Chapitre 2 – L’économie keynésienne : le principe de la demande effective et les déterminants de la demande globale
Section 1 – Le contexte historique et les principes fondamentaux de la Théorie Générale
1) Le cadre historique : l’énigme de la crise et du chômage La théorie classique nous explique que le monde est harmonieux, mais la réalité r éalité économique contredit cette théorie, notamment dans l’entre-deux guerres (fort chômage, pénuries...). Keynes publie la Théorie Générale de l’Emploi et de la Monnaie (Théorie (Théorie Générale). La Grande Crise de 1929 jette à la rue des millions de personnes. Le chômage anglais remonte à 1922, bien avant la Grande Crise, et fait suite à la fin de la première guerre mondiale. Le taux de chômage anglais oscille entre 10 et 20% durant l’entre-deux guerres. Il n’y a donc pas de plein emploi. Ce chômage massif s’explique par le fait que les industries d’exportations entrent en crise au l endemain de la première guerre mondiale car les industries d’exportations traditionnelles sont plombées par la hausse des prix pendant la guerre, ce qui entraîne une perte de compétitivité pour ces industries. Il aurait fallu parvenir à faire baisser les prix, où alors à dévaluer la monnaie. Pour des raisons de prestige international, l’Angleterre a fait le choix de rétablir l’ encrage de la monnaie britannique à l’étalon or (rétablissement de la parité or de la livre sterling d’avant guerre). La voie de la dévaluation n’a donc pas été choisie. Il restait comme solution de peser sur les coûts de production, en essayant de faire baisser les salaires. S’ensuit une série de conflits sociaux, de grèves et de manifestations (notamment dans les mines, car on proposait aux mineurs une baisse de 25 % de leur salaire). Pour les classiques l’insuffisance de flexibilité des salaires est la cause de la montée m ontée du chômage. Jacques RUEFF écrivait en 1925 que « la cause immédiate du chômage généralisé consiste dans le défaut d’adaptation des salaires au niveau général des prix ». Le chômage résulte donc de l’attitude des salariés et des syndicats.
Keynes est déjà très connu avant la publication de son ouvrage, il a par exemple participé aux négociations du traité de Versailles. D’ailleurs, pour Keynes les plans de réparations imposées à l’Allemagne sont trop importants... Dès avant la Grande Crise, cet auteur plaide pour la mise en place d’une politique de grands travaux en Angleterre. Keynes explique, avant 1929, que si la situation économique de l’Angleterre est bloquée, cela est dû au comportement frileux des chefs d’entreprises : « nous avons besoin d’une secousse, d’une accélération ». Pour Keynes, l’Etat doit avoir des responsabilités économiques plus lourdes. Keynes se demande alors comment établir, d’une manière scientifique, la rationnalité de l’intervention l ’intervention publique. La grande crise de 1929, qui s′est propagée à l′ensemble des économies, n′a que peu fait réagir les gouvernements. Si on prend pr end l′exemple de la France dans les années 30, l′idée que l′Etat doit réduire son train de vie devient une obsession. Les gouvernements Daladier puis Laval mettent en place des politiques restrictives. Il faudra attendre 1936 pour voir des politiques keynésiennes mises en place. Aux Etats-Unis, Roosevelt va m ettre en place
le New Deal, politique dans laquelle le gouvernement intervient de manière conséquente (construction de centrales électriques, soutient au prix agricoles...) ==> politique moins libérale que ses prédécesseurs. Dans les années 30, avant même la parution de la Théorie Générale de Keynes, les économistes commencent à penser que l′Etat doit intervenir dans la régulation de l′économie. Il manque cependant quelqu′un qui théorise ceci, d′une manière scientifique. C′est Keynes qui s′en chargera, la Théorie Générale est publiée en 1936. Keynes a bien l′idée qu′il va révolutionner et apporter une pierre décisive à la théorie macroéconomique. Keynes pense que l′Etat doit aider le capitalisme à surmonter ses difficultés, mais attention, il n′est pas un auteur socialiste.
2) Les principes fondamentaux de la Théorie Générale
Le titre : Théorie Générale de l′emploi, de l′intérêt et de la monnaie. Il apporte une théorie de l′emploi, et non pas de l′ensemble des faits économiques. Son auteur veut mettre en lumière les processus qui déterminent le niveau de l′emploi. Pour Keynes il ne faut pas compter sur les mécanismes auto-régulateurs du marché pour atteindre le plein emploi. Il faut donc une politique volontariste. Autre information donnée par le titre : « l′emploi, l ′intérêt et la monnaie ». Avec Keynes on va quitter la dichotomie propre aux classiques, Keynes va expliquer les relations entre les phénomènes réels et monétaires, et il n′y a plus de séparation comme le disaient les classiques. Keynes refuse la conception classique du marché du travail . Deuxième caractéristique : chez Keynes les marchés s′ajustent non pas par les prix mais par les quantités. Il y aurait des phénomènes de rigidité des prix sur le marché du travail. Troisième caractéristique : l ′économie keynésienne est une économie de la demande. C′est l ′état de la demande qui va conditionner la production des entreprises. Par conséquent, si les entreprises produisent elles ne sont pas certaines de pouvoir écouler leur production. La demande est anticipée par les entreprises, et modulent la quantité d′offre. Autre caractéristique : l ′économie keynésienne est une économie d′incertitude, une incertitude non propabilisable (incertitude radicale), dans un monde où nous ne savons presque rien...Pour Keynes, la méthode classique est invalididée, du fait que notre connaissance du futur soit très faible, incertaine...Keynes dit que les investisseurs sont menés par des « esprits d′animaux », et ils choisiront d′investir ou non selon leur humeur pessimiste ou optimiste. Enfin, la dernière remarque qu′on peut faire sur l′économie keynésienne, c′est qu′elle est une économie monétaire. La monnaie prend chez cet auteur un rôle plus étendu que chez ses prédécesseurs, les grandeurs économiques sont des grandeurs monétaires (rupture avec les théoriciens classiques qui l′ont précédé).
Section 2 – Le principe de la demande effective
Keynes veut rompre avec ses prédécesseurs, qu′il qualifie de classiques. Bien qu′il s ′attaque à eux, il utilise certaines de leurs notions, y compris les notions de demande effective, de prix d′offre ou de prix de demande. Keynes explique que dans l′économie il n′y a rien de spontanné, il n′y a rien d′automatique pour la réalisation du plein emploi. Autrement dit, il peut y avoir, d′une manière durable, des situations de chômage. La demande globale, telle que les entreprises l′anticipent, peut les conduire à mettre en oeuvre une production trop modeste pour utiliser toute la main d ′oeuvre disponible.
1) Les concepts de prix d’offre globale et de prix de demande globale
a) Prix d′Offre Globale (POG)
Définition de Keynes : c′est « le produit attendu qui est juste suffisant pour qu′aux yeux des entrepreneurs il vaille la peine d′offrir ce volume d′emploi » (on entend par « produit » les recettes). La fonction d′offre globale est notée par Z = phi (N) N étant le nombre d′emplois et Z le prix de l′offre globale (coûts de production et profit minimum). La fonction Z, la fonction d′offre globale, est une courbe convexe, c′est une fonction croissante à taux croissant (monotone croissant, avec une pente croissante),les rendements sont croissants. Elle est représentée par l a courbe de WEINTRAUB, avec N en abscisse, et les recettes anticipées en ordonnée. La fonction Z d′offre globale a une allure exponentielle. Plus la quantité d′emploi augmente et plus le niveau de recettes nécessité par les entreprises est élevé.
b) Le Prix de la Demande Globale (PDG)
Définition de Keynes : il s′agit du « produit (recettes) que les entreprises espèrent tirer de l ′emploi de n personnes ». Ce sont, les recettes anticipent comme dépenses de la part des agents. Keynes écrit la fonction de demande globale D = f (N). Dans la demande globale on a la demande de consommation et la demande d ′investissement. La courbe que propose Weintraub est une fonction concave croissante à rendements décroissants (type logarithmique).
2) Le point de demande effective
Les fonctions d′offre globale et de demande globale peuvent se rencontrer. Il existe un point et un seul où convergent les deux fonctions. Ce point est ce que Keynes appelle « le point de demande effective », qu′on peut noter N*, où se détermine le niveau d′emploi. Keynes dit que « nous appelerons demande effective le montant des recettes attendues D au point de la courbe de demande globale où elle est coupée par celle de l′offre globale ». Par conséquent, le point d′équilibre définit le niveau de l′emploi pour lequel ce que les agents vont dépenser va correspondre à ce qui est attendue par les entreprises. La demande effective est anciticipée par les entreprises, c′est un niveau espéré, prévisionnel. Une fois que les enteprises anticipent le niveau de demande, elles mettent en oeuvre la production pour y répondre...
3) Demande effective et emploi
Pour Say, en vertue de la loi des débouchés, il y a une égalité entre l′offre et la demande globale, et ce quel que soit le niveau de la production. Chez Keynes, l′égalité entre offre et demande globale n′est valide que pour une valeur particulière de N (quand N=N*). Est-ce que le volume N* est un volume de plein emploi ? Rien ne garantit que le niveau d′emploi d′équilibre soit égal au niveau de plein emploi. Il est possible que N* soit inférieur au N plein emploi. L′écart, qui peut durer longtemps, est du chômage involontaire. L′état de la demande n′épuise pas toute la quantité de main d′oeuvre disponible. En règle générale, rien ne garantit le plein emploi, ce serait au contraire tout à fait un hasard. Lorsqu′il y avait du chômage, les économistes classiques préconisaient une baisse des salaires. Mais, si les salaires réels baissent, cela va réduire le niveau de la dépense de consommation des ménages, ce qui va réduire le niveau de la demande globale (effet pervers). La théorie de la demande effective est la clé de voûte du système keynésien. Il peut y avoir un chômage durable et involontaire, dont la baisse des salaires réels ne serait pas la solution. C′est donc l′Etat qui doit intervenir pour stimuler la demande. Les pouvoirs publics doivent veiller à ce maintenir une forte demande globale, afin de soutenir l′activité économique.
Section 3 – La fonction de consommation La consommation dont il est question est la consommation finale des ménages. On la distingue des consommations intermédiaires des entreprises.
1) La position de Keynes
Pour les classiques comme pour Keynes, le revenu se ventile entre consommation et épargne. La distinction est que pour les classiques les agents déterminent tout d′abord leur épargne, en fonction du taux d′intérêt, la consommation serait une sorte de résidu, c
′est ce qui reste du revenu des agents une fois qu′ils ont déterminés leur niveau d′épargne : C = Y - E(i). Chez Keynes au contraire, les agents détermineraient d′abord leur consommation en fonction du revenu, et l′épargne serait alors un résidu : E = Y – C (Y). La loi psychologique fondamentale (c′est une loi qu′il invoque sans la justifier, ni par la théorie ni par les faits) : « les hommes sont disposés en règle générale à accroitre leur consommation quand leur revenu augmente, et cet accroissement de la consommation est moindre que l′accroissement du revenu » . L′hypothèse keynésienne est double : la consommation est supposée augmenter avec le revenu l′accroissement de la consommation est plus faible que l ′augmentation de revenu qu′il a engendré •
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Ainsi, au sein d′une communauté, lorsque le revenu augmente, la part allouée à la consommation diminue (le ratio C / Y (décroissant avec le revenu) c′est la propension moyenne à consommer).
Pour les classiques, l′équilibre est nécessairement un équilibre de plein emploi, mais pour Keynes l′équilibre peut présenter du chômage ...
La loi psychologique fondamentale énonce le fait que quand le revenu global augmente la consommation augmente de manière moins rapide que n′augmente le revenu. Le ratio consommation sur revenu global est ce qu′on appelle la propension moyenne à consommer. C′est une loi que Keynes « invente » parce que ça l′arrange, mais il ne la démontre pas de manière scientifique. La propension moyenne à consommer C / Y diminue quand Y (le revenu) augmente.
La propension marginale à consommer c′est le ratio de la variation de la consommation sur la variation du revenu : delta C / delta Y. On peut se demander comment évolue la propension marginale à consommer lorsque le revenu progresse. Keynes laisse entendre que la propension marginale, comme la propension moyenne à consommer, diminue lorsque le revenu augmente. Il faut retenir de la loi psychologique fondamentale que la propension moyenne à consommer diminue quand le revenu augmente. S′agissant de la propension marginale à consommer, Keynes laisse entendre qu′elle diminue sans l ′argumenter plus que ça...
Représentation algébrique et graphique
On représente le plus souvent la fonction de consommation sous la forme C = C0 + c Y •
C0 est la consommation incompressible
c est la propension marginale à consommer, elle est comprise entre 0 et 1 Y est le revenu •
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La fonction de consommation de Keynes présente 3 aspects : • • •
il existe une consommation incompressible une propension marginale à consommer croissante une propension moyenne à consommer qui diminue
Il existe une représentation de la fonction de consommation dans laquelle la propension marginale est décroissante, c′est une fonction concave. Dans ce cas la propension marginale à consommer est la pente de la tengeante à la fonction.
Aux yeux de Keynes, la relation entre C et Y est une relation stable. La stabilité de la fonction de consommation est une condition de solidité de l′analyse de Keynes. Si la consommation est une fonction de revenu, alors l′épargne est aussi une fonction du revenu.
La fonction d′épargne
S=Y–C S/Y=1–C/Y s=1–c où c = propension moyenne à consommer et s = propension moyenne à épargner
S = Y – c Y – C0 S = Y (1 – c ) - C0 S = s Y – C0 L′épargne c′est la propension moyenne à épargner par l a consommation moins la consommation incompressible.
2) Les tests de l′hypothèse keynésienne
Les résultats statistiques sont, comme souvent, un peu ambigüs : il y a certains aspects de l′analyse keynésienne qui sont validés par les tests, mais certains autres ne le sont pas. On peut dire que sur des périodes de quelques années (10 ans) les premiers résultats empiriques sont plutôt encourageants pour l′analyse de Keynes. La fonction de consommation empirique est à peu près équivalente à la fonction de consommation de Keynes. La vérification dans les faits de la consommation des ménages (américains pour l ′étude) est fidèle à la fonction décrite par Keynes. Pour conclure, on peut dire que les lois économiques sont des lois circonstencielles, un résultat trouvé à un moment donné ne sera pas forcément vrai encore quelques années plus tard. La science économique est une science humaine.
Les études empiriques de Simon KUZNETS sur la fonction de consommation keynésienne sont des études menées après la deuxième guerre mondiale et elles viennent jetter le trouble dans le camp keynésien. Les tests portent sur une période beaucoup plus longue : 1870 – 1940. Il montre que sur cette période de 70 ans la propension moyenne à consommer est constante et voisine de 0,86. Si la propension moyenne à consommer est constante, cela veut dire que le comportement de consommation des ménages peut êter représenté non plus par une fonction dotée d′une consommation incompressible mais d ′une fonction linéaire qui part de l′origine et dont la pente est de 0,86. Si la propension moyenne à consommer est constante et égale à 0,86, alors la propension marginale à consommer est égale à la propension moyenne.
Section 4 – La théorie de l’investissement
La présence de cycle était très fréquente au 19ème siècle, et on distinguait des phases d ′expension, des crises, des phases de dépression, une reprise et ainsi de suite... On distingue des cycles moyens, dits Juglar (10 ans à peu près) ou des cycles plus longs plus longs (40 à 50 ans) dits Kondratieff. C′est Schumpeter qui a largement étudié les phénomènes de cycles, qui résulteraient de l′évolution du progrès technique. L′économie classique, qui est une économie où tout est censé se passer pour le mieux, se trouve un peu contrarié par l′existence de cycles, et donc de phases de récession. Ils ont expliqué que les mouvements économiques pouvaient s′expliquer par des aléas « naturels » comme la guerre, la famine...et petit à petit on s′est mis à expliquer que les cycles pouvaient s′expliquer par des phénomènes propres à l′économie. On a alors parler de l′effet de l′investissement...
1) Analyse pré-keynésienne : le principe d’accélération chez A. Aftalion et J.M. Clark
On produit dans l′activité économique des biens de consommation et des biens de production. Aftalion et Clark explique quand les consommateurs achètent des biens de consommation, les entreprises vont devoir investir pour assouvir la demande de consommation des agents, en investissant dans des biens de production notamment (machines...). Lorsque la demande est rassasiée, on arrête de produire des biens de production...on entre alors dans une phase de récession, car baisse de l′activité économique. Les cycles résultent du défasage entre la demande de biens de production et les besoins de biens de production...
2) La fonction keynésienne d’investissement
Les entreprises mettent en oeuvre les investissement, en commençant par les activités qui génèrent un TIR (taux interne de rendement) élevé. Tous les investissement dont le taux interne de rendement est supérieur au taux d′intérêt sont réalisés. Si le taux d′intérêt baisse, alors on réalisera davantage d′investissements. Il existerait alors un moyen de doper l′investissement, ce serait pas la baisse du taux d′intérêt. Keynes parle d′EMC (efficacité marginale du capital), c′est la rentabilité du capital, l ′équivalent du TIR, et il doit être comparé au taux d′intérêt. L′efficacité marginale du capital décroit lorsque les investissements se multiplient. On investit tant que l′EMC est supérieure au taux d′intérêt. Keynes considère que l ′EMC dépend, du point de vue des entreprises, de l′anticipation de leurs recettes futures. Lesquelles recettes dépendent d ′évènements qu′on ne peut pas prévoir aujourd′hui. Pour Keynes « si la baisse des taux d ′intérêts constituait par elle même un remède efficace, la reprise pourrait être obtenue en un cours labs de temps. Ce n′est pas ainsi que les choses se passent », l′efficacité marginale du capital résulte pour Keynes de la confiance des chefs d′entreprises dans l ′activité économique. La fonction d′investissement est en réalité une fonction capricieuse