est pas clair pour moi. Le fait est qu’il est plus facile d’être un imitateur qu’un leader (un caposcuole : un chef d’école) . Il y en a peu qui y sont parvenus et ce sont ces artistes comme Charlie Parker, Erroll Gardner, Bud Powell. Ce que je suis en train de faire actuellement, par exemple, est très expérimental et donc parfois cela fonctionne bien, et parfois cela ne fonctionne pas ; mais j’ai l’opportunité de le faire. Comme le répétait Monk, il ne faut pas avoir peur de se tromper. Au-delà des différents points de vue, je crois qu’il est important de se rappeler une chose : cette musique nous a vraiment émancipés. Fondamentalement, elle a permis aux artistes afro-américains de s’émanciper et de pouvoir être eux-mêmes. Et si parfois cela ne fonctionne pas, tant pis : tout le monde ne peut pas être Tatum ou Horowitz. 107 » En ce qui concerne les grandes évolutions, les principaux changements et « chefs d’école », Max estime que la batterie a joué un rôle particulièrement important : « J’ai remarqué que les livres disent à chaque fois que sont évoquées les différentes époques et les évolutions de style : « Voilà la période de Dizzy Gillespie et de Charlie Parker, celle de Miles Davis ou de Louis Armstrong… » Ils ne disent jamais un mot sur les batteurs ! Alors qu’à chacune de ces périodes, c’est une évolution rythmique qui a suscité un changement. » 108 Il va d’ailleurs dans le sens de Kenny Clarke, pour qui « la batterie est l’âme du jazz et le moteur de son évolution. » 109 Par ailleurs Max insiste sur le fait que « (…) la nature de cette musique c’est avant tout JALARD Michel-Claude, op. cit., p. 14 PEREMARTI Thierry, op. cit., p. 25 106 Musica jazz, janvier 2000, p. 22 107 Musica jazz, janvier 2000, p. 23 108 Modern Drummer , juin 1982 109 HENNESSEY Mike, op. cit., pp. 183 104 105
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l’im l’impr prov ovis isat atio ion. n. Rien Rien d’écr d’écrit it,, pas pas de parti partitio tion. n. Cette Cette mu musiq sique ue néces nécessi site te une une foule foule d’informations, sur notre histoire, sur l’histoire de notre musique ainsi que la connaissance d’un large vocabulaire sur un instrument et c’est tout. » 110 large vocabu vocabulair lairee sur un instrum instrument ent » (nous aurons bientôt l’occasion À prop propos os de ce « large d’observer le sien), il ajoute : « Cela fait au moins quarante-cinq ans que nous (lui et Dizzy Gillespie) travaillons sur notre musique ! » 111 Il apparaît ainsi que pour Max, la musique est avant tout une affaire d’individus distincts certes rapprochés par une connaissance commune de l’histoire et l’histoire d’une musique. b) #’i'pro(isation et l’erreur
« Monk avait l’habitude de répéter que si tu préparais ton improvisation, si tu l’étudiais d’abord, ce ne serait plus de l’improvisation. Nous avons gravé plusieurs disques ensemble et il insistait sur le fait que si le résultat est trop parfait, il n’est pas humain. Pendant l’enregistrement de « Brilliant Corners », il nous répétait : faîtes une erreur, s’il vous plaît. Il voulait dire qu’il ne faut pas craindre l’erreur l ’erreur parce qu’elle est es t humaine. Sa philosophie le portait à croire que, quand on n’a pas peur de se tromper on joue mieux parce que l’on est plus détendu. » 112 c) #a batterie et le lyris'e
Voici ce que pense le musicologue George Paczynski à propos du style de Max Roach : « Max est le batteur qui illustre le mieux le concept de « mélodies » à la batterie. On peut certes avoir du mal à imaginer des mélodies sur un instrument qui ne reproduit que des sons à hauteur indéterminée. Pourtant, elles sont bien là. Mais comment l’idée lui en est-elle venue ? Le passé de Max va nous éclairer. Au début de sa carrière, il discutait avec les percussionnistes classiques et notamment avec les timbaliers. Je crois que le goût goût de développer développer des mélodies sur les toms dans le jazz lui est venu de l’observation l’observation du jeu des percussionnistes percussionnistes classiques opérant sur les timbales – qui sont des instruments à sons
déterminés. En transposant ce travail à la batterie, Max a développé un jeu tout à fait original, mettant en rapport des sonorités volontairement non accordées, de manière à ne pas gêner les solistes pendant l’accompagnement ! L’influence de la percussion classique sur le jeu de Max à la batterie est ici, à mon avis déterminante. (…) De plus, il est es t aussi émouvant de voir que ces mélodies, Max ne les doit pas qu’à lui-même ou aux percussionnistes classiques. L’ombre de Sidney Catlett comme celles de Jo Jones et de Kenny Clarke planent en effet au-dessus de lui. Sans eux, Max n’aurait pas existé. 113 Si cette hypothèse hypothèse me semble loin d’être sans fondements, je pense que les influences de Max Roach jouent un rôle particulièrement important dans cette évolution évolution ; je crois aussi que, dans une certaine mesure, il s’agit d’un simple jeu de combinatoire : alors que Max combinait dans ses premiers enregistrements enregistrements deux à trois sonorités principales principales (caisse claire et grosse caisse ; ride, caisse claire et grosse caisse), le rajout de deux toms supplémentaires (rapidement devenus une part du set de batterie de base) lui fournit désormais quatre à cinq sonorités principales. Si l’on écoute les enregistrements de la période intermédiaire, on se rend compte que Max prend très peu de solos ( The Birth Of The Cool , Massey Hall Concert , The Amazing Bud
PEREMARTI Thierry,op. ccit., it., p. 24 112 Musica jazz, janvier 2000, p.23 113 PACYNSKI Georges, op. cit. (Tome 2), p. 109 110 111
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Powell), et qu’il intègre dans la plupart des cas ces sonorités supplémentaires dans son jeu. Le relevé de Cosmic Rays fait montre de phrases que l’on retrouvera plus tard dans certains de ses solos avec le quintette Clifford Brown - Max Roach, et les échanges de Move (Denzil Best) se concluent sur une phrase typique des fins de solos de la période qui nous intéresse. L’espace que son groupe lui procurera pour le développement de son style de solo sera aussi important que le son de son instrument et la qualité de l’enregistrement qui permettront un enregistrement enregistrement clair et distinct de chaque coup sur chaque instrument. Cette articulation claire des sonorités est un élément essentiel de son style, de son lyrisme, de son aspect discursif et de son côté « mélodique ». Sans un son clair et distinct, les hauteurs se brouillent, les résonances se contrarient et, comme dans une acoustique trop réverbérante, le discours perd en clarté et en force, en un mot en lyrisme. Musica jazz : « Quelle différence y a t-il entre faire chanter (c’est (c’est moi qui souligne) la batterie et un autre instrument mélodique ? » Max Roach : « La musique, c’est comme construire un schéma ; le monde des sons et le monde de la conception (disegno : dessin). « (…) Musica jazz : «Que voulez vous dire exactement ? » Max Roach : « Conventionnellement, on a coutume de dire que la musique est mélodie,, harmonie et rythme et donc qu’elle n’a rien à voir avec le son en soi. Le son est conception ! Les instruments d’élaboration sont en train de se substituer aux instruments harmoniques. »114 Je crois qu’on ne peut comprendre cette citation sans entendre « mélodie » et « harmonie » dans un sens restrictif, à savoir dans le cadre du tempérament égal, du diapason et de la tonalité ou modalité. Ce que Max Roach affirme, c’est que tout son peut être employé afin de cons constr trui uire re une une élab élabor orat atio ionn de natu nature re mu mussical icale. e. Si l’on l’on cons consid idèère par par aill ailleu eurs rs les les caractéristiques physiques du son, la hauteur (fréquence) et ses fluctuations est un trait fondamental de n’importe quel son. Il ne fait pas tout le son -le timbre est essentiel-, mais est une une cara caract ctér éris isti tiqu quee qui qui diff différ éren enci ciee les les dive divers rs sons sons : la diffé différe renc ncee de haut hauteu eurs rs crée crée nécessairement un contour mélodique sur lequel Max Roach est connu pour travailler et qui justifie son son surnom de « mélodiste ». Dans ns un solo solo de batt batteri erie, e, il n’y n’y a aucun aucunee harm harmon onie, ie, ce n’es n’estt pas pas Mais, Mais, selon selon lui, « Da harmonique, ni mélodique : c’est une architecture, c’est une conception architectonique. Pensez à moi comme à un architecte, s’il vous plaît. »115 C’est peut-être anecdotique, mais c’est ainsi que John Birks Gillespie et d’autres musiciens l’ayant fréquenté appelaient Charlie Parker. Par ailleurs, on retrouve souvent l’emploi de concept conceptss archite architectura cturaux ux dans l’analy l’analyse se des formes formes employé employées es par le composit compositeur eur JeanJeanSébastien Bach (la forme « en arche », par exemple). Je crois, pour ma part, que Max –en tout cas lors de la période étudiée- envisage son jeu de batterie solo comme un discours, et que ces références à une « architecture architecture » visent avant tout à établir un lien avec la composition. d) #a construction et l’articulation du discours
En effet, Max déclare en 1989, dix ans avant la précédente citation : « Quand je commence à penser à cet univers sonore je j e me dis qu’il faut l’organiser, l ’organiser, comme c omme un écrivain organise les 116 mots, les conjugue et les fait respirer avec la ponctuation. » Musica jazz, janvier 2000, p. 23 Musica jazz, janvier 2000, p. 23 116 ROSSI Christophe, op. cit., p. 48 114 115
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Il s’agit pour Max, par ailleurs, de faire preuve d’humanité. Max Roach : « Il y a toujours le danger de sonner inhumain. On n’a pas à respirer avant de jouer quelque chose. Les instrumentistes à vents doivent être humains, ils ont des virgules, des points d’interrogation, d’exclamation, des phrases. Mais il y a toujours le danger, pour les musiciens jouant du piano, des percussions ou des instruments à cordes, de ne pas créer des phrases qui parlent / interpellent (speak out) les gens (to people). »117 Ce lien au discours, à la parole, au chant me semble capitale : il s’agit de faire des phrases et de raconter une histoire à un public, sans jamais oublier la parole alors qu’on joue d’un instrument qui ne nécessite pas forcément que l’on respire. Cette conception renvoie à la musique en tant qu’art humain élaboré selon les modalités de la voix et du langage. Voilà pour le fameux « lyrisme ». Mais, comme le rappelle George Paczynski, « tout en développant son propre vocabulaire, Max a toujours en tête cette volonté obsédante : « Je veux faire avec le rythme ce que Bach a fait fait avec la mélodie. » »118 « Qu Quan andd je fréq fréque uent ntais ais enco encore re le cons conser ervat vatoi oire, re, mo monn cour courss princ princip ipal al étai étaitt celui celui de compositio composition, n, tandis tandis qu’avec la batterie je gagnais gagnais ma vie et qu’en même temps j’atteignais j’atteignais 119 la notoriété, progressant avec des musiciens comme Parker et Gillespie. » Si on rec recoupe oupe ces info nformat rmatiions ons ave avec ses sol solos, on entre ntrevvoit oit que que Max, ax, en tant qu’improvisateur, cherche, comme Ahmad Jamal ou comme Charlie Parker avant lui, à effectuer une composition sur l’instant. Bien qu’importants, les éléments employés ne sont qu’une partie du problème. Leur emploi musical, leur combinaison dans le temps par rapport au thème, à l’harmonie, aux carrures, à la forme, en un mot à leur organisation est tout aussi, sinon plus importante. Et c’est là que la leçon de Max Roach est capitale : lorsqu’on étudie le passé, la tradition, le but n’est pas de la copier. Il ne s’agit pas d’en prendre le vocabulaire à la note près et de le ressortir tel quel. Il s’agit de comprendre pourquoi et comment. Peu importe le vocabulaire, il appartient à chacun de s’en construire un, de l’explorer, le développer, et le faire évoluer. Ce qui importe, c’est la façon dont on l’articule. Si l’on observe plusieurs solos de Max Roach, on se rend compte qu’un même vocabulaire vocabulaire est constamment constamment réemployé, mais selon diverses modalités modalités :en un sens, les mots se ressemblent, ressemblent, mais le discours est n’est pas le même. e) #’attitude, le rle de l’artiste et l’audace
Max prend la vie et la musique au sérieux. La citation qui suit montre bien son état d’esprit : Arthur Taylor : « Tu as des passe-temps ? » Max Roach : « J’aime faire tout ce que je fais sérieusement. Même quand je me détends, je le fais sérieusement. « Passe-temps » est un drôle de mot pour moi. Cela sonne comme si on faisait quelque chose pour perdre son temps (mal). Je n’aime pas faire mal quelque chose. Si je joue aux échecs, que je nage ou que je tienne une conversation, j’aime j’ aime être aussi honnête avec cette activité que possible. Je suis ce que je suis. Dieu l’a créé, et je suis reconnaissant. C’est ainsi. »120 Par ailleurs, la priorité de Max est de faire de la musique, et ce pour le geste, pour la musique RILEY John, The Art Of Bop Drumming , Manhattan Publications 118 PACZYNSKI Georges, op. cit. (Tome 2), p. 117 119 Musica jazz, janvier 2000, p. 22 120 TAYLOR Arthur, op.cit., pp. 106-107 117
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elle-même :« Faire de l’argent avec sa musique est accessoire. Kenny Clarke m’a appris tout cela. Il me disait : « D’abord essaie de faire l’histoire, ce sera déjà bien. » » 121 Et le style de musique importe peu, tant que Max pense pouvoir le comprendre et donc le afi n de gagner de jouer : Arthur Taylor : « As-tu déjà joué une musique que tu n’aimes pas afin l’argent ? » Max Roach : « Pas que je me souvienne. J’ai toujours joué avec des gens que je respectais et appréciais. J’ai toujours essayé d’être honnête avec moi-même et de me restreindre aux choses que je connais et que je sais faire le mieux. Si je peux comprendre la musique, je peux influer sur son cours. Si on me demande de faire quelque chose et je ne le fais pas, ce n’est pas à cause de la musique, mais parce que je ne suis pas qualifié. Je suis prêt à jouer dans n’importe quelle situation musicale car j’adore jouer. » 122 Enfin, il y a dans le travail de Max le sentiment d’une nécessité, d’une force créatrice allant de l’avant. Ce sentiment d’urgence, d’importance du discours lui donne un poids particulier. « Ce qui importe avant tout, c’est une certaine qualité d’audace. Je n’estime que les gens qui essaient. (…) Oui, ce qui compte, ce sont les musiciens qui expérimentent et qui ont le courage de vouloir se dépasser. Tout ce qu’ils font vous empoigne, ce sont eux les véritables créateurs. »123 « À chaque fois, il faut prouver quelque chose, chose, à chaque disque. » 124 Max affirme : « Vous devez essayer chaque soir d’introduire quelque chose que vous n’avez pas réalisé le soir précédent. »125 Selon Max, « nous progressons toujours parce que nous cherchons toujours quelque chose de nouveau à dire. dire. » 126 Max envisage donc l’artiste en perpétuel mouvement, toujours à la recherche de nouvelles idées et de nouveaux développements. Mais, outre cette mission d’aller toujours plus loin dans le dépassement de soi, l’artiste a, selon Max Roach, une autre mission, dont découle la conception « lyrique » qu’il a de son instrument : « L’être humain invente des instruments, les instruments ne nous ont pas créés. Utiliser ces instruments et leur donner un sens musical, c’est notre tâche. Certains Certains soi-disant soi-disant artistes ne sont que des mathématiciens. mathématiciens. Un artiste prend de la matière, 127 des idées, et y met de l’humanité. » Voyons maintenant Max s’y prend concrètement, dans le cadre du quintette de Charlie Parker, pour réaliser ce programme.
PEREMARTI Thierry, op. cit., p. 24 122 TAYLOR Arthur, op. cit.., p. 112 123 JALARD Michel-Claude, op. cit., p. 14 124, PEREMARTI Thierry, op. cit., 24 125 Modern Drummer , janvier-février 1989, p. 22 126 Les génies du jazz , vol 4, article « Max Roach », p. 163 127 ROSSI Christophe, op. cit., p. 49 121
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6) Les solos de l !ériode #701(#710 Dans cette section, je me propose d’étudier la genèse du style de solo de Max Roach, des enregistrements avec Charlie Parker à ceux qui précèdent la formation du quintette. La convention d’écriture employée est explicitée au début des annexes.
#) A/ec 5"rlie Pr8er (Tous les morceaux sur lesquels Max Roach prend les interventions interventions solos qui sont relevées ici sont signés Charlie Parker.) Dans le cadre du quintette avec Charlie Parker, Max est avant tout un accompagnateur. Un accompagnateur actif, intelligent, qui contribue au discours de ces partenaires, mais avant tout un accompagnateur. Sa place en tant que soliste est relativement restreinte, en grande partie, je crois, à cause des durées d’enregistrement limitées et la présence de solistes visionnaires. Je n’ai pas trouvé de solos plus longs que16 mesures, et sur de nombreux morceaux Max se conte content ntee d’acc d’accomp ompagn agner er.. D’aut D’autre re part, part, toute toutess les les int interv ervent ention ionss de batt batteri eriee solo solo (à part part l’introduction l’introduction de Klact-Oveeseds-Tene) ont lieu après les improvisations des autres musiciens, juste avant avant le retour retour du thème. Ce qui apparaît de manière particulièrement frappante, c’est que, probablement pour des raisons de technique d’enregistrement, Max se sert avant tout de sa caisse claire, tout en utilisant également la grosse caisse, parfois la cymbale ride et la charleston au pied. Sa seule caisse étant sa caisse claire, il la travaille en en tirant un maximum d’effets sonores possibles : _ "stickshot" (obtenu en se servant de la baguette de la main droite pour frapper la baguette dans la main gauche, alors que cette dernière repose sur la peau de la caisse claire – la caisse faisant office de caisse de résonance) _ buzz (on laisse la baguette rebondir tout en la rapprochant rapidement de la peau, ce qui produit un effet de court roulement serré) _ roulements _ nuances Enfin, il est à noter que les solos analysés ici (à l’exception des échanges) se font tous à des tempi élevés, et font, par conséquent, emploi d’un type de vocabulaire lié à ce genre de tempo. Afin d’approcher la structuration des interventions interventions solo de Max Roach, commençons par nous intéresser à la façon dont il construit de courtes interventions de 2 mesures. a) #es échanges
Si on observ observee les échan échange gess qui suiven suivent,t, on remarq remarque ue qu’il qu’ilss ont tou touss plu plusi sieur eurss poi point ntss communs : _ ils commencent tous sur le premier temps, chaque premier échange étant amené par un « setup » -une préparation- une noire pointée avant le premier temps. Commencer sur le premier 38
temps n’est pas anodin : cela assoit le discours et le tempo en énonçant énonçant clairement le début de la prise de parole. Par ailleurs, le « set-up » pourrait aussi être décrit comme une anacrouse au sens sens de la défini définitio tionn de l’ouvra l’ouvrage ge « La partition intérieure » : un élément musical qui, rythmiquement, amène le premier temps d’une mesure. Ici, cela agit un peu comme une respiration avant la prise de parole, ce qui nous renvoie aux déclarations de Max sur la construction et l’articulation du discours. _ Max emploie par deux fois un mode de jeu peu courant dans son jeu, celui du "stickshot", afin de signaler le début de l’échange. _ tous les échanges comportent plusieurs membres de phrases séparés par du silence. _ tous, sauf un, font usage de syncopes se résolvant soit sur le premier temps de l’échange suivant, soit sur sa levée. Analysons maintenant ces échanges individuellement. Ah-Leu-Cha
Sur l’enre l’enregi gist strem remen entt du 32 mesure mesuress AABA AABA Ah-Leu-Cha daté du 18 septembre 1948, 2 échanges ont lieu entre la contrebasse et la batterie sur le dernier A de la grille juste avant la réexposition du thème.
Ces Ces deux deux écha échang nges es mett metten entt en évid éviden ence ce le trav travai aill de nuan nuance cess de Max Max Roac Roach, h, qui qui généralement, comme ici, opère en crescendo, de p (souvent p subito) à mf ou forte. On pourrait faire l’hypothèse que ces nuances sont en rapport avec le partenaire de Max pour les échanges, à savoir une contrebasse, moins puissante, par exemple, qu’un saxophone ou une batterie. Le deuxième échange permet d’observer d’une part l’usage d’un phrasé binaire dans un contexte jazz, et d’autre part l’usage de « stick shots », de buzzs et de roulements. Concernant la découpe en membres de phrases, pour le premier échange Max fait une première courte intervention de deux temps qui annonce la couleur : travail sur les nuances. Puis il a recours à la syncope pour amener le second membre de phrase qui prolonge ce travail sur les nuances et amène la levée d’un temps de la prochaine prise de parole. Pour le second échange, on a cette fois non deux, mais trois membres de phrase. Les deux premiers forment un enchaînement logique d’une mesure : deux temps sur les temps, deux à contretemps avec résolution sur le premier temps de la mesure suivante. Le dernier fonctionne comme une cadence, une conclusion : ce roulement crescendo de p subito à mf mène à la levée de la mesure suivante, qui mène à son tour au premier temps de celle-ci, marquée par une ponctuation à la cymbale et la grosse caisse. Dans les deux cas, les membres de phrase ont un lien logique entre eux, sont articulés par du silence et mènent à une anacrouse de la prochaine prise de parole. Marmaduk e
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Le 24 septembre 1948, Max enregistre Marmaduke, un morceau de forme 32 mesures AABA au tempo medium. Juste avant la reprise d’une partie du thème pour terminer le morceau, deux échanges de deux mesures ont lieu entre Charlie Parker et Max Roach :
Ces échanges sont intéressants car on y voit intervenir une base rythmique aux pieds, qui est en accompagnement et dans certains solos un élément important du jeu de Max. Par la suite, cette base rythmique sera un des fondements des solos de Max. Ces échanges sont également intéressants intéressants car, dans le premier, emporté par son souci de faire des phrases, Max dépasse le "temps règlementaire" en faisant cinq temps dans la deuxième mesure de sa première intervention. Néanmoins, comme ce développement de la phrase semble parfaitement parfaitement logique, logique, Parker reprend sans difficulté difficulté au début de la mesure suivante. suivante. Néanmoins, et comme pour remettre les choses au clair, Max, dans son deuxième échange, joue, avec ce qu’on pourrait penser être de l’humour, un rythme très simple, sans syncopes, syncopes, qui marque tous les temps et n’est pas sans rappeler un boléro (cependant joué sur les temps forts, à l’inverse du boléro tel qu’il est normalement joué). On peut découper découper le premier échange échange en deux ou trois trois membres de phrases, selon selon que l’on compte le premier temps comme un membre de phrase. Néanmoins, ce court élément joue un rôle très important de commencement du discours et de point de repère à partir duquel les syncopes qui suivent s’articulent. Le premier membre de phrase s’achève sur le premier temps de la deuxième mesure, et le second lui répond logiquement, en employant les mêmes sonorités (ou presque) dans le même ordre et presque le même rythme, si ce n’est que le « stick shot » commence « en l’air », sur un contretemps. On pourrait d’ailleurs dire qu’il s’agit de presque deux fois la même phrase, si ce n’est qu’elle s’articule à partir du 1 de la seconde mesure, c’est à dire la fin du premier membre de phrase. Le deuxième échange, également organisé logiquement, est relativement plus simple. Seule la fin, l’anticipation du premier temps de la reprise d’une partie du thème, représente une originalité qui reviendra plusieurs fois dans le discours de Max Roach. Sur ces courtes interventions, interventions, on remarque donc, après analyse, une construction en membres de phrases liés logiquement logiquement les uns aux autres, avec une brève entrée en matière, un temps du discours et une conclusion qui signe la fin de la prise de parole. Néanmoins, de par la durée de ces interventions, les éléments employés sont très courts ; d’autre part, la même durée de ces interventions ne permet pas de constater les capacités de structuration d’un long discours, avec plus d’éléments et/ou des éléments plus longs, ainsi qu’un nombre plus grand de mesures de solo à respecter sans l’aide de repères harmoniques. Passons donc à l’étude d’interventions plus longues. b) *ntroduction
Dans l’enregistrement de Klact-Oveeseds-Tene (Charlie Parker) du 4 novembre 1947, Max 40
prend une introduction de 8 mesures :
(relevé : Georges Paczynski, op. cit., p.94) Cette introduction, comme l’a remarqué Georges Paczynski, est composée de deux membres de phrase seulement. seulement. On peut remarquer remarquer qu’il s’agit s’agit de quatre mesures mesures répétées deux deux fois à l’identique, l’identique, et que chaque phrase de ces quatre mesures fait deux mesures. Jusque là, rien que des carrures paires et simples. Si on poursuit ce démembrement, on s’aperçoit qu’on a un premier membre de phrase de trois temps (a) suivi d’un membre de phrase de cinq temps (b), puis l’inverse, b puis a. 3 + 5 = 8, soit le nombre de temps dans deux mesures à quatre temps. Nous avons donc deux fois (ab + ba), soit un chiasme musical répété. Mais, il ne faut pas perdre de vue que ces phrases s’entendent par rapport à la structure métrique, à savoir le 1 de la mesure, repère autour duquel toute intervention s’articule ; selon le contexte, ces deux membres de phrase ne sonnent pas de la même manière. Cet exemple reste très intéressant, en particulier car il illustre bien comment Max structure parfois une intervention en répétant une phrase à l’identique, comment il joue avec des membres de phrases asymétriques et comment enfin il joue autour des carrures de deux et quatre mesures.
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c) #e blues
Sur l’enregistrement du blues Bird Feathers (Charlie Parker) daté du 4 novembre 1947, Max Roach prend le solo de 12 mesures suivant :
(relevé : Georges Paczynski, op. cit., p.94) Ce qui est original ici, pour commencer, est l’usage de la ride dans le cadre d’une sorte de continuo irrégulier ; c’est la première fois que nous rencontrons cette sonorité dans le cadre d’un solo. C’est également la première fois que nous rencontrons un blues. Il est fascinant de voir comment Max travaille par rapport à la structure et l’harmonie du blues. Suivons le déroulement de son solo quatre mesures par quatre mesures : _ sur les quatre premières mesures (qui correspondent à la tonique) Max évite le premier temps en commençant son discours sur le premier contretemps de la mesure. Cet élément de début de discours amène deux phrases de cinq temps (3 + 2) construites sur le modèle antécédent-conséquent, le début étant le même et la fin étant différente du point de vue du timbre, et la deuxième pouvant être entendue comme étant plus conclusive. 2 + 5 + 5=12, c’est à dire trois mesures à quatre temps. La dernière mesure de ces quatre premières conclut avec un élément en binaire avant de reprendre du « time » qui mène souplement aux quatre mesures suivantes. _ ce nouveau bloc est quant à lui clairement divisé en deux de deux mesures. Le premier (qui correspond au quatrième degré) commence de la même manière que le début du solo, les mêmes deux temps, sauf que cette fois ils mènent à deux fois la phrase de trois temps suivante
2 + 3 + 3 = 8, soit deux mesures à quatre temps. Pour les deux mesures suivantes (correspondant à la tonique), Max reprend des éléments appartenant aux quatre premières mesures (également de tonique). Ces éléments qui constituaient le début des phrases de cinq temps sont un élément de vocabulaire typique de la batterie bop en accompagnement. Ils sont ici mis bout à bout afin de constituer un membre de phrase de 6 temps (3 + 3, si on veut compter en temps entiers), qui est suivi de la conclusion (de deux temps) de la phrase de cinq temps de la première partie du
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solo.
3+3+2 = 8
On a donc un développement des éléments présents dans les quatre premières mesures. _ les quatre dernières mesures (2 de dominante et 2 de tonique et « turn-around ») ») sont traités par Max Roach comme deux fois une phrase de deux mesures (3 + 3 + 2) dont le matériau est issu de la plage associée à la sous-dominante –et non la tonique. A la fin des blocs de deux mesures, la phrase de trois temps est amputée d’un temps et mise bout à bout avec le début de la phrase suivante. Ce solo est révélateur : il montre une des façons dont Max improvise sur un blues, façon que retrouverons sur les solos de The Blues Walk et Sandu. En effet, Max considère pour l’essentiel deux choses : les trois phrases de quatre mesures du blues et la structure harmonique. Parfois il respecte la seconde à différents niveaux de détails, parfois il suit juste la première. Ici, dans les huit premières mesures, il respecte une forme fondamentale du blues : 4 mesures de tonique, 2 de sous- dominante et 2 de tonique. Il marque d’une même façon le début des deux premières phrases de 4 mesures ; pour chaque période liée à un accord, il développe un matériau particulier. Pour les quatre dernières mesures du blues, il préfère retenir l’aspect dynamique de la cadence et du turn-around turn-around plutôt que d’articuler d’articuler le bref retour à la tonique par par un usage de matériau matériau qui lui serait associé ; dans un souci d’économie thématique, il réemploie le seul matériau qui n’est pas associé à la tonique, celui de la sous-dominante. D’ailleurs, dans la perspective d’une fin dynamique, ce matériau est particulièrement bien adapté : d’un débit serré (des triolets de croches) et d’une carrure de 3 temps (qui produit un effet dynamisant de « mètre dans le mètre », le "déséquilibre" appelant résolution métrique appropriée) ce matériau est stabilisé stabilisé par la construction en 2 fois deux mesures – qui renvoie de plus aux deux mesures de cadence et aux deux mesures de turn-around. Pour conclure, ce solo est un exemple à la fois simple et sophistiqué de structuration de solo. Simple parce que Max reste proche de la structure du morceau (le blues), et sophistiqué de par le matériau employé et le déploiement –fonctionnel- qui en est fait. On remarque par ailleurs un schéma de structuration de phrases de deux mesures employant des membres de phrase de trois temps qui appartient au patrimoine du jazz et que l’on retrouvera à profusion par la suite dans le jeu de Max : 2 + 3 + 3 et 3 + 3 + 2. d) #es solos + le th'e et autour du th'e
Le 17 janvier 1951, Max prend un chorus de solo sur le blues Au Privave (Charlie Parker)
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(relevé : George Paczynski, op.cit., pp. 94-95) Selon l’analyse de Georges Paczynski, Max joue autour du thème, articulant les intervalles descendants de la mélodie par l’usage de la grosse caisse en conjonction avec la caisse claire. Si je ne conteste par cela, j’aimerais remarquer l’unité thématique du solo, et comment il se développe à partir de deux idées liées et
que l’on retrouve tout au long du solo,
la première se développant assez rapidement en développement qui vient ensuite se mêler à la seconde idée - Il est à noter que l’on retrouvera ces deux principales idées de nombreuses fois dans les solos de Max Max Roac Roachh de la péri périod odee du quin quinte tett tte, e, en part partic icul ulie ierr la seco second ndee (voi (voirr la sect sectio ionn « vocabulaire medium-tempo » de la partie suivante). Encore une fois, on a un solo construit en rapport avec le morceau, à l’aide d’élements simples qui constituent la base du discours et sont employés en tant que membres de phrase. Ils sont clairement articulés par du silence, et sont répétés et développés logiquement dans le cours du solo.
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e) L’unité thématique : répétition, disposition, disposition, composition Koko
Le 26 novembre 1945, Max enregistre Koko, démarquage de Cherokee, avec le quintette de Charlie Parker. Il prend 16 mesures de solo à la fin des improvisations
(relevé : Georges Paczynski, op. cit., p.90) Ce solo est très intéressant du point de vue de sa construction. Tout y est relativement "symétrique". On peut d’ailleurs le découper en deux fois 8 mesures, qui peuvent elles-mêmes être découpées en deux fois quatre mesures. Malgré que l’on soit sur un A de la forme, parlons de A et A’ pour les huit premières mesures et de B et B’ pour les huit suivantes. Une logique d’événements binaire règne dans ces solos : A : un premier membre de phrase sur sur les temps donne lieu à une réponse réponse sur les contretemps contretemps et une une réso résolu luti tion on sur sur le troi troisi sièm èmee temp tempss de la deux deuxiè ième me mesu mesure re.. Par Par rapp rappor ortt à cett cettee construction en question-réponse, un deuxième niveau de construction apparaît lors des deux mesures suivantes : on a une nouvelle phrase qui agit comme une réponse à la première. Celle-ci est basée sur une accentuation toutes les trois croches, ce qui, six temps plus tard, amène au 3è temps de la deuxième mesure ; mais, contrairement et en réponse au deux premières mesures, le discours ne s’arrête pas là, et la phrase finit sur le contretemps du troisième temps à la grosse caisse. Ce contretemps amène, selon la logique tension-résolution, le premier temps de la mesure suivante. A’ : et là, selon un principe de construction « au carré », on a une reprise des quatre premières mesures, mais cette fois–selon la logique antécédent-conséquent-, avec un aspect aspect conclusif et transitionnel à la fin de ces quatre mesures : après un accent à la caisse claire sur le 3è temps (signature des fins de membres de phrase de 2 mesures pour le solo entier), le discours continue en croches à la caisse claire vers la deuxième partie du solo. La première partie est finie, la seconde commence sur un débit ininterrompu de croches à la caisse claire, avec des accents. Mais Mais les les deux deux « parti parties es » sont sont li liées ées : en effet effet les hui huitt mesure mesuress de la deuxi deuxième ème parti partiee réemploient le matériau du second membre de phrase de deux mesures de la première partie. Et là encore, on a une logique d’événements binaire. 45
Les premiers membres de phrases de deux mesures ont les mêmes appuis (toutes les six croches, le second toutes les trois puis six), la grande originalité étant que la grosse caisse vient, dans la première mesure, contrecarrer le phrasé à la caisse claire en jouant les 2 et 4 de la mesure, cette tension se résolvant sur le 3è temps de la deuxième mesure, en même temps que celui lié au phrasé sur la caisse claire. Dans les seconds membres de phrase de deux mesures, on a une réponse, tant du point de vue de la grosse caisse, jouée régulièrement tous les deux temps que sur le plan de la caisse claire. Mais là, les choses se compliquent. Si l’on considère B, on a dans un premier temps une accentuation accentuation toutes les six croches qui se résout sur le 3è temps de la deuxième mesure. Dans un deuxième temps, on a une dynamisation par une accentuation toutes les trois croches (qui conserve les appuis des deux premières mesures, 6 étant un multiple de 3), tension qui se résout également sur le troisième temps de sa deuxième mesure. C’est après que, au niveau de la caisse claire, ça se complique : le membre de phrase suivant (B’) fait la synthèse des quatre premières mesures de cette partie (B) en accentuant d’abord deux fois toutes les trois croches, puis attend six croches avant de résoudre à nouveau sur le troisième temps temps de la deuxième mesure. mesure. Mais là, Max n’attend pas le premier premier temps de la mesure suivante pour recommencer, il continue sans attendre. On se rend alors compte que les quatre dernières mesures constituent une phrase de conclusion qu’on ne peut diviser en deux parties. A partir de ce fameux fameux troisième temps temps qui est pourtant bel bel et bien articulé articulé comme dans ce qui précède, Max accentue toutes les trois croches jusqu’au premier temps de la dernière mesure de solo ; et là, il accentue une dernière fois le troisième temps de la mesure, mais en la liant à la grosse caisse jouée sur le quatrième temps : ces deux noires qui ressortent à la caisse claire et à la grosse caisse mènent, selon une formule plusieurs fois remarquée par Georges Paczynski Paczynski dans l’histoire du jazz et chez Sidney Catlett et Max Roach en particulier, au premier temps du thème. Pour résumer, on observe ceci : A (2+2) (a+b) A’ (2+2) (a+b’) B (2 (2+2) +2) (b’’ (b’’+ +b’) B’ (4) (b’’+b’’’) Comme on a pu le voir, Max maîtrise déjà les tenants et aboutissants de la construction d’un solo. Ici, il articule clairement clairement deux sections de huit mesures liées thématiquement en opèrant dans le cadre de carrures « carrées », quatre mesures phrasées par deux, à l’exception des quatre dernières mesures qu’on peut penser phrasées 3+1. Il construit son solo selon une logique binaire « au carré », (antécédent-conséquent)= antécédént d’un conséquent, etc…, et ce toujours avec une une grande subtilité subtilité au niveau du matériau et ses transformations transformations comme au niveau de la fluidité de la conduite du discours : la croche « ghost note » qui sert de levée à la septième mesure du solo est un bon exemple. Construction, fluidité, unité et économie thématique, travail de transformation : je ne peux m’empêcher de penser à nouveau aux déclarations de Max « Je veux faire avec le rythme ce que Bach avec la mélodie ». Il me semble évident que ses études de composition ont influé sur son jeu : la rigueur de construction du solo qui précède est selon moi est bon exemple. Afin de conclure, prenons un solo qui illustre toutes les qualités de structuration que nous avons pu remarquer. 46
Merry-Go-Round
Le 24 sept septem embr bree 1948 1948,, Max Max enre enregi gist stre re Merry-Go-Round (AABA 32 mesures) avec le quintette de Charlie Parker ; il prend 16 mesures avant le retour du thème, sur un tempo élevé.
Dans ce solo, on peut noter presque toutes les caractéristiques caractéristiques remarquables des solos de Max avec Charlie Parker : _ l’usage de la grosse caisse alternativement en continuo et en ponctuation (comme en accompagnement et comme dans le solo analysé ci-avant) _ le début du solo sur le temps avec une sonorité rare, le " stickshot " (comme dans les échanges) _ l’usage d’un maximum des possibilités sonores de la caisse claire (" stickshot ", ", travail de nuances, de couleurs en fonction de la zone de frappe et de la frappe, notes fantômes, accents ; et ce comme dans les échanges et le solo de Koko) _ l’usage de phrases de trois temps (comme dans l’introduction l’introduction de Klact-Oveeseds-Tene et les trois solos qui précèdent dans cette partie), la construction rigoureuse et l’unité thématique. Découpons ce solo en deux fois huit mesures (sections B et A de la forme). On remarque que ces deux sections débutent de manière similaire. . Intéressons nous d’abord au B. Après une entrée en matière d’une mesure et un commentaire d’une seconde mesure, Max joue sa réponse aux deux premières mesures en ayant recours à un phrasé que nous avons déjà vu plusieurs fois : 3 + 3 + 2. Il se sert d’une phrase de trois temps construite ainsi : deux temps sur la caisse claire en croches forte, un temps en croches piano ; après l’avoir jouée deux fois, Max la joue une dernière fois, mais sans son dernier temps, comme il l’avait fait dans Bird Feathers. Lancé sur la caisse claire en croches, Max arrive à la cinquième mesure sur une phrase qui n’est n’est pas sans sans rappe rappele lerr la 4è mesure mesure du solo solo de Koko : après 2 temps de caisse claire en croches et l’arrivée l’arrivée sur le troisième temps, temps, Max joue la grosse caisse caisse sur le contretemps qui suit, provoquant une tension. Il répète alors la phrase avant de résoudre sur le premier temps une phrase de deux mesures organisée organisée comme la phrase des mesures 3-4. Utilisant le motif de la deuxième mesure tronqué de son quatrième temps de silence et orchestré en utilisant la 47
grosse caisse pour la première note, Max obtient une phrase à 3 temps. Il en découle la structure 3 + 3 + 2. On peut noter que les derniers 2 temps sont eux liés à la première mesure (caisse claire et grosse caisse en noires); il sont également un élément de vocabulaire de base sur lequel j’ai déjà attiré l’attention lors de l’analyse l’analyse ci-avant, dans lequel Max Roach s’en servait pour finir son solo et mener à la réexposition du thème (ou d’une de ses parties). . Prenons maintenant le A : après un début d’une mesure semblable au début du solo, Max joue une mesure de croches à la caisse claire, les deux dernières étant jouées piano, ce qui rattache cette idée aux mesures 3-4. Les deux mesures suivantes font la synthèse des mesures 3-4 et 7-8 en commençant par une petite variation des mesures 3 et du début de la mesure 4 (3+3) puis en concluant concluant par la fin de la mesure 8 (les 2 noires caisse claire-grosse claire-grosse caisse). caisse). On a, au niveau des carrures, la même structure : 3 + 3 + 2. Puis Max fait deux phrases de deux mesures en reprenant l’idée d’une mesure de croches à la caisse claire (cette fois sans notes « fantômes »), suivie la première fois de l’idée de la mesure 5, et la seconde (conclusive, comme se doit de l’être un conséquent) reprenant la fin des quatre premières mesures de la section précédente, mais cette fois-ci uniquement à la caisse claire, ce qui ramene sans heurt au thème. On a donc : B (2+2) (a + a’) + (b) (1+1) + (2) (c*2) + (a (a’* 2 + a) A (1) + (1) + (2) (a)+ (b’) + (b (ba) (1+1) + (1+1) (b’+c) + (b’ (b’+ fin ba) On peut noter que cette construction est relativement subtile et plus complexe que celles étudiées précédemment précédemment de par le fait qu’elle emploie un plus grand nombre d’idées musicales distinctes. On pourrait évidemment m’objecter que ce solo n’est rien d’autre que des noires et des croches réparties entre caisse claire et grosse, avec quelques silences, le tout réparti dans le cadre de deux fois huit mesures divisibles en phrases de 2 mesures, tout cela étant laissé à la fantaisie sur le moment de l’improvisateur, dans le meilleur des cas un chant qui se déploie au fur et à mesure du solo. Mais la fameuse déclaration de Max Roach ainsi que le réemploi de matériau à distance (par exemple celui de l’idée c à la 14è mesure) me conduisent à penser que Max est conscient de ce qu’il fait, qu’il agit volontairement et « poétiquement » en compositeur sur l’instant. On pourrait également m’opposer que cette unité thématique est liée à la pratique d’un solo formulaire où les mêmes idées reviennent sans cesse parce qu’elles font partie du vocabulaire. vocabulaire. Je me contenterai de répondre qu’à chaque solo de Max, à quelques exceptions près, on a toujours un choix de matériel différent employé à chaque fois de manière cohérente. Cette analyse achève de nous monter que, alors qu’il joue avec Charlie Parker, Max est déjà un soliste solide, aux conceptions avancées et aux talents « discursifs » indiscutables. Mais quelque chose va contribuer à faire évoluer significativement son style de solo : l’intégration dans ses solos de batterie des sonorités de toms.
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&) L$ 9 entre(deu : Il faut commencer par noter qu’il est possible que Max ait déjà eu l’habitude de jouer en jamsession et en concert sur un set de batterie avec deux toms. Mais le seul enregistrement vidéo disponible disponible de Charlie Parker nous montre ce dernier jouant avec une rythmique locale dont le batteur joue sur une batterie sans toms ; et les enregistrements dont nous disposons de Max avec Parker ne nous permettent pas de l’entendre s’en servir avant 1953. Les archives photographiques ne m’ont pas plus permis atteindre une quelconque certitude. Néanmoins, il est certain que Max a dû, alors qu’il a commencé à enregistrer avec des toms, se pencher plus avant sur les problèmes de déplacement des membres liés à leur usage et sur les possibilités qu’ils offrent. Je fais donc l’hypothèse que le quintette Brown – Roach a été pour Max Roach une phase importante de son développement musical, en particulier en ce qui concerne l’usage d’une batterie avec toms. Si l’on suit la carrière et les enregistrements de Max Roach de 1948 à 1954, parallèlement aux derniers enregistrements avec Charlie Parker, on observe que, s’il prend très peu d’échanges ou de solos, les toms sont utilisés dans la plupart de ceux-ci. Le 21 janvier 1949, au cours des sessions Birth of The Cool, Max prend quelques échanges échanges et un court solo sur Move de Denzil Best ; bien que la qualité de l’enregistrement ne permette pas d’apprécier pleinement le son des toms, Max les intègre avec une certaine maîtrise dans son jeu, à l’égal de la caisse claire. Il est d’ailleurs amusant d’entendre à la fin d’une de ses interventions une phrase de conclusion très proche de ce que l’on trouvera plus tard dans les enregistrements du quintette.
Il est à noter que Max prenait déjà, sur l’enregistrement « live » datant datant de septembre1948, septembre1948, des échanges et un solo légèrement plus long, toujours avec usage intensif des toms. Si le 1er mai 1951, lors d’un enregistrement en trio avec Bud Powell ( The Amazing Bud Powell), Max prend un solo sur deux des prises du morceau inspiré par la musique latine Un poco loco , il les prend en jouant principalement la caisse claire avec les mains, ne se servant pas de toms. Cosmic Rays
Le solo de Max sur le blues de tempo médium Cosmic Rays (enregistré le 30 décembre 1952) montre un usage de la batterie avec deux toms qui est assez proche de celui qu’il en fera dans le cadre du quintette Brown – Roach :
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(relevé : Georges Paczynski, op. cit., p.97) Tout d’abord, on remarque que Max structure ces douze mesures en trois phrases de quatre mesures. Ensuite, on remarque qu’il emploie, les cinq premières mesures, un continuo de grosse grosse caisse (tout (tout les temps, pp) et de charles charleston ton (les 2 et 4) aux pieds. pieds. L’usage L’usage d’un phrasé entre la caisse claire, les toms et la grosse caisse l’emmènent cependant à l’interrompre à la 5è mesure. Ensuite, et contrairement à ce qu’on a vu dans les enregistrements avec Charlie Parker, Max ne commence pas son solo sur le premier temps. Cette pratique permet de ne pas trop « enracine enracinerr » le discours. discours. Néanmoin Néanmoins, s, l’ « absence absence » -remarquab -remarquablele- du premier premier temps temps du groupe de quatre mesures permet d’appuyer celui-ci autrement, et de rentrer directement directement dans le vif du sujet. On ne peut s’empêcher de penser que l’ajout des toms change beaucoup de choses dans le discours de Max : les possibilités de combinaisons sonores l’amènent à employer des rythmes qu’il n’utiliserait probablement pas s’il jouait seulement sur la caisse claire et la grosse caisse. _ Ainsi, les quatre premières mesures, Max joue une série de triolets de noires, rythme qui va devenir un élément de base du style de son style de solo dans le cadre du quintette. En effet, la combinaison combinaison de différentes sonorités de peaux permet d’articuler différemment le discours : si le rythme est bien des triolets joués avec des "flas" 128, les sonorités leur donnent une tout autre dimension. Lors des deux premières mesures, mesures, Max groupe les notes par deux , en se servant – comme l’a remarqué M. Paczynski- de la caisse claire comme pivot entre le tom basse et le tom aigu. Lors des deux mesures suivantes, après avoir installé l’auditeur dans une certaine régularité, Max change l’ordre des sonorités. Cette pratique sera déterminante au cours la période qui arrive. Ainsi, sur une mesure il les groupe par trois, faisant alterner tom aigu - tom basse - tom aigu, puis caisse claire - tom basse - caisse claire ; puis la mesure suivante, il joue une phrase de conclusion, alternant les sonorités du tom aigu a tom basse en passant par la caisse caisse, avant d’insister sur la sonorité grave et de résoudre sur le premier temps de la mesure suivante avec une ponctuation de cymbale crashée et grosse caisse. _ Max joue lors des quatre mesures suivantes une phrase faisant alterner les sonorités de peaux disponibles aux mains avec la grosse caisse. Au début de la huitième mesure, un nouveau coup de cymbale suivi de silence vient conclure cette phrase. On retrouvera d’ailleurs
cette formule de conclusion de section
souvent par la suite.
Appogiature brève jouée piano et juste avant la note telle qu’elle est écrite rythmiquement.
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_ C’est alors que Max reprend en levée de la troisième phrase le membre de phrase qu’il avait introduit pour lancer la phrase précédente, membre de phrase que nous avons déjà pu entendre dans le solo de Koko , avec Charlie Parker, et qui aura elle aussi un bel avenir dans les solos de Max Roach. Max développe ensuite ce membre de phrase sur deux mesures (qui correspondent à la cadence du blues) avant d’enchaîner sans transition sur les deux dernières mesures (turnaround) qui ont un matériau lié à ce qui précède de par l’usage de la combinaison caisse claire la grosse caisse en contretemps, mais l’usage de double croches dynamise le discours avant d’emmener la conclusion qui, en doubles croches, va -comme à la 4è mesure- de la sonorité du tom aigu à celle du tom basse en passant par la caisse claire avant de résoudre sur la cymbale et la grosse caisse sur le premier temps du thème. Ce solo nous permet de remarquer deux choses : _ d’une -et c’est peut-être que nous sommes en présence d’un tempo très inférieur à ceux de la période Parker- la syntaxe de Max semble s’assouplir, devenir moins systématique. Ainsi, il ne marque pas le premier temps du solo, résout sa première phrase sur le premier temps de la cinquième mesure mais résout sa seconde sur le deuxième contretemps de la huitième mesure avant de commencer sa troisième phrase en levée levée de deux temps. Sur le sujet de l’unité thématique –-il s’agit certes d’un seul morceau, qui ne permet pas de tirer des conclusions trop générales-, Max semble également beaucoup moins tranché. Si la construction est toujours claire, il se permet de faire des phrases en les coupant moins « au cordeau » : il n’articule pas strictement les carrures et ne répète pas d’éléments à l’identique en les isolant clairement sur deux ou quatre mesures. _ d’autre part, l’usage des toms semble avoir eu un effet à la fois sur le vocabulaire de Max (les triolets avec flas, la relative absence de tout le travail de sonorités à la caisse claire qu’il y avait avec Charlie Parker), mais également sur la structuration de son discours. En effet, la présence ou l’absence de certaines sonorités lui permettent de distinguer deux sections. Par exemple, la deuxième phrase, qui se sert des sonorités de toms, et le début de la troisième phrase, qui ne se sert plus que de la caisse claire et de la grosse caisse. L’usage prolongé d’un continuo aux pieds -que la présence de sonorités supplémentaires disponibles au niveau des mains rend plus moins restrictive- permet également de structurer une phrase par la présence ou l’absence dudit continuo. Ainsi, si les bases n’ont pas vraiment changé, des évolutions de vocabulaire et de syntaxe commencent à prendre forme.
En 1953 a lieu à Toronto le Massey Hall Concert , surnommé The Greatest Jazz Concert Ever . Y participent Charlie Parker, Dizzy Gillespie, Bud Powell, Charles Mingus et Max Roach. Max prend deux longs chorus sur une batterie avec toms, sur deux morceaux de tempo élevé : un sur Salt Peanuts et un sur Wee, les deux avec un continuo aux pieds (grosse caisse tous les temps et charleston sur les 2 et 4). Max emploie du vocabulaire vocabulaire qu’on réentendra plus tard sur les chorus de The Blues Walk ou ou Mildama, et la tenue de ses solos est irréprochable. Mais, bien que très réussis et employant du vocabulaire qu’on retrouvera plus tard, la qualité 51
de l’enregistrement ne permet pas d’apprécier pleinement le travail sur le son de la batterie. Il aurait sûrement été très intéressant intéressant d’étudier les derniers enregistrements enregistrements avant la formation du quintette, à savoir ceux du Lighthouse All-Stars de Howa Howard rd Rums Rumsey ey,, mais mais,, malheureusement, je n’ai pas réussi à les trouver. De toute façon, il est douteux que Max y occupe la place dont il dispose dans son quintette, et la proximité fait que les débuts du quintette permettent tout autant de saisir les récentes évolutions de son jeu que la courte période de six mois que Roach a passé avec le Lighthouse All-Stars.
Passons maintenant au cœur de notre sujet, le quintette Clifford Brown - Max Roach.
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II) 6EU;IEME PARTIE + Le 'uintette 5li%%ord Bro,n < M Roc"2 #710(#71=
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A) Le 'uintette #) L %ormtion du 'uintette et ses débuts N’ayant trouvé une meilleure source ni une meilleure façon de rendre compte de cette période, j’ai décidé de citer sur le sujet les notes de pochette du disque « Reissuing Clifford Brown & Max Roach », rédigées par Kirk Silsbee en octobre 1999 (traduites par mes soins) : « Le groupe Brown-Roach –qui fut actif du printemps 1954 à la mort de Clifford- monta sur scène durant une période où le jazz semblait stagner sur plusieurs plans. Le be-bop, le style exigeant et axé sur les accords qui avait révolutionné le jazz dix ans auparavant, avait perdu beaucoup de sa superbe et devenait plus académique. Le jazz plus feutré qui venait de Californie faisait souvent prévaloir la composition et l’arrangement sur l’improvisation basée sur l’émotion. Une version de deuxième main de l’esthétique du « cool jazz » se répandait même à New York, pourtant le lieu traditionnel des innovations passionnées. Le Hard bop, fortement empreint de gospel et de funk basé sur le blues, avait encore à apparaître en tant que mouvement. Même Davis, qui combattait ses problèmes de drogue et enregistrait avec différents musiciens à chaque session, semblait ne pas suivre de direction précise. Tous les éléments semblaient réunis pour que quelque chose de nouveau et excitant apparaisse dans le jazz. » « En 1953, Max Roach était le principal batteur de jazz moderne. Son jeu avec l’avatar du be-bop Charlie Parker, entre autres, l’avait placé sur le devant de la scène de la percussion jazz. Avec son jeu propre, vif et son égalité d’attaque, aucun tempo ne lui était impossible. Les sondages des magazines spécialisés confirmaient sa stature. Et néanmoins, il était toujours accompagnateur (sideman) , , jouant avec tel ou tel groupe en vue. Le malaise lié à l’usage généralisé des narcotiques, qui se répandait dans New York comme un brouillard refusant de se dissiper, ajoutait à son mécontentement à l’égard de New York. Shelly Manne quittait alors sa place de batteur au sein du Lighthouse All Stars à Hermosa Beach, au sud-ouest de la ville de Los Angeles, et il suggéra Roach pour le remplacer. (…) Son premier jour dans l’orchestre était un dimanche, ce qui, selon la politique du groupe, signifiait que la musique commençait à deux heures de l’après-midi et s’arrêtait à deux heures du matin. Le Lighthouse All-Stars était un laboratoire dont les membres apportaient toujours de nouvelles partitions. Leurs arrangements réclamaient des qualités de lecteur tout autant que des qualités de tempo de la part d’un batteur. Roach, qui avait récemment suivi des études à la Manhattan School of Music et avait des compétences en piano, était idéal pour cet orchestre. Lui-même compositeur en devenir, il fut encouragé par des membres du groupe à développer ses talents d’écriture et contribuer au répertoire en constante expansion de l’orchestre. Malgré tout cela, quand Roach fut contacté par Gene Norman (un important disc-jockey qui dirigeait dirigeait le label GNP Records et le Crescendo, Crescendo, une boîte de nuit sur le Sunset Sunset Boulevard à Hollywood) pour monter son propre groupe et enregistrer, le batteur ne demanda pas à renouveller son contrat de six mois avec Rumsey. » « Ce fut Dizzy Gillespie qui attira le premier l’attention l’attention de Roach sur un jeune trompettiste trompettiste prodige de Wilmington, dans le Delaware. Selon l’avis général, Clifford jouait comme Fats Navarro, le principal rival de Gillespie durant les « guerres du be-bop ». Navarro possédait une technique sans pareille, un son d’acier et de l’imagination. Sa lueur brilla fortement mais
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brièvement : il était mort à force d’usage d’héroïne en juin 1950, n’ayant pas encore atteint l’âge de vingt-sept ans. Brown était effectivement, du point de vue stylistique et technique, un héri hériti tier er de Nava Navarr rro. o. Il avai avaitt un son son bril brilla lant nt,, du géni géniee harm harmon oniq ique ue,, un don don pour pour l’improvisation linéaire et une endurance apparemment sans limites, mais cela avec une chaleur et un lyrisme bien à lui. Également important, Brown n’avait aucun des problèmes personnels de Navarro. (…) Quand Roach envisagea de monter son groupe, il envoya immédiatement chercher Brown. » « Brown et Roach formèrent leur premier groupe avec le saxophoniste Sonny Stitt –un autre transfuge de l’Est- et deux musiciens locaux, le pianiste au style personnel Carl Perkins et le cont contreb rebas assis siste te Geor George ge Bled Bledsoe soe.. Ils Ils comm commen encèr cèren entt à joue jouerr au Cali Califo forn rnia ia Club Club sur sur le boulevard Santa Barbara (aujourd’hui Martin Luther King). Bradford entendit l’orchestre l’ orchestre au California et se souvient : « Il y eu des tensions tout au long de la soirée entre Sonny et le pianiste. Plusieurs fois il dit à Perkins d’arrêter de jouer. » Deux semaines plus tard, Stitt quitta le groupe. Roach demanda à Teddy Edwards de venir de San Fransisco pour le remplacer, et Edwards participa au premier enregistrement du groupe, « In Concert » (GNP), réalisé en avril au Club. (…) Edwards (à propos de Clifford) : « Je fus surpris par ses qualités. Il venait travailler tous les jours prêt dès le premier temps. Il n’avait jamais de problèmes de lèvres car il avait développé son endurance en faisant ainsi chaque jour. Nous restâmes deux semaines au Club California et puis ils se préparèrent à repartir vers l’Est, mais je voulus rester car ma femme devait accoucher d’un jour à l’autre. » « Le groupe fut reformé. Quand le groupe du saxophoniste alto Johnny Hodges se sépara à Los Angeles, son pianiste, Richie Powell –le jeune frère de l’innovateur du be-bop Bud Powell- prit la place de pianiste. George Morrow, un des plus fiables contrebassistes locaux (qui durant son adolescence avait reçu des encouragements de Jimmy Blanton, ami de la famille) remplaça Bledsoe. « Max laissa Clifford choisir de quel saxophoniste il s’agirait (entre Eric Dolphy et Harold Land) », selon Cherry. « C’était incroyable, et il fut très difficile à Brownie de choisir. Ce n’était pas du tout une compétition, ils jammaient tous, c’est tout. Après la session, il décida que ce serait Harold Land qui qui aurait la place. » (…) Son jeu était viril, enraciné dans le style d’icônes de la période swing tels que Coleman Hawkins et Don Byas. De l’influence de Lucky Thompson, il tirait une fluidité et un son rond et ample. Land évoluera de manière significative dans la suite de sa carrière (John Coltrane eut sur lui un profond impact qui peut être discerné encore aujourd’hui) ; en 1954, il fournissait un robuste complément dérivé du bop aux feux d’artifice de première ligne de Brown. Bradford entendit le groupe et se souvient : « Harold jouait encore avec ce son proche de Lucky Thompson et Don Byas, avec cette cett e façon qu’il avait de se faufiler entre les accords -très beau, sombre. Quand Clifford et Harold jouaient ensemble, ils formaient un équilibre parfait l’un vis-à-vis de l’autre. La composition du groupe était faite. Dès le début, c’était un groupe formidable. Instrumentalement, il n’y avait pas de maillon faible. faible. »
&) 5li%%ord Bro,n et M Roc" Né à Wilmington le 19 octobre 1930, Clifford Brown connût un destin mouvementé. Attiré dans son enfance par les reflets brillants que jetait la trompette de son père dans la cave, Clifford débuta la trompette à l’âge de 13 ans et ne cessa de l’étudier jusqu’à la fin de ses jours. En 1949, à l’âge de 19 ans, il suivait des études de mathématiques mathématiques au Delaware State College tout en participant à des jam-sessions à Philadelphie Philadelphie avec des boppers comme Kenny 55
Dorham, Max Roach, J.J. Johnson ou Fats Navarro, qui était son idole et devint d’une certaine manière un professeur et un ami. En 1950, à l’occasion du retard d’un trompettiste de l’orchestre de Dizzy Gillespie et sur la recommandation de son professeur, Robert Lowery, Clifford se retrouva propulsé sur scène au sein de la section de trompettes. Impressionné par la brillance du jeune trompettiste, Dizzy lui accorda un solo qui lui confirma le talent de Clifford. Dizzy l’encouragea l’encouragea alors alors à poursuivre dans le domaine de la musique et du jazz. Se desti destinan nantt jusqu jusqu’al ’alors ors aux mathém mathémat atiqu iques es,, Cliffo Clifford rd chang changea ea alors alors d’orie d’orient ntati ation on pour pour la musique. Mais en juin 1950, ses nouveaux projets furent contrariés quand un premier accident de voit voitur uree éloi éloign gnaa Clif Cliffo ford rd de sa trom trompe pett ttee pend pendaant un an. an. Il repr reprit it la mu musi siqu quee progressivement, s’attelant d’abord au piano avant de pouvoir soulever sa trompette. Pendant ce temps, son modèle, Fats Navarro, mourut, usé par l’usage de narcotiques. Peu après s’être remis de ses blessures, Clifford se fit embaucher au piano puis à la trompette dans le groupe de swing de Chris Powell (Chris Powell and the Blue Flames) avant de rejoi rejoindr ndree brièv brièveme ement nt Tadd Tadd Damero Dameronn pui puis, s, en 1953 1953 la sectio sectionn de trompe trompette ttess de Lione Lionell Hampton, Hampton, qui l’amèna l’amèna en tournée tournée europée européenne. nne. Au retour, retour, pour pour cause cause d’enregi d’enregistre strement mentss clandestins non autorisés par les règlements de Gladys et Lionel Hampton, Clifford recouvra sa liberté. - Quand Art Blakey partit travailler à Philadephie au début des années 50, Charlie Parker lui conseill conseilla: a: « N’amène pas de trompettiste, mec. Tu n’en auras pas besoin quand tu auras entend entenduu ce jeunot jeunot,, Cliffor Cliffordd Brown Brown ». – Et à pein peinee renv renvoy oyéé par par Hamp Hampto ton, n, Clif Cliffo ford rd fut fut embauché dans un groupe mené par Art Blakey, groupe qui préfigura ce que furent un peu plus tard les Jazz Messengers . Après le demi-échec de la formation, Clifford rejoint au printemps 1954 Max Roach sur la côte Ouest où ils commencèrent leur aventure commune. Clifford a 24 ans, Max 29. Max Roach : « Cela faisait quelque temps que je m’intéressais à Brownie. J’avais d’abord pris connaissance avec son travail grâce aux disques. Il avait fait quelques enregistrements dans la collection Birdland, et j’avais écouté son jeu avec J.J. (Johnson). J’avais toujours été impressionné par son jeu, et quand j’ai envisagé de monter mon propre groupe, il fut le premier auquel j’ai pensé. Je ne le connaissais pas tant que ça au début, personnellement – j’avais juste l’impression que musicalement, nous avions un lien spirituel. » 129 En effet, tous deux ont fait des études musicales comprenant des cours de théorie et de composition. Tous deux ont travaillé leur instrument d’arrache-pied, dans une direction qui a fini par leur devenir spécifique. Enfin, leur collaboration repose sur des conceptions et convictions communes (le sérieux, le lyrisme, la composition) et un désir de créer ensemble quelque chose de nouveau. Tous deux cherchent à se dépasser constamment, et l’éthique de travail de Clifford n’est pas sans impressionner impressionner et inspirer Max : « Oh, il était tout le temps en train d’apprendre quelque chose. chose. En Californie, Californie, nous avions une maison, maison, avec un piano, un vibraphone vibraphone en plus de la trompette et d’un set de batterie. Je sortais de la maison, et quand je revenais, il s’entraînait sur n’importe lequel de ces instruments, batterie, vibraphone, n’importe lequel. Il adorait (loved) la musique. » Si son style prenait ses racines dans celui de Fats Navarro, Clifford, aux dires de ses pairs, développa vite une direction personnelle . Dans son autobiographie, To Be Or Not… To Bop , GARDENER Barbara, article « The Legacy of Clifford Brown », Downbeat Magazine , 12 octobre 1961 ; http://www.shout.net/~jmh/articles/clifford2.html 129
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Dizzy Gillespie classe Brown dans le groupe restreint des trompettistes dont il pense qu’ils ont forgé la tradition trompettistique du jazz – à savoir Buddy Bolden, King Oliver, Louis Armstrong, Roy Eldridge, Dizzy Gillespie, Fats Navarro, Miles Davis et Clifford Brown. Selon Dizzy, Clifford commençait à développer un style qui s’écartait de ce qui avait été fait auparavant. Benny Golson abonde dans ce sens : « Et au moment de sa mort, Brownie suivait son chemin (allait dans sa direction) direction) avec plus de détermination que je n’ai jamais vu personne en avoir. Vraiment, les deux dernières années de sa vie, il a saisi ce qu’il voulait faire. Son imagination n’avait pas de limites. Il avait toujours des surprises en réserve. (…) On ne peut conjecturer quant aux hauteurs auxquelles Brownie s’ élèverait aujourd’hui, parce que je crois qu’il ne se serait jamais arrêté. » « Laissez- moi vous le dire comme ça. Il arrive qu’on entende des trompettistes jouer, et, en écoutant, on se rend compte que celui-là joue bien les balades, que tel autre joue très bien, mais uniquement, dans le registre médian, et on en trouve d’autres qui ne sont efficaces que dans le registre aigu et sur les tempi élevés. Il arrive qu’un trompettiste possède deux ou trois de ces attributs, mais Clifford les avait tous. Il pouvait, musicalement, se transformer d’un faible agneau en un tigre en furie. Il pouvait jouer grave, aigu, fort, doucement : il jouait de l’instrument tout entier. » 130 D’apr D’après ès sa veuve, veuve, « l a
musique musiq ue était était son son prem premie ierr am amou our, r, j’éta j’étais is son son seco second nd,, et les les 131 mathématiques étaient son troisième. » Multi-instrumentiste comme Max, il jouait aussi bien de la trompette que du piano, du vibraphone, de la contrebasse ou de la batterie. Lors des répétitions, il se mettait au piano ou à la contrebasse pour expliquer aux musiciens le feel qu’il voulait exactement.
Néanmoins, malgré ses grandes qualités et une certaine assurance, Clifford connaît, comme tout musicien, le doute : « Après une session particulièrement énergique au Bee Hive de Chicago, Clifford sortit du du club et se tint quelques instants dans l’air froid de la nuit. Il confia à un ami : « J’ai l’impression qu’on vient de me jeter de l’acide au visage. Mes lèvres sont en feu. Des fois, fois, je me demande si j’arriverai j’arriverai à suivre Max quand quand il se met à vraiment 132 jouer cette cymbale (when he really gets that cymbal going ). » Mais ce n’est pas ainsi que Max s’en souvient : Arthur Taylor : « Parle-moi de ta relation musicale avec Clifford Brown. » Max Roach : « Brownie était un être humain qui passait beaucoup de temps à travailler, à travailler dur. Quandd nous nous sommes rencontrés Quan rencontrés et nous sommes sommes partis pour la Californie, nous avons vécu dans le même appartement pendant six moins avant de repartir vers l’est avec le groupe. Nous avions un piano, et j’avais installé une batterie d’étude dans une autre pièce. Quelle que soit l’heure à laquelle je rentrais à la maison, il était en train de travailler. Il était toujours très actif. Ce qui nous ramène à ce dont nous parlions : Brownie était le genre de type à y passer une bonne heure. Il y passait beaucoup de temps ; c’est ainsi qu’il s’est si bien développé à un si jeune âge. Quelquefois quand je me levais à neuf heures, j’arrivais à CORWFORD Marc, article « Bennie Remembers Clifford », Downbeat Magazine, 12 octobre 1961 ; http://www.shout.net/~jmh/articles/clifford3.html 131 FEATHER Leonard, article « Clifford Brown », Jazz Times, Juin 1980 ; http://www.shout.net/~jmh/articles/clifford5.html 132 GARDENER Barbara, Barbara, op. cit.,; cit.,; http://www.shout.net/~jmh/articles/clifford2.html 130
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me mettre au piano avant lui. Nous étions très polis et respectueux l’un envers l’autre et nous voulions faire quelque chose ensemble. Nous savions que nous étions engagés dans quelque chose et que le travail était la solution. Bien sûr, chacun devrait savoir ça. C’est amusant, j’étais allongé dans mon lit et quand j’entendais le piano, je regardais ma montre et me disais : mon Dieu ! J’imagine qu’il faisait la même chose si j’arrivais au piano avant lui. Le premier qui arrivait s’y mettait, parce que nous ne plaisantions pas. Nous essayions vraiment d’en tirer quelque chose. Donc, ce que je dis, c’est que c’était le type d’homme qui s’investissait beaucoup, et c’est ainsi qu’on se développe. 133 »
Tous deux ont trouvé un contexte dans lequel ils peuvent composer, arranger, expérimenter, partager leurs idées et construire quelque chose de nouveau. Ni Clifford ni Max ne sont des débutants, et ils ne plaisantent pas. L’arrivée de Sonny Rollins en remplacement du déjà talentueux Harold Land rajoutera un individu d’exception dans ce groupe qui a vu au cours son existence chacun de ses membres s’épanouir, de Georges Morrow à Clifford Brown en passant par le jeune Richie Powell. Ainsi, réduit aux débuts du groupe à un nombre de chorus plus restreint que les autres -sans parler de la reprise, d’une prise à l’autre, de l’essentiel de son solo sur, entre autres, The Blues Walk- , on entend en 1956 ce dernier tenir avec assurance d’aussi longs solos que Clifford Brown et Sonny Rollins.
-) Le ré!ertoire et l$est"éti'ue du 'uintette « Bien que ce fut un groupe qui s’épanouissait dans les improvisations infernales, il jouait aussi un répertoire particulier et bien arrangé. En 1955, Brown confia au critique de Down Beat Nat Hentoff, « Notre politique particulière est de viser les extrêmes musicaux d’à la fois l’excitation et la subtile douceur à chaque fois que cela est nécessaire, mais toujours avec beau beauco coup up de "feel "feelin ing". g". L’ess L’essen entie tiell de notr notree répe répert rtoi oire re est cons constit titué ué de comp compos osit itio ions ns originales, ainsi que de quelques standards. Et nous avons sans conteste un son organisé car l’organisation est la tendance dans tous les groupes de jazz actuels. Nous essayons de plus en plus que les l es solos s’intègrent de manière organique dans chaque arrangement, de sorte que cela forme un tout et crée une tension d’ordre à la fois intellectuel et émotionnel. » Roach ajouta : « En d’autres termes, nous cherchons à être intéressants à la fois musicalement et émotionnellement. » »134
Si l’on fait exception des enregistrements de concerts et des « à-côté » de Clifford et de Max et qu’on se concentre sur les enregistrements de nouveau répertoire par le quintette Clifford Brown - Max Roach tel qu’il s’est stabilisé avec Richie Powell et George Morrow, on remarque que le groupe est entré six fois en studio dans l’espace de trois ans ; avec Harold Land, en 3 fois sur une période de 18 mois, le groupe a enregistré le total de 33 morceaux, dont 12 avec Clifford uniquement (album Clifford Brown with Strings ). (La liste des morceaux par session et par disque figure à la section correspondante dans les annexes. Il est à noter que celle-ci, tirée d’une discographie complète de Clifford Brown trouvée sur Internet 135, n’indique cependant pas les morceaux du quintette auxquels Clifford TAYLOR Arthur, op. cit., pp. 107-108 134 SILSBEE Kirk, notes de pochette du disque « Reissuing Clifford Brown & Max Roach », octobre 1999 135 Jazz Discography Project, http://www.jazzdisco.org 133
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ne prend pas part, comme ceux mettant en avant Harold Land, Richie Powell et George Morrow, et que je mentionne ci-après.) Si on observe le détail de ces séances d’enregistrements, on constate que la première grande séan séance ce d’enre d’enregis gistre tremen mentt du qui quinte ntette tte eut eut li lieu eu début début août août 1954 1954 aux aux Studi Studios os Capit Capitol ol à Hollywood, sur la Côte Ouest. 14 morceaux (dont 4 non indiqués dans la discographie en annexe) sont enregistrés. Ils comportent 4 compositions de Clifford Brown et la composition de Max Roach Mildama. Ces sessions définissent l’identité du quintette, à partir de laquelle il va par la suite évoluer. Le répertoire enregistré constitue un mélange équilibré de morceaux de tempo medium, de morceaux de tempo élevé et de ballades. Du point de vue du style, le groupe adopte divers caractèr caractères es selon selon les morceaux morceaux : on passe passe de l’impress l’impressionn ionnisme isme swinguant swinguant de Delilah à la légèreté bondissante de Joy Spring, puis à la fureur de Sweet Clifford , au swing lâche et détendu de Jordu, ou enfin au calme des ballades comme celles mentionnées ci-après. Comme il s’agit d’un vrai quintette, et non de solistes jouant avec une rythmique, chaque instrumentiste a un morceau qui le met particulièrement en valeur, généralement une ballade. Ainsi, Clifford tient le devant de la scène 7 minutes et 22 secondes sur I Don’t Stand a Ghost of a Chance with You , alors que pour Darn That Dream, c’est Harold Land qui s’exprime 4 minutes et 4 secondes durant. These Foolish Things nous permet d’entendre George Morrow – qu’on n’entend presque jamais prendre de solo- jouer le thème et des improvisations improvisations durant 3 minutes 41. Pour Richie Powell, c’est le morceau I’ll String Along with You qui nous le fait entendre en solo complet pour 4 minutes 13. Pour Max, peut-être parce qu’il est difficile de jouer une ballade en solo à la batterie (entre autres, autres, le manque de notes tenues et vibrées pose problème), on a Mildama, morceau de tempo très élevé accordant accordant à la batterie une fonction de soliste qu’elle a rarement –si ce n’est jamais- eu auparavant. En janvier 1955, le groupe –sans Harold Land- entre en studio à New York avec un orchestre à cordes dirigé par Neal Hefti. Ce dernier a réalisé la totalité des arrangements des 12 « standards »-ballades sur lesquels Clifford –qui vient d’être distingué par les critiques de Downbeat comme comme la « best new star » (meilleure nouvelle star) de l’année 1954- va exprimer toutes ses qualités lyriques. Cet enregistrement est un peu à part, car le groupe ne tourne pas avec des cordes, et le répertoire semble donc destiné avant tout au disque et non au quintette en tournée. Enfin, à la fin du mois de février 1955 a lieu une dernière séance avec Harold Land au cours de laquell laquellee 11 morceaux morceaux sont enregistrés enregistrés,, ceux-ci ceux-ci comprena comprenant nt entre entre autres autres Cherokee et les deux blues du groupe, The Blues Walk et Sandu –tous deux des compositions de Clifford. L’éd L’édit itio ionn disc discog ogra raph phiq ique ue de ces ces enre enregi gist stre reme ment ntss mêle mêle géné généra rale leme ment nt les les séan séance cess d’enregistrement d’août 54 et de février 55, répartissant les morceaux sur plusieurs disques qui se recoupent souvent. Après ces premiers enregistrements, le quintette passe le reste de l’année à tourner, sur la base d’un répertoire de 25 morceaux enregistrés. Le groupe connaît alors un grand succès et est considéré comme la formation marquante et novatrice du moment. Comme je l’ai déjà dit, avec l’arrivée de Rollins la fréquence des séances d’enregistrement s’accélère ; bien que chaque séance comporte moins de morceaux, le total s’élève à 11 morceaux pour trois mois. Sans doute le temps passé l’année précédente précédente à tourner a permis au quintette de composer et monter de nouveaux morceaux. Ainsi a lieu au début janvier 1956, peu après le départ de Land et l’arrivée de Sonny Rollins, 59
une séance d’enregistrement de 3 morceaux. Peu après, milieu février, 6 autres titres sont enregistrés, enregistrés, et enfin, en mars, le quintette quintette au complet enregistre enregistre sous le nom de Sonny Rollins Pent-Upp Hou House se et Valse Valse Hot Hot 5 morceaux, morceaux, dont 2 composit compositions ions de Rollins Rollins (les célèbres célèbres Pent-U premier morceau à trois temps du jazz moderne que le quintette adore jouer). Lors de es séances, séances, peut-êtr peut-êtree parce que le groupe a déjà des ballades ballades et des morceaux morceaux de tempo medium dans son répertoire, une tendance à la puissance et au lyrisme se dégage : il suffit d’écouter les thèmes d’ I’ll Remember April ou de What Is This Thing Called Love pour être pris de vertige par le tempo et la puissance dégagée par les musiciens. En juin 1956, juste avant la mort de Clifford, Sonny Rollins enregistre –avec Max Roach à la batterie- l’album Saxophone Colossus . Cet album constitue le dernier enregistrement de Max de la période considérée, et j’ai choisi d’en intégrer un morceau dans mon corpus. À part part son son réper répertoi toire, re, plu plusie sieurs urs aspec aspects ts distin distingu guent ent le qui quint ntett ettee des des autres autres format formatio ions ns auxqu auxquel elles les ont appart appartenu enu ses ses membre membress -voire -voire même même des des autres autres format formation ionss tou toutt court court.. L’arrangement des thèmes, l’équilibre entre l’expression dans les solos et le thème, la maîtrise apparente et le lyrisme des musiciens n’en sont pas des moindres. L’usage d’introductions figuratives ou « ethniques » ad libitum est une autre des originalités Parisian Thorough Thoroughfare fare, tambours et du qui quinte ntette tte.. Klaxon Klaxonss et voi voitur tures es qui passent passent pour Parisian « chants chants » indi indiens ens pour Cherokee, improvisation sur un riff (figure rythmique répétée) de batterie d’inspiration d’inspiration latine pour What Is This Thing Called Love ? et introduction samba pour I’ll Remember April, ces introductions introductions produisent une attente, un suspense, une tension quant au morceau que le thème, lorsqu’il arrive enfin, vient résoudre. Le groupe se sert de telles intro introduc ducti tions ons,, out outre re pour pour leur leur int intérê érêtt textu textural ral comme de tremp tremplin linss pour pour le thème thème : se détachant clairement de l’introduction qui n’est pas structurée par rapport à une forme ou des carrures de quatre mesures, il est mis en valeur et ressort beaucoup mieux que par rapport à du silence. Hors de la logique des formes employées par le quintette, le temps musical de l’introduction installe l’écoute et prépare à apprécier le thème et la musique qui va en découler. Également, le groupe expérimente localement avec des mesures inhabituelles dans le jazz. Sans parler de Valse Hot , on relève l’utilisation de quelques mesures à cinq temps à la fin du here for ? et au cours de celui de Love Is a Many Splendored Splendored Thing. thème de What am I here Par ailleurs, l’enregistrement du groupe et des instruments qui le composent est d’excellente qualité. Cette qualité permet d’apprécier à sa juste valeur le travail de son du groupe et de What Is This This Thing Thing Called Called Love Love constituent de bons chacun chacun de ses membres ; Delilah ou What exemples de cette qualité, ainsi que de la palette de nuances dont le groupe est capable. Le travail de son des soufflants est particulièrement fascinant. Ne faisant qu’un lorsqu’ils phrasent ensemble la même ligne mélodique –sur le thème de Daahoud , par exemple-, ils se complètent au sein d’un espace sonore commun lorsque, par exemple la trompette joue le Stompin’ n’ at The Sav Savoy oy ou I’ll thème thème et le saxop saxophon honee des contrec contrecha hants nts -comm -commee dans dans Stompi Remember April. La différence de qualité d’enregistrement de la batterie par rapport aux enregistrements avec Charlie Parker, Miles Davis ou le Massey Hall Concert est, est, quant à elle, phénoménale. Le son qu’obtient Max Roach sert son discours, et marque les esprits : Kenny Washington (à propos de l’enregistrement par le quintette de Cherokee) : « Ce qui m’a véritablement véritablement désarçonné désarçonné était la façon dont il accordait accordait sa batterie. batterie. L’accord aigu de 60
ses toms était si musical, et donnait à chaque fût sa propre identité. (…) Aujourd’hui encore, j’accorde ma batterie de cette façon. »136 Le son de Max a également fait dire au batteur Daniel Humair que « Max a cassé quelque chose dans le son (…). Il a changé la conception du son « batterie ». Max Roach est plus contemporain de par la sonorité que « Philly Joe » Jones. (.. ) ». 137 Si l’accord et la frappe sont capitaux, ni l’un ni l’autre ne pourront être appréciés pleinement sans un enregistrement et une restitution flatteuse. Sans cette qualité d’enregistrement – auquel le statut de leader de Max ne doit pas être étranger-, le jeu de Max sur ces disques n’aurait pas la force qu’il a. Pour en revenir au son du groupe, l’importance de la batterie dans l’économie musicale d’ensemble du groupe est indéniable : sans être envahissante, elle est –à l’exception des ballades- très présente, ne serait-ce que par ce son dont je viens de parler. La main gauche de Max est particulièrement présente alors qu’il collabore avec le piano pour alimenter un comping énergique qui fait une belle part aux riffs, aux polyrythmes et à l’articulation de la forme par des ponctuations.
D’autre part, avec l’évolution des supports, les durées d’enregistrement deviennent plus long longue uess : en plus plus de la volo volont ntéé de Max de fair fairee part partie ie de la front line, la possibilité d’enregistrer des morceaux durant jusqu’à neuf minutes permet que tous les membres du groupe (sauf la contrebasse, qui se cantonne pour l’essentiel à un rôle d’accompagnement) s’expriment en solo sur presque chaque morceau. Enfin, non content de prendre des solos sur la quasi-totalité des morceaux -une première, à ma connaissance, connaissance, dans l’histoire du jazz, et aujourd’hui encore un cas particulier- Max s’adonne à diverses autres formes d’intervention solo. Outre les échanges échanges en préambule de certains solos (8-8 sur Sweet Clifford , 4-4 sur Delilah, Parisian Thoroughfare , Jordu et Joy Spring , 4-8 sur The Blues Walk ), ), on trouve des fills intégrés aux thèmes ( Sweet Clifford , The Blues Walk ), ), un pont de réexposition improvisé en solo ( Cherokee), et même à un morceau de batterie solo avec des réponses des soufflants et une courte improvisation de trompette en duo ( Mildama). Préfigurant les expérimentations de Max Roach en solo complet dans les années 60, la période 54-56 me semble particulièrement intéressante du point de vue du solo de batterie : le travail sur la forme, le discours dans le cadre des structures prédominantes prédominantes dans le jazz, dans le cours d’un morceau et dans le tissu des improvisations donne au solo de batterie une place logique. La cyclicité n’est pas brisée, les grilles succèdent aux grilles, section après section. Et après ce qui est souvent une culmination, le thème revient : le solo de batterie a sa place dans le déroulement du morceau, il en est un moment essentiel.
WASHINGTON Kenny, op. cit PACZYNSKI Georges, op. cit., p. 110
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B) L structurtion des solos de M Roc"2 #710(#71= Pour cette partie, il sera nécessaire de se référer au Cahier de relevés de Max Roach en annexe. Les solos que je considère sont listés dans la partie « corpus/relevés par type de forme » des annexes ; pour la structure des morceaux dont ils font partie, voir la section « corpus chronologique» dans les annexes. Tout d’abord, il faut noter que je ne peux raisonner que par rapport aux enregistrements de Max Roach. N’ayant pas été vivant durant la période étudiée, je n’ai pas pu assister à des concerts du quintette et observer comment Max improvise sur les morceaux du répertoire soir après soir ; les constatations que je fais en sont donc limitées et leur validité doit être contrasté par ce fait. Ensuite, j’ai choisi, dans cette partie, d’avoir une approche synthétique par rapport à mon travail de recherche, en commençant par livrer les grandes lignes de l’improvisation soliste chez Max Roach dans cette période, puis en examinant le vocabulaire employé en conjonction avec l’analyse détaillée d’échanges et de solos. Notons que même si je n’analyse n’analyse pas chacun des solos relevés, je me sers de tous pour mener mon analyse, et je pense que les principes que j’en déduis s’appliquent de manière générale.
Hypothèses de recherche, hasard et conclusions Je voudrais, avant de présenter mes conclusions, parler quelque peu du déroulement de ma recherche, de ses hésitations, de ses choix, de ses enthousiasmes et de ses fausses routes. Part Partan antt en effe effett des des conc conclu lusi sion onss de Geor George ge Pacz Paczyn ynsk skii et des des sugg sugges esti tion onss de Kenn Kennyy Washington citées plus bas, j’ai commencé par aborder le problème en chantant le thème sur les chorus de Max Roach. Après avoir effectué quelques relevés, je les ai comparés plus rigoureusement rigoureusement avec les grilles correspondantes correspondantes issues de divers Realbooks. J’ai constaté que, à part quelques contours mélodiques qui semblaient être des coïncidences, Max ne jouait pas le thème ou une paraphrase de celui-ci. Il devait pourtant se le chanter pour être capable de respecter les levées des thèmes en fin de chorus, les basses permettant de se situer dans la forme mais pas par rapport à la mélodie et sa levée. Construit, son discours me semblait indépendant, auto-suffisant et ayant pour seuls référents la forme du morceau et les carrures de quatre mesures, et éventuellement les repères harmoniques, comme le B modulant des formes AABA ou les accords du blues. À partir de ce moment, j’ai donc adopté une perspective « structuraliste » consistant à observer comment le discours s’organisait par rapport aux différents niveaux niveaux et moments de la forme. Pour ce faire, j’ai multiplié les relevés, ce qui m’a permi permiss de confir confirmer mer que que Max pratiq pratiquai uaitt une une imp improv rovisa isatio tionn formul formulair aire, e, basée basée sur un vocabulaire récurrent travaillé hors du temps de l’improvisation et employé avec une intention compositionnelle. Ce n’est que récemment, sur les suggestions de mon directeur de maîtrise, que je suis revenu aux aux thèm thèmes es pour pour l’étu l’étude de du solo solo de Max Max sur sur Blue Seven. Après plusieurs essais et une superposition des grilles de solo et du thème, je me suis rendu compte que Max Roach ne jouait pas le thème, mais autour du thème, s’en servant comme point de repère et le sousentendant pour construire un discours distinct d’une simple paraphrase de la mélodie. C’est seulement alors, à quelques jours de la remise du mémoire, après avoir effectué les analyses d’un point de vue « structuraliste » et compositionnel que ce jeu autour du thème a commencé à m’apparaître dans de nombreux solos. 62
Dans l’impossibilité, pour cause de manque de temps, de refaire toutes mes analyses –qui sont d’ailleurs d’ailleurs des observations observations valides, de leur point de vue-, j’ai décidé de faire apparaître ce jeu autour du thème en complément de mes analyses structurelles, sur quelques-uns des thèmes où ils sont les plus flagrants, à savoir Stompin’ at the Savoy et Blue Seven. On ne m’en voudra pas trop, j’espère, d’avoir persisté dans une direction analytique qui, si elle permet d’observer subtilement des mécanismes de langage en les décomposant et les recoupant, recoupant, n’explique pas forcément ce qui guide le jeu d’un improvisateur pour lequel, « une fois la technique dominée, il faut jouer les idées qu’on a dans la tête, de manière poétique. »
Le contexte : la place des solos Comme je l’ai déjà mentionné, dans le cadre du quintette le solo de batterie a souvent lieu, comme dans le quintette de Charlie Parker, à la fin des improvisations. Précédé parfois d’une grille d’échanges d’échanges (deux pour les blues), le solo représente la plupart du temps une culmination après laquelle la reprise du thème s’impose. On rencontre cependant, cependant, avec le quintette, d’autres « dramaturgies dramaturgies ». Ainsi, dans Sandu, le solo se finit à une nuance piano et est enchaîné à une grille de walk (jeu (jeu en noires qui parcourt les fondements des harmonies) de contrebasse avant le retour du thème. Dans l’ « alternate take take » de Joy Spring (ci-dessous), le solo se finit également piano voire pianissimo, et la reprise de l’introduction de piano qui suit se fait alors en douceur.
À l’opposé, dans The Blues Walk et I’ll Remember April, des échanges ont lieu ont lieu après le solo de batterie entre les deux soufflants : d’égale durée pour I’ll Remember April , ils sont de durée de plus en plus brève (selon le principe dit de « chase ») dans The Blues Walk - une fois les prises de paroles raccourcies à deux temps et s’alternant de façon très serrée, la tension, qui pourrait difficilement augmenter, fait place au début énergique du thème. Il faut aussi noter que Max prend, contrairement à ce que nous avons pu observer chez Parker, un certain nombre de solos à des tempi medium, comme celui que nous avons analysé sur Cosmic Rays. Le vocabulaire vocabulaire qu’il emploie sur ces tempi medium est le plus souvent différent de celui aux tempi élevés, et est donc plus caractéristique du quintette. Le tempo étant plus lent, les subdivisions du temps qu’il emploie et les phrases qui en découlent ne sont pas les mêmes. Avant de rentrer dans le vif du sujet, j’aimerais faire quelques autres remarques succinctes :
L’improvisation et l’erreur Max a beau être, selon Kenny Washington « un des plus grands solistes de tous les temps », il lui arrive de se tromper, et, à la faveur d’un bref instant de déconcentration déconcentration ou d’hésitation de la main, de perdre le fil de son improvisation. Nous l’avons déjà observé, dans le premier échange de Marmaduke (24 septembre 1948) , rajouter un temps à une mesure. Au sein du quintette, nous avons aussi parfois des hésitations qui font « trembler » le tempo, et parfois Max omet des temps, comme à la fin du chorus de Jordu, au milieu milieu du solo solo de What am I 63
Here for ? ou au cours de l’avant-dernier chorus de la « master take » de The Blues Walk . Il en rajoute également un vers la fin du chorus de Flossie Lou. Rien de grave, donc, mais quelques erreurs, tout de même. Tant mieux. Comme le répétait Monk, « si le résultat est trop parfait, il n’est pas humain. » 138
À propos du thème et des autres solos Comme je l’ai mentionné plus haut, j’ai fini par découvrir un lien entre certains thèmes et les solos de Max Roach. Par contre, sur l’influence d’autres solistes sur le jeu de Max hors des échanges improvisés, improvisés, je n’ai rien trouvé. Pour le vérifier, j’ai accordé plus de temps à Clifford Brown, et, en comparant ses solos sur Parisian Thoroughfare et Joy Spring avec ceux de Max , je n’ai rien trouvé que je reconnaisse comme la reprise d’une idée du solo de l’un au solo de l’autre. Je crois qu’il y a plusieurs raisons à cela. D’abord, les deux solos sont relativement éloignés temporellement, temporellement, et les solistes qui suivent Clifford ont besoin d’être accompagnés -sans parler du simple maintien de la pulsation qui nécessite déjà une grande concentration. Ainsi, si Clifford réemploie la première phrase de son solo pour ouvrir la grille d’échanges dans Delilah, et qu’il y a au cours des divers divers échanges échanges improvisés une interaction interaction entre entre les deux parti parties es,, Max et Cliff Clifford ord,, deux deux grand grandss imp improv rovis isat ateur eurs, s, dévelo développe ppent nt chac chacun un leur leur propre propre discours. Et si Clifford est connu pour ses qualités d’accentuations (on en trouve dans le solo de Parisian Thoroughfare une accentuation toutes les trois croches qui rappelle certains phrasés de Max Roach), cet élément de vocabulaire et de syntaxe n’appartient pas uniquement au vocabulaire de Max Roach ou celui de Clifford Brown. Pour conclure, je n’ai pas trouvé d’influence directe du jeu de Clifford sur le vocabulaire et les solos de Max Roach, et inversement.
#) Les grndes lignes Voici ce que Kenny Washington nous dit de la structuration des solos de Max Roach : 1. Max est vraiment celui qui a imposé le respect pour le batteur. Il a fait comprendre « aux musiciens et à l’auditoire que les batteurs ne faisaient pas que taper des rythmes sur la scène ; ils devaient en savoir autant que n’importe quel autre instrumentiste quant à l’harmonie et la forme. Écoutez n’importe lequel des solos sur ces disques : ils respectent la forme et la trame harmo-ryth harmo-rythmique mique du morceau. Essayez de chanter la mélodie du morceau en partant du début d’un solo de Max, et vous comprendrez ce que je veux dire. 2. Max Max est, sans aucun aucun doute, doute, un des plus plus grands grands solistes solistes de tous les temps. temps. Alors qu’il qu’il est facile, pour un batteur, de faire un étalage de technique pour le bénéfice de la seule technique et de faire juste du bruit, Max joue des phrases musicales avec un grand sens des nuances et de l’espace. Ce qu’il ne joue pas est aussi important que ce qu’il joue. »
Des phrases phrases articulées par du silence Les remarques de Kenny sont très justes. À propos de la deuxième, elle m’inspire la réflexion suivante : ce qui permet d’articuler le discours se situe au niveau le plus « petit », celui de la Musica jazz, janvier 2000, p.23
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phrase et des éléments qui la composent. Si le discours de Max Roach est articulé, c’est qu’il est constitué de phrases séparées par du silence. - À propos de ce « silence », j’ai la conviction que les résonances et leur durée importent à l’improvisateur, l’improvisateur, et influent sur son jeu. La durée des résonances des toms ou des cymbales cymbales va le pousser à faire des choix afin de laisser l’espace sonore « respirer ».Ces remarques nous rappellent celles de Max : « Quand je commence à penser à cet univers sonore, je me dis qu’il faut l’organiser, comme un écrivain organise les mots, les conjugue et les fait respirer avec de la ponctuation. ponctuation. »139 Ce qui nous conduirait, pour analyse de son « univers sonore » , à l’étude de la grammaire, de la ponctuation et de la syntaxe de Max Roach avant de s’intéresser à son discours.
La pulsation en tant que cadre : les ostinatos aux pieds Batteur Magazine : « Comment abordez-vous la polyrythmie ? » Max Roach : « J’installe une pulsation de base avec la grosse caisse et le charleston. » 140 On remarque que Max cadre systématiquement ses solos – qui font usage de nombreux polyrythmes- en installant une pulsation aux pieds, avec les temps à la grosse caisse et les 2 et 4 au charleston fermé de manière incisive, et ce comme en accompagnement. Cette base, que l’on a vu apparaître sur quelques échanges chez Charlie Parker et au cours du solo de Cosmic Rays, est présente sans interruption ou presque au cours des solos de Delilah, Jordu, Stompin’ at the Savoy Savoy , Joy Spring, The Blues Walk, Sandu et Blue Seven. Mais parfois, en particulier quand Max joue des ponctuations à la grosse caisse, il joue le seul charleston sur les 2 et 4 en guise de pulsation, comme sur les trois premiers échanges de Parisian Thoroughfare , une partie partie du solo de l’ « alternat alternatee take » de Daahoud et et toute la Splendored Thing . première grille du solo de Love Is a many Splendored Parfois, même, dans le même cas de figure de phrasé caisse claire - grosse caisse, Max abandonne tout continuo aux pieds et joue le charleston irrégulièrement en conjonction avec la grosse caisse : cette dernière étant jouée en contretemps, la charleston joue le temps qui suit. suit. Étant Étant donné qu’il est plus plus facile de jouer jouer une série de croches croches swinguées swinguées que des contretemps sans aucun repère des temps, cette façon de jouer le charleston lui permet d’être plus en place ; néanmoins, le charleston n’est pas trop appuyé, et ne s’entend pas au même niveau que la ligne jouée sur les caisses. On peut entendre des exemples de ce cas de figure here for ? dans les solos de Parisian Thoroughfare ou What am I here
Modes d’improvisation Par cette expression, je désigne un jeu sur un choix temporairement constant de sonorités, choix que j’ai pu observer dans le jeu de Max. Ainsi, on trouve l’usage des seules sonorités de caisse claire et de grosse caisse sur la 1 ère grille de Sweet Clifford, ou celles de cymbale, caisse claire et charleston sur la 1 ère grille de Love is a Many Splendored Thing . Notons que les modes d’improvisations les plus utilisés emploient toutes les sonorités de peaux, en particulier ceux de toms et de caisse claire. On distingue en particulier quand ces sonorités sont utilisées avec un continuo de ride à la main droite (chabada ) et quand –dans la majorité des cas- elles le sont sans ce continuo. Remarquons que l’emploi ou non du continuo aux pieds, et les modes d’improvisations ROSSI Christophe, op. cit., p. 48 ROSSI Christophe, op. cit., p. 50
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employés permettent de distinguer plusieurs grilles ( Stompin’ at the Savoy , 1ère grille de solo avec continuo de ride, 2 è sur les caisses sans continuo) ou plusieurs sections ( Parisian Thoroughfare, continuo de ride sur les trois premiers échanges et arrêt de celui-ci sur le dernier échange et le solo). En effet, les solos de Max Roach comportent plusieurs niveaux de structuration : le respect de la form formee du mo morc rcea eauu -san -sanss les les repè repère ress harm harmon oniq ique uess dont dont béné bénéfi fici cien entt les les autr autres es impr im prov ovis isat ateu eurs rs-, -, l’us l’usag agee de maté matéri riau auxx diff différ éren enci ciés és,, parf parfoi oiss util utilis isés és de mani manièr èree compositionnelle compositionnelle sur la totalité d’un solo, et enfin l’organisation l’organisation dynamique du solo dans son ensemble. Étudions maintenant la grammaire, la ponctuation et la syntaxe de Max Roach, c’est-à-dire comment il construit son discours d’un point de vue formel.
&) Les ni/eu de structurtion %ormelle + solo2 grille2 section2 crrures de 0 mesures2 !"rse2 membres de !"rses>éléments de /ocbulire? Il me semble logique, pour étudier les ponctuations dont se sert Max Roach, de s’intéresser à la construction de ses phrases : ce sont les mêmes éléments qui, à divers niveaux de structuration, articulent le discours. a) #a construction de la phrase
Début, milieu et fin On avions observé qu’avec Charlie Parker, Max structurait souvent ses interventions en appuyant sa prise de parole sur le premier temps d’un groupe de deux mesures, développant ensuite une idée et la concluant dans une troisième phase. Si Max se sert encore de cette possibilité, il alterne les prises de paroles appuyant le 1 er temps des groupes de deux mesures et une entrée directe dans le discours en commençant une phrase sur le premier contretemps de la mesure. Comme avec Parker, l’élément conclusif sert souvent également de transition vers le prochain groupe de mesures. Un élément de conclusion étant avant tout, dans la musique occidentale, un élément de résolution, il me semble approprié d’aborder les différents facteurs de tension possibles dans un "discours" de batterie. Les facteurs de tension dans le discours Les facteurs de tension, dans le cadre d’un solo de batterie, ne sont pas de nature mélodique ou harmonique au sens tempéré du terme. Ils sont principalement de nature rythmique, et avant tout liés au système métrique employé. Je vais commencer par considérer la structure métrique et ses règles, puis le rythme hors des contraintes métriques, et enfin l’aspect « mélodique » du jeu de batterie Quelques considérations métriques Je me sers dans cette section de constatations personnelles et des conclusions de Bob Moses issues de l’ouvrage Drum Wisdom concernant la mesure à quatre temps et sa subdivision en 8 « points » distincts, c’est-à-dire les huit croches de la mesure. Comme nous l’avons remarqué à propos du début des phrases, elles commencent en général soit sur le principal point d’appui de la mesure, le 1 er temps (le second étant le 3), duquel il lui
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faut « rebondir » pour que le discours se mette en mouvement, soit elles commencent sur le 1 er contretemps, en "déséquilibre" et donc déjà en mouvement, tendant vers une résolution. -Notons au passage que le terme "déséquilibre" est employé faute de mieux, le jeu de Max étant tout le contraire du déséquilibre : ses temps et ses contretemps sont l’image même de la stabilité, à l’instar de ceux des danseurs de claquettes. Sur le plan rythmique, comme pour la mélodie tempérée, il s’agit d’établir un cadre et puis sans cesse alterner entre "déséquilibre" et appui. C’est le principe du discours, à quelque niveau que l’on se situe. Parmi les moyens de produire un tel "déséquilibre", il y a bien sûr la syncope et le contretemps, mais également des phrasés qui vont contre la structure métrique à quatre temps employée –je veux parler des découpages asymétriques de de groupes de mesures que Max alterne sans cesse avec un discours plus cadré, qui appuie ou sous-entend fortement les 1 et 3 de la mesure. Il en existe une grande variété, et j’examinerai les principaux employés par Max Roach dans l’étude des phrases qui suit. En ce qui concerne les fins de phrase, j’ai choisi de les étudier métriquement en détail dans une section suivante. Quelques considérations rythmiques Les facteurs de tension de nature « purement » rythmique employés concernent principalement le débit. En règle générale, plus un débit est serré, plus il est tendu (par exemple, un roulement sera plus tendu du point de vue du débit débit que des noires). D’autre part, s’il est régulier, régulier, cela entretient le mouvement tout en instaurant des repères. Enfin, plus la phrase est longue et donc plus la résolution se fait attendre, plus la tension s’accumule. Quelques considérations mélodiques Comme nous l’avons noté, Max a à sa disposition plusieurs instruments produisant des sons de hauteurs différentes. Les combinaisons pouvant en résulter sont nombreuses. Dans la règle générale, les deux principaux sons de la batterie clairement perceptibles en tant que hauteurs sont ceux de caisse claire et de grosse caisse. Déjà, on a vu qu’avec Charlie Park Parker er ces ces deux deux sons sons étai étaien entt souv souven entt oppo opposé séss en conj conjon onct ctio ionn avec avec des des fact facteu eurs rs de "déséquilibre" de nature métrique afin de créer une tension. La même chose reste vraie, mais Max dispose maintenant de 2 sonorités supplémentaires. Ainsi, il emploie parfois les deux toms avant de résoudre sur la caisse claire pour un effet de « cadence imparfaite » ou sur la grosse caisse -à laquelle est souvent associée la cymbale à fins de ponctuation- pour un effet de « cadence parfaite ». En effet, dans ce cadre, la grosse caisse, sonorité la plus grave de la batterie, fonctionne comme une sorte de « tonique », alors que la caisse claire, qui s’y oppose, est plus « tendue ». Mais, en fonction des éléments employés pour définir le cadre, les rapports peuvent être différents. Néanmoins, les phrasés les plus conclusifs vont du tom aigu vers le tom basse en passant par la caisse claire, et ce avant de se résoudre sur la sonorité grave de la grosse caisse. Concernant l’alternance des hauteurs, il est à noter que plus on reste sur une hauteur, moins on a de tension. Plus on a de hauteurs se succèdant dans un laps de temps déterminé, plus cela crée une tension, surtout si elles ne se répètent pas dans le même ordre, la reconnaissance auditive peinant à distinguer les sons. Les nuances Quant aux nuances, enfin, elles sont généralement utilisées de manière subtile, dans le cadre du phrase. phrase. Lorsqu’e Lorsqu’elles lles sont employé employées es plus clairem clairement, ent, on observe observe qu’un decresc decrescendo endo
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correspond à une perte d’intensité (comme dans la fin du solo de Joy Spring, alternate take), alors que le crescendo, souvent associé à des éléments de conclusion, entraîne une montée de la tension, généralement juste avant une résolution.
Les articulations conclusives : la « ponctuation » « Tout est plus complexe aujourd’hui. Un batteur a davantage de liberté, mais il a aussi davantage de responsabilités. En plus de devoir tenir le tempo, il a l’opportunité d’ajouter des des ponc ponctu tuat atio ions ns ryth rythmi miqu ques. es. Pour Pour mo moi, i, ce sont sont des des virgu virgules les,, des des poin points, ts, des des poin points ts d’exclamation et d’interrogation. (…) Un batteur peut ajouter beaucoup de savoir. » 141 Max Roach
Comme je l’ai remarqué plus haut, les éléments de conclusion conclusion sont des éléments de résolution résolution d’une tension de nature métrique. On les trouve à certains endroits de la mesure à la fin des phrases, qu’il s’agisse de phrases de deux temps, de fin des carrures de 4 temps, de fin de section, de grille ou de solo. Mais, s’il de conclure, il s’agit également de poursuivre, de relancer le discours : il s’agit de créer un "déséquilibre" ou un équilibre précaire qui va amener logiquement, par sa propre résolution, la suite du discours. Pour chaque manière de conclure (par rapport à la mesure), il existe une variété de façons d’amener et d’articuler cette conclusion. Par ailleurs, il est à noter que les éléments de conclusion sont également (le solo ou le morceau continuant) des éléments de transition. Il est intéressant de remarquer que le vocabulaire d’articulation du discours de Max Roach se retrouve aussi bien dans son jeu en solo que son jeu en accompagnement, où il s’en sert principalement, comme en solo, pour d’articuler la forme, le discours commun. Une écoute de l’accompagnement du morceau Delilah permet d’entendre la quasi-totalité des articulations que nous allons étudier ici. Sur le quatrième temps Cette solution appuie la levée d’un temps de la mesure suivante. Si on voulait parler en termes de ponctuations, on parlerait sans doute de « point-virgule » : le discours n’est pas fini (on n’est pas sur le 1 de la mesure), mais on est sur un temps, qui constitue un repos plus « lourd » qu’un contretemps
Sur le quatrième contretemps de la mesure Cette conclusion dynamique appuie l’anticipation du premier temps de la mesure. En termes de ponctuation, je parlerais sans doute de « point d’exclamation ».
En effet, cette articulation, en "déséquilibre" a tendance à amener le 1 er contretemps de la Les génies du jazz, vol 4, article Max Roach, p. 163
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mesure qui suit ou le 2è temps de cette même mesure. Tout ou presque, donc, à l’exception du premier temps : cette articulation donc sert à conclure et relancer le discours en évitant d’articuler le premier temps de la section suivante. On la trouve trouve en conclus conclusion ion du solo solo de What Am I Here For ? , amenée par une suite de roulements sur les caisses, élément de préparation dont je parlerai plus loin.
Résolution sur le quatrième contretemps de l’avant-dernière mesure de la grille On trouve cet élément en fin d’avant-dernières d’avant-dernières mesures de grille, généralement généralement en conclusion de solos dont le thème a une levée d’une mesure commençant sur le premier contretemps de la derni dernière ère mesure mesure de la grille. grille. Les solos solos de Jordu et Daahoud s’achèvent de façon, leur conclusion sur un contretemps amenant naturellement, par "déséquilibre", la levée du thème sur le contretemps suivant.
Résolution sur le deuxième contretemps de la mesure Cette articulation qui a lieu très tôt dans la mesure est plutôt employée en ouverture qu’en résolution, résolution, car elle amène généralement une levée de deux temps (à partir du 2è contretemps) contretemps) du premier temps de la mesure suivante. Joy Spring (alternate et master) se conclut ainsi, de manière dynamique, dynamique, sa conclusion conclusion sur un contretemps amenant par “déséquilibre” “déséquilibre” la levée du thème sur le contretemps suivant. Joy Spring, master take –fin de solo
Sur le premier temps de la mesure qui suit Cette catégorie est sans doute la plus répandue pour les fins de solo ou de section. En termes de ponctuation, je parlerais de « point ». La résolution sur le principal point d’appui de la mesure constitue un arrêt momentané du discours, il faut, comme je l’ai déjà remarqué, le relancer ensuite par un nouveau "déséquilibre".
(respectivement Delilah et Jordu, fins d’échanges) 69
Sur le premier temps de la dernière mesure de la grille Employée seulement avec des thèmes dont la levée se résout en anticipation d’une croche du premier temps de la grille, cette ponctuation ancre certes le discours sur un premier temps, mais, comme il s’agit d’une mesure en "déséquilibre" par rapport aux carrures de quatre mesures, on garde une légère tension vers le premier temps de la mesure suivante. On en trouve à la fin des solos de Stompin’ at the Savoy , et « master take » de Daahoud , Stompin’ at the Savoy, vers la levée du thème qui commence sur le 3è temps
Voici donc les principaux éléments d’articulation ; ceux-ci se succèdent généralement de façon alternée dans le discours. Mais, en fonction de l’importance de l’articulation, l’articulation, du niveau auquel elle se situe, la ponctuation ponctuation est préparée, amenée une par phrase plus ou moins longue en fonction des cas. Cela fonctionne comme dans la tonalité, où l’on a, pour les cadences importantes, des périodes de préparation étendues. b) Préparation des articulations + &ins de sections sections ou de solos
Afin de distinguer les résolutions de niveau important (fin solo en particulier) de celles qui le sont moins, Max prépare les articulations importantes par des éléments de dynamisation, de tension du discours menant à la résolution. On trouve, pour l’essentiel : . un recours aux syncopes suivi de l’exploitation l’exploitation jusqu’à sa liquidation liquidation d’un élément construit sur les contretemps, comme à la fin du solo de J ordu ou l’alternate take de Joy Spring. . un ou des roulement. C’est la façon la plus efficace et la plus répandue d’amener une articulation importante. On en trouve sur la caisse claire :
(Sandu)
(The Blues Walk alternate take)
–fin de solos
On en trouve également -c’est la solution généralement préférée- sur le tom basse :
(Stompin’ at the Savoy -fin 1ère grille) Pour les grandes articulations, articulations, on a souvent un roulement crescendo lancé par des roulements sur les autres toms, la conclusion la plus fréquente étant : tom aigu, caisse claire, tom basse comme ce que nous avions observé à la fin du solo Cosmic Rays.
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(Delilah -fin solo)
(The Blues Walk -fin -fin grille) . Enfin, la résolution sur le premier temps de la section suivante est parfois amenée par une levée sur le quatrième temps, elle-même amenée le plus souvent par un contretemps un temps avant. (binaire)
Joy Spring (alternate) -fin échange
Parisian Thoroughfare –fin solo On trouve une ponctuation identique sur la fin du solo de The Blues Walk (master), et on a quelque chose de similaire à la fin du solo d’ I’ll Remember April, amené par un élément cadré et dynamisant utilisant toutes les caisses et puis la fameuse descente en roulements allant du petit tom au tom basse en passant par la caisse claire.
Maintenant que nous avons vu quelles étaient les articulations conclusives du discours, et comment elles étaient employées de diverses manières à différents niveaux de la forme, observ observons ons quelqu quelques es début débutss de sect section ionss et grille grilless afin afin d’étud d’étudie ierr comme comment nt cell celleses-ci ci sont sont construites.
c) ébut phrases, sections, grilles et solos
Le début de solo ou d’une nouvelle grille de solo constitue le plus souvent en l’établissement d’un cadre, articulant le premier temps ou étant construits sur des carrures d’une ou deux mesures. On peut faire les observations -souvent complémentaires- suivantes : . les solos débutent fréquemment de manière cadrée et aérée
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Jordu) ( Jordu) . présentant souvent les sonorités/hauteurs employées (les toms la plupart du temps)
(Master take Daahoud ) . on trouve de nombreux exemples d’une phrase de deux mesures répétée une fois
(Delilah)
. ou de phrases d’une mesure répétée plusieurs fois avant décalages et transformation.
(Cherokee)
Pour les débuts de section, c’est la règle du contraste : cela doit trancher avec ce qui précède. On trouve souvent des fins de sections autres que la dernière amenant généralement une tension, un retour de cadrage, avec soit l’appui du premier temps, soit une construction claire, en deux fois deux phrases de deux mesures.
d) #es sections et les carrures de $uatre 'esures
Afin de respecter les sections de huit mesures du 32 mesures AABA ou celles de 4 mesures du blues 12 mesures, Max articule son discours autour des carrures de quatre mesures. Il faut remarquer que cette découpe n’a rien d’artificiel et correspond à la découpe de phrases dans les thèmes liés à ces formes. Dans la majorité des cas, il articule également ces carrures de quatre mesures en deux fois deux mesures ou parfois, il la subdivise en une phrase de trois mesures suivie d’une mesure de conc conclu lusi sion on.. On obse observ rvee qu’a qu’auu cour courss d’un d’un même même solo solo,, les les déco découp upes es symé symétr triq ique uess et asym asymét étriq riques ues les plu pluss variée variéess se succè succèden dent,t, Max faisa faisant nt alter alterner ner tensi tension on métriq métrique ue et résolution. On peut également constate constaterr que, souvent, par rapport aux carrures de deux ou quatre mesures qui forment l’ossature du solo, Max peut jouer une levée, ou qu’une phrase de conclusion lui servira également de phrase de transition, menant à une nouvelle idée ou étant parfois 72
développée dans les mesures qui suivent. The Blues Walk (alt take)
Cet échange de 8 mesures est construit en deux fois quatre mesures. Il est un bon exemple de constructions autour des carrures de quatre mesures, ainsi que d’un usage « discursif » du vocabulaire. Ainsi, lors des quatre premières mesures, on a une phrase en deux membres de phrase liés par un rapport d’engendrement question-réponse question-réponse et un même contour mélodique (de l’aigu vers le grave -la première fois de la caisse claire vers le tom basse, la seconde du tom aigu, qui relance le discours, vers le tom basse en passant par la caisse claire). La première phrase de deux mesures est constituée de deux fois une mesure selon le schéma suivant suivant : 1 er temps de la mesure, "déséquilibre" sur le 2è contretemps, puis résolution à l’aide d’une levée menant au premier temps de la mesure suivante. La seco second ndee phra phrase se est est cons constr trui uite te en empl employ oyan antt la même même alte altern rnan ance ce de temp tempss et de contretemps, mais avec un découpage asymétrique : 3 temps sur le tom aigu et 3 contretemps sur le tom basse. Les deux derniers temps qui suivent concluent et opèrent en même temps une transition vers les quatre mesures suivantes, qui vont développer cette même idée de transition. L’opposition de matériau entre celui des quatre premières mesures (construit sur une phrase de deux mesures au minimum et qui articulait les premiers temps avec pour conséquence de jouer un ou plusieurs plusieurs contretemps contretemps en réponse) réponse) et celui celui des quatre quatre suivantes suivantes (qui a une cyclic cyclicité ité courte de 2 temps et évite les premier et troisième temps de la mesure) distingue les 2 phrases qui sont par ailleurs reliées par une levée thématique de la 2è idée à la fin de la 4è mesure. Ainsi, on constate, dans cette phrase, une alternance entre plusieurs éléments de tension de nature métrique, rythmique et mélodique, qui sera, encore une fois, une constante dans le discours.
La construction des carrures de quatre mesures Voici plusieurs découpes usuelles des carrures de quatre mesures, toutes extraites à part la dernière des échanges et du solo de Delilah. Il ne s’agit pas d’un recensement de toutes les possibilités, mais simplement quelques-unes des découpes les plus fréquentes. 2+2 aa (début 1er A du solo de Delilah)
2+2 aa’ (2è partie 2è A du solo de Delilah)
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2+2 ab (2è partie B du solo de Delilah)
3+1 a c (dernier échange de Delilah) 4 fois 3 temps = 12 temps, soit trois mesures à quatre temps
3+ 1 aa’c (3è échange de Parisian Thorougfare ) 3 mesures = 2 fois 6 temps
Les découpes asymétriques de groupes de plusieurs mesures Comme nous avons pu le remarquer, Max découpe alternativement ses groupes de deux mesures selon un découpage « symétrique » ou « asymétrique », basé sur des polyrythmes. La façon la plus commune d’effectuer une découpe asymétrique est d’employer des phrases de trois mesures. Mais on remarque que la subdivision asymétrique la plus courante est celle, plus tendue, toutes les trois croches (binaires ou ternaires, selon les cas), subdivision qui amène systématiquement, tous les deux membres de phrase, un groupement de trois temps. À partir de ces matériaux, on trouve les classiques subdivisions asymétriques de temps sur deux mesures 3 + 3 + 2 et 2 + 3 + 3, déjà présentes dans les solos avec Parker et un élémentclé de vocabulaire appartenant au patrimoine du jazz. The Blues Walk (master take) Fills d’introduction, de fin de 1 er thème et de fin de 1 er thème de la réexposition du thème
On observe que la fin du thème et les fills sont sont construits construits sur un même modèle modèle : 3 + 3 + 2, avec avec dans le premi premier er et le dernier dernier fills un découpage toutes les trois croches, contre deux phrases insécables de trois mesures pour le second f ill. 74
On trouve, d’une part en doubles-croches et sur deux mesures en tempo médium et d’autre part tel que cela est présenté plus loin en tempo à la blanche, la découpe suivante : (Sweet Clifford)
On a ici le groupement 3 + 3 + 3 + 3, qui constitue une phrase de 3 mesures. Mais, Max, en employant la subdivision suivante, a trouvé une manière de caser autrement ces polyrythmes dans la mesure :
En effet, 3 fois cinq croches plus une est égal à 15+1=16, soit deux mesures à quatre temps. Ainsi, tout en réalisant une tension de nature métrique, Max a trouvé le moyen de ne pas en revenir aux classiques découpages de groupes de deux mesures. Notons que Max emploie exceptionnellement d’autre découpes, que je remarquerai lorsqu’ils apparaîtront. Sur tous ces points, j’aimerais insister sur le fait qu’il s’agit d’éléments de langage, et que Max Roach, durant ses solos n’y a sans doute pas pensé consciemment, cherchant avant tout à faire des phrases séparées par du silence dans le cadre de carrures de quatre mesures. Néanmoins, il s’agit d’éléments structurants dont l’analyse m’a semblé importante, car ils sont à la base du discours.
Le manque occasionnel d’articulation, l’articulation floue des sections Remarquons que Max Roach est très occasionnellement flou dans l’articulation des sections de huit mesures, continuant à employer un même matériau, omettant d’avoir un élément conclusif, ou relançant le discours dans les dernières mesures de la section. En voici deux exemples.
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Joy Spring alternate take
What Am I Here Here For ?
L’absence d’articulation à la fin de la section, le caractère très continu du discours (l’absence de silence prolongé), ainsi que la levée induisent un doute à l’écoute. Maintenant Maintenant que nous avons achevé l’étude de la grammaire, de la ponctuation et de la syntaxe des solos de Max, passons à l’étude de son vocabulaire et du déploiement de celui-ci.
-) @ocbulire et structurtion des solos Sans que cela corresponde à l’origine à une quelconque volonté de ma part, les solos et échanges que j’examine en détail dans un premier temps sont tous de tempo medium ; ceux que je compare d’une prise à l’autre dans un deuxième temps sont de tempo medium-up, et ceux que j’analyse dans un troisième temps parce qu’ils comportent un usage de modes de jeux originaux sont up-tempo. J’ai choisi, par conséquent, conséquent, de présenter le vocabulaire vocabulaire en conjonction avec les analyses, tempo par tempo. a) Vocabulaire Vocabulaire et tempo
Pour des besoins de classification pour cette section, voici les notations de tempo que j’emploie : Medium tempo (jusqu’à 180 à la noire) Medium-up (de 180 à la noire à 130 à la blanche) Up tempo (au-dessus de 130 à la blanche) 76
Cela peut paraître une platitude de le dire, mais les principaux rythmes et subdivisions qu’emploie Max Roach sont les noires pointées, les triolets de noires, les noires, les croches, les triolets de croches, les doubles-croches et quelques triolets de doubles-croches associés à une noire qu’on peut assimiler, selon le vocabulaire du tambour militaire, à des ras de quatre. Max n’emploie pas encore les quintolets, que, selon George Paczynski (op.cit. (Tome 2), pp. 122-123), on trouvera plus la suite, par exemple sur le solo de The Drum Also Waltzes . On remarque que, par rapport à la classification établie, les tempi medium et medium-up ont beaucoup de vocabulaire en commun, à l’exception notable de tous les phrasés en doublescroches. Et, logiquement, plus le tempo devient plus rapide, plus « à la blanche », plus les figures de notes tendent vers les noires et les croches. En effet, Max emploie des doublescroches jusqu’à 172 à la noire ( Parisian Thoroughfare ), et il n’hésite pas à utiliser des triolets de croches à 259 à la noire ( The Blues Walk ) ! Mais à partir de 140 à la blanche, Max n’a plus le choix, et emploie principalement des débits de croches binaires, qui ressemblent d’ailleurs étrangement aux doubles-croches des tempis plus lents. Dans un premier temps, j’examinerai le vocabulaire formulaire associé aux tempi medium avant d’analyser quelques échanges puis un blues ( Sandu) et plusieurs AABA 32 mesures Jordu et Joy Spring) de tempo medium. Puis je terminerai en examinant la structuration de ( Jordu solos sur d’autres formes.
b) .ocabulaire 'ediu' te'po
A propos du jeu avec continuo de ride, remarquons que le vocabulaire employé est commun avec une partie du vocabulaire sans ride. Seuls les phrasés rapides en semblent –logiquementexclus. « Phrase aérée » et commentaire
Après un appui du premier temps et un phrasé sur les contretemps pour une mesure, on a un commentaire évitant lui le premier temps et jouant sur un débit plus serré et régulier. On note que, pour sa première partie, on a généralement un usage des toms, et pour son commentaire des triolets de croche sur la caisse claire. Une telle phrase –comme il a déjà été remarqué plus haut- est souvent employée pour débuter un solo ou une section. On la trouve sur Parisian Thoroughfare (début des échanges), Jordu, Stompin’ at the Savoy et Joy Spring (master) et, bien qu’elle soit généralement employée « au carré » (1+1) + (1+1) selon un principe antécédent-conséquent, antécédent-conséquent, on la trouve parfois employée juste une fois, sur deux mesures,comme mesures,comme sur l’alternate take de Daahoud , au tempo mediumup.
Demi-soupir suivi de 3 croches ternaires On trouve cet élément qui sous-entend les 1 et trois de la mesure et appuie les contretemps aussi bien avec que sans ride, et décliné « mélodiquement » de multiples façons :
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aux toms
entre toms et caisse claire
entre « caisses » (toms et caisse claire) et grosse caisse
On le trouve trouve,, en tempo tempo mediu medium, m, sur Parisian Thoroughfare (avec (avec ride), ride), Stompin’ at the ère Savoy (1 grille avec ride, 2è sans), Joy Spring (alternate take), Sandu. On le trouve trouve égal égalem ement ent dans dans presq presque ue tous tous les les solos solos mediu medium-u m-upp : Daahoud (master (master et alternate) et The Blues Walk (master et alternate). Il est souvent associé au membre de phrase d’ouverture suivant, qui le lance en amenant les contretemps
En ce qui concerne l’évolution du vocabulaire de Max, on trouve un élément de vocabulaire qui lui est associé, et qui apparaître à partir de 56, sur les solos de Junior’s Arrival et Flossie Lou.
Appui du 1er temps et syncope À la fois ouverture et conclusion, cet élément est souvent employé dans les solos de Max.
Il s’agi s’agitt de l’élé l’élémen mentt fonda fondamen menta tall , le plu pluss souve souvent nt rencon rencontr tréé dével développ oppéé en . On a déjà noté, à propos des articulations, qu’à ce genre d’élément était souvent associée une levée menant sur le premier temps de la mesure suivante. On vient également de noter, plus haut, qu’il servait à plusieurs reprises à amener l’élément demi-soupir trois croches. Cet élément d’ouverture débute de nombreuses phrases comme la suivante
Début en contretemps, résolution sur le temps et conclusion en contretemps contretemps Cet élément de nature dynamique (début et fin en contretemps) est lié à l’élément précédent de par sa construction (appui du temps et accentuation d’un ou plusieurs contretemps), si ce n’est qu’il lui rajoute une levée de deux temps articulée sur les deux contretemps contretemps précédant le
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temps. Il est employé en solo aussi bien au cours des phrases qu’en tant qu’élément de liaison
par sa levée. Par ailleurs, il est souvent employé, comme dans le solo de Au Privave avec Parker (17 janvier 1951), en tant que phrase de trois temps, et employé d’abord « vers » le premier temps (résolution du phrasé à la caisse) avant d’être décalé, plus loin dans la mesure.
Cet élément précis ne se rencontre pas avec ride. On le trouve sur Parisian Thoroughfare et Joy Spring (alterna (alternate te et master) master) en tempo tempo medium, medium, The Blues Walk (alternate (alternate et master ) et What Am I Here Here For ? en tempo medium-up. On trouve une variation de cet élément, qui en conserve les caractéristiques, mais fait usage du roulement plutôt que du triolet de croches.
On le tempo sur Parisian Thoroughfare en tempo medium et Daahoud (alternate (alternate take) en medium-up. De par sa levée, l’articulation d’un premier temps et sa capacité à relancer le discours par la grosse caisse sur le 1er contretemps, cet élément se retrouve très souvent dans les solos de Max Roach. Noire, croche-noire (et ses permutations) On en avait avait remarqu remarquéé dans dans le solo solo de Bird Feather s du 4 novembre1947. On le retrouve également dans le jeu de Max en accompagnement. Cet élément polyrythmique apparaît de diverses manières (placement rythmique et phrasé « mélodique ») dans certains solos : Entre toms et caisse sse claire Sur plusieurs caisses alterna rnativement
Réparti entre caisse claire et grosse caisse
On le trouve essentiellement, ainsi jouée (voir les phrasés en doubles croches pour une variante), dans la période, sur les solos de Stompin’ At The Savoy (1ère grille avec ride, 2è sans) et Flossie Lou. Plus aérée mais basée sur un polyrythme polyrythme similaire (toutes les 3 croches ternaires) on trouve la phrase suivante dans les solos de Joy Spring (master et alternate).
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Les triolets de noires Cet élément est sans doute celui qui revient le plus souvent dans les solos de Max de la période. Nous l’avions déjà remarqué dans le solo de Cosmic Rays du 30 décembre 1952. C’est aussi celui qui fait l’objet de variations « mélodiques » les plus variées, le plus souvent réparti entre les toms de diverses manières. Il n’est jamais appuyé par rapport au premier temps : soit celui-ci n’est pas joué, soit Max le joue sans l’appuyer par rapport au phrasé (grosse caisse alors qu’il sera phrasé aux toms, balais joué en time…) Le triolet est parfois joué légèrement irrégulier, comme dans le dernier échange de Delilah. Il peut : . évoluer mélodiquement tout au long du phrasé (ici avec des appuis consistants sur les temps – caisse claire pour le 1 et tom basse pour le 3 et inversement pour la dernière mesure)
. comporter une partie répétition et une de conclusion
. consister en un enchaînement de toms joués plusieurs fois et phrasés par rapport aux 1 et 3 de la mesure
. consister en une idée répétée et articulée par rapport au temps
. être réparti entre croche caisse sur les temps et caisse claire
. ou être joué seulement à la grosse caisse.
On en trouve sur Delilah, Parisian Thoroughfare (avec ride), Jordu (avec ride), Stompin’ at the Savoy (avec ride), Joy Spring (alternate et master), Sandu, Flossie Lou et Blue Seven. Phrasés en triolets avec accents sur la caisse claire ou aux toms Dans cette catégorie très importante à laquelle est associée une impression de fluidité (c’est la subdivision subdivision sur laquelle laquelle la musique de jazz est principalement basée), basée), on trouve fréquemment 80
l’élément suivant, fréquemment associé à un deuxième membre de phrase qui lui répond (deuxième mesure du 2è exemple), et qui est parfois également employé seul.
On peut remarquer le premier est construit sur l’accentuation des deux premiers contretemps et d’une résolution sur le troisième temps, alors que le second, qui se résout également sur le 3è temps, joue sur un groupement des sonorités par 2 (donc par rapport au débit de triolet de noires). Construits Construi ts autour des appuis de la mesure, ces éléments sont clairement « cadrés ». S’ils reviennent très souvent tels quel, on trouve de nombreux autres phrasés sur une base de triolets, employant des accents sur la caisse claire (par exemple le « commentaire » de la « phrase aérée ») ou les toms. On en trouve sur Delilah, Jordu, Stompin’ at the Savoy (2è grille), Joy Spring, Sandu, Flossie Lou et Blue Seven à tempo medium, et Daahoud (master et alternate ) et The Blues Walk (alternate et master) à tempo medium-up. L’équivalent pour l’improvisation avec ride de ces triolets est l’élément suivant, dont on pourrait dire qu’il s’agit de triolets répartis entre cymbale et main gauche. Il est souvent employé de manière plus ponctuelle que le phrasé en triolets
On le trouve parfois joué ainsi, réparti entre le petit tom et la caisse claire, parfois aussi joué sur différentes caisses, mais sur une seule à la fois (par temps).Il apparaît sur les solos de Delilah, Parisian Thoroughfare (3è échange), Flossie Lou et Blue Seven. Le même même éléme élément nt (un soupi soupirr et deux deux croche crochess en triol triolet et)) se retro retrouv uvee parfo parfois is articu articulé lé différemment (deux croches ternaires et un soupir en triolet) ; il n’a plus la même valeur ; constituant un élément d’appogiature et non associé à la fluidité des triolets de croches
On retrouve également dans cette catégorie un élément déjà rencontré dans le solo de Bird Feathers du 4 novembre 1947.
On trouve cet élément plutôt rarement, mais quand Max l’emploie, il l’emploie souvent en phrase de 3 temps, comme dans la fin des huit premières mesures de Flossie Lou :
Enfin, très rarement en solo, on trouve sur Blue Seven cet élément que Max emploie pourtant assez souvent en accompagnement, en particulier pour articuler la forme.
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Les doubles-croches Deux doubles-croches - croche
Cet élément à très courte cyclicité, souvent employé répété sur une ou plusieurs mesures, est à la fois dynamique par son débit et stabilisant par l’appui qu’il fait des temps. On le trouve soit phrasé sur un seul tom, puis appliqué de façon dynamisante à d’autres, soit joué selon selon une descente descente de toms, toms, souvent en en alternance alternance avec une « remontée » du tom basse basse au tom aigu après avoir marqué la caisse claire sur le temps.
On le trouve sur Parisian Thoroughfare et Sandu, et, à tempo rapide on le trouve sous la forme 2 croches – noire sur Sweet Clifford , au1er fill du thème. - Une idée associée à celle ci-dessus est le motif en triolets suivant, qui reprend l’idée d’une descente « mélodique » de la caisse claire et des toms, en la concluant à la grosse caisse
On le trouve trouve sur Jordu, Flossie Lou et, à tempo medium-up, The Blues Walk . Il sera égalemen également,t, sous une autre forme, employé employé dans dans le solo up-tempo up-tempo de Love is a many Splendored Thing . Croche 6 doubles-croches
Cet élément qui accentue les 1 et 3 de la mesure et prépare souvent l’arrivée de phrasés en doubles-croches ininterrompues se trouve sur Jordu et Stompin’ at the Savoy .
Phrasés en doubles-croches avec accents sur la caisse claire ou aux toms
Employés généralement dans un objectif dynamique, les phrasés en doubles et se divisent en deux catégories : ceux articulés autour les 1 et 3 de la mesure et ceux, plus répandus, faisant intervenir un découpage asymétrique des groupes de deux mesures, généralement par une accentuation toutes les 6 doubles, soit, plus dynamique, toutes les 3 croches binaires. J’ai déjà analysé les implications métriques possibles dans la partie précédente. On remarque par ailleurs que Max aime combiner un débit serré avec une tension métrique, qu’on aie affaire à des doubles-croches ou des triolets de doubles-croches.
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Savoy, Sandu et Blue Seven. On en trouve sur Delilah, Jordu, Stompin’ at the Savoy,
La phrase qui suit est basée sur la même subdivision toutes les trois croches dans un débit de doubles-croches, doubles-croches, mais rejoint quelque part la phrase deux croches – soupir que nous avons vu plus haut. On la trouve placée dans la mesure uniquement de la façon suivante (3+3+2) :
On la trou trouve ve sur Jordu, Delilah et Blue Seven, généralement après le phrasé en doublescroches juste au-dessus. Quant aux autres phrasés à base d’un débit de doubles-croches, avec toms ou accents, on en Parisian an Thorou Thoroughf ghfare are,, San Sandu du et Joy Spring (alterna trouve trouve égale égalemen mentt sur sur Parisi (alternate te take), take), par exemple basés sur des phrases de trois temps :
Basé sur les 1 et 3 de la mesure
Ou enfin avec un autre jeu de subdivisions
Basé sur les 1 et 3 de la mesure pour le début, dans la seconde moitié de la phrase, Max induit une tension dans les groupements de notes au niveau des doubles croches : il phrase les deux premiers temps de cette deuxième mesure selon deux fois trois doubles et une fois deux doubles. Il porte ainsi le principe de découpage 3+3+2=8 à un autre niveau de subdivisions, celui des doubles croches. On trouve aussi, marginalement, des doubles-croches phrasés juste sur la caisse avec des accents Les triolets de doubles-croches - noire On peut remarquer que les triolets de doubles-croches sont toujours employés par rapport à
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une subdivision polyrythmique par trois croches binaires. Phrasés aux mains, ces triolets sont : . soit joués sur une caisse à la fois
. soit répartis selon une idée de contour mélodique ascendant ou descendant.
On en trouve sur Delilah, Jordu, Joy Spring (master take) et Blue Seven, et sur l’introduction, l’introduction, à tempo plus élévé, de The Blues Walk. Voici pour le vocabulaire medium-tempo de Max Roach que nous allons rencontrer, sa facture et ses fonctions. Comme le vocabulaire aux autres tempi, on le retrouve également dans de nombreux autres solos que je n’ai pas relevés. Procéd Procédons ons maint maintena enant, nt, avan avantt l’ana l’analy lyse se des solos solos de tempo tempo medium medium,, à l’exam l’examen en des des interventions plus courtes que sont les échanges.
c) #es échanges
On remarque que, à l’inverse des échanges dans le cadre du quintette avec Charlie Parker, Max évite le plus possible –tout comme ses partenaires, et en tout cas dans les tempi mediumde marquer le premier temps du début des échanges afin d’éviter de trop « ancrer » le discours et en vue de le dynamiser à chaque prise de parole. Le premier temps est employé plus souvent lors du dernier échange afin d’articuler la fin des échanges et le début de la transition vers les solos, comme dans Parisian Toroughfare ou Jordu : il s’agit de distinguer et cadrer clairement l’échange de transition.
4-4 : interaction et transition (Pou (Pourr suiv suivre re ces ces anal analys yses es,, il est est néce nécess ssai aire re de se repo report rter er aux aux gril grille less d’éc d’écha hang nges es correspondantes dans le Cahier de relevés) On peut noter que l’on ne trouve de tels échanges en préparation d’une grille de solo que sur les morceaux de tempo medium, et par conséquent plus dans la « première période » du quintette que la seconde. Il est également intéressant de remarquer que, dans ces échanges improvisés, Clifford a un vocabulaire rythmique et mélodique plus varié que Harold Land, dont le discours tourne souvent autour d’un phrasé en croches swinguées continues avec des ornementations occasionnelles. J’ai remarqué qu’il y avait dans ces échanges des interactions réciproques entre les soufflants et Max, soit par contraste – que je suppose volontaire-, soit par reprise d’une idée. Si les échanges de Parisian Thoroughfare ont leur intérêt -en particulier par l’usage dans les trois premiers seulement d’un continuo de ride et l’articulation du dernier échange menant au solo qui en résulte-, j’ai choisi d’analyser ici les échanges de Delilah et Jordu, au cours desquels 84
l’interaction entre les solistes me semble plus remarquable. Delilah Noton Notonss que dans dans cette cette grille grille d’écha d’échang nges es,, Max struct structure ure chacu chacune ne ses trois trois premiè premières res interventions en deux phrases de deux mesures apparentées par le matériau, et la quatrième comme une phrase de 3 mesure et une mesure de commentaire. 1er échange : Par rapport au premier échange de Clifford, Max joue le contraste : après un premie premierr membre membre de phrase phrase faisa faisant nt alte alterne rnerr un "désé "déséqui quilib libre" re" (appui (appui 4è temps) temps) et une résolution (3è temps de la 2è mesure), il cadre fortement le discours par la répétition d’une phrase d’une mesure. Et, alors que Clifford jouait principalement principalement des croches swinguées, tout cet échange tourne autour du débit de triolets de croches (peut-être un développement développement du seul employé par Clifford dans la deuxième mesure de son intervention). D’autre part, cet échange échange prolonge l’accompagnement de l’intervention qui précède par l’usage d’un continuo de ride, temporairement interrompu au début de l’échange par des triolets à la caisse claire. 2è échange : Harold Land, peut-être influencé par Max, utilise dans son intervention qui suit une idée en triolets de croches phrasés par quatre. Max lui répond alors en faisant usage de doubles-croches continues (soit quatre notes par temps, contre l’accentuation toutes les 4 croches de triolets de Land). 3è échange : Clifford intervient alors en usant d’un discours relativement dense, et continu à partir du milieu de la deuxième mesure. En réponse, Max aère son discours et le cadre clairement en deux phrases de deux mesures. Pour l’aérer, il se sert d’un élément de vocabulaire vocabulaire polyrythmique polyrythmique (demi-soupir, triolets de doubles et croche sur une caisse ; il va du tom basse au tom aigu en passant par la caisse puis revient en conclusion de la même manière au tom basse), puis de triolets de noires avec différentes hauteurs (1 mesure du grave à l’aigu et 1 mesure de transition). 4è échange : Harold Land, bien que faisant usage de silences à la troisième mesure de son intervention, intervention, use à nouveau d’un discours relativement dense. Max choisit cette fois-ci encore le contraste : il choisit de construire une phrase aérée sur trois mesures à l’aide de quatre fois un membre de phrase de 3 temps (à chaque fois sur une caisse différente) ; il conclut en effectuant effectuant alors une transition par des doubles-croches doubles-croches à la caisse claire qui finissent en levée du début du solo. Jordu Cet exemple est très instructif, car il illustre bien plusieurs points : _ comment le discours se construit sur une grille en se densifiant (ou plutôt se « tendant ») progressivement _ comment le B et sa tension harmonique liée à la modulation peuvent être rendus dans un solo de batterie _ comment les phrases d’une part et les échanges d’une autre sont construits sur une alternance de tension et de détente _ comment Max construit son discours sur la base du vocabulaire formulaire étudié dans la section précédente _ comment une idée peut traverser toute une grille d’échanges _ comment, enfin, le dernier échange opère une transition vers le début du solo.
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1er échange : après une première intervention de saxophone ténor relativement dense (phrasés en croches continues) et asymétrique asymétrique (3 mesures -en deux phrases de 6 temps- plus une), Max joue le contraste contraste en structurant ses quatre mesures en deux deux phrases de deux mesures (les deux derniers temps de la deuxième mesure étant une levée). Dans un premier temps, il joue un rythme proche du triolet de noires, et, dans un deuxième temps, dynamise dynamise son discours par un rythme basé sur le débit de doubles-croches. 2è échange : Clifford ne relève pas cela et calme le jeu avec un échange très aéré dans un premier temps qui sous-entend les premiers temps des 1 ère et 3è mesures. Max contraste à nouveau en jouant, avec continuo de ride, deux phrases qui d’articulent plus clairement les appuis de la mesure : dans la première phrase, le 1 par sa construction construction sur une mesure, et dans la seconde les 1 et 3 (le premier sous-entendu, les autres joués au tom basse). D’autre part, on a, comme pour Clifford, deux mesures en tension qui se résolvent sur les deux mesures suivantes. Effectivement, Effectivement, on d’abord deux fois une phrase d’une mesure -basée sur le triolet de croches- en tension (elle se finit en contretemps du 4è temps de la mesure). Puis on a une phrase de deux mesures -en triolets de noires- qui la développe (en plus du lien entre triolets de croches et triolets de doubles, elle continue la phrase des deux premières mesures du point de vue mélodique, en faisant suivre au tom aigu et à la caisse claire de la première phrase le tom basse et puis d’autres sonorités) et la résout première en jouant les 1 et 3 de la mesure. Notons que, s’il est compliqué d’expliquer quoi que ce soit de musical par des mots et des concepts, la chose considérée semble beaucoup plus naturelle et instinctive à l’écoute – du moins quand on arrive à la ressentir. 3è échange : Mais Harold Land, lui, semble avoir retenu les doubles croches de Max -à moins que ce soit la tension de la marche de quintes du B qui le pousse à jouer une phrase courte de deux temps intégrant intégrant les doubles doubles croches croches (ce phrasé faisant faisant d’ailleu d’ailleurs rs penser penser à un doubletime). Max le suit alors -à moins qu’il ne poursuive la logique de tension du B- et repart sur un débit de doubles-croches (phrasées asymétriquement avec des groupes de 6) pour 2 fois 2 mesures, avec des matériaux différents mais apparentés. apparentés. 4è échange : enfin, et c’est là que l’influence est claire, après un court silence, Clifford profite du fait que les échanges sont presque finis (et qu’on peut jouer plus tendu qu’au début où il s’agissait de prendre son temps pour développer progressivement le discours) pour reprendre l’idée de doubles-croches. doubles-croches. Il choisit de jouer, à la différence de Land sur l’échange précédent, précédent, deux phrases en doubles-croches continues. Et Max, sur son intervention, garde l’idée d’un débit régulier mais, afin d’effectuer la transition vers le début de son solo -qui se doit de ne pas être trop tendue-, il calme le jeu en utilisant utilisant un débit de triolets de croches, qu’il commence par cadrer par rapport à la mesure en accentuant le 1 et le 3 avec les toms, avant de décaler les sonorités employées dans la mesure.
Cette transition, ainsi, commence par appuyer les 1ers et 3è temps à l’aide respectivement du tom basse et du tom aigu. Puis, tout en gardant cette alternance de sonorités, Max les décale dans les mesures suivantes, jouant le tom basse sur le 1 er contretemps de la 2è mesure, le tom aigu sur le premier temps de la troisième mesure, puis à nouveau le tom basse sur le 1 er contretemps de la 4è mesure avant de résoudre sur le troisième temps de cette même mesure, et d’avoir deux temps de transition dans le même débit vers le premier temps du solo.
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Les échanges et le thème Je ne me suis rendu compte de cet aspect que récemment, et il faut avouer qu’il ajoute une tout toutee autr autree dime dimens nsio ionn au jeu jeu de Max. Max. Néan Néanmo moin ins, s, mes mes anal analys yses es du poin pointt de vue vue « structuraliste » restent valides, mais observent sans doute plus les mécanismes du langage que les raisons et le sens du discours. (Pour ces analyses, il est nécessaire de se reporter en parallèle aux échanges considérés dans le Cahier de relevés et aux Relevés des thèmes correspondant aux relevés) Delilah Il est possible qu’il s’agisse de coïncidences, mais on note qu’à la fin du troisième échange de Delilah, Max joue ce qui correspond, du point de vue du contour mélodique (ascendant : tom basse – caisse claire) et du rythme (le triolet de noire), à la levée du A présente dans le thème en cette fin de B. Également, Max joue avant cela un élément de transition qui apparaît souvent dans son vocabulaire en accompagnement (des triolets de noires),et ce à partir de là où la mélodie du B s’achève, comme s’il voulait remplir cet espace : il est fort possible que Max ait choisi ici de structurer son phrasé par rapport au thème. Jordu On a la même impression dans le 1 er échange de Jordu. En effet, Max commence à phraser la figure six doubles-croches – croche là où a lieu, dans le thème, un élément de conclusion rythmiquement dynamique. Par la suite, Max remplit la mesure de silence du thème par la même figure en utilisant un contour mélodique descendant (caisse claire - tom aigu - tom basse) qui n’est pas sans rappeler, à nouveau, celui de l’élément de conclusion du A dans le thème, et enfin conclut par une mesure de roulement sur le tom basse qui correspond à la mesure de levée du thème. Joy Spring (master take) On peut trouver encore d’autres exemples de telles coïncidences, mais j’ai choisi d’en arrêter l’examen sur le premier échange de la master take de Joy Spring. En effet -et c’est la coïncidence qui m’est apparue en premier- Max joue, au début de ce premier échange l’équivalent exact de la mélodie (je rappelle qu’il s’agit de la 5è mesure du thème) : croche-noire pointée (la chute mélodique d’une quinte étant rendue par le phrasé caisse claire-grosse caisse), puis appui sur le troisième temps, rendu à la caisse claire. Après ce qu’on peut considérer comme un commentaire par rapport à cette partie du thème, Max finit son échange en jouant la levée du A’ (croche sur le 3è contretemps et deux croches) en en articulant particulièrement le rythme (ce que je n’ai pas bien relevé dans ma transcription du solo) et en rendant le saut d’octave de la première note à la dernière dans le thème par un jeu des deux premières notes sur la caisse claire, et la tension de l’octave par un coup de cymbale « crashée » appuyée par la grosse caisse.
Quant aux autres types d’échanges sur d’autres morceaux, se faisant contre des riffs, ils s’avèrent moins intéressants du point de vue de l’interaction entre les solistes, permettant surtout d’observer comment Max Roach construit des interventions de huit mesures. Etant donné que j’ai déjà analysé un échange d’une autre espèce (4-8) au sujet de la construction de la phrase et que j’en analyserai plus tard en comparant deux prises d’un même morceau, je préfère m’abstenir d’analyser d’autres échanges ici.
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d) #es solos 'ediu'-te'po + les &or'es usuelles
(Pour la lecture de l’analyse des solos, il est nécessaire d’avoir en parallèle le relevé du solo correspondant, dans le cahier de relevés)
Le blues Sandu
Le 25 février, le quintette enregistre un blues de Clifford Brown de tempo medium, Sandu, et ce dans la même session que celle de The Blues Walk . Max prend deux chorus d’affilée. d’affilée. C’est C’est l’occasi l’occasion on pour nous d’observe d’observerr si des choses choses ont changé changé depuis depuis les solos de Bird Feat Feathe hers rs et Cosmic Rays. En effet, sur ceux-ci, Max suivait l’harmonie (peut-être en se chantan chantantt les fondamen fondamental tales) es) en articula articulant nt les change changement mentss d’accords d’accords par des matériau matériauxx distincts, mais faisant aussi parfois des phrases de 4 mesures. Sur ce solo, Max organise son matériau en suivant la forme et les principaux accords du blues, les distinguant en leur attribuant des matériaux distincts ; bien qu’on n’entende pas ces accords durant son solo, il en garde la sensation et les constrastes qu’ils produisent pour effectuer son solo. L’articulation des deux grilles l’une par rapport à l’autre est effectuée par un nouveau matériau marquant, appuyant les temps et de cyclicité courte (deux doubles-croches croches) au début de la deuxième grille. Pour finir, on observe que chaque chorus est, comme chez Parker, organisé par paquets de quatre mesures divisibles en sections de 2 mesures. On observ observee égal égaleme ement nt que que Max emploi emploiee div divers ers matér matériau iauxx en foncti fonction on de la progre progress ssion ion harmonique. 1ère grille Mesures 1 à 4 : les quatre premières mesures (de tonique) sont structurées en deux phrases apparentées de 2 mesures. Construites sur un débit de triolets de croches, les deux phrases se distinguent par les sonorités employées : alors que la première est plutôt une phrase de début phrasé phraséee uni unique quemen mentt sur la caiss caissee clai claire, re, la deuxi deuxième ème consti constitu tuee un dévelo développe ppemen mentt en introduisant introduisant l’utilisation des toms, avant de conclure la première phrase sur le 4è contretemps contretemps de la 4è mesure. - on note que la fin de la première phrase, accentuée, correspond au début de la deuxième phrase (à la mesure 2) du thème Mesures 5 à 8 : les quatre mesures suivantes sont organisées selon un schéma proche, les deux membres de deux mesures étant cette fois fortement distinguées par l’usage d’un matériau différent. Les deux premières mesures (sous-dominante), font usage d’un débit continu de doubles-croches, doubles-croches, phrasé d’abord par six sur le tom aigu – en commençant sur le 1 er contretemps de la mesure, puis par rapport aux 1 et 3 de la deuxième mesure. Max utilise dans cette phrase un contour mélodique descendant récurent, du tom aigu au tom basse en passant par la caisse claire. -On note que les premiers membres de phrase des deux premières phrases de quatre mesures ont, comme sur le solo de Bird Feathers , une construction parallèle, ici parce qu’ils finissent de la même manière, autour du troisième temps -deuxième point d’appui de la mesure-, et sont suivis d’une respiration importante avant la deuxième phrase qui, elle, finit plus en tension, vers le groupe de quatre mesures suivant.Puis, au découpage asymétrique des deux premières mesures fait suite, sur les deux mesures qui suivent, un appui des premiers et troisièmes temps. Par ailleurs, le deuxième membre de phrase (tonique) change d’abord de matériau en utilisant une mesure de triolets de noires
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(répartis entre la caisse claire les 1 et 3, le tom basse pour le reste des deux premiers temps et tom aigu pour les deux suivants), puis la quatrième mesure conclut par une phrase en doublescroches sur la caisse claire avec des accents qui rappellent la période de sous-dominante. Mesures 9 à 12 : dans cette troisième « section », Max aère un peu son discours et emploie un matériau nouveau. Sur les deux premières mesures (dominante), après une entrée en matière de deux temps, Max se sert de la figure demi-soupir-trois croches avant de commencer une transi transiti tion/ on/le levée vée qui mène mène aux deux deux mesure mesuress de résolu résoluti tion on (toni (tonique que), ), sur sur lesque lesquels ls Max réemploie du matériau déjà associé à la tonique (celui des mesures 3 et 4). Ce débit fluide de triolets amène le début de la grille suivante. 2è grille Mesures 1 à 4 : là, Max dynamise son discours et articule le début de la nouvelle grille par le nouveau matériau deux doubles-croches croche déjà mentionné. Comme dans la première grill rille, e, les les 4 prem premiè ière ress mesu mesure ress sont sont arti articu culé lées es en deux deux fois fois deux deux mesu mesure ress li liée éess thématiquement : alors que Max phrase l’élément de façon irrégulière, une seule caisse à la fois dans les deux premières mesures, les deux mesures suivantes recadrent le discours par une récurrence tous les deux temps, et le dynamisent par un usage de toutes les sonorités de caisses disponibles aux mains à chaque temps, descente puis remontée, toujours avec la caisse claire sur le temps. Ainsi, selon un cas de figure typique déjà remarqué, Max installe une figure, puis en change l’ordre des sonorités tout en la cadrant. -Je rappelle que, cette figure deux doubles-croches croche doit être distinguée du débit continu de doubles croches, associé lui à la sous-dominante. Mesures 5 à 8 : : en effet, dans les deux premières mesures de la phrase suivante (sousdominante), Max réemploie, comme dans la première grille, le débit continu de doublescroches, en phrasant sur les toms d’abord sur une mesure, puis en articulant les temps selon une descente descente – comme dans la première première grille- du tom aigu aigu au tom basse en passant passant par la caisse claire. Et pour les deux mesures de tonique, Max reprend assez rapidement un phrasé cadré par rapport aux 1 et 3 de la mesure et en débit de triolets avec toms, comme dans les mesures 3-4 et 11-12. Il y a ainsi résolution par rapport à la période de sous-dominante sous-dominante comme par rapport aux quatre premières mesures et leur matériau nouveau pour une période de premier degré. Mesures 9 à 12 : pour les quatre dernières mesures, Max retient l’idée qu’il s’agit de la fin du solo en les phrasant dans la continuité. Il réemploie par ailleurs un matériau exposé dans les mesures correspondantes correspondantes de la première grille, les développant en phrases de trois temps dans les mesures 9 – 10 (2 + 3 + 3). Puis il résout cette tension dans la partie qui suit par un membre de phrase de deux temps (déjà utilisé dans la première grille à la mesure 9) avant de lancer la levée vers la grille de thème par un roulement d’une mesure et demi sur la caisse claire. C’est peut-être fortuit, mais Max conclut ainsi son solo d’une manière proche de celle dont il l’a commencé, c’est-à-dire par un phrasé sur la caisse claire d’une mesure et demi.
1
2
Trame du solo : (2+2) 2 + (1+1) (1+1) + (2)
(a+a’) (b1+idée triolet a, mais en noires, et b’en conclusion) (c+ levée a’)+(a’)
(2+2) (2+2)
(d+d’) (b2+a’) 89
(2+ (2+ (1/2 (1/2 +1 1/2) 1/2)))
(c’+ (c’+ (c+ (c+ rlt rlt cais caisse se qu’o qu’onn peut peut rapp rappro roch cher er de a)
#e /0 'esures 1121
Comme cette forme est, de loin, la plus employée, j’ai décidé d’analyser deux morceaux sur cette forme : Jordu et Joy Spring. Cela permet d’observer comment, d’un solo à l’autre, Max rend compte de la structure (en particulier le B modulant), construit les sections autour des carrures de quatre mesures, et enfin emploit un même vocabulaire pour construire différents solos. Jordu
Le 3 août 1954, le quintette enregistre le 32 mesures AABA de tempo medium Jordu, sur lequel Max prend un chorus de solo à la suite d’une grille d’échanges analysée plus haut. C’est l’occasion de voir comment Max articule son discours sur 32 mesures. A 1-4 Max articule le début de son solo, par l’emploi d’une phrase « aérée » d’une mesure (voir section vocabulaire medium tempo) répartie entre la caisse claire et les toms, auquel répond un commentaire d’une mesure, qui contraste par l’usage d’un débit régulier de triolets et de la seule caisse claire. Lors des deux mesures suivantes, Max conserve le débit de triolets de croches en base à la caisse claire, claire, mais il garde également également l’idée de la phrase aérée, dont on retrouve l’appui sur le 1er temps à la caisse claire et les contretemps aux toms (voir leur emploi identique à la première phrase sur les 3è et 4è contretemps), et la mesure suivante conclut la phrase par un usage des toms typique remarqué dans la section « vocabulaire ». 5-8 Dans les quatre mesures suivantes, suivantes, Max Max part part sur une autre idée. Après un usage de triolets irréguliers phrasés par deux à partir du premier contretemps de la mesure (résultant en un découpage asymétrique 2+3+3), il joue le contraste et la dynamisation pour la fin du A en asseyant le discours sur les 1 et 3 avec l’élément de vocabulaire croche - six doublescroches. On remarque que Max employait cette même figure au même moment de la forme dans les échanges qui précèdent. Cette idée à la fois conclut et amène thématiquement la section suivante, qui est essentiellement structurée par l’usage de doubles-croches. A 1-4 Lors de des deu deux pre premières me mesures de de la la se section, on a un un us usage de de do doublescroches réparties entre les caisses selon un schéma de 2 mesures. Phrasant plusieurs fois les mêmes éléments sur des caisses différentes, il finit par deux temps de conclusion appuyant les croches et concluant sur le 4è temps (selon les termes de ponctuation que j’ai établis : pointvirgule). D’ailleurs, comme après un point-virgule, Max part ensuite sur une autre idée : les deux mesures suivantes se distinguent par l’usage d’un débit irrégulier, et cumulent plusieurs facteurs de tension : usage de triolets de doubles-croches, même dessin mélodique consistant en une descente du tom aigu vers le tom basse en passant par la caisse claire, et enfin une subdivision toutes les trois croches binaires qui résulte en un découpage 3+3+2. À la fin des quatre mesures, le temps et demi de doubles-croches est plus une levée, une transition transition qu’une conclusion. Mais, c’est néanmoins une articulation, qui amène logiquement la suite. 5-8 Comme Comme les quatr quatree qui précèden précèdent,t, ces ces quatre quatre mesures mesures conse conservent rvent le princi principe pe d’une telle construction selon une subdivision toutes les trois croches binaires sur six temps 90
suivie de deux temps. Ici, les deux temps constituent à la fois une conclusion et une transition, par l’appui du 3è temps par le tom basse et le reste des deux temps en doubles-croches à la caisse claire. Mais leur similitude s’arrête là, les deux phrases ne faisant pas usage du même vocabulaire. B 1-4 Aprè Aprèss la te tensi nsion des des hui huitt mes mesures res suiv suivan anttes, es, l’a l’audi uditeur teur acc accuueille lle ave avec soulagement la résolution sur le premier temps du B qui, contrairement à la grille d’échanges et à sa nature modulante, est phrasée relativement plus lâchement, sans faire usage de débits très serrés, comme des doubles-croches ou des triolets de doubles-croches. La première mesure reprend l’idée du début du premier A d’un appui du premier temps et du jeu sur certains des contretemps contretemps qui suivent, mais cette fois-ci, le premier contretemps est joué ; le discours s’en retrouve plus « serré serré », tendu : ilil s’agit d’un élément de vocabulaire vocabulaire associé à la phrase aérée que j’ai remarqué dans la section vocabulaire. Les deux premières mesures mesures sont organisées organisées sur cette idée et son développement développement ; elle se résout sur le 2è contretemps de la deuxième mesure. Suit alors la levée des deux mesures suivantes, suivantes, qui reviennent à l’idée de triolets continus continus des mesures 3-4 du premier premier A, mais en utilisant ici deux fois une phrase d’une mesure appartenant au vocabulaire de base appuyant clairement les 1 et 3 de la mesure. 5-8 A la fin fin de ces ces quat quatre re premi première èress mesure mesuress a lieu lieu une une levé levéee d’une d’une croc croche he tern ternai aire, re, qui mène aux quatre mesures suivantes. Dans celles-ci, on a quatre fois une idée de 2 mesures qui constitue d’une descente de sonorités de la caisse claire à la grosse caisse. Outre la construction sur deux temps, la levée de croche relance à chaque fois le discours dans le cours de la phrase, et rappelle le rythme harmonique de deux temps du pont. Sur la troisième mesure, Max en déduit une phrase de conclusion de quatre temps en l’étendant d’un temps de silence et en utilisant un autre ordre de sonorités. Sur la dernière mesure de cette section, Max joue une phrase de transition thématique en triolets de croches avec accents à la caisse claire, phrase qui n’est pas sans rappeler le principe de la phrase de transition du dernier échange de la grille qui précède. Les accents employés sont développés sur les cymbales dans la phrase de quatre mesures qui suit. A 1-4 En eff effet, et, Max Max y re repre prend la fi figure ryt rythmi miqque dess dessiinée née pa par le les ac accen cents à la la ca caiss isse claire (3è contretemps de la mesure et résolution sur le 4è temps) aux l’accentuant sur une cymbale « crashée » et soutenue par la grosse caisse. Après l’avoir répétée une fois, il commence à décaler les sonorités avant d’y revenir. Cependant, Max se perd un peu : il manque un temps à la fin des quatre mesures ; il semble qu’en décalant les sons il ait momentanément perdu le sens de la mesure. 5-8 Mais Mais après après ce minuscu minuscule le faux-p faux-pas, as, Max Max conclut conclut son son solo avec avec autorit autorité, é, reprenant l’idée de résolution et de dynamisation du début du B qui amène l’élément demisoupir trois croches qui tend naturellement vers les contretemps des 2è et 4è temps, et permet la conclusion du solo sur le 4è contretemps de la 3è mesure, un temps avant le début de la levée du thème. Trame du solo (Ac pour a commentaire, pas a) A (1+1)+(1+1) (a + ac) + (a’+ ac2) (2+2) (b + c) A (2+2) (c’+ d (+ levée c’2)) (2+2) (c’2 + c’3) B (2)+(2 fois 1) (a2+levée a’2) + (deux fois a’2) 91
A
(2+1)+1 (2 fois 1)+(2) (3)
(e+ concl e)+ (ac’-levée des 4 mesures suivantes) (deux fois ac’2) +(ac’3) –manque 1 temps (a2’ + a2’c)
Le solo et le thème (Il est nécessaire, pour suivre cette analyse, d’avoir sous les yeux le solo et le relevé du thème.) Cet élément d’analyse auquel auquel je ne suis arrivé malheureusement malheureusement que tard, semble nous fournir le référent par rapport auquel le solo est véritablement construit -néanmoins, dans la mesure où Max ne commet pas d’erreurs en se décalant dans la mesure. Si l’on suit le déroulement du solo, on se rend compte que, sur les huit premières mesures et leur levée, Max construit ses phrases similairement au thème : levée, phrase d’une mesure avec conclusion sur le 4è contretemps de la mesure, un instant de silence et reprise de la levée d’une phrase. Si les deux mesures suivantes s’éloignent du thème, leur conclusion conclusion reprend les deux derniers contretemps de la levée avant que les mesures 4-5 –comme au même endroit des échanges- ne commentent l’arrivée (sous-entendue) de la levée, comme les réponses qui étaient faites au thème. Et sur les mesures 5-6, toujours comme dans les échanges, échanges, une phrase qui met en valeu valeurr l’élé l’élémen mentt de conclu conclusio sionn du thème –cett –cettee fois fois au tom aigu aigu-- avant avant de conclure sur une levée qui reprend les dimensions de celle du thème. Et si j’ai du mal à trouver le rapport entre thème et solo sur le deuxième A, je ne peux m’empêcher de trouver un rapport sur le B. Sur ces quatre mesures, on a peut-être la source de l’erreur de Max à la fin de la 4è mesure du dernier A : en effet, il joue, « note pour note » le B avec avec sa levée, levée, mais en commençant, commençant, lui, au début du B. Je ne sais sais jusqu’où jusqu’où ce possibl possiblee décalage se poursuit, mais la ressemblance est plus que frappante. Comme je ne sais plus où comparer le solo et le thème, je saute tout de suite aux quatre dernières mesures, qui, je crois, suivent également également le thème. On trouve en effet, l’appui sur le premier temps de celui-ci, et surtout, on peut remarquer que Max termine son solo sur le tom basse, qui -en termes de hauteur- n’est pas sans rappeler la sonorité grave (sol grave) sur laquelle commence la levée du thème. D’autre part, Max l’amène selon un motif descendant, mouv mo uvem emen entt cont contra rair iree de celu celuii de la levé levéee du thèm thèmee qui qui suit suit,, ce qui qui l’am l’amèn ènee plus plus dynamiquement, la levée répondant à la conclusion du solo. Joy Spring
Le 6 août 1954, le quintette enregistre la « master take » de Joy Spring sur laquelle Max joue aux balais. Il y prend une grille de solo à la suite d’une grille d’échanges. On note que Max, sur le solo de cette prise, utilise les balais comme il emploierait des baguettes -avec certes un autr autree touc touche herr et un autr autree sonson- : il ne se sert sert pas pas des des sono sonori rité téss spéc spécif ifiq ique uess des des bala balais is (glissements…). A la fin de la grille d’échanges, Max joue une phrase de transition construite sur l’alternance du tempo aux balais sur la caisse claire et de ponctuations accentuées, accentuées, qui se conclut conclut sur une
levée typique soupir trois croches). A
1-4
qui est également une paraphrase de la levée du thème (demi-
Cet Cette phrase mène, comm mmee dans Jordu, à un début de solo articulé par une 92
phrasé « aérée ». La construction des quatre premières mesures est cependant légèrement différente : après une telle première phrase de deux mesures qui emploie différentes hauteurs sur la caisse claire (par différents modes d’attaque et différentes zones de frappe) et le tom basse, une levée de deux temps mène au commentaire d’une mesure après laquelle la reprise du début de la phrase et un élément de conclusion permet d’articuler la fin des quatre premières mesures. 5-8 On retrouve ensuite, encore comme dans Jordu, des triolets irréguliers phrasés par deux sur les diverses caisses caisses et la tension métrique qui en découle. À une première phrase de deux mesures sur ce matériau répond une autre phrase de deux mesures au rythme similaire mais à l’enchaînement de sonorités différent, avec cependant une même résolution sur la caisse claire et une courte phrase de conclusion de deux temps menant au le 4è contretemps. Cette phrase de conclusion est également un élément de transition car elle est la levée thématique de la mesure qui suit. A 1-4 1-4 Cett Cettee sect sectio ionn s’ou s’ouvr vree pour pour une une mesu mesure re sur sur la figu figure re en cont contre rete temp mpss « demisoupir trois croches » avant de partir sur un débit régulier de triolets de croches. Après les quatre mesure de triolets irréguliers, il semble logique de resserrer un peu le discours, ce qui est fait grâce à des triolets réguliers sur la caisse claire -matériau issus des mesures 2 et 3. Après deux mesures d’accents sur la caisse, la phrase se conclut par des accents sur les toms qui mènent au premier temps de la mesure suivante. 4-8 On a ensuite un développement développement de la la « phrase aérée » sur les les toms sur environ environ trois mesures avant une levée et le fameux commentaire avec un élément de conclusion sur les quatrième temps et quatrième contretemps. contretemps. L’unité thématique thématique est évidente, organisée autour autour de la phrase « aérée » et de son commentaire en débit régulier de triolets de croches. B 1-4 1-4 Comm Commen ença çant nt en cont contre rete temp mps, s, le B déve dévelo lopp ppe, e, en confo conform rmit itéé avec avec la natu nature re modulante de cette section, l’idée la plus tendue déjà exposée, c’est-à-dire celle du débit de triolets de croches. Après une mesure d’ouverture contenant l’idée des mesures suivantes, Max articule ensuite deux mesures durant un polyrythme qui consiste en une accentuation régulière, ici par l’usage du tom aigu, toutes les 4 croches de triolets. Rare dans le corpus, ce polyrythme se recale à chaque début de mesure (3 fois 4 égale 12, soit une mesure à quatre temps de triolets de croches). La dernière mesure conclut, après l’accentuation du premier temps, par 4 temps de caisse claire sans accents. 5-8 Les Les quatre quatre mesu mesures res sui suivan vante tess commen commence cent nt par par l’acce l’accent ntuat uation ion du du premier premier temp tempss au tom basse (on vient d’employer le tom aigu seulement en opposition à la caisse claire, et ce pendant trois mesures), avant que le tom aigu n’articule le 3è temps. Un commentaire suit au tom basse, le contretemps de la 2è mesure se résolvant sur le 1 er temps avant deux temps de conclusion en croches swinguées et vers le 4è contretemps. A cette phrase de deux mesures suit une conclusion de la section basée sur la formule de triolets de doubles-croches déjà observée (3 + 3 + 2). Après trois temps où les sonorités s’alternent entre caisse claire et tom basse, puis tom aigu et caisse claire, les trois temps suivants se distinguent par leur jeu sur une seule caisse à la fois. Dans un troisième temps, la phrase se conclut sur le 4è temps de la dernière mesure de la section, bouclant cette partie de la forme. A 1-4 Dan Dans ce cette dern derniière ère sec secttion ion, Max Max cons conser ervve un un ins insttant ant l’ l’idée dée de de "d "déséqui quilib libre" re" vers l’avant puis le résout sur les troisième et quatrième mesures avant de conclure le discours. Comme dans le solo de Jordu, la phrase « aérée » est conclue par une phrase proche, qui s’appuie aussi sur le 1 er temps mais qui, avant de jouer le 2è contretemps de la mesure, 93
accentue le premier à la grosse caisse. A la fin de la phrase, on a une levée de deux temps vers les quatre dernières mesures. 5-8 La levé levéee des des deux deux dernie derniers rs temps temps mène mène à une une claire claire réso résolu luti tion on avec avec appu appuii sur sur le premie premierr temps temps par par une caiss caissee différ différen ente te à chaqu chaquee mesure mesure (cais (caisse se clai claire, re, tom basse basse et finalement tom aigu), triolet de noire à la grosse caisse menant au 3è temps accentué, et réutilisation de la levée pour recommencer. Au début de la quatrième mesure, Max emploie un élément proche de la fin de Jordu, se terminant sur le 2è contretemps. contretemps. Mais, contrairement contrairement à Jordu, Max termine par un contour mélodique mélodique ascendant ascendant (caisse claire claire grosse caisse caisse – tom aigu). A A B A
Trame du solo : (2)+(1+1) (2)+(2) (1)+(2+1) (3)+(1) (1+2+1) (1+1)+(2) (2+2) (3+1)
(a+levée ac)+(ac+a’) (b+b’) (c)+(ac’+ act (t pour toms)) (a’+levée ac’’)+(ac’’) (ac’’’+ ac4 + ac4c) (ac’’’ 2) + (d) (a2 + a2’) (e+e ccl)
Le solo et le thème On a déjà constaté que la levée du solo correspondait à une paraphrase de celle du thème. Dans la suite, on remarque que la fin de la première phrase de Max (2è contretemps de la 2è mesure) correspond à celle du thème, et que la levée remplit les deux temps de silence qui suivent. L’accent sur le premier contretemps de la troisième mesure articule le début de la deuxième phrase, et celui sur le 2è contretemps de la 4è mesure sa fin. Et si les quatre mesures suivantes semblent s’éloigner du thème, Max ne manque pas de jouer la levée du A’. À la fin des quatre mesures suivantes -possible coïncide-, on retrouve le rythme et le contour mélodique (caisse claire - tom aigu - caisse claire – tom aigu) de la levée de la deuxième partie du A’, ainsi que le contour mélodique (tom aigu - tom basse) de la chute de quinte qui suit. À la septième mesure du A’, Max finit sa phrase en même temps que le thème, et remplit les deux temps de silence qui suivent par une levée, comme dans les deux premières mesures. Sur le B, on pourrait rapprocher l’emploi que Max fait mesures 2-3 du polyrythme qui accentue toutes les quatre croches du rythme harmonique toutes les noires pointées. Ce n’est pas équivalent, mais la même idée de polyrythme, polyrythme, d’appuis réguliers mais décalés par rapport aux temps en est à la base. Sur les deux premières mesures de la deuxième partie du B, Max joue à nouveau très près du thème. Enfin, sur le début du dernier A j’avoue ne pas voir le rapport, mais sur les mesures 3-4, Max joue l’essentiel du thème, et ce jusqu’aux 4 dernières mesures où Max semble jouer la chute de quinte sur le 1 er contretemps et sa résolution sur le troisième temps, avant d’en reprendre l’idée deux fois et de conclure par une phrase dont le contour mélodique correspondant à celui de la levée de l’introduction du thème qui va suivre. Là encore, cette analyse vient –je dois avouer en être heureux, car cela rend l’écoute plus riche et place Max sur un plan plus humain et plus musical- contredire la précédente : Max Roach se sert, en creux, de la structure du thème et de ses phrases pour construire les siennes. Si le vocabulaire qu’il emploie –possiblement construit, comme l’affirme Paczynski pour celui de Kenny Clarke, par rapport aux thèmes qu’il joue- lui appartient (sinon on n’aurait pas les mêmes éléments qui reviennent d’un solo à l’autre), la syntaxe qu’on observe est une résultante d’une autre syntaxe, celle du thème.
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Si on voulait approfondir ce sujet, je choisirais sans doute de suivre en parallèle le thème de Stompin’ at the Savoy -qui s’y prête bien par sa simplicité- et des deux grilles de solos de Max Roach. Une telle comparaison mettrait en évidence ce rapport entre thème et solo, entre référent que l’on joue ou dont on reprend les principaux appuis et référent que l’on commente. En conclusion, disons que les solos de Max Roach sur le 32 mesures AABA suivent le thème et la forme des morceaux, en reprenant la structure en sections articulées articulées en carrures de quatre mesures et en gardant l’idée de A harmoniquement stables et de B plus tendus par l’emploi de modulations, Max articulant son discours de manière cohérente à l’aide d’un vocabulaire formulaire qui lui est propre. Remarquons que le jeu de Max vaut pour lui-même, et on peut l’apprécier sans se chanter le thème, ou marquer la pulsation et suivre les groupes de 2, 4 et 8 mesures. C’est d’ailleurs ainsi que l’entend la grande majorité des auditeurs : un déchaînement de sons et de silence. Mais, si l’on arrive à chanter le thème en en comprenant le rapport avec le solo, le jeu de Max prend une toute autre dimension, qui justifie certainement qu’on le qualifie de « mélodiste », ou, comme il préfère, de « lyriste ».
#e /0 'esures 11’
Pour cette forme, je prie mon lecteur d’attendre ou de se reporter deux sections plus loin loin pour l’analyse des premières grilles de solo de Sweet Clifford et et de Love is a Many Splendored Thing, qui font usage de modes d’improvisation originaux.
#e 34 'esures 1121
Cherokee
A ce tempo très élevé et dans le cadre d’une grille si longue, Max joue des blocs de huit mesures divisibles en deux fois 4 mesures. En clair, par rapport aux tempi medium, il double la taille des carrures sur le papier. Dans ce solo, il emploie une grande variété de matériaux et, comme on peut le constater par la trame, une grande variété de constructions par rapport aux carrures de huit mesures. De ce point de vue, Max commence par avoir un discours très cadré, et il fait intervenir de temps en temps (1 ère partie B, fin solo) une construction asymtérique. (Pour le début du solo, se référer au relevé.) A A B A
Trame du solo (8 fois 1) + (2+2)+(2+2) (8) + (8) (6+2) + (2 fois 2)+(2 fois 2) 6 = 2 fois 3 (4+(2+2)) + (2+1+(1+4))
#e 45 'esures 121’
95
I’ll Remember April
Comme dans la forme précédente, Max joue des blocs de huit mesures divisibles divisibles en deux fois 4 mesures. La première grille se distingue de la seconde, et les A du B dans la première, par l’emploi d’un continuo de ride. De plus, la première se conclut par une série de roulements sur les caisses qui amènent clairement la deuxième grille, et le premier A se distingue l’usage de phrases de trois temps. L’articulation des deux grilles est claire, en tous cas si on suit attentivement le solo. La deuxième grille, toute aux caisses, joue plus sur la différence de matériau pour structurer ses carrures de huit mesures. Le B est particulièrement articulé, et ce sur deux points : alors que le A développait une découpe asymétrique des groupes de mesures, les 8 premières mesures du B sont marquées par la figure à la fois stabilisante (contraste) et chargée de tension par son débit et sa cyclicité courte deux croches- noire. Son usage fait penser au début de la deuxième grille de Sandu. On trouve à peu près le même enchaînement (ci-après), mais en croches, et donc sur deux fois quatre mesures.
. Enfin, s’il y a un tuilage thématique sans articulation de la fin du B au début du dernier A, celui-ci conclut conclut clairement, en employant à cet effet une phrase de huit mesures (se référer au relevé pour ces huit dernières mesures). Ainsi, dans la première grille comme dans la seconde, les premiers A et les B sont articulés : seul le dernier A de la deuxième grille ne l’est pas, tension qui est résolue avec la conclusion du solo et le début d’une grille d’échanges entre les soufflants.
1
2
A B A Ride toms ride 4+4 (a+a’) (4+4) (4+4) + 4+4 (a+ ac) + (4 ( 4+4) + (4)+4 conclusion aux toms A B A (4+4) 4 croches-noire (4+4) deux croches-noire (4+4) (4+4) (4+4) levée / transition de (4+4)
0) Le solo2 le /ocbulire et l$instnt + com!rison de deu !rises d$un m.me morceu a) .ocabulaire 'ediu'-up
En plus du vocabulaire observé sur les tempi medium, on trouve essentiellement le débit de croches continues (binaires ou swinguées selon le degré de vitesse) qui devient, comme dans les solos avec Charlie Parker, capital aux tempos élevés. 96
3 croches aux mains, une à la grosse caisse
On trouve cet élément élément original original sur Daahoud , The Blues Walk , et, à tempo plus élevé, sur Sweet Clifford (sur lequel on trouve également son miroir, une croche à la grosse caisse et trois à la caisse claire). Descente en croches, à partir d’un contretemps, contrete mps, du tom aigu au tom basse en passant par la caisse claire et se concluant sur la grosse caisse et le charleston. Aux tempi rapides, on observe qu’il arrive que cette phrase
se développe en
On trouve cet élément sur le solo de la master take de Daahoud ainsi que le 1 er échange et le solo de la master take de The Blues Walk . Phrasé en croches avec un appui toutes les trois (2 aux mains – une à la grosse caisse) Parmi diverses phrases de trois temps -qui sont souvent un développement du vocabulaire « medium tempo »- on trouve cet élément original qui est construit le plus souvent sur le modèle 3+3+2. On le trouve : . faisant alterner, un groupe de trois croches sur deux ,caisse claire et alternativement un des
deux toms . Ou alors articulant, à chaque groupe de trois croches, la caisse claire suivie alternativement d’un tom ou de l’autre puis de la grosse caisse.
b) Co'paraison des solos issus d’une '6'e prise + construction et 'atériau
(Il est nécessaire pour cette section d’avoir alternativement sous les yeux les relevés correspondant aux prises des solos analysés.)
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Je pense que dans l’improvisation, surtout à tempo rapide, une des clés est de pouvoir penser à l’avance, d’anticiper : il faut avoir toute la structure dans la tête pour pouvoir bien l’articuler, et si possible avoir quelques temps d’avance sur ce que l’on va jouer. On peut certes, quand on n’a pas de nouvelles idées tout de suite, s’attarder sur une idée qu’on a déjà comme commencé ncé à jou jouer er -cett -cettee pério période de d’atte d’attente nte perme permett ttant ant de prévoi prévoirr la suitesuite-,, mais mais il est également intéressant d’avoir déjà des idées en tête, ce qui permet de plus se concentrer leur sur usage et la structuration du discours qui en résulte. Il semble que c’est ce qui s’est passé pour Max lors des séances d’enregistrement où le quintette a fait plusieurs prises d’un même morceau : d’une à l’autre, il avait déjà des idées en tête. Voyons comment, d’une prise à l’autre, Max réutilise certaines de ses idées. 32 mesures AABA (up tempo) : Daahoud
D’après les numéros de prise, ce fut d’abord la « master take » de ce morceau qui fut enregistrée, puis l’« alternate take ». A l’écoute, on a l’impression de deux solos différents. Pour commencer, le début du solo n’est pas le même : . « Master take » : Max choisit de présenter les sonorités dont il dispose aux mains en effectuant des roulements d’une mesure sur chaque, du premier au quatrième temps de la mesure (sauf pour le dernier qui continue jusqu’au 1 er temps de la mesure suivante). . « Alternate take » : Max présente certes également les sonorités de caisses dont il dispose, mais rapidement, au sein d’une phrase de quatre temps qu’il répète avant de l’amputer d’un temps afin d’en faire une phrase de trois temps (comme dans le solo de Merry-Go-Round ). ). Celle-ci est alors répétée trois fois, et son dernier temps, la troisième fois, se résout sur le premier temps de la cinquième mesure. Ensuite, leurs conclusions sont également différentes, du matériau au point de résolution : la « master take » finit sur le premier temps de la dernière mesure, l’« alternate » sur le dernier contretemps de l’avant-dernière mesure. Mais, si on constate de grandes différences dans l’organisation et le matériau employé entre le début et la fin, on observe également des similitudes : _ ainsi, l’usage extensif, dans le B de la master take, de triolets de croches phrasés sur les toms est en partie repris dans la deuxième partie du B dans l’« alternate take». Dans la première moitié de la « master take » lui est substitué un autre type de matériau dynamique. -Comme sur les AABA de tempo medium, on constate donc le recours à une tension de nature rythmique afin de rendre la tension harmonique du B._ dans le dernier A de la « master take », Max emploie un mode de jeu avec la main gauche sur la caisse claire, la main droite distribuant des sonorités de toms et de cymbales –ces dernières étant soutenues par la grosse caisse. On retrouve le même mode d’improvisation sur l’« alternate take » du morceau, mais sur le 1 er A. Remarquons qu’en s’en servant, Max ne phrase pas différemment de la manière dont il le fait en triolets réguliers dans Jordu : il pose des bases, puis décale les accents. Daahoud , alternate take
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Ainsi, si les deux solos sont vraiment différents, on retrouve de l’un à l’autre l’emploi de quelques idées et d’un élément de structuration (l’emploi les triolets sur le B)
Le blues : The Blues Walk (+ comparaison comparaison des 4-8)
Pour ce morceau, c’est l’« alternate take » qui est antérieure à la « master take » - il est important de le garder en tête. Car ici, on trouve de nombreux points communs entre les deux prises. 4-8 Si les premiers 4-8 des deux prises n’ont pas grand chose en commun, ceux qui précèdent le solo sont autrement plus intéressants : tous deux ont leur première phrase de quatre mesures structurée en 2 fois deux mesures selon un principe de question-réponse, et emploient le même type de vocabulaire : un appui sur le ou les premiers temps, un ou des contretemps et une résolution sur un ou plusieurs temps, toutes les mesures pour l’une (« alternate take »), toutes les deux mesures pour l’autre (« master take »).
Solo . Ce qui est également intéressant avec les derniers échanges, c’est que les quatre dernières mesures de l’échange dans l’« alternate take » sont employées, avec quelques variantes, pour commencer le solo dans la « master take », où il finissent par être développé en un élément de vocabulaire absent de l’« alternate take ». Ainsi, si les débuts de solo sont différents, le début de l’un provient directement de la fin des échanges de l’autre et donne lieu à un développement différent. . Un autre point commun est la fin de la première grille , qui dans les deux cas se conclut sur des roulements : _ « Alternate take »: après deux mesures (dominante) (dominante) d’alternance de deux temps entre tom alto et caisse claire, on a deux mesures (tonique) sur le tom basse qui mène à la grille suivante. _ « Master Master Take » : le roulement se fait sur la caisse claire, reste pour l’essentiel dessus dessus pour ère deux mesures (dominante), puis articule hors du roulement le tom aigu sur le 1 temps de la troisième mesure (tonique) puis le tom basse sur celui de la quatrième (dominante dans certaines variantes de la grille du blues). . Egaleme Egalement nt,, la deuxième grille commence sur le même type de matériau dans les deux prises :
Mais là où l’« alternate take » l’exploite rigoureusement toute une grille durant en la modifiant en fonction de l’harmonie sous-jacente (I : 2 fois a ; IV : a’, I : a ; V (cadence) : a’’ (avec appuis sur les 1 et 3, contrairement à a et a’), et I : a), la « master take » l’emploie quatre mesures durant avant de la développer les quatre mesures suivantes en un matériau assimilé mais différent, et de l’abandonner finalement sur les quatre dernières mesures. . Ensuite, dans la troisième grille, on a dans les deux prises un usage de triolets de croches et des phrases typiques qui lui sont associés : 99
_ « Alternate take » : sur la deuxième phrase de quatre mesures avec des accents qui se décalent, on retrouve la phrase typique d’une mesure qui se répète quatre fois sur les quatre dernières mesures de la grille. Et c’est dans la continuité que commence la grille suivante, alors que Max Roach passe à la deuxième de ces idées d’une mesure, qu’il répète également quatre fois avant d’en déduire une nouvelle phrase de deux mesures plus asymétrique qu’il répète deux fois, et de conclure le solo sur une fin de 4 mesures qu’on a déjà pu observer sur Jordu ou Joy Spring (se référer à la partition). _ « Master take » : on trouve également le débit de triolets, au début de la troisième grille. Mais alors que Max s’étendait dessus « à cheval » sur deux grilles dans l’alternate take, Max commence à employer un phrasé proche sur les quatre premières mesures, puis emploie (sousdominante) une variation de l’idée 1 puis l’idée 1 elle-même avant de résoudre (tonique) sur la deuxième idée répétée deux fois ; notons que le début de la dernière phrase de quatre mesures de cette grille, distincte des triolets, n’est pas sans rappeler celui de la dernière grille de l’« alternate take ». . Alors que Max concluait son solo à la fin de la quatrième grille de l’« alternate take », il se montre sur la « master take » plus prolifique et joue cinq grilles. A la quatrième grille, Max ne peut continuer à suivre le même ordre d’idées de l’« alternate take » (antérieure, je le rappelle), car il les a toutes déjà exploitées et en quelque sorte épuisées ; le solo développe alors d’autres idées qu’on pourrait éventuellement relier à celle de la deuxième grille de l’« alternate take » de par leur découpe métrique :
Puis, dans la dernière grille, Max a recours, sur douze mesures cette fois au lieu de huit, au même vocabulaire qu’il a utilisé (environ 8 mois plus tôt) pour finir le solo de la « master take » de Daahoud et et sur le deuxième A de l’alternate take de Daahoud (se (se référer au relevé). . Il est intéressant de constater d’une part et à nouveau comment Max construits ses chorus sur les blues, et d’autre part comment, d’une prise à l’autre il peut conserver certaines idées et éléments de structuration ( Daahoud ), ), ou même l’essentiel des idées thématiques et de celles en rapport avec la structuration ( The Blues Walk ). ).
1) Modes d$im!ro/istion originu et structurtion des solos a) Vocabulaire Vocabulaire up-tempo
Par rapport au vocabulaire vocabulaire original de tempo medium, qu’on trouve également à ce tempo, on voit apparaître quelques nouveaux éléments. Quatre croches à la caisse claire et deux noires, une à la caisse claire et une à la grosse claire : Généralement répétée quand elle est employée, cette figure très stable (elle joue tous les temps –c’est à dire les blanches à ce tempo) comporte un temps de dynamisation (les quatre croches) et un de résolution (les deux noires)
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On la voit apparaître dans les phases préparatoires des fins de chorus de Love is a Many Splendored Thing et I’ll Remember April. Six croches - soupir En 1955 et 56, on voit apparaître apparaître sur Cherokee et Powell’s Prances un « nouveau » matériau à cyclicité courte, qui intègre l’idée d’un contretemps systématique. Il ne s’agit en fait que de l’adaptation d’une phrase que Max jouait déjà deux fois de suite dans le solo de Merry-Go Round , le 24 septembre 1948. On en trouve une grande variété de variantes mélodiques :
b) olos co'portant des 'odes d’i'pro(isations originaux
32 mesures : AA’ Sweet Clifford Dans l’enregistrement de Sweet Clifford (Clifford Brown) daté du 3 août 1954, c’est dans un
contexte de tempo très rapide que l’on peut observer Max Roach prendre un solo de 6 grilles précédé d’une grille d’échanges de 8 mesures, soit sept grilles, plus que Clifford Brown, trompettiste trompettiste et compositeur du morceau ! Ce qu’il y a de très intéressant dans le dernier échange et la première grille de solo, c’est que Max emploie un mode d’improvisation qu’on trouve ici pour la première fois : Max joue un débit régulier de croches binaires (à l’exception d’une courte partie du A’) réparties entre la caisse claire et des ponctuations (1 seul coup à la fois) à la grosse caisse. C’est une des rares improvisations où Max fait vraiment « chanter » la caisse claire en en tirant plusieurs sonorités (et plusieurs hauteurs : 2 principales -probablement par l’attaque et la zone de frappe) qu’il alterne au cours de sa phrase. Il est difficile de noter ces nuances de phrasé, et je renvoie donc, encore une fois, aux enregistrements pour apprécier pleinement les solos de Max Roach. Dernier échange Au cours du deuxième et dernier échange de huit mesures, Max joue en transition vers le solo une phrase de deux mesures quatre fois de suite.
Notons que l’harmonie employée durant les chorus pour cette partie fait suivre à deux II-V de deux phrases deux mesures de cadence évitée en Fa et deux mesures de cadence en La b. Il est possible, voire probable au vu de la fin de la grille de solo, que Max structure son intervention par rapport au rythme harmonique et ses groupes de deux mesures. D’autre part, si on observe la division de ces deux mesures, on observe que Max la découpe en deux fois cinq croches plus 6, découpe très rare que l’on retrouvera plus loin. Solo
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A 1-8 1-8 Aprè Aprèss la tran transi siti tion on effe effect ctué uéee par par le derni dernier er 8-8, 8-8, Max Max comm commen ence ce par par joue jouerr 2 fois fois une même phrase. Ici, elle fait 4 mesures, et est constituée de deux membres de phrase. On en a d’abord un premier constitué d’éléments de 2 temps (ou 1 temps à la blanche) : 3 croches de caisse claire et 1 de grosse caisse. Puis le second membre de phrase emploie la division 3+3+2, comme dans le solo de Merry-Go-Round : : une phrase de trois temps (5 de caisse claire et 1 de grosse caisse) jouée deux fois, suivie de deux temps joués en croches à la caisse claire.
Les Les quatre quatre mesure mesuress suiv suivant antes es emplo emploie ient nt par par rappor rapportt aux quatre quatre premi première èress le princi principe pe antécédent - conséquent : les deux derniers temps sont répartis en 3 croches à la caisse claire et 1 à la grosse caisse, éléments de conclusion et de transition. 9-16 Au cours cours des quatre quatre mesures mesures qui qui suiven suivent,t, Max emplo emploie ie un poly polyryt rythme hme rare rare qui vient du dernier échange : il groupe en effet les croches par 5 (4 de caisse claire et 1 de grosse caisse), mais emploie cet élément en le phrasant de manière différente par rapport au dernier échange, avec la grosse caisse à la fin et non au début. Il phrase ce polyrythme sur trois mesures, selon la découpe 5 fois 5, la dernière croche de l’élément résolvant sur le premier temps de la mesure qui suit (25-1 = 24, soit trois mesures). Et si, dans les quatre mesures qui suivent, Max recadre l’improvisation en jouant toutes les blanches à la grosse caisse, l’auditeur qui n’a pas continué à suivre avec attention la pulsation, désorienté désorienté par une régularité qui n’est pas réguliè r égulièrement rement mise rapport direct avec la pulsation, pulsation, perçoit avant tout un flux ininterrompu de croches avec des ponctuations irrégulières à la grosse caisse. L’emploi d’un élément qui pourrait également s’entendre comme une phrase déjà exposée clairement par rapport aux appuis, mais légèrement décalée dans le temps, accentue cette impression de flux dont on a du mal à suivre le déroulement. Et pourtant, quand on arrive à compter, le discours de Max apparaît cadré, construit par rapport à la forme. On remarque, ainsi, que quand Max omet qu’employer un continuo aux pied tout au long d’un solo et fait un usage important des illusions auditives, il est plus difficile pour l’auditeur de suivre le discours. A’ 1-8 1-8 Et, Et, qui qui plus plus est, est, Max Max n’a n’art rtic icul ulee pas pas clair lairem emen entt le le prem premie ierr tem temps ps du A’. A’. Ce Ce n’e n’est st qu’en écoutant attentivement et on considérant les huit premières mesures qu’on comprend mieux le discours de Max : Lors des quatre premières mesures, Max se sert de la grosse caisse (sur les temps) pour former des phrases de deux et trois temps, ce qui résulte en la structure (1+3) = une mesure + (3+3+6) = 3 mesures. Ce n’est qu’à la cinquième mesure que Max réaffirme le premier temps en commençant à phraser en triolets de noires pour quatre mesures. Les deux membres de phrase de 2 mesures en lesquelles elles se divisent fonctionnent selon un principe antécédent-conséquent : on a plusieurs temps de ce qui est, par rapport à la blanche, des « croches swinguées » aux mains avec remplissage de la deuxième croche de triolet à la grosse caisse, puis roulement d’environ deux temps en conclusion, la deuxième fois étant plus conclusive par l’appui du début du roulement sur le troisième temps. Ce roulement mène aux huit dernières mesures. 9-16 9-16 Là enco encore re,, on a -et -et ce malgr malgréé la poss possib ibil ilit itéé de tout tout ente entend ndre re d’un ’un bloc bloc-thématiquement thématiquement deux fois quatre mesures. Lors des quatre premières, Max réemploie la même phrase de cinq croches qu’à la fin de la grilles d’échanges qui précède. Il n’en fait par contre usage que deux fois, et articule par un roulement de deux temps le troisième temps de la deuxième mesure et le premier de la suivante, recadrant momentanément la mesure. 102
Les quatre dernières mesures du solo reviennent à peu près aux quatre premières mesures du solo, avec une alternance de 3 croches à la caisse claire et une à la grosse caisse. Après trois mesures de cet élément, Max joue une phrase de transition d’une mesure en croches à la caisse claire, qui se résout sur le premier temps de la grille suivante, sur une nouvelle sonorité, le tom basse. On remarque que ces quatre dernières mesures, comme celles qui suivent et comme à la fin de la grille précédente, suivent l’harmonie, qu’on peut également entendre comme deux fois deux mesures et quatre mesures de cadence en La bémol (I-VI - II-V-I), la dernière mesure du solo correspondant à la mesure de résolution. A A’
(2+2) (3+1) (4) (2+2)
+ (2+2) + (4) + (2+2) + (3+1)
(a+b) (c+c’) (b’) (c2+c2’)
+ (a+a’) + (a2) + (d) + (a’+a ccl)
A ce tempo rapide, donc, Max continue de jouer autour des carrures de quatre mesures -subdivisées en 2 fois deux mesures ou une phrase de 3 mesures et 1 d’une mesure- mais en opérant clairement des groupements (« binaires ») par huit mesures, comme dans le solo de Koko du 26 novembre 1945. Par ailleurs, et je suppose que c’est parce qu’il s’agit d’un AA’, il articule clairement les fin de A et de A’ par de longues phrases de transition de 4 mesures. 32 mesures AA’ : Love Is A Many Splendored Splendored thing
La première grille de ce solo à tempo très élevé enregistré le16 février 1956 emploie un autre mode d’improvisation original, qui fait plus penser aux habitudes de Roy Haynes qu’à celles de Max Roach. En effet, presque pas de grosse caisse et pas du tout de toms ! Juste la cymbale ride, la caisse claire et le charleston, rien que des sonorités aigües. On peut éventuellement rapprocher l’usage de ce mode d’improvisation de la courte introduction de batterie du morceau, qui n’emploie que des sonorités de cymbales. Ce qui est également intéressant dans ce solo, c’est que, si l’on peut entendre une seule ligne mêlant les différentes sonorités, on peut également entendre cymbale et caisse claire claire sur deux plans différents, la cymbale menant le discours, et la caisse claire commentant. Pour bien entendre le phrasé correspondant, se reporter, une fois encore, aux enregistrements. On note enfin que, dans ce solo, Max joue la charleston sur tous les 2 et 4 et emploie quelques silences, ce qui rend le solo plus facile à suivre pour l’auditeur que celui Sweet Clifford . Max emploie également de nombreuses illusions rythmiques, et le repère du charleston sur la première grille permet de les apprécier pleinement. A 1-8 Comme dans le solo de Sweet Clifford , Max commence par jouer deux fois une même phrase qui commence par combiner les trois sonorités mentionnées plus haut, en utilisant en particulier les possibilités de jeu ouvert et fermé au charleston joué aux baguettes :
Cette première phrase de six temps, répétée deux fois, est suivie d’une mesure de relance en croches à la caisse claire. On a donc la découpe 6+6= 12, soit trois mesures, auxquelles se rajoutent plus une mesure. On note que, comme dans le solo de Koko, Max emploie la seconde fois une note fantôme pour relancer la phrase de conclusion et la distinguer de la première. 103
9-16 9-16 Les Les huit huit mesu mesure ress suiv suivan ante tess sont sont elle elless auss aussii divi divisé séees en deux deux fois fois quat quatre re mesures. Les quatre premières sont composées de deux phrases de deux mesures comportant des phrases de trois temps (3+3+2) construites l’une par rapport à l’autre sur le modèle antécédent-conséquent.
L’usage de ces phrases de trois temps fait ressortir plusieurs fois à la cymbale une illusion rythmique de croches swinguées à un autre tempo. Les quatre mesures suivantes réétablissent réétablissent clairement les1et 3 (soit les temps à la blanche) de la mesure, et font entendre à la cymbale ce qu’on peut percevoir comme des variations sur le chabada à la moitié du tempo. A’ 1-8 Les hu huit mes mesures res sui suivvantes ntes fon fonct ctiionne onnennt ens ensemb mblle, com comme le le déb début du du solo solo.. Elles sont composées –avec de petites variations- de deux fois une phrase de quatre mesures. Après une phrase d’ouverture d’une mesure qui reprend la phrase de trois temps des mesures 9 à 12 en lui adjoignant un quatrième temps, Max fait une phrase de trois mesures constituée de trois fois une mesure selon le déroulement suivant : exposition (cymbale sur les deux premiers temps et le premier contretemps suivi du remplissage du reste de la mesure en croches à la caisse claire), tension (alternance plus rapide des sons, toutes les 2 croches) et résolution (2 croches de cymbale et 6 de caisse claire) 9-16 9-16 Quant Quant aux huit huit derniè dernières res mesure mesures, s, Max commen commence ce par sugg suggére érerr encore encore une autre pulsation en accentuant avec la cymbale et la grosse caisse toutes les six croches, et en jouant les deuxième et quatrième fois la charleston charleston en conjonction conjonction avec la grosse caisse, ce qui est équivaut à une mesure à quatre temps à un autre tempo.
La dernière mesure rétablit la pulsation en jouant le premier temps de la mesure seulement à la cymbale et grosse caisse, et en remplissant le reste de la mesure en croches. Mais cette résolution est temporaire. Comme dans le début du solo, Max fait suivre à l’usage de phrase de 6 temps une section qui emploie des phrases de trois temps, justement celle qui parcourt cette grille de solo. On a à nouveau 3+3+2, les deux temps étant des croches à la caisse claire, puis la deuxième fois 3+5, la phrase de trois temps s’étendant la seconde fois jusqu’à une une conclusion conclusion sur le 4è temps de la la dernière mesure mesure de la grille. La grille qui suit débutera donc, logiquement, en contretemps par rapport à la blanche. A
A’
1-8 Deux fois (3+1) 9-16 (2+2) = deux fois (3+3+2) (2+2) (idem) 1-8 Deux fois (1+(1+1+1)) 9-16 (3+1)+(2+2)
(a+ac) (b) (c) (b’+ (d+d’+d’’)) (e+ec) + (b’+b’ccl)
La deuxième grille de solo exploite une autre possibilité originale de structuration : en effet, le pianiste y accompagne le batteur en marquant régulièrement les principales harmonies alors 104
que Max développe ses phrases. Richie Powell varie cette structuration en jouant parfois toutes les deux mesures ou toutes les quatre, comme sur le B. Sur la fin du solo, il accompagne en homorythmie Max qui joue des noires, ce qui rend le discours plus énergique encore, et la fin plus marquante. Sur le B de cette deuxième grille, Max emploie une nouvelle illusion rythmique d’une efficacité redoutable, que ne peux m’empêcher d’analyser ici :
Construite comme tant d’autres sur trois temps et articulant toutes les trois croches, cette phrase phrase a la parti particul culari arité té d’inté d’intégre grerr un temps temps de silen silence ce et un accent accent sur le deuxi deuxième ème contretemps de la phrase en l’espèce d’une fermeture de charleston. Ces deux éléments sont loin d’être pas anodins. En effet, le premier rend cette figure rythmique ambivalente : elle pourrait également être employée en croches ternaires à un autre tempo, mais ne faire que Flossie Lou et The Blues deux temps (on la trouve d’ailleurs ainsi dans les solos de Jordu, Flossie Walk ). ). Quant au deuxième élément, il renforce l’effet en agissant comme si l’on jouait le charleston sur 2 et 4 à cet autre tempo Ainsi, cette illusion rythique peut être entendue par rapport au tempo du morceau si on arrive à tenir soi-même la pulsation, mais par rapport aux repères d’audition moyens, on se perd et on ressent pendant quelques mesures un tempo plus lent.
Comme on l’a vu, les modes d’improvisation ne sont pas sans effet sur la structuration du Sweet Clifford Clifford a tendance a perdre solo. solo. Par exemple, exemple, le phrasé en croches continue continuess de Sweet l’auditeur et limite à la fois la possibilité d’employer des éléments de vocabulaire distincts et d’opérer des articulations claires à cause de l’absence de silence. D’un autre côté, le solo de Love is a Many Splendored Thing , qui se permet l’usage de silences et donc d’articulations, trouve sa voie dans la première grille en faisant se succéder diverses illusions auditives que les 2 et 4 aux pieds permettent d’apprécier sans perdre le fil du tempo et de la structure. Quant à la structure employée dans les deux cas, on remarque que les AA’ semblent être structurés par des début de section de huit mesures qui consistent en deux fois une même phrase (ou une phrase logiquement liée) de quatre mesures, et des fins de sections dont l’articulation est préparée par une phrase de quatre mesures qui se distingue de ce qui précède.
=) 5onclusion + le t"*me2 l %orme2 le mtériu et l com!osition a) La composition
On a vu, je crois, émerger au fil des analyses l’aspect compositionnel de la structuration des solos de Max ; celle-ci consiste en un emploi volontaire et construit, dans le cadre le la forme et parfois par rapport au thème, de divers éléments de vocabulaire spécifiques qui sont, au fil de chaque solo, d’abord choisis et exposés, puis développés. Je pense que la meilleure preuve d’une telle démarche est l’emploi à distance d’un matériau particulier. Un exemple frappant d’un tel emploi a lieu sur l’enregistrement de Cherokee du 25 février 1955 (lequel, selon un regroupement un peu hâtif de fragments de solos dans le Cahier de relevés, a été placé au début de l’année 1956) : le début de Cherokee et le début du pont improvisé par Max à la réexposition emploient le même matériau. Bien que celui-ci 105
puisse avoir été composé « hors temps », il traverse tout de même le morceau, n’est pas isolé au sein du solo : il n’est pas oublié après celui-ci. Il me semble évident, en effet, que c’est un effort de mémoire qui permet de composer une improvisation au fur à mesure qu’on la fait et que l’on choisit les éléments qui la composent. Pour désigner cet aspect du jeu de Max, Alain Gerber a employé, à propos du morceau en solo Drums Unlimited, 1966), postérieur à la période étudiée For Big Sid ( Drums 142 l’expression« architecture spontanée ». J’avoue ne pas trop aimer cette expression. En effet, l’architecture l’architecture des solos de Max Roach et son emploi compositionnel de vocabulaire n’a, je crois, rien de « spontané » au sens « qui se produit de soi-même soi-même », bien au contraire. contraire. Que la cohérence cohérence provienne du caractère formulaire du vocabulaire, du jeu par rapport à un thème ou une construction consciente du discours en sections de huit mesures et carrures de quatre mesures, que l’instinct guide sa main ou que tout soit mûrement réfléchi, l’architecture des solos de Max est, selon moi, volontaire. Elle n’a rien d’un hasard, elle est le résultat d’un travail. Pour filer la comparaison comparaison que Max Roach sembler réclamer r éclamer avec Jean-Sébastien Jean-Sébastien Bach dans sa célèbre citation « Je veux faire avec le rythme ce que Bach a fait avec la mélodie », Max a appris à force de pratique à improviser des solos dans le cadre des formes du jazz, comme la pratique a rendu capable Jean-Sébastien Bach capable d’improviser des fugues, ou comme elle rendu capables Mozart ou Beethoven d’improviser des mouvements de sonate. Même si, pour pousser un peu plus loin et peut-être un peu gratuitement la comparaison,le travail de Max Roach sur les formes du jazz relève plus de la variation, dans son aspect baroque par le jeu sur une structure et une base harmonique, et dans son aspect classique par le travail sur un thème.
PACZYNSKI George, op. cit. p 128
142
106
b) Blue b) Blue Seven
Pour finir mon tour d’horizon, j’ai choisi d’analyser un dernier relevé, certes hors du quintette, mais dans la continuité du travail de Max Roach en son sein : il celui du chorus de 7 grilles de Max sur Blue Seven, dont Ed Blackwell aurait confié, en Afrique, à Alain Gerber qu’il avait appris la batterie en analysant ce solo. « Tout vient de là ! » se serait-il écrié selon les propos rapportés par George Paczynski. 143 Sans aller pour l’instant jusque-là, je pense que le solo de Blue Seven illustre bien, d’une part, l’aspect compositionnel du travail de Max Roach, et d’autre part du travail en rapport avec le thème, autour du thème. Je diverge d’ailleurs sur ce point de l’analyse de ce solo par George Paczynski, qui n’y voit qu’un jeu par rapport à la structure harmonique du blues, modalité de structuration « de base » des solos de Max Roach sur les blues, que j’ai observée dès 1947 sur le solo de Bird Feathers. Ce blues est particulier sur plusieurs points : _ d’abord, à la place des habituels accords de septième de dominante de l’harmonie blues dans le jazz, il n’emploie que des accords de 7è de dominante avec quinte bémol (« blue note » de la gamme blues), ce qui explique possiblement le titre du morceau. _ ensuite son thème – qui peut être entendu pour l’essentiel dans 2 tonalités en même temps, Si bémol et Mi- est très rythmique : comme le thème de Stompin’ at the Savoy dont j’ai relevé le caractère propice au jeu autour du thème, il est composé d’éléments brefs joués toutes les deux mesures et séparés par du silence. Ce qui nous intéresse, en plus de ce thème très rythmé et comportant de nombreux et longs silences, c’est qu’il donne lieu à un solo très étendu de Max Roach (7 grilles, pour Blue Seven – coïncidence ?) dans lequel on retrouve quelques éléments qui, exposés dans les premières mesures de solo, vont se déployer au fil du solo avant de céder la place à du vocabulaire formulaire. Les éléments
Commençons par signaler ces éléments récurrents : _ On a d’abord, dans les premières mesures du solo l’élément en triolets de croches « a »
La phrase suivante (« a’ », qui a plus valeur d’appogiatures puis résolution) lui est liée
_ sur la troisième mesure, on trouve l’élément « b », appui du 2è temps et ponctuation grave
George Paczynski, op.cit, p. 131
143
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_ à la quatrième mesure du solo apparaît l’élément de liaison « c », des triolets de noires :
_ après un développement des triolets de croches, on trouve sur la dernière mesure de la première grille l’élément de conclusion « d ».
_ et enfin, juste au début de la grille suivante, on trouve le dernier élément « e », ponctuation, ponctuation, roulement et résolution.
Jusqu’à la quatrième grille, ce sont ces éléments et ces éléments seulement qui sont employés, variés et développés. A la cinquième grille, on voit apparaître sur les quatre premières mesures du vocabulaire formulaire, et à la sixième on abandonne apparemment les éléments compositionnels observés pour jouer uniquement avec du « vocabulaire formulaire ». D’autre part, je le répète, c’est le solo où j’ai eu le plus l’impression que Max joue autour du thème. Mis sur la piste par mon directeur de maîtrise, je me suis souvenu des notes de Saxophone Colossus Colossus rédig poch pochet ette te du disq disque ue Saxophone rédigée éess par par Marti Martinn Willi Williams ams en195 en19566 et les les remarques remarques concernant concernant Blue Seven : « La clé est, comme l’a dit une fois Max Roach, le l’exhortation de Thelonious Monk : pourquoi ne pas utiliser la mélodie ? Pourquoi nous en débarrassons-nous à la fin du premier chorus chorus pour utiliser juste les accords ? » Effectivement, sur l’enregistrement, Sonny Rollins joue la mélodie, la développe, la travaille durant tout son solo. Et, alors, je me suis posé la question : et pourquoi pas Max Roach ? C’est alors que je me suis rendu compte que, sans jouer le thème, Max le sous-entend constamment en phrasant autour, appuyant les ponctuations que sont les sauts mélodiques descendants, jouant en réponse à ceux-ci, remplissant les silences du thème et développant des phrases par rapport aux éléments du thème. Par ailleurs, au fur et à mesure que le solo se déroule, on remarque que le discours devient de plus en plus dense, et que en conséquence le vocabulaire exposé finit par céder la place à du vocabu vocabula laire ire formul formulair airee de tempo tempo medium medium en triole triolets ts et en doubl doubleses-cro croch ches es que que nous nous connaissons maintenant bien. Il y a en effet une progression, du début aéré du solo à la fin, vers des débits de plus en plus serrés et des phrases de plus en plus longues, pour finir sur douze mesures de doubles croches ininterrompues. C’est le seul solo où j’ai entendu Max procéder ainsi, augmentant progressivement la tension du début à la fin du solo par ce moyen rythmique très efficace. Avant de suivre, grille par grille, la comparaison entre thème et solo et donc comment les éléments observés reviennent et se développent par rapport au thème, je désirerais analyser brièvement le thème de Blue Seven. 108
Le thème
Comme on le voit page suivante ou dans le Cahier de thèmes, le thème de Blue Seven est composé de trois phrases de quatre mesures qui se ressemblent beaucoup. Celles-ci sont construites en deux membres de phrases de deux temps selon un principe de question-réponse. _ le premier membre de phrase est un élément de deux temps constitué d’une chute mélodique se finissant en “déséquilibre” sur le deuxième temps de la première mesure de chaque phrase. _ le second membre de phrase qui lui répond – qui correspond toujours à un accord de tonique- reprend l’idée d’une chute mélodique de triton finissant en “déséquilibre” métrique, mais amène cette chute par une levée de deux temps (qui utilise d’ailleurs cet élément de chute mélodique avant de remonter diatoniquement vers le la bémol et la chute mélodique de triton) et la résout métriquement sur le troisième temps de la mesure. On peut noter la ressemblance avec la 5è mesure du A de Joy Spring. Le reste du thème est composé de silences. On remarque que, si la mélodie reste la même, l’harmonie articule clairement la grille sur ses quatre dernières mesures et que chaque phrase présente quelques particularités en fonction du déroulement harmoniquement. Pour désigner les éléments du thème, je propose les lettres suivantes : x et y, x’ et y’, et enfin x’’et y’’.
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Comparaison des solos et du thème
1 ère grille
5-8 Rep Repérons rons comm commeent, nt, dans ans les les mesu mesurres 5 à 8 de la premi remièère gri grille lle, Max Max jou joue la complémentarité par rapport au thème, remplissant d’abord le silence entre deux membres de phrase et accentuant la chute mélodique de x par la sonorité grave du tom basse en se servant de l’élément « a », effectuant ensuite ensuite une ponctuation au contour mélodique descendant descendant en réponse à celui du thème grâce à l’élément « b », avant de faire usage d’une phrase de liaison sur la quatrième mesure de la phrase vers la phrase suivante du thème, grâce à l’élément « c » en triolets. Ce remplissage des silences du thème par des phrases complémentaires est un aspect essentiel du jeu « autour du thème ». 9-12 9-12 Dans Dans les quatr quatree mesures mesures suiva suivant ntes, es, Max Max attend attend la fin de x avant avant de commen commence cerr une longue phrase utilisant l’élément « a ». Cette phrase dure jusqu’à la fin de la 3è mesure mais, durant celle-ci, Max rend le contour du thème (ascendant, descendant, ascendant pour la levée et finalement descendant pour la chute de quinte diminuée) par la succession des toms (tom basse, caisse claire, tom aigu et enfin tom basse pour le saut). Max s’arrête à la fin de l’élément de thème, et emploie dans la dernière mesure la phrase de commentaire « d ». On remarque que les quatre mesures m esures finales de cadence(s) cadence(s) connaissent une tension par l’usage d’une longue phrase ayant un rythme proche des triolets de croches, et que cette tension est résolue sur la quatrième mesure. Ces éléments articulent la fin de la grille. En ce qui concerne l’emploi de sonorités imitant les contours mélodiques, je ne pense pas que cela cela soit soit céré cérébr bral al et touj toujou ours rs cons consci ciem emme ment nt maît maîtris risé, é, mais mais que que cela cela se fait fait plut plutôt ôt instinctivement, instinctivement, en chantant le thème et en essayant de le suivre. Mes conclusions sur le sujet sont par ailleurs à relativiser et considérer avec précaution, les contours mélodiques pouvant égal égaleme ement nt être être des des coïnc coïncid idenc ences es et les reche recherch rches es de simil similitu itudes des menan menantt parfoi parfoiss à des des conclusions faussées par le désir de trouver quelque chose cadrant avec la thèse. 110
2è grille
1-4 1-4 C’es C’estt au début début de la deux deuxiè ième me gril grille le que que l’on l’on trouv trouvee l’arg l’argum umen entt qui sera sera le plus plus à même de convaincre les sceptiques sceptiques quant à ce jeu par rapport au thème : l’élément nouveau « e » qui, sans le moindre doute appuie la fin du x et la levée du y par des ponctuations de cymbale jouée avec la grosse caisse, le silence qui les sépare dans le thème étant rempli par un roulement sur la caisse claire. Il semble d’ailleurs, au vu de la suite du solo, que ce soit la fonction principale de cet élément. Sur les deux mesures suivantes, suivantes, Max commente le thème en appuyant la chute mélodique par les sonorités de tom basse et grosse caisse. Il résout alors sur le début de la quatrième mesure où il respecte le silence du thème. 5-8 Alors lors que que les mesu mesure ress 5 à 6 déve évelopp loppeent l’idé ’idéee « a » par un mo mottif au conto ontouur mélodique descendant (comme dans le thème), les mesures 7 à 8 prennent l’idée des mesures 3-4 du commentaire du thème sur le tom basse (« c »), l’ étendant cette fois deux temps de plus. 9-12 9-12 Sur les les mesu mesures res 9 et 10, 10, Max repre reprend nd le con contou tourr mélodi mélodique que des descen cendan dantt du thèm thèmee et l’articule en un commentaire en triolets de croches sur la caisse claire menant, comme aux mesures 3-4, à une résolution à la grosse caisse sur le premier temps suivant. Sur les deux dernières mesures de la grille, Max reprend l’idée d’accentuer d’accentuer la chute du thème en triolets de noires et par une sonorité grave, mais il le fait en utilisant la grosse caisse et en jouant des triolets irréguliers commençant à peu près sur la deuxième croche de triolet de la mesure. Cet élément permet de générer une tension à la fin de la grille, qui s’en trouve articulée.
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3è grille
1-4 Sur le le début début de de cette cette trois troisième ième grille, grille, Max Max commenc commencee par par jouer jouer dans dans les les « silence silencess » du thème une phrase liée à l’élément « a » qui, constitué d’une chute mélodique, commente x. Puis, il anticipe la fin du deuxième membre de phrase en jouant un roulement du dernier contretemps contretemps de la deuxième mesure à une ponctuation aux cymbales et grosse caisse sur le 1 er temps de la 4è mesure de repos, comme au début de la grille précédente. 5-8 Sur les les quat quatre re mesu mesures res sui suivan vantes tes,, Max ponc ponctue tue les les chute chutess mélodi mélodique quess final finales es de x’ x’ et y’ par l’élément « b », qui s’y prête particulièrement bien, semblant même structuré à cet effet. La quatrième mesure donne lieu à une phrase de transition en triolets (« c »). Il apparaît alors que soit Max joue la phrase ou une variation de la phrase, soit il la commente. 9-12 Sur les les quatre quatre dernièr dernières es mesures mesures,, Max commen commence, ce, comme comme sur sur la grille grille précé précédent dente, e, par par rendre le contour mélodique du thème par l’emploi de la caisse claire et de la grosse caisse. La phrase en tension qui en résulte se conclut par l’élément « d », juste avant y’’. Sur les deux dernières mesures mesures du thème, Max emploie « a’ » qui lui permet de avoir, par par les appogiatures et comme sur la grille précédente (sur laquelle on avait des triolets irréguliers phrasés « en tension »), une tension de fin de grille. D’autre part, cet élément reprend ici l’idée de chute mélodique du thème en la phrasant sur les deux premiers temps par la succession du tom aigu et du tom basse.
4è grille
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Cette grille est particulièrement intéressante car Max structure son jeu selon des modalités souvent observées dans le solo. Ainsi, il joue les deux premières phrases relativement similairement, similairement, du moins au niveau de leur conclusion. conclusion. Dans es autres grilles, cette conclusion conclusion se fait le plus souvent sur la mesure de silence du thème, par un élément de liaison ou une mesure de silence. D’autre part, les quatre dernières mesures, comme dans les autres grilles, sont –au niveau de la grille- particulièrement distinguées du point de vue du matériau, afin de rendre compte de leur aspect cadentiel qui tranche avec les deux phrases précédentes. Enfin, on a toujours une phrase conclusive sur la fin de la grille, parfois précédée, quand elle est liée à la mesure qui précède, d’un élément de tension. 1-4 et 5-8 Ainsi, Ainsi, Max Max reprend reprend deux fois fois presq presque ue la même phrase phrase qui qui se compose compose de l’élément « a » sur les deux premières mesures et de l’élément « e », qui appuie à nouveau la chute mélodique de la fin du y par une ponctuation sur le la bémol du premier temps des mesures 3 et 7 et le début d’un roulement sur le mi bécarre du premier contretemps des mêmes mesures, sur les deux mesures suivantes. Remarquons que, de l’une à l’autre de ces interventions, Max se répond mélodiquement, employant la première fois le tom basse – souvent associé à la note grave de la chute-, et la seconde fois la caisse claire. 9-12 Sur les quatr quatree dernière dernièress mesures mesures -toujou -toujours rs différenc différenciée iéess comme le le seraient seraient les les mesures mesures de cadence et résolution du blues sur un autre solo- Max joue encore autour du thème en faisant un court commentaire sur les deux premiers temps de la deuxième mesure avant de jouer la partie ascendante ascendante de la levée du y’’ à la caisse claire et de développer développer l’élément employé (« d ») « autour » du thème. Sur la dernière mesure, Max conclut la grille avec trois temps de « a » sur le seul tom aigu -qui n’est pas sans rappeler le ré du thème qui va suivre.
5è grille
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1-4 Au début début de la la cinqui cinquième ème grille, grille, le discours discours commence commence à se se densifi densifier er au au point point que Max utilise un nouvel élément formulaire pour la commencer. Par rapport au tom aigu de la mesure précédente, associée au ré du thème, on peut considérer que la chute à la caisse claire achève de phraser le thème. On remarque que, même s’il s’agit de vocabulaire formulaire, Max s’en sert toujours par rapport au thème ; ainsi, on peut rapprocher la descente de toms de la fin de la deuxième mesure et du début de la quatrième (tom aigu-caisse claire-tom basse), du contour mélodique descendant du thème. 5-8 Sur les les quatre quatre mesure mesuress suiva suivante ntes, s, Max Max comme commenc ncee par par jouer jouer la la phras phrasee « d » dan danss les quatre temps de silence du thème, avant de développer l’élément « e » en l’étendant, le mélangeant avec l’élément en triolets « a » et le phrasé en doubles-croches qui précède, Max employant employant des contours mélodiques et des changement changement de caisse toutes les 6 notes (ce qui en, croches ternaires ternaires débutant sur un temps, correspond à un appui toutes les blanches) blanches) similaires. Il se sert de ce développement de « e » pour marquer les points d’appui de y’, employant par ailleurs un contour mélodique ascendant qu’on peut soit rapprocher de la montée vers le la bémol, soit d’un mouvement contraire de la chute si souvent exploitée. 9-12 9-12 Sur la fin de cette cette phras phrasee et sur le début début des quatre quatre derni dernière èress mesures mesures,, Max emploie emploie l’élément « d » à cheval sur la mesure, accentuant d’abord le ré du thème puis le concluant, avant d’effectuer un commentaire identique sur le silence du thème qui suit. Sur les deux dernière mesures qui concluent apparemment l’usage de matériau « compositionnel », Max emploie l’élément « e », dont le début du roulement accentue le mi bécarre de la chute mélodique de la 11è mesure. Max, en préparation de la suite, conclut cette grille sur la levée de la mesure suivante, commençant en fait par ce geste la grille suivante comme nous allons le voir. 6è grille
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Sur cette grille relevée par Georges Paczynski (op.cit.,p.132), Max continue, selon moi, de jouer autour autour du thème. Notons qu’une grande partie du vocabulaire « formulaire » de cette grille correspond à un développement des éléments thématiques liés aux triolets, « a » et « c ». 1-4 Conti Continua nuant nt le débu débutt de phras phrasee qu’il qu’il avait avait effe effect ctué ué sur sur la levée levée de de la mesu mesure, re, Max Max finit finit d’appuyer le thème en articulant la fin de x sur la caisse claire, avant de continuer sa phrase en employa employant nt un pol polyry yrythme thme utilisant utilisant des triolets triolets de doublesdoubles-croc croches hes bien connu connu jusqu’au jusqu’au contretemps précédant exactement le retour du thème. Et après avoir respecté ce temps de silence, Max joue des triolets de noires (que l’on peut rapprocher de « c ») en commençant sur le premier mi bécarre de la 3è mesure, et en jouant donc la fin du y. 5-8 Sur ces ces quatr quatree mesure mesures, s, Max Max commen commence ce son son phrasé phrasé sur sur le deu deuxiè xième me temps temps de de premiè première re mesure, accentuant accentuant à nouveau la fin de x’ et, qui plus est, sur le tom basse, accentuant accentuant ainsi la chute sur le la bécarre. Par la suite, le phrasé en croches de triolets (qui rappelle a) amène le troisième temps de la deuxième mesure (début de y) sur le tom basse, et Max accentue ensuite le la bémol du 1 er temps de la 7è mesure sur la caisse claire. Les deux mesures de transition en triolets de croches à la caisse claire « remplissent » la résolution et le silence du thème qui suit. 9-12 Ces triolets triolets de croches mènent sur sur une nouvelle nouvelle chute mélodique mélodique (articulée cette fois par la succession tom aigu - caisse claire - tom basse) qui reprend en l’étendant celle du thème. Puis, Max joue les deux temps de levée de y’’ à la caisse claire en triolets, puis accentue la chute mélodique par la même succession de sonorités qu’au début des quatre mesures, mais dans un autre débit plus serré, qui est aussi celui du début de la grille, qu’il emploie d’ailleurs de la même manière avant de conclure sur le quatrième temps. 7è grille
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Comme on l’a déjà remarqué, toute cette grille est phrasée en doubles-croches et constitue culmination de la tension liée au débit. Du point de vue du vocabulaire, il emploie trois idées, dont deux très fréquentes dans son vocabulaire, et s’en sert pour structurer la grille selon l’harmonie du blues. Mais le thème transparaît également dans ces éléments de vocabulaire formulaire, comme dans la grille précédente. Ainsi, la figure des quatre premières mesures et des mesures 7-8 accentue les chutes deux mélodiques du deuxième membre de phrase du thème à l’aide du tom basse accentué. Et, au début des 5-6, la chute du tom aigu au tom basse en passant par la caisse claire reproduit le contour mélodique du thème. Similairement, les phrases de toms des quatre dernières mesures jouent ou répondent aux éléments du thème par le contour mélodique : ainsi, on a au début tom aigu – caisse claire pour ré - si bécarre, et plus loin pour la montée sur sol-mi-fa-sol-lab la succesion tom basse –caisse claire et tom aigu, la chute sur le mi bécarre étant étirée sur les deux mesures qui suivent en les employant dans l’ordre inverse, le mi bécarre étant une nouvelle fois rendu par le tom basse. Ainsi, on constate que, ici, Max Roach semble bien construire tout son discours par rapport au thème, le jouant, jouant autour et le variant, respectant par là la forme et articulant ses trois phrases de quatre mesures tout cela en employant de manière compositionnelle un petit nombre d’idées et en gérant la construction dynamique du solo entier par une augmentation progressive de la densité du discours. Et s’il suit le thème en le variant, il arrive, pourtant, dans la dernière grille du solo, à structurer son jeu en articulant également l’harmonie du blues. Du point de vue de la structuration de solo telle que nous l’avons étudiée, c’est un sommet. Pour finir en revenant aux notes de pochette de Martin Williams, et à sa conclusion personnelle sur le morceau, « Blue 7 is a masterpiece. »
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5onclusion et !ers!ecti/es Nous avons eu un aperçu, au cours de ce travail, de la vie de Max Roach, des principales principales influences qui ont contribué à sa formation, des concepts qui guident son action et son jeu, de la genèse de son style de solo avec Charlie Parker, et enfin de l’histoire du quintette Clifford Brown – Max Roach. Tout cela afin de mieux comprendre, au final, dans le contexte et avec un œil sur le passé de l’artiste et un œil sur son devenir, la démarche musicale de Max Roach quant à son approche du solo de batterie improvisé. Nous avons par la suite vu comment, dans ses solos, Max joue l’harmonie et les phrases de quatre mesures du blues et comment, sur les 32 mesures AABA, il se base sur le thème et sa structure, et improvise à l’aide d’un vocabulaire formulaire qu’on retrouve d’un solo à l’autre. Nous avons examiné d’autres formes et divers modes d’improvisation et trouvé les mêmes principes d’articulation et de jeu dans le cadre d’une forme, autour de carrures régulières. Et pour finir, nous avons vu, une fois pour toutes, comment Max Roach compose son solo avec pour référent le thème du morceau, référent qui rend son travail profondément musical et « lyrique ». Bien que toutes ces choses échappent à l’auditeur moyen, elle l’émeuvent. Et pour le musicien, c’est un exemple inspiré et inspirant. Ainsi, même par rapport à ses expérimentations en solo complet dans les années 60, cette période 1954-1956 me semble remarquable : le travail sur la forme et le thème, le discours dans le cadre des structures alors prédominantes prédominantes dans le jazz au cours d’un morceau et dans le tissu des solos confère au solo de batterie une place d’improvisateur à l’égal des autres instruments : comme je l’ai déjà remarqué, le solo de batterie a alors sa place dans le déroulement du morceau, il en est un moment nécessaire et puissant. Max et le quintette ont eu beaucoup d’influence sur les musiciens de jazz qui les ont fréquentés ou suivis. Sans se focaliser sur l’héritage important de Clifford Brown (pour lequel on peut peut trouve trouverr dans dans le commer commerce ce des des ouvrag ouvrages es analy analysa sant nt son son jeu et compor comportan tantt des des transcriptions transcriptions de l’intégrale de ses solos) et les nombreux et chaleureux hommages qui lui ont été rendus par ses pairs, le quintette et son répertoire ont eu un impact sur des musiciens tels que Lee Morgan, Freddie Hubbard ou même Antoine Hervé à ses débuts (entrevue de la pochette du disque Summertime). Max a marqué tous les auditeurs qui ont déjà eu l’occasion de l’entendre jouer, et tous les batteurs ont été forcés de regarder l’instrument différemment après lui. Il a influencé de nombreux batteurs tels que Kenny Washington ou Ed Blackwell, comme Kenny Clarke et Jo Jones avaient pu le faire pour lui, et a pris sa place dans le panthéon du jazz. Et je compre comprend ndss maint maintena enant nt mieux mieux qu’en qu’en avril avril 1960 1960 Miche Michel-C l-Clau laude de JALARD JALARD ait ait pu s’enthousiasmer jusqu’à écrire dans Jazz Magazine à propos de Max : « Mieux encore, un des artistes les plus conscients non seulement de sa musique, mais aussi de son art et de ce qu’il en attend. C’est le premier jazzman peut-être à avoir posé avec autant de netteté le problème de la création non pas à l’intérieur de son activité, mais sur le plan de la réflexion esthétique, faisant écho à la l a quête de la plupart des artistes occidentaux depuis Baudelaire. Max Roach, ainsi, témoigne exemplairement d’une forme d’expression d’expression parvenue à sa maturité. »144 Reven Revenons ons de cette cette compar comparais aison on avec avec Beaud Beaudel elair airee : la musiqu musiquee de Max Max Roach Roach est est bien bien éloignée du spleen Beaudelairien, et Max est avant tout un musicien - instrumentiste. A ce sujet, si la batterie est son instrument, il sait aussi jouer du piano, du vibraphone, composer, et c’est en artiste qu’il aborde la musique et les développements qu’il porte en lui. JALARD Michel-Claude, op. cit., p. 14
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Par ailleurs, pour l’avenir d’un instrument qu’il a grandement contribué à faire évoluer et dont il représente une approche complexe, virtuose et aboutie, Max Roach ne s’inquiète pas : J.H. : « Vous pensez qu’il est encore possible d’inventer quoi que ce soit sur une batterie batterie ? » M.R. : « Bien sûr, parce que c’est un instrument très jeune. (…) Le drumset est un instrument qui évoluera encore longtemps. » 145 Dans la perspective d’un travail de recherche futur sur Max Roach, on pourrait envisager de partir de mes conclusions et de s’intéresser à ses accomplissements postérieurs en solo, en tentant de suivre le fil conducteur de ses expérimentations à partir du style de la période 195456. Cela serait une bonne occasion d’observer d’observer comment un artiste comme Max Roach évolue et se renouvelle. Un des aspects positifs et personnels de la recherche menée est qu’à la suite des multiples écoutes et des nombreuses heures de relevé, recopie, rédaction et corrections, je suis loin d’être dégoûté de la musique de Clifford Brown, Harold Land, Sonny Rollins, Richie Powell, George Morrow et Max Roach. Sa puissance et son lyrisme, sa musicalité continuent à me toucher et m’inspirer, et je ne peux m’empêcher d’aspirer à me développer et créer comme Clifford et Max Roach ont pu le faire. Enfin, pour en revenir à Max Roach, que sa carrière soit aujourd’hui finie ou non, il peut se vanter, comme il l’a dit, « d’avoir vécu » et créé, et ce en homme libre. On en revient à la citation qui ouvrait sa biographie : « Je me suis marié quatre fois. J’ai vécu. J’ai travaillé avec les plus grands et ce dès mon adolescence. Quand j’ai voulu enseigner, je l’ai fait. J’ai toujours fait des choix, personne ne me dit ce que je dois faire. »146 Art Taylor : « Que considères-tu comme ta plus grande grande réussite ? » Max Roach : « Chaque fois que je me suis assis pour jouer de mon mon instrument, écrire ou faire n’importe quoi d’autre, j’ai donné tout ce que j’avais et tout ce que je savais à ce moment. Pour moi, tout ce que j’ai fait était le mieux que je pouvais faire, alors je ne peux pas dire que ceci est mieux est cela. J’espère qu’au fil des jours et au fil des ans, j’apprends et me développe de plus en plus. J’espère que je suis plus aujourd’hui qu’hier, mais hier j’ai fait le mieux que je pouvais, et ce fut très bon pour moi parce que j’ai donné tout ce que j’avais. J’espère qu’aujourd’hui rivalise avec hier, c’est-à-dire que je donne tout comme je l’ai fait hier. Je ne peux dire ce qui est mieux ou le mieux. Tout ce que je puis faire est donner le meilleur de moi-même à chaque fois que j’ai l’opportunité de faire quelque chose. Alors, cela me suffit, et si cela ne suffit pas à quelqu’un d’autre, ça ne me concerne pas ( c’est son problème ). »147
PEREMARTI Thierry, op. cit., p. 24 147 TAYLOR Arthur, op. cit., p. 113 145 146
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LOSSAIRE (je tire une grande partie de mes définitions des sections correspondantes des deux ouvrages cités de Georges Paczynski) Be-Bop : style de jazz qui s’est développé à la fin des années 1940 en réaction à la « swing craze » (période (période d’engouemen d’engouementt populair populairee pour pour la musique de swing destinée à la danse). Destiné plus à l’écoute qu’à la danse, ce style eut en particulier pour chefs de file Charlie Parker, John Birks Gillespie et Thelonious Monk. Binaire : subdivision de chaque temps d’une mesure en 2 croches. Blues : style vocal et instrumental d’origine nord-américaine. A ce style sont associés un phrasé, des échelles et des tournures mélodiques ainsi qu’un sentiment mélancolique. La structure qui a progressivement émergé consiste en 3 phrases de 4 mesures soutenues par les accords suivants dans sa version la plus simple (ici en do) : tonique (do) sur quatre mesures, sous-dominante (fa) sur deux mesures puis tonique (do) sur deux mesures à nouveau, deux mesures de dominante (sol), puis deux de tonique (do). Il est à noter que cette grille est généralement plus complexe, la tonique de l’avant-dernière mesure faisant par exemple souvent suite à une cadence sur la dernière mesure, qui ramène le début de la grille. Break (cassure, (cassure, pause) : Dans le passé, remplissage en général improvisé par un musicien pendant une pause de la mélodie en fin de phrase ; actuellement, passage joué par un musicien sans aucun accompagnement de la section rythmique. Broadway : rue de New-York où sont situés un grand nombre des " theaters" produisant produisant des comédies musicales. Source d’airs très populaires, celles des années 20 et 30 et en particulier celles des frères George (musique) et Ira (textes) Gershwin ont été à l’origine d’une partie importante du répertoire du jazz ( I Got Rhythm, Summertime…). Buzz : techni techniqu quee consis consistan tantt à obt obten enir ir avec avec la bagu baguett ettee un rebond rebond serré serré produi produisan santt un roulement, une masse sonore particulièrement dense. Il est employé le plus souvent sur la caisse claire. Parfois court et joué à une main, il peut également être exploité en roulement "buzz" en alternant chaque main afin que le son soit continu durant la période de temps désirée. Caisse claire : née au XIXè siècle, descendante du tambour militaire et de son timbre mais moins profonde et destinée à être jouée assis, la caisse claire constitue l’élément central central du set de batterie de jazz depuis ses origines. Charleston Charleston : élément de la batterie apparu en 1926 dont plusieurs batteurs se disputent la paternité. C’est un assemblage de deux cymbales placées horizontalement dont l’une est fixe et l’autre mobile grace à une pédale actionnée par le pied gauche. Chase : en français, chasse, poursuite. Joute opposant deux ou plusieurs instrumentistes qui à tour de rôle improvisent sur un nombre de mesures donné, le temps de leur interventions devenant de plus en plus court au fil des échanges. Chabada (ride rhythm) : onomatopée utilisée par les musiciens français pour désigner la figure rythmique fondamentale employée par les batteurs pour jouer le tempo sur la cymbale ride. A l’origine, cette figure fut exécutée sur d’autres éléments de batterie, en particulier la charleston durant la période swing. Coda : partie qui conclut un morceau. Continuo : j’emprunt j’empruntee à Georges Georges Paczyns Paczynski ki cette cette expressi expression on général généralemen ementt employ employée ée en rapport à la musique baroque, la basse chiffrée et la basse continue ; elle me semble en effet bien adaptée pour désigner le jeu, l’entretien de la pulsation que l’on trouve en jazz be-bop le
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plus souvent à la grande cymbale ride, à la grosse caisse et/ou aux cymbales charleston jouées au pied. "Cool" jazz : style de jazz "post-bop" qui s’est épanoui entre 1948 et 1955. Plus feutré et jouant plus sur la composition composition et l’arrangement l’arrangement que le be–bop sans sans pour pour autan autantt relie relierr l’improvisation, le jazz cool a cherché à créer un "son" d’ensemble jazz nouveau, plus détendu. L’influence du jeu du saxophoniste et précurseur Lester Young (qu’on peut en particulier entendre sur les enregistrements de l’orchestre de Count Basie des années 30) est impossible à ignorer. Crescendo : augmentation graduelle du volume sonore. Croches ternaires, croches swinguées : croches issues de la découpe ternaire du temps dont on ne joue à chaque temps que les premières et les dernières notes. Le rythme dit de s huffle correspond exactement à ce rythme de croches swinguées associées à un accent sur les 2è et 4è temps. Decrescendo : diminution graduelle du volume sonore. Doigtés : pour la batterie, choix de l’alternance de mains pour exécuter une figure rythmique. Pour les autres instruments, ce mot désigne le ou les doigts utilisés sur l’instrument. Echanges : moment d’un morceau où deux ou plusieurs musiciens improvisent chacun leur tour durant un nombre déterminé de mesures -généralement 4 mesures chacun, en particulier aux tempi medium-, et ce sur une partie de la grille ou une ou plusieurs grilles entières. Feeling : littéralement, en français, sentiment. Pour un musicien, on emploie ce terme pour désigner désigner d’un sens aigu et instinctif de la musique qui le conduit à communiquer communiquer une émotion à son auditeur. Fla : Appogiature brève issue du vocabulaire du tambour militaire français ; les deux mains sont jouées presque en même temps, la première note étant jouée piano juste avant la note principale qui se joue forte et telle qu’elle est écrite rythmiquement. "Free" Jazz : style musical qui s’est développé à partir des années 60. Défini par l’abolition de certaines des contraintes généralement associées à la pratique des autres styles de jazz, ce style a été en quelque sorte inauguré par l’album d’Ornette Coleman Free Jazz, dans lequel il n’y a ni grille ou structure conventionnelle habituelle ni "thème" au sens traditionnel du terme. Funk : appliqué au jazz de la période 1950, ce terme ne fait pas référence au mouvement qui a fait suite la soul, mais à au style hard-bop, énergique et direct, inspiré en grande partie par le gospe gospell et le blue blues. s. Ce styl stylee funky (littéralement : puant) fait référence à l’odeur de sueur associée à l’effort et la danse entre autres choses. En particulier, le groupe Art Blakey and his Jazz Messengers, Bobby Timmons ou Horace Silver popularisèrent ce style qui connut un certain succès dans les années 1950. Gospel (évangile) : musique religieuse noire américaine ayant émergé entre la fin du XIXè et le début du XXè siècle. Grille Grille : Relevé des accords et de la mélodie du thème d’un morceau. Cependant, au sens strict, une grille ne correspond qu’aux seuls accords écrits dans une suite de cases représentant les mesures. On parle aussi de grille pour désigner désigner le jeu des accords du thème avec le rythme harmonique harmonique du thème une fois en entier, structure qui se joue de manière cyclique dans l’essentiel du jazz. Une grille désigne alors une mesure de durée relative au morceau et à sa structure : chaque soliste qui improvise sur les accords ou la structure (pour les batteurs) joue un nombre déterminé de grilles. Hard-bop : style de jazz fortement empreint de gospel et de funk proche du blues, qui a pris naissance en 1953 avec la formation des Jazz Messengers dirigée par Horace Silver et Art 120
Blake y. Hi-Hat : voir charleston. Nuances : désigne les divers niveaux de volume sonore possibles, de piano (doucement) à forte (fort) pour l’essentiel. Ragtime : genr rag : syncop genree mu musi sica call basé basé sur sur l’em l’empl ploi oi de sync syncop opes es bina binair ires es ( to rag syncoper), er), rigoureusement écrit, d’abord pour piano puis pour l’orchestre, et dont l’origine remonte à la fin du XIXè siècle. Ride : grande cymbale servant généralement dans le cadre du jazz à jouer le tempo avec une seule main. Riff : : courte phrase musicale jouée plusieurs fois de suite. Rimshot : : coup de baguette donné simultanément sur le bord d’un fût ( rim) et sur la peau. Le 'rimshot" est généralement joué à la caisse-claire. Section rythmique : dans un big-band, partie d’un orchestre composée en général d’un piano, d’une guitare, d’une contrebasse et d’une batterie qui énonce clairement la pulsation, les accords et la ligne de basse. Dans les petites formations (ou combos), on a la même chose, le plus plus souve souvent nt sans sans la guit guitare are.. Dans Dans tou touss les cas, cas, cett cettee parti partiee de l’orch l’orchest estre re fourni fournitt les les fond fondem emen ents ts du disc discou ours rs mu musi sica call qui qui serv serven entt de cadr cadree à l’ex l’expo posi siti tion on d’un d’un thèm thèmee ou l’improvisation l’improvisation d’un soliste. Standard : : air populaire ou morceau de jazz qui a résisté à l’épreuve du temps. Stickshot : : son obtenu en frappant une baguette contre une autre, cette dernière ayant son olive en contact avec la peau -la caisse servant alors de caisse de résonance. Swing : style et période du jazz ( Swing Era) se situant entre 1935 et 1945 et correspondant à l’essor des "big bands" et du jazz pour la danse. On l’appelle également middle jazz. Syncope : appui sur un temps fort ou une partie forte du temps suivi ensuite de temps faibles ou de parties faibles du temps jusqu’à une résolution sur un temps fort ou une partie forte du temps. Ternaire : subdivision de chaque temps d’une mesure en 3 croches. Walk, walking, walking bass : à la contrebasse, contrebasse, jouer une walking bass consiste à produire une note par temps en parcourant les fondements des accords, jouant ainsi les fondamentales des accords tout en produisant des lignes mélodiques fluides et souvent conjointes. 32 mesures AABA : structure particulièrement fréquente dans le jazz, elle correspond à la découpe d’un thème en quatre sections de 8 mesures (16 pour le 64 mesures AABA). Une première idée A est exposée, répétée (généralement avec une fin différente), puis intervient une idée contrastante contrastante souvent modulante -B-, avant qu’on ne reprenne l’idée A qui se termine alors de manière conclusive. 32 mesures AA’ : dans cette structure, une idée A de 16 mesures est exposée avant d’être partiellement reprise, la deuxième section de 16 mesures divergeant de la première vers sa moitié, ce développement amenant une fin conclusive. 48 mesures ABA : structure ternaire (trois fois 16 mesures) relativement plus rare ; une première idée A est exposée une fois avant de mener directement à une idée contrastante B qui ramène alors à la première idée, cette fois dotée d’une fin conclusive.
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DOCUMENTS UTILISES
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Bibliogr!"ie #i(res généralistes
L’odyssée du Jazz BALEN Noël COOKE Mervyn Chronique du Jazz BERGEROT Frank et MERLIN Arnaud Découvertes Gallimard, Paris,1995
Editions Liana Levi, Paris, 1993 Editions Abbeville, Paris, 1997 L’épopée du jazz – 2/ Au-delà du bop
1rticles de dictionnaires, catalogues et anthologies anthologie s
Portraits Portraits en Jazz, articles " Kenny Clarke, batteur-choc" , " Max Roach, GERBER Alain « algébriste du rythme »" et gagne" Renaudot et Cie ; Paris, 1990 et " Max Roach joue et gagne" The New Grove Dictionary of Jazz , article " Max Roach" Macmillan, Londres, 1988 Dictionnaire du CARLES Philippe, CLERGEAT André et COMOLLI Jean-Louis jazz, articles " batterie" et et "Max Roach" Robert Laffont, collection Bouquins, Paris, 1994 Autobiographie du Jazz , articles "Charli Charliee Parker" Parker",, "Kenny "Kenny Clarke" Clarke",, REDA Jacques "Clifford Brown" et "Max Roach" Editions Climats, Paris, 2002 Les Génies du Jazz, vol 4, article "Max Roach" Editions Atlas, 1990
2iographies et entre(ues
TERCINET Alain GERBER Alain 2001 TAYLOR Arthur POSTIF François
Parenthèses Parenthèses , Paris, 1998 Clifford Brown – Le roman d’un enfant sage
Parker’s Mood
Fayard, Fayard, Paris,
Notes And Tones Tones : Musician Musician To Musician Musician Interviews Interviews Da Capo Press, New York, 1993 Jazz Me Blues : interviews et portraits de musiciens de jazz et de blues Editions Outre Mesure, collection Contrepoints, Paris, 1999
Méthodes et ou(rages spécialisés sur la batterie
PACZYNSKI Georges Stanislas Une histoire de la batterie de jazz – Tome 1 : des origines aux années Swing Editions Outre Mesure, collection collection Contrepoints, Contrepoints, Paris, 1997 (articles Cozy Cole, Papa Jo Jones, Big Sydney Catlett en particulier) Une histoire de la batterie de jazz – Tome 2 : le be-bop et les chemins de traverse Editions Outre Mesure, collection collection 123
Cont Contre repo poiints nts, Paris, ris, 2000 000 Max Roach en particulier) particulier)
Kenny Clarke Clarke et (art (artiicles les Kenny
MINTZ Billy Different Drummers Amsco Music Publishing, 1975 Contient une section dédiée au style de Max Roach (exercices “dans le style de” et quelques relevés de solos). J’ai choisi de peu me servir de cet ouvrage car les solos n’appartiennent n’appartiennent pas à la période étudiée et les exercices, quoique très intéressants quant au vocabulaire roachien, ne sont rattachés à aucun contexte. RILEY John The Art Of Bop Drumming Manhattan Music Publications, New York, 1994 Méthode pratique sur l’art de l’accompagnement et du solo dans un contexte jazz bop (nombreux exercices d’indépendance et de phrasés caisse claire, ainsi que caisse clairegrosse caisse), comportant de nombreux conseils et citations. La section sur le solo comporte des conseils quant aux procédés de développement des idées, l’usage des toms, les phrases de 3 temps dans le 4/4 tout en insistant sur l’importance de l’utilisation de « logique créative »dans le développement des solos. Art Of Drumming –An Drumming –An In-Depth Approach Approach Advance Music, 1993 KAUFMAN Robert The Art Ouvrage très complet partant du geste, de la frappe et du son, de la technique pour arriver à l’étude de nombreux solos de maîtres tels Elvin Jones et Roy Haynes (Max Roach n’est cependant pas illustré), et ce en passant par des exercices d’indépendance et de phrasé, ainsi qu’une méthode d’apprentissage des principes de solo sur une forme, en commença=t par le blues. DAYAN Jean-Luc Au fond du temps Editions Salabert, Paris, 1996 Méthode allant au fond des problèmes de rythme, de métrique, de polyrythmes et d’équivalences rythmiques. DEJOHNETTE Jack & PERRY Charlie The Art of Modern Jazz Drumming Drum Center Publications , New York, 1979 Section approfondie sur l’usage de phrases de 3 temps dans du 4/4 ( Meter Within Meter , p. 16). SIRON Alain La partition intérieure – Jazz et musiques improvisées Editions Outre Mesure, Paris, 1992 Ouvrage de référence sur les processus liés à l’improvisation et les cadres musicaux divers dans lesquels elle a le plus souvent lieu.
Re(ues
Entretien Entr etienss avec Max Roach : JALARD Michel-Claude, « Un poète de la batterie à Paris » , Jazz Magazine no 58, avril 1960 SIDRAN Ben, « Max: La tête et les jambes », Jazz Magazine no 370, avril 1988 ROSSI Christophe, « Max Roach, Roach, le révoluti révolutionna onnaire ire », Batteur Magazine no 20, mai-juin 1989 PEREMARTI Thierry, « Free drum now suite », Jazz Hot no no 474, mai 1990 « Jazz anzi musica anzi architectura », Musica Jazz, année 56 no 1, janvier 2000
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6ocuments /idéo Malgré mes efforts dans le domaine, je n’ai pu trouver de documents vidéo montrant Max Roach avec Charlie Parker et dans le cadre du quintette. Seuls des documents photo ont pu être utilisés pour ces périodes. Cent ans ans de jazz : . les racines . la révolution du Bop (49’) . All That Jazz
Documentaire à visée généraliste de Clément Fléouter. Jazz Collection - Max Roach Documentaire de 52’ de Jean-Noël Cristiani, produit par ExNihilo (1997), réalisé avec la participation de Max Roach, qui apparaît tout au long du documentaire. Max, face caméra, raconte sa vie en alternance avec une voix off qui commente photos, pochettes pochettes de disques, documents vidéos et fait fait le lien entre entre les les interventions interventions de Max. Max. Ce docume document ntair airee const constitu ituee une référe référence nce imp import ortant antee sur le sujet, sujet, prése présenta ntant nt la vie et les les influences de Max, le tout illustré par de nombreux extraits de concert ou d’enregistrement.
Tribute To Charlie Parker, 1989, Feeling productions/La Sept/ Le Centre Audiovisuel de Paris (55’). Extraits d’une répétition et d’un concert enregistré à la Grande Halle de la Villette, ainsi qu’un entretien -relativement bref- avec Dizzy Gillespie et Max Roach. Jackie McLean : sax alto ;Phill Woods : sax alto ; Stan Getz :sax ténor ; Dizzy Gillespie : tptte ; Milt Jackson : vibraphone ; Hank Jones : piano ; Percy Heath : contrebasse ; Max Roach : batterie Extraits de répétition et de concert, dans l’ordre : Yardbird Suite, Steeple Chase, Groovin’ High, Con Alma, ‘Round Midnight , Confirmation, Hot House, Cherokee, Night In Tunisia.
Abbey Lincoln is Documentaire de 52’ de Paul Raoux, produit par Local Films / Nicolas Brevière. Documentaire Documentaire biographique sur Abbey Lincoln, Lincoln, comportant de nombreux extraits de concert, ainsi que quelques informations sur Abbey Lincoln et Max Roach.
Je n’ai pas réussi à me procurer une vidéo de Max Roach, Max Roach- In Concert/In Session , qui le montre en récital solo et en session d’enregistrement.
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Sites eb Ayant accédé à ces sites plusieurs fois sur une période de plusieurs mois (septembre 2002 septembre 2003) je me trouve dans l’impossibilité d’indiquer le jour et l’heure exacts de leur consultation. http://www.ejn.it/mus/roach.html biog biogra raph phie ie réce récent ntee de Max Max Roac Roachh et disc discog ogra raph phie ie sélective http://www.jazzscript.co.uk/life/roachlife.html courte courte bio biogra graphi phie/c e/chro hronol nologi ogiee de Max Max Roach http://www.downbeat.com/artists/artist_main.asp court ourtee bio biogra graphie hie de Max Max Roac oach et archives avec quelques articles. http://www.members.tripod http:// www.members.tripod.com/~hardb .com/~hardbop/roach.ht op/roach.html ml biographie de Max Roach signée Olly Wilson, extraite du New Grove Dictonnary of Jazz http://members.tripod.co http://member s.tripod.com/~hardbop/p m/~hardbop/philly.html hilly.html biog biogra raph phie ie de Ph Phil illy ly Joe Joe Jone Joness sign signée ée Micheal Ullman, extraite du New Grove Dictonnary of Jazz. http://www.angelfire.com/mac/keepitalive/drummers/roach.html courte biographie de Max Roach avec photos. http://www.jazzdisco.org discographies discographies complètes de nombreux artistes de jazz, avec liste des sessions, des disques, des morceaux et des prises. Comprend celle de Sonny Rollins et celle (http ://www.jazzdisco.org/b ://www.jazzdisco.org/brownie-dis/ rownie-dis/)) de Clifford Brown, donc celle, entre autres, du quintette Clifford Brown-Max Roach. http://www.culturekiosque.co/ja www.cultur ekiosque.co/jazz/miles/rhem zz/miles/rhemile29.html ile29.html article et entrevue avec Max Roach Max Roach: From Hip Hop to Bebop , Mike Zwerin, 14 January 1999) ( Max http://www.homepage.mac.com/tsosiek relevés de solos de plusieurs trompettistes, avec éléments d’analyse. d’analyse. Y figurent les solos (en si bémol) de Clifford Brown sur la master take de Joy Spring et sur Parisian Thoroughfare . http://www.shout.net/~jmh/ ce portail donne accès à de nombreux sites, transcriptions et articles sur la trompette et un certain nombre de trompettistes de jazz dont Clifford Brown (on y trouve plusieurs articles pertinents sur son sujet).
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6iscogr!"ie Je ne cite ici que les disques que j’ai pu écouter, et non tous les disques enregistrés par Max Roach durant les périodes indiquées.
Période étudiée 789:4-89:3)
Clifford Brown and Max Roach (EmArcy MG 26043, MG 36036) Reissuing Clifford Brown and Max Roach (alternate takes de The Blues Walk, Daahoud et Joy Spring) Clifford Brown + Strings (EmArcy MG 36005) Brown-Roach Inc (EmArcy MG 36008) Study In Brown (EmArcy MG 36037, EP 1 6136) More Study In Brown (EmArcy [J] 195J 1) Alone Together –Clifford Brown & Max Roach –The Best Best Of The Mercury Years (Verve)
Anthologie retraçant la période 1954-1960 pour Clifford Brown, Clifford Brown et Max Roach, puis pour Max Roach seul. Sonny Rollins-Saxophone Colossus (Prestige PRLP 7047, PRLP 7657 ; session du 22 juin 1956)
Période antérieure (avec Max Roach)
Bird Live At The Roost (vol 2 & 4) The Best Of Charlie Parker (Savoy) Charlie Parker- A Night In Tunisia (Dreyfus Jazz) The Complete Birth Of The Cool Sessions (Capitol –sessions avec Max Roach : 21 janvier 1949, 9 mars 1950 ; live : 4 et 18 septembre 1948) The Amazing Bud Powell -Volume I (Blue Note –session en trio avec Max Roach : 1er mai 1951) The Greatest Jazz Concert Ever (Debut, (Debut, Enja ; 1953)
(sauf cont contrere-in indic dicat atio ion, n, disqu disques es sous sous le nom de Max Max Période postérieure (sauf Roach )
Max Roach Plus Four (EmArcy, (EmArcy, octobre 1956). Nouveau quintette avec Sonny Rollins , Ray Bryant et Kenny Dorham. Thelonious Monk- Brilliant Corners (Riverside RLP 226, RSLP 1174 ; 1956)
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Jazz In 3/4 Time (1957) Sonny Rollins- The Freedom Suite (1958) The Max Roach 4 plays Charlie Parker (Kenny (Kenny Dorham, Hank Mobley, Nelson Boyd ; Mercury Jazz ; 1958). Quartette sans piano ; Max Roach prend des solos sur la forme sur chaque morceau qui n’est pas une ballade, revisitant ainsi à sa manière les classiques qu’il avait enregistré avec Charlie Parker. We Insist ! Freedom Now Suite (août-septembre1960). Important disque politique de la carrière de Max Roach. Avec Coleman Hawkins et Booker Little. Newport Rebels (Candid, novembre 1960). Ce disque rend compte d’un festival alternatif de jazz, monté par un certain nombre de jazzmen en protestation protestation au festival de Newport Newport qui était devenu avant tout commercial. Ce disque présente l’intérêt de réunir deux générations de jazzmen (entre autres Charles Mingus et Eric Dolphy contre Roy Eldrige et Jo Jones), et permet d’entendre Max Roach jouer avec un de ses modèles, Jo Jones. Percussion Bitter Sweet (Impulse ;1961)
Duke Ellington- Money Jungle (United Artists 5632 ; 1962) The Max Roach Trio –featuring the legendary Hassan (Atlantic ; 1965) Drums Unlimited (Atlantic (Atlantic ; 1966). Disque capital, qui contient trois des premières pièces entièrement solo de Max Roach ( Drum Conversation, For Big Sid et et The Drum also Waltzes ) M’Boom Re :Percussion (1973) The Max Roach Quartet – Pictures In a Frame (Mercury Records ; 1979) Max Roach and Cecil Taylor –Historic Concerts (Soul Note 1100/1, 1979) Max Roach –M’Boom –M’Boom (Columbia, 1980) To the Max ! Max Roach (Enja, 1991) With Chor Chorus us and and Orch Orchest estra ra ; The The Max Max Roac Roachh Qu Quar artet tet ; The The Do Doub uble le Qu Quar artet tet (With featuring The Uptown String Quartet ; M’Boom
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