LA CIGARETTE ÉLECTRONIQUE SUR LA SELLETTE
SOCIÉTÉ – PAGE 12 ET CAHIER ÉCO – PAGE 6
FOOTBALL : MONAC0 JOUE AVEC L’ARGENT RUSSE
Avec les rebelles syriens dans les montagnes près du Liban ENQUÊTE ET PLANTU – PAGES 20 À 22
SPORT & FORME – SUPPLÉMENT
Samedi 1er juin 2013 - 69e année - N˚21264 - 3.50 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr ---
Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice : Natalie Nougayrède
Allocations, quotient familial: la gauche redoute la polémique t L’exécutif pourrait
arbitrer, lundi 3 juin, en faveur d’un plafonnement accru du quotient familial, ce qui augmenterait l’impôt sur le revenu des familles. Objectif : économiser 2 milliards d’euros
t François Hollande voulait
à l’origine placer sous condition de ressources les allocations, mais redoute de remettre en cause le principe d’universalité de 1945. Comme Lionel Jospin en 1998, il pourrait reculer
Si près du trône...
Charles, prince atypique t A 64 ans, l’héritier de la Couronne
britannique joue déjà un rôle de régent
t L’impact sur la
démographie devrait être limité: la forte natalité repose sur une politique familiale globale, des allocations aux gardes d’enfants, favorisant le travail des femmes LIRE PAGE 6
SIX MOIS D’ART INSOLENT À VENISE M LE MAGAZINE DU « MONDE » ●
UNIQUEMENTENFRANCEMÉTROPOLITAINE,ENBELGIQUEETAULUXEMBOURG
t La Biennale d’art présente plus de 200 artistes dans la cité des Doges. Exposé notamment dans une église, le créateur et dissident chinois Ai Weiwei scénarise ses 81jours de mise au secret dans son pays
AUJOURD’HUI
«S.A.C.R.E.D. », d’Ai Weiwei, dans l’église Sant’Antonin, à Venise.
CULTURE – LIRE PAGE 13 ET « TIANANMEN, LA MÉMOIRE INTERDITE », SUPPLÉMENT « CULTURE & IDÉES »
AFP
UK price £ 1,70
Europe: l’éternel pas de deux français
E
n moins de 48 heures, la France a, une fois de plus, manifesté sa schizophrénie à l’égard de l’Europe. Mercredi 29 mai, François Hollande peste contre l’harmonisation économique européenne telle que l’a prescrite Bruxelles. Jeudi 30, il vante les progrès vers un « gouvernement économique » de la zone euro… Allez y comprendre quelque chose ! Ce n’est pas affaire de droite ou de gauche. Nicolas
ÉDITORIAL Sarkozy était dans le même registre. Quand il s’agit de l’Europe, l’ADN national est divisé : rhétorique souverainiste un jour, pratique proeuropéenne le lendemain – ou le contraire. M. Hollande complète ce que Nicolas Sarkozy avait impulsé depuis le début de la crise grecque. Le président a obtenu jeudi de la chancelière Angela Merkel, qu’il recevait à Paris, ce que la France réclame depuis longtemps : l’ossature d’un gouvernement économique de la zone euro. C’est une bonne chose, que l’UMP et la gauche de gouvernement dans son ensemble s’honoreraient à saluer. Mme Merkel dit oui aux propo-
sitions que M.Hollande a formulées dans sa conférence de presse du 16 mai. L’eurozone va se doter d’un président à plein temps. Il sera chargé de coordonner les politiques budgétaires et sociales des 17 membres de l’union monétaire européenne. C’est un pas de plus dans l’intégration de la zone euro. Elle se dote de cette « deuxième jambe », chère à Jacques Delors : à une politique monétaire unifiée doit correspondre une politique budgétaire harmonisée. Chacun y va avec quelques arrière-pensées. Pour l’Allemagne, cette évolution doit favoriser les réformes de structures destinées à rétablir la compétitivité de l’Europe. Pour la France, le gouvernement économique doit contrebalancer le poids de la Banque centrale européenne (BCE). Mme Merkel va prendre M. Hollande au mot. Le président français a dit jeudi qu’il fallait « harmoniser » « nos systèmes fiscaux », la « politique sociale », les minima salariaux et améliorer « la compétitivité », notamment. On l’approuve, sans réserve. La direction est la bonne. Mais alors on comprend d’autant moins la crise de mauvaise humeur qui a saisi M. Hollande,
la veille – et qui est venue inutilement ajouter à la morosité de la météo. Paris s’en est pris à la Commission. Celle-ci a eu le culot d’adresser aux pays membres des recommandations détailléesen matière d’harmonisation des politiques sociales, budgétaires et concernant les réformes de structures censées améliorer la compétitivité de l’Union. C’est-à-dire exactement ce que fera le gouvernement économique de la zone euro que Paris appelle de ses vœux ! La grogne de M. Hollande est mal placée. Ce ne sont pas ces recommandations qui heurtent la souveraineté de la France. C’est son endettement qui la place à la merci des marchés financiers. C’est la perte de compétitivité qui l’affecte depuis quinze ans, et creuse le déficit de sa balance commerciale, lequel alimente la dette nationale. C’est sa tolérance au chômage de masse depuis deux générations qui mine sa cohésion sociale et aliène sa jeunesse. Ces maux ébranlent la crédibilité économique de la France. M. Hollande fait front. Il serait bien qu’il accorde son discours à ce qu’il met en œuvre. p
L’Afrique veut garder ses ressources naturelles
Primaire UMP : le suspense NKM à Paris
La Banque africaine de développement aide les Etats à renégocier les contrats avec les multinationales qui exploitent les richesses.
Les électeurs parisiens doivent départager, entre le 31mai et le 3juin 19heures, les quatre impétrants en lice pour la candidature UMP aux municipales de 2014.
Le projet du gouvernement de modification du statut des autoentrepreneurs suscite un mouvement de contestation des intéressés, qui se sont baptisés les «poussins».
PLANÈTE – PAGE 5
POLITIQUE – PAGE 7
CAHIER ÉCO – PAGE 4
La colère des autoentrepreneurs
CULTURE
JUSTICE
Chris Marker : « Le Joli Mai » ressuscité sur les écrans Le documentaire du cinéaste disparu, tourné en 1962 à Paris, est d’une actualité saisissante: rien de plus passionnant que de réfléchir aujourd’hui à la lumière de ce passé-là.
Papa Patron contre Papa Perrais : guerre des pères au procès Meilhon
CULTURE – PAGE 14
Franck Perrais, le père biologique de Laetitia, et Gilles Patron, son père adoptif, se sont disputé la mémoire de Laetitia, devant l’accusé du meurtre, goguenard. LIRE PAGE 8
Linz, Vienne, Bratislava, Budapest, Novi Sad, Belgrade, Roussé, Fetesti, Tulcea, Constanta...
Danube : l’Europe traversée Croisière culturelle du 30 juillet au 10 août 2013 Avec Jacques Rupnik et Béatrice Vaida
www.terreentiere.com 10 rue de Mézières - 75006 Paris Tél. : 01 44 39 03 03
LIRE NOS INFORMATIONS PAGE 2
Algérie 150 DA, Allemagne 2,20 ¤, Antilles-Guyane 2,00 ¤, Autriche 2,40 ¤, Belgique 3,50 ¤, Cameroun 1 600 F CFA, Canada 4,25 $, Côte d’Ivoire 1 600 F CFA, Croatie 18,50 Kn, Danemark 28 KRD, Espagne 2,00 ¤, Finlande 2,80 ¤, Gabon 1 600 F CFA, Grande-Bretagne 1,70 £, Grèce 2,20 ¤, Hongrie 750 HUF, Irlande 2,00 ¤, Italie 2,20 ¤, Luxembourg 3,50 ¤, Malte 2,50 ¤, Maroc 12 DH, Norvège 28 KRN, Pays-Bas 2,20 ¤, Portugal cont. 2,00 ¤, Réunion 2,00 ¤, Sénégal 1 600 F CFA, Slovénie 2,20 ¤, Suède 35 KRS, Suisse 3,20 CHF, TOM Avion 380 XPF, Tunisie 2,00 DT, Turquie 6,50 TL, USA 3,95 $, Afrique CFA autres 1 600 F CFA,
2
international
0123
Samedi 1er juin 2013
Berlin se rallie à un gouvernement de la zone euro
Angela Merkel et François Hollande sont d’accord sur le principe de politiques économique et sociale coordonnées
A
ngela Merkel et François Hollande avaient promis, le 22 janvier, de prendre en mai « des initiatives ambitieuses» pour « approfondir » l’union économique et monétaire. Ils l’ont fait jeudi 30 mai, à Paris, dans un contexte difficile pour le président français. Si la chancelière pouvait se permettre d’afficher une veste rose éclatante–enAllemagne,lechômageestrepassésous labarre destrois millions en mai –, François Hollande, lui, n’était pas à la fête. Entre les recommandations de Bruxelles l’engageant,la veille, à approfondir les réformes structurelles et les calamiteux chiffres du chômage annoncés dans la journée, le président français était sous pression. Plaider pour davantage d’intégration au moment même où la France, comme un seul homme, refusait de se laisser dicter les réformes à mener par la Commission européenne, n’allait pas de soi. En huit pages, la « contribution franco-allemande pour la compétitivité et l’emploi en Europe» apporte pourtant une réponse si « ambitieuse» qu’elle interdira demain à M. Hollande de s’en prendre à Bruxelles comme il l’a fait. Mine de rien, la France et l’Allemagne proposent en effet à leurs partenaires de donner un véritable cadre institutionnel à la zone euro. Avec « des sommetsplusréguliers»,« unprésident à plein-temps» de l’eurogroupe des ministres des finances, la possibilité de rencontres de ministres (emploi et affaires sociales, recherche, industrie notamment) de la seule zone euro, avec égalementla mise en place de structures spécifiques au sein du Parlement européen et même la création d’un fonds utilisable pour renforcer la compétitivité de la zone. Tout cela pourrait êtres mis en place dès la fin de 2014. Si ce n’est pas un gouvernement de la zone euro, cela s’en rapproche diablement. Dans son discours devant le Parlement européen, en novembre2012, Mme Merkel l’avait dit sans fard: la crise de la zone euro est due à deux facteurs qui se sont cumulés. A la faiblesse originelle d’une union monétaire sans véritable union économique s’est ajoutée l’incurie des gouvernements, qui ont souvent reculé devant des réformes difficiles. Il s’agit donc de doterlazoneeurodestructuresrendant légitime la « coordination » des politiques économiques mais aussi sociales et, donc, de doter la zone euro d’« une politique économique», avec des systèmes fiscaux mais aussi sociaux qui convergeront. L’Allemagne a même accepté « d’envisager la mise en place de salaires minima au niveau national». Une révolution pour un pays qui n’a pas de smic.
La chancelière Angela Merkel et le président François Hollande, à leur arrivée au palais de l’Elysée, jeudi 30 mai, à Paris. PATRICK ARTINIAN/CONTACT PRESS IMAGES POUR « LE MONDE »
Beaucoup, depuis deux ans, reprochaient à Berlin de faire miroiterla carotte (une union politique)pour mieux manier le bâton (la mise sous tutelle d’Etats mal gérés). Le texte, qui doit désormais être débattu au Conseil européen les 27 et 28 juin, apporte un élément de réponse. L’union économique et monétaire impose une coordination, « notamment », du marché du travail, de l’inclusion sociale, des politiques de retraite,
del’accès auxmarchés,de la fiscalité, de l’efficacité du secteur public et, enfin, de l’innovation et du système d’éducation et d’enseignement. « C’est le cœur du cœur », admet l’entourage du président de la République. Aujourd’hui, la Commission fait des propositions qui ne relèvent pas de son niveau puisqu’iln’y a pas de politique économique européenne. Demain, une démarche coordonnée devrait rendre les critiques et les
Sécurité sociale : Bruxelles poursuit le Royaume-Uni La Commission européenne a décidé, jeudi 30 mai, de traduire le Royaume-Uni devant la Cour européenne de justice pour mauvaise application des règles européennes en matière de sécurité sociale. Bruxelles reproche à Londres de priver de prestations sociales, notamment d’allocations familiales, certains ressortissants de l’Union européenne installés (UE) sur son territoire. Le Royaume-Uni soumet ces
personnes à une vérification du droit de résidence, ce qui a pour effet de priver des citoyens de l’UE de certaines prestations de Sécurité sociale auxquelles ils ont droit, a déploré la Commission. La vérification du droit de résidence est une condition imposée unilatéralement par le Royaume-Uni. Il en résulte une « discrimination injuste » à l’égard de ces ressortissants, a estimé la Commission. – (AFP.)
propositions moins contestables. Pour Mme Merkel, la zone euro n’a pas le choix : « Il faut se compareraux meilleursdans le monde» et les Etats doivent accepter de « conclure des engagements contraignants». Pour M. Hollande, les «contrats de compétitivité et de croissance », concept qu’il est convenu de définir au second semestre, ne doivent surtout pas être impératifs. La France ne seraitelle pas prête à faire un tel saut? En confondant, dans un lapsus, François Hollande et François Mitterrand, on ne sait si la chancelière faisait référence au grand européen qu’était le président socialiste (1981-1995) ou si elle estimait qu’en France, les présidents passent et les problèmes demeurent. M.Hollande,piquéauvifparcertaines questions, notamment de journalistes allemands, a reconnu que « le problème français est un problème de compétitivité » et qu’« aucun sujet n’est tabou ». Concernant la zone euro, il a également admis « qu’aucun pays ne
peutaccepterqu’unautrenerespecte pas la discipline» et que « la solidarité » entre Européens était «sous condition ». Si « le rythme de l’ajustement budgétaire doit être défini pour chaque Etat membre en fonctiondelasituationdesesfinances publiques et de la nécessité de préserver ou de retrouver une croissancedurable»,letextepréciseéga-
Pour Angela Merkel, la zone euro n’a pas le choix: «Il faut se comparer aux meilleurs dans le monde» lement qu’« il conviendra de continuer à progresser vers des budgets structurellement équilibrés». Les Allemands peuvent faire valoir que la nécessité de la compétitivitéestlargementmiseenavant dans ce texte et qu’ils ne se sont pas engagés à davantage de solidarité,
notammentparlebiaisd’euro-obligations. En revanche, dans des domainesaussidifférentsquel’emploi des jeunes, la nécessité d’une politique énergétique européenne ou la mise en place d’un «mécanisme de résolution unique des défaillances bancaires », l’Allemagne a fait de réelles concessions. De même, les Français ont obtenu que la croissance soit mise sur le même plan que la consolidation budgétaire et que la zone euro soit de plus en plus autonome au sein de l’Union. Le compromis, qui doit être maintenant discuté par les autres pays européens, balise en tout cas l’avenir. Au cours du dîner qui a suivi la présentationde cette contribution, François Hollande et Angela Merkel ont, selon un participant, évoqué « la gestion de l’Europe durant les prochaines années». C’est peutêtre le plus important. Les deux dirigeants souhaitent manifestement redonner aux Européens quelques raisons d’espérer. p Frédéric Lemaître
LaFranceetl’Allemagneprêtesàconfierlesauvetagedesbanquesàuneinstanceeuropéenne Bruxelles Bureau européen
Angela Merkel et François Hollande ont donné, jeudi 30 mai, une impulsion, peut-être décisive, au projet d’union bancaire. L’initiative est, sur le papier, moins spectaculaire que la nomination d’un président à temps plein de l’Eurogroupe, qui pourrait être fatale au titulaire du poste, le ministre des finances néerlandais Jeroen Dijsselbloem. Mais il s’agit du grand chantier du moment pour renforcer la zone euro et assainir ses banques affaiblies par la crise. Michel Barnier parle d’une « vraie percée et d’un engagement déterminant». La déclaration présentée jeudi 30 mai par la France et l’Allemagne doit permettre au commissaire aux services financiers, chargé du projet, de dévoiler, sans doute avant le conseil européen des 27 et 28 juin, une
proposition sur la « résolution» des défaillances bancaires. En clair, il s’agit de confier à une instance européenne le pouvoir d’organiser la faillite d’une banque – une compétence exclusivement nationale à ce jour. Après la supervision intégrée, sous l’égide de la Banque centrale européenne (BCE), en cours de mise en place, cette initiative constitue le deuxième étage de l’Union bancaire édifiée depuis un an. Ces dernières semaines, Wolfgang Schäuble, le ministre allemand des finances, ne voulait pas entendre parler de la moindre intégration trop poussée dans ce domaine, sans réforme des traités européens. Il souhaitait mettre en place un simple réseau d’autorités nationales, sans tutelle centralisée, et ne voulait pas d’un fonds unique abondé, entre autres, par les contribuables allemands. Une manière de freiner toute tentative
de mutualisation des forces avant les élections législatives de septembre en Allemagne. Au contraire, Mme Merkel et M.Hollande ont convenu d’avancer « à traité constant » et d’adopter la législation adéquate d’ici aux européennes de mai2014.
Il faudra sans doute procéder à une véritable refonte des traités, car le MES est encore un outil intergouvernemental Pour eux, il est grand temps de progresser, car la situation des banques reste préoccupante. « C’est une petite révolution pour les Allemands», se réjouit-on dans l’entourage du président du Conseil européen, Herman Van Rompuy,
même si certains détails restent flous. « Cela montre que les Allemands sont conscients de l’intérêt général européen», renchérit un proche de Michel Barnier. Ces dernières semaines, la chancelière ne cachait pas ses inquiétudes au sujet de la perte de crédibilité des Européens dans ce secteur, en dépit de la multiplication des plans d’aide et des mesures exceptionnelles prises par la BCE. Dans le détail, Mme Merkel et M.Hollande sont d’accord pour mettre en place un « conseil de résolution» impliquant, à la demande des Allemands, les autorités nationales, mais permettant, comme le veulent les Français, « une prise de décision rapide, efficace et cohérente au niveau central ». L’idée est de surmonter les rivalités entre les instances nationales, qui ont compliqué le sauvetage de certains établissements, comme la banque franco-belge
Dexia. « Un dispositif de soutien privé » est par ailleurs prévu, financé par les banques ellesmêmes. Mais surtout, tandis que la montée en puissance de cet instrument privé pourra prendre une à deux décennies, Allemands et Français sont d’accord pour que le fonds de secours de la zone euro – le Mécanisme européen de stabilité (MES) – soit activé dans l’intervalle pour recapitaliser les banques en difficulté, soit directement, soit via des prêts aux Etats concernés, comme cela a déjà été fait pour l’Espagne. « Pour l’avenir, nous pourrions étudier la possibilité de rapprocher le mécanisme de résolution unique et le Mécanisme européen de stabilité », indique même la déclaration commune. Avant d’en arriver là, il faudra sans doute procéder à une véritable refonte des traités européens, car le MES est encore un outil
intergouvernemental, mis en place pour et par les seuls pays de l’Union monétaire. « Il faudra le communautariser», dit-on chez M.Barnier. Cette perspective ne devrait pas survenir avant deux ans, pour Paris et Berlin. A plus court terme, Mme Merkel et M. Hollande veulent tout faire pour redonner du souffle à la croissance sans nuire à la consolidation budgétaire. Trois priorités sont définies: lutter contre le chômage des jeunes, définir un plan d’investissement européen pour améliorer l’utilisation des fonds gérés par la Commission et doper le crédit aux entreprises. Dans le sud de la zone euro, les entreprises souffrent d’une pénurie de prêts. BCE, Banque européenne d’investissement et Commission sont chargées d’y remédier. Mais elles ont le plus grand mal à se mettre d’accord. p
Philippe Ricard
0123
international & europe
Samedi 1er juin 2013
L’opposition syrienne fait monter les enchères avant la conférence de paix
3
L’ex-maîtreespion deSlobodanMilosevic acquittépar le TPIY
La Coalition nationale menace de boycotter la réunion «Genève 2» prévue par Moscou et Washington Le procureur du Tribunal pour l’ex-Yougoslavie
avait requis la perpétuité contre Jovica Stanisic
L
La Haye Correspondance
L
Manifestation anti-Assad, le 24 mai, à Istanbul, où était réunie l’opposition syrienne. MURAD SEZER/REUTERS
tique,qu’àunrefusdéfinitif de participer à Genève 2. Il bouscule certes le calendrier russo-américain et repousse vraisemblablement la tenue d’une éventuelle conférence à la fin juin voire au mois de juillet. Mais il ne met pas un terme aux efforts des deux grandes puissances, qui ont d’ailleurs prévu une nouvelle réunion de travail sur le sujet, le 5 juin, à Genève, avec la participationdu médiateur de la Ligue arabe et des Nations unies, l’Algérien Lakhdar Brahimi. «Le message envoyé par la CNS à Istanbulestunetentativederesponsabilisation de la communauté internationale, affirme le politologue Ziad Majed, professeur à l’université américaine de Paris. L’intervention du Hezbollah en Syrie, qui se fait désormais au grand jour, n’a pas été suffisamment condamnée par les grandes capitales. » Pour Peter Harling, analyste à l’International Crisis Group, le positionnement « asymétrique » des EtatsUnis et de la Russie dans la crise contribueà la méfiancede l’opposition vis-à-vis de Genève2. «Les Russes veulent se servir de la conférence pour servir les intérêts du régime, tandis que les Américains entendent en profiter pour se laver les
mainsdelacrise.Ils s’engagentdans un processus diplomatique pour mieux se désengager du conflit. Ce déséquilibre entre grandes puissances est éminemment problématique lorsqu’il faut organiser une réunion sous leurs auspices.» La position exprimée par Georges Sabra est d’autant plus sujette à évolution que la CNS est en pleine restructuration. L’élection de son
Le «niet» de la CNS s’apparente plus à une manœuvre tactique, qu’à un refus définitif de participer à «Genève 2» président a été reportée à mi-juin. Jeudi soir, après de longs déchirements internes, dus à des querelles d’ego et aux interférences du Qatar et de l’Arabie saoudite qui se disputent son parrainage, la Coalition, composée actuellement de 63membres, a officialisé son élargissement à une quarantaine de personnalités supplémentaires. Le courant « libéral», soutenu par les Occidentaux, désireux d’atténuer
le poids des islamistes, et emmené par Michel Kilo, un vétéran de l’opposition à Damas, a obtenu 14 sièges sur les 25 qu’il espérait. Régulièrementaccuséedenepasfairesuffisamment de place aux forces vives delarévolution,laCNSaaussientériné le principe d’une intégration de 14 représentants de l’opposition intérieure et de 15 autres figures, liées à l’Armée syrienne libre (ASL). Ces renforts, qui consolident l’assise de la CNS, devraientlui permettre de peser davantage sur les travaux préparatoires à Genève 2. Reste à savoir dans quel sens pencheront les nouveaux venus. Même s’il paraît davantage ouvert à l’idée de siéger en face de représentants du régime que les membres de la Déclaration de Damas et du Parti du peuple démocratique (l’autre courant « libéral » de la CNS), le groupe de Michel Kilo pose également des conditions pour toute participation. La tenue ou non de Genève 2 dépend donc en grande partie de la capacité de la Russie à obtenir des concessions de Bachar Al-Assad. Or jusque-là, Moscou n’a jamais semblé disposé à exercer de véritables pressions sur son protégé. p
Si c’est une confirmation, elle reste ambiguë. En déclarant, jeudi 30mai, à la chaîne libanaise Al-Manar, proche du Hezbollah, que «tous les accords passés avec la Russie seront honorés» et que «quelques-uns l’ont été dernièrement», le président syrien Bachar Al-Assad n’a pas explicitement mentionné la livraison de missiles russes sol-air S-300, objet d’une tension israélo-syrienne croissante depuis quelques jours. Les responsables israéliens traitent avec scepticisme une telle information, qu’ils ne confirment pas. Sans exclure que leurs services de renseignement aient pu manquer une telle livraison, rapporte le quotidien Haaretz, ils penchent pour une manifestation de guerre psychologique de la part du régime syrien. Tout en ayant pris note des propos de Bachar Al-Assad qui évoque une « pression populaire» pour ouvrir « un front de résistance » dans la région du Golan, l’Etat juif, résume un haut diplomate israélien, « ne cherche pas l’escalade avec la Syrie et encore moins un face à face avec la Russie». Cette mise au point vise à corriger l’impression laissée par les propos, tenus mardi, par Mosché Yaalon, ministre de la défense, affir-
mant qu’Israël « saura quoi faire » en cas de livraison de missiles solair russes S-300 à Damas. Il faisait allusion aux frappes aériennes israéliennes sur des sites militaires syriens les 29janvier, 3 et 5 mai. Israël pourrait frapper de nouveau alors que les S-300 constitueraient un saut stratégique pour l’arsenal militaire syrien, susceptible de compliquer les missions éventuelles de Tsahal. C’est l’avis du général en retraite Amos Yadlin, directeur de l’Institut d’études sur la sécurité nationale (INSS) de Tel-Aviv. Cet ancien patron du renseignement militaire nous assure que l’Etat juif dispose de «plusieurs options militaires qui peuvent s’affranchir de l’obstacle des S-300». Ce général ne pense pas que ce système de défense antiaérienne puisse représenter une réelle menace opérationnelle avant de nombreux mois. Si des experts russes venaient sur le terrain, « Israël le saura et en tiendra compte», assure-t-il. Il ne croit pas davantage qu’un tel scénario puisse entraîner une confrontation entre Israël et la Russie. La décision de Moscou de livrer des S-300 au régime syrien est avant tout un message adressé à l’OTAN, aux Etats-Unis, à la Turquie, indique-t-il. Soit « à tous les acteurs qui menacent d’intervenir en Syrie. Ce n’est pas une décision
dirigée contre Israël, et Israël ferait une erreur s’il parvenait à une conclusion inverse». Un diplomate israélien qui connaît bien ce dossier assure que Mosché Yaalon cherchait d’abord à rassurer les Israéliens quant à la capacité de leur armée d’annihiler la menace des S-300. « Les frappes chirurgicales d’Israël n’inquiètent pas les Russes. Leur souci, c’est une éventuelle intervention militaire occidentale, à l’image de ce qui s’est passé en Libye. La Syrie est le dernier atout stratégique de la Russie dans la région, et elle fera tout pour le conserver», insiste-t-il.
« Bachar doit partir » Le ministre de la défense, ajoute Amos Yadlin, a dit à la fois aux Russes et aux Syriens : « Vous devriez calculer vos risques». Pour la Syrie, cela veut dire qu’Israël détruira ses batteries de missiles ; vis-à-vis des Russes, le message est le suivant: « Si Israël est obligé de le faire, vous risquez de perdre votre réputation de meilleur fabricant de système de défense antiaérienne du monde ». Israël a pris acte de l’échec de son premier ministre, Benyamin Nétanyahou, à dissuader Vladimir Poutine d’honorer ce contrat d’armement à la Syrie. « Nous avons compris que tout ce que nous dirons à propos des S-300 ne sera
Double jeu Prochecollaborateur,VladoDragicevic avait témoigné des liens de Jovica Stanisic avec la CIA, remontant au début des années 1990. En 1993, il emmenait l’agent de la CIA en mission secrète dans l’est de la Bosnie pour localiser des fosses communes. A l’été 1996, une délégation des services serbes s’est même rendue au siège de la CIA. Celui qui a fait ses classes dans les services secrets dans la Yougoslavie communiste du maréchal Tito a toujours conduit un double jeu. Une preuve, pour le procureur, que ses liens avec l’agence américaine et sa contribution aux négociations de paix ne l’ont pas empêché de commettre des crimes contre l’humanité. En octobre 1998, en désaccord avec le président serbe Milosevic sur le Kosovo, il est écarté des services secrets. Dans l’ombre, il entretient ses réseaux et, à la chute de Milosevic, joue de ses amitiés avec le premier ministre Zoran Djindjic, assassiné à Belgrade en mars 2003 après avoir livré Slobodan Milosevic au tribunal de LaHaye. Achaquesuspensiondesonprocès,quiaduréquatreans,JovicaStanisic a pu se rendre à Belgrade, au motif qu’il souffrait de dépression et d’un ulcère. La Serbie a salué, jeudi, l’acquittement prononcé par les juges de La Haye. L’Association des familles de victimes de la guerre de Bosnie, l’a, de son côté, qualifié d’« inadmissible». p Stéphanie Maupas
Benjamin Barthe
La Syrie complique le jeu ambigu entre Israël et la Russie Jérusalem Correspondant
e Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) a acquitté, jeudi 30 mai, Jovica Stanisic, le maître espion de Belgrade, et Franko Simatovic, l’exchef des bérets rouges, une unité spécialedelapoliceserbe.Leprocureur avait requis la perpétuité contre les deux hommes, accusés d’avoir « organisé, entraîné, financé, équipé et dirigé les unités spéciales des services secrets serbes » en vue de l’épuration ethnique. Mais les juges ont reconnu que si les deux hommes avaient entraîné et financé des paramilitaires, c’était pour faire la guerre, ont-ils affirmé, paspourmettreenœuvreunepolitique d’épuration ethnique. Ils n’ont pas donné d’ordres et ne sont dèslorspasresponsablesdesmeurtres, persécutions, et déportations perpétréspar les Tigres d’Arkan, les Skorpions et d’autres milices, contre les civils croates et bosniaques durant la guerre (1991-1995). Jovica Stanisic était un acteurclé des guerres yougoslaves, dont il détient encore bien des secrets. « Quand les dirigeants de toutes les parties marchaient vers la guerre, il était le seul à tendre la main à la communauté internationale pour aider à mettre fin à ce terrible conflit », avait assuré son avocat, Wayne Jordash, au cours du procès. Il est celui qui a œuvré à la paix par « sa coopération secrète avec des partenaires internationaux vitaux à partir de 1991, alors que les Balkans brûlaient dans la furie ethnique», avait-il ajouté. LechefdelaSécuritéd’Etatavait, lors du procès, usé de ses liens avec les services secrets russes, britanniques et surtout américains. Les services de renseignement français avaient fermé leur porte, assure unesourceprochede l’accusé,mais deux agents de la CIA, dont l’un était correspondant de l’agence à Belgrade, avaient fourni des pièces,
confidentielles, attestant des actions de Jovica Stanisic. C’est lui qui avait permis la libération des casques bleus retenus en otages en juin 1995 et le sauvetage des deux pilotes français détenus par les forcesbosno-serbesdeRadovanKaradzic et Ratko Mladic. Lui aussi qui a convaincu M. Karadzic de se retirer de la vie politique en Bosnie après les accords de paix de Dayton de décembre1995.
pas entendu à Moscou. Avec la Russie, reconnaît ce diplomate, dès que nous abordons les sujets stratégiques, les divergences remontent à la surface, qu’il s’agisse de la Syrie, de l’Iran ou du Hamas. En règle générale, nous arrivons à contourner cet obstacle, mais c’est une relation très ambiguë, parce que Moscou est assez souvent du côté des ennemis d’Israël.» L’Etat juif a longtemps hésité sur l’attitude à adopter envers le président syrien. « Le diable que nous connaissons [Bachar Al-Assad] vaut mieux que les démons que nous pouvons seulement imaginer si la Syrie sombre dans le chaos », avait confié, il y a quelques années, l’ancien premier ministre Ariel Sharon au président américain George Bush. L’approche a changé. Le général Yadlin avance plusieurs raisons: «Bachar doit partir. Sur le plan stratégique, il est devenu très dangereux pour Israël. Il a ouvert le monde arabe aux Iraniens ; il est le lien entre l’Iran et le Hezbollah, et, plus encore, il doit partir parce qu’il a tué près de 100000 personnes.» Le nouveau régime syrien aura peutêtre « des couleurs islamistes ou djihadistes, conclut-il, mais s’il n’est plus l’allié de l’Iran et du Hezbollah, ce sera un développement stratégique très positif pour Israël». p
Laurent Zecchini
L’ A B U S D ’ A L C O O L E S T D A N G E U R E U X P O U R L A S A N T É . À C O M S O M M E R AV E C M O D É R A RT I O N .
a Coalition nationale syrienne (CNS) fait monter les enchères. A l’image du régime Assad, qui se dit prêt à négocier mais multiplie les offensives sur le terrain, la principale plateforme de l’opposition tente de monnayer au prix le plus fort sa participation à la conférence de paix que les Etats-Unis et la Russie espèrent organiser au mois de juin. Jeudi 30 mai, au terme de huit jours de débats électriques dans des hôtels dela banlieue d’Istanbul,son président par intérim, Georges Sabra, a annoncé qu’elle boycotterait cette initiative aussi longtemps que les « milices » de l’Iran et du Hezbollah se battront au côté du régime. «Aujourd’hui,les vies desSyriens sont beaucoup plus importantes quen’importequellesolutionpolitique ou conférence internationale», a insisté M. Sabra, un chrétien de gauche. Le même jour, les défenseurs de Qoussair, une place forte de la rébellion, dans l’ouest de la Syrie, assiégée par les forces gouvernementales et les combattants du Hezbollah, ont lancé un appel à l’aide, affirmant ne pas pouvoir évacuer des centaines de blessés. Mercredi soir, la CNS avait publié un communiqué rappelant sa volonté absolue de considérer le départ du président syrien Bachar Al-Assadcommela seuleissue possibled’une négociation,mais s’abstenant de se prononcer sur l’éventualité que ses représentants s’assoient à la même table que des émissaires de Damas. Baptisée«Genève2»,enréférence à un sommet organisé en juillet 2012, sur les bords du lac Léman, qui avait accouché d’un plan de règlement du conflit mortné, la conférence doit, dans l’esprit de ses parrains, se tenir dans la premièrequinzainedejuin.Moscouet Washington planchent sur un plan de transition, qui en l’état actuel, prévoit la formation d’un gouvernement d’unité, « doté des pleins pouvoirs » mais laisse en suspens le sort réservé au président syrien, l’undes nombreuxpointsde divergences entre la Maison Blanche et le Kremlin, allié de Damas. De l’avis des bons connaisseurs du dossier, le « niet » de la CNS s’apparente davantage à une position d’attente,voireunemanœuvretac-
Inspiré par 600 années de tradition Premières vendanges en 1409
4
0123
international & europe
L’assassinatd’un chef taliban metà l’épreuvele discours surla guerrede M.Obama Un drone de la CIA a tué, le 29mai, au Pakistan, Wali ur-Rehman, impliqué dans des attentats
S
ix jours après le discours de Barack Obama réfutant la « guerre globale contre le terrorisme » et promettant davantage de circonspection dans l’usage des drones, l’un de ces engins, téléguidé par la CIA, a tué, mercredi 29 mai, le numéro deux des talibans pakistanais, Wali ur-Rehman, dans le Nord-Waziristan, une zone tribale située au nord-ouest du Pakistan, non loin de la frontière avec l’Afghanistan. Alors que le président américain avait plaidé pour plus de transparence, la Maison Blanche n’a pas reconnu l’opération. Mais le Tehrik-e Taliban Pakistan (TTP), mouvementinsurgé talibanpakistanais, a confirmé, jeudi, la mort de son commandant ainsi que de six autres combattants. « Nous sommes fiers de son sacrifice », a déclaré un porte-parole,en annonçant la rupture des négociations de paix engagées en début d’année avec le gouvernement pakistanais qu’il juge « tout aussi responsable» de l’attaque de drone. L’attaque de la CIA intervient non seulement après l’annonce par M. Obama de la reprise en main de ce type d’opération par les militaires (au détriment de l’agence de renseignement) mais quelques jours après la victoire électorale, le 11 mai au Pakistan, de NawazSharif qui a déclaréson hostilité à l’usage des drones américainssur le sol de son pays, au nom de la « souveraineté nationale ». M. Sharif doit accéder aux fonctions de premier ministre dès la semaine prochaine. Le nouveau pouvoir en place à Islamabada demandéla findu programme américain de frappes qui a tué plus de 3 000 personnes depuis 2004. Certaines cibles visées par la CIA ont cependant probablement été approuvées par les autorités locales et un certain degré de coopération avec l’armée pakistanaise existe. Le mouvement taliban TTP visé mercredi est d’ailleurs responsable d’attentats
qui ont causé la mort de milliers de personnes au Pakistan. En exposant sa conception de la guerre, voilà une semaine, Barak Obama avait affirmé que les actions létales, en dehors de l’Afghanistan, ne seraient engagées que contre « des terroristes constituant une menace persistante et imminente » contre les EtatsUnis et lorsqu’il n’existe « aucun autre gouvernement capable » de la traiter. Il avait évoqué « le coût pour nos relations avec le Pakistan » de l’assassinat d’Oussama Ben Laden sur le sol de ce pays en mai 2011, « un coût si élevé que nous sommes seulement en train de reconstruire cet important partenariat».
« Actions ciblées » L’exécution par drone de Wali ur-Rehman ne contredit cependant pas formellement le discours complexe du président. Selon Washington, le chef taliban avait joué un rôle-clé, en 2009, dans l’attentat-suicide commis contre une base américaine au Pakistan qui avait coûté la vie à sept Américains travaillant pour la CIA. Il seraitaussi impliquédans des attaques visant des soldats de l’OTAN et des civils pakistanais. M.Obama n’a pas annoncé la fin des attaques ciblées. Les poursuites judiciaires contre les terroristes,mêmesi ellesontsa « solidepréférence », ne sont « pas toujours envisageables», a-t-il déclaré, car «Al-Qaida et ses filiales (…) trouvent refuge dans des zones tribales isolées ». Le président souhaite que l’usage des drones soit réservé à « une série d’actions persévérantes etciblées»contredesréseauxextrémistes « qui menacent l’Amérique ». En menant l’attaque de mercredi depuis ses bases situées dans l’Afghanistan voisin, la CIA pourraitenfin avoirutilisé une« fenêtre d’opportunité» qui va se refermer avecledépartprogrammédestroupes américaines et de l’OTAN. p Philippe Bernard
Samedi 1er juin 2013
M.Nétanyahou tente de déminer la crise sur la conscription des ultraorthodoxes Le premier ministre israélien est coincé entre son allié centriste, Yaïr Lapid, et les partis haredim Jérusalem Correspondant
L
a crise gouvernementale est passée, provisoirement. La crise de société liée au projet du gouvernement de Benyamin Nétanyahou visant à obliger une partie des jeunes ultraorthodoxes à accomplir un service militaire ou civil est, elle, en gestation. Le premier ministre a pris au sérieux la menace de Yaïr Lapid, le chef du parti centriste Yesh Atid, ministre des finances et « poids lourd » du gouvernement, de faire éclater la coalition gouvernementale si le texte ne maintenait pas le principe de poursuites judiciaires à l’encontre des objecteurs de conscience ou insoumis. M. Nétanyahou a donc intimé au ministre de la défense, Moshé Yaalon, membre de son parti, le Likoud, de cesser son obstruction, ce qui a permis au comité ministériel dirigé par Yaakov Péri (Yesh Atid), d’approuver, mercredi 29mai, un projet que M. Lapid qualifie d’« historique ». Il l’est dans une certaine mesure, puisque, sous réserve d’être approuvé par l’ensemble du gouvernement et la Knesset, le Parlement israélien, il remplacera la loi Tal, qui prévoyait l’exemption de service militaire pour les ultraorthodoxes ou haredim(les « craignantDieu») quiétudient dans des écolestalmudiques, avant que la Cour suprême ne la déclare anticonstitutionnelle. Grand vainqueur des élections législatives du 22 janvier, M. Lapid a notamment bâti sa très récente carrière politique sur le thème de la conscription des ultraorthodoxes, lequelest devenutrès populaire au sein d’une société israélienne qui considère de plus en plus les haredim comme des parasites sociaux et ne voit plus la justificationducontrathistoriqueentre laïques et religieux, au nom duquel les seconds étaient dispensés de porter les armes pour se consacrer à l’étude de la Torah. Le projet prévoit qu’à partir de l’âge de 18 ans ils devront, comme
Des ultraorthodoxes s’apprêtent à manifester, le 16 mai à Jérusalem, contre le projet visant à obliger une partie des jeunes haredim à accomplir un service militaire ou civil. RONEN ZVULUN/REUTERS
tous les jeunes Israéliens, effectuer un service national. Sauf que les multiples exemptions, sursis et régimes particuliers prévus par le texte incitent à penser que, au boutducompte,lamontagnepourrait bien accoucher d’une souris. D’abord, la loi ne sera applicable qu’en 2017. Sachant que la longévité des gouvernements israéliens excède rarement trois ans, il n’est pas exclu que le prochain exécutif ne revienne sur ces dispositions.
Pression de la rue C’est parce qu’il n’écarte pas le scénario d’une majorité de rechange avec les deux principaux partis haredim, Shass et Judaïsme unifié de la Torah, qui furent longtemps les alliés du Likoud, que M. Nétanyahou s’est efforcé de ne pas s’aliéner le soutien du monde ultraorthodoxe. Les grands rabbins israéliens se sont faits discrets ces dernières semaines, à la fois pourne pas exacerberles passions, etparcequ’ils espèrentque,in fine,
D LETTRE DES ÉTATS-UNIS par C orine Le s ne s
le déclin des déclinistes
ray-ban.com *NE TE CACHE PAS *INUSABLES - DES VERRES CRYSTAL TRAITÉS POUR RÉSISTER À L’USURE DU TEMPS. MOD. RB 8301 COL. 019/N2 - MOD. 8307 COL. 002/N5
POUR LES ANTIDÉCLINISTES, L’UNION ÉCONOMIQUE ENTRE LES ÉTATS-UNIS, LE CANADA ET LE MEXIQUE VA SAUVER LA CROISSANCE MONDIALE
éclin ? Vous avez dit déclin? Il y a quelques années, le mot était sur toutes les lèvres. Les Etats-Unis avaient perdu de leur superbe. Face à la Chine, future première économie du monde (en 2025), leur sort était joué. Aujourd’hui, une humeur ragaillardie s’est emparée des élites américaines. Pas d’exubérance irrationnelle, n’exagérons rien (même si certains parlent d’une nouvelle bulle en Californie), mais un nouvel entrain. Après le gloom and doom (« sinistrose ») des années de crise, voici venu le temps des antidéclinistes, les promoteurs de la puissance américaine ressuscitée. A une semaine de la visite du président chinois, Xi Jinping, en Californie, il faut le constater : la peur de la Chine est passée de mode. La fine fleur des think tanks a aligné les statistiques rassurantes. Le PNB des Etats-Unis ? 16 000 milliards de dollars (12 200 milliardsd’euros),un quart de l’économie mondiale, deux fois plus que celui de la Chine. Le PNB par habitant? Neuf fois plus élevé. « Arrêtons ce débat abstrait, nous ne sommes pas en déclin, proclame Richard Haass, le président du Council on Foreign Relations, l’un des cercles de réflexion les plus influents en politique étrangère. Nous sommes en croissance. » Certes, croissance au ralenti, mais le reste du monde a de « sérieux » problèmes. Et ceux qui font mieux que les Etats-Unis n’ont pas grand mérite : « Ils ont commencé beaucoup plus bas. » Si on en croit les antidéclinistes,
le projet sera vidé de sa substance. Leurs leaders les plus radicaux considèrentque la dispositionprévoyant des peines de prison pour les insoumis est un casus belli. C’est ce que nous explique le rabbin Henri Kahn, directeur de la revue ultraorthodoxe Kountrass : « On va prendre 30 000 ultraorthodoxes et les jeter en prison ? Cela ne tient pas la route une seconde : du simple point de vue carcéral, l’Etat n’en a pas les moyens.» Lemondeultraorthodoxe,poursuit-il, « n’acceptera jamais une conscription universelle ». « Si le gouvernement fait mine d’emprisonner nos jeunes, il y aura 750 000 ultraorthodoxes[ils représentent environ 10 % de la population israélienne] dans les rues ! Nousavonsdesidéauxet des principes religieux qui dépassent la question de notre présence en Israël : s’il n’est plus possible de vivre en accord avec ceux-ci, nous pouvons aller dans d’autres pays! » La question est peut-être un
peu prématurée… D’autant que, à bien y regarder, les armes brandies par Yaïr Lapid dans sa croisade pour imposer un « partage du fardeau » aux haredim semblent un peu émoussées. Sur les quelque 8 000 jeunes ultraorthodoxes qui atteignent l’âge de 18 ans chaque année, le comité Péri espère en incorporer 3 300 en 2013 et 5 200 en 2016. Si cet objectif n’est pas atteint, la rigueur de la loi s’appliqueraaux plus de 21 ans qui refuseraient de se rendre sous les drapeaux, à l’exception toutefois de 1 800 « surdoués» pour les études talmudiques qui, chaque année, seront exemptés pour de bon. Rien, dans ce dispositif, ne constitue une machine de guerre contre ceux dont « la Torah est le métier ». Ce qui ne devrait pas suffire à empêcher, dans les semaines à venir, une levée de boucliers du monde ultraorthodoxe, mais aussi des laïques pour qui Yaïr Lapid ne tient pas ses promesses. p
les perspectives sont riantes pour l’Amérique. Deux spécialistes des affaires militaires l’affirment sans complexe : Michael O’Hanlon, expert à la Brookings Institution, et David Petraeus, l’ancien commandant en chef des forces en Irak et en Afghanistan reconverti, depuis sa démission pour cause d’adultère,dans unecarrièred’universitaire doublée d’une fonction nettement plus lucrative dans un fonds d’investissement.
vent Petraeus et O’Hanlon. La transformationdu secteurénergétique est un « phénomène nordaméricain », renchérit Richard Haass. Ce sera peut-être « l’une des grandes histoires du XXIe siècle ». Optimisme exagéré ? Com’? Sûrement. Mais d’ores et déjà, l’atmosphère a changé aux EtatsUnis. Le déficit baisse plus vite qu’escompté (10 % du PNB en 2009, 4 % aujourd’hui). Wall Street a battu son record historique en avril. Les prix de l’immobilier remontent. Et 56 % des Américains estiment maintenant que l’économie va mieux, le score le plus haut depuis 2009. Les républicains continuentleur obstructionnisme mais chaque catastrophe – et dieu sait qu’il y en a – donne le spectacle d’une nation ressoudéeautour des veillées à la gloire des victimes,des secouristes et des miraculés, alors que la Maison Blanche annonce la visite d’un président qui est passé maître dans l’art de consoler. Les antidéclinistes ne rêvent que du jour où la Chine, dont la dépendance énergétique ne risque pas de s’améliorer (70 % de ses importations de pétrole viendront du Moyen-Orient en 2015), aura, à son tour, à composer avec l’Orient compliqué. D’ici là, il reste malheureusement à surmonter quelques légères contrariétés. Quelques bumps in the road (« cahots sur la route »), comme dit Barack Obama : les armes chimiques syriennes, les missilesnord-coréens,le nucléaire iranien… p
Au seuil d’une nouvelle ère ? Dans un texte intitulé « Un avenir américain plein de promesses », les deux stratèges déclinent les raisons de leur optimisme. D’abord, la révolution énergétique. Les Etats-Unis deviendront le premier producteur de pétrole brut entre2017 et 2020, et exportateur net en 2030. Ils sont déjà le plus grand producteur de gaz naturel (avec « cent ans de réserves », assurent-ils). Autre révolution, industriellecelle-là : les EtatsUnis comptent parmi les leaders mondiaux de l’impression en 3D et de la robotique. Enfin, la révolution dans les technologies de l’information et la transition vers le cloud computing, domaines « dans lesquels nous sommes aussi les leaders ». Pour les antidéclinistes, l’union économique entre les Etats-Unis, le Canada et le Mexique va sauver la croissance mondiale, plus sûrement que ne le feront jamais la Chine, le Japon ou l’Europe. Le monde pourrait être au seuil d’une nouvelle ère, celle de « la Nouvelle Amérique du Nord », écri-
Laurent Zecchini
[email protected]
planète 5
0123
Samedi 1er juin 2013
Le combat de l’Afrique pour se réapproprier ses ressources naturelles
Aidés par la Banque africaine de développement,les Etats veulent renégocier les contrats avec les multinationales Marrakech (Maroc) Envoyée spéciale
M
inerais,pétrole,gaz, terres arables… les ressources naturelles dont l’Afrique dispose en quantités encore largement inexploitées peuvent-elles enfin devenir le levier de développement du continent? Une décennie de croissance sans précédent, portée parce que des économistes ont baptisé de « supercycle » des matières premières et des découvertesd’hydrocarbures,a ouvertde nouveaux horizons à plusieurs pays dont le revenu par habitant figure parmi les plus faibles du monde, comme le Mozambique ou la Tanzanie. A Marrakech, où se tenaient les assemblées annuelles de la Banque africaine de développement (BAD) jusqu’auvendredi31 mai,l’optimisme est affiché. Comme si cette foisci,l’exploitationdesrichessesnaturelles ne devait plus être la répétition d’une histoire jusqu’ici synonyme de pillages au profit d’un petit nombre et de ravages écologiques. Les obstacles n’ont pourtant pas disparu. « La corruption existe mais là n’est pas le principal problème. Le fait que les Etats ne savent pas ce qu’ils sont en train de vendre et qu’ils n’ont pas les moyens de négocier face aux multinationales pèse davantage », avance Hela Cheikhrouhou,directricedudépartement énergie-climat à la BAD. Depuis 2008, l’institution a créé la Facilité africaine de soutien juridique pour venir en aide aux gouvernements dans la rédaction des contrats qui les lient pour plusieurs décennies aux entreprises étrangères. « La plupart n’ont pas les moyens de négocier d’égal à égal avec des multinationales qui s’entourent de bataillons de juristes, d’avocats, de géologues… Il faut cinq ans pour former un bon expert. Dans des pays pauvres ou qui sor-
tent de conflits, il n’y en a pas », explique son directeur, Stephen Karangizi. Résultat: « Soit les deals se font au cas par cas, soit les Etats élaborent à la va-vite des législations très faibles. Or en l’absence d’uncadrelégislatifsolide,ilestdifficile d’imposerses conditionstant en termesderevenus,d’emplois,derespect de l’environnement…» SeptpaysontrecoursàcetteFacilité qui finance des équipes d’experts internationaux en associant des cadres locaux afin de les former. Sept autres en ont fait la demande. Certains gouvernements comme celui de la Guinée sont engagés dans la renégociation des contrats qu’ils ont trouvés en arrivantaupouvoir.«D’autreshési-
Au cours des dernières années, l’essentiel de la rente des matières premières a continué à être capté par une minorité tent encore, par crainte d’envoyer un mauvais signal aux investisseurs», reconnaît M.Karangizi. Sous la pression de l’Initiative pourlatransparencedesindustries extractives (ITIE) lancée, il y a dix ans, par une coalition d’ONG pour réclamer aux compagnies de publier les montants versés aux paysdanslesquelsellesopèrent,les pratiques ont aussi – un peu – évolué. Les Etats-Unis, depuis 2010, et l’Union européenne, le 23 avril, ont adopté des réglementations contraignant les multinationales à plus de transparence. Le Liberia, le Ghana, la Sierra Leone et la Guinée publient depuis peu l’intégralité des contrats signés. Mais le chantier reste à mener pour les acquisitions de terre destinées le plus souvent à la production d’huile de pal-
me. Le projet Herakles récemment suspendu au Cameroun est le dernier scandale en date concentrant éviction de communautés locales, déforestation et maigres retombées pour les caisses de l’Etat. Lesmultinationales,seulesfautives ? Le rapport « Equité et industries extractives en Afrique », publié le 9 mai par l’Africa Progress Panelsousladirectiondel’ex-secrétairegénéraldes NationsuniesKofi Annan, se montrait peu clément pour plusieurs gouvernements africains. Au cours des dernières années, l’essentiel de la rente des matières premières a continué à être capté par une minorité et la pauvreté n’a pas reculé comme l’aurait permis une redistribution pluslarge. En Zambie,par exemple, le revenu des 10 % les plus pauvres a baissé de moitié lorsque celui des 10 % les plus riches augmentait de plus d’un tiers. Lerapportpointeaussidespratiques frauduleuses d’une ampleur colossale. En Angola, 4,2 milliards de dollars (3,2 milliards d’euros) manquaient dans les caisses de la compagnie pétrolière d’Etat pour la seule année 2012. En République démocratique du Congo, « cinq contrats de privatisation à travers la vente d’actifs publics à des investisseurs étrangers opérant par l’intermédiaire de sociétés offshore enregistrées aux îles Vierges britanniques et dans d’autres juridictions ont, de par une sous-évaluation des actifs, privé l’Etat de 1,3 milliard de dollars, soit plus du double des budgets de l’éducation et de la santé ». Au total, « la falsification des prix des échanges commerciaux aurait coûtéàl’Afriqueenmoyenne38milliards de dollars par an entre 2008 et 2010, soit plus que l’aide bilatérale reçue des bailleurs de l’OCDE». Mais étrangement à Marrakech, personne ne semblait avoir lu le rapport de Kofi Annan. p Laurence Caramel
Dans une petite mine d’or en Ouganda, en février. EDWARD ECHWALU/REUTERS
L’environnement au cœur des objectifs 2030 de l’ONU de réduction de la pauvreté New York (Nations unies) Correspondante
Peut mieux faire. C’est en substance le message adressé aux 193 pays membres des Nations unies par le groupe de haut niveau chargé d’évaluer les efforts entrepris depuis 2000 en faveur des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD) – supposés être atteints en 2015 –, et d’en définir de nouveaux pour 2030. Les treize dernières années ont vu « la plus rapide réduction de la pauvreté dans l’histoire de l’humanité», avec 500millions de personnes sorties de la catégorie des plus défavorisés, ceux qui vivent sous le seuil de 1,25dollar (moins d’un euro) par jour. Mais ils sont encore 1,2milliard dans l’extrême pauvre-
té, déplorent, dans leur rapport rendu public le 30mai, les 27 personnalités mandatées par le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-moon. Parmi elles, le premier ministre britannique, David Cameron, l’ancien chef de cabinet du président américain Bill Clinton, John Podesta, et l’ex-directeur général de l’Agence française de développement Jean-Michel Severino. La priorité d’ici à 2030? Passer d’un objectif de réduction de l’extrême pauvreté à celui de l’élimination de l’extrême pauvreté sous toutes ses formes, insiste le rapport, fruit de neuf mois de travail et de consultations avec notamment 5 000acteurs de la société civile et 250entreprises privées dans 121pays. Pas moins de 12objectifs sont énoncés pour 54 «cibles
au niveau national». L’idée maîtresse est de « placer le développement durable au cœur des débats». Freiner le réchauffement climatique et protéger l’environnement sont en tête des efforts recommandés. Le rapport propose d’obliger les grandes entreprises à rendre compte de leur impact sur l’environnement. L’éradication de la pauvreté passe aussi par la promotion des femmes, la lutte contre les inégalités et la corruption, insistent les auteurs. Sans oublier la prévention des conflits: plus de 40% des personnes les plus pauvres vivent dans un pays en guerre. Autant de recommandations qui seront débattues fin septembre lors de la 68e session de l’Assemblée générale de l’ONU. p
Alexandra Geneste
La découverte aux Etats-Unis de blé transgénique d’origine inconnue agite le marché mondial
Le Japon a annulé une commande de 25000tonnes. L’Europe demande des tests à l’importation
Q
uelquesplantsde blé transgénique découverts dans une ferme de l’Oregon ont semé le trouble, jeudi 30 mai, sur le marchémondialde la céréale.Le département américain de l’agriculture (USDA) avait annoncé la veille, dans un communiqué, que « les résultats de tests effectués sur des échantillons de végétaux venant d’une ferme de l’Oregon indiquaient la présence de plants de blé transgénique résistants au glyphosate », le principe actif contenu dans des herbicides comme le Roundup. Des essais en plein champ de ce type de blé ont été menés par Monsanto entre 1998 et 2004 avant d’être abandonnés. Le Japon a aussitôt annulé un appel d’offres portant sur près de 25 000 tonnes de blé américain, alors que la Commission européenne conseillait aux Vingt-Sept de procéder à des tests sur les cargaisons de blé en provenance des Etats-Unis, premier exportateur mondial. Bruxelles a affirmé avoir contacté Monsanto afin que le groupe américain lui précise la méthode et le matériel à employer pour les réaliser. La variété concernée,du blé tendre blanc, constitue 80 % des
importationseuropéennesen provenance des Etats-Unis. « Je ne serais pas surpris si d’autres pays commençaient à annuler ou à réduire leurs achats de blé américain, notamment des pays asiatiques, ce qui mettrait la demande de blé sous pression », a confiéJoyce Liu, de la sociétésingapourienne de négoce Phillip Futures, à l’agence Reuters. Jeudi, en début d’après-midi, le cours du blé à la bourse de Chicago,déjà orienté à la baisse depuis un mois en raison des perspectives de bonnes récoltes mondiales, enregistrait une chute de 1 %, mais restait stable à la clôture. Le blé transgénique a été découvert dans une exploitation agricolede l’estde l’Oregon,dontla localisation précise a été tenue secrète par les autorités américaines. Des employés ont aspergé les champs de glyphosate afin d’empêcher l’apparition de mauvaises herbes entre deux récoltes. La résistance de plants de blé a attiré l’attention du fermier, qui les a fait analyser par l’université de l’Etat d’Oregon. Les tests ayant démontré qu’il s’agissaitde variétésde blé transgénique dites « Roundup Ready », l’université a alerté l’USDA, dont
lesanalyses ont confirméles résultats. « Il n’existe pas de variété de blé génétiquement modifié dont la venteou la productioncommerciale soit autorisée aux Etats-Unis ou ailleurs à cette date », a rappelé le département de l’agriculture, qui a voulu se montrer rassurant en précisant que « la détection de cette variété de blé ne pose pas de problème de sécurité alimentaire».
« La détection de cette variété de blé ne pose pas de problème de sécurité alimentaire » Département américain de l’agriculture
L’USDAa lancé une enquêteofficielle pour déterminer l’origine de cette dissémination, qui intervient des années après que Monsanto a interrompu ses recherches, les principaux pays importateurs de blé américain ayant fait savoir qu’ils n’achèteraient pas de variétés transgéniques. « Notre prioritéest de détermineraussi vite que possible les circonstances et l’étendue de la situation», a déclaré Michael Firko, un responsable
du service d’inspection sanitaire animale et végétale de l’USDA. « Il faudrait savoir si ce fermier a participé aux essais de Monsanto ou si ceux-ci ont eu lieu à proximité de son exploitation, et où il se fournit en semences, même si on voit mal comment des semences conventionnelles et transgéniques auraientpu être mélangées», affirme Catherine Feuillet, de l’Institut national de la recherche agronomique (INRA), qui précise qu’une graine de blé peut germer plusieurs années après avoir été produite. Dansun communiqué,Monsanto rappelle qu’il s’agit du premier cas depuis l’interruption de ses recherches et s’interroge sur la fiabilité des analyses effectuées, tout en affirmant sa volonté de coopérer avec l’USDA pour déterminer l’origine de la dissémination. « Il s’agit d’une sérieuse remise en cause de leur système d’essais en plein champ, qui met en danger les fermiers et toute la filière du blé », estime pour sa part Bill Freese, un expert du Center for Food Safety, une ONG opposéeaux organismes génétiquement modifiés, interrogé par l’agence Bloomberg. p Gilles van Kote
DÉTAILLANT - GROSSISTE Vend aux particuliers
Les grandes marques aux meilleurs prix !
CANAPES - SALONS - CLIC CLAC CONVERTIBLES pour couchage quotidien
SOMMIERS - MATELAS fixes ou relevables - toutes dimensions
Plus de 5000m2 d’exposition 50 av. d’Italie
75013 PARIS
247 rue de Belleville
75019 PARIS
148 av. Malakoff
75116 PARIS
Plus de 5000m2 d’exposition
01 42 08 71 00 www.mobeco.com APPEL GRATUIT DEPUIS UN POSTE DE FIXE
7j/7
6
france
0123
Samedi 1er juin 2013
FrançoisHollande hésiteàbaisser lesallocationsfamiliales La piste d’un plafonnement accru du quotient familial revient en force, avant l’annonce des décisions le 3juin
S
urtout ne pas être accusé de mener une politique « antifamille».Lefeuilletondumariage gay à peine achevé, l’exécutif cherche à éviter d’ouvrir un nouveau front sur le dossier des prestations familiales. Jean-Marc Ayrault doit annoncer, lundi 3 juin, les décisions qu’il compte prendre pour réduire les 2 milliards d’euros de déficit de la branche famille (55milliards d’euros de dépenses). Mais alors que l’exécutif envisageait, depuis des semaines, de diminuer les allocations familiales à partir de 5 000 euros net de revenus pour un couple avec deux enfants, une autre solution, moins risquée politiquement, est sérieusement envisagée. Selon plusieurs sources au sein de l’exécutif, le gouvernement pourrait plutôt décider d’abaisser le plafond du quotient familial, qui permet aux parents (imposables) d’obtenir une réduction d’impôt en fonction du nombre de leurs enfants. Actuellement, cet avantage est plafonné à 2000 euros par demi-part fiscale (soit 2 000 euros par enfant jusqu’au deuxième, puis 4 000 euros par enfant après le troisième). Dans son rapport sur les allocations familiales, le président du Haut Conseil à la famille, Bertrand Fragonard, estimait qu’une baisse de ce plafond à 1 500 euros pourrait rapporter 915 millions d’euros, à peu près autant que la modulation des allocations. Selon Bercy, 1 à 1,2 million de foyers fiscaux seraient concernés par cette mesure. L’Elysée assure que les arbitrages définitifs seront pris dimanche aucoursd’unentretienentrelepremier ministre et François Hollande. « Il y a un principe qui inspirera le gouvernement, c’est la justice. Il y aura donc des économies et il y aura de la justice », a esquivé François Hollande en déplacement à Castres (Tarn). « Les deux solutions sont possibles, les formules ont leurs avantages et leurs inconvénients», assure un proche du président. Le jeu resterait ouvert : «Qu’est-cequi permetde mieuxfaire comprendre que l’universalité est préservée, mais qu’on introduit de la justice? Il y a deux méthodes», assure un ministre. La piste du quotient présente l’avantage d’être apparemment indolore : sa baisse se traduirait pour les familles concernées par une perte l’année suivante, sous la
forme d’une hausse des impôts, et non par une baisse immédiate des allocations. Quasiment aucun contribuable ne sait évaluer l’avantage qu’il perçoit au titre du quotient familial, contrairement à la clartédesversementsissusdesCaisses d’allocations familiales (CAF). De quoi éviter de froisser frontalement les associations familiales. « Il y aura de toute manière des protestations, mais peut être moins avec le quotient familial », anticipe-t-onà l’Elysée.Defait,unebaisse du plafond du quotient constituerait un «moindre mal», selon François Fondard, président de l’Union nationale des associations familia-
« Il y aura de toute manière des protestations, mais peut-être moins avec le quotient familial », anticipe-t-on à l’Elysée les (UNAF), contrairement à la mise sous conditions de ressources des allocations, qui « remettrait en cause le principe fondateur de l’universalité de la politique familiale». En 1998 déjà, le gouvernement Jospin avait renoncé à supprimer les allocations des familles les plus aisées. Selon l’Elysée, l’objectif resterait de concentrer l’effort sur les 15 % des familles les plus riches.« 15% de modulation ou 15 % de baisse du quotient familial, cela revient au même», y plaide-t-on. Selon le rapport Fragonard, une baisse du plafond du quotient à 1500 euros toucherait « environ 10% des foyers fiscauxayant des enfants à charge» et « le supplément d’impôt moyen serait de 68 euros par mois ». Elle concerneraitaussi les familles d’un seul enfant, qui ne perçoivent pas d’allocations familiales, ou celles dont les enfants ont plus de 20 ans. Autre avantage, cette réforme est simple à mettre en œuvre, contrairement à la modulation des allocations,qui pousseraitlesCAF à de longues vérifications des données fiscales des allocataires. De quoienvoyerauxoublietteslabaisse des allocations pour les plus riches? « C’est désormais une option envisagée sérieusement», confirme un collaborateur du chef de l'Etat, qui rappelle qu’« elle n’était jamais complètement sortie des
écrans radars, mais elle était passée au second plan car les conseillers budgétaires avaient fait valoir que cette solution augmentait les prélèvementsobligatoires».Ledébatpersiste au sein de la majorité. Claude Bartolone, le président de l’Assemblée nationale, s’est déclaré partisan, vendredi 31 mai sur BFMTV, d’unesuppressiontotaledesallocations pour les plus riches. Quoi qu’il arrive, l’exécutif devrait par ailleurs rogner certaines prestations, comme la prime à la naissance ou la prestation d’accueil du jeune enfant. La piste du plafonnement accru du quotient familial présente un inconvénient politique majeur : elle se traduirait par une hausse de la fiscalité, alors que François Hollandea promis que les impôts, hors TVA, n’augmenteraient plus en 2014. Pour contourner cet obstacle, l’exécutif rôde déjà deux arguments: le quotient familial est une « niche fiscale » et pourrait donc être exclu de la règle présidentielle. Et le président lui-même avait estimé que la Sécurité sociale n’était pas concernée par la promesse de stabilitéfiscale.Desargumentsspécieux dans un pays en tête de l’OCDEpourle poidsde ses prélèvements obligatoires (46,3% en 2013) et de ses dépenses publiques (56,9%) dans le PIB. p Jean-Baptiste Chastand et David Revault D’Allonnes
Le quotient familial, une mesure fiscale puissante LE QUOTIENT FAMILIAL est un dispositif fiscal assez peu répandu dans le monde – seuls le Portugal et le Luxembourg utilisent des mécanismes similaires. Son fonctionnement étant passablement complexe, bien malin le contribuable ayant charge d’âmes qui peut dire combien cet avantage lui fait économiser d’impôt sur le revenu. Instauré en 1945, le quotient familial est une modalité particulière de calcul de l’impôt sur le revenu, qui vise à assurer l’équité fiscale au regard des charges de famille. C’est un outil de redistribution horizontale entre les ménages sans enfants et les ménages avec enfants – la problématique de la compensation du coût de l’enfant étant un objectif historique et constant de la politique familiale française. « Concrète-
ment, cela revient à fractionner le revenu du contribuable en fonction de la composition de son foyer fiscal [de son nombre de parts] de sorte à l’imposer au barème progressif dans les tranches plus basses que celles qui lui auraient été appliquées en l’absence d’un tel mécanisme», explique Christian Eckert, rapporteur général PS dans son rapport sur le projet de loi de finances pour 2013.
Abaissement du plafond Ce mécanisme ne concerne par construction que les familles imposables et permet à d’autres de ne plus l’être. L’avantage fiscal qu’il représente croît avec le nombre d’enfants et les revenus. C’est d’ailleurs une des raisons pour lesquelles en 1981, le quotient familial a été plafonné. La loi de finan-
ces pour 2013 a abaissé de 2336euros à 2000 euros le plafond de cet avantage en impôt procuré pour chaque demi-part supplémentaire: 2000 euros par enfant jusqu’au deuxième, 4000 euros à partir du troisième. L’objectif poursuivi par le gouvernement Ayrault était, selon M. Eckert, de « minorer le bénéfice tiré du quotient familial de droit commun de façon à renforcer la progressivité de l’impôt pour les contribuables disposant de revenus relativement élevés ». L’abaissement de ce plafond, censé s’appliquer cette année sur les revenus de 2012, se traduira pour 883 000 foyers fiscaux par une hausse d’impôt d’un montant moyen de 555 euros. Cela rapporterait 490millions d’euros par an à l’Etat, a estimé M.Eckert. Selon Ber-
cy, 7,1millions de foyers fiscaux sur un total de 37millions ont bénéficié en 2011 du quotient familial. Ce dernier a coûté 13,2 milliards d’euros en 2010 à l’Etat. Si le plafond tombe à 1500 euros, une hypothèse étudiée par Bertrand Fragonard dans son rapport au premier ministre, le nombre de foyers fiscaux perdants passerait à 1-1,2 million. La gauche du Parti socialiste, entre autres, pousse cette solution qui suscite un regain d’intérêt. Le plafonnement accru du quotient est jugé plus juste qu’une modulation des allocations familiales selon les revenus. Il présente aussi l’avantage d’être peu visible, contrairement au rabotage, à effet immédiat, des allocations. Décidé l’année N, il s’applique en N + 1. p
Claire Guélaud
L’enjeu pour le gouvernement est de maintenir la confiance des familles Analyse Nul doute que, quelle que soit la mesure d’économie annoncée lundi 3 juin par le gouvernement, il sera accusé par l’opposition et une partie des associations concernées de s’attaquer à la politique familiale, et par conséquent, de mettre en péril le dynamisme démographique du pays, dont le taux de fécondité est l’un des rares en Europe à dépasser deux enfants par femme. Autant dire un fleuron national, l’un des seuls indicateurs positifs dans la crise, l’un des rares à donner confiance en l’avenir. Cependant, que la principale mesure consiste à augmenter les impôts des familles les plus aisées en abaissant le plafond du quotient familial ou à baisser les allocations versées chaque mois à ces familles, seule une petite partie de la population devrait être touchée.
Si tel est bien le cas, l’impact sur la démographie devrait rester limité. « Toutes les recherches montrent qu’on ne peut établir de lien entre des mesures précises de politique familiale et le taux de natalité, estime Gilles Séraphin, sociologue, auteur de Comprendre la politique familiale (Dunod, 2013). C’est l’ensemble de cette politique qui la soutient.» Même analyse de Laurent Toulemon, démographe à l’Institut national d’études démographiques (INED) : « Quand on évalue l’impact d’une mesure isolément, on a l’impression qu’il est minuscule. En revanche, quand on prend l’ensemble des mesures, elles ont un effet majeur, les comparaisons internationales le prouvent.» Or, si les réductions d’impôts et les allocations familiales sont des mesures particulièrement emblématiques, la politique familiale est beaucoup plus vaste. C’est plu-
tôt du côté des mesures favorables à l’emploi des femmes qu’il faut chercher les raisons du dynamisme de la fécondité française. Variété des modes de garde pour les enfants de moins de 3 ans, possibilité de concilier vie familiale et professionnelle grâce aux congés
Toucher à de nombreuses aides en même temps pourrait avoir un impact psychologique parentaux (même si ces derniers ont tendance à éloigner les femmes les moins favorisées du marché du travail), soutien financier par la prestation d’accueil du jeune enfant (12,7 milliards d’euros, soit le même montant que les
allocations familiales, qui devraient aussi être rognées) sont les principales. « La France a fait un choix gagnant, celui de favoriser le travail des femmes, estime M. Séraphin. Ceux qui ont joué la natalité contre le travail des femmes et les ont incitées à rester à la maison ont tout perdu. » C’est pourquoi le gouvernement devait annoncer, en même temps que les mesures d’économie, au minimum un maintien de l’effort financier en faveur des crèches. L’objectif de créer 100 000 places en accueil collectif d’ici cinq ans – soit l’équivalent de ce qui a été fait sous le précédent quinquennat – a récemment été avancé. Les associations féministes risquent cependant de trouver le chiffre insuffisant. Bien que la France soit mieux dotée en la matière que ses pays voisins, le manque reste estimé à
350000 places, et l’attractivité de l’accueil collectif demeure forte. D’autres spécificités nationales, comme l’existence de la maternelle dès 3 ans, d’une école publique gratuite ou la prise en compte du nombre d’enfants dans l’attribution de logements sociaux, participent du soutien à la natalité. Au final, c’est une politique « foisonnante et désordonnée», selon M.Toulemon, d’autant qu’elle est constamment modifiée. L’inconvénient est qu’elle n’est guère lisible. « Il est difficile pour une famille de savoir exactement ce qu’elle reçoit, observe Stefania Marcassa, spécialiste de l’économie des ménages. Tout comme il est difficile pour une grande partie des ménages de savoir combien coûtent réellement les enfants. » L’avantage est que cet éventail d’aides et de services entretient l’idée que chacun en bénéficie.
« Cette politique est crédible, estime M. Toulemon. La population a en tête que l’Etat aime et aide toutes les familles, que les couples soient mariés ou non, quel que soit leur revenu. » L’enjeu pour le gouvernement est de maintenir cette crédibilité. Le président de l’Union nationale des associations familiales parle d’un « capital confiance» à maintenir. Le choix d’une baisse des emblématiques allocations familiales serait périlleux. La baisse du plafond du quotient familial a l’intérêt d’être moins symbolique, et en tant que limitation d’un avantage fiscal, plus facile à accepter. Quant à la stratégie de la dispersion, qui consisterait à toucher de nombreuses aides en même temps, elle n’est pas exempte de risques, car elle pourrait avoir un impact psychologique important. p
Gaëlle Dupont
0123
politique
Samedi 1er juin 2013
7
A Paris, «NKM» est confrontée à une primaire à hauts risques
Le vote pour désigner le candidat UMP aux élections municipales dans la capitale a débuté vendredi 31mai. Le scrutin sera clos lundi 3juin
J
e n’envisage pas d’être battue. Et je prends tous les risques », a-t-elle asséné pendant toute la campagne. Ce qui devait être une électionjouéed’avancepourNathalie Kosciusko-Morizet est devenue la primaire de tous les dangers. Alors que les électeurs parisiens sont appelés aux urnes électroniques, depuis vendredi 31 mai 8 heures jusqu’à lundi 3 juin 19 heures, afin de départager quatre impétrants en lice pour la candidature UMP aux municipales de 2014, elle ne s’attendait pas à une partie aussi difficile. La députée (UMP) de l’Essonne ne dispute le match face à trois concurrents pourtant moins connus qu’elle : Pierre-Yves Bournazel, élu (UMP) du 18e arrondissement, Jean-François Legaret, maire (UMP) du
Sanctionner celle qui s’est abstenue lors du vote de la loi Taubira, tel est l’espoir des réseaux de droite et des catholiques traditionnels 1 arrondissement et Franck Margain, conseiller régional et président délégué du Parti chrétiendémocrate de Christine Boutin. Jeudi 30 mai, à la veille du scrutin, NKM pariait sur 20 000 participants au final. Le même jour, après un mois et demi de campagne, 18 400 électeurs étaient inscrits, sur le site Primaireparis.fr pour pouvoir voter. La primaire – pour laquelle la possibilité de er
s’inscrire a été repoussée au 3 juin – ne semble plus devoir être le « fiasco » que certains à l’UMP redoutaient. A titre de comparaison, la primaire Fillon-Copé pour la présidence de l’UMP, en novembre 2012 – il est vrai réservée aux seuls adhérents du parti – avait mobilisé 12 237 militants parisiens sur 26 511 adhérents au parti. Bien qu’honorable, la participation n’augure pas d’un triomphe pour celle qui reste la favorite de ce scrutin. L’entourage de NKM se garde de tout pronostic quant à une éventuelle victoire au soir du premier tour. D’autant que ces trois rivaux défendent chèrement leur chance : chacun rêvant d’attirer à lui, les suffrages des électeurs qui se sont mobilisés contre le mariage pour tous. Les réseaux de droite et des catholiquestraditionnelsse saisissent cette consultation dans l’espoir de sanctionner celle qui qui s’est abstenue lors du vote de la loi Taubira. NKM est devenue leur cible. Des appels à voter pour ses concurrents se sont propagés sur les sites de La Manif pour tous et d’autres proches de la droite radicale. L’offensive est apparue au grand jour le 20 mai, avec l’appel de Guillaume Peltier, chef de file de la Droite forte, aile droitière de l’UMP, à voter contre elle. « Peltier, c’est le Buisson qui cache la forêt », a-t-elle dégainé en visant explicitement Patrick Buisson, ex-conseiller de Nicolas Sarkozy dont elle combat la ligne idéologique proche des thèmes du FN. D’autres à l’extrême droite se sont démenés contre sa candida-
Pierre-Yves Bournazel, l’atout anti-NKM IL A LE STYLE « Poulbot-bobo», il séduit aussi la « droite Frigide Barjot». Pierre-Yves Bournazel est devenu l’atout maître des antiNKM, à l’UMP. L’élu du 18e arrondissement de Paris s’est imposé comme un rival sérieux à Nathalie Kosciusko-Morizet, la favorite des sondages à la primaire qui doit élire le candidat de la droite à l’élection municipale de mars2014. « Je suis un homme qui n’appartient à personne et qui appartient à tout le monde », a-t-il lancé, le 15 mai, devant quelque 500 soutiens réunis au Bus Palladium, club branché de la nuit parisienne. Bien qu’il n’adhère pas à la Droite forte, M.Bournazel a reçu le soutien de Guillaume Peltier, chef de file du courant le plus droitier de l’UMP. Le cofondateur de ce courant, Geoffroy Didier, élu comme Bournazel au conseil régional d’Ile-de-France, lui a servi d’agent de liaison. «J’ai convaincu Guillaume Peltier qui voulait soutenir Legaret que Bournazel était le meilleur face à NKM », explique M.Didier. Guillaume Peltier a maintenu son soutien à Jean-François Legaret mais dans l’espoir, selon M. Didier, de récupérer le crédit acquis par le maire du 1er arrondissement auprès des antimariage pour tous pour M. Bournazel. « C’est une opération de manipulation rendue possible par les convictions courant d’air » de M.Bournazel, tacle Jérôme Dubus, élu du 17e, membre de la Droite forte et soutien de NKM, qui assure que celui-ci a « toujours été pour le mariage gay » au Conseil de Paris. « Je suis pour l’union civile des couples homosexuels, corrige M. Bournazel. Je n’aurais pas voté la loi Taubira si j’avais été parlementaire. Dans ma campagne pour la primaire, je ne parle jamais du mariage pour tous. Je porte un projet pour Paris, le seul qui soit chiffré et précis.»
Le jeune « bougnat», comme il se définit, né le 31 août 1977 dans le Cantal, passé par Sciences Po Toulouse, a fait ses premières armes politiques dans le giron de Françoise de Panafieu, comme conseiller à la primaire de 2006, puis comme porte-parole de la candidate de l’UMP aux municipales, en 2008. Cette année-là, il décroche un siège de conseiller de Paris dans le 18e. Il crée aussi « Pari-Paris», microcénacle au sein du groupe UMP, emmené par Thierry Coudert, élu du 17e, fondateur de La Diagonale, think tank des « sarkozystes de gauche » et passerelle entre l’UMP et certains milieux gays. Il défend avec une poignée de jeunes élus parisiens la célébration du pacs en mairie, les tours ou le péage urbain, en rupture avec les barons UMP.
Tremplin médiatique Il attire alors l’attention de Pierre Charon, élu du 15e, alors conseiller de Nicolas Sarkozy, qui l’aide à devenir conseiller régional, en 2010. En retour, M. Bournazel devient son poisson-pilote, en 2011, quand M. Charon se présente en dissident de l’UMP aux sénatoriales. L’épopée les a soudés. « Chaban a été maire de Bordeaux à 30 ans », se souvient M. Charon qui fut son conseiller. « A 35 ans, le petit Bournazel a l’âge et les qualités pour être maire de Paris », s’extasie celui qui soutenait une candidature de Jean-Louis Borloo à Paris et que la défaite de NKM ne chagrinerait pas. La primaire face à la favorite des sondages lui offre un tremplin médiatique. Il a un programme « gaullo-bobo», sourit Geoffroy Boulard, trésorier de sa campagne, qui lui permet de ratisser large. Favorable à la Nuit blanche et au Vélib’, il défend l’idée d’une police municipale à Paris et s’en prend à « certains Roms». p B. J.
ture. Ainsi le journal Minute qui, le 29 mai, a titré à sa « une » : « Pour trois euros, payez-vous NKM. » Plutôt que de minimiser ces menaces, NKM a choisi de les dramatiser. Se posant ouvertement en victime d’une tentative de déstabilisation, histoire de créer un sursaut républicain autour de sa candidature. Mais ces efforts pour déjouer ce qu’elle qualifie de « sabotage», seront-ils suffisants? A force de dénoncer le dévoiement de la primaire, NKM a réussi
à allumer des contre-feux. Soucieux de ne pas rouvrir le débat sur la ligne idéologique de l’UMP, Jean-François Copé a préféré calmer le jeu. M. Peltier s’est attiré un « rappel à l’ordre » de son parti. Après le soutien affiché de François Fillon, NKM a obtenu celui de Nicolas Sarkozy et le renfort de Bernadette Chirac. Décrocher le statut de la candidate qui rassemble sa famille politique, tel demeure à ce stade le souhait de Mme Kosciusko-Morizet qui espère que le réflexe légitimiste des militants
Jean-François Legaret porte plainte contre X Jean-François Legaret, candidat à la primaire de la droite parisienne a annoncé, jeudi 30 mai, un dépôt de plainte contre X après la diffusion d’un mail « mensonger », selon lui. Ce mail affirme qu’il a soutenu le mariage homosexuel en 2007, alors qu’il s’est prononcé contre la loi Taubira. « Plusieurs personnes inscrites pour voter à la primaire m’ont dit avoir reçu ce message. Le fichier
des inscriptions à la primaire a été piraté », affirme M. Legaret. Le maire du 1er arrondissement reproche, par ailleurs, à Claude Goasguen, soutien de Nathalie Kosciusko-Morizet d’avoir diffusé ce mail. « J’ai demandé à M. Legaret, des noms de personnes qui auraient reçu ce mail. J’attends qu’il me les fournisse », a déclaré le président de la fédération UMP, Philippe Goujon.
jouera en sa faveur. Y parviendra-t-elle? Cette campagne a été semée d’embûches. « Cette primaire, c’est l’Everest par la face Nord », confiait-elle, le 30 avril. Le retrait de Rachida Dati de la compétition, le 23 avril, l’a privée d’un duel médiatique qui aurait du la propulser. NKM est devenue, paradoxalement, victime de son statut de favorite dans les sondages lequel a alimenté l’indifférence des Parisiens pour une élection qui semblait régler d’avance. Malgré une campagne acharnée dans les médias, NKM n’a pas réussi à mobiliser les électeurs autant qu’elle le voulait. Tandis qu’elle s’attelait à désamorcer le front anti-NKM, ses rivaux se sont senti pousser des ailes. A force de battre le pavé parisien et d’apparaître sur les plateaux de télé, M. Bournazel a acquis un début de notoriété au-delà de son seul arrondissement du 18e. Engagé dans les manifestations des anti-mariage pour tous, M. Legaret attend de recueillir les
suffrages de la droite la plus traditionnelle. Le maire du 1er sait devoir compter sur les troupes de Jean Tiberi, qui en 1995 avait succédé à Jacques Chirac à l’hôtel de ville de la capitale, et est toujours maire du 5e. L’entourage de NKM voit en M. Legaret celui qui a le plus de chance d’arriver en deuxième position. Conscients du fossé qui leur reste à combler pour espérer la battre, ses concurrents ont utilisé une dernière cartouche : ces derniers jours, ils ont tous exprimé des interrogations sur la fiabilité du mode de scrutin, quitte à jeter la suspicion par avance sur le score final. MM. Bournazel, Legaret et Margain ont regretté que les électeurs puissent continuer de s’inscrire pour voter pendant le déroulement du vote. La date butoir fixée initialement au 28 mai a été repoussée au 3 juin. Pour M. Legaret, ce changement des règles semble de nature à encourager « les suspicions de fraudes ». p Béatrice Jérôme
COMMUNIQUÉ
École Pratique des Hautes Études en Psychopathologies
AUTISME
Lettre ouverte
À Madame Marie-Arlette Carlotti Ministre déléguée aux personnes handicapées Paris, le 17 mai 2013
Madame la Ministre, On voudrait apprécier l’activisme du 3 e plan Autisme (2014-2017) que vous publiez. Il appelle pourtant les restrictions suivantes : 1. La France ne peut être pointée comme étant en retard en ce domaine. Certes celui-ci n’a pas été investi pendant longtemps - jusqu’à l’apparition récente des thèses du comportementalisme - par la médecine. Mais dès la fin de la deuxième guerre, les psychanalystes français en ont été les pionniers, parfois brillants, et si votre ministère de tutelle se plaint de les voir occuper le terrain, c’est tout simplement qu’ils y étaient seuls. Il est facile de le vérifier par la recension des travaux publiés sur le sujet. 2. Il est normal que les familles affectées par la maladie et informées des résultats prometteurs obtenus par les méthodes purement éducatives (ABA et EIBI) dans les pays anglo-saxons réclament leur application chez nous, et ce contre les psychanalystes qui les auraient empêchées. Vos services sont pourtant suffisamment instruits pour savoir que les psychanalystes ont toujours associé les divers apprentissages possibles à leur approche. Mais ils prennent aussi en compte les derniers travaux américains et suédois (leur recension in : Subjectivité et cerveau social, Érès édit. 2012) qui font état du bilan fort décevant de vingt années consacrées au “tout éducatif”. 3. C’est le moment de cette déception que vous choisissez pour en faire la méthode exclusive de
traitement de l’autisme infantile, sur “recommandation” de la Haute Autorité de Santé, qui écarterait la psychanalyse. Or le rapport de la H.A.S. dit que l’approche psychanalytique n’a pas été reconnue comme “consensuelle” en ce domaine. Il ne prescrit pas son exclusion. 4. Mais en outre une approximation dont les conséquences peuvent être lourdes entache votre projet. Il promeut en effet un dépistage systématique à l’âge de 18 mois, alors que les pédiatres dûment avertis, peuvent aujourd’hui le pratiquer dès l’âge de 3 mois. À 18 mois, le processus de maturation cérébrale risque le plus souvent d’avoir fixé le déficit et l’avoir rendu incurable. La généralisation de ce dépistage précoce, qui ne nécessite le dégagement d’aucun crédit, remettrait notre pays en tête de la recherche et ouvrirait de nouvelles perspectives d’action. 5. L’autisme infantile est encore un domaine complexe et qui peut bénéficier du concours et de la compétition de diverses méthodes. Nous voulons penser que votre Ministère de tutelle en sera assez averti pour ne pas céder à la démagogie et à des conseillers qui avec le comportementalisme découvrent la maladie, et ne pas faire prendre le risque d’instituer une psychiatrie d’État. École Pratique des Hautes Études en Psychopathologie La Direction de l’enseignement 25 rue de Lille 75007 Paris - Site : ephep.com
8
0123
société
Samedi 1er juin 2013
Au procès Meilhon, la guerre des pères de Laetitia
Franck Perrais, le père biologique, et Gilles Patron, le père adoptif, se disputent la mémoire de la jeune fille tuée en 2011 avec elle, mais seulement après ses 18 ans. Laetitia aurait été abusée aussi, elle l’aurait confié à sa meilleure amie. Devant les assises, l’amie en question s’en étrangle de pleurs et de culpabilité: elle avait promis de ne jamais le révéler. Patron crie : « Je n’ai jamais touché à un de ses cheveux.» Le président de la cour d’assises, Dominique Pannetier, poursuit : « Les services sociaux vous décrivent comme quelqu’un dans le contrôle, qui veut tout diriger.» On évoque Gaetan, un amoureux de Laetitia. « J’ai juste dit que ce serait dommage que CELA se passe ici », proteste Patron.
Nantes Envoyée spéciale
D
ans le rôle du père, ils sont deux, l’un biologique, l’autre d’adoption avec chacun le même objectif : ne jamais croiser le regard de l’autre. Ils soutiendraient, bien sûr, qu’ils ne se détestent pas. Il se pourrait d’ailleursqu’ilsaientraison.Le sentiment qui les unit est certainement bien plus violent et obscur : legenrede sentimentsurgidesprofondeurs humaines et qui traverse les tragédies grecques, les traités de psychanalyse ou les grands faits divers. Ces deux pères, si différents l’un de l’autre, se disputent Laetitia, 18ans, tuée puis découpée en morceaux le 18 janvier 2011. Au procès de Tony Meilhon, accusé de ces faits devant les assises de Nantes, tous deux témoignaient ce jeudi 30mai,l’unlematin,l’autrel’aprèsmidi, d’une guerre des pères autour d’une fille morte. Le premier à s’avancer à la barre s’appelle Franck Perrais, 46 ans, le père naturel. C’est un petit bonhomme mince au bronzage agressif, qui assiste chaque jour au procès avec une élégancede bal musette, chemise blanche, costume troispièces un rien bouffant, coiffure au gel.Longtemps,Perraisatenulaplace du méchant dans l’affaire. La cour d’assises de Nantes, il la connaît déjà pour l’avoir fréquentée : il y a été condamné à cinq ans pour le viol conjugal de la mère de Laetitia et Jessica, leurs filles jumelles.Lamèreelle-mêmeémergerarement d’une dépression, ponctuée de séjours en psychiatrie. Quand les jumelles leur sont retirées à l’âge de 8 ans, aucun des parents ne songe à contester la mesure. Perrais a gardé un lien avec ses filles. «Je les voyais, bien sûr, mais je ne voulais pas les appeler sans cesse. » On le sent honteux et touchant, essayant de se bricoler une paternité, sans l’oser vraiment. Quand Laetitia décroche une formation de serveuse, il risque quelques conseils sur la manière de servir le café, arguant d’un passé lointain «dans la gastronomie». C’était avant qu’il travaille moins et qu’il boive davantage. Puis il se lance : «Je la gâtais, je lui ai offert un scoo-
«Elle m’appelait “Petit Loup”», s’émeut Papa Patron. «Elle m’appelait “Papa Chanteur”, reprend Papa Perrais
Franck Perrais (au centre), père biologique de Laetitia, et son avocat Me Benoît Poquet, au tribunal de Nantes, jeudi 30 mai. PHOTOPQR/MAXPPP
ter. » Petit silence. « Enfin, disons plutôt que le conseil général l’a financé et j’ai participé un peu. » Il se souvient du dernier coup de fil, deux jours avant la mort de Laetitia. Il luia reprochéles 300 euros de forfait téléphonique, principaux frais à sa charge pour ses filles. L’autre père, c’est Gilles Patron, 60 ans, ancien ouvrier des chantiers navals, reconverti comme assistant maternel en 1995 après un plan de licenciement. A Pornic,
DEPUIS DIX JOURS, tout Nantes fait la queue pendant des heures pour assister au procès de Tony Meilhon, mais aussi dans une seconde salle à côté – qui, elle aussi, refuse du monde – où les débats sont retransmis en direct.
STRESSLESS® OFFICE
Imaginez que “les innovateurs du confort” aient aussi pensé à votre confort dans votre univers professionnel. Passez du rêve à la réalité en venant essayer le confort Stressless® “sur roulettes” à l’espace Topper.
THE INNOVATORS OF COMFORT™ (1)
Fabriqué en Norvège (1)Les innovateurs du confort
13 modèles au choix dans plus de 100 coloris de cuirs et tissus
Jazz Office
A Franck Perrais, perdu loin dans la foule, personne ne demande rien, sauf de se faire oublier. Quand il revient chez lui, il a tellement bu qu’il récolte presque un an de suspension de permis. Six mois plus tard, la situation culbute brusquement. Gilles Patron est accusé d’attouchements sexuels par six jeunes filles et de viols par deux autres, dont Jessica, la jumelle de Laetitia. Il reconnaît une histoire d’amour
A la fin des audiences, une foule se transporte à l’arrière du palais de justice, où l’accusé est évacué en fourgon, afin de le filmer, téléphone portable brandi en mode vidéo, ce qui est interdit devant la Cour. Cet engouement ne retombe pas, même les jours où le planning pourrait paraître plus technique, comme le défilé des enquêteurs et des experts. Tout dans l’affaire Meilhon intéresse. Tout y devient aussi émotionnel, tant la brutalité du meurtre, la personnalité de l’accusé mais aussi le contexte politique a fait chauffer le dossier. Lors de son arrestation en janvier2011, Meilhon était sorti de prison depuis un an : il aurait dû être encadré par un suivi judiciaire, que des magistrats et un per-
sonnel social débordé n’ont pu assurer. Au moins six plaintes avaient déjà été déposées contre lui, aucune suivie d’effet pour les mêmes raisons. Après la polémique qui s’en était suivie, l’enquête s’est voulue exemplaire. Des experts en peinture de voiture, en accident de scooter ou en étang d’eau douce ont été désignés. Du coup, la nouvelle version de l’accusé résiste mal aux techniciens: Meilhon soutient, en effet, qu’il a heurté sans le vouloir Laetitia Perrais, 18 ans, sur son scooter. La croyant morte, il aurait « maquillé cet accident en crime», hypothèse qu’il qualifie luimême de « farfelue». Elle a été frappée, mortellement étranglée, puis poignardée à 40 reprises
avant d’être découpée en morceaux, ont soutenu les experts. Mais l’accusé paraît si détaché des faits, niant les coups et la strangulation, que ceux-ci avaient fini par en paraître abstraits. De manière exceptionnelle, les jurés ont demandé que les photos de l’autopsie soient projetées dans la salle. Cet hiver-là avait été particulièrement froid et l’eau glaciale des étangs de Loire-Atlantique, où le corps avait été jeté, l’a conservé longtemps contrairement à ce qu’escomptait Meilhon. Sur l’écran de la cour d’assises est alors apparu le visage de Laetitia, intact, mais effroyablement défiguré par des coups et un œil au beurre noir. p F. Au.
Florence Aubenas
AffaireBettencourt: l’enquêtedu juge Gentilfragilisée?
Le magistrat est accusé de partialité pour avoir désigné l’une de ses proches dans une expertise
Magic Office
Consul
Blues
©
qui les égrène. « A Noël, Laetitia nous avait offert un séjour Découverte à Paris. » Après la mort de la jeune fille, en janvier 2011, les deux pères vont aux marches blanches qui s’organisent à Nantes. Séparément, bien sûr : l’un devant les caméras, Gilles Patron, tonnant contre les magistrats qui ne font pas leur travail et les délinquants sexuels. Nicolas Sarkozy, alors président, l’a reçu deux fois à l’Elysée.
La nouvelle version de l’accusé résiste mal aux expertises
NOUVEAUTÉ
Magic Office
sa femme est une paroissienne exemplaire, lui un entraîneur apprécié.Parka multipocheet pantalon kaki, visage solide, il affiche la panoplie du gars dévoué, sur qui on peut compter pour prendre sous son toit plus de 50 gamins en situation d’urgence. En 2005, les jumelles atterrissent chez lui, après un séjour en foyer. Elles ont 13 ans. Les photos de vacances et les souvenirs d’anniversaire, c’est incontestablement Gilles Patron
Puis, on débat de l’unique soirée où Laetitia, 18 ans, n’avait pas prévenu sa famille d’accueil qu’elle rentrerait tard. Elle était à un karaoké,Patron était partie la chercher en voiture, exaspéré, à 2 heures du matin. C’était quinze jours avant sa mort. « Elle m’appelait “Petit Loup” », s’émeutpapaPatron.«Elle m’appelait “Papa chanteur” », reprend papa Perrais. Sans se concerter – chacun s’en doutera –, tous deux décrivent Laetitia comme une fille réservée, presque « craintive». Pas du tout commesa sœur,« une femme, elle me surveillait, ne voulait pas que je refasse ma vie», raconte papaPerrais.Et papa Patron,stupéfiant de brutalité, assène soudain : «Jessica? Unehomosexuelle! Laetitia le lui reprochait d’ailleurs. » Pourquoi alors Laetitia la timide a-t-elle suivi Tony Meilhon, mauvais garçon des villages, un mardi soir de janvier dans la tournée des bars à La Bernerie-enRetz ? Papa Perrais ne sait pas. Maintenant, il a transformé son appartement en mausolée à Laetitia, passe sa vie sur Facebook pour aider les proches de disparus. « Au début, j’avais de la haine pour Meilhon. J’ai fait un travail pour essayer de me grandir. » En février 2014, ce sera au tour de papa Patron de passer aux assises de Nantes face à ses accusatrices. Lui soutient que Laetitia a été contrainte par Meilhon de sortir avec lui. Il secoue la tête, « je ne vois pas d’autre explication». Dansson box, Tony Meilhon n’a presque rien dit de la journée pour la première fois en une semaine d’audience. Il affiche un sourire qu’on ne lui avait jamais vu. p
EN EXCLUSIVITÉ À PARIS
RIVE DROITE (12e) le plus grand espace Stressless à Paris, A Paris depuis 1926 56 cours de Vincennes, 01 43 41 80 93, M° Nation. RIVE GAUCHE (15e) 63 rue de la Convention, 01 45 77 80 40, ouvert 7j/7, M° Boucicaut, P. gratuit. www.topper.fr
L
e mariage du juge Gentil va-t-il fragiliser son enquête sur l’affaire Bettencourt ? Le Parisien a révélé, jeudi 30 mai, que «l’experte-clé»dudossier,qui avait constaté le 7 juin 2011 l’état de faiblesse de Liliane Bettencourt, était « très proche du juge Gentil », elle était même témoin à son mariage. Les quinze avocats de la défense ont, c’est de bonne guerre, sauté sur l’occasion pour remettre en question l’impartialité du juge et dénoncer « un conflit d’intérêts manifeste». L’affaire n’aura en réalitéaucuneincidencesurle dossier, mais ce n’était pas une raison pour ne pas essayer. Sophie Gromb, chef de service demédecinelégaleaucentrehospitalier universitaire de Bordeaux, était en effet témoin au mariage de Jean-MichelGentil le30juin2007à
Mérignac, et semble-t-il d’ailleurs, plutôt de son épouse. Or, «la défense rappelle que le juge Jean-Michel Gentil s’est introduit le 7 juin 2011 à 8 heures au domicile de Mme Liliane Bettencourt, écrivent les avocats, accompagné par Mme Sophie Gromb qui s’est entretenue, seule, durant trente-cinq minutes, avec Mme Liliane Bettencourt alitée ». Le juge ne s’est pas vraiment « introduit » clandestinement, il est allé constater l’état de l’héritière de L’Oréal avec cinq experts. Mais, assurent les avocats, « la proximité » du juge et de Sophie Gromb«estd’autantplustroublante qu’une demande de dépassement d’honoraires a été sollicitée par Mme Sophie Gromb le 19 août 2011etaccordéeparleseuljugeJeanMichelGentil».LeParisienaen effet publié un courrier du médecin qui
estimait « compte tenu de la mission, des nombreux dossiers sous scellés (21 scellés) et des pièces complémentaires à étudier, des frais de déplacement (sur justificatifs) et du travail en commun avec les coexperts, rédaction du rapport », que ses honoraires pourraient se situer «entre4 000et 7 000 euros».
« En plein délire » Le sous-entendu est plus injurieux encore pour le médecin que pour le juge : Jean-Michel Gentil aurait profité de son amitié avec Sophie Gromb pour lui acheter une expertise de complaisance afin de mettre en difficulté Nicolas Sarkozy et les autres mis en examendudossier.SophieGromb,professeurdedroit,docteurenmédecine, expert près la Cour de cassation, aurait ainsi perdu son hon-
neur et violé son serment pour trente deniers, même si le cours du denier a un peu augmenté? Ce sont en fait les trois juges qui ont désigné les cinq experts – dont Sophie Gromb, spécialiste incontestée à Bordeaux. Que l’un des juges ait de l’amitié pour elle ne dit rien de la qualité de l’expertise, et n’est pas une cause de nullité, pas plusd’ailleursquelefaitquel’épouse du juge Gentil soit vice-procureure à Bordeaux. Mais l’attaque a assez choqué pour que l’une des magistrates qui instruit le dossier avec Jean-Michel Gentil sorte pour la première fois de son silence, sur Francetvinfo. «On tombe une fois de plus dans le domaine de la déstabilisation, a constaté Valérie Noël. Nous nageons en plein délire.» p Franck Johannès
COMMUNIQUÉ
SAMEDI 1ER JUIN 2013
P 1 � TRIBUNE « Construire des entreprises
leaders en Europe » - SAVOIR-FAIRE � Amgen dessine les biomédicaments de demain P 2 � CHALLENGE � Concilier innovation et
compétitivité - RENOUVEAU � AbbVie, nouvelle entreprise biopharmaceutique - ENJEUX � Intégrer recherche et innovation médicale. P 3 � BIOCLUSTER � Genopole : quinze ans au
Spécial © DR
Gérard Bapt Cardiologue et député.
biotechnologies
LES BIOTECHNOLOGIES SE SONT LARGEMENT DÉPLOYÉES aujourd’hui dans différents domaines,et notamment celui du médicament.Le nombre de composés issus des entreprises de biotechnologiques arrivant sur le marché progresse ainsi d’année en année.En cancérologie notamment,l’INCa (Institut national du cancer) a répertorié,entre 2004 et avril 2012,38 molécules anticancéreuses disponibles en France,dont 16 thérapies ciblées.Et ce n’est que le début de l’aventure. « Nous sommes en train de sortir de l’ère préhistorique des biotechnologies.Après les anticorps monoclonaux, la thérapie cellulaire et la biologie de synthèse sont les prochaines révolutions », estime André Choulika, président de France Biotech, association professionnelle qui donnera, début juin,les derniers chiffres du secteur à l’occasion de la publication de la 11e édition de son panorama des biotechnologies en France.
•
EN 2013,PLUS D’UNE TRENTAINE D’ENTREPRISES de biotechnologies françaises sont cotées en Bourse, selon le périmètre de France Biotech. Dernière en date, la lyonnaise Erytech Pharma a levé 17,7 millions d’euros lors de son introduction au NYSE Euronext, en mai. Néanmoins, le financement reste une épine dans le pied de ces entreprises, surtout pour passer aux essais cliniques de grande envergure, qui nécessiteraient des levées de fonds de 30 à 50 millions d’euros. Quasi impossible en Europe où les grands fonds d’investissement en santé restent rares et où les communautés de Business Angels ne sont pas développées comme aux États-Unis. France Biotech n’a de cesse de rappeler que cette capacité financière pourrait être atteinte en mobilisant 5 à 7 % de l’épargne,notamment de l’assurance vie,au service des PME à fort potentiel. Mais pour l’instant, les pouvoirs publics font la sourde oreille.
© EVERYTHINGPOSSIBLE - FOTOLIA.COM / DR
Les biotechnologies transforment la prise en charge des patients et bouleversent les approches thérapeutiques.Le secteur français est en développement,mais il lui manque encore des financements pour atteindre sa masse critique.
MALGRÉ TOUT, LES ENTREPRISES FRANÇAISES ont réussi à déployer leurs programmes de recherche et ont également acquis des compétences au niveau réglementaire. De nombreux produits sont en développement clinique, et les essais sont menés de façon conforme aux référentiels internationaux. Les collaborations entre sociétés de biotechnologies et groupes pharmaceutiques sont bien plus efficaces. « Signe de cette maturité, plusieurs contrats structurants ou acquisitions ont été signés depuis quelques années : Innate Pharma a signé avec BMS,Novexel et Ipsogen ont été acquises respectivement par AstraZeneca et Qiagen, Fovea est passée dans le giron de Sanofi. Et malgré la crise économique,le secteur se tient bien et reste dynamique »,résume André Choulika. Un secteur qui devrait changer d’échelle lorsque des entreprises de biotechnologies françaises apporteront les premiers produits de rupture sur le marché. « Ces innovations existent dans le portefeuille de nombreuses sociétés,ce n’est qu’une question de temps »,assure André Choulika. Anne Pezet �
AMGEN DESSINE LES BIOMÉDICAMENTS DE DEMAIN Savoir-faire �
Jean Monin
Première entreprise mondiale de biotechnologies, Amgen est l’une des rares à transformer ses recherches en produits commercialisés, tout en restant indépendante. Jean Monin,président d’Amgen France,explique cette singularité par une culture d’innovation omniprésente.
RELIER BIOTECHNOLOGIES et innovation semble plutôt commun, mais selon vous Amgen incarnet-elle vraiment cette culture ? C’est indéniable.Déjà au début des années 1990, Amgen était l’une des toutes premières entreprises de biotechnologies dans le monde à commercialiser deux protéines recombinantes produites par voie biotechnologique. La première permet la prise en charge de l’anémie et la seconde est utilisée dans la prévention et le traitement de la neutropénie chimio-induite.
Depuis, Amgen a continué à parier sur les sciences de la vie en explorant des technologies de rupture, afin de trouver de nouvelles solutions thérapeutiques. Amgen développe actuellement une technologie d’anticorps bispécifiques, qui se lient à la fois sur les lymphocytes T du système immunitaire et sur les cellules tumorales pour provoquer la destruction de ces dernières. Ce n’est qu’un exemple.En 2012,l’entreprise a investi près de 3,5 milliards de dollarsenrechercheetdéveloppement, soit 20 % de son chiffre d’affaires.
© AMGEN / DR
LE SECTEUR des biotechnologies s’est structuré en France.Il compte de nombreuses mais encore trop modestes PME. Le député Gérard Bapt souligne l’importance stratégique de ce secteur en proposant d’instaurer de grands programmes européens. Les biomédicaments représentent aujourd’hui 10 % du marché. Ils devraient en dépasser la moitié dans vingt ans ! Ces biomédicaments répondent à des besoins médicaux non satisfaits ou améliorent les stratégies thérapeutiques des maladies chroniques : cancer, maladies inflammatoires ou auto-immunes, etc. Sur le plan économique, bio et nanotechnologies,thérapies cellulaires et génomiques vont devenir un facteur majeur de croissance dans les décennies qui viennent. En France, de nombreuses actions ont été menées pour prendre ce virage, avec les plans biotechs, le statut de la jeune entreprise innovante, la création de génopoles comme à Evry, d’incubateurs, de pôles de compétitivité,etc. Tous ces outils doivent être rendus plus cohérents pour gagner en efficience. Le potentiel de créativité et d’innovation est important en France, mais encore mal exploité. Les start-ups ont du mal à atteindre la taille critique, les PME solides sont trop peu nombreuses et peinent à l’international. Les autorités publiques peuvent les aider à identifier les besoins médicaux leur assurant la valeur ajoutée décisive, en partenariat public-privé (PPP). Dans le cadre des investissements d’avenir, l’annonce par le Premier ministre de la création d’une société d’accélération du transfert de technologies (SATT) dotée de 57 millions d’euros et spécialisée notamment dans le domaine de la santé, va dans le bon sens. Il faut aussi adapter l’accès des TPE au Crédit Impôt Recherche (CIR), favoriser leur adossement à de grands groupes, lever certains obstacles à la recherche,etc. Le développement de nos PME gagnerait aussi à être orienté vers des collaborations franco-allemandes : la biotechnologie européenne a atteint de manière collective le seuil de rentabilité en 2012, mais le modèle classique du capital risque s’est effondré ainsi que les levées en Bourse. La construction d’entreprises leaders doit être recherchée : le domaine des biotechnologies devient aussi porteur que celui de l’aérospatial. N’est-il pas possible de rêver à une « EADS de la biotechnologie » ? G. B. �
service de l’innovation - COMPÉTITIVITÉ � « Il faut aller au bout de la logique de clusters » Thierry Mandon, député de l’Essonne - EXPERTISE � Roche, une maîtrise reconnue dans le domaine de la bioproduction.
UN SECTEUR PORTEUR D’INNOVATION
� TRIBUNE
« CONSTRUIRE DES ENTREPRISES LEADERS EN EUROPE »
❶
•
Investir aujourd’hui pour créer les biotechnologies de demain ? Bien sûr, les cycles sont longs et la recherche d’aujourd’hui ne se concrétisera en médicaments que dans dix ou quinze ans. Créée en 1980, Amgen commercialise actuellement dix médicaments dans le monde et mène dixhuit essais cliniques de phase III, étudescliniquesultimesavantlademande d’autorisation de mise sur le marché. La France est la deuxième filiale du Groupe après les États-Unis,et l’un des plus importants pays européens pour les activités cliniques d’Amgen. En quoi la production de ces molécules biologiques nécessitet-elle un savoir-faire particulier ? La production des médicaments biologiques est tout à fait différente et plus complexe que celle des médicaments classiques relevant de la chimie traditionnelle.Plusdetrenteansd’existence ont permis à Amgen d’acquérir un réel savoir-faire industriel, de construire ses propres usines. Le Groupe compte plusieurs sites de production, aux États-Unis et en Europe. Nous avons toujours énormément investi dans la qualité et la fiabilité de nos installations,ainsi que dans la sécurisation de notre chaîne logistique. Ce savoir-faire
est stratégique pour assurer une qualité et une continuité d’approvisionnement pour des médicaments souvent essentiels à la survie des patients. Pour optimiser sa production,Amgen a même dessiné l’usine biotechnologique du futur, qui sera bientôt construite à Singapour. Elle prend moins de place, utilise des bioréacteurs à usage unique,et recycle plus.
Les premiers brevets des molécules biotechs sont tombés dans le domaine public,Amgen compte-t-elle jouer un rôle sur le dernier maillon de la chaîne : les biosimilaires ? Les biosimilaires ont un rôle à jouer dans les systèmes de santé,et non négligeable puisque près de 40 % des biomédicaments verront leur brevet expirer à l’horizon 2014-2016.Le savoir-faire industriel du Groupe le place en position forte sur l’ensemble de la chaîne du médicament biologique. Amgen a annoncé son intention de commercialiser, à partir de 2017, des biosimilaires bénéficiant de sa marque de fabrique, mêmesicetteactivitédevraitresterrelativement modeste au sein du Groupe. Notre mission est et demeurera l’innovation, la découverte de nouveaux traitements pour combler les besoins médicaux insatisfaits. A. P. �
❷ SAMEDI 1
ER
JUIN 2013
Communiqué spécial
biotechnologies
Challenge � CONCILIER INNOVATION ET COMPÉTITIVITÉ Répondre aux enjeux de santé publique, c’est non seulement développer des médicaments innovants, mais aussi travailler sur les systèmes de production pour réussir à proposer ses produits au meilleur prix. Un double défi que s’attache à relever le LFB. « La course à l’innovation va de pair aujourd’hui avec une course à la compétitivité. »
CHRISTIAN BECHON, P-dg du LFB
© LFB / DR
EN MATIÈRE DE DÉFIS,le Laboratoire français du fractionnement et des biotechnologies (LFB) n’en est pas à ses débuts. Il a déjà réussi à développer et à produire 16 médicaments qui permettent de soigner près de 80 maladies graves et presque toutes rares,notamment des déficits immunitaires et des troubles de la coagulation. Entreprise atypique, le LFB est spécialisé dans les médicaments dérivés du plasma et propose presque exclusivement des produits hospitaliers. « Nos médicaments sont pour la plupart isolés et purifiés à partir du plasma sanguin,mais nous avons investi dans les techniques de production de protéines recombinantes depuis de nombreuses années. L’une d’entre elles, une antithrombine, est déjà commercialisée aux États-Unis par notre filiale rEVO Biologics », indique Christian Béchon,P-dg de l’entreprise. Et dans un mois, au grand congrès de l’International Society on Thrombosis and Haemostasis (ISTH), à Amsterdam, des résultats seront présentés,qui rendent compte de l’avancement des programmes de développement sur le facteur VII activé recombinant. Le LFB est également l’un des pionniers français dans le champ des thérapies cellulaires. En effet, CellforCure, l’une de ses filiales, pilote le projet C4C, d’un montant global de près de 80 millions d’euros,
soutenu par Oséo dans le cadre des Investissements d’avenir (IA). Avec des partenaires comme l’EFS (Établissement français du sang), le consortium C4C a pour objectif d’industrialiser les projets de thérapies cellulaires mis au point par la recherche hospitalière pour en faire bénéficier un plus grand nombre de malades. Ces traitements sont tout à fait particuliers puisqu’ils utilisent les cellules du patient pour corriger les
anomalies responsables de la maladie ou régénérer des tissus comme le cartilage ou le tissu cardiaque,afin de réparer les organes endommagés. La dernière étape est, bien sûr, la réimplantation de ces cellules au patient. « Le LFB apporte à cette nouvelle filière de médecine personnalisée des compétences industrielles et pharmaceutiques nécessaires à cette production à grande échelle pour la réalisation d’essais cliniques.L’ensemble
AbbVie, NOUVELLE ENTREPRISE BIOPHARMACEUTIQUE
•
Renouveau �
CHIFFRES CLÉS 2012 > 465,7 millions d’euros de chiffre d’affaires > 80 millions d’euros de dépenses en R&D > 3e laboratoire à l’hôpital en France > 5e laboratoire mondial dans le domaine des médicaments dérivés du plasma, 1er en France >1 887 collaborateurs sible pour les systèmes de santé », souligne Christian Béchon. La course à l’innovation thérapeutique va de pair aujourd’hui avec une course à la compétitivité. La mission du LFB reste toutefois inchangée : proposer aux patients des médicaments innovants et présentant un intérêt thérapeutique très élevé. Preuve de la qualité de sa recherche, le laboratoire a d’ailleurs reçu le prestigieux prix Galien en 2011 dans la catégorie « Médicaments destinés aux maladies rares » pour son fibrinogène humain,qui prévient les hémorragies massives en cas d’accident pour les patients atteints de déficit constitutionnel en fibrinogène. Le LFB consacre un budget très important, depuis plusieurs années, à des programmes de R&D et compte ainsi parmi les principaux acteurs européens de l’innovation dans le domaine des biotechnologies. A. P. �
INTÉGRER RECHERCHE ET INNOVATION MÉDICALE
Enjeux �
© IMAGINE / DR
Créée le 1er janvier 2013,AbbVie réunit les activités pharmaceutiques « médicaments innovants » du groupe Abbott. Objectif : allier l’agilité et la réactivité d’une biotech à une expertise scientifique de plus de 120 ans. Un défi relevé avec énergie. Alain Fischer
Alain Fischer, pédiatre, immunologiste à l’hôpital NeckerEnfants Malades et directeur de l’Institut hospitalo-universitaire Imagine, souligne l’importance de la recherche scientifique et des nouvelles thérapies en développement.
QU’EST-CE QUI A CHANGÉ dans la recherche médicale ? La logique a complètement changé. Nous sommes passés de découvertes réalisées grâce à l’observation et à l’empirisme, quelquefois à la chance, à une approche scientifique fondamentale centrée sur la biologie des molécules et des cellules. L’intégration des connaissances des processus biologiques permet d’identifier des cibles thérapeutiques qui ouvrent la piste d’une diversité de voies thérapeutiques : molécules chimiques classiques,protéines recombinantes, anticorps monoclonaux, ou même oligonucléotides. Ainsi, une étude récente montre comment un oligonucléotide antisens qui lève la protection de l’ARN du virus de l’hépatite C permet de faire disparaître le virus en quelques semaines. C’est le premier exemple d’une application médicale indiscutable de l’utilisation d’oligonucléotides, fondée sur une connaissance minutieuse de la biologie de ce virus.
© ABBVIE / DR
EN JANVIER DERNIER,le groupe pharmaceuti- virologie, la neurologie ou encore la néphrologie. que Abbott,s’est scindé en deux et a donné nais- AbbVie travaille actuellement à la mise à sance à AbbVie, nouvelle entreprise biopharma- disposition d’un nouveau traitement contre ceutique. Avec ses 21 000 collaborateurs dans le l’Hépatite C et compte 20 molécules en essais monde et une présence dans 170 pays, AbbVie a cliniques de phases 2 et 3, dont plus d’un tiers pour ambition de découvrir des médicaments et sont biologiques. Ainsi, pas moins de 15 noudévelopper de nouvelles soluveaux enregistrements de tions qui améliorent de façon médicaments sont prévus significative la vie des malad’ici à 2017. « Notre recherche des et de leurs familles. « En est très dynamique, souligne rhumatologie, par exemple, Denis Hello. Elle se diversifie les médicaments anti-tnf ont et collabore avec les laborarévolutionné, depuis 10 ans, toires d’excellence publics la vie des patients atteints ou privés au niveau internade polyarthrite rhumatoïde. tional. En France, particuAuparavant, les destructions lièrement, nous souhaitons articulaires entraînaient chez continuer à investir en reces patients, un handicap cherche clinique. D’ailleurs, pouvant aller jusqu’à l’invalile nombre de patients inclus dité. Aujourd’hui ils peuvent dans nos essais cliniques est vivre presque normalement en forte augmentation ». et maintenir une activité proL’engagement d’AbbVie va fessionnelle », précise Denis au-delà du développement Denis Hello, président d’AbbVie en France et président du LIR et de la mise à disposition Hello, président d’AbbVie en (Les entreprises internationales du médicament. Il est de France. Ces nouveaux traitede recherche) trouver, avec l’ensemble des ments ont permis de freiner l’évolution de l’inflammation et la dégradation acteurs de santé, des solutions efficaces et duarticulaire irréversible. Aujourd’hui encore, la rables pour améliorer la prise en charge des recherche d’AbbVie se poursuit afin d’apporter patients dans des systèmes de soins pérennes également des solutions à différents types de en prenant en compte le vieillissement de la population. Un champ de travail dans lequel spondyloarthrites. Les domaines d’intervention d’AbbVie concer- l’innovation et la collaboration sont indispennent de nombreuses autres pathologies en im- sables pour répondre aux enjeux médicaux et munologie, et s’étendent aussi à l’oncologie, la socio-économiques nationaux. A. P. �
du processus doit être industrialisé avec les normes qualité de l’industrie pharmaceutique », rappelle Christian Béchon. Cinq premiers produits sont en cours de développement. Ces thérapies cellulaires nécessitent d’avoir des liens forts entre les équipes hospitalières et les sites de production des cellules ou tissus dont a besoin le patient, avec une logistique très spécifique. Un monde hospitalier bien connu du LFB depuis le début de ses activités grâce à ses médicaments dérivés du plasma. Les innovations thérapeutiques de rupture doivent aussi répondre à un ultime critère pour bénéficier aux patients : être abordables pécuniairement parlant.Les systèmes de santé de tous les pays ont des ressources limitées et sont très attentifs à la maîtrise de leurs dépenses. Le LFB a décidé de mener des programmes de recherche lui permettant de proposer ses innovations au meilleur prix possible. Il explore notamment un système de production très original, qui permet de produire la protéine thérapeutique d’intérêt dans le lait de mammifères. « Le facteur VII activé, actuellement en développement, est notre prochain produit lactorecombinant utilisant cette technique au sein de notre filiale américaine. Ce système de production permet une diminution significative des coûts,et donc un prix plus acces-
•
Quelles places prendront les thérapies géniques et cellulaires dans l’arsenal thérapeutique ? Les thérapies géniques et cellulaires constituent une partie de l’arsenal des solutions explorées. La thérapie génique a montré des preuves d’efficacité depuis bientôt quinze ans dans les maladies héréditaires du système hématopoïétique, déficits immunitaires sévères en premier lieu. Des premiers résultats ont été également obte-
nus dans les rétinites pigmentaires, ainsi que dans l’hémophilie et dans certaines leucémies, en modifiant,dans ce dernier cas,les cellules du système immunitaire. De nombreuses équipes de recherche tentent d’améliorer les vecteurs ou de diriger l’intégration des gènes.La thérapie génique ne concernera qu’un petit nombre de maladies mais un nombre non négligeable de patients.Quant à la thérapie cellulaire,la découverte des cellules souches pluripotentes (iPS) est une avancée scientifique majeure. Nous savons aujourd’hui dériver des cellules souches à partir de cellules malades, puis les reprogrammer pour les étudier et mieux comprendre la physiopathologie d’une maladie, ou bien réaliser des essais pharmacologiques. Mais il reste encore bien des étapes à franchir avant de songer à des applications thérapeutiques.
La création de sites rassemblant chercheurs et cliniciens est-elle essentielle dans cette dynamique ? La recherche médicale est si complexe qu’il est essentiel de rassembler sur un même site des compétences multiples, à la fois en recherche fondamentale et en recherche clinique. L’enjeu est d’intégrer le mieux possible l’activité médicale et les recherches à la paillasse, avec une capacité de retour rapide vers le malade. C’est ce que nous voulons faire au sein de l’Institut hospitalo-universitaire Imagine pour de nombreuses maladies génétiques. A. P. �
SAMEDI 1ER JUIN 2013
Communiqué spécial
RECONNUE DANS LE DOMAINE DE LA BIOPRODUCTION
Créé en 1998 et financé majoritairement par l’État,le Conseil régional d’Ile-de-France et le Conseil général de l’Essonne,Genopole est une structure qui favorise la transformation des travaux issus de la recherche académique dans le domaine de la génomique vers des activités ou des produits innovants.Une mission essentielle dans un pays où les liens entre le public et le privé sont à renforcer.
Premier producteur mondial de médicaments biologiques, Roche bénéficie d’une expertise mondialement reconnue dans la fabrication d’anticorps monoclonaux à visée thérapeutique et diagnostique. Les raisons d’un succès.
jeunes entreprises innoDELARECHERCHE acadévantes pour leur permetmiquenaissentdenouvelles tre de changer d’échelle et activités à forte valeur ajoude continuer rapidement tée, de nouveaux produits, leur développement. et cette dynamique d’inGenopolemettoutenœuvre novation est déterminante pour redonner à la France le pour la croissance économirang qu’elle a occupé dans le que d’un pays et sa compétipassé.« Lespremièrescartes tivité. Genopole, à Évry, a été du génome humain ont été créé dès 1998 pour répondre publiées par les chercheurs à ces enjeux en structurant français et ont permis la la recherche et en facilitant réalisation du séquençage les liens entre le public et le complet du génome huprivé. L’objectif est ainsi de main. Nous avons toujours permettre aux travaux de la de fortes compétences dans recherche académique de se ce domaine. À nous de satransformer en innovation, voir les déployer », estime soit par le biais d’une licence à une entreprise déjà Centre Genopole Bioproduction Pierre Tambourin. Cellules constituée, soit par la créasouches, bioproduction, tion d’une start-up. « Genopole a pour mission biologie de synthèse, développement de la méd’encadrer et de soutenir le chercheur dans la decine personnalisée... Ces nouveaux champs constitution d’une start-up, mais aussi dans les de recherche explorés à Genopole sont autant étapes ultérieures pour l’aider à trouver des par- de thématiques dans lesquelles la France a la tenaires financiers »,rappelle Pierre Tambourin, capacité de jouer un rôle majeur à l’échelle inson directeur général. Un point faible encore ternationale. Depuis quinze ans, les équipes de en France, qu’il n’a pas manqué de souligner Genopole sont ainsi à la pointe de l’innovation dans son rapport sur l’innovation rédigé avec et ont permis de soutenir 134 entreprises de bioJean-Luc Beylat et rendu au Gouvernement technologies,dont 110 sont toujours en activité. en avril dernier. Pour pallier ces difficultés, Un bilan qui démontre, s’il en était besoin, l’inles deux auteurs préconisent la création d’un térêt des financements publics. En quinze ans, fonds de 2 milliards d’euros qui pourraient être 1 euro investi dans Genopole a généré 6 euros de investis à hauteur de 10 à 30 millions dans les valeur créée (hors création d’emplois). A. P. � © LIONEL ANTONI - GENOPOLE / DR
DEPUIS L’AUBE DES ANNÉES 1990, grâce à sa collaboration étroite avec Genentech, Roche a bâti, au fil des ans, le premier pôle biotechnologique au monde.Le laboratoire suisse a mis à disposition, depuis 1998, MabThera, Herceptin, Avastin et Perjeta. Aujourd’hui,la maîtrise de la production des anticorps monoclonaux,qui représentent près de la moitié des médicaments en développement, est un enjeu majeur à l’échelle mondiale. En effet, ces molécules sont très complexes et d’une taille 100 à 1 000 fois plus importante que les composés chimiques. UN PROCESSUS DE PRODUCTION DÉLICAT
LA DEUXIÈME ÉTAPE est la mise en culture de cellules issues de la banque dans un milieu de croissance liquide, permettant la multiplication cellulaire.
Pensez-vous que les grands programmes de recherche en sciences de la vie sont en nombre suffisant en France ?
DERNIÈRE ÉTAPE : la formulation du médicament en liquide ou poudre stérile, qui sera ensuite réparti en flacons,seringues ou dispositifs avant d’être conditionné pour être distribué. Le processus de production d’un anticorps monoclonal s’avère donc particulièrement complexe et délicat. Il est spécifique et propre au laboratoire ayant développé la molécule. Au-delà de la maîtrise des procédés de fabrication et des essais cliniques, Roche a pu collecter les données sur l’utilisation de ces biothérapies, et plus particulièrement de ces anticorps monoclonaux, dans la pratique clinique courante. Christine Colmont �
médical oncologie-hématologie de Roche
QUELLES SONT LES RAISONS du succès de Roche dans les anticorps monoclonaux ? Nous en maîtrisons toutes les étapes, de la recherche préclinique jusqu’à la fabrication, en passant par le développement clinique. Nos équipes de recherche s’attachent à identifier très précisément les cibles biologiques au sein des cellules cancéreuses ou de leur environnement. Ensuite, notre expertise porte sur la mise au point d’anticorps qui s’accrocheront parfaitement à leur cible, pour produire un effet biologique (l’arrêt de la croissance des cellules cancéreuses, par exemple). Les essais cliniques vont permettre alors de définir l’activité thérapeutique de l’anticorps, ainsi que son profil de tolérance. Enfin, nous maîtrisons parfaitement la complexité des procédés de fabrication, afin de garantir une production d’un niveau de qualité le plus élevé.
Non,bien sûr.La part des sciences de la vie dans la recherche académique reste très insuffisante, surtout au regard des investissements colossaux réalisés par certains pays. C’est le cas des États-Unis, mais les investissements sont également très importants en Chine ou même en Allemagne.Nous manquons aussi d’ambition et la coopération européenne est insuffisante.
Quel rôle peut jouer Genopole en génomique dans la compétition internationale ? La compétition est féroce tout autour du globe, et dans le domaine de la génomique de masse, nous sommes déjà dépassés par les États-Unis ou la Chine, notamment. Cependant, nous avons une carte à jouer dans la génomique individuelle.La personnalisation des traitements grâce au profil génétique du patient ou des cellules anormales entraîne le développement de plates-formes au sein des hôpitaux,et la France peut prendre une avance sur ce terrain. À l’hôpital d’Évry, nous amorçons ce virage. Plus globalement, pour être visibles et compétitifs à l’international, nous devons aller au bout de la logique de cluster et investir lourdement dans trois ou quatre pôles en France. A. P. �
LE QUATRIÈME VOLET du processus est la séparation de l’anticorps de son milieu de culture, des cellules et des déchets cellulaires. Ces étapes de centrifugation, purification et concentration sont elles aussi spécifiques à chaque anticorps.
3 questions à � Dr Jérôme Garnier,directeur © FRÉDÉRIC ATLAN /ROCHE / DR
© LIONEL ANTONI - GENOPOLE / DR
LA PREMIÈRE ÉTAPE de la fabrication d’un anticorps monoclonal consiste à insérer de la séquence codante pour l’anticorps au sein de l’ADN des cellules hôtes conduisant à la création de cellules mères que l’on congèle pour les stocker dans une banque.
Thierry Mandon,député de l’Essonne, a soutenu la création de Genopole dont il est encore aujourd’hui le président. Il nous livre sa vision des enjeux du secteur des biotechnologies et affirme la nécessité d’anticiper les évolutions.
QUE MANQUE-T-IL AUX ENTREPRISES de biotechnologies pour s’imposer ? Beaucoup d’étapes peuvent désormais être réalisées en France dans le parcours de la jeune entreprise.La création,le début de développement des projets sont accessibles,mais une fois arrivée aux essais cliniques,la jeune société se retrouve face à des besoins d’investissements importants et elle ne trouve pas les fonds nécessaires.Nous perdons ainsi des entreprises innovantes alors qu’elles sont à deux doigts de la réussite.Mais ce n’est pas le seul point négatif. Nous manquons également de vision prospective,d’anticipation.Par exemple sur les questions de bioproduction. Lorsque les premiers biomédicaments vont arriver massivement sur le marché,qui va les produire et où ? Si ces questions ne sont pas abordées dès à présent en France, d’autres pays le feront. Enfin, il reste toujours aussi difficile dans notre pays de croiser les disciplines,de mêler la biologie et les mathématiques, le calcul intensif. Or, nombre d’innovations pourraient sortir de cette fertilisation.
La fabrication d’un anticorps monoclonal n’est pas un processus simple de synthèse chimique et n’est donc pas réalisable par un façonnier. Il peut, en effet, comporter un nombre d’étapes critiques pouvant aller jusqu’à 5 000. Cette expertise technique est partagée par des laboratoires spécialisés dans la biotechnologie, auxquel appartient Roche qui assure 25 % de la production mondiale de biothérapies. Un anticorps monoclonal est une protéine synthétisée par des bactéries ou des cellules de mammifères,à partir d’une séquence d’ADN contenant les codes génétiques appropriés.
LA TROISIÈME ÉTAPE de la production « la fermentation » consistera à transférer progressivement la culture cellulaire dans des bioréacteurs, de plus en plus grands, et à lui apporter des nutriments, pour son développement. Ces nutriments, dont la composition est propre à chaque anticorps monoclonal, sont un élément additionnel de complexité et confèrent au procédé son caractère spécifique.
© ROCHE / DR
•
Compétitivité �
Thierry Mandon
biotechnologies
Expertise � UNE MAÎTRISE
GENOPOLE : QUINZE ANS AU SERVICE DE L’INNOVATION
Biocluster �
« IL FAUT ALLER AU BOUT DE LA LOGIQUE DE CLUSTERS »
❸
•
Roche poursuit-il son développement d’anticorps ? La connaissance et l’identification de plus en plus pointues des mécanismes de l’oncogenèse permettent d’identifier de nouvelles voies thérapeutiques potentielles comme la protéine cMET, le PD-L1, etc., ou de mieux agir sur des cibles déjà connues,et nous confortent dans l’intérêt de développer des anticorps hautement spécifiques. La production d’anticorps va-t-elle encore se complexifier ? Très certainement. Les nouveaux anticorps deviennent, en effet, de plus en plus complexes. Et les nouvelles générations d’anticorps, tels que les anticorps conjugués (anticorps couplé à une chimothérapie puissante qui permet,en plus de l’action propre de l’anticorps, de libérer la chimiothérapie directement dans la cellule cancéreuse), ou encore les anticorps glyco-modifiés (permettant de réveiller le système immunitaire du patient) nécessitent des procédés de fabrication de plus en plus complexes. C. C. �
INFORMATIONS COMMUNIQUÉES PAR ROCHE : 03270 / CIEI / 0513- ETABLI LE 29/05/13
Daté du 1er juin 2013 Grand Angle, est édité par CommEdition • Directeur général Éric Lista • CommEdition, agence de communication éditoriale•
[email protected] • Rédaction Anne Pezet et Christine Colmont • Création & maquette Aline Joly • Secrétaire de rédaction A.-M. Busnel - LA RÉDACTION DU QUOTIDIEN LE MONDE N’A PAS PARTICIPÉ À LA RÉDACTION DE CE PUBLI-RÉDACTIONNEL. NE PEUT ÊTRE VENDU SÉPARÉMENT.
12
0123
société
Samedi 1er juin 2013
JUSTICE
Karachi: Takieddinegardéà vue
L’homme d’affaires franco-libanais Ziad Takieddine a été placé, jeudi 30 mai, en garde à vue par les policiers qui le soupçonnent d’avoir envisagé de fuir le pays grâce à un passeport diplomatique dominicain, alors qu’il est sous contrôle judiciaire dans l’affaire de Karachi. L’intermédiaire est visé depuis le mois de mai par une nouvelle information judiciaire, ouverte par le parquet de Paris pour « corruption d’agents publics étrangers» et « escroquerie». M. Takieddine, qui a interdiction de quitter le territoire, est suspecté d’avoir cherché à se procurer contre 200000 dollars un passeport diplomatique de République dominicaine émis en janvier2013, comme l’a indiqué Mediapart, jeudi. Il a été placé en garde à vue dans les locaux de la Division nationale d’investigations financières et fiscales, à Nanterre (Hauts-de-Seine). p – (AFP.)
François Léotard condamné pour outrage
L’ancien ministre de la défense a été condamné, jeudi 30 mai, à 3 750 euros d’amende pour outrage à l’encontre des forces de l’ordre. Comme l’avait révélé Le Monde du 14février, M. Léotard avait invectivé plusieurs policiers et gendarmes lors d’une perquisition à son domicile en novembre2012 dans le cadre du volet financier de l’affaire Karachi. – (AFP.)
AffaireTapie: HarlemDésir meten causeNicolasSarkozy
Le premier secrétaire du PS a mis en cause, vendredi 31 mai dans une interview à Libération, Nicolas Sarkozy dans l’affaire de l’arbitrage rendu en faveur de Bernard Tapie dans le dossier de la vente d’Adidas. Harlem Désir estime que « les déclarations de l’avocat de Christine Lagarde laissent entendre qu’elle aurait agi différemment si elle avait eu connaissance de certains éléments ». « La décision de passer par un arbitrage privé n’a pas pu être prise sans, a minima, que Nicolas Sarkozy ait été mis à l’époque au courant ou bien ait pu donner son aval », ajoute le numéro un du PS. « C’est une affaire d’Etat d’une extrême gravité. Compte tenu des sommes en jeu et de l’aberration des décisions prises lorsqu’on connaissait les liens entre Tapie et Sarkozy», ajoute-t-il. p
« Cette réforme me fait penser à ma vieille jupe-culotte»
L’association SOS Homophobie a reçu un nouvel agrément national de cinq ans du ministère de l’éducation nationale pour ses actions de sensibilisation contre l’homophobie dans les collèges et les lycées. Le précédent agrément avait été annulé le 23 novembre par le tribunal administratif de Paris, saisi par la Confédération nationale des associations familiales catholiques. – (AFP.)
Agroalimentaire Vaste fraude à l’exportation de volailles dans le Finistère
Une fraude portant sur 6 000 tonnes de viande de volaille (soit un montant de 3 millions d’euros) a été mise au jour dans un groupe agroalimentaire du Finistère. Les filiales du groupe auraient confectionné de faux rapports d’analyse microbiologique et traité des échantillons avec des produits désinfectants ou irradiants pour de la viande à l’export. Onze personnes ont été entendues pour escroquerie en bande organisée, faux et usage de faux. – (AFP.)
paris 15e
©
Photo : Denys Vinson - « Les Jours J » - Le rêve américain
TM
les Jours immanquables sur la literie us !
I
nterdiction de vente aux mineurs et de toute publicité, et même de « vapoter» dans les lieux publics. Depuis la remise du rapport du Pr Dautzenberg sur la cigarette électronique mardi 28 mai, qui ne préconisait pas de l’interdire mais de faire en sorte qu’ellene devienneuneported’entrée dans le tabagisme, les centaines de milliers de convertis attendaient la position du gouvernement. Elle est désormais connue. La ministre de la santé a annoncé, vendredi 31 mai, qu’il sera interditdevendredescigarettes électroniques aux moins de 18 ans. Marisol Touraine se dit aussi favorable à la voir interdite, comme la vraie cigarette, dans les bars, restaurants,etc.Pourcefaire,legouvernement va saisir le Conseil d’Etat pour avis. Une position radicale qui ne devrait pas faire l’unanimité parmi les Français. « La cigarette électronique n’est pas un produit banal », a insisté la ministre sur France Info, vendredi matin, estimant qu’il fallait lui appliquer « les mêmes règles que pour le tabac ». Vapoter, « il faut bien le dire, c’est fumer », a-t-elle estimé, tout en reconnaissant que la cigarette électronique pouvait
néanmoins être une solution pour ceux qui veulent arrêter de fumer. La ministre a profité de la Journéemondiale sans tabac, vendredi, pour également indiquer comment le gouvernement comptait plus globalement lutter contre la consommationdecigarettes« classiques ». Avec plus de 30 % de fumeurs, la France ne parvient pas, contrairement à la Grande-Bretagneparexemple,à réduirelaprévalence du tabac. Les inquiétudes se portent principalement sur les femmes, les chômeurs, et les jeunes, populations chez lesquels le tabagisme progresse. Ainsi, à 17 ans, près d’un jeune sur trois fume quotidiennement. D’ici à l’été 2014, un pictogramme « femmes enceintes » sera appliqué sur tous les paquets pour leur rappeler qu’elles ne doivent pas fumer, sur le modèle de ce qui existe déjà sur les bouteillesd’alcool. Or, 17 % des femmes continuent à fumer durant leur grossesse. Le gouvernement ne va pas jusqu’à décider la mise en place de paquets neutres (sur lesquels la marque n’apparaît pas), pourtant réclamés par les associations et les professionnels de la lutte contre le tabac. Des mesures pour faciliter le
sevrage, des jeunes notamment, par le biais d’une meilleure prise enchargepar l’Assurance-maladie, seront incluses dans le prochain projet de loi de financement de la Sécurité sociale, a précisé la ministre de la santé. En décembre2012, la Cour des comptes, dans un rapport fustigeantl’échec des politiquesde lutte contre le tabagisme et le poids des lobbies, avait préconisé une meilleure prise en charge des aides au sevrage.
Contre letabagisme, legouvernement prôneun élargissement volontaire des lieux publicsnonfumeurs A sa suite, en février, les députés Denis Jacquat (UMP) et Jean-Louis Touraine (PS), avaient réclamé un remboursement intégral des substituts nicotiniques. Ils expliquaient dans leur rapport qu’arrêter de fumer nécessitait un budget de 180 euros par mois, alors que la priseenchargeparla Sécuritésociale est plafonnée à 50 euros par an.
Sans vouloir procéder par la contrainte, le gouvernement prône aussi un élargissement des lieux publics non-fumeurs, par le biais de signature de chartes avec des villes volontaires. Par exemple, les abribus ou les alentours des aires de jeux dans les squares pourraient se voir aposer des labels «espacenon-fumeurs».Parispourrait être partante. Toujours sur la base du volontariat, un label « terrasse sans tabac» pourrait apparaître. L’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie, principale fédération du secteur, a d’ores et déjà confirmé son accord. Il faut dire que le contexte a changé. Les interdictions et restrictions de fumer sont entrées dans les habitudes. Selon une étude publiée dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire mardi, dans les bars et surtout les restaurants, le tabac a quasiment disparu. Il a continué de baisser ces dernières années sur les lieux de travail, et même à domicile, puisque désormais 39,5 % des fumeurs interdisent de fumer chez eux. Le tabac tue environ 73 000 personnes chaque année en France, soit 200 par jour. p Laetitia Clavreul
Le procureur a demandé jeudi un supplément d’information qui devrait entraîner un renvoi
Education SOS Homophobie à nouveau agréée par l’éducation nationale
Du 26 mai au 18 juin
Pour la ministre de la santé, qui a annoncé ses propositions vendredi, vapoter, «c’est fumer»
Le procèsdu Mediatorestdans l’impasse aprèsdeuxsemainesde débatsà Nanterre
Hélène Lipietz, sénatrice écologiste, a comparé, jeudi 30mai, son vêtement au projet de loi sur la décentralisation en débat au Sénat. Elle juge qu’on « rapièce une structure usée vieille au mieux de 40 ans, au pire de 200 ans, et on obtient un vêtement guère mettable dans le monde ».
AMERICAN DREAM
Vers une interdiction de l’e-cigarette aux mineurs et dans les lieux publics
CanapéS, Literie, MobiLier : 3 000 M2 d’envieS !
www.topper.fr
7j/7 • M° Boucicaut • P. gratuit A Paris depuis 1926 Canapés : 63 rue de la Convention, 01 45 77 80 40 Literie : 66 rue de la Convention, 01 40 59 02 10 Mobilier Gautier : 147 rue St-Charles, angle 58 rue de la Convention, 01 45 75 02 81
L
a fragilité originelle de la procédure engagée devant le tribunal correctionnel de Nanterre (Hauts-de-Seine) contre Jacques Servier et quatre autres responsables des laboratoires du groupe Servier s’est accentuée au fil des débats ouverts depuis mardi 21 mai. Elle a conduit le procureur, Philippe Bourion, à requérir, jeudi 30 mai, un supplément d’information qui pourrait bien signifier le renvoi du procès. Le tribunal devait se prononcer sur cette demande vendredi 31 mai, en début d’après-midi. Les parties civiles à l’initiative de la citation directe qui vaut aux responsables de Servier de comparaître pour « tromperie aggravée» ont été elles-mêmes contraintes de se ranger à l’évidence : le dossier du Mediator est une affaire trop complexe pour être jugée selon cette procédure rapide, alors qu’une instruction est ouverte en partie sur les mêmes faits à Paris. Il leur aura fallu plusieurs journéesd’audiencepourquecette réalité s’impose. Les parties civiles étaientdivisées.Certainesconsidéraient que ce procès, faute d’une accusation solide, comportait un risque de relaxe pour les prévenus. C’était notamment la position de Me Georges Holleaux, avocat de la Caisse nationale d’assurance-maladie (CNAM). Mais pour un certain nombre de victimes du Mediator, la crainte de voir Jacques Servier gagner du temps et ainsi échapper à la justice suffisait à justifier cette procédure. Les conseils de Jacques Servier et des autres prévenus dénonçaienteux, depuisle début,l’absurdité juridique d’un procès dont ils considèrent qu’il porte atteinte aux droits de la défense. Ces arguments avaient d’ailleurs conduit à un premier renvoi en mai 2012. Engagée sur ces positions contradictoires, l’audience a rapidement rencontré ses limites. La citation directe est une procédure « entre parties », à charge pour ceux qui poursuivent de rapporter les preuves de l’accusation. Ils ont buté à la fois sur la passivité du tribunal, cantonné dans le rôle d’observateur, sur le soutien cer-
Le Dr Irène Frachon, lors du procès des laboratoires Servier, à Nanterre, le 21 mai. MARC CHAUMEIL/DIVERGENCE
tesaffiché duprocureurde laRépublique mais limité dans ses interventions par l’absence d’enquête, etsurl’hostilitéd’unedéfenserésolue à obtenir le renvoi. Mes François Honnorat, Charles Joseph-Oudin et Martine Verdier se sont retrouvés bien seuls lorsqu’il s’est agi d’interroger les témoins qu’ils avaient fait citer.
Ces journées de débats étaient surtout destinées à calmer l’impatience des centaines de parties civiles Dépourvus de dossier d’instruction dans cette procédure, ils ne pouvaient pas les confronter ni s’appuyer sur les pièces réunies depuis deux ans par les juges parisiens, qui sont couvertes par le secret. Ils devaient aussi affronter la stratégie du silence de certains prévenus qui prétextaient de leur mise en examen à Paris pour ne pas répondre aux questions.
Si l’audience est apparue dès le départ comme un jeu de dupes, elle n’a pas été vaine pour autant. Elle a notamment permis d’entendre publiquement deux dépositionsaccablantessurlaresponsabilité de Servier. Celle de la pneumologueIrèneFrachon,quiestàl’origine de la révélation du scandale et qui a détaillé devant le tribunal «le crime presque parfait » des laboratoires, accusés d’avoir dissimulé la véritablenatureduMediator.Etcelle d’Aquilino Morelle, l’un des rapporteurs de l’Inspection générale des affaires sociales – aujourd’hui conseiller de l’Elysée – qui a mis en cause à la fois Servier et les autorités de contrôle, dont il a dénoncé «l’incompétence» et « laveulerie ». Ces journées de débats étaient surtout destinées à calmer l’impatiencedes centainesde partiesciviles qui se sont vu prescrire du Mediator et qui redoutaient qu’une fois de plus, en matière de santé publique, la justice ne s’enlise. La liste est longue de ces affaires qui, tels le sang contaminé ou l’hormone de croissance, se sont terminées après de longues années d’instruction par des non-
lieux ou des relaxes. Cette succession d’échecs a pesé dans l’attitude du ministère public à Nanterre. Soucieuxde manifesterson soutien aux parties civiles, il a rappelé que « c’est un droit absolu pour tout citoyen de saisir directement un juge », avant de constater les limites d’une procédure qui ne lui permet pas d’asseoir avec précision les responsabilités de chacun. En prenant l’initiative de demander lui-même un supplémentd’information, il a symboliquement voulu éviter qu’un éventuel renvoi du procès n’apparaisse comme un nouveau succès des manœuvres dilatoires de la défense. La citation directe initiée à Nanterre a donc échoué à l’audience. Ellea toutefois eu poureffet d’exercer une forte pression sur l’instruction conduite à Paris, dont le volet tromperie pourrait être clos dans lesmois quiviennent,etouvrir ainsi la voie à un procès fin 2014 ou début 2015. Mais pour Jacques Servier, 91 ans, chaque mois gagné sans condamnation compte double. p Simon Piel et Pascale Robert-Diard
culture
0123
Samedi 1er juin 2013
13
Vertigineux délires à la Biennale de Venise
La manifestation d’art contemporain mélange les artistes reconnus à des anonymes et des marginaux Arts Venise Envoyés spéciaux
L
a 55e Biennale de Venise,comme les précédentes, a deux parties principales : une exposition internationale,confiée au jeune (il est né en 1973) critique Massimiliano Gioni, qui a sélectionné 150 artistes venus de 38 pays, d’une part, et, de l’autre, des pavillons nationaux, où les artistes sont choisis par les Etats. Ils sont 88, dont des nouveaux venus: Angola, Bahamas, Bahrein, Côte d’Ivoire, Emirats arabes unis, Kosovo, Koweït, Liban, Maldives, Paraguay, Tuvalu et jusqu’au Saint-Siège. Certains ont trouvé une place dans le vaste Arsenal désaffecté,dont ilsfinancentla restauration. D’autres se répartissent
Les œuvres s’attaquent à la notion d’encyclopédie et à la volonté de toute-puissance qui l’anime
L’installation « Bang », de l’artiste chinois Ai Weiwei, dans le pavillon allemand de la 55e Biennale de Venise. STEFANO RELLANDINI/REUTERS
qui a sculpté avec des matériaux de fortune un pape noir, accompagné de son mouton, noir également, et à un autre Polonais, le peintre apocalyptiqueJakub Ziolkowski. A proximité, une poupée de chiffon, éventrée, dévoile ses entrailles : mais, cette fois, il s’agit d’une œuvre de l’Américain Paul McCarthy, vedette du marché. Lui et d’autres artistes « professionnels» et reconnus, tels Robert Gober, le duo suisse Fischli et Weiss, ou Richard Serra côtoient donc des anonymes, des autodidactes, des marginaux et des auteurs qui ne se considéraient pas comme des artistes euxmêmes et se retrouvent aujourd’hui à Venise. Tout comme l’écrivain Roger Caillois, qui collectionnaitles pierres bizarres,le psychiatreCarl GustavJung,dont est expo-
sé le « Livre rouge », dernier avatar de l’enluminure, Rudolf Steiner, fondateur de l’anthroposophie, ou Aleister Crowley, mystique et gourou. Le mineur spirite Augustin Lesage, la visionnaire Anna Zemankova sont là aussi. Et encore plusieurs « grands anciens » du surréalisme, Enrico Baj, Pierre Molinier, Hans Bellmer, tous présents dans la section confiée à l’artiste américain Cindy Sherman, qui s’inscrit donc à son tour de ce côté. Il n’est certes pas nouveau que des créations venues de l’extérieur du monde de l’art passionnent les artistes : c’est même là l’un des principes fondamentaux de la création au XXe siècle. Depuis les années 1960, on l’avait cependant oublié, mais il revient en force depuis deux décennies au
L’irrespect et le sacrilège éclaboussent les pavillons Venise Envoyé spécial
A juger des pavillons nationaux selon la longueur des queues qui se forment devant leurs entrées, le palmarès des visiteurs des Giardini réunit l’Allemagne, les EtatsUnis, la France, la Grande-Bretagne et la Russie. Non que les autres pavillons aux alentours soient vides de visiteurs : dans ces jours d’inauguration, ce serait chose impossible. Mais l’engouement y est moindre. Ce succès peut s’expliquer par la curiosité que suscite, dans le cas de l’Allemagne et de la France, l’échange des monuments, décidé afin de célébrer le 50e anniversaire du traité d’amitié entre les deux pays. Là où expose habituellement le représentant français, l’Allemagne accueille Ai Weiwei, Romuald Karmakar, Santu Mofokeng et Dayanita Singh : le premier vient de Chine, le troisième d’Afrique du Sud, le quatrième d’Inde et tous quatre traitent de questions politiques, sur le mode du documentaire photo ou vidéo
ou sur celui de l’installation allégorique, dont Ai Weiwei est l’un des meilleurs praticiens actuels. Ainsi le cosmopolitisme et l’universalité sont-ils abruptement – et opportunément – rappelés.
Rythmes décalés Symétriquement, le pavillon allemand est aménagé de façon à ce que soient vues et écoutées les trois vidéos d’Anri Sala, qui représente la France. Le projet se nomme Ravel, Ravel, Unravel, parce que to ravel signifie « emmêler » et to unravel « débrouiller» et parce que l’œuvre à partir de laquelle Sala construit un système de variations est le Concerto pour la main gauche, de Maurice Ravel. Le jeu de mots donne à craindre un excès d’artifices. Il n’en est rien : si la splendeur de l’ensemble doit évidemment beaucoup à Ravel et à son interprétation par les pianistes Jean-Efflam Bavouzet et Louis Lortie, on est autant convaincu par l’intelligence avec laquelle Sala décale les rythmes, introduit enregistrement et mixage et suggère combien écriture et
exécution sont fragiles miracles. L’installation apparaît ainsi à la fois comme un hommage à la création et comme une réflexion sur le statut actuel de l’œuvre d’art, cela par les seuls moyens de l’œil et de l’ouïe. Sarah Sze, dans le pavillon des Etats-Unis, est aussi ambitieuse : elle cherche à montrer la complexité de la matière, emprunte le titre – Triple Point – à la thermodynamique et renoue en somme la conversation entre sciences et art. Les installations qu’elle déploie doivent être examinées en détail, les sous-entendus savants élucidés, les passages du microcosme au macrocosme attentivement notés. Quand Sala sait inscrire une réflexion dense dans une forme simple, Sze se perd un peu dans la prolifération des éléments – et le visiteur plus encore. Il ne reste que plus longtemps à l’intérieur, au désespoir de ceux qui attendent à la porte. Retour violent à la politique. La Grande-Bretagne confie son pavillon à Jeremy Deller. L’ensemble se nomme English Magic, par
antiphrase. Les sacrilèges s’y succèdent sans répit : famille royale, milliardaires établis à Londres, intervention en Irak passent à la moulinette de la dérision, y compris Stonehenge, trésor du patrimoine national. Dessins, peintures murales, vidéos : tous les moyens sont bons pour Deller et l’on reste, une fois de plus, surpris par l’aisance avec laquelle les institutions britanniques défendent des artistes – Deller après Emin, Ofili et tant d’autres – qui portent l’irrespect très au-delà de ce qui serait accepté dans d’autres pays, France comprise. Mais pas Russie, si l’on en juge d’après Danaë, l’installation de Vadim Zakharov, qui occupe tout le bâtiment, percé de quelques trous pour l’occasion. La belle Danaé fut séduite par la pluie d’or que Zeus fit tomber sur elle. L’actualisation loufoque du mythe fait beaucoup rire les visiteurs, qui sont appelés à contribuer à la pluie d’or corruptrice. Mais la métaphore satirique est cruelle. p
Ph. D.
moins. En 1989, l’exposition « Les magiciens de la Terre » préfigurait déjà cette redéfinition de l’art. Depuis est venu un puissant regain d’intérêt pour tout ce que l’on nomme, faute de mieux, l’« art brut », retour dont la présence à Venise, à deux pas des Giardini, du Museum of Everything, montré à Paris l’hiver dernier, n’est qu’une preuve supplémentaire. Après les Biennales de Lyon ou de São Paulo, le Palazzo Enciclopedico vénitien prend aujourd’hui acte de cette évolution, mais tardivement et sans toujours éviter les approximations. Aussipeut-ontrouverplus intéressantes les œuvres qui s’attaquent à la notion même d’encyclopédie, au délire de toute-puissance qui l’anime, aux catégories qu’elle invente, au désir d’arrêter
le temps qui l’habite en secret. A l’Arsenal, il revient à deux artistes d’inviter à ce pas de côté salutaire. L’un est Matt Mullican, qui a construit un labyrinthe tapissé de signes insignifiants, de croquis sans raison, de collections sans logique autre que celle de l’accumulation – qui est aussi la « logique » de la Biennale. L’autre est Camille Henrot, dont la vidéo, Grosse fatigue, met follement en abyme savoirs, réseaux, moteurs de recherche et pensées analogiques. p Harry Bellet et Philippe Dagen
Biennale de Venise, Giardini et Arsenal, tous les jours sauf lundi, de 10 heures à 18 heures, du 1er juin au 24 novembre. Entrée (valable deux jours) 30 euros. Passe permanent : 80 euros. Labiennale.org
Keith Jarrett Gary Peacock Jack DeJohnette Somewhere NOUVEL ALBUM 30e anniversaire du Trio Sortie le 27 mai 2013
1er juillet : Paris Salle Pleyel 12 juillet : Juan-les-Pins Festival Jazz à Juan 19 juillet : Lyon Les Nuits de Fourvière
Alain Frappier dm13
Pennsylvanie en 1955, il s’agit de la très haute maquette d’un musée utopique qui aurait regroupé, sur 136 étages et 700 mètres de haut, toutes les grandes découvertes et inventions de l’humanité. Ce n’était donc pas un projet artistique, mais Gioni le considère comme tel. L’essentiel de son projet est de faire la part belle aux artistes dits « bruts », singuliers ou parfois tenus pour fous, comme le Brésilien Bispo do Rosario, interné durant cinquante ans et devenu un habitué des expositions internationales, dont celle-ci. Cette ouverture permet quelques belles rencontres, de l’Ukrainien Sergey Zarva,qui a repeintde manièrejoliment obsessionnelle les couvertures du magazine soviétique destiné à la jeunesse communiste Ogoniok, au Polonais Miroslaw Balka,
Design
un peu partout dans la cité, et jusqu’à Mestre dans le cas du Tuvalu. A cela s’ajoute un « off », qu’ici on nomme les « événements collatéraux », 47 en tout – dont certains très réussis, sur lesquels nous reviendrons vite –, et des expositions personnelles comme celles de Pedro Cabrita Reis, d’Antoni Muntadas ou de Bernar Venet. Jusqu’en novembre, Venise redevient le centre du monde de l’art. Et son commencement, si on en croit l’exposition montrée par le Saint-Siège, puisque les artistes choisis (Studio Azzurro, avec une mauvaise parodie de Bill Viola, Josef Koudelka et Lawrence Carroll) sont réunis par le thème de la Genèse. Hasard distrayant, c’est aussi la Genèse qui a inspiré 207 pages au dessinateur américain Robert Crumb, lequel ne cache pas son peu de goût pour l’art contemporain et figure néanmoins à quelques pas de ces salles dansla partie conçue par Massimiliano Gioni. Ce dernier a intitulé son exercice « Il Palazzo Enciclopedico » (Le palais encyclopédique), titre d’une œuvre qui accueille le visiteur à l’entrée de l’Arsenal. Une œuvre, n’est-ce pas aller un peu vite ? Réalisée par un Américain autodidacte, Marino Auriti (1891-1980), qui en a déposé le projet au bureau des brevets de
14
0123
culture
Samedi 1er juin 2013
Paris, en 1962, est gris et radieux
Dans «LeJoli Mai», en salles, Chris Marker et Pierre Lhomme ont donné voix à une époque Cinéma
Dans son nouveau spectacle, le chorégraphe aligne les galipettes et les clichés sur l’Orient
L
e 8 avril 1962, les accords d’Evian sont approuvés par plus de neuf électeurs français sur dix. La France est en paix, le printemps s’annonce radieux (ce sera en fait l’un des plus froids que l’on ait connus). Trois semaines plus tard, Chris Marker,cinéaste, et Pierre Lhomme, chef opérateur, entament une circumnavigation de Paris, équipés d’un nouvel instrumentde navigation cinématographique : une caméra et un appareil d’enregistrement sonore capables de restituer images et sons synchrones. Des documentaristesaméricainss’en sontdéjà servis, mais en France seuls Jean Rouch et Edgar Morin l’ont expérimenté, à l’été 1960, pour le tournage de Chronique d’un été. De leur balade parisienne, Chris Marker, Pierre Lhomme et deux enquêteurs ont rapportémené Le Joli Mai, qui est ressorti en salles le 29 mai après avoir été projeté au Festival de Cannes. Le Joli Mai est à la fois le véhiculed’un voyagetemporel qui fait du spectateur de 2013 un citoyen de l’an 1962, et une œuvre intellectuelle d’une acuité saisissante: rien de plus passionnant que de réfléchir à aujourd’hui à la lumière de ce passé-là. Lefilmestpourtantfait dematériaux très humbles, des plans de Paris et de sa proche banlieue, de longues conversations avec quelques-unsdes habitantsde cetespace à la foisfamilieret méconnaissable – un tailleur de la rue Mouffetard, une mère de famille qui habite avec ses huit enfants (« et la petite qu’on a adoptée ») dans un tau-
Les«Nuits»torrides d’Angelin Preljocaj Danse
L
La plupart des intervenants du « Joli Mai » restent anonymes. LA SOFRA/POTEMKINE FILMS
dis d’Aubervilliers, deux futurologues qui sont convaincus que travailler trente heures par semaine c’est beaucoup trop… La force des images de ce Paris gris et sombre (c’était avant le grand débarbouillage), ces visages épanouis par le bonheur de l’expression font que ce mai n’est pas seulement joli, il est beau. A Cannes, Pierre Lhomme est venu présenter le film, qu’il a légèrement remonté, d’abord en compagnie de Chris Marker, puis seul,
après la mort de ce dernier, le 29 juillet 2012. Jeune chef opérateur en 1962, il est devenu le coréalisateur du film au moment où Marker en a découvert un premier montage. Lhomme a façonné la forme de ces longs plans, et Marker a estimé que le cameraman était aussi l’auteur du Joli Mai. La qualité de la parole exprimée tout au long du film tient, pour Pierre Lhomme, à la méthode de Marker: « Avant le tournage, nous avons d’abord parlé de la manière
de ne pas être agressif, de ne pas traumatiser les gens avec une caméraet unmicro, qu’ilscomprennent vite qu’on n’est pas là pour les piéger », se souvient-il. Le matin, l’équipe partait avec au programme un entretien, ce qui laissait bien de la place à l’improvisation. En route pour la Défense, Marker a aperçu en contrebas du pont de Neuilly un couple d’amoureux. Avant que Pierre Lhomme commence à filmer, Marker a engagé la conversation, qui dure, passe du camping à l’amour éternel. Comme le fait remarquer le directeur de la photographie, les tourtereaux auraient pu passer pour « complètement nunuches », mais, par la grâce de la durée, ils arracheraient des larmes. La méthode est simple : « Il n’y a pas de tricotage. » L’une des séquences les plus frappantesmontre un garçon,plutôt beau gosse, assis sur un talus qui domine Nanterre. Il s’exprime dans une syntaxe impeccable et raconte ses débuts profession-
Un voyage temporel qui fait du spectateur de 2013 un citoyen de l’an 1962 nels : avec son CAP de tourneur, il a été embauchécomme ouvrier professionnel, déclenchant la jalousie d’un manœuvre. Son collègue était français, le jeune homme était algérien : « J’ai failli devenir raciste,» dit-il à la caméra, avant de racontersonarrestationet sonpassage à tabac par la police française. Comme la plupart des intervenants du Joli Mai, le tourneur algérien reste anonyme. Selon Pierre Lhomme, il existait une liste des noms de tous ces témoins. Elle a été perdue, tout comme les dizaines d’heures de rushs accumulées tout au long du mois de mai 1962. Le chef opérateur se souvient que ce garçon était un responsable des jeunesses FLN qu’on avait mis en contact avec Chris Marker, que sa discrétionlégendaire n’empêchait pas d’être au centre d’un réseau extraordinairement dense et divers. Reste donc le seul film qui montre une ville (et comme on est en France jacobine, un pays) au bord de la prospérité, plein d’égoïsmes et d’espoirs. On entrevoit l’inévitable (le triomphe de la consommation, la défaite du partage) et ce qui aurait pu être (une autre façon de penser la ville, à travers une conversation entre architectes). On voit surtout une manière infiniment respectueuse et exigeante de filmer l’autre. p Thomas Sotinel
Documentaire français de Chris Marker et Pierre Lhomme, 1962 (2 h 16).
es Nuits, chez Angelin Preljocaj, sont torrides. Plus la main au panier que le doigt sur le marque-page, comme on pouvait s’yattendreaveccettenouvellepièce à dix-huit danseurs, spectacle inspiré par Les Mille et Une Nuits, mais c’est comme ça ! Si les filles terminent étouffées dans une jarre après usage, elles ont beaucoup servi et semblent tout de même en avoir bien profité. A l’affiche, du 14 au 18 mai, à la Maison des arts, à Créteil, Les Nuits, créée dans le cadre de MarseilleProvence2013,a faitsalle combleet remportéun succèspublic.En choisissant la voie de la sensualité, et uniquement celle-ci, Preljocaj relève un défi. Mais il dérape dans le cabaret érotique chic (Azzedine Alaïa pour les costumes) dont les numéros se superposent jusqu’à saturation. Dès la première scène – un tableau de femmes au hammam déjà fort de clichés –, les vapeurs commencent à monter, à la tête et ailleurs. La suite confirme la hausse de température. Sur des mélopées électro-poporientalisantesde Natacha Atlas, les étreintes se suivent, les partenaires s’échangent mais les galipettes se ressemblent.
Violence et érotisme L’identité artistique d’Angelin Preljocaj, depuis ses débuts au milieu des années 1980, s’est musclée entre deux pôles. D’un côté, la virtuosité martiale, la brutalité sèche d’un homme d’origine albanaise qui, raconte-t-il, vient « d’un peuple de montagnards, des gens durs forgés par des rituels cruels ». Des pièces comme A nos héros (1987), MC 14/22 (2000) ou N (2004) sont marquées par ce coup de tampon agressif. A l’opposé, Angelin Preljocaj fouille aussi une veine amoureuse et sexuelle qui trouve dans la danse un vocabulaire incisif et suggestif. Entre accès passionnel et serpentinséducteur, Liqueurs de chair (1988),L’Anoure(1995),sur untexte de Pascal Quignard, ou encore Le Parc (1994) rivalisaient de jeux
et entrelacs sensuels. Parfois, on voyait ces deux motifs fusionner dans des pièces où la violence attisait l’érotisme – Roméo et Juliette (1990) ou Le Sacre du printemps (2004). C’est l’écriture aiguisée, souple lorsqu’il en a envie, de Preljocaj qui sublime ces tiraillements. Sur ce chapitre, Les Nuits étincellent. En se risquant frontalement sur le terrain du désir cru et prédateur, Preljocaja encorerepousséleslimitesde sonsavoir-fairechorégraphique. Certains pas de deux explosent en invention vive, mixant vocabulaire contemporain, classique et hip-hop dans un design impeccable et nerveux. Mention spécialeauxdanseursplusqueparfaits dans tous les excès. A force de clichés, la bagatelle revue à l’orientale frôle la caricature. Les stéréotypes actuels de la féminité et de la masculinité en mal de talons aiguilles et de gros paquet dans le slip ont droit évidemment à leurs tableaux racoleurs. Plus inconfortable, le sentiment que le spectacle finit par valider une vision globale négative – même sous couvert d’Orient fantasmé et d’imagerie pseudo-traditionnelle – des rapports hommesfemmes dans la culture arabomusulmane. Lorsque Preljocaj, qui prétendait « dresser la figure de Shéhérazade comme un rempart à la barbarie », lève une rébellion dans les rangs dociles de ses odalisques, il se contente d’une bordée d’insultes qui tombent comme on crache un chewing-gum. Le tableau avec narguilé surgissant entrelesjambesdeshommesallongés décroche le gros lot en emportant l’agacement dans un fou rire. Pendant que chaque danseuse tire, à fond les poumons, sur deux (!) tuyaux, son partenaire reste gentiment plaqué au sol. Et ça dure, et c’est long, et trop, c’est trop ! p Rosita Boisseau
Les Nuits, d’Angelin Preljocaj. Théâtre de Saint-Quentin-en-Yvelines, place Georges-Pompidou, Saint-Quentin-enYvelines (78). Jusqu’au dimanche 2 juin. Tél. : 01-30-96-99-30. De 21 ¤ à 28 ¤. Le 24 juin au Corum à Montpellier (34).
« JE REGARDAIS LE PLAFOND ET SOUDAIN J’AI VU LE CIEL »
JOHN ADAMS
D ir ec ti on
m us ic al e
r Bri Alexande M is e en
A SONGPLAY
sc èn e
ge r
arberio Giorgio B i tt e rs Co
11 – 19 ju chatelet-t
in 2013
heatre.com
01 4 0 2 8
28 4 0
0123
météo & jeux
Samedi 1er juin 2013
5 à 10°
Samedi 1er juin Début de l’amélioration 40 km/h
10 20
Nantes
10 20
Limoges
D 11 17
Dublin
9 18
A
Lyon
14 16
Montpellier
Nice
Marseille
14 24
13 20
14 22
Températures à l’aube 1 22 l’après-midi
Nord-Ouest Ile-de-France Nord-Est Sud-Ouest Sud-Est
Mardi
11 18
Lever 02h13 Coucher 14h25
Dimanche 6 18
7 16 9 19 8 19
10 19 8 18
10 21
10 19 11 20 12 22
7 22
9 25
7 19
9 21
10 24
6 19
6 21
9 23
9 22
10 24
11 27
11 24
12 24
12 27
Amsterdam Athènes Barcelone Belgrade Berlin Berne Bruxelles Budapest Bucarest Copenhague Dublin Edimbourg Helsinki Istanbul Kiev La Valette Lisbonne Ljubljana Londres Luxembourg Madrid Moscou Nicosie Oslo Prague Reykjavik
4
Bucarest
Sofia Istanbul Ankara
Rabat
D
Athènes
Tunis Tunis
Beyrouth
Tripoli Tripoli
Dépression
5
1 Front 10froid
D
Thalweg
enpartieensoleillé assezensoleillé enpartieensoleillé averseséparses averseséparses fortepluie averseséparses enpartieensoleillé beautemps beautemps enpartieensoleillé assezensoleillé enpartieensoleillé beautemps pluiesorageuses assezensoleillé beautemps enpartieensoleillé assezensoleillé averseséparses beautemps beautemps beautemps averseséparses pluiemodérée pluiemodérée
10 16 16 10 14 10 8 11 12 14 5 8 14 19 17 18 13 10 8 9 6 15 21 15 11 7
15 26 25 20 20 12 16 21 24 20 14 14 22 26 24 23 25 19 18 17 24 24 30 22 13 8
Riga Rome Sofia Stockholm Tallin Tirana Varsovie Vienne Vilnius Zagreb
Jérusalem
Le Caire
soleil,oragepossible enpartieensoleillé enpartieensoleillé averseséparses soleil,oragepossible aversesmodérées assezensoleillé assezensoleillé soleil,oragepossible enpartieensoleillé
16 14 6 13 14 14 12 10 16 12
26 19 23 18 21 19 22 20 24 19
Alger assezensoleillé Amman beautemps Bangkok soleil,oragepossible Beyrouth beautemps Brasilia pluiesorageuses Buenos Aires assezensoleillé Dakar averseséparses Djakarta pluiesorageuses Dubai beautemps Hongkong soleil,oragepossible Jérusalem beautemps Kinshasa averseséparses Le Caire beautemps Mexico soleil,oragepossible Montréal pluiesorageuses enpartieensoleillé Nairobi
12 21 29 26 17 10 25 26 27 26 22 23 27 13 20 15
22 33 37 29 26 22 27 30 36 30 29 31 37 25 30 25
Dans le monde
New Delhi assezensoleillé assezensoleillé New York beautemps Pékin beautemps Pretoria beautemps Rabat Rio de Janeiro assezensoleillé enpartieensoleillé Séoul Singapour soleil,oragepossible enpartieensoleillé Sydney beautemps Téhéran enpartieensoleillé Tokyo assezensoleillé Tunis Washington beautemps Wellington enpartieensoleillé
Outremer
aversesmodérées soleil,oragepossible enpartieensoleillé enpartieensoleillé assezensoleillé nuageux
Cayenne Fort-de-Fr. Nouméa Papeete Pte-à-Pitre St-Denis
31 43 20 28 20 31 10 21 15 25 21 28 15 25 27 34 14 22 20 31 18 25 17 25 23 32 14 16 24 28 22 26 27 22
30 28 24 30 30 25
Météorologue en direct au 0899 700 703
1,34 € l’appel + 0,34 € la minute 7 jours/7 de 6h30-18h
Un génie d’avance 124 PAGES - 7,90 € - EN VENTE CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX
5
6
Sudoku n˚13-129 7
8
9
Solution du n˚13-128
10 1 1 12
3 7
III
1
VI
7
VII
5
VIII
X
Solution du n° 13 - 128
I. Sans conteste. II. Unipare. Toux. III. Bonimenteuse. IV. Tri. Pinard. V. Em. Maligne. VI. Rani. Suret. VII. Flashés. CA. VIII. Ne. Tir. ARN. IX. Gît. Eteignit. X. Epiphénomène.
9
5
5
4
3
9
4 8
4 3
2 4
8 1
6 4
3
2
9
4
6
7
8
1
3
5
6
5
1
4
9
3
7
2
8
8
7
3
2
1
5
9
6
4
4
1
6
5
3
9
8
7
2
5
3
7
8
2
6
4
1
9
9
2
8
1
4
7
3
5
6
1
4
9
3
5
2
6
8
7
7
6
5
9
8
1
2
4
3
3
8
2
7
6
4
5
9
1
Tr` es difficile
Compl´etez toute la grille avec des chiffres allant de 1 ` a 9. Chaque chiffre ne doit ˆetre utilis´e qu’une seule fois par ligne, par colonne et par carr´e de neuf cases.
R´ ealis´ e par Yan Georget
IX
I. Imprudent et léger dans l’aventure. II. Son petit commerce tient à des bouts de fils. En haut de l’affiche. III. Etoiles des mers. Gardien des sons et des images. IV. Très abîmé. Découvris. V. Le feu dans les organes. Donné dans la fosse. Côté couchant. VI. Vents marins. Dieu sur le Nil. VII. Devenu tranchant. Toujours très actif au Japon. Interjection. VIII. Pour tracer droit. Personnel. S’enfonce à chaque tour. IX. De Chiraz ou de Tabriz. Jacassent à la campagne. X. A Cannes en mai, à Aix et à Orange pendant l’été.
6
1
V
Horizontalement
1 8
IV
0123 est édité par la Société éditrice du « Monde » SA
Verticalement
1. A toujours une idée derrière la tête. 2. Moustique ou autre diptère. 3. Permet la sélection. Du bronze à Rome. 4. Colorant minéral. En prière pour l’éternité. 5. Fit l’innocent. Bien mauvais fond. Doublé romain. 6. A mis la peinture aux points. Unité bulgare. 7. Au théâtre dans les décors. Bains de vapeur. 8. Pousse à gagner. Accord. 9. Habitude. Unité communautaire. Grecque. 10. Distendue. Est de plus en plus longue. 11. Copines des mecs. Il y a peu de temps. 12. Ne lui faites jamais confiance. Philippe Dupuis Verticalement
1. Subterfuge. 2. Anormal. Ip. 3. Nini. Nanti. 4. Spi. Mise. 5. Campa. Eh. 6. Oreillette. 7. Nenni. Sien. 8. Tags. Rio. 9. Eternue. Gm. 10. Souder. Ane. 11. Tus. Ecrin. 12. Exécutante.
Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS). Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707Paris Cedex 13 Tél. : 01-57-28-20-00 Abonnements par téléphone : de France 32-89 (0,34 ¤ TTC/min) ; de l’étranger : (33) 1-76-26-32-89 Tarif 1 an : France métropolitaine : 399 ¤ Courrier des lecteurs : par télécopie : 01-57-28-21-74; Par courrier électronique:
[email protected] Médiateur:
[email protected] Internet: site d’information: www.lemonde.fr ; Finances : http://finance.lemonde.fr ; Emploi : www.talents.fr/ Immobilier: http ://immo.lemonde.fr Documentation: http ://archives.lemonde.fr Collection: Le Monde sur CD-ROM : CEDROM-SNI 01-44-82-66-40 Le Monde sur microfilms : 03-88-04-28-60
La reproduction de tout article est interdite sans l’accord de l’administration. Commission paritaire des publications et agences de presse n° 0717 C 81975 ISSN 0395-2037 Imprimerie du « Monde » 12, rue Maurice-Gunsbourg, 94852 Ivry cedex Président : Louis Dreyfus Directrice générale : Corinne Mrejen
PRINTED IN FRANCE
Vendredi 31 mai TF 1
2
II
C
omment s’habiller à la télévision? Pas de blanc, recommande-t-on, qui passe mal à l’écran. Mais attention aux couleurs foncées: la moindre pellicule capillaire sur l’épaule constitue un désastreux désagrément qui attire davantage le regard que la nouvelle coiffure d’Evelyne Dhéliat, la présentatrice météo bien connue, ou la nouvelle maxi-vague de Yann Barthès, l’animateur du» Petit Journal», sur Canal+. On peut, comme Philippe Vandel ou Thierry Ardisson, s’inventer un uniforme (tee-shirt, uni ou illustré, sous veste); décider, comme Michel Field, que le confort prime (il a depuis longtemps abandonné la chemise – que je ne crois jamais lui avoir vu porter avec cravate – pour le polo). La journaliste Catherine Nay, qu’on n’aperçoit plus guère sur les plateaux télé, n’a jamais, il me semble, quitté ses strictes vestes sombres, et Simone Weill le tailleur Chanel. Elles ont compris que, par essence, l’uniforme annule la nécessité de renouvellement. Les invités fréquents ont intérêt à varier leur vestiaire: on repère vite les récurrences trop nombreuses, telles celles du blouson rouge d’Eva Joly, qu’elle portait partout au moment de la campagne présidentielle, ou du cuir bleu que j’ai vu plusieurs fois Michèle Cotta arborer. (A cet égard, je me suis demandé si ma consœur n’avait pas choisi cette couleur parce qu’elle concordait avec la dominante du décor de LCI, inondé du même bleu. D’ailleurs, j’ai vu récemment plusieurs animatrices et invitées de la chaîne adopter la même tonalité de bleu. Mais attention à « l’effet Michou» ou à celui du raccord
Les soirées télé
I
Horizontalement
Odessa
Boris Vian
Motscroisés n˚13-129 3
Séville
D
Budapest
Zagreb Belgrade Rome D
Kiev
Mercredi
7 21
2
05 Munich10Vienne
30 degrés à Montréal où des orages menaceront
Les jeux 1
D
Occlusion
Ajaccio
90 km/h
Lever 05h50 Coucher 21h46
Les hautes pressions commenceront à s'imposer depuis l'Atlantique, avec près de 1030 hectopascals sur le Finistère. Cela nous canalisera un flux de nord modéré et relativement sec sur le pays. Les nuages resteront toutefois encore d'actualité ici et là, avec de faibles ondées éparses vers le Centre. Les averses seront encore fréquentes sur les frontières de l'Est tout comme sur les Pyrénées. De l'orage menacera également sur la Côte d'Azur.
Anticyclone Front chaud
En Europe
15 22
101 0
Alger
Perpignan
Jours suivants Lundi
0 102
11 15
13 19
Justin Coeff. de marée 62 Aujourd’hui
Barcelone Barcelone
Grenoble
Toulouse
Berne
Madrid
Lisbonne Lisbonne
A Biarritz
5 102
Minsk
D
Milan
0 11 101 18
12 21
Copenhague 1005
Bruxelles
Paris
7 10
Moscou
Amsterdam Berlin Varsovie Prague
Londres
Chamonix
Bordeaux
50 km/h
1
Strasbourg
10 16
St-Pétersbourg
Riga010
Edimbourg
T
Clermont-Ferrand 1015
9 18
Homochrome
102 0 Helsinki
Oslo Stockholm
1020
5 100 Dijon 1010 9 18
Poitiers
A
10 15
Besançon
9 21
C'EST À VOIR | CHRONIQUE
> 40°
www.meteonews.fr
Orléans
9 19
35 km/h
1015
D
Amiens
Rennes
35 à 40°
15
p a r R ena ud Ma cha r t
Reykjavik
D
8 18
30 à 35°
En Europe
Lille
ChâlonsRouen en-champagne 0 10 18 100 7 19 PARIS Metz 10 21 1005 10 19
Caen
25 à 30°
1015 01.06.2013 12h TU
9 19
Brest
10 18
20 à 25°
10 30
10 16
50 km/h
15 à 20°
A 8 17
Cherbourg
10 à 15°
10 10
0 à 5°
-5 à 0°
10 30
< -5°
écrans
80, bd Auguste-Blanqui, 75707 PARIS CEDEX 13 Tél : 01-57-28-39-00 Fax : 01-57-28-39-26
Toulouse (Occitane Imprimerie) Montpellier (« Midi Libre »)
20.50 Les Experts : Miami.
Série. Petites têtes couronnées U (S10, 11/19, inédit). Le courant passe. Bien mal acquis (S8, 3 et 4/24) ; Le Chéri de ces dames U (S7, 7/25). 0.05 Tout le monde aime la France. Divertissement (saison 2, 100 min).
FRANCE 2 21.00 Football.
Coupe de France (finale) : Evian Thonon Gaillard Bordeaux (D1). En direct de Stade de France. 23.00 Ce soir (ou jamais !). Comment la France peut-elle s’en sortir ? Invités : Jacques Attali, Jean-François Kahn, Jean-Jacques Beineix, Judith Davis... (110 min).
FRANCE 3 20.45 Thalassa.
Languedoc-Roussillon: entre mer et lagunes. Au sommaire : Au pays des lagunes ; Sète : les chevaliers du canal ; L’Age de raison... 23.30 Météo, Soir 3. 0.00 La Case de l’oncle Doc. Le Passé d’un palace en héritage. Hôtel Martinez. Documentaire (France, 2013, 55 min).
CANAL + 20.55 Nouveau Départ p
Film Cameron Crowe. Avec Matt Damon (EU, 2011). 22.55 Blanche-Neige et le chasseur pp Film Rupert Sanders (EU, 2012, audiovision) U. 1.00 To Rome with Love p Film Woody Allen (EU - It., 2012, 111 min).
FRANCE 5 20.41 On n’est pas que des cobayes ! 21.34 Le Visiteur de l’Histoire.
[3/4] A la fin du Moyen Age, septembre 1450. 22.31 C dans l’air. Magazine. 23.42 Entrée libre. Magazine (20 min).
ARTE 20.50 A deux c’est plus facile.
Téléfilm. Emilie Deleuze. Avec Alexandra Stewart, Venantino Venantini (France, 2009). 22.10 Un charme très discret. Téléfilm. Markus Sehr. Avec Kurt Krömer, Fritzi Haberlandt, Bernd Moss (Allemagne, 2011). 23.25 Court-circuit. Magazine (55 min).
M6 20.50 NCIS : Los Angeles. Série. Partenaires particuliers (S4, 17/24, inédit) ; A l’aveugle [1 à 3/3] (S3, 23-24/24 ; S4, 1/24) U. 0.05 Sons of Anarchy. Série (S5, 9/13) V. 0.55 Justified. Série (S2, 6-7/13, 104 min) U.
homochrome d’une pochette et d’une cravate, fortement déconseillé.) Nathalie Kosciusko-Morizet est, on le sait, l’une des élégantes de la classe politique. Tons pastel, sablés, cuisse-de-nymphe, cannelle. Une garde-robe qui s’adapte aussi bien à un safari chic qu’à un petit déjeuner à l’anglaise tel que le servait, en plein désert, son majordome à Cole Porter (qui ne voyageait jamais sans son argenterie et sa porcelaine). Et aussi au gros micro argenté de Jean-Jacques Bourdin sur BFM TV. Je regardais, mardi 28mai, l’insolent Arnaud de Montebourg tacler avec un ton d’instituteur moralisateur le mauvais élève Peugeot, tout en passant la pommade à
Par essence, l’uniforme annule la nécessité de renouvellement reluire au patron de Renault, Carlos Ghosn, aux côtés duquel il se tenait, comme lui fagoté dans un bleu de travail gris et jaune. Lequel leur allait comme une tenue de hockeyeur à feu Jacques Chazot. Le ministre du redressement productif est donc devenu le portemanteau des produits made in France qu’il promeut, comme cette fameuse marinière qu’il a enfilée il y a quelques mois, chipant son look historique à JeanPaul Gaultier. Je n’attends qu’une chose: que le beau parleur aux syllabes rondes comme les nuages de Raoul Dufy vienne à la rescousse télévisée d’une marque de dessous coquins. p
Samedi 1er juin TF 1 20.50 Samedi soir on chante
France Gall. Emission musicale. Invités : Alizée, Corneille, Sofia Essaïdi, Elodie Frégé, Jenifer, Lorie, Emmanuel Moire... 23.25 Les Experts. Série. Le Bon, la Brute et la Dominatrice. Un homme au tapis. Y’a pas de lézard (saison 7, ép. 23, 21 et 22/24, 150 min) U.
FRANCE 2 21.00 Rugby.
Championnat de France Top 14 (finale) : Toulon - Castres. En direct du Stade de France. 22.55 On n’est pas couché. Magazine. Invités : François Delapierre, Alex Hepburn, Fred Pellerin, Murray Head, Jean-Pierre Mocky (180 min).
FRANCE 3 20.45 Harold et Maude.
Pièce de Colin Higgins. Mise en scène de Ladislas Chollat. Avec Line Renaud, Claire Nadeau. 22.40 Henri IV. Téléfilm. Jo Baier. Avec Julien Boisselier, Armelle Deutsch. [1/2] (France, 2009) V. 0.10 Météo, Soir 3 (20 min).
CANAL + 21.00 Rugby.
Championnat Top 14 (finale) : Toulon - Castres. 23.15 Le sexe qui rit. Documentaire (France, 50 min) W.
FRANCE 5 20.36 Echappées belles.
Pays-Bas : de Rotterdam à Amsterdam. Magazine. 22.08 Afrique du Sud, la terre arc-en-ciel. [1/3]. Documentaire. 23.00 L’Œil et la Main. Magazine. 23.27 Dr CAC. Magazine (28 min).
ARTE 20.50 L’Aventure humaine.
Le Secret du trésor de Bassas da India (2013). 22.00 Les Aïeux de la Queen. L’Union des SaxeCobourg avec le pouvoir. Documentaire (2013). 23.15 Cheerleaders, un mythe américain. Documentaire. 0.10 About : Kate. Série (saison 1, 6/14). 0.35 Tracks. Spécial électro (55 min).
M6 20.50 et 23.55 Hawaï 5-0. Série. Hoa Pili (saison 3, 19/24, inédit) U ; Pa Make Loa [1/2] (saison 2, 21/23) U. 22.30 NCIS : Los Angeles. Série. Pa Make Loa [2/2] (S3, 21/24, 45 min) U.
16
0123
carnet
Samedi 1er juin 2013
Décès -0 )WÍ×0Æ
†ÕÊ +ÍW×2Ê „¾„×0Ù0×ÆÊ ¨W%ÊÊW×40ʉ SWÓÆ€Ù0ʉ .%W׆W%øø0ʉ ÙWÍ%W+0ʉ W××%¾0ÍÊW%Í0Ê 20 ×W%ÊÊW×40 .¾%Ê 20 2„4‚ʉ Í0Ù0Í4%0Ù0×Æʉ Ù0ÊÊ0ʉ 4Õ×2Õø„W×40ʉ (ÕÙÙW+0ʉ W××%¾0ÍÊW%Í0Ê 20 2„4‚ʉ ÊÕ¾0×%ÍÊ
Elena et Louis Henri Acher, ses enfants, Leur mère, Josette Acher, Aïcha El Madj, sa compagne, André Levy, son cousin et sa femme, Adrienne, Sa famille, Ses amis, ont l’immense douleur de faire part du décès de
William ACHER,
écrivain, ancien Premier secrétaire de la Conférence du stage des avocats à la Cour d’appel de Paris,
)ÕøøÕÐÂ0ʉ 4Õ×.„Í0×40ʉ Ê„Ù%×W%Í0ʉ ÆWSø0ʇÍÕ×20ʉ ÓÕÍÆ0ʇÕ¾0ÍÆ0ʉ .ÕÍÂÙʉ "ÕÂÍׄ0Ê 27„ÆÂ20Ê •ÕÂÆ0×W×40Ê 20 Ù„ÙÕ%Í0‰ Æ(‚Ê0ʉ ·&’… ¾•ÓÕÊ%Æ%Õ×ʉ ¾0Í×%ÊÊW+0ʉ Ê%+×WÆÂÍ0ʉ ø04ÆÂÍ0ʉ 4ÕÙÙÂ×%4WÆ%Õ×Ê 2%¾0ÍÊ0Ê
¯.%) '.%'T N0R.)3x'N.0 R …f ^X cV cV cV …f ^X cV cf a[ Xx)0T',3,%vKNXN'TˆR)
AU CARNET DU «MONDE»
Naissances
à l’âge de quatre-vingt-deux ans. L’inhumation aura lieu au cimetière parisien de Bagneux, le lundi 3 juin 2013, à 16 heures. Réunion à l’entrée principale. John Christopher et Michael Barry, ses fils,
survenu le 14 mai 2013, à Princeton, Etats-Unis, dans sa quatre-vingt-seizième année. Cet avis tient lieu de faire-part.
le 9 mai 2013, à Clermont-Ferrand, au foyer de leurs enfants, Marie TASSART et Melaine GUILLOU. 2, rue Rochevert, La Coussedière, 63530 Volvic. Aude CARASCO, Philippe PEREZ et Hugo, leur fils, ont le grand bonheur d’annoncer la naissance de
Ulysse, le 25 mai 2013, à Paris. Narjes et Guilhem ARMANET sont heureux et font part de la naissance de
Zacharie, le 26 mai 2013, à Paris.
[email protected]
Noces de diamant Eliane et Roger PIESSE, sont heureux de faire part de leurs noces de diamant, qui seront célébrées en toute intimité le 18 juillet 2013 et vous associent à leur joie.
Départ à la retraite Après onze années de journalisme et trente ans de communication d’entreprise,
Patrick va continuer à délivrer ses conseils à ceux qui connaissent son expérience et son talent. On espère faire partie de ceux-là. Et on voulait juste lui dire merci. Jacques, Aissata, Charlotte Et toute l’équipe de CAPA entreprises.
5, rue du Pont de Lodi, 75006 Paris. Paris. Besançon. Pierre Brochet, son époux, Karine Brochet, Mala et Manoah, sa fille, ses petits-enfants, Chris Kenna, le père de ses petits-enfants, Régine Mathey, sa belle-mère, François-Noël et Nicole Mathey, Elisabeth Mathey, Ranjit et Claire Dharmarajan, son frère et ses sœurs et leurs enfants, Roger et Marie-Aline Brochet, Hélène Brochet, Benoit et Catherine Schlemmer, Isabelle Brochet, ses beaux-frères et belles-sœurs et leurs enfants, Ouassila Bennour, son amie, son aide, son roc et sa confiance pendant ces deux dernières années, ont la tristesse de faire part du décès de
Marie-Odile BROCHET, survenu le 26 mai 2013, à Paris, dans sa soixante-treizième année. La cérémonie religieuse aura lieu le lundi 3 juin, à 15 h 30, en l’église SaintJacques-du-Haut-Pas, Paris 5e. 71, rue de Montreuil, 75011 Paris. Claire, sa femme, Marie, Nuria et Martin, ses enfants, Toute sa famille Et ses amis proches, font part de la mort de
Guy CARCASSONNE. Les obsèques auront lieu lundi 3 juin 2013, à 12 heures, au cimetière de Montmartre, 20, avenue Rachel, Paris 18e. Cet avis tient lieu de faire-part.
Le docteur Max Elkabbach, son père et son épouse, Frédérique, Julia Salfati et Laure-Anne Elkabbach, ses soeurs,
Guy CARCASSONNE,
professeur de l’université de Paris-Ouest Nanterre la Défense, membre du conseil d’administration de l’AFDC.
Anniversaires de décès 1er juin 2006 - 1er juin 2013.
Suzanne LANOT. « A quoi bon compter le temps : c’est comme au premier jour, et c’est l’éternité. »
Et ses nombreux amis, ont la grande tristesse de annoncer le décès de
Frédéric ELKABBACH.
ont appris avec une profonde tristesse le décès brutal de leur collègue et ami,
Simonne LEGRAND,
Tu nous manques tellement, ton sourire, ta disponibilité, ta générosité, TOI enfin. Jean, Emmanuelle, Ambre, Michel.
Cet avis tient lieu de faire-part.
Ils partagent la peine de ses enfants et de son épouse et les assurent de toute leur affection.
Villebois. Montagnal. Huguette Verdiel, née Damier, son épouse, Ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants, Parents et alliés,
Ils conservent précieusement le souvenir des moment privilégiés partagés avec Guy : son intelligence lumineuse et son humanisme, son sens de l’amitié et son humour nous manquent déjà. (Le Monde du 29 mai.)
ont la douleur de faire part du décès de
M. Jacques VERDIEL,
Cécile Burnier, son épouse, Eve Burnier, sa fille, Aristide Ambert, son beau-fils, Christine Burnier, sa sœur, Wao-le-laid et ses amis,
proviseur honoraire, ancien secrétaire général du Centre culturel de Carthage, commandeur dans l’ordre des Palmes académiques, survenu dans sa quatre-vingt-unième année. Les funérailles auront lieu en l’église de Villebois, le mardi 4 juin 2013, à 16 heures.
ont le chagrin de faire part de la mort de
Michel-Antoine BURNIER,
écrivain, journaliste, ancien rédacteur en chef de l’Événement d’Emmanuel d’Astier, cofondateur d’Actuel,
Le défunt repose au centre funéraire Bouvel (tél. : 04 74 22 01 02) 17, avenue de l’Egalité, à Bourg-en-Bresse. Condoléances sur registre.
survenue à Paris, le 27 mai 2013, à l’âge de soixante et onze ans.
3, cour des Roses, Rue des 2 Fontaines, Bouis, 01150 Villebois.
Ses obsèques civiles auront lieu le mardi 4 juin, à 10 heures, au funérarium de Ménilmontant, 7-11, boulevard de Ménilmontant, Paris 11e.
Christian Forestier, le recteur, administrateur général du Cnam, Jean-Claude Bouly, directeur de l’École management et société du Cnam, Alain Béchade, directeur du département Villes, échanges, territoires du Cnam, Brice Duthion, responsable de l’équipe pédagogique échanges du Cnam
L’inhumation aura lieu dans le caveau de famille, le mercredi 5 juin, à 14 heures, au cimetière de Saint-Julien-en-Genevois (Haute-Savoie). Cet avis tient lieu de faire-part.
[email protected] M Ariane Raoul-Duval Pike, M. et Mme Christian Raoul-Duval, M. et Mme Pierre Raoul-Duval, ses enfants, me
Ainsi que l’ensemble des personnels enseignants et administratifs de l’École management et société du Conservatoire national des arts et métiers (Cnam), tant à Paris que dans son réseau,
Camille Raoul-Duval, Marc et Marie Vaslin, Jean et Anne Raoul-Duval, Emmanuelle Raoul-Duval, François Raoul-Duval, Alice Raoul-Duval, ses petits-enfants,
ont la profonde tristesse d’annoncer le décès, le 25 mai 2013, dans sa soixante-quatrième année, de
Jeanne et Gabriel Vaslin, ses arrière-petits-enfants,
Souvenir M. Pierre Bergé, Les membres du conseil d’administration, L’ensemble du personnel de la
‚n b\ kY kY kY ‚n b\ kY kn h_ 4WÍ×0Æ1ÙÓÂSø%4%Æ0….Í
Hors-série
Fondation Pierre Bergé Yves Saint Laurent, rappellent que
Yves SAINT LAURENT disparaissait il y a cinq ans, le 1er juin 2008. Une plaque commémorative sera apposée sur la façade du 55, rue de Babylone, à Paris 7e, où il vécut de 1970 à sa mort.
Hors-série
Avis de messe Une messe à la mémoire de
Mme de SAINT-ANDRé, née Odette FOUCHER, croix de guerre 1939-1945,
décédée le dimanche 28 avril 2013, sera célébrée le jeudi 6 juin, à 18 heures, en l’église Saint-Pierredu-Gros-Caillou, 92, rue Saint-Dominique à Paris 7e.
Conférence La 19 conférence annuelle de l’Association des acheteurs des collectivités territoriales (AACT) aura lieu le vendredi 14 juin 2013, au centre FIAP Jean Monnet, Parix 14e. « L’acte d’achat efficient, certifié et durable ». Inscription sur : http://www.aact.asso.fr e
Hors-série
Et aussi : Français - Géographie Philosophie - Sciences Éco. Sciences et vie de la Terre
Collections -------------------------------------------------------
Communications diverses ISF : Déduisez 75 % du montant de votre don à La fondation du patrimoine juif de France. Pour participer à la construction du Centre européen du judaïsme. (Paris 17e). Tél. : 01 49 70 88 02.
[email protected] Sous l’égide de la Fondation du judaïsme français.
Jean-Claude ZIV,
professeur du Cnam, titulaire de la Chaire de logistique, transport et tourisme, ingénieur de l’École centrale de Paris (1973), PhD de Cornell University (1976), docteur de l’Institut d’urbanisme de Paris XII Créteil (1978).
Mme Luis Ansa, sa sœur, ont l’immense douleur de faire part du rappel à dieu de
Mme Jean-Charles DEVIN, née Josette BORT, Medal of Freedom,
le 29 mai 2013, à Paris.
Une cérémonie aura lieu le samedi 1er juin, à 10 heures, au Pôle funéraire, 1483, chemin du Lavarin, à Avignon (Vaucluse).
La cérémonie religieuse sera célébrée le jeudi 6 juin, à 10 h 30, en l’église SaintGermain-des-Prés, Paris 6e.
Tous ceux qui veulent témoigner leur attachement à Jean-Claude, collègue toujours tourné vers l’avenir, homme lumineux et généreux seront les bienvenus.
L’inhumation aura lieu dans l’intimité familiale, à Vence (Alpes-Maritimes). Cet avis tient lieu de faire-part.
SOS AMITIE qui est à l’écoute 24 heures sur 24 de toute personne en situation de solitude, d’angoisse et de mal-être recherche
Dès jeudi 30 mai, le volume no 10
PLANS DE MÉTRO ET RÉSEAUX NEURONAUX ---------------------------
DES ÉCOUTANT(E)S BÉNÉVOLES pour ses sept lieux d’écoute à Paris et en Ile-de-France. Disponibilité souhaitée de quelques heures par semaine, le jour, le soir, la nuit ou le week-end. Formation assurée. Écrire à SOS Amitié Idf 7, rue Heyrault, 92100 Boulogne. Email :
[email protected]
Dès jeudi 23 mai,
-0 )WÍ×0Æ
•ÕÂÍ ÆÕÂÆ0 %×.ÕÍÙWÆ%Õ× T
K En kiosque
20 mars 1928 - 31 mai 2012.
Les obsèques auront lieu dans la plus stricte intimité.
Guy CARCASSONNE.
.××Õ×40” ¾ÕÊ „¾„×0Ù0×ÆÊ 4ÂøÆÂÍ0øÊ
en vente actuellement
Toute sa famille
Les membres de CABAROC (association des anciens membres des cabinets ministériels de Michel Rocard)
Naomi BARRY, journaliste,
Mme Hélène Weber, sa mère,
ont la tristesse de faire part du décès de
ont la tristesse de faire part du décès de
Maryvonne et Guy TASSART, Soazig et Denis GUILLOU, ont la grande joie d’annoncer la naissance de leur petite-fille
Evaëlle,
Le président, Le conseil d’administration Et les membres de l’Association française de droit constitutionnel,
le volume no 17 ESPACE de la Lune à Mars Préface de Jean-François Augereau
Nos services -------------------------------------------------------------Lecteurs
ã/.0)O(O02)
K Abonnements
¨U+2O))yRU)
K Boutique du Monde
)055&2OZy(O02) WO$U+)U)
K Le Carnet du Monde
Tél. : 32-89 (0,34 � TTC/min) www.lemonde.fr/abojournal
80, boulevard Auguste-Blanqui, 75013 Paris M° Glacière ou Corvisart Tél. : 01-57-28-29-85 www.lemonde.fr/boutique Tél. : 01-57-28-28-28
ŒWÍ%. T cT ! ŒŒ)
•Í%• “ øW ø%+×0
Professionnels
K Service des ventes Tél. : 0-805-05-01-47
décryptages
0123
Samedi 1er juin 2013
17
Faire entrer Pierre Brossolette au Panthéon, A deux grands hommes, un affront à la mémoire de Jean Moulin la patrie reconnaissante Pour réconcilier deux figures de la Résistance
F
Pierre Péan Journaliste
rançois Hollande est sous pression pour accepter la panthéonisation de Pierre Brossolette (1903-1944),ce héros de la Résistance qui s’est tué en se jetant par la fenêtre pour ne pas parler à la Gestapo.Un comité de soutien, présidé par l’historienne Mona Ozouf, est apparemment convaincant. S’il en acceptait les arguments, le président de la République infligerait un nouvel affront à Jean Moulin (1899-1943), qui, à la fin de sa vie, a subi les assauts d’un Brossolette désobéissant au général de Gaulle. Il nierait son rôle déterminant dans la victoire de ce dernier contre le général Giraud (1879-1949), alors soutenu par Roosevelt et Churchill. Les deux cercueils au Panthéon rendraient illisible l’histoire de cette dramatique période. Pour installer celui de Brossolette, il faudrait d’abord retirer celui de Moulin, en considérant a posteriori que « Max » n’aurait pas dû imposer l’unification de la Résistance intérieure sous sa houlette contre tous ceux qui la contestaient. La haine entre les deux hommes était si forte de leur vivant qu’il serait indécent de leur imposerune cohabitationpost mortem.Faire entrer Brossolette au Panthéon, ce serait donner raison à tous ceux qui, depuis février 1943, n’ont pas accepté la nomination de Jean Moulin comme le seul représentant du général de Gaulle en France occupée. Et n’ont cessé de le salir, en le traitant notamment d’agent soviétique. Engagé dans les Forces françaises libres fin 1941, le brillant intellectuel qu’est Brossolette devient, lui, un militant socialiste, puis un gaulliste inconditionnel, et a tôt fait de s’imposer comme une personnalité marquante de la France libre. Il se lie d’amitié avec le toutpuissant colonel Passy (1911-1998), le patron du BCRA (services secrets). Intransigeant et cassant, il n’hésite pas à bousculer le général de Gaulle sur sa façonde traiter les problèmes et les hommes. S’il accepte au début le statut de « Rex »-Moulin, tout en le critiquant, à l’automne 1942, il intrigue pour devenir le pendant de Jean Moulin pour la zone nord, soit le « délégué spécial en zone occupée». Passy réussit à faire accepter le projet au général de Gaulle dans le cadre de la mission « Brumaire » (unifier les mouvements de résistance de la zone occupée). Au lieu d’attendre l’arrivée de Moulin et du général Delestraint (1879-1945), le patron de l’Armée secrète, concernés par la mission « Brumaire », Brossolette quitte précipitamment Londres. « Il est (…) permis de penser que la perspective d’avoir les mains libres en l’absence de Jean Moulin n’a pas été étrangère à cette rapidité », écrit l’historien Henri Noguères. L’arrivée de Moulin à Londres anéantit les espoirs de Brossolette. Il reçoit d’abord la croix de la Libération des mains du général de Gaulle. Lequel signe, le 21 février, de nouvelles instructions qui contredisent de facto la mission « Brumaire ». Celles-ci créent le Conseil de la Résistance (CR) et font de Moulin le seul représentant du Général pour l’ensemble du territoire. Moins d’un mois après la rencontre d’Anfa (Casablanca, Maroc), en janvier 1943, entre de Gaulle et Giraud, sous le patronage de Roosevelt, le général s’est
Sommet par Serguei
laissé convaincre par Moulin à propos de l’intégration des anciens partis dans un organisme qui le reconnaît pour chef. Ce qui constitue un atout déterminantdans le combat qu’il mène contre Giraud et Roosevelt. Contrairement à Giraud, il pourra alors se présenter au nom de la France, et non pas seulement au nom des mouvements de résistance, dont l’importance est difficilement mesurable pour les Alliés. Le CR va ainsi devenir « la pierre angulaire de l’entreprise gaulliste de conquête de la légitimité démocratique ». Moulin a gagné contre Passy, Brossolette et tous ceux, nombreux,qui se battaientcontre le retour des anciens partis. C’est qu’il a tout simplement offert au général de Gaulle les moyens de prendre le pouvoir. Ces nouvelles instructions ne règlent pas pour autant tous les problèmes sur le terrain. Avec une extraordinaire fébrilité, les deux patrons du BCRA semblent vouloir casser ce que Moulin a proposé et que de Gaulle a entériné dans ses instructions du 21 février. Les adversaires, ou les ennemis, se rencontrent le 1er avril, au bois de Boulogne, puis le 2, dans un appartement de l’avenue des Ternes, à Paris. Leur altercation, en présence de témoins, dont Passy, vont être d’une violence inouïe. Lors de la seconde rencontre, Moulin
Eric Roussel Journaliste, écrivain
A
La haine entre les deux hommes était si forte de leur vivant qu’il serait indécent de leur imposer une cohabitation post mortem se met à hurler : « Je vois clair dans votre jeu ! Vous n’avez jamais cessé de me contrer. Vous avez essayé d’empêcher le général de Gaulle de me confier la représentation en zone nord, car vous la vouliez pour vousmême. C’est vous, et non moi, l’ambitieux ! Mais j’ai triomphé, car je reviens de Londres, où j’ai été secrètement nommé membre du Comité national. » Passy essaie en vain d’intervenir pour calmer la discussion, car des Allemands habitent l’immeuble. Au moment où Moulin ne se maîtrise plus, il se retourne, baisse son pantalon et exhibe son cul à Brossolette en s’écriant : « Voilà comment je vous considère ! » Rentrés à Londres, Passy et Brossolette continuent leur travail de sape. L’ancien résistant Claude Bouchinet-Serreules (1912-2000) écrit dans son journal, à la date du 19 avril 1943 : « A l’entendre, Moulin ne vaut pas un clou. C’est un homme de la zone non occupée (aux yeux de Brossolette, c’est tout dire…) qui pendant un an a manœuvré, plus ou moins bien, avec les mouvements de la ZNO, et puis c’est tout. » Moulin a donc contre lui le BCRA et les principaux chefs qui contrôlent la Résistance intérieure. Six semaines avant son arrestation à Caluire, Moulin décide de se confier au général de Gaulle, car il se sent traqué. Sans attendre la première réunion du CR, et au risque de mettre en difficulté Moulin, Londres diffuse l’information sur l’existence de ce conseil. Le 27 mai 1943 se tient, rue du Four, la première réunion du Conseil national de la Résistance. Moins d’un moisplus tard, Moulin est trahi à Caluire.Quant à Brossolette, il fait tout pour prendre la succession de Moulin et détruire son œuvre. Son étoile pâlit. Mi-novembre, il est rappelé à Londres et arrêté par la Gestapo. Pour ne pas parler, il saute par la fenêtre. p
¶
Pierre Péan
est l’auteur de « Vies et morts de Jean Moulin », réédition Pluriel, 800 p., 12 ¤
u lendemain de la Libération, Pierre Brossolette (1903-1944) était sans doute l’un des grands résistants les plus connus des Français. Léon Blum se montrait fier de ce combattant de l’armée des ombres qu’il avait choisi pour tenir la rubrique de politique étrangère du Populaire. Avec Gabriel Péri (1902-1941) et Honoré d’Estienne d’Orves (1901-1941), Brossolette faisait partied’unesortedetrinitélaïquesymbolisant la lutte contre l’occupant nazi. En se jetant, le 22 mars 1944, par la fenêtre du siège de la Gestapo, avenue Foch, où il avait été torturé, il était entré dans l’étroite cohortedeceuxquiavaientacceptélesacrificesuprêmeplutôtquedes’exposeraurisque de parler sous l’effet de la souffrance. Le transfert au Panthéon des cendres de Jean Moulin (1899-1943) en 1964 modifia fatalement cette place de Brossolette dans la mémoire nationale. En décidant de célébrer le souvenir de « Rex », le général de Gaulle entendait marquer combien avait étéàsesyeuxcapitalsonrôledansl’unification de la Résistance au printemps 1943. Depuis lors, Moulin est l’objet de constantes célébrations, amplement justifiées. Dans le même temps, l’histoire des années noires a beaucoup progressé. Après les versions légendaires répandues dans l’immédiataprès-guerre,latracedeBrossolettes’estun peuestompéeet le sens deson action s’est trouvé altéré. Récemment,despersonnalitésdedivers horizons se sont émues de cette situation. Sous la présidence de l’historienne Mona Ozouf,elles sesontregroupéesauseind’un comitéquisoutientletransfertdescendres de Pierre Brossolette au Panthéon. L’un des esprits les plus brillants de sa génération, normalien, agrégé d’histoire, Brossolette, issu d’une lignée républicaine, n’a jamais hésité à risquer sa réputation, sa carrière et, pour finir, sa vie, afin de faire triompher ses idéaux. Socialiste, européen avant la lettre, partisan déterminé de la réconciliation avec l’Allemagne, conscient très tôt de l’imposture stalinienne, il compritquelamontéeenpuissanced’AdolfHitler changeait la situation. Après s’être conduit vaillamment pendant la bataille de France, il fut de ce petit nombre qui, avant la fin de l’année 1940, se décida à rejoindre la Résistance. Membre du réseau du Musée de l’homme, il devait par la suite prendre une part déterminante à la formation de Libération nord, de l’Organisation civile et militaire, de la confrérie NotreDame,dontil devintchefde lasection presse et propagande sous le nom de « Pedro». Rejoint par sa famille, il rallie en 1942 la France libre, plus spécifiquement le BCRA (services spéciaux), au sein duquel son intelligence le désigne pour des missions très délicates. La plus célèbre de ses missions est celle qu’il entreprit, au début du printemps 1943, sous le nom de code de « Brumaire » avec le colonel Passy (1911-1998), dissimulé sous le pseudonyme d’«Arquebuse», et qui les conduisit à unifier l’ensemble des mouvements de résistance de la zone occupée. « Ce qu’ils réalisent en six semaines est à peine croyable, souligne Jean-Louis Crémieux-Brilhac, le grand historien de la France libre. Courant de rendez-vous en réunions, (…) ils font de Paris occupé la capitale de la Résistance. (…) Jamais sans doute, dans l’histoire de la guerre clandestine, esprits aussi clairs n’auront été aussi efficacement jumelés.» Brossolettesera amenéà se heurter, parfois durement, à Moulin. Venus tous deux du milieu républicain, également résolus à poursuivrele combat contre l’envahisseur, les deux hommes n’avaient pas des vues complètement identiques quant à la conduite des opérations de résistance et au régime politique futur de la France. Partisan du retour à l’ancien système des partis de la IIIe République, Moulin se montraitobstinémentrésoluà fondrependant la guerre tous les mouvements sous l’égide de la France libre. Hostile à des formations partisanes, qu’il jugeait sévère-
ment en raison de leur rôle avant 1940, Brossolette, lui, souhaitait un renouveau politique réunissant toutes les familles de pensée sous l’égide du général de Gaulle. Il se montrait aussi convaincu de la nécessité d’adapter les instructions venues de Londres en fonction de sa connaissance du terrainet del’étatd’espritdeschefsdemouvement avec lesquels il avait tissé des liens. De ce fait, de sérieux incidents survinrent entre ces deux grands hommes, mais un examen objectif laisse aujourd’hui apparaître que, si mécontent qu’il ait pu être de voir surgir une contestation, Moulin, en reprenant implicitement au début d’avril certaines idées de Brossolette, comprit qu’elles étaient de nature à faciliter en définitive la constitution du Conseil national de la résistance (CNR). Aujourd’hui, soixante-dix ans après la constitution du CNR, opposer Moulin à Brossolette n’a pas de sens, et il va de soi qu’un éventuel transfert des cendres de ce dernier au Panthéon n’enlèverait rien à la gloire de « Rex ». Interrogé en mai 1969, durantsonséjourenIrlande,parl’ambassadeur de France Emmanuel d’Harcourt (1914-1985), le général de Gaulle caractérisa ainsi les deux grandes figures de la France combattante:«SiJeanMoulinaétél’organisateur de la Résistance, Pierre Brossolette a été le philosophe du gaullisme. » Compte tenu de la considération toute particulière que le Général portait aux intellectuels, la remarque relative à Brossolette apparaît loin d’être dépréciative. De Gaulle, qui aimait les grands caractères, ne gardait apparemment pas rigueur à
Brossolette n’a jamais hésité à risquer sa réputation, sa carrière et, pour finir, sa vie, afin de faire triompher ses idéaux Brossolette de lui avoir envoyé, en novembre1942, une lettre regrettant son manque de souplesse vis-à-vis des hommes. Il n’oubliait pas non plus les accents avec lesquels « Brumaire» avait célébré le 18 juin 1943,à l’Albert Hallde Londres,les mortsde la Francecombattante.« Colonels de 30 ans, capitainesde20ans,hérosde18ans,laFrance combattante n’a été qu’un long dialogue de la jeunesse et de la vie ; les rides qui fanaientle visagedela Patrie,lesmorts dela France combattante les ont effacées; les larmes d’impuissance qu’elle versait, ils les ont essuyées ; les fautes dont le poids la courbait, ils les ont rachetées. » Amoinsd’avoirdel’histoireuneconceptiontrèsétroitemettanten lumièrece quia pusépareret non ce qui unissaiten profondeur, on voit mal ce qui interdirait à Pierre Brossolette de prendre rang parmi les grands hommes auxquels la France, par la consécration du Panthéon, entend manifester sa reconnaissance. Certes, dans le combat, il a pu entrer en conflit avec certains de ses camarades, mais telle est la loi de l’action. Sans doute nesedistinguait-ilpasparuncaractèrefacile : il aimait les humbles, savait se faire aimer d’eux et détestait les « importants» pleins de suffisance et de certitudes. Sur ce plan, était-il très différent de Charles de Gaulleet mêmede JeanMoulinquisut toujours marquer son autorité? Il y a place au Panthéon pour cet esprit exigeantetlucidedontlaviehéroïquen’accusa aucune faiblesse. p
¶
Éric Roussel est l’auteur de « Pierre Brossolette », (Fayard/Perrin, 2011). Il est membre du Comité pour le transfert des cendres de Pierre Brossolette au Panthéon
f Sur Lemonde.fr
« Le tabagisme, une fatalité française ? », Agnès Buzyn, présidente de l’Institut national du cancer (INCa)
18
0123
analyses
Samedi 1er juin 2013
A Palerme, le procès de l’Etat italien ANALYSE par Philippe Ridet Correspondant à Rome
L
es personnages: un ancien ministre, Nicola Mancino, des caïds mafieux comme Toto Riina, un ancien sénateurprochede SilvioBerlusconi,Marcello Dell’Utri, des responsables de l’unité d’élite des carabiniers. En tout, dix personnes poursuivies pour la plupart pour « violences ou menaces à un organe politique de l’Etat ». Le décor : la cour d’assises de Palerme, en Sicile, la terre d’élection de l’organisation criminelle Cosa Nostra. En arrière-plan : des assassinats et des attentats à la bombe, des morts et des blessés de 1992 à 1994. Depuis lundi 27 mai, l’Italie a rendez-vous avec son passé. Un passé difficile à reconstruire comme à affronter. Il s’efface. Certains ont perdu la mémoire, ne veulent pas se souvenir. D’autres inventent, brouillent les pistes pour protéger des supérieurs, des complices, des mandataires encoredansl’ombre. La premièreaudience, lundi, a été immédiatement ajournée au vendredi 31 mai afin d’accorder plus de temps pour les requêtes de constitution des parties civiles. Après avoir maintenu avec succès la mémoire vivante des victimes de ces tueries,érigées au
rang de héros de la nation, l’Italie veut essayer de répondre à la question « Pourquoi ? ». L’enjeu: l’élucidation des liens présumés entre des représentants de l’Etat et des dirigeants mafieux au début des années 1990, au moment d’une vague d’attentats culminant en avril et juillet1992 avec les meurtres des juges Giovanni Falcone et Paolo Borsellino. Aujourd’hui, des écoles et des rues portent leurs noms. On glorifie leur action et leur courage à chaque anniversaire de leur mort. Mais on s’interroge encore sur les raisons qui ont poussé des mafieux à poser des tonnes d’explosifs sur leur passage. De cette période, il reste un mot : la trattativa, soit « la négociation ». Son scénario, écrit encoreau conditionnel,est pleinde zonesd’ombre sur les rôles supposés des « négociateurs». Ce procès est là pour les éclairer. Il n’est pas sûr qu’il y parvienne. Pour l’accusation, la vague de violence de ces années-là aurait été planifiée par les capi(« chefs ») de Cosa Nostra, Toto Riina et Bernardo Provenzano, pour faire pression sur l’Etat italien afin de l’obliger à alléger le régime carcéral du« 41 bis » – le plusdur –,auquel étaientsoumis plusieurs centaines de mafieux. Pour faire connaître leurs « revendications », les caïds seraient passés par le biais de Vito Ciancimino, ancienmairede Palermeet« représentantpolitique » des clans et de leurs intérêts. C’est aux confessions et aux documents fournis par son fils, Massimo, qui comparaît pour « complicité
externe en association mafieuse», que l’on doit nombre d’informations sur cette période. Le député européen de la Démocratie chrétienne, Salvo Lima, sera la première victime de cette « négociation». Suivront, entre autres, les assassinatsde Falcone et de Borsellino,puis l’attentat à la bombe contre la Galerie des Offices de Florence en 1993. Cette macabre série s’interrompt sans explication en 1994, lorsqu’un engin, qui n’explose pas, est découvert à proximité du stade olympique de Rome, un jour de match. Peu après, 400 mafieux emprisonnés verront leur régime carcéral allégé…
Les clans et le Cavaliere Alors que la première République s’écroule sous les coups des juges de l’opération « Mains propres», Silvio Berlusconi s’apprête à prendre le pouvoir pour la première fois à la tête du parti Forza Italia, dont Marcello Dell’Utri, déjà condamné à sept ans de prison par la cour d’appel pour « concours externe en association mafieuse», fut le cofondateur. Les enquêteurs soupçonnent les clans d’avoir favorisé l’élection du Cavaliere, réputé mieux disposé à leur égard. L’Etata-t-il entenduces messages? A-t-ilcherché à y répondre ? Oui, soutient l’acte d’accusation, selon lequel des représentants des institutions « ont entravé l’activité régulière des différents corps de la police et du gouvernement de la République ». Antonio Subranni, Mario Mori, Giuseppe De Donno sont poursuivis à ce titre.
Autre soupçon que ce procès hors norme devra lever ou confirmer: des policiers du groupe des opérations d’élite et leurs responsables n’auraient pas fait preuve de beaucoup de zèle pour arrêter Riina, dit « La Bête», et Provenzano, dit « Le Comptable », respectivement en 1993 et 2006. En échange de quoi ? « J’ai combattu la Mafia, je ne peux pas être jugé aux côtés de boss mafieux», s’est insurgé le ministre de l’intérieur de l’époque, Nicola Mancino, poursuivi pour « faux témoignage». Cent soixante-seize témoins devraient défiler à la barre. Numéro63 de cette liste, le président de la République, Giorgio Napolitano. Il sera prié de s’expliquer sur les propos de son ancien conseiller juridique, mort depuis, qui, dans une lettre, évoquait « les accords indicibles »en cours danscesannées-là.Unancienprésident de la République, Carlo Azeglio Ciampi, ainsi que l’ex-procureur anti-Mafia, aujourd’hui président du Sénat, Pietro Grasso, seront également cités à comparaître. Il ne manque qu’un homme à Palerme : Bernardo Provenzano. L’ancien capo dei capi (« chef des chefs »), emprisonné pour d’autres crimes dans une prison de haute sécurité à Parme, fait l’objet d’un procès parallèle en raison de sa très mauvaise santé. Il sait tout, probablement. Atteint de la maladie d’Alzheimer, il perd la mémoire, gardien hagard et sûr des secrets de l’Italie. p
L’ENJEU : ÉLUCIDER LES LIENS PRÉSUMÉS ENTRE DES REPRÉSENTANTS DE L’ETAT ET DES MAFIEUX AU DÉBUT DES ANNÉES 1990
[email protected]
POLITIQUE | CHRONIQUE ABONNEMENTS
p a r Fr a nço i s e Fr es so z
La haine de Bruxelles
S
3 MOIS
OFFRE DÉCOUVERTE
ABONNEZ-VOUS EAU NOUV EPRISE R T N E ÉCO& les jours tous
F O R M U L E
I N T É G R A L E
Le quotidien chaque jour + tous les suppléments + M le magazine du Monde + l’accès à l’édition digitale réservée aux abonnés du Monde.fr 7 jours/7
69
€
ME,5N0T€* E L U E S eu de 162 au li
BULLETIN D’ABONNEMENT
OUI
je m’abonne à la Formule Intégrale du Monde pendant 3 mois pour 69 € au lieu de 162,50 €* soit 50% DE RÉDUCTION sur le prix kiosque
Je règle par : Chèque bancaire à l’ordre de la Société éditrice du Monde Carte bancaire : Carte Bleue Visa Mastercard N° : Expire fin :
Date et signature obligatoires
Notez les 3 derniers chiffres figurant au verso de votre carte :
132EMQADCV
Nom : Prénom : Adresse : Code postal : Localité : @
J’accepte de recevoir des offres du Monde ou de ses partenaires
OUI OUI
NON NON
Tél. :
Interphone : oui non Boîte aux lettres : Nominative Collective
La gauche et la droite françaises ne communient jamais mieux que dans la détestation de l’Europe bruxelloise Le pacte budgétaire européen, négocié sous Nicolas Sarkozy et voté sous François Hollande, est en train de se déployer en majesté. Il ne recèle pas d’abandon de souveraineté, contrairement à ce qu’ils font croire, mais une délégation de cette souveraineté pour plus de convergence. C’est une décision très politique, et non une revanche de technocrates. Que cela reste si dur à expliquer est un signe de la crise démocratique; on ne mène pas des réformes aussi fondamentales que celles qui sont entreprises aujourd’hui en biaisant à ce point avec la réalité. p
[email protected]
E-mail :
IMPORTANT : VOTRE JOU RNAL LIVRÉ CH EZ VOUS PAR PORTEU R** Maison individuelle Immeuble Digicode N°
dans leur moindre détail : augmenter l’âge légal de la retraite, ne pas toucher aux cotisations sociales patronales, supprimer les tarifs réglementés du gaz et de l’électricité, etc. Non mais, pour qui se prend-elle, la Commission européenne? C’est comme si tout un pan de la souveraineté s’était détaché. Inacceptable! Et tous de protester unanimement derrière François Hollande, pour qui « la Commission n’a pas à dicter ce que nous devons faire ». Et pourtant, ils savent bien que l’histoire qu’ils racontent aux Français est fausse, que ce que fait la Commission, c’est eux qui l’ont voté, à quelques exceptions près, pour sauver l’Europe et l’euro lorsque la crise des dettes souveraines menaçait de tout emporter.
Dépôt chez le gardien/accueil Bât. N°
Escalier N° Dépôt spécifique le week-end
SOCIÉTÉ ÉDITRICE DU MONDE SA - 80, BOULEVARD AUGUSTE-BLANQUI - 75013 PARIS - 433 891 850 RCS Paris - Capital de 94 610 348,70€. Offre réservée aux nouveaux abonnés et valable en France métropolitaine jusqu’au 31/12/2013. En application des articles 38, 39 et 40 de la loi Informatique et Libertés du 6 janvier 1978, vous disposez d’un droit d’accès, de rectification et de radiation des informations vous concernant en vous adressant à notre siège. Par notre intermédiaire, ces données pourraient êtres communiquées à des tiers, sauf si vous cochez la case ci-contre.
0123 ACCÉDEZ À L’INTÉGRALITÉ DES « UNES » DU MONDE ET RECEVEZ LA « UNE » DE VOTRE CHOIX, ENCADRÉE
BOUTIQUE EN LIGNE Encyclopédi
Universaelis
www.lemonde.
fr
65 e Année
- N˚19904 - 1,30 ¤ France métropolitaine
L’investiture de Barack
Nouvelle édition Tome 2-Histoire
---
Jeudi 22 janvier
Uniquement
2009
Fondateur
Premières mesures
Le nouveau président
américain a demandé
la suspension
: Hubert Beuve-Méry
En plus du «
en France
- Directeur
Monde »
métropolitaine
: Eric Fottorino
Obama
des audiences
à Guantanamo
Barack et Michelle Obama, à pied sur Pennsylvania WASHINGTON Avenue, mardi 20 janvier, CORRESPONDANTE se dirigent montré. Une vers la Maison evant la foule nouvelle génération Blanche. DOUG tallée à la tête s’est insqui ait jamais la plus considérable MILLS/POOL/REUTERS a Les carnets transformationde l’Amérique. Une ère d’une chanteuse. national de été réunie sur le Mall de Angélique a Washington, Des rives du commencé. Kidjo, née au Obama a prononcé, a Le grand Barack lantique, Pacifique à jour. Les cérémonies celles de l’At- aux Etats-Unis pendant Bénin, a chanté discours d’investituremardi 20 janvier, toute l’Amérique la liesse ; les la campagne un sur le ; ambitions s’est arrêtée de Barack Obama en 2008, a Feuille force d’invoquer presque modeste. moment qu’elle de route. « pendant et de nouveau la première décision d’un rassembleur ; n’est A vivre : était en train Abraham La grandeur Martin Luther l’accession de la nouvelle jamais un administration: de du 18 les festivités de l’investiture, Lincoln, au poste au dant en chef Avec espoir et dû. Elle doit se mériter. avait lui même King ou John Kennedy, pendant cent la suspension des armées, de comman- raconte 20 janvier. Pour Le Monde, (…) vertu, il placé la barre vingt responsable : les cérémonies, elle de plus les courants bravons une fois discours ne très haut. Le l’arme nucléaire, d’un de Guantanamo. jours des audiences passera probablement jeune sénateur de – elle a croisé l’actrice les rencontres glacials et endurons cain-américain Pages 6-7 les tempêtes à postérité, mais afri- le chanteur page 2 et l’éditorial Lauren de 47 ans. venir. » Traduction il fera date pour pas à la Harry Belafonte… Bacall, du discours ce qu’il a inaugural du e intégrale miste Alan Greenspan. Lire la suite et l’écono- a It’s the economy... des Etats-Unis. 44 président page 6 la Il faudra à la velle équipe taraude : qu’est-ce Une question nou- a Bourbier Page 18 beaucoup d’imagination Corine Lesnes pour sortir de que cet événement va changer pour irakien. Barack a promis de l’Afrique ? Page Obama et économiquela tourmente financière retirer toutes 3 qui secoue la de combat américaines les troupes Breakingviews planète. page 13 d’Irak d’ici à mai 2010. Trop rapide, estiment les hauts gradés de l’armée.
D
Education
L’avenir de Xavier Darcos
UK price £ 1,40
*Prix de vente en kiosque **Sous réserve de la possibilité pour nos porteurs de servir votre adresse
A compléter et à renvoyer à : Le Monde - Service Abonnements - A1100 - 62066 Arras Cedex 9
i Bruxelles n’existait pas, il faudrait l’inventer. Quel formidable exutoire aux lâchetés françaises que cette Commission européenne! En quelques heures, elle est devenue le punching-ball préféré de la gauche et de la droite françaises, qui ne communient jamais mieux que dans la détestation de l’Europe bruxelloise. Du président de la République à l’UMP, en passant par tout l’arc-en-ciel de la gauche et par la galaxie centriste, réputée europhile, ils lui sont tombés dessus comme un seul homme, sans lui arracher en retour un seul cri de révolte. Car elle est blindée, la Commission. Depuis qu’elle existe, elle a tous les vices: c’est un monstre, un aréopage de fonctionnaires surpayés et sous-imposés, une élite de « même pas élus», des autistes coupés du peuple, des libéraux à côté de la plaque, des dogmatiques qui vont droit dans le mur, des êtres cyniques et froids, une pierre à la place du cœur et les pieds complètement hors-sol. On connaît la comptine, et pourtant il faut tendre l’oreille, car un nouveau refrain vient de s’ajouter à tous les précédents; on ne reproche pas seulement à la Commission européenne d’incarner l’austérité au lieu de la relance, le chômage au lieu du plein-emploi, le malheur au lieu du bien-être. On la prie de rentrer à la niche, de remballer ses prescriptions, de ne pas dire aux élus, à la face du peuple, quelles réformes ils doivent faire et quelles autres ils doivent éviter de faire s’ils veulent arriver un jour à discipliner le budget et réduire la dette. Convenons que, pour les responsables politiques d’aujourd’hui comme d’hier, c’est une gifle. Quelle honte de se faire dicter par Bruxelles les réformes
« Mission terminée »: le ministre de ne cache pas l’éducation considérera qu’il se bientôt en disponibilité pour tâches. L’historien d’autres de l’éducation Claude Lelièvre explique
Ruines, pleurs et deuil : dans Gaza dévastée
Bonus
Les banquiers ont cédé
REPORTAGE
GAZA
Nicolas Sarkozy des dirigeants a obtenu
ENVOYÉ SPÉCIAL
D
Enquête page
19
27 000 profs partiront chaque année à la retraite, d’ici à 2012.
ans les rues de Jabaliya, françaises qu’ilsdes banques les enfants ont trouvé renoncent veau divertissement.un nouà la « part variable lectionnent de leur rémunération les éclats d’obusIls colmissiles. Ils et de ». déterrent du En contrepartie, sable des morceaux d’une les banques qui s’enflamment fibre compacte pourront immédiatement bénéficier d’une au contact de l’air et qu’ils aide difficilement tentent de l’Etat de d’éteindre avec 10,5 pieds. « C’est d’euros. Montantmilliards du phosphore. leurs dez comme ça Regarbrûle. » équivalent à Surlesmursdecetterue celle accordée fin 2008. Page cesnoirâtressont ,destra- boutique. 14 bes ont projeté visibles.Lesbom- victime, Le père de la septième âgée de 16 ans, chimique qui partout ce produit re ne décolèa pas. « Dites fabrique de incendié une petite des bien aux dirigeants Au bord de papier. « C’est nations occidentales la mièrefoisque que ces sept je voiscela après la pre- innocents sont il y a quelquesfaillite huit ans d’occupation morts trente- Qu’ici, il n’y a jamais pour rien. l’Américain semaines, s’exclame Mohammedisraélienne », roquettes. eu de tirs de Chrysler Que c’est Abed négocie l’entrée bo. Dans son costume trois Rab- nel. Que les Israéliensun acte crimidu cette figure constructeur nous en don- La parution du quartier pièces, nent la preuve, italien Fiat deuil. Six membres porte le puisqu’ils sur- de deux dans son capital, textes inédits de sa famille veillent tout depuis le ciel ont été fauchés », enrage de Roland Rehbi Hussein de 35 %. L’Italie à hauteur devant par Barthes, Heid. un magasin, une bombe mains, de cette bonne se réjouit Ils étaient il tient une Entre ses mort en 1980, le 10 janvier. enflamme feuille venus s’approvisionner papier avec pour l’économienouvelle tous les noms de le cercle de ses pendant disciples. des nationale. décrétéesles trois heures de trêve morts et des blessés, ainsi Chrysler, de par Israël pour âge, qu’il énumère que leur Le demi-frère de son côté, aura tre aux Gazaouis permetl’écrivain, à accès à une plusieurs reprises, comme qui en a autorisé technologie Le cratère de de souffler. der qu’ils sont pour se persua- la publication, plus innovante. la bombe est jours là. Des bien morts. essuie touPage 12 Le livre-enquête éclats les foudres Michel Bôle-Richard mur et le rideau ont constellé le incontournable de l’ancien Algérie 80 DA, métallique éditeur de Barthes, pour alimenter Allemagne 2,00 Lire la suite ¤, Antilles-Guyane de la sur l’avenir le débat 2,00 ¤, Autriche page
comment la rupture s’est faite entre les enseignants et Xavier Darcos. Page 10
Automobile
Fiat : objectif Chrysler
Edition
Barthes, la polémique
et Débats page 5 17
François Wahl.
de l’école.
2,00 ¤, Belgique 1,40 ¤, Cameroun Maroc 10 DH, 1 500 Norvège 25 KRN, Pays-Bas F CFA, Canada 3,95 $, Côte 2,00 ¤, Portugal d’Ivoire 1 500 F CFA, Croatie cont. 2,00 ¤, un éditeur 18,50 Kn, Danemark Réunion 2,00 ¤, Sénégal 1 derrière l’écran 500 F CFA, Slovénie 25 KRD, Espagne 2,00 ¤, Finlande 2,20 ¤, Suède > www.arteboutique.c 2,50 ¤, Gabon 28 KRS, Suisse 2,90 FS, Tunisie 1 500 F CFA, Grande-Bretagne 1,9 DT, Turquie om 1,40 £, Grèce 2,20 ¤, USA 2,20 ¤, Hongrie 3,95 $, Afrique 650 HUF, Irlande CFA autres 2,00 ¤, Italie 1 500 F CFA, 2,00 ¤, Luxembourg 1,40 ¤, Malte 2,50 ¤,
Page 20
RENDEZ-VOUS SUR www.lemonde.fr/boutique
dialogues
Samedi 1er juin 2013
Planète pour tous! Médiateur Pascal Galinier
A
u Monde vous ne vous rendez pas compte que la chaleur monte? » Pierre Oscar Lévy (Paris) a l’humour vache. Il l’assume sans complexe: « Mon courriel se veut véhément.» Nous voilà prévenus. Mais de quoi parle donc M.Lévy dans son courriel «véhément»? De l’intégration de la page Planète quotidienne dans la séquence International. « Au moment où le dérèglement climatique va devenir incontrôlable, vous supprimez la rubrique! Un peu comme si vous supprimiez la page Economie parce que nous sommes en récession…» Il ne nous a pas échappé, cher lecteur, que la décision que vous contestez – vous n’êtes pas le seul – a fait monter la chaleur du courrier ces dernières semaines… D’autant qu’au même moment la «page Economie» n’a pas été supprimée, bien au contraire – récession oblige…
Avec désormais un cahier quotidien «Eco &entreprise» et une chaîne numérique en ligne, l’information économique est devenue une thématique à part entière au sein de notre journal, au même rang que l’international, la politique, la culture… Elle a même eu droit à un «éditorial signé», de notre directrice (LeMonde du 29avril). Natalie Nougayrède y fixe la feuille de route du nouveau cahier: «Accroché au réel et tournant le dos aux clivages idéologiques du passé (…), Le Monde veut raconter et analyser toujours plus (…) les grands bouleversements géo-économiques et microéconomiques (…)» La concomitance de ces deux changements éditoriaux est manifestement un sujet de « clivage idéologique» chez nombre de nos lecteurs… « Quitte à faire disparaître certaines pages de votre journal, pourquoi les pages Eco &entreprise devraient-elles subsister?, s’interroge
Courrier Musique
Hommageà HenriDutilleux
Le compositeur Henri Dutilleux vient de mourir, à Paris, à l’âge de 97 ans. Aux hommages qui proviennent du monde entier, je voudrais ajouter ceux de ses amis de La Sage, petit village montagnard du Valais (Suisse), situé à 1 700 m d’altitude. En effet, Henri Dutilleux y séjournait presque chaque été depuis 1951 en compagnie de son épouse, la pianiste Geneviève Joy, disparue en 2009. Là-haut, dans une atmosphère propice à la création, ils retrouvaient leur grande amie Marie des Collines ainsi que de nombreux collègues musiciens et artistes. A leur arrivée, un piano à queue était mis à leur disposition dans un chalet centenaire. Nous n’oublierons jamais les nombreux concerts qu’eux-mêmes et leurs amis ont offerts dans la chapelle du village, avec modestie et générosité. Peu avant le décès de Geneviève, j’avais rencontré Henri Dutilleux pour la dernière fois à La Sage. Nous prenions tranquillement un verre dans leur chalet lorsque, une minuscule valise à la main, il s’excusa de nous quitter afin de ne pas rater l’autobus pour la plaine, en gare de Sion. Malgré son grand âge, il déclina ma proposition de l’accompagner en voiture et, à ma surprise, il déclara : « C’est plus simple pour moi de voyager seul depuis ici, puisque je continue jusqu’à Boston où m’attend mon ami Seiji Ozawa pour une première mondiale ! » Jean-Michel Quinodoz Cologny (Genève)
Politique La rengaine de Ségolène
A la lecture de l’entretien avec Ségolène Royal publié dans Le Monde du 14 mai, on a l’impression qu’elle enfonce des portes ouvertes. « Il faut réformer Bercy » : je ne sais pas mais ça fait belle lurette que cela aurait dû être entrepris… « La démocratie participative » ? Ça ne mange pas de pain de le dire et redire. Quant à la simplification nécessaire de la vie quotidienne des particuliers et des entreprises, là on n’entend pas grand-chose. Mais Roosevelt est là, alors on est sauvés! Grégoire Milopoulos, Paris
Le combat contre le chômage
Pour que François Hollande retrouve les faveurs des Français, il a une seule chose à faire : démontrer sous son quinquennat qu’il est capable par ses mesures de réduire le chômage et, dans l’intervalle, d’user de pédagogie pour les convaincre que sa méthode pour y parvenir est la bonne. Le jour où il y arrivera, les Français oublieront, voire apprécieront, sa cravate de travers et ses manches trop courtes, car le seul bon look est celui d’un président qui gagne ce combat, pas celui d’un président qui le perd tous les jours. Pierre Jamey Saint-Jean-de-Blaignac (Gironde)
L’ouverture au privé
En 2005, j’écrivais ce courrier des lecteurs publié par Le Monde et force est de constater que rien n’a changé et qu’il est toujours d’actualité. Je le réécris donc. Il est courant de reprocher aux hommes politiques anciens fonctionnaires de pouvoir réintégrer leur corps
d’origine après un échec électoral. Certains voudraient, par souci d’égalité, leur retirer ce « privilège». Mais, loin de rendre la politique difficile pour tout le monde, il faut au contraire l’ouvrir à toutes les personnes responsables, dans toutes les professions, afin d’élargir un peu la classe politique aux salariés du privé. Il faudrait pouvoir institutionnaliser un « congé politique», qui existe dans certains pays comme la Belgique, pour permettre aux salariés de mener campagne : s’ils sont élus, ils siègent, et s’ils sont battus (ou à l’issue de leur mandat), ils sont réintégrés dans leur entreprise. Il faut que ce congé soit accordé « de droit », avec une protection contre les sanctions et les licenciements similaires à celle des candidats et élus aux élections de représentants du personnel. C’est en s’ouvrant aux salariés du privé que la classe politique sera plus en phase avec la « France d’en bas », et c’est en s’impliquant que les Français retrouveront le sens de l’engagement politique. Enfin, c’est en laissant ses salariés s’impliquer en politique que l’entreprise sera mieux comprise par les politiques. Chahan Fabrice Kazandjian Saint-Maur-des-Fossés (Val-de-Marne)
Des citoyens responsables
Dans cette période très difficile pour beaucoup de Français, il est naturel qu’ils s’en prennent d’abord à leurs dirigeants, même si les uns et les autres restent tributaires du libéralisme mondialisé posé plus souvent comme une évidence ou une fatalité que comme un adversaire. En revanche, quand des membres de l’op-
Julien Dossier, de Nantes (Loire-Atlantique). La part de la finance folle dans la crise n’est-elle pas avérée? N’avons-nous pas suffisamment de preuves patentes des crises nées de l’incurie environnementale des investisseurs?» Et encore ce lecteur se veutil incitatif autant que vindicatif: « Le monde change et les attentes du public n’ont jamais été aussi fortes pour sortir du marasme de la crise. Jouez votre rôle de journal pour les élites! C’est à vous de prendre l’initiative de la pédagogie, de la promotion des individus, des entreprises qui montrent qu’un autre Monde/monde est possible (sans Monsanto, par exemple…).» Frédéric Petit (Bordeaux) est plus dubitatif: «En réinscrivant le monde (et LeMonde) dans un contexte dominé par les questions diplomatiques, politiques et économiques, vous faites un contresens historique majeur: vous traitez l’écume du jour sans voir la lame de fond.» « Une vague de fond qui partout invente de nouveaux modèles productifs et économiques qui allient la rentabilité à la restauration écologique et à la résilience sociale», ajoute Isabelle Delannoy (Paris). « Auriez-vous subi des pressions d’annonceurs ou de membres du conseil d’administration du journal vous incitant à stopper cette page sur les sujets liés à l’environnement et à l’écologie ? Je n’ose le croire… Ou pensez-vous, comme M. Sarkozy lors du Salon de l’agriculture 2010, que “l’environnement, ça commence à bien faire”? », raille Philippe Rony (Saint-Etienne). Diantre. Faut-il donc redouter, com-
position instruisent un procès en incompétence et parfois même en illégitimité à leurs successeurs, cela paraît plus osé. D’une part, le bilan de l’ancienne majorité devrait l’inciter à plus de discrétion. D’autre part, la dureté de la crise requiert de renforcer l’unité nationale plutôt que de s’abandonner aux délices de postures politiciennes qui révèlent un refus de l’alternance démocratique. Qui peut croire par exemple que des responsables politiques formés dans les mêmes écoles en sortiraient avec des compétences aussi contrastées? Mais ce débat ne doit dissimuler ni les carences de la représentation sociologique du pays au Parlement ni les risques que représente la professionnalisation du politique. Celle-ci déresponsabilise encore davantage des citoyens toujours en quête d’un mythique homme providentiel. Ils sont ainsi réduits à la dépendance, surtout quand les élus s’appliquent à prolonger leur carrière en multipliant donc les risques de dérive. La politique est une affaire trop sérieuse pour que les citoyens tardent à se la réapproprier. René Robert Aiguilhe (Haute-Loire)
Economie Si on reparlait des retraites !
Il est manifeste que la classe sociale où les gens vivent le mieux est celle des retraités. Parmi les pays de l’OCDE, la France est l’un des rares pays où le montant des retraites est aussi élevé, voisin de la somme que chacun recevait pendant sa vie active. La Cour des comptes estime que le niveau de vie moyen des retraités est supérieur de 15 % à celui de la moyenne des Français. En effet, les retraités sont souvent propriétaires de leur logement, n’ont plus de dettes à payer ni de personnes à charge. Bien sûr, ces moyennes cachent d’énormes disparités dont il faut tenir compte; le taux de pauvreté chez les retraités est de 10 % environ, comme dans le reste de la population. Mais il est inacceptable que des retraités aient une vie aisée et que les jeunes ne réussissent pas à trouver du travail. Il faut noter que le législateur a décidé vers 1975 d’augmenter les retraites à un moment où il ne pouvait prévoir l’allongement de la durée de vie ni deviner que la récession économique plongerait les jeunes dans le chômage vingt ans plus tard. Il me semble donc que les retraités aisés (cadres moyens et supérieurs) devraient accepter une réduction progressive de leur retraite et/ou une augmentation d’impôts. Et cela pour aider à l’in-
me Isabelle Artus (Paris), que notre choix éditorial finisse par «amenerun grand nombre de décideurs et de lecteurs à se détourner des questions écologiques, faute d’informations disponibles, l’écologie [étant] une nouvelle fois reléguée au rang des sujets annexes, banalisée, minimisée»? Voilà en tout cas autant de questions qui méritent réponse.
L
e médiateur a d’abord tendu le micro à Marie-Béatrice Baudet, la responsable du pôle Planète. « Pour notre équipe, cette mobilisation de nos lecteurs montre que tous les thèmes que nous traitons les intéressent, se félicite-t-elle. L’essaimage de nos sujets au sein du journal est un pari qu’il nous faut relever, et ce alors que la crise économique éclipse la crise écologique. Or, il y a urgence à agir contre le réchauffement, l’épuisement des ressources. Il est aussi primordial de décrypter les effets de la détérioration de l’environnement sur la santé. » Notre directrice, Natalie Nougayrède confirme cette ligne éditoriale et explique la nouvelle organisation: « Il n’y a et n’y aura aucune diminution du traitement de ces sujets fondamentaux. Ni le contenu ni l’équipe Planète ne sont supprimés. Dans le cadre de notre réorganisation en quatre grands services thématiques, qui préserve toute l’offre éditoriale du Monde, l’équipe Planète a rejoint le service International. Elle reste en lien avec l’équipe Sciences et est amenée à écrire dans toutes les pages, notamment en Fran-
sertion des jeunes et (un peu) à la relance de l’économie. Et de plus, cela manifesterait la solidarité entre les générations. Michel Obaton Perros-Guirec (Côtes-d’Armor)
Langue L’anglais imposé
Dans le cadre de la polémique sur la création de cursus en anglais, à laquelle je suis opposée, je voudrais ajouter un exemple en date du 17 mai, qui témoigne de la
19
ce et dans le cahier “Eco & entreprise”, où elle sera en première ligne pour le suivi du “green business”. Le supplément “Géo & politique” accueillera lui aussi des articles Planète : un nouvel espace s’ouvre donc. Nos lecteurs peuvent du reste constater que la têtière “Planète” est préservée dans le quotidien, ainsi que sur la chaîne du même nom sur le site. Le Monde dépeint le monde, et toutes les problématiques environnementales sont l’une des matières premières de notre palette. » Fermez le ban ? Pas si simple. Sur les quelque 2 000 courriels reçus des quatre coins de France depuis un mois, pas moins de 1 600 reprenaient tel quel le modèle de lettre-type proposé par l’association Agir pour l’environnement (APE) sur son site Internet. Elle y invite ses internautes, dans le cadre d’une « cyberaction », à « écrire massivement à la directrice et au médiateur du Monde pour manifester [leur] incompréhension». De l’agitprop en bonne et due forme ! La mèche fut allumée le 26 avril par le site Arrêt sur images : « Planète menacée au Monde : l’écologie victime de l’économie? ». Sachez, lecteurs, qu’on s’en pose aussi au Monde. Témoin le comité de rédaction convoqué mercredi 29 mai par la Société des rédacteurs. Au menu : « Quel traitement de l’économie pour quelle ligne éditoriale ?» Les échanges furent pleins de « chaleur », cher M. Lévy… p
[email protected] Mediateur. blog. lemonde. fr
situation dans laquelle nous sommes déjà. A l’occasion d’une proposition (en français) de produits Microsoft à destination du monde universitaire, à laquelle j’avais répondu, j’ai reçu le message suivant: « L’équipe service dédiée à la gestion de ce site est joignable sous :
[email protected] (veuillez s.v.p. écrire en anglais). » Je suis très favorable à l’enseignement des langues étrangères, et notamment de l’anglais. Je ne suis pas non plus opposée à ce que des
cours soient dispensés en langue étrangère, que ce soit en anglais ou en d’autres langues, mais je suis hostile à des cursus complets en langue étrangère. Il est illusoire de penser que les étudiants étrangers qui suivraient ces cursus apprendraient le français par ailleurs, leur motif essentiel de choix de la France n’étant en général que le coût comparativement peu élevé des études en France. Louise Lafitte Antony (Hauts-de-Seine)
*1er hebdo d’actualité : 3 825 000 lecteurs (Audipresse ONE 2012 LDP) - © Mark Cuthbert, Marco Di Lauro, MiguelTovar/STF
0123
20
0123
enquête
Samedi 1er juin 2013
Auxfrontières duconflit Sur la chaîne de montagnes de l’Anti-Liban, la rébellion syrienne se prépare depuis l’hiver à l’arrivée du Hezbollah. Le Parti de Dieu libanais s’est engagé dans la guerre aux côtés du pouvoir de Bachar Al-Assad, par fidélité à leur parrain commun, l’Iran
Texte : Jean-Philippe Rémy Photos : Laurent Van der Stockt Assal Al-Ward, Hosh Arab (région du Qalamoun) Envoyés spéciaux
L
e vent est comme une lame qui cherche le cœur des hommes. Lefroid coupeles voix et le souffle. Au milieu du massif montagneux passe une frontière, séparant la Syrie du Liban, que seule une poignée de silhouettes transies de l’Armée syrienne libre (ASL) est capable de voir. Malgré leurs kalachnikovs en bandoulière, ils ont plus l’air de contrebandiers ou de paysans que de guerriers. Sur les hauteurs des montagnes dans la chaîne de l’Anti-Liban,la roche est ici syrienne. Mais plus loin, juste après la ligne de crête, c’est le Liban. D’abord des villages dans la montagne, puis la plaine de la Bekaa. Derrière les rochers décharnés, à moins d’un kilomètre, commencent les premiè-
res positions du Hezbollah. Le Parti de Dieu, recrutant parmi la population chiite libanaise, est engagé depuis plusieurs semainesdans la guerre en Syrie aux côtés du pouvoir de Bachar Al-Assad, par fidélité à leur parrain commun, l’Iran. Dans ce coin de montagne, la rébellion syrienne se prépare depuis l’hiver à l’arrivée du Hezbollah, en écoutant le vide du vent. A cette altitude, il n’y a plus de vrais arbres, plus d’abris hormis quelques tentes, et les rebelles syriens se demandent si la guerre s’allumera ici comme un feu quand le temps se radoucira. « On les aperçoit presque tous les jours. Ma crainte, c’est qu’ils s’infiltrent une nuit, et qu’on ne les voie pas arriver », s’inquiète un combattant, la tête enroulée dans un keffieh qui laisse à peine une fente pour ses yeux. « Depuis des mois, le Hezbollah renforce ses positions de l’autre côté de la frontière. Il y a déjà eu quelques escarmouches, rien de grave. Mais, selon nos informations, ils envisagent d’ouvrir un second front ici pour soulager les troupes de Bachar, à Damas », explique Oussama Nadaf, le
commandant du groupe, en regardant ses hommes, gelés jusqu’aux os : « Ce sont des gars d’ici, ils ont l’habitude. Ils sont restés bloqués pendant deux mois, à cause de la neige. Maintenant, la fonte se termine, on les relaye, mais ce n’est pas le moment de se relâcher. Le Hezbollah a passé tout l’hiver à se préparer.» Sur les pentes, à l’ombre, il reste des plaques de neige glacée. De ce côté-ci de la montagne,les villagessont à majorité sunnite. De l’autre côté, au Liban, ils sont surtout chiites. Entre les deux, des contrebandiers se glissent en se jouant autant des querelles confessionnelles,de la géopolitique régionale que de la frontière. A vol d’oiseau, Damas ne se trouve qu’à 40 kilomètres. Un peu plus bas vers la vallée, voici le centrenerveux de ce détachementmontagnard de l’ASL. Le village d’Assal Al-Ward («Ceuxqui font pousserdes fleurs»), réputé autrefois pour sa production de roses de Damas, est lui aussi sur ses gardes. Dans une maison, on se serre autour du poêle pour entendre l’avis du chef du
conseil local sur la situation. « Le Hezbollah a amené de nouvelles troupes et construit de nouvelles bases. Il y a quatre à cinq mille hommes en renfort pour une attaque.» Autour, les visages burinésmarquent leur assentiment. « Evidemment, nous aussi, on a des armes, et on les
« Selon nos informations, ils envisagent d’ouvrir un second front ici pour soulager les troupes de Bachar, à Damas » Oussama Nadaf commandant d’un groupe de rebelles
attend », précise en souriant le responsable, qui a garé son beau 4 × 4 BMW bleu nuit devant la porte, et qui préfère qu’on taise son nom. Les chefs militaires des groupes rebelles locaux opinent encore lorsqu’il ajoute : « Mais les armes qu’on a
ici, ce n’est rien en comparaison de celles du Hezbollah. » Et ces armes, d’où viennent-elles? « Du Liban, évidemment! » Et tout le monde de se payer d’un bon rire la tête du visiteur qui, décidément, ne comprend rien aux logiques des zones frontalières. Dans ces montagnes, le commerce est bien plus ancien que la frontière, sans parler de la guerre civile en Syrie. « Les meilleures armessont celles de Walid Joumblatt,et celles de Samir Geagea. Et, bien sûr, il arrive qu’on en achète aussi au marché noir… au Hezbollah », explique le responsable du conseil local, qui aurait bien aimé que les pays occidentaux, par des livraisons de matériel militaire, aident l’ASL à tenir ces montagnes. « Vous [les Européens], vous avez eu vos guerres pour la liberté. C’est à notre tour de payer ce prix. Bachar, c’est notre Hitler à nous. » Et puis, après un temps de réflexion, il conclut : « Si on ne nous aide pas [avec des armes], on sera bien obligés d’avoir des extrémistes.» La discussion se poursuivra, plus tard, chez le cheikh, véritable autorité du villa-
0123
«LorsqueSaddam [Hussein]tiraitdesScud versIsraël,ilétaitaccusé d’êtreungrandcriminel parlesOccidentaux. Bacharfaitçatous lesjourssurlesSyriens, etondiraitquetoutle mondetrouveçanormal» Abou Qousay commandant d’une katiba
connaît l’ensemble des détails. » Puis il vous offre la bague que portait son frère avant son arrestation par la police secrète, et avoue subitement son nom : Jallal. « Dites au reste du monde que nous sommes désespérés. Qu’il faut à tout prix nous aider. Que nous n’avons rien à voir avec Al-Qaida. Tant qu’on en aura la possibilité, on ne laissera pas des étrangers faire la loi ici, ce n’est pas dans nos traditions.»
P
lus loin, sur une autre montagne du même massif, à Hosh Arab, un homme regarde une vallée en contrebas depuisles fenêtresd’une villa un peuamochée par un tir récent. Le froid, l’isolement et lesroquettes n’excluentpas la coquetterie : Abou Qousay, commandant de la katiba locale, a souligné ses yeux de larges traits de khôl et, quand il parle, fourrage dans sa barbe fournie avec une évidente satisfaction (« C’est moi qui ai la plus grande barbe de la région », indique-t-il d’un ton ferme, comme si nous avions l’intention d’émettre des doutes à ce sujet). Abou Qousay a quelque chose d’important à
expliquer, mais, pour cela, il souhaiterait que nous fassions un petit déplacement en sa compagnie. La nuit tombe, il n’y a pas de bombardement de l’armée gouvernementale. Le moment est bien choisi. Sur son ordre, ses hommes soulèvent le rideau de fer de son garage et exhibent le pick-up qui fait la fierté et la joie de la katiba, avec sa mitrailleuse Douchka de 12.7 mm montée sur le plateau arrière. Il n’y a pas eu de combats féroces pour prendre le contrôle de cette région, toute proche de Damas. « On a attaqué les checkpoints [postes de contrôle avec petite caserne et protections du gouvernement], gouvernement], et, tout à coup, ils ont fui. » Depuis, cela n’empêche pas la ville d’être la cible, régulièrement, de bombardements. Nous voici en route, tous feux éteints, vers l’origine de ces tirs. Pour comprendre quelques mécanismes essentiels de la région, il faut se rendre, en veillant à ne pas se faire repérer, sur un promontoire rocheux à la périphérie d’Howsh Arab. Tout tient dans le panorama grandiose. En contrebas, cinq gran-
l’ASL, qui passent, la nuit, en marchant sur la pointe des pieds ou en rampant, à quelques dizaines de mètres despositionsgouvernementales pour relier les hauteurs de l’Anti-Libanà la banlieue nord de la capitale, notamment les villes de Barzeh ou de Rankous. Mais ce terrain dégagé a interdit les grandes attaques. Les unités de l’ASL ont toutes les chances de se faire hacher par l’artillerie gouvernementale avant d’avoir atteint leurs murs et leurs barbelés. Alors Abou Qousay a la même requête qu’à Assal Al-Ward: « Si on veut nous aider, c’est ici qu’il faut agir, en nous donnant les moyens d’attaquer ces bases. Il y a trois lignes de défense successives pour Damas. Tant qu’on ne les aura pas brisées, rien n’avancera.» Alors que la situation militaire piétine dans la Ghouta, à l’est de Damas, certains responsablesrebelles ontréfléchià de nouvelles approches pour tenter de bousculer cette ligne de défense. Combien de temps faudrait-il pour mettre en œuvre un tel changement tactique ? Tous les commandants qui y songent n’ont qu’une obsession : acquérir des armes de longue portée pour ne pas envoyer leurs hommes à la boucherie.Peut-être desmanœuvresd’encerclement, ou des attaques surprises, pourraient-elles compenser un peu le déséquilibre du matériel? En attendant de voir si la pénurie d’armes peut être contrebalancée par des ruses tactiques, des unités de la région du Qalamoun se préparent à une longue guerre. La région, avec ses vastes zones presquevides, abrite aussi descamps d’entraînement. Il est possible d’en visiter certains, à condition de ne pas se tromper d’adresse. A l’arrivée dans une ferme qui n’était pas celle que nous cherchions, nous voici confrontés à un homme en train de manier la tronçonneuse (pour couperdu bois), nous conseillantde repartir dans les meilleurs délais. Se présentant comme un « salafiste tunisien », il n’avait pas la moindre intention d’ouvrir les portesde son camp à des journalistesoccidentaux. Plus loin dans la montagne, un autre campest plus accueillant.Dans un lieu isolé, une série de bâtimentsau milieu de vergers décharnés. C’est là que plusieurs brigades ont monté un centre d’entraînement, sous le commandement d’Abou Khaled, de la brigade des « étrangers ». Abou Khaled est un organisateur-né, ce qui lui permet de faire beaucoup de cho-
Vers la plaine de la Bekaa
A
int
LIBAN Lib
an
Assal al-Ward Hosh Arab
Rankous
Kutaifah
SYRIE Barzeh
Zamalka
Damas
a
LAURENT VAN DER STOCKT POUR « LE MONDE »
des taches lumineuses, comme des soucoupes volantes posées sur les ténèbres de la terre, sont visibles sur le plateau : des bases de l’armée syrienne. Elles donnent la mesure des difficultés de l’ASL pour la conquête de Damas. Ces bases avec, estiment les rebelles, cinq brigades comptent plusieurs centaines de chars (sur les 1 500 que posséderait l’armée régulière) et sont bourrées d’artillerie de tous calibres. Les canons, les missiles, les roquettes, servent à tirer aussi bien vers le haut, en direction de Hosh Arab, que vers le bas, en direction des rebelles de la région de la Ghouta, jusqu’aux portes de Damas. Un relief du terrain les protège des mortiers rebelles, de moindre portée. Plus loin, on voit justement les lumières de Damas, et une série de points jaunes : les lampadaires de la route de l’aéroport. On dirait que la géographie est le fruit du génie d’un stratège militaire engagé dans la défense de Damas. Depuis certaines de ces bases, comme celle de Qutayfah, sont tirés presque chaque nuit des missiles, notamment des Scud, en direction d’autres villes de Syrie, jusqu’à Deir ez-zor ou Alep. Abou Qousay se permet une remarque à ce sujet : « Lorsque Saddam [Hussein] tirait des Scud vers Israël, il était accusé d’être un grand criminel par les Occidentaux. Bachar fait ça tous les jours sur les Syriens, et on dirait que tout le monde trouve ça normal. » Cesbases, pourles rebellessyriens,semblent encore hors de portée, à tout point de vue. Pour y accéder, il faut parcourir plus d’une dizaine de kilomètres en terrain plat et dégagé. Cela n’empêche pas des infiltrations de petits groupes de
ut
Hosh Arab, le 27 mars. Abou Qousay, commandant de la katiba locale, montre des bases de l’armée syrienne. Au loin, Damas.
ge. Avec ses lumières bleutées, ses tables basses sur des tapis épais, son vaste salon a un peu des airs de boîte de nuit, dotée de magnifiques toilettes en marbre veiné vert qui ne dépareraient pas dans un palais italien. Le propriétaire des lieux, que chacun salue en lui baisant respectueusement la main, a vingt-sept enfants dont les prénoms se télescopent un peu dans sa tête, mais une aptitude aux affaires et une influence de premier ordre. Alorsqu’on apporteune collation géante, un des convives, ancien pilote de Mig originairedu village voisin, quia fait défectionil y a quelques mois parce qu’ilne voulait plus aller bombarder des villes syriennes « à cause des femmes et des enfants à l’intérieur des maisons », tente de faire le décompte des bases aériennes militaires que compte le pays, à commencer par celle de Sweida, au sud, où il était basé quand il a pris la fuite pour rejoindre la rébellion. Il arrête son décompte à quinze, puis conclut : « En fait, c’est impossible de savoir, surtout le nombre des appareils, avions et hélicoptères, car personne ne
21
enquête
Samedi 1er juin 2013
5 km
La
Gh
o
ses à la fois : mener des entraînements, alimenterle recrutementpourl’ASL encontinuant à pousser les militairessyriens frustrés à déserter, ou encore à attaquer des positions gouvernementales à la portée de sa katiba d’une centaine d’hommes. Il n’existe aucun chiffre sur la réalité des défections au sein de l’armée syrienne, mais, dans les environs du Qalamoun, il existe encore des positions d’où les petits soldats fuient pour rejoindre les rangs rebelles. A Zamalka, dans la région de la Ghouta, nous avionscroisé des déserteurs au passé si lourd qu’il paraissait impensable de les voir combattre au sein de l’ASL. L’un avouait tranquillement être un ancien commando, et avoir fait le coup de feu contre les rebelles à Homs, avant de « comprendre que tous ces massacres ne servent à rien », et de sauter le pas pour rejoindre l’autre camp, en compagnie d’un milicien shabbiha, les terreurs de la population.Il y a des défectionsplus banales, assure Abou Khaled en connaisseur: « On encercle des checkpoints. On leur crie avec des haut-parleurs de se rendre, qu’ils auront la vie sauve. Parfois, on vient la nuit quand on a des contacts par téléphone, et on facilite leur fuite. » Dans le camp d’entraînement, les différentes katibas restent quinze jours. La formation est destinée à parer au plus pressé et comprend notamment un peu de tir de précision, ou encore des leçons pratiques sur la bonne manière de se déplacer face au feu ennemi. « Et puis, il faut bien le reconnaître, on leur donne des éléments de disciplineélémentaire,mais vitale : on s’est aperçu qu’on avait beaucoup de blessés et de morts à cause de tirs amis. » Un ancien étudiant en marketing à l’université de Kuala Lumpur, rentré en Syriepour prendre part à la guerre, a dessiné le drapeau de la katiba. Lui aussi a adopté un nom d’emprunt. Précaution et méfiance mêlées, deux réflexes de base : « Il y a des gens de la rébellion avec qui je suis depuis deux ans et qui ne connaissent pas mon vrai nom.» Traversé par une diagonale, le drapeau est moitié noir, moitié blanc. Une décision pratique : « Le noir, c’est le drapeau de Jabhat Al-Nousra [groupe djihadiste opérant en Syrie, ayant déclaréson allégeanceà Al-Qaida], le blanc celui des salafistes. Je me suis dit que ce serait bien de mélanger les deux, pour ne fâcher personne mais en restant différent. » Le résultat a un peu l’air d’un fanion de signalisation maritime, mais l’effet recherché est important. A mesure que s’appesantit le climat de la guerre en Syrie,de plus en plusde groupesse rapprochent des tendances plus extrémistes, du point de vue religieux. De temps en temps, la katiba des « étrangers », originaire d’Al-Tall, juste au nord de Damas, lance aussi des attaques surprises contre des positions gouvernementales dans le relief glacé. Sur une vidéo, les soldats montrent une opération récente : leur groupe marche longtemps dans la neige, avant d’entourer un checkpoint, au bord d’une route en lacets. L’assaut est lancé, il provoque la fuite des soldats, qui abandonnent leurs morts derrière eux et s’évanouissent dans la montagne. « C’est au retour que ça s’est gâté, raconte un membre de la katiba, ancien étudiant en sciences économiques. J’ai perdu le groupe dans la nuit. Il y avait douze heures de marche à l’aller, ensuite l’attaque, puis douze heures retour. Tout à coup, je me suis retrouvéseul, dans la neige, dans la montagne. J’étais épuisé et je me suis dit que j’allais mourir. Je me suis concentré, j’ai fait un effort sur moi-même [djihad], j’ai prié, et j’ai marché, encore, et encore, jusqu’à ce que j’aperçoive une lumière. C’était une maison : j’étais sauvé ! » En terminant ce récit, il sort de la salle où toute la katiba s’était assise pour manger. Les chaussures gisent en vrac à l’entrée, il fouille le tas et pousse un juron, en découvrant que sa paire a été subtilisée par un inconnu. « Et voilà, c’est ce qui arrive tout le temps.Dans cette guerre,le plusdur, en réalité, c’est de garder ses chaussures. » p Fin
22
0123
plantu
Samedi 1er juin 2013
L’accumulation des indices sur l’usage de gaz toxique par le régime de Bachar Al-Assad embarrasse les Occidentaux
PAGE COORDONNÉE PAR PLANTU
ET CARTOONING FOR PEACE
LesarmeschimiquesenSyrie, une«lignerouge»quis’estompe « Hein ? Moi, utiliser du gaz sarin contre mon propre peuple ? Qu’est-ce qui vous fait penser ça ? » Dessin du Néo-Zélandais Tom Scott (publié dans le « Dominion Post » à Wellington).
Benjamin Barthe
C
’estl’histoired’unelignemouvante,une ligne rouge de plus en plus fine et de moins en moins rouge. Le porte-parole du Pentagone, George Little, qui est le premier à avoir employé cette image, le 13 juillet 2012, le regrette-t-il aujourd’hui ? Interrogé sur des informations faisant état de mouvements de stocks d’armes chimiques en Syrie, il indique que l’utilisation de cet arsenal reviendrait à « franchir une grave ligne rouge ». L’expression fait immédiatement florès. On la retrouve un mois plus tard dans la bouche d’Hillary Clinton, la secrétaire d’Etat américaine, en visite chez l’allié turc. Le 20 août, Barack Obama cède à son tour à cette formule tentante, qui nimbe son utilisateur d’une aura de fermeté. « Nous avons été clairs avec le régime Assad, mais aussi avec d’autres intervenants sur le terrain, qu’une ligne rouge, pour nous, c’est si nous commençons à voir tout un tas d’armes chimiques être déplacéesou utilisées,déclare leprésident américain. Cela changerait mon calcul. Cela changerait mon équation.» Le NewYork Times expliquerahuitmois plus tard, au mois de mai 2013, que la
fameuse ligne ne figurait pas dans les éléments de langage transmis au président. La Maison Blanche avait certes eu l’intention d’envoyer un message musclé aux autorités syriennes. Mais le président se serait laissé emporter par son goût de la rhétorique, révèle l’enquête du Times. Dansles mois qui suivent, la diplomatie américaine adopte donc un nouveau lexique.On neparleplusde «red line»,maisde « game changer » (un élément qui change la donne). En cas d’usage d’armes non conventionnelles, Barack Obama ne promet plus que des « conséquences», un terme déjà moins contraignant. Est-ce un hasard ? Cette évolution sémantiquecoïncide avec l’émergencedes premiers témoignages accusant le régime d’user de gaz toxique contre les insurgés. Il y a l’incident d’Homs, dans le quartier de Bayada (23 décembre 2012), puis ceux de Khan Al-Assal, près d’Alep (19 mars), et ceux d’Otayba et Adra, en banlieue de Damas, à la même date. Internet est confronté à un afflux de vidéos amateurs, montrant des Syriens suffoquant, avec les pupilles contractées et de la mousse blanche aux lèvres. Des symptômes dont les envoyés spéciaux du Monde dans la banlieuedeDamasontététémoinsetquipourraient attester d’une attaque à l’arme chimique.
A l’ONU, des sources diplomatiques occidentales parlent de « preuves solides». Mais les chancelleriessont plus prudentes. Sans maîtrise du protocole d’authentification, du prélèvementdel’échantillonà son analyse en laboratoire, impossible de trancher, dit-onà Paris. A l’approche d’une possible conférence de paix, baptisée Genève2, en présence du régime et de ses opposants, la question du chimique devient moins pressante. L’argument de la ligne rouge était censé faire peur à Damas. Aujourd’hui, ce sont les puissances occidentales qu’il embarrasse. p
« Chimique » : le rôle de l’Iran dans le conflit syrien. Dessin d’Ali Ferzat, dessinateur syrien réfugié au Koweït après avoir été torturé par les sbires de Bachar Al-Assad en 2011.
Le couple Assad vu par Rousso (« Siné Mensuel »)
Bachar Al-Assad et Benyamin Nétanyahou dessinés par l’Israélien Uri Fink (publié dans l’hebdomadaire « Zbeng ! » destiné aux adolescents israéliens).
« Pour l’amour de Jérusalem ! », dit Hassan Nasrallah, le leader du Hezbollah libanais (allié de Bachar Al-Assad). Dessin du Palestinien Khalil Abu-Arafeh. Sur le mur : « Al Quseir » (ville syrienne). « Nasrallah utilise les chiites pour sa guerre impie », précise le dessinateur palestinien du quotidien « Al Quds ».
Bachar Al-Assad et Barack Obama vus par le dessinateur suisse Patrick Chappatte (« Le Temps »).
0123
0123
Samedi 1er juin 2013
CULTURE | CHRONIQUE pa r M i c h e l G u e r r i n
Kechiche, un tyran comme les autres
D LA QUESTION EST DE SAVOIR SI LA FIN JUSTIFIE LES MOYENS. ET QUAND LE RÉSULTAT EST JUGÉ MAGNIFIQUE…
onc Abdellatif Kechiche a gagné et il est difficile de trouver dans la presse des réserves sur le film La Vie d’Adèle, Palme d’or au Festival de Cannes. Enfin, des réserves, il y en a, en pagaille, non pas sur l’œuvre, mais sur la façon dont elle a été faite. Grosso modo, Kechiche serait humaniste à l’écran, mais pas très humain au travail. C’est LeMonde qui a allumé la mèche à travers trois articles donnant la parole à des techniciens qui ont travaillé sur le tournage pendant cinq mois. On passera sur les accommodements au code du travail, du genre journées de onzeheures déclarées huit, convocations pendant la nuit, incitation à faire des trajets automobile qui obligeaient à rouler à plus de 180km/h. On passera, car ces faits, s’ils sont avérés, touchent de nombreux films français et ne manqueront pas d’être cités dans le débat actuel sur la convention collective du cinéma. Non, ce qui nous intéresse ici, c’est l’attitude d’un cinéaste, l’étiquette de tyran qu’on lui colle, les pressions qu’il mettrait sur les techniciens, producteurs, acteurs, pour arriver à créer l’œuvre qu’il souhaite. « Comportements proches du “harcèlement moral”», ont confié des techniciens. La question est de savoir si la fin justifie les moyens. Vaste débat. Car, entre exi-
Emoi à LaRochelle pour une caricature de banquier juif
C
’est une publicité dont Gérard Blanchard, le président de l’université de La Rochelle, se serait bien passé. En cause, une pièce de théâtre – jouée cinq fois début avril devant 420 personnes – jugée, par certains, antisémite. La pièce, intitulée Le Rôle de vos enfants dans la reprise économique mondiale, a été écrite et jouée par des étudiants de La Rochelle, encadrés par un écrivain québécois, Eric Noël, et Claudie Landy, directrice du théâtre. L’objectif: dénoncer les dérives de la finance internationale. Avec humour. Dans le rôle principal: une multinationale baptisée la Goldberg and Co (allusion transparente à Goldman Sachs), incarnée par une femme juive sans scrupules. Pour faire face à la crise économique, celle-ci a la bonne idée de miser sur des nouveau-nés qui rapporteront une certaine somme d’argent à leurs parents et à leur investisseur une fois adultes. Un peu plus loin dans la pièce apparaît un chasseur de nazis, Cohen 1, qui lâche finalement sa prise contre une liasse de billets. Et lui serre même la main. « Les juifs ne sont pas les seuls à être caricaturés: les pauvres ressemblent à la famille Groseille de La vie est un long fleuve tranquille, la prostituée est vulgaire et une Chinoise se trimballe un balai à la main», fait valoir Claudie Landy. Sans compter un trader véreux et un Italien mafieux. Pour la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (Licra), la pièce ne fait « qu’aligner et enfiler les préjugés les uns derrière les autres et cela sans aucune distance». Et est clairement antisémite. A l’issue de la représentation, un professeur de biochimie à l’université de La Rochelle, Michel Goldberg, dénonce un
«dérapage malvenu» au président, qui, lui, n’a pas vu la pièce. Second degré, humour noir, satire, invoquent les étudiants, l’auteur, le metteur en scène et la vice-présidente chargée de la culture à l’université. « A aucun moment, pendant l’écriture, on ne s’est dit que nous étions limites. Et les gens ont bien ri dans la salle », répond Romain Michalcak, étudiant en droit et l’un des auteurs de la pièce.
gence et tyrannie, la frontière est fragile. Et quand le résultat est jugé magnifique… La méthode Kechiche est de pousser loin l’improvisation et de multiplier les prises jusqu’à plus soif, dans le but de faire surgir une authenticité vitale. Le cinéaste a accumulé 750heures de rushs et c’est au montage que cet insomniaque construit son film. Kechiche a de telles convictions, il n’en démord pas, ce qui fait dire à JeanFrançois Lepetit, qui a produit son premier longmétrage, La Faute à Voltaire (2001): «Je préfère cent fois payer ma place pour aller voir ses films, plutôt que d’avoir affaire à lui.» Qu’en disent les actrices principales, Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux, qui, dans le film, vivent un amour intense? On les a peu entendues, laissant la rumeur occuper le terrain. «Sa caméra les a sublimées mais au prix de nombreuses crises de nerfs et un nombre incalculable de scènes de sexe très peu simulées qui ne figurent plus, pour la plupart, dans le montage actuel du film», peut-on lire dans Libération. Mais, dans Le Monde et ailleurs, Adèle Exarchopoulos semble dire le contraire. Et lors de la remise de la Palme, c’est une scène Bisounours que le trio a jouée. Quelques minutes avant la remise de la Palme d’or, Kim Novak a montré que la vérité n’est
pas franche. Surgissant sur scène pour vanter la version restaurée de Vertigo (1958), dont elle est l’interprète inoubliable, elle a salué son auteur, Alfred Hitchcock. Et pourtant on sait que le cinéaste l’a fait souffrir comme jamais, parce qu’il voulait Vera Miles à sa place, au point, entre autres, de la forcer à mimer une scène de noyade alors qu’elle ne savait pas nager.
« Prison mentale » Des histoires comme celle de Kim Novak, qui cadrent peu avec le droit du travail, voire avec les droits de l’homme, l’histoire du cinéma en est remplie. Et Hitchcock arrive en tête de liste, lui qui cherchait en vain à coucher avec ses actrices, les torturant un peu en représailles. Dans le documentaire The Girl (2012), l’actrice Tippi Hedren confie la cruauté du cinéaste et «la prison mentale» dans laquelle il la contenait. Sur Les Oiseaux (1963), elle a dû subir l’attaque de vrais corbeaux au lieu des volatiles mécaniques annoncés – le médecin demande alors à Hitchcock: « Qu’est-ce que vous essayez de faire? La tuer? » Et, pourtant, la belle Tippi a tourné dans la foulée Pas de printemps pour Marnie… En France, Jean-Pierre Melville, Jean-Luc Godard ou Maurice Pialat, qui ne sont pas des manches, ont une réputation, disons, difficile. Henri-Georges Clouzot était pas mal non plus. Sur le tournage de L’Enfer (1964), film délirant qu’il n’a pas terminé, mais dont la chronique est narrée dans un documentaire signé Serge Bromberg, il pousse loin la mise à l’épreuve des limites morales et physiques de ses acteurs comme des techniciens – Serge Reggiani quitte le tournage pour l’hôpital; Romy Schneider est transformée en matière malléable à merci et à
23
haute teneur érotique (ligotée, dégradée, peinte de la tête aux pieds…). On pourrait multiplier les exemples dans la danse, la musique, le théâtre… Le philosophe Michel Terestchenko, auteur d’Un si fragile vernis d’humanité. Banalité du mal, banalité du bien (La Découverte, 2007), pose la question: «Le créateur a-t-il conscience des transgressions qu’il impose? Dans le huis clos de l’œuvre en marche, une éthique du créateur doit aussi être à l’œuvre. L’art ne justifie pas tout, car la souffrance peut être indélébile chez ceux qui en sont les victimes. La psychologie sociale a bien repéré ce phénomène, mais le monde de la création n’utilise pas ce savoir.» Dans un livre formidable, Jeune fille (Gallimard, 2007), Anne Wiazemsky dévoile son expérience d’actrice, sur le tournage d’Au hasard Balthazar, de Robert Bresson, en 1965. Il a 64 ans, elle en a 18. Elle raconte à la fois le plaisir inédit qu’elle prend, et la façon dont le cinéaste la domine, l’enferme dans une «cage», lui serre le poignet, cherche à l’embrasser sur la bouche, la fait dormir dans une chambre mitoyenne de la sienne, la tient à distance de sa famille, lui demande de promettre de ne jamais tourner avec un autre. Elle est surnommée «La Petite Prisonnière» par les techniciens. Il y en a un qui lui explique: «Robert a toujours été un tyran. Ce n’est pas le goût du pouvoir ou de la manipulation, comme on le lui reproche, c’est pour les besoins de son film.» Anne Wiazemsky n’a pas oublié. Mais une femme s’est construite, entre douleur et bonheur. Elle a tourné dans quarante films. Avec le difficile Godard notamment… p
[email protected]
Avec Dossiers&Documents devenez incollable sur l’actualité et faites la différence aux examens !
« Racisme banalisé » Peiné, Michel Goldberg aurait souhaité, non pas la censure, mais à tout le moins une condamnation morale de la pièce de la part de son établissement. Le Conseil représentatif des institutions juives de France (CRIF) aussi. « La pièce est antisémite, et (…) même grossièrement antisémite. Que ce soit de façon consciente ou inconsciente est sans intérêt ici», écrit l’exprésident du CRIF, Richard Prasquier, dans l’une de ses dernières lettres en ligne. « Mon rôle n’est pas de condamner mais de m’assurer que les artistes et les étudiants qui ont travaillé sur ce texte sont au-dessus de tout soupçon et ils le sont», répond le président de l’université. L’affaire commence à faire grand bruit. La section de la Ligue des droits de l’homme de LaRochelle a estimé que « dans un contexte social et politique marqué par une réelle et forte montée d’un racisme banalisé, qui fait le lit de l’extrême droite, utiliser le stéréotype du “banquier juif” n’est pas neutre et peut contribuer à alimenter, de manière involontaire, ce racisme et cet antisémitisme ambiants». Avec la Licra, elle aurait souhaité un avertissement permettant au public de voir la pièce avec le recul nécessaire. p Nathalie Brafman
Société éditrice du « Monde » SA Président du directoire, directeur de la publication Louis Dreyfus Directrice du « Monde», membre du directoire, directrice des rédactions Natalie Nougayrède Directeur délégué des rédactions Vincent Giret Directeurs adjoints des rédactions Michel Guerrin, Rémy Ourdan Directeurs éditoriaux Gérard Courtois, Alain Frachon, Sylvie Kauffmann Rédacteurs en chef Arnaud Leparmentier, Cécile Prieur, Nabil Wakim Rédactrice en chef « M Le magazine du Monde » Marie-Pierre Lannelongue Rédactrice en chef « édition abonnés » du Monde.fr Françoise Tovo Rédacteurs en chef adjoints François Bougon, Vincent Fagot, Nathaniel Herzberg, Damien Leloup Chefs de service Christophe Châtelot (International), Luc Bronner (France), Virginie Malingre (Economie), Auréliano Tonet (Culture) Rédacteurs en chef « développement éditorial » Julien Laroche-Joubert (Innovations Web), Didier Pourquery (Diversifications, Evénements, Partenariats) Chef d’édition Christian Massol Directeur artistique Aris Papathéodorou Photographie Nicolas Jimenez Infographie Eric Béziat Médiateur Pascal Galinier Secrétaire générale du groupe Catherine Joly Secrétaire générale de la rédaction Christine Laget Conseil de surveillance Pierre Bergé, président. Gilles van Kote, vice-président
pTirage du Monde daté vendredi 31 mai 2013 : 340 878 exemplaires.
Juin 2013 2,95 €
Chaque mois 3 dossiers réalisés à partir des meilleurs articles du Monde de 1944 à aujourd’hui. 2
www.lemonde.fr/dosdoc
cartier.com - 01 42 18 43 83
D É C L A R AT I O N PA R F U M P O U R H O M M E
Riches de frugalité Ils sont toujours plus nombreux à aimer consommer moins. Entretien avec le philosophe Patrick Viveret et reportage en Gironde . P A G E S 4 - 5
Le bric-à-brac d’un illusionniste Jean-Paul Favand, le patron du Musée des arts forains, expose à Enghien (Val-d’Oise) les dizaines d’objets qu’il a accumulés au fil des ans. P A G E 2
Controversés conseils juifs Deux films sur ces juifs chargés par les nazis d’organiser leur société alimentent un débat historique. Entretien avec la spécialiste Annette Wieviorka. P A G E 6
Tiananmen, la mémoire interdite En Chine, impossible d’écrire sur la répression des manifestations, le 4juin 1989. Pour contourner la censure, les écrivains comme Liu Xinwu sont obligés de publier à l’étranger, notamment en France et à Hongkong
Brice Pedroletti
L
Pékin, correspondant
’écrivain Liu Xinwu est né un 4 juin, le jour de l’anniversaire du massacrede la place Tiananmen. « Ça, c’est indéniable ! », dit-il avec un sourire fugace. Car il n’est pas en Chine, à ce jour, de date plus sensible, plus dangereuse, plus interdite que «liu si », ou « six quatre», comme on dit en chinois où le mois précède le jour: toute mention des événements de la nuit du 3 au 4 juin 1989, des manifestations et de la brutale répression qui a suivi, est taboue en République populaire. Inabordable dans la presse ou dans un livre. «Cela restera toujours extrêmement douloureux que mon anniversaire soit associé à cette date », explique Liu Xinwu à son domicile pékinois, un après-midi ensoleillé d’avril. En Chine, Liu Xinwu est une célébrité : il est l’auteur du Professeur principal (1977), la nouvelle phare de la « littérature des cicatrices », qui, après la période maoïste, a marqué le retour d’un regard plus humaniste sur la société chinoise. Je suis né un 4 juin est un pavé de 1 000 pages dédié « aux étudiants, aux citadins et aux soldats qui ont péri, dans la nuit du 4 juin 1989, d’une mort qui n’aurait pas dû être leur destin ».
Face à l’amnésie officielle,le septuagénaire s’est attelé à un projet généreux et courageux, parfois émouvant : restituer la vérité à travers une mémoire individuelle. « Tous les gens qui sont passés par ce moment devraient pouvoir écrire librement et publier ce qu’ils veulent, explique-t-il. Ces souvenirs doivent être réunis. » Liu Xinwu a pu écrire sur Tiananmen, mais son livre n’est pas paru en Chine: pour l’instant,Jesuisnéun4juinn’existequ’enversion française, publiée en exclusivité mondiale, en mars, par Gallimard. Vaguement inquiet, l’écrivain se demande de quelle intensité sera l’onde de choc lorsqu’elle atteindra la Chine. Car une première publication en mandarin est attendue tout prochainement à Hongkong, territoire chinois qui échappe à la censure de l’Etat. Le travail de fouilles mémorielles auquel se livre Liu Xinwu dans son ouvrage lui a pris six ans. Il ne concernepas que la période de Tiananmen: une fois explorée cette zone interdite, il revisite toute l’histoire de la Chine communiste à travers les péripéties de sa vie d’enseignant puis d’écrivain, et la fréquentation d’une impressionnante galerie de personnages connus et moins connus. Ecrire sans contrainte fut pour l’auteur une « libération ». « Ma dignité d’individu ne supporte pas que l’on m’arrache le droit de remémorer des choses », explique-t-il.
Cahier du « Monde » N˚ 21264 daté Samedi 1er juin 2013 - Ne peut être vendu séparément
Pékin, place Tiananmen, 17 mai 1989. Une étudiante en art dramatique mime la souffrance du peuple chinois. PATRICK ZACHMANN/MAGNUM PHOTO
No man’s land de l’histoire officielle, le 4-Juin est placé sous haute surveillance: Le Grand Massacre, poème prémonitoire écrit la veille du 4 juin 1989, a valu à son auteur Liao Yiwu, aujourd’hui exilé en Allemagne, de longues années de prison. « Le Parti communiste chinois a toujours réussi à faire porter le chapeau à quelques boucs émissaires pour les tragédies traversées par la Chine », affirme le philosophe Xu Youyu, qui fut l’un des premiers à travailler sur la mémoire
« Ma dignité d’individu ne supporte pas que l’on m’arrache le droit de remémorer des choses » Liu Xinwu
écrivain
d’une autre tragédie, celle de la Révolution culturelle. « Très peu de gens considèrent finalement qu’il est criminel. Mais le 4-Juin reste un domaine pour lequel le peuple estime qu’il y a une dette de sang.» En juin 1989, au moment de Tiananmen, Liu Xinwu est un écrivain en vue, membre
du Parti. C’est un « apparatchik culturel », selon l’expression de son traducteur, Roger Darrobers: il est certes progressiste, mais il est parvenu à la tête de la plus importante revue littéraire chinoise, Littérature du peuple, dans les années d’ouverture et de libéralisation politique menées par les secrétaires généraux du Parti, Hu Yaobang puis Zhao Ziyang. Il ne sera pas épargné par la chasse aux sorcières post-Tiananmen : en 1989, Liu Xinwu est limogé pour avoir manifesté contre la proclamationde la loi martiale. Et on lui fait subir une interminable enquête interne. Autour de lui, il assiste aux intrigues des maoïstes et des carriéristes, tandis que certains de ses confrères choisissent de s’exiler. Le moment est grave : va-t-il finir vendeur à la « papeterie des Lettres précieuses », comme il l’imagine ? La situation, écrit-il, « ne sera pas si catastrophique en ce qui [le] concerne » : tout en prenant ses distances avec les organisations officielles, il continue à publier des romans et à participer aux délégations d’écrivains envoyés à l’étranger. Il connaîtra même un regain de notoriété en animant à la télévision, au milieu des années 2000, une causerie régulière sur les secrets du grand roman classique chinois Le Rêve dans le pavillon rouge. Lire la suite page 7
2
0123
Samedi 1er juin 2013
CULTURE & IDÉES VU D’ITALIE
Un roman à 230 mains Fruit d’une écriture collective, «Interritorio nemico» veut démythifier la figure de l’écrivain
Jean-Paul Favand en son Musée des arts forains, à Paris.
Lucie Geffroy
C
ALAN EGLINTON POUR « LE MONDE »
Magicien de l’insolite Bois flottés, automates et «pierres à rêver»: collectionneur d’objets bizarres et spécialiste des arts forains, Jean-Paul Favand expose son bric-à-brac inspiré au Centre des arts d’Enghien-les-Bains Stéphanie Lemoine
J
ean-Paul Favand, le fantasque directeur du Musée des arts forains de Paris, est généralement associé à la fête et aux arts populaires. Des domaines réputés peu sérieux, dont l’image cadre mal avec celle du Centre des arts d’Enghien-les-Bains (Val-d’Oise), concentré sur les écritures numériques. C’est pourtant dans cet espace d’art contemporain que les visiteurs peuvent découvrir les dizaines d’objets qu’il a accumulés au fil des années. Intitulée « Virtualia », la manifestation va puiser dans les nouvelles technologies, des dispositifs interactifs au mapping vidéo, une technique permettant de projeter des images sur de grands volumes, comme des monuments. Mais son bric-à-brac, où se mêlent bois flottés, automates, « pierres à rêver » et dioramas, évoque davantage les cabinets de curiosités de la Renaissance. Une référence que Jean-Paul Favand assume. « Je suis un humaniste, affirme-t-il. J’assemble les objets par analogie. Or, l’analogie est tout l’inverse du classement, qui prévaut de l’Encyclopédie à nos jours. » Grâce à de savants jeux d’éclairage, ses mises en scène d’objets composent ainsi un portrait de l’auteur en artiste, plutôt qu’en collectionneur, car l’élégant sexagénaire observe le monde avec une sensibilité qui n’appartient qu’à lui. « C’est un personnage romanesque, quasifellinien,et sacuriosité s’appliqueà tout cequil’entoure», résumeDominiqueRoland, le directeur du Centre des arts d’Enghien. L’homme est de ceux qui voient dans les nuagesuneprocessiondecréaturesvivantes. Pourlui,lespavésdegrèsquefoulentlesParisienssont des paysagesoù vagabonder.Il a ce talent de dénicher l’objet rare, qui retiendra l’attentionparsaformeousonpouvoird’évocation. Son bureau et son appartement, sis dansleMuséedesartsforainsdeBercy,regorgent de pièces propres à titiller l’imaginaire: cannes chamaniques ornées de motifs animaliers, bois noueux qu’on manipule pour y faire apparaître un elfe ou un dinosaure, grandemain de bois signalantles diseusesde bonne aventure… « Ce sont les objets qui guident ma vie. Ils viennent à moi et j’y vois des signes, des concordances.» Ce goût baroquepour l’insolite et le bizarre explique la singularité de son parcours d’antiquaire, fruit d’une bifurcation précoce après des études de notariat à Saint-Etienne, sa ville natale. « Quand j’ai commencé à exercerce métier,j’aurais dû suivre classiquement l’apprentissage des poinçons et des estampilles, mais j’étais davantage intéressé par les objets qui accrochent l’œil. Ces objets que les autres marchands négligeaient parce qu’ils ne pouvaient pas les coter. Ma paresse m’a amené à créer mon propre monde. »
Tribulum, le magasin qu’il ouvre au mitan des années 1970 dans le quartier des Halles,à Paris, le distinguevite de ses confrères. Caverne d’Ali Baba de l’art brut et des arts populaires,il devient une attractionprisée des Parisiens en général et des surréalistes en particulier. On y croise Dali et Aragon, mais aussi le docteur Ferdière, psychiatre décrié d’Antonin Artaud. Si les sculpteurs César et Tinguely y ont acheté quelques pièces, la plupart des visiteurs y vont pour rêver et s’en mettre plein les yeux. Très vite, Jean-Paul Favand décide de transformer la boutique en bistrot. « En latin, le tribulum désigne une pièce de bois percée de pointes qui sert à battre le blé, explique-t-il. Mais c’est aussi, étymologiquement, le point de rencontre de la tribu. Le nom de l’objet m’a dicté ma conduite. » Dans ce lieu bohème où l’on sirote des « cocktails astrologiques» à base de plantes, l’antiquaire apprend à marier les objets. A partir de 1977, il décline partout ses mises en scène. Au Louvre des antiquaires, dont il est l’un des créateurs, ses expositions-spectacles relèventde la chasse au trésor ou de la séance de divination. Lors de l’inauguration du Forum des Halles, il recrée une fête foraine. De ces diverses expériences, il tire quelques-uns des principes qui feront plus tard l’originalité et le succès du Musée des arts forains. « Il faut émerveiller le public, mais sans le choquer, sinon on le perd. Imaginez le tableau d’une docte et sérieuse assemblée avec, tapie dans un coin, une souris qui les
¶
À VOIR
« VIRTUALIA »
exposition au Centre des arts, 12-16, rue de la Libération, 95 880 Enghien-les-Bains. Jusqu’au 30 juin. Tarifs: plein 22 ¤, réduit 16 ¤, moins de 12ans 12 ¤. Tél. : 01-30-10-85-59. www.cda95.fr MUSÉE DES ARTS FORAINS
Pavillons de Bercy, 53, avenue des Terroirs-de-France, Paris 12e. M˚ Cour Saint-Emilion. Tarifs: adulte 14 ¤, moins de 12 ans 5 ¤. Tél. : 01-43-40-16-22. www.arts-forains.com
« C’est un personnage romanesque, quasi fellinien, et sa curiosité s’applique à tout ce qui l’entoure » Dominique Roland
directeur du Centre des arts d’Enghien écoute. C’est ce léger décalage qui attire l’attention, qui éveille la curiosité. » Son meilleur allié dans cette entreprise est la lumière. Jean-Paul Favand en a eu la révélation grâce au photographe Robert Doisneau.« Je peinsavec l’ombre»,lui auraitil dit un jour. Depuis, le « brocanteur d’idées » s’attache à sculpter les objets à grand renfort d’éclairages. En 1996, il ouvre dans les anciens chais de Bercy un musée privé, où il scénographie sa collection d’objets du spectacle et des arts forains. Il y recourt, en pionnier, au mapping vidéo pour créer un théâtre du merveilleux oufairesurgirun palaisvénitiensur les murs de pierre. Le procédé a requis le travail minu-
tieux d’une équipe d’éclairagistes et de programmateurs. « Dans le théâtre du merveilleux, la vidéoprojection donne l’illusion que l’orgue respire, explique Denis Barbier, le directeur de production du Musée des arts forains. Pour obtenir cet effet, nous avons dû développer des techniques très complexes.» L’équipe verse ainsi dans l’art numérique sans le savoir. Elle en développe tous les credos, à commencer par l’interactivité : au musée, on monte sur lesmanèges, on actionne les attractions, on joue avec les pièces, à contre-courant des institutions où les œuvres sont seulement offertes à la contemplation.Ilfautcroirequela magieopère,puisque le lieu accueille 250 000 visiteurs par an. Plus que son goût du spectacle ou sa collection de manèges, c’est cette façon de puiser dans les technologies les plus avancées pour créer l’illusion qui rapproche JeanPaul Favand des arts forains. « Au XIXe siècle, les forains se nourrissaient de toutes les inventions de l’époque, rappelle Denis Barbier. Ils étaient de véritables ingénieurs.» En témoigne le théâtre mécanique Morieux, acquis par Jean-Paul Favand en 2008. De sa création en 1808 à sa fermeture en 1920, ce spectacle itinérant n’a cessé de promener à travers l’Europe les découvertes de la révolution industrielle, automates et cinéma en tête. Dans le hangar belge où il était entreposé en pièces détachées depuis près de cent ans, l’ex-antiquaire et son équipe ont retrouvé deux dioramas. Inventés par Daguerre, ces tableaux peints sur deux faces s’animaient grâce à un jeu d’éclairages et de transparences. « C’était un spectacle trèsréputéàParis »,expliqueMargaretCalvarin,conservatriceduMuséeAdrien-Mentienne, à Bry-sur-Marne (Val-de-Marne), où est conservé le seul diorama de Daguerre qui nous soit parvenu. « Les spectateurs étaient plongés dans l’obscurité et voyaient se créer sur l’écran l’illusion du mouvement. En somme, les dioramas sont l’ancêtre du cinéma!» Dans « Virtualia », Jean-Paul Favand fait revivre la magie de ces dispositifs. S’il met un soin scrupuleux à respecter les objets, il les a soumis à son propre scénario. L’éruption du Vésuve et la messe à l’église SaintEtienne-du-Mont marquent ainsi une progression dramatique fondée sur l’alternance du jour et de la nuit, ou encore sur le recours à la musique. Cette inventivité signale l’artiste derrière le directeur de musée, et le distingue de ceux dont le métier consiste à conserver ou restaurer un patrimoine. « Il s’efforce de restituer une part de magie et d’illusion qui est très loin d’une démarche de restauration fidèle », observe Manuela Padoan, directrice des archives Pathé-Gaumont, qui connaît bien Jean-Paul Favand. Comme au cinéma ou au théâtre forain, c’est ce qui lui permet de faire rêver les gens. p
inq ans de travail, plusieurs milliers d’e-mails, 4000pages écrites, relues et réécrites par 115auteurs: voici en quelques chiffres l’histoire d’In territorio nemico («En territoire ennemi», non traduit en français), le roman qui compte sans doute, à ce jour, le plus grand nombre d’auteurs. Sorti à la mi-avril en Italie aux éditions Minimum Fax, le livre a fait l’objet d’un engouement critique et public. Quotidiens, blogs et revues littéraires se sont attardés à la fois sur l’exploit technique, sur le débat qu’il suscite autour du statut de l’auteur, mais aussi sur le sujet du roman: la résistance face à l’occupation nazie en Italie pendant la seconde guerre mondiale. «Nous avons déjà dû réapprovisionner plusieurs librairies, affirme Alessandro Grazioli, l’un des responsables de Minimum Fax. Le 25avril, jour de la libération en Italie, il était classé 30e meilleure vente sur Amazon.» A l’origine de cet ovni littéraire se trouve la volonté de deux jeunes écrivains toscans, Vanni Santoni et Gregorio Magini, passionnés de jeux de rôles et de logiciels open source. En 2007, ils fondent une méthode d’écriture collective intitulée « Scrittura industriale collettiva» : ils souhaitent publier « un grand roman chez un éditeur de premier plan», explique Vanni Santoni. A l’époque, le projet avorté «AMillion Penguins», lancé par Penguin Books en Grande-Bretagne, a pourtant agi comme un repoussoir. Calqué sur le modèle de Wikipédia, il permettait à tout le monde de contribuer à l’élaboration d’un roman par l’intermédiaire d’une page Web. L’objet littéraire avait cependant rapidement viré au monstre informe.
Une tradition Pour éviter ce piège, Scrittura industriale collettiva introduit la notion de «division du travail» : ceux qui sélectionnent les textes – les « compositeurs» – n’écrivent pas. Pour le reste, le système, très horizontal, s’inspire de la chaîne de montage fordiste: une fois le thème arrêté («la résistance, parce que ça touche tout le monde»), les participants recueillent des témoignages sur la période. Tout au long de l’élaboration du roman, ils livrent ensuite des «fiches» sur les lieux, les personnages, les situations, etc. Parmi ces fragments, les compositeurs choisissent ceux qui leur semblent les meilleurs. L’objectif est aujourd’hui atteint: on lit avec plaisir ce roman choral qui raconte le destin d’Adele, Matteo et Aldo, séparés par la guerre et prêts à tout pour se retrouver. En Italie, In territorio nemico s’inscrit dans une longue tradition d’écriture collective. Elle remonte à 1929: Lo zar non è morto («Le tsar n’est pas mort») était un roman d’aventure écrit par les futuristes du groupe des Dix, sous la houlette de Filippo Tommaso Marinetti, un écrivain italien du début du XXe siècle. Depuis, la discipline a fait de nombreux adeptes, au point que certains n’hésitent pas à dire que l’Italie est la patrie de l’écriture collective. Ils citent notamment Lettre à une maîtresse d’école (1967), un livre écrit par les élèves de l’école Barbiana et orchestré par don Lorenzo Milani, mais surtout Q (publié aux éditions du Seuil en 2001 sous le titre L’Œil de Carafa), écrit par un groupe d’artistes et d’activistes regroupés sous le pseudonyme de Luther Blissett et dont la dissolution, en 2000, a donné naissance au collectif bolognais Wu Ming. Si In territorio nemico ne contient pas la charge subversive de Wu Ming, ses concepteurs revendiquent une dimension provocatrice. Publier un roman écrit à 230mains est un « acte politique», répètent-ils. « C’est une manière de démythifier la figure de l’écrivain tout-puissant, idolâtré, dont le nom est devenu une marque et qui vend des livres en quantité colossale en dépit de leur médiocrité», explique Vanni Santoni. Une façon aussi de rappeler que, derrière chaque ouvrage, il y a souvent beaucoup plus d’acteurs qu’on ne le pense : traducteurs, documentalistes, correcteurs, etc. C’est pourquoi les noms de tous ceux qui ont participé à In territorio nemico figurent à la fin du roman. Sans exception. p
CULTURE & IDÉES
0123
Samedi 1er juin 2013
3
Scènes de musée Chargés de présenter les œuvres d’expositions de manière attractive, les scénographes prennent du pouvoir. Quitte, parfois, à produire des effets trop appuyés et à indisposer commissaires et conservateurs
L’exposition « Upside down-Les Arctiques », au musée du Quai Branly en janvier 2009. JULIEN CHATELIN/DIVERGENCE
Roxana Azimi
L
es scénographes sont des prédateurs de l’architecture publique. Ils fabriquent du pouvoir. C’est “no limit”. » Rudy Ricciotti n’y va pas de main morte. L’architecte du Musée des civilisations de l’Europe et de la Méditerranée (MuCEM), qui ouvrira ses portes le 7 juin à Marseille,et du départementdes arts islamiques du Louvre, inauguré en 2012, peste contre ceux qui mettent en scène les collections des musées et les expositions. Il ne digère toujours pas le sous-sol du département des arts de l’islam au Louvre, avec son enfilade de vitrines multipliant les reflets parasites et ses panneaux masquant l’escalier qu’il a conçu. « Chaque fois, on glisse vers l’emphase,ajoute-t-il.Il y a une monumentalisation de la scénographie.» Les scénographes auraient-ils pris le pas sur les conservateurs ? De fait, les institutionsse laissentsouventtenter par une mise en scène outrancière. La muséographie du Quai Branly, à Paris, avait donné le tempo en jouant sur la pénombre et l’esprit « jungle». Le parcours en zigzag y favorise l’errance, au point que le visiteur en perd parfois son chemin, sortant du musée la tête chargée d’objets dont il ne saisit pas toujours les fonctions. A trop redoubler d’effets, on privilégie le contenant sur le contenu. Dans l’exposition « Bohèmes», organisée en 2012 au Grand Palais, à Paris, une tente installée par le metteur en scène canadien Robert Carsen masquait littéralement les œuvres de Van Gogh et Fantin-Latour. La même année, la scénographie de Dominique Jakob et Brendan MacFarlane pour « Les Maîtres du désordre », une exposition du Quai Branly consacrée à la notion de chaos, se révélait percutante, mais aussi redondante : la beauté convulsive des pièces n’avait guère besoin d’être soulignée. Sylvain Amic, commissaire de « Bohèmes», réplique aux sceptiques que « les scénographes ne s’imposent pas : on va les chercher. Ils arrivent au bon moment ». Jean-Paul Cluzel, président du Grand Palais, va plus loin : « Chez nous, les scénographes ne font pas la loi, ils nous servent. » Pour lui, la mise en scène participe de la pédagogie. Une médiation au prix élevé : 650 000 euros pour« Les Maîtresdu désordre», sur un budget de 1,2 million d’euros ; 500 000 euros
pour « Bohèmes», sur un budget de 2,5 millions d’euros. Même somme pour « L’Impressionnisme et la mode » au Musée d’Orsay, à Paris, et pour Edward Hopper au GrandPalais – sur unbudgetd’environ 4millions d’euros –, dont la scénographie était pourtant d’une grande simplicité. Toutes les expositions ne sont pas aussi coûteuses: au Musée d’Orsay, la plupart des mises en scène ne dépassent pas 150 000 euros ; au Quai Branly, la consigne est de réduire ce poste à 40 % du budget des expositions ; au Louvre, la muséographie du département des arts de l’islam avoisine les 4 millions d’euros, une paille dans un budget d’aménagement de 98,5 millions d’euros. La charte de l’association Scénographes réclame en outre un droit de représentation et de reproduction, au titre du droit d’auteur – ce qui, en gros, mettrait le scénographesur un pied d’égalité avec le commissaire, l’artiste et l’architecte. Lorsqu’on les interroge, les scénographes affirment travailler main dans la main avec les conservateurs. « Nous avons des objectifs communs avec des outils différents, expli-
« Les puristes, leur job, c’est d’être purs. Le mien, c’est de raconter une histoire » Robert Carsen
scénographe
que Adrien Gardère, scénographe de “La Galerie du temps”, au Louvre-Lens. C’est quelque chose d’infiniment collectif. Chacun apportesa part, mais modifie aussi la part de l’autre. » Pour son confrère Renaud Piérard, muséographe du département des arts de l’islam, « les conservateurs écrivent le livret, les scénographes la musique ». Hélène Fulgence, directrice du développement culturel au Quai Branly, évoque toutefois des « préséances » et précise les places de chacun : « Il est clair que le commissaire inspire et dirige l’architecture.» Cependant, l’un prend parfois le dessus sur l’autre. L’agencement choisi pour « La Galerie du temps » a forcément pesé dans la sélection des pièces exposées : rien
n’étant accroché aux murs – les modules sont en hauteur, dans l’espace –, certaines œuvres,notammentles plus petites,ne peuvent pas être déployées. Y a-t-il eu bras de fer ? « Chacun a eu des convictions qui pouvaient entrer en friction, mais cela a toujours été en grande intelligence », indique Adrien Gardère, le scénographe. Tout est question de souplesse. A la Cité nationale de l’histoire de l’immigration, à Paris, la scénographie épousait la première esquisse de projet de la conservatrice, mais pas son évolution : entre-temps, le dialogue s’étaitgrippé.AuLouvreAbou Dhabi,lesrelationsentre la scénographe Nathalie Crinière, initialementchoisiesur concours,et Laurence des Cars, directrice scientifique de FranceMuséums, ont tourné au vinaigre. Motif ? Un programme scientifique mal ficelé et unecollectionencoreen constitution.Difficile de mettre la charrue devant les bœufs… Les tandems conservateur-scénographe ne trouvent pas toujours le bon dosage. Sur « L’Impressionnisme et la mode », Robert Carsen gratifiait le visiteur d’un final très Disney avec un calamiteux gazon artificiel agrémenté de gazouillis d’oiseaux. « Les puristes,leur job, c’est d’être purs, expliquele scénographe. Le mien, c’est de raconter une histoire et d’aider à concentrer le regard. Il faut créer une atmosphère unique, ce qui n’empêche pas l’exposition d’être moins scientifique que les autres. C’est comme emmener les peintures en vacances. » En vacances ou en parade ? « Les œuvres d’art ne sont pas là pour qu’on se prosterne devant elles mais pour être considérées et regardées, oppose Guy Cogeval, le président du Musée d’Orsay, à ceux qui critiquent les scénographes. Si j’avais été seul à choisir, je n’aurais pas mis le bleu ciel, le gazon et le chant des oiseaux. J’ai discuté sur les murs en pierre, mais Robert Carsen avait une vision de l’exposition et il a rebattu les cartes. » Sylvain Amic, le commissaire de l’exposition « Bohèmes », a accepté les artifices kitsch du papier peint déchiré : le scénographe voulait restituer l’atmosphère d’une mansarde. « On aurait pu se passer d’un ou deux effets, reconnaît-il. Mais je préfère oser que ne pas oser. Produire une scénographie épurée, c’est tout ce qu’il y a de plus facile. Mais, si je l’avais fait, le grand public n’aurait passuivi.Il nefautpasoublierquenosconcurrents, c’est le cinéma et la musique. Avec 8 euros,les gens vont voir Avatar, il faut qu’on ait des arguments à leur proposer.»
¶
SUR LE WEB « LA SCÉNOGRAPHIE D’EXPOSITION, UNE MÉDIATION PAR L’ESPACE »
de Kinga Grzech, dans « La Lettre de l’OCIM n˚96» (2004). Consultable sur le site de l’Office de coopération et d’information muséales, www.ocim.fr LA CHARTE DE L’ASSOCIATION SCÉNOGRAPHES
sur son site www.scenographes.fr
Lesmuséessonteneffetdegrandesmachines à attirer des centaines de milliers de visiteurs. Ils doivent conserver les habitués, qui tiquentsouventdevantl’emphase,maisaussi s’ouvrir à d’autres publics. Avec plus de 180 000 visiteurs, l’exposition « Upside down-LesArctiques», mise en scène par Jean deGastines, a ainsi fait décoller la fréquentation du Quai Branly en 2008. « Il faut plaire à tout le monde, c’est compliqué, mais c’est le cahier des charges, souligne Nathalie Crinière. Il y a une guerre des expositions : c’est un business, il ne faut pas se leurrer.» Certains s’opposent pourtant à cette tentation de l’effet. Nicolas Bourriaud, directeur de l’Ecole nationale supérieure des beaux-arts de la capitale, a ainsi inauguré le 24 avril le Palais des beaux-arts de Paris, le centre d’art de l’établissement, avec un parti pris : utiliser les mêmes cimaises et les mêmes structures pour toutes ses futures expositions. « La scénographie a pris une place exorbitante dans le dispositif des expositions, estime-t-il. C’est la faillite du commissariat, qui doit intégrer cette question dans son travail. » p
LA GRANDE TABLE Les idées de chacun, la culture pour tous Caroline Broué 12h-13h30 / du lundi au vendredi
Chaque vendredi, retrouvez les dossiers et la rédaction du cahier En partenariat avec
franceculture.fr
4
0123
Samedi 1er juin 2013
CULTURE & IDÉES
Inventer la frugalité
Potagers urbains, monnaies locales, énergies douces: selon le philosophe Patrick Viveret, la critique de notre modèle économique, obsédé par la croissance, accouche d’initiatives constructives Propos recueillis par Pierre Le Hir
S
obriété, frugalité, bien-vivre: cesmotssontaucœurdelacritique des sociétés industrielles. Pour lutter contre un modèle jugé aliénant, de plus en plus de citoyens inventent de nouvelles manières de vivre ensemble – transports alternatifs,énergies douces, partage de savoirs. Philosophe et écrivain, créateur d’un cabinet de « conseil en imaginaire», Patrick Viveret a rédigé des rapports sur les politiques publiques et les indicateurs de richesse. Avec Stéphane Hessel, Pierre Larrouturou et Edgar Morin, il a fondé le collectif citoyen Roosevelt 2012, qui défend une société « d’équilibre et de convivialité». « Décroissance », « simplicité volontaire », « sobriété heureuse »… Ces notions évoquent-elles la même posture ? Leur point commun est la critique du modèle dominant, c’est-à-dire d’une forme de croissanceinsoutenablesur les plans écologique, social et, ce qui est nouveau, financier, puisque le terrain même où le système se prétendait le plus fort – le capitalisme financier – est devenu son terrain de fragilité par excellence. Il existe ensuite des différences, selon que l’on se situe principalement du côté de la critique – c’est l’approche en termes de décroissance, de démondialisation et de tout ce qui commence par « dé » – ou qu’on insiste sur l’imaginaire positif, le futur souhaitable, en mettant en avant la simplicité volontaire, la sobriété heureuse, la transition vers des sociétés du bien-vivre plus conviviales. La perspective positive implique une résistance au modèle dominant, mais elle trouve plus subtil et plus efficace de mettre son énergie à construire un nouveau monde plutôt qu’à détruire l’existant. Quels sont l’origine et les fondements théoriques de ce mouvement ? Le terme même de décroissance est relativement récent. Le premier à l’employer a sans doute été, au début des années 1970, l’économiste et mathématicien roumain Nicholas Georgescu-Roegen. Mais les théories sur lesquelles s’appuie ce courant, portées par des penseurs comme Jacques Ellul, Ivan Illich, AndréGorzouPaulAriès,sont pluslarges.Mon ami Serge Latouche, l’un des « papes » de la décroissance, dit lui-même qu’il s’agit d’un «concept-obus» destiné à provoquer un débat public. A mon avis, il s’est transformé en « concept-boomerang», car il est paradoxalement lui-même obsédé par la croissance. Toutes ces théories, entre lesquelles existent des porosités, partagent comme référent culturel la critique de ce qu’Illich caractérisait comme unesociétédel’hétéronomie:unenouvelleforme d’aliénation dépossédant les humains de leur rapport à la nature et à eux-mêmes. « Les limites à la croissance », le rapport du Club de Rome publié en 1972, n’a-t-il pas été un acte fondateur ? LestravauxduClubdeRomeontjouéunrôle importantenalertantsurlesdangersdelacroissance. Par la suite, d’autres études ont contribué à mettre en cause le modèle actuel de croissanceetsonthermomètrequ’estleproduitintérieur brut (PIB). C’est ce qu’ont fait, en 2009, la commission Stiglitz sur la mesure des performances économiques et du progrès social ou, en 2011, la résolution du Parlement européen sur «le PIB et au-delà», visant à mettre en place des indicateurs concernant le progrès social, la qualité de vie et l’état de la planète. Quels sont aujourd’hui la géographie mondiale et le poids des « décroissants » ? Si vous utilisez le terme de décroissance, vousavezunegéographierelativementmarginale. En revanche, si vous parlez de transition vers des sociétés du bien-vivre, vous englobez toutelacatégoriedesculturalcreatives,despersonnesquireprésententdesnoyauxdurscomposésde15%delapopulationetdesnoyauxlarges pouvant aller jusqu’à 30 %. Elle regroupe une multitude de courants, de pratiques et de systèmes de valeurs qui étaient analysés auparavant de façon segmentée, mais qui n’en sont que des sous-ensembles.
Qui sont ces « cultural creatives » ? C’est une approche sociologique fondatrice. On la doit aux Américains Paul Ray et Sherry Andersonqui, en 2000, ont publié les résultats d’une enquête menée auprès de 100 000 personnes, qu’il s’agissait de classer entre modernistes ou traditionalistes. Ils se sont rendu compte que 25 % de leur échantillon n’entrait pas dans les cases et ils ont découvert l’émergenced’unnouveaumodèlesocioculturel,s’exprimant avec une grande cohérence dans des domaines très divers : le rapport à l’écologie, les relations hommes-femmes, la primauté de l’être sur le paraître, l’implication sociale, l’ouverture multiculturelle, la place accordée à la question du sens… Toutes les enquêtes réalisées dans d’autres pays, dont la France, ont confirmé l’ampleur de ce phénomène. L’objection à la croissance est-elle l’apanage des pays développés ? Pas du tout. En Amérique du Sud, notamment,unpuissantmouvementremeten cause le modèle dominant. En 2009, le Forum social mondial de Belém, au Brésil, qui a mis au premier plan la question de la transition vers des sociétés du bien-vivre,a été fortement influencé par des peuples indigènes. Face au caractère insupportable d’une croissance caractérisée par le couple de la démesure et du mal-vivre, au niveau personnel mais aussi planétaire, les modèles privilégiant le couple de la sobriété et du bien-vivre sont de plus en plus partagés. Il estsymptomatiqueque ladémesurepar excellence, celle de la sphère financière, soit régie par des mouvements boursiers procédant, selon l’expression du Wall Street Journal, de deux sentiments, l’euphorie et la panique, qui sont la définition même de la psychose maniaco-dépressive et qui devrait appeler la mise sous curatelle des banques. La sobriété se vit-elle à l’échelle individuelle ou collective ? Le meilleur exemple d’interaction entre les dimensions personnelle et collective est celui des villes « en transition », où des groupes de citoyens prennent des initiatives pour faire face aux crises économiques et écologiques. Le mouvement le plus avancé se situe au Royaume-Uni,où ilest né au milieudes années 2000, mais il s’est largement répandu, par exemple, en région parisienne, à Montreuil ou à Nanterre.Lepointdedépartaétélaquestiondel’après-
pétrole, puisque les modes de production et de consommation de nos sociétés ne pourront plusêtreorganisésautourdel’addictionàcette ressource. La clé est de sortir des logiques de peur et d’impuissance : loin d’une approche catastrophiste, les villes en transition mettent au contraire en avant un imaginaire positif, générant de la confiance et de la solidarité, pour se projeter dans l’avenir. Comment ces groupes agissent-ils au quotidien ? Les potagers urbains, ou jardins dans la ville, en sont une illustration fondatrice, car il s’agit d’une expérimentation très concrète, qui répondà un problèmeréel – en cas de paralysie des transportspar exemple,la sécuritéalimentaire ne serait assurée que pour quelques jours –,toutensuscitantunedynamiquedemutualisation et de solidarité. Il en va de même pour l’accès à l’eau. La question de l’alimentationest un noyau irradiant autour duquel se recrée un liensocialetculturel,avecdesexpressionscréa-
« En Inde, une région a été remise en culture en adaptant des techniques d’irrigation anciennes et en les diffusant sur les réseaux sociaux » Patrick Viveret, philosophe
tives, festives, ludiques. Cela permet aussi de rapprochersavoir-faireancestrauxettechnologies modernes de communication. En Inde, au Rajasthan, une région désertifiée a été remise en culture au bénéfice de 700000 personnes – rien de marginal, donc! – en adaptant des techniques d’irrigation anciennes et en les diffusant sur les réseaux sociaux. Se greffent à ce noyau des initiatives visant à développer des modes de transport alternatifs ou des formes d’habitat qui tendent à l’autonomie énergétique. Comment le local et le global s’articulent-ils? Beaucoup d’expériences prennent appui sur des territoires, tout en étant interconnec-
¶
À LIRE « LA CAUSE HUMAINE. DU BON USAGE DE LA FIN D’UN MONDE »
de Patrick Viveret (Les liens qui libèrent, 2012).
téesauniveauinternational.C’estlecasdessystèmes d’échange privilégiant les rapports locaux, tels que les monnaies éthiques comme le « sol» à Toulouse ou les dispositifs d’entraide – le « ticket de relation cordiale» au Japon, qui favorise la solidarité intergénérationnelle. Au Brésil, le « palmas », une monnaie sociale créée dans une favela, a pris une telle extension que le gouvernement l’a intégré au système monétaire national. Ces mouvements visent-ils une expression politique ? Ils sont très politiques, au sens où ils travaillent la question du vivre-ensemble dans la cité, mais ils sont très réticents à l’égard du modèle classique de partis. Ils cherchent de nouvelles formes de pratique de la démocratie, qualitatives et pas seulement quantitatives, comme le font aussi les « indignés » ou les forums sociaux mondiaux, qui accordent une grande importance aux minorités. Leur approche commence à irriguer le modèle politique traditionnel, impuissant à traiter les questions complexes des sociétés en transition. Sur nombre de sujets, qu’il s’agisse d’énergie, d’écologie, d’aménagement du territoire ou de régulation du système bancaire, l’expertise des associations, des ONG ou de mouvements comme Attac est souvent plus avancée. Certains acteurs politiques commencent à entrer en résonance avec ces nouvelles approches. p
CULTURE & IDÉES
0123
Samedi 1er juin 2013
5
A Saint-Laurent-Médoc (Gironde), Patrick, Marie et leur fils Noé soignent le potager et les poules, cuisent leur pain eux-mêmes et se chauffent au bois. Une vie que le couple a choisie pour consommer moins et renouer avec la nature. RODOLPHE ESCHER POUR « LE MONDE »
Patrick et Marie, «petits colibris» Ce couple de Girondins dit non aux grandes surfaces, oui au poêle à bois. Convaincusque «le système est à bout de souffle», ils se sont convertisà une vie sobre Saint-Laurent-Médoc (Gironde), envoyé spécial
B
onnet de laine enfoncé sur ses boucles blondes, chandail jusqu’aux genoux et bottines aux pieds, Noé, 2 ans, tend la main avec confiance.Le coq a chanté le jour neuf et le soleil va bientôt percer le ciel pommelé. Noé marche déjà comme un grand mais il aime être accompagné par son père, Patrick, ou sa mère, Marie (ils ne souhaitent pas que leur nom de famille soit communiqué), pour la première tâche de la journée : nourrir le petit poulailler. Dans un coin du jardin, une vieille baignoire, achetée sur Le bon coin, récupère les eaux de pluie du lotissement, drainées par des tuyaux. Une pompe, actionnée par l’énergie d’un panneau solaire, en remplit deux citernes qui suffisent à arroser les plantations. Etre autonome en toutes choses, pour l’eau comme pour le reste : c’est le principe. Le potager fait la fierté de Patrick et Marie, après Noé bien sûr, leur « plus belle graine ». Patrick a creusé des tranchées, remonté l’humus en buttes qui, en donnant davantage d’espace aux racines, permettent de planter un peu plus serré. Jour après jour, il enrichit le terreau en tamisant,à lamain,du broyatd’épicéaoude sarment de vigne. Tout autour, il a posé des planches de bois, où il peut s’asseoir pour aérer la terre, faire les semis et ramasser les légumessans secasser lesreins. Ménagerla nature, épargner les hommes. Marie a ajouté sa touche. Des fleurs d’abord: des soucis qui tiennent les lombrics à distance, des capucines dont les
fleurs se mangent en salade, des coquelicots dont les tisanes apaisent le sommeil. Et puis des herbes médicinales, dont elle apprend patiemment les vertus : la mauve, souveraine contre les maux de gorge, ou le thym, qui calme les débuts d’angine. « Ici, nous avons trouvé notre place », disent Patrick et Marie. Ici, à Saint-Laurent-Médoc, un gros villaged’un peuplusde4 000habitantsprès de Bordeaux. Un terroir de vignobles où les châteaux des grands crus classés perpétuent une forme de féodalisme, pas toujours très accueillant pour les néoruraux. Marie et Patrick s’y sont installés voici deux ans, dans un pavillon aménagé au sein d’anciennes écuries. Leur amour de la terre a rendu leur intégration plus facile. Le couple, 31 ans chacun – lui, vif-argent, visage acéré sous des mèches ailes-de-corbeau, elle, épanouie comme une peinture flamande, les cheveux noués dans un turban –, y a trouvé le point d’ancrage dont l’un et l’autre, écorchés par une vie itinérante, avaient besoin. De son enfance dans la campagne vendéenne, elle garde le souvenir de « l’émerveillement de la nature» et d’un début de scolaritéheureuse,dansuneécolealternative. Après avoir vécu à Munich, puis à Paris, où elle enchaîne très jeune les petits boulots, elle est embauchée,grâce à son anglais et son allemand courants, par une grosse société d’informatique. « Je passais mes journées à réparer des ordinateurs. J’en ai fait une overdose. Je ne voyais pas les saisons passer, je ne voyais pas ma vie passer.» Sonparcoursàluin’estpasmoinsnomade. Jeunesse en Allemagne, scolarité interrompueavantlebac,déménagementàBordeaux, emplois saisonniers dans des chais,
doutes existentiels. Il passe alors un BTS d’agriculture, vit deux ans au Bénin, en revient avec la conviction que « c’est ici qu’onpeutfaireévoluerleschoses».Aujourd’hui,il est guide touristique à plein-temps dans une propriété viticole. « Nous sommes des petits colibris, disent Patrick et Marie.Anotreéchelle,mêmesinotredémarche est insignifiante au regard du monde, nous faisons notre part.»
« L’heure n’est plus à s’indigner. Chacun se pose la question de ce qu’il peut faire, près de lui, avec ses voisins » Patrick et Marie
L’image est empruntée à une légende amérindienne sur un incendie de forêt. Les animaux, terrifiés, observent le désastre, impuissants. Seul le minuscule colibri s’active, allant chercher un peu d’eau dans son bec pour la verser sur les flammes. « Tu n’es pas fou? Ce n’est pas avec ces gouttes que tu vas éteindre le feu», se moque le tatou. « Je le sais, mais je fais ma part », répond l’oiseau. L’exemple a inspiré le mouvement des Colibris, qui fédère, en France, de multiples initiatives citoyennes. Lesdeuxjeunesparentssontliésà cecollectif, même s’ils se sentent« un peu seuls» dans le mode de vie qu’ils ont choisi. «Nous ne voulons pas revenir à la chandel-
le, mais nous souhaitons, comme beaucoup,nousreconnecteràla nature,restreindre nos besoins, limiter notre impact sur l’environnement et participer ainsi à l’émergence d’une société du bon sens, économiquement viable, écologiquement durable et socialement équitable, dit Patrick. Etre responsables, tout simplement. Dans la modernité, d’apparence salvatrice, notre génération et celle de nos parents ont oublié l’essentiel.» QuandPatrickn’estpas autravail,aujardin ou dans un stage de formation à la permaculture (une méthode de culture se faisantfort de préserverla diversité,la stabilité et la résilience des écosystèmes) et quand Marie ne s’initie pas à l’apiculture au rucher-école, la journée s’organise autour du poêle à bois, la seule acquisition du ménage. Les canapés, la table de bois brut, les étagères sont des dons, ou ont été trouvés dans des vide-greniers. « Quand on connaît le coût énergétique de chaque produit, on évite d’acheter du neuf et d’accumuler.» Pas de télévision, ce « trou noir qui absorbe les énergies », pas de chaîne hi-fi, juste un ordinateur. « Une vie simple, sans superflu, mais où rien d’important ne manque.» Une décoction de pétales de souci et de feuilles d’ortie, à la douce amertume, infuse sur le poêle. Elle remplace le café. Tout compte,toutestcompté.«Demaiànovembre, nous sommes autosuffisants avec les légumes du jardin. » Le reste de l’année, le foyerse fournitdansles boutiquesbio,toujoursenvrac,pourréduirelesdéchetsd’emballages. Marie achète, par sacs de 20 ou 30kg, la farine d’un paysanboulanger dont elle fait, deux fois par semaine, des miches de pain qu’elle cuit dans son four.
Question de budget, mais aussi de défiance à l’égard des produits vendus en grande surface. « Comment la Sécurité sociale pourrait-elle ne pas être en crise, si les gens mangent mal ?, interrogent-ils. Autourdenous,ilyatouteslesplantesnécessaires pour se nourrir et se soigner. Nous n’inventons rien. Nous ne faisons que redécouvrircequesavaientlesanciens.Lasobriété, c’est d’abord consommer ce qui pousse devant chez soi. » Pour eux, le changement, c’est maintenant et c’est ici. Ils étaient « plutôt de gauche», mais ils n’ont pas voté aux dernières élections. Ils n’attendent plus rien des politiques. « Tant qu’ils n’auront pas le courage dechangerdeparadigme,riennechangera. Ils promettent tous de relancer la croissance, mais, dans la nature, rien ne croît de façon illimitée, et c’est la même chose pour la société capitaliste.» Ils en sont convaincus, «le systèmeest à bout de souffle». Et,en un sens, « la crise est une aubaine», car elle engendre l’éclosion, partout, de « projets alternatifs». « L’heure n’est plus à s’indigner. Chacun se pose la question de ce qu’il peut faire, près de lui, avec ses voisins, dans son quartier. On est dans une transition. Les consciences s’éveillent peu à peu.» Bien sûr, la frugalité n’est pas la recette d’un bonheur sans nuages. Il y a des moments de blues, des déceptions, le difficileapprentissagede laterre,mêmesi«l’effort fait partie de la sobriété heureuse». La nuit est tombée lentement. Le poêle rougeoie de ses dernières braises. Dehors, lalunes’estlevée.«Elleestbelle,notreplanète, dit doucement Marie. Elle mérite qu’on la protège, non ? » Le ciel est jonché d’étoiles. Demain encore, la journée sera belle. p P. L. H.
6
0123
Samedi 1er juin 2013
CULTURE & IDÉES ON EN PARLE
« Star Wars » en coulisses
Une distribution dans les locaux du conseil juif de Varsovie, en mai 1941. BUNDESARCHIV
«Parler de “collaborateurs” pour les conseils juifs me paraît inadéquat» Lesnazisavaientchargédesjuifsd’organiserleurcommunautépersécutée.Etaient-ilscomplices, commelepensaitHannahArendt?Oueuxaussivictimes?Entretienavecl’historienneAnnetteWieviorka tion de ces enclaves est confiée à des Judenrats. On peut dire qu’ils remplissent toutes les tâches d’une municipalité « ordinaire ». Sauf que la situation ne l’est pas.
Propos recueillis par Nicolas Weill
D
eux films, commercialisés coupsurcoupen 2013,portent sur la question très controversée de l’attitude des dirigeants juifs nommés par les nazis pour administrer les communautés vouées à l’extermination, les Judenrats (ou Judenräte, « conseils juifs»). Le premier est Hannah Arendt, de Margarethe von Trotta, sorti le 24 avril. Cette fiction se concentre sur la polémiquequi a entouréla parution,en 1963,dulivre Eichmann à Jérusalem, écrit par la philosophe après le procès du criminel nazi en Israël. Elle y évoquait le rôle néfaste joué, selon elle, par les conseils juifs dans le processus d’extermination. Le second film sortira en octobre. Présenté à Cannes, Le Dernier des injustes est un documentaire de Claude Lanzmann consacré au grand rabbin de Vienne Benjamin Murmelstein (1905-1989). L’auteur de Shoah donne la parole à ce responsable juif du camp-ghetto de Theresienstadt (aujourd’hui en République tchèque). Annette Wieviorka, historienne spécialiste de la Shoah, lève le voile sur les ambiguïtés qui émaillent l’histoire de ces conseils. Pourquoi cette question des Judenrats resurgit-elle aujourd’hui? Il y a un demi-siècle, un film comme celui de Margarethe von Trotta aurait suscité un débat passionné, alors qu’il n’a engendré aucune polémique depuis sa sortie. Cela signifie que ces objets, de brûlants qu’ils étaient au début des années 1960, sont en train de se « refroidir », et qu’on peut peut-être les aborder avec une certaine sérénité. Cette sérénité tient pour l’essentiel au fait que les contemporainsde l’événementne sontpratiquementplus parminous. La question peut être abordée d’un point de vue historique. Historiquement, donc, que recouvre l’expression « Judenrat » ? Dès leur arrivée au pouvoir, en janvier 1933, les nazis ont une obsession: séparer ceux qu’ils désignent comme « juifs » de la population allemande « aryenne ». Les juifs sont empêchés d’exercer certaines professions en contact avec le public, leurs enfants sont chassés des écoles ; et, petit à petit, ils se voient privés des moyens d’exercer toute activité économique. Parallèlement,les nazis veulent que les juifs s’organisent eux-mêmes et prennent en charge leur « économie-croupion», la santé, l’éducation, la culture, etc. Pour ce faire, les Allemands essaient de former une organisation juive unique. Dès le départ, la situation est ambiguë. Une telle organisation est rendue nécessaire puisqu’il faut bien que les juifs se procurent les moyens de survivre. Mais en même temps elle leur est imposée, et ce sont les ordres des persécuteurs qui transitent par elle. Les juifs impuissants sont pris dans ce piège. Après l’écrasement de la Pologne, en 1939, où les juifs constituent une minorité nationale de près de 10 % de la population (et, dans les villes, parfois de 30 % à 50 %), des ghettos sont institués. L’administra-
Annette Wieviorka. DR
¶
À VOIR
« HANNAH ARENDT »
film (1 h 53) de Margarethe von Trotta. Sur les écrans. « LE DERNIER DES INJUSTES »
documentaire (3 h 40) de Claude Lanzmann. Sortie en octobre.
¶
À LIRE
« LES CONSEILS JUIFS DANS L’EUROPE ALLEMANDE »
(collectif), paru dans la « Revue d’histoire de la Shoah » n˚ 185, juillet-décembre 2006. « POUR UNE HISTORIOGRAPHIE DE LA SHOAH »
de Dan Michman (In Press, 2001). « EICHMANN. DE LA TRAQUE AU PROCÈS »
d’Annette Wieviorka (André Versailles, 2011). « EXÉCUTEURS, VICTIMES, TÉMOINS »
de Raul Hilberg (Folio, 2004).
Qui sont ces dirigeants juifs qui, de gré ou de force, acceptent de jouer ce rôle ? En règle générale, ceux qui sont choisis sont d’anciennes personnalités communautaires. Le terme de « collaborateur» me paraît inadéquat car il ne s’agit nullement, au moins dans la tête de ceux qui forment les conseils juifs, de « collaborer » avec les nazis – comme c’est le cas par exemple des collaborateurs dans la France occupée. Il s’agit de protéger les juifs de ce qui est en train de leur arriver, même si ce qui leur arrive dépasse les persécutions du Moyen Age ou les massacres commis par les cosaques de Bogdan Khmelnitski au XVIIe siècle, qui ont laissé une tracedansla mémoire juivede Pologneet de Russie. Même si la questionreste débattue entre historiens, la décision de la « solution finale » n’est prise au plus tôt qu’en juin 1941, avec l’invasion de l’URSS, et au plus tard en décembre1941, lors de l’entrée en guerre des Etats-Unis. Hannah Arendt soutient que les juifs auraient dû refuser de former ces Judenrats. Selon elle, le chaos qui aurait suivi aurait été meurtrier, mais le nombre des victimes aurait été moindre. Qu’en pensez-vous? Ce passage du livre Eichmann à Jérusalem a dès le départ été insupportable. D’une part, il relève de l’Histoire avec des « si ». D’autre part, le petit nombre d’historiens compétents à l’époque de la polémique, dont le Français Léon Poliakov, l’a d’emblée considéré comme défendant une position intenable. Qui s’est révolté au moment où les nazis fondent sur l’Europe ? On voit mal pourquoi les juifs, qui étaient une nation sans Etat et sans armée, auraient été à eux seuls capables d’opposerunerésistance passive ou active. Cette opinion me semble par ailleurs stupide, puisqu’on savait déjà, et on le sait plus encore aujourd’hui, qu’un grand nombre des juifs assassinés l’ont été au cours de la « Shoah par balles », sans qu’aucune organisation juive intervienne dans le processus. Peut-on reprocher à ces conseils juifs d’avoir mal interprété la rationalité nazie, mal compris les intentions de leurs persécuteurs ? La perversité de ce système tenait à l’implicationdes victimes dansleur proprepersécution. Je pensequecertainsdirigeantsjuifsn’onteffectivementpas correctementinterprétécetterationalité nazie. Le président du conseil juif de Lodz, Chaim Rumkowski, était persuadé que les juifs pouvaient être utiles aux Allemands parce qu’on avait installé, autour du ghetto, des ateliers de confectionpour l’arméeallemande.Aujourd’hui, cette illusion du salut par le travail nous semble absurde. Mais en même temps on célèbre un Schindler qui a sauvé des milliers de juifs en les embauchantdanssesentreprisesetonleconsidère comme un Juste parmi les nations. Personne, en revanche, ne célèbre le fait que les survivants du ghetto de Lodz faisaient partie de ces travailleurs. Y avait-il, du reste, une rationalité nazie unique? Ne faut-il pas distinguer entre celle du
service de sécurité du Reich, des SS, de Heydrich et Eichmann, des militaires? Il était bien difficile de percevoir ce qui se passait. Certains juifs l’ont quand même compris. Ce fut le cas de l’équipe de l’historienEmanuelRingelblum,enfermédans le ghetto de Varsovie, qui s’efforçait de rassembler archivessur archives. A un moment,les éléments ainsi récoltés ont pris sens, et le groupe a compris que les juifs étaient destinés à l’annihilation. Il faut un courage hors du commun pour formuler cela. Chacun peut en faire l’expérience quand il est confronté à la maladie d’un être cher qui va déboucher sur sa mort. Les amis de Ringelblum ontfaitsortircetteinformationdughetto.Ellen’a pas convaincu tout le monde à l’époque. Ce n’est d’ailleurs pas parce qu’on a compris qu’on peut agir. Du groupe Ringelblum ne sont demeurés que trois survivants. Peut-on dire que, jusqu’au livre d’Hannah Arendt au début des années 1960, la question des Judenrats a été mise sous le boisseau par les communautés juives ? Pas du tout. La première étape a été la multiplication de procès de kapos (policiers juifs ou membres de divers conseils juifs) dans les camps de personnes déplacées dans l’Allemagne vaincue et occupée par les alliés. Il y a eu des procès à Amsterdam et en France. Le Conseil représentatif des institutions juives de France a constitué un jury d’honneur pour juger l’Union générale des israélites de France – créée par Vichy en 1941 sur demande allemande – qui n’est pas tout à fait un Judenrat. Cette démarche n’a pas abouti à grand-chose, il est vrai. La punition, qui a d’ailleurs été celle de Benjamin Murmelstein, a généralement consisté à la mise au ban de la communauté juive. Les tribunaux communautaires, en France et aux PaysBas,ne pouvaientprononcerque des condamnations symboliques, mais la question a été ouvertement posée, comme le montrera la fameuse loi israéliennede 1950 qui poursuitles criminels nazis et leurs collaborateurs : il est évident qu’aucun des députés de la Knesset qui la vote ne pense alors à des criminels nazis… Cette question sera débattue en Israël de façon constante. Le procès Eichmann à Jérusalem en 1961 n’a donc pas brisé un tabou ? Le procès Eichmann a d’abord été un grand procès. Il a été d’une importance décisive dans la perception de la Shoah grâce aux témoins qui se sont succédé à la barre, qu’on continue à pouvoir voir et entendre puisque les débats ont été filmés. Leurs récits restent aussi sidérants que bouleversants. En revanche, le portrait qu’en tire Arendt est daté. Il est tributaire des discussions des années1950 et 1960 qui portaient sur le point de savoir ce qui faisait qu’on devenait nazi ou non, sur la personnalité autoritaire, etc. Aujourd’hui, on considère que l’imprégnation idéologique des exécuteursétait plus importante qu’on ne le pensait du temps d’Hannah Arendt. Les SS étaient persuadés que « le juif » était l’ennemi de l’Allemagne, et que si on ne le détruisaitpas, c’est l’Allemagnequi serait anéantie. C’est dans ce cadre de référence que les nazis ont agi. Il n’a pas été pris en compte par Arendt dans sa théorie de la « banalité du mal ». p
Petits secrets entre amis : pour le trentième anniversaire de la sortie du Retour du Jedi, le troisième opus de la saga « Star Wars», la revue américaine Wired offre aux fans 30 détails sur la création du film. En voici quelques-uns. Le Retour du Jedi a été tourné sous le nom de code Blue Harvest : Horror Beyond Imagination, inspiré d’un roman policier de Dashiel Hammett, Red Harvest. Richard Marquand, le réalisateur, n’était pas le premier choix des producteurs, qui auraient préféré Steven Spielberg, David Cronenberg ou David Lynch. Les Ewoks, les mammifères humanoïdes vivant sur la lune forestière d’Endor, parlent parfois le tagalog, une langue pratiquée aux Philippines, et, surtout, le kalmouk, la langue mongole de la Kalmoukie. Le nom d’Endor rappelle un village visité par le roi Saül dans la Bible. On le trouve aussi dans Le Seigneur des anneaux de Tolkien – il s’agit du nom elfique de la Terre du Milieu. Au départ, George Lucas voulait que la lune Endor soit habitée par des Wookies, les humanoïdes velus dont Chewbacca est le représentant. Mais il s’est rendu compte que celui-ci, étant capable de conduire le vaisseau « Faucon Millenium», pouvait difficilement incarner un être primitif des forêts. Il a donc fallu inventer les Ewoks et leur mode de vie. Les joies de l’heroic fantasy. > « 30 Things You Didn’t Know About “Return of the Jedi”», en anglais, de Graeme McMillan, sur le site de « Wired» : www.wired.com
L’art grec et la crise Le Journal des arts en ligne et la revue L’Œil de juin l’annoncent sobrement: « Le contexte économique à Athènes met de nombreuses œuvres sur le marché. » Ainsi, à Paris, la maison Piasa organise le 24 juin une vente d’art grec du XXe siècle. Elle a été supervisée par l’historien de l’art et journaliste Dimitri Joannidès, qui a sélectionné 100 œuvres d’artistes déjà connus, estimées entre 2 000 et 120000 euros. Selon lui, les collectionneurs grecs qui vendent « sont prêts à perdre un peu parce qu’ils ne disposent plus forcément de liquidités ». Quant à la revue L’Œil, elle écrit : « Comme le malheur des uns fait souvent le bonheur des autres, il pourrait y avoir de bonnes affaires à réaliser pour les amateurs d’art.» A Athènes, du 16 au 19 mai, s’est tenu Art Athina 2013. Cette foire d’art contemporain avait été suspendue en 2012 pour cause de récession. Cette année, les organisateurs ont baissé de 40% le tarif des pavillons d’exposition. Sur le site sur la Grèce Ekathimerini.com, associé à l’International Herald Tribune, on lit : « L’aspect financier mis à part, le travail montré cette année est particulièrement intéressant et, sans surprise, une grande partie est inspirée par la crise. » > « L’hémorragie grecque», dans « Le Journal des Arts» : lejournaldesarts.fr
La vie numérique
Des « jeux sérieux» ou « Serious Games» permettant de découvrir une ville avec les yeux des animaux ou de diriger une ferme viticole. La présentation d’une nouvelle génération d’instruments électroniques aidant l’amateur à pratiquer la musique. La mise à disposition de lunettes à « réalité augmentée» permettant de marcher tout en interagissant avec l’environnement. Une application pour portable présentant les lieux de sortie d’un quartier. Un laboratoire où découvrir les dernières possibilités de l’impression en 3D. Une séance de danse et de football faite par les robots humanoïdes Cogibot. Des colloques sur le numérique éducatif et les entreprises cognitives du futur… Si vous voulez participer à tout cela, et beaucoup plus, si vous doutez encore des capacités des nouvelles technologies à améliorer votre vie, allez faire un tour avec vos enfants à « Futur en Seine, le festival du numérique» du 13 au 23 juin, au Centquatre, à Paris. > Le programme: www.futur-en-seine.fr
RECTIFICATIF
Les FRAC
Les Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC) possèdent 26 000 œuvres, et non 146 000 comme nous l’avions écrit dans « Culture & idées » du 18 mai. C’est l’ensemble des collections publiques qui comptent 146 000 œuvres.
CULTURE & IDÉES
0123
Samedi 1er juin 2013
7
Soigner l’amnésie chinoise A partir de ses souvenirs personnels,Liu Xinwu, célèbredans son pays, a écrit«Je suis né un 4 juin», paru en mars en France. Commed’autres intellectuels, l’auteurpékinois veut lutter contre les mensonges d’Etat. A commencer par Tiananmen ¶
Suite de la première page
À LIRE « JE SUIS NÉ UN 4 JUIN »
Je suis né un 4 juin est pour Liu Xinwu la première expérience d’asile littéraire : si ses mémoires ont été publiées en France et non en Chine, c’est parce que le pacte autobiographique qu’il passe avec le lecteur aurait été impossible dans son pays. « Je me contenterai de relater ici de manière précise ce que j’ai pu voir et ressentir, avecpour seul dessein de produireun document sincère», écrit-il. Afin de prévenir le retour des tragédies passées, le devoir mémoriel est pour lui une urgence. « Nous vivons aujourd’hui un moment d’amnésie collective d’une exceptionnelle intensité, affirme-t-il. C’est aussiun momentexceptionnellementdifficile pour maintenir la mémoire.» Pour Stéphanie Balme, chercheuse à Sciences Po, « le rapport à la mémoire plus qu’à l’Histoire et surtout la transmission de la mémoire traumatisante du XXe siècle posent un problème fondamental à l’Etat chinois pour se moderniser politiquement, en particulier pour concevoir un projet institutionnelhors du cadre du parti unique». La Chine « se réclame d’un passéofficiellargement mensonger, poursuit-elle, même s’il est nourri, par moments, d’archives et de témoignages collectés par des citoyens ordinaires et des historiens amateurs, et d’écrits d’auteurs chinois semi-censurés ou diffusés seulement à l’étranger». Liu Xinwu s’est lancé dans l’écriture de sesmémoiresen 2004.De passageen France, en 2010, il remet une clé USB à son traducteur. « J’ai eu l’impression qu’il voulait avant tout mettre son texte à l’abri en attendant qu’il puisse le sortir un jour en chinois», raconte Roger Darrobers. L’écrivain semble alors hésiter à publier son ouvrage en France ; peut-être attend-il la parution, en Chine, des quarante volumes de son œuvre intégrale, qui aura lieu en 2012. Liu Xinwu finit par donnerle feu vert à Gallimard; mais quand on l’interroge, il affirme écrire avant tout pour les Chinois: nombre d’entre eux visitent Hongkong, et les versions piratées de livres interdits circulent vite en Chine. De plus en plus d’intellectuels et d’écrivains chinois recourent à une publication hors de leur pays afin de faire vivre une pensée alternative et une version de l’histoire libre de toute intrusion politique. C’est, pour beaucoup, une manière de « subvertir le système du mensonge avec la vérité», selon l’expression de Liu Xiaobo, le Prix Nobel de la paix emprisonné. C’est ainsi à Hongkong, et non en Chine, que le journaliste et historien Yang Jisheng a publié pour la première fois, en 2008, son époustouflante enquête sur la grande famine de la fin des années 1950, Stèles. Cette contribution majeure à la connaissance de la folie maoïste est dédiée à son père adoptif, « mort de faim en 1959, aux 36 millions de Chinois qui sont aussi morts de faim, au système qui a causé leur mort, et peut-être à moi-mêmepour avoir écrit ce livre». Certains écrivains, comme Yu Hua, ont eux aussi éprouvé le désir de commettre, une fois dans leur carrière couronnée de best-sellers, un ouvrage plus politique. Eux aussi ont publié à l’étranger. Dans La Chine en dix mots, sorti en exclusivité mondiale en France en 2010 chez Actes Sud, Yu Hua quitte ainsi la protection qu’offre en Chine la fiction pour se rappeler le sentiment d’exultation qu’il ressentit, un soir de juin1989, devant les milliers de Pékinoisqui défiaientl’arméeaprès l’intervention sanglante et inouïe des tanks dans les rues de la capitale. Le dernier roman de Yan Lianke, Les Quatre Livres, a lui aussi été uniquement publié en mandarin à Hongkong. L’écrivainy transfiguredans un récitquasi biblique une séquence de l’histoire chinoise, celle des camps pour intellectuels « droitiers», à partir de 1957. Yan Lianke continue à résider à Pékin, mais il a pris position, dans un texte publié en avril dans le New York Times, contre « l’amnésie d’Etat » : « Que vous soyez écrivain, historien ou sociologue, vous recevrez pouvoir, célébrité et argent aussi longtemps que vous êtes prêt à ne voir que ce qui est autorisé et à détourner votre regard de ce qui n’a pas l’autorisation d’être regardé. » Il nourrit, conclut-il,
de Liu Xinwu (Gallimard, 1024 p., 35 ¤). « LE GRAND MASSACRE »
de Liao Yiwu (L’Harmattan, 2008). « STÈLES »
d’Yang Jisheng (Seuil, 2012). « LA CHINE EN DIX MOTS »
d’Yu Hua (Actes Sud, 2010). « LES QUATRE LIVRES »
d’Yan Lianke (Picquier, 2012). « LE LIVRE D’UN HOMME SEUL »
de Gao Xingjian (Points, 2008).
« POUR UN MUSÉE DE LA RÉVOLUTION CULTURELLE »
de Ba Jin (Bleu de Chine, 1996). L’écrivain Liu Xinwu chez lui, à Pékin. SIM CHI YIN POUR « LE MONDE »
un espoir naïf : celui qu’« un mémorial de l’amnésie soit érigé un jour place Tiananmen, où seraient gravés tous les souvenirs douloureux de la nation chinoise». Point culminant des cycles de répression du maoïsme, la Révolution culturelle (1966-1976) s’est un temps imposée comme un continent à explorer d’urgence : l’écrivain Pa Kin (Ba Jin en chinois) fut le premier à s’atteler à la tâche, dans un recueil d’essais autobiographiques publiés en 1987 en Chine et en 1996 en France. Il avait alors appelé à édifier un musée de la Révolution culturelle « qui rappelle à chacun quel fut son comportement pendant dix ans, qui fasse tomber les masques, qui creuse les consciences, qui dévoile le vrai visage de chacun ». Dans son sillage, le Franco-Chinois Gao Xingjian, Prix Nobel de littérature en 2000, exilé en France, était allé très loin
Dans « La Chine en dix mots », Yu Hua quitte la protection de la fiction pour se rappeler le sentiment d’exultation qu’il ressentit, un soir de juin 1989, devant les milliers de Pékinois qui défiaient l’armée dans l’évocationde la culpabilitédes bourreaux de la Révolution culturelle, à travers le portrait du narrateurdu Livre d’un homme seul, qui n’a jamais été publié en Chine. Cette fenêtre de liberté et d’introspection s’est ensuite refermée et aucun musée de la Révolution culturelle digne de ce nom n’a vu le jour en Chine. Le couvercle posé sur la mémoire de Tiananmen y est pour quelque chose : il s’est alourdi ces dernières années à mesure qu’ont ressurgi les appels à la démocratisation. Contre toute attente, le limogeage en 2012 du dirigeant néo-maoïste Bo Xilai, emporté dans un scandale protéiforme, a cependant rouvert une brèche, encore fragile, en faveur du combat pour la mémoire : les persécutions des années 1950, mais aussi la Révolution culturelle, bénéficient aujourd’hui d’un appel d’air dans la presse chinoise dite libérale et sur Internet. Avec son « 4 juin », dont la version hongkongaisevasansaucundouteagiterlablogosphère chinoise, Liu Xinwu est à présent en première ligne. « La mémoire, écrit-il, a besoin d’être entretenue. Une de ses nourritures devrait être le courage.» p
le guide
des festivals de l’été Musiques, cinémas, expos, scènes, livres 250 festivals en France et dans le monde
Un supplément de 80 pages avec les inRocKuptibles cette semaine
8
0123
Samedi 1er juin 2013
CULTURE & IDÉES
Photographie amateur montrant Mehmet Ali Agça, nationaliste turc, tentant d’assassiner le pape Jean Paul II sur la place Saint-Pierre à Rome, le 13 mai 1981. DR
Peu avant l’explosion de quatre bombes à Londres, le 7 juillet 2005, une caméra de surveillance filme, à la gare de Luton, quatre individus suspectés d’être responsables de l’attentat. DR
Djokhar et Tamerlan Tsarnaev, suspectés de l’attentat qui a fait trois morts et 170 blessés lors du Marathon de Boston, sont saisis dans la foule qui assiste à l’événement le 15 avril. DR
Image issue d’une vidéo amateur montrant Michael Adebolajo, l’un des deux suspects du meurtre d’un militaire britannique, peu après l’attaque le 22 mai à Londres. REUTERS
Pris sur le fait Des caméras de surveillance ou des vidéastesamateurs avaient déjàsaisi par hasard des images de terroristes.Mais, avec l’attentat de Woolwich, où les meurtriersprésumés ont incitéles passants à les filmer aprèsle crime, le terrorisme est entré dans l’ère numérique
images |
Eric Albert
M
Londres, correspondance
ercredi 22 mai à 14 h 20, les photos et vidéos de terroristes en action sont entrées dans une nouvelle ère : celle de l’instantané numérique. A cet instant précis, un jeune Britannique d’origine nigériane, Michael Adebolajo, les mains en sang, est filmé par un passant. Il revendique le meurtre du militaire Lee Rigby, qui gît à quelques mètres de là, tué à coups de machette et de couteau. La victime semble avoir été choisie au hasard, simplement parce qu’elle sort de la caserne de Woolwich, au sud-est de Londres, et que son T-shirt porte l’inscription « Save the heroes», nom d’une association d’aide aux soldats blessés. Les images sont relayées en boucle sur les réseaux sociaux, les sites Internet et les télévisions. Si Michael Adebolajo et Michael Adebowale, les deux tueurs présumés, s’étaient enfuis, l’affaire aurait sans doute été classée au rang des faits divers. Mais ils ont attendu la police, incitant les passants à les filmer et à les prendre en photo. Ils ont expliqué leur geste en tenant un discours islamiste sur l’invasion de « leur » pays par les soldats britanniques. Leurs arguments ont été enregistrés par les téléphones portables des badauds. Quatre heures et vingt minutes plus tard, la chaîneITVNewsdiffusaitla vidéoamateur.L’enregistrementdeMichaelAdebolajo,tenantencoresesarmesblanchesà lamain,a faitletourdela planète numérique. Une photo en a été tirée, et elle a été mise à la « une » de journaux dans le
monde entier dès le lendemain – Le Monde l’a publiée, dans ses pages intérieures. Où situerces imagespar rapportà celles d’actes terroristes produites dans le passé ? A part. On connaît les documents spectaculaires réalisés lors de certains attentats – c’est le cas, bien sûr,desavionspercutantlestoursdu WorldTrade Center, le 11 septembre 2001 à New York. Les terroristes savaient que leur action serait filmée puisqu’ils agissaient dans la ville la plus médiatique du monde. Dans un autre registre, il y a les centaines d’images,contrôléeset diffuséesparlamouvance djihadiste, que le chercheur Abdelasiem El Difraoui a décryptées dans son essai Al-Qaida par l’image. Il y a également les vidéos revendiquant et justifiant les attentats suicides, préalablement enregistrées par des kamikazes. Ou encore les mises en scène visuelles d’exécutions macabres. La décapitation du journaliste américainDanielPearl,en2002,enestlesymbole le plus violent : cette vidéo a été préparée et éditée par les assassins, qui ont inséré des images de Palestine dans le montage. L’exécution n’est pas montrée dans son intégralité, mais la vidéo comprend des séquences insoutenables. Il arrive également que les auteurs d’attentat soient filmés à leur insu, notamment par des caméras de surveillance. Ce fut le cas pour les attentats de Bombay, en Inde, en 2008, qui ontfait166 morts: lors de cesattaquescoordonnées dans une gare et plusieurs hôtels de luxe, les assaillants avaient été filmés malgré eux pendant les événements, qui avaient duré trois jours. Les caméras d’une gare de Londres ont aussi immortalisé, en 2005, les quatre kamikazes du métro qui ont provoqué la mort de 52 personnes. L’image de ces hommes portant ungrossacà doc contenantunebombeestlong-
temps restée ancrée dans l’imaginaire collectif britannique : parce qu’ils paraissaient se fondre dans la foule, ils ont donné le sentiment queles terroristesislamistespouvaientressembler à tout le monde. C’est sans doute ce même sentiment qu’ont ressenti les Américains en découvrant, peu de temps après l’attentat de Boston, les images montrant, parmi la foule, les deux terroristes tchétchènes portant casquettes et lunettes de
Pour la journaliste Sue Llewellyn, montrer cette vidéo relève d’un « encouragement » au terrorisme et néglige le respect envers la famille du soldat assassiné
¶
À LIRE « AL-QAIDA PAR L’IMAGE »
d’Abdelasiem El Difraoui (PUF, 424 p., 32 ¤).
soleil. Réalisées peu avant l’explosion des bombes posées à l’arrivée du marathon, ces images ont été extraites de vidéos amateurs faites par des badauds qui ne se doutaient évidemment pas qu’ils côtoyaient deux terroristes. Parce qu’elles ont été prises par des non-professionnels,les photosde Bostonfont écho à cellesprisesle 13mai1981sur la placeSaint-Pierre,à Rome, lors de la tentative d’assassinat du pape Jean Paul II : dans la foule, on aperçoit une arme pointée vers le pape et une partie du visage de celui qui la brandit, Mehmet Ali Agça, membre d’une organisation nationaliste turque.
Ces images ont été prises par des fidèles ou des touristes présents sur la place romaine, qui ont vendu leurs pellicules à des photographes professionnels cherchant la scène-clé. Difficile, dans ce cas, de ne pas penser à la formule de Roger Thérond, l’ancien directeur de Paris Match: « Chaque fois qu’il y a un fait divers, une catastrophe, un acte terroriste, il y a un photographe qui a pris l’image. » Avec l’assassinat de Woolwich, l’image change cependant radicalement de registre : c’est la première fois que des terroristes ne fuient pas, ne se cachent pas, s’exhibent même devant les passants afin que l’on voie leur visage et, indirectement, que l’on parle de leur combat. Ils ne contrôlent pas les images, ils les sollicitent, sachant très bien que la généralisation des smartphones (production) et d’Internet (diffusion) fera le travail à leur place. L’utilisation de ces images fait cependant débat. Michael White, journaliste du Guardian, àLondres,s’estagacésurTwitterpeuaprèsl’attaque: pour lui, les médias «jouent le jeu djihadiste » en « surdramatisant une attaque horrible mais de petite taille (et amateur ?) ». Une autre journaliste britannique, Sue Llewellyn, partage cette opinion et parle d’« horreur gratuite ». Pourelle, montrercettevidéorelèved’unvéritable « encouragement» au terrorisme et néglige le respect envers la famille du soldat assassiné. Ces appels à la modération médiatique semblent cependant vains. La volonté de voir et de comprendre est la plus forte, et le fait de cacher une image susciterait sans doute des soupçons de complot. La concurrence entre médias, chacun craignant que l’autre publie la photo avant lui, a achevé de faire tomber les dernières réticences. En témoignent les « Exclusive» qu’ITV News a ajoutés à la vidéo lors de sa diffusion. p
Samedi 1er juin 2013
3,525 millions de chômeurs en France fin avril: nouveau record
Motorola offre aux Etats-Unis son premier smartphone made in America
LIRE PAGE 4
LE MINISTRE DE L’AGRICULTURE VEUT DONNER UN NOUVEAU SOUFFLE À LA FILIÈRE BIO
t La décision de Google,
qui possède l’équipementier, relance le débat sur la «relocalisation » de la production outre-Atlantique. Un phénomène qui reste marginal LIRE PAGE 3
LIRE PAGE 6
La cigarette électronique fait de plus en plus d’adeptes. Même les cigarettiers s’y mettent
Greg Brown, le patron de Motorola Solutions, filiale de Google, le 5 février, à Washington. ALEX WONG/GETTY IMAGES/AFP
LIRE PAGE 6
INÈS DE LA FRESSANGE RETROUVE SA GRIFFE
Autoentrepreneurs: les «poussins» s’organisent t
Bercy souhaite restreindre l’accès à ce statut créé en 2009
L
es autoentrepreneurs s’insurgent. Sylvia Pinel, la ministre de l’artisanat et du commerce, prépare un projet de loi qui doit restreindre les possibilités d’accès à ce statut qui, s’il ne pèse pas lourd dans l’économie, constitue un levier pour la création d’entreprises. Le texte en préparation répond à une revendication des artisans, qui estiment que les autoentrepreneurs leur font une concurrence déloyale. Aujourd’hui,un autoentrepreneurnedoit pas réaliser un chiffre d’affaires supérieur à
81 500 euros pour une activité d’achat et de revente et à 32 600 euros pour les prestations de services. Mme Pinel souhaite faire une distinction entre les autoentrepreneurs qui adoptent ce statut pour exercer une activité d’appoint ou « secondaire» et ceux qui en ont fait une activité principale. Ces derniersne devraientpouvoirbénéficierdu régimequependantdeuxans. Uneactivitéserait dite « principale » si son chiffre d’affaires annuel dépasse 10 000 euros dans les services, et 26 000 euros pour les commerçants.
55,9 % en 2012
Plus d’une entreprise créée sur deux est une autoentreprise
PLEIN CADRE
PERTES & PROFITS | par J ean- B apti s te J acq ui n
Course à la démesure au centre commercial
Le Pentagone et les dollars de Wall Street
Pour relancer la fréquentation, qui s’érode d’environ 1% par an, le « mall» de demain mise sur le grandiose et le bling-bling. Et sur les technologies de l’information, grâce auxquelles les commerçants pourront pister les clients. LIRE PAGE 2
L’ÉCLAIRAGE Malgré la crise, la gouvernance des banques reste inchangée
Simon Johnson (Sloan School of Management) dénonce la paralysie des conseils d’administration et des régulateurs face à l’arrogance et aux erreurs des dirigeants des banques géantes, auxquels la crise n’a, semble-t-il, rien appris. LIRE PAGE 8
KKR
S
exe, argent et pouvoir. Cette association vieille comme le monde a nourri bien des polars et des films. Mais, cette fois, la réalité dépasse les scénarios d’Hollywood. Un patron de la CIAest contraintde démissionner pour avoir eu une liaison extraconjugale, et se retrouve quelques mois plus tard dans l’état-major de l’un des plus puissants fonds d’investissement de Wall Street. Le personnage principal de cette saga est le général quatre étoiles David Petraeus, 60 ans. Un héros de la guerre d’Irak, qui a également coordonné la force internationale en Afghanistan avant d’être nommé patron de la CIA. Mais une affaire de mœurs avec sa biographe de vingt ans sa cadette, suivie d’un rocambolesque feuilleton, devait le conduire à démissionner de la célèbre agence, le 9 novembre 2012, au lendemain de la réélection de Barack Obama. Jeudi 30 mai, le Wall Street Journal a révélé que
M.Petraeus rejoindrait KKR. Il va y présiderun nouvelinstitut créé spécialement,leKKRGlobalInstitute, avec une mission de recherche sur les grands équilibres économiques, le rôle des banques centrales et les risques dans les pays émergents. Mais c’est bien son expérience et son carnet d’adresses dans les capitales du monde entier et les grands groupes américains qui font saliver Wall Street. KKR, qui pèse 76 milliards de dollars (58milliardsd’euros),estspécialisé dans les rachats d’entreprises par LBO, c’est-à-dire en finançant l’opération avec une grosse part de dette.
Pacte secret Wall Street et le Pentagone ont-ils un pacte secret ? On ne peut pas qualifier cette crainte de pur fantasme. Mais il faut la relativiser. Les fonds d’investissement et les banques d’affaires, aux Etats-Unis comme dans la vieille Europe, ont de tout temps recruté des anciens responsables publicspour profiterde leur entregent. Pas besoin d’imaginer des scénarios d’espionnage pour comprendre que cela aide à
Cahier du « Monde » N˚ 21264 daté Samedi 1er juin 2013 - Ne peut être vendu séparément
Dansce contexte,lesgroupementsprofessionnels d’autoentrepreneurs – la Fedae et l’UAE – ont décidé de ne plus participer aux négociations engagées par la ministre. En parallèle, certains autoentrepreneurs se sont regroupés de manière informelle pour afficher leurs revendications sur le Net. Ils se font appeler les « poussins», en référence aux « pigeons» qui ont fait reculer François Hollande sur ses projets de taxation des plus-values de cession, à l’automne 2012. p
conclure des affaires. Le fonds Carlyle avait ainsi recruté parmi ses conseillers officiels un certain George W.Bush, ancien président des Etats-Unis. Iln’empêche,certainsinvestissements dans des entreprises de pointe à l’étranger ont un aspect stratégique qui intéresse les industriels américains de la défense, et donc le Pentagone. Au point que, sous la présidence de Jacques Chirac, le ministère de la défense avait commandé à la délégation aux affaires stratégiques une étude sur « les fonds américains en Europe». Mais, à croire les analystes américains, ce n’est pas tant les connexions en Europe de l’expatron de la CIA qui intéresseraient KKR. Sa capacité à analyser les risques économiques et politiques dans les pays émergents et à y identifier des cibles potentielles serait son atout. Paradoxalement, il n’y a pas de quoi se rassurer. Cela confirme la baisse relative d’intérêt des investisseurs américains pour les entreprises européennes. p
[email protected]
LIRE PAGE 4
LIRE PAGE 3
J CAC 40 3 985 PTS – 0,27 % j DOW JONES 15 324 PTS + 0,14 % j EURO-DOLLAR 1,3023 J PÉTROLE 101,70 $ LE BARIL J TAUX FRANÇAIS À 10 ANS 2,09 % 31/05 - 9 H 30
Un monde nouveau à créer
EN PARTENARIAT AVEC
CHEZ VOTRE MARCHAND DE JOURNAUX
2
0123
plein cadre
Samedi 1er juin 2013
Le futur centre commercial Aéroville, près de Roissy, ouvrira ses portes le 17 octobre. L’AUTREIMAGE
L
es ouvriers s’agitent au milieu des grues. La façade de verre qui porte déjà la lettre A a encore les pieds dans la boue. A cinq mois de son ouverture,lenouveaucentrecommercial Aéroville, à deux pas de l’aéroport de Roissy (Val-d’Oise), est encore en chantier: à l’intérieur, les coques des magasins ressemblent à de gigantesques box de parking en béton, les gaines sont à nu, les Escalator bâchés… Valérie Britay, directrice générale des centres commerciaux d’Unibail-Rodamco enFrance,estvenuecejeudi30maiprésenterleprojetàlapresse.Hormisl’ergonomie d’ensemble, rien ne laisse penser que le 17 octobre, à l’ouverture du centre, ce sera un tout autre décor : un piano-bar pour prendre un verre, un « point de vue » pour observer les avions décoller, le premier cinémaultramoderneduproducteuretréalisateur Luc Besson avec service en salle et réservation des numéros de siège… Sur 84 000 mètres carrés – soit une superficie plus importante que le Forum des Halles à Paris – s’étalera le dernier cri de l’urbanisme commercial concocté par Unibail. Fini les espaces clos, les galeries marchandes étriquées, qui dès l’entrée donnent envie de sortir. Le centre commercial du futur ressemble à un gigantesque « mall » à l’américaine, presque digne de rivaliser avec ceux de Dubaï. Comme lui, il mise avant tout sur l’esbroufe. Delaverdureenveux-tuen voilà,duverre, du parquet, de l’Inox, du marbre et, surtout, des façades de boutique démesurées. A Aéroville, les vitrines des 200 boutiques mesureront entre 5,6 et 8 mètres de hauteur,unepremièreen Europecontinentale. Dans le grand ensemble de 80000 m2 qui sortira de terre dans un an à Villeneuve-laGarenne (Hauts-de-Seine), elles feront « entre 4,5 et 6 mètres pour laisser s’exprimer l’enseigne, alors que jusqu’à présent le standard c’était 4 mètres », précise Alain Taravella, PDG d’Altarea Cogedim. Le promoteurn’a paspeurdu bling-bling: pourle centre de Nice Cap 3000, il envisage une extension de 26 000 m2 sur la mer pour donner l’impression qu’elle rentre dans le centre commercial. Dans le 15e arrondissement parisien, dans le centre commercial Beaugrenelle, qui ouvrira le 23 octobre après complète reconstruction, une œuvre d’art trônera dansleslieux.«Onthéâtralisepourinterpeller, étonner, susciter l’envie du consommateur», souligne Maurice Bansay, président fondateur du promoteur Apsys. Quant à Vill’Up, l’autre projet d’Apsys prévu pour l’automne 2014 à La Villette à Paris, un simulateur de chute libre de 30 mètres de hauteur sera l’attraction phare. Il ne s’agit plus de pousser les gens à consommer. Il faut les capter. Car la fréquentation dans les centres commerciaux en France s’érode depuis 2008 d’environ 1 % par an. « Et pour attirer un consommateur sollicité par un tas de canaux de distribution [commerce en ligne, de proximité…], il faut lui offrir des éléments spectaculaires, plutôt bluffants », estime Jean-Michel Silberstein. Le délégué général du Conseil national des centres commerciaux(CNCC)citeenexemplel’Atoll,cecentre commercial de la Compagnie de Phalsbourg qui a ouvert en avril 2012 à AngersBeaucouzé (Maine-et-Loire). «L’Atoll, c’est l’exemple typique. Il y avait déjàdeux centrescommerciaux,on pouvait penser qu’il n’y avait peut-être pas de place pour un troisième. Mais on s’aperçoit que la puissancequ’il dégage,son architecture originale, son système de circulation intérieure attirent des gens de Nantes ou SaintNazaire». Dans ce gigantesque ensemble de 71 000 m2 à l’entrée de la ville, pas de supermarché, ni de cinéma pour faire venir les consommateurs. Mais un design futuriste en forme de galette blanche trouée qui le fait ressembler à un ovni. « A l’intérieur, on y entre le Stade de France», se plaît à dire Philippe Journo, PDG fondateur de la Compagnie de Phalsbourg. Navettes
Démesure au centre commercial
Pour attirer les visiteurs, le «mall» de demain mise sur le grandiose et le bling-bling
EN FRANCE, LA FRÉQUENTATION DES CENTRES COMMERCIAUX S’ÉRODE D’ENVIRON 1 % PAR AN DEPUIS 2008
électriquesassurantletourducentre,lounge VIP, espace événementiel… tout est fait pour en mettre plein la vue. Et ça marche : en un an,près de 6,5millionsde visiteursse sont déplacés, un chiffre à comparer à un objectif de 2 à 3 millions. Si on construit de plus en plus de gros centres, explique M.Silberstein, c’est précisément parce qu’ils rayonnent plus loin. Lesclientsmettentparfoistrentevoirequaranteminutespourvenir,contredixminutes pour les petites centres et vingt pour les moyens.Quandilsévoquentlecentrecommercialdufutur, tousles spécialistescitent le cas des deux malls de l’australien Westfield à Londres (Westfield London ouvert en 2008 et Stratford City en 2011 près du parc olympique), qu’ils ont évidemment tousvisitésetdécortiqués.Pasd’hypermarché,250 à 300 boutiques,de l’animationen permanence pour adultes et enfants, et du gigantisme à l’état pur. « Quand on a visité le premier, on a fait “wahou !”, c’est vraiment quelque chose de novateur, ça nous a beaucoup inspirés», confie Mme Britay. «C’est l’exemple de ce que l’on peut faire dans une zone peu urbanisée, et plutôt pauvre, à côté du parc olympique, juge M. Silberstein. Mais ce centre par sa puissance physique, celle de ses enseignes, attire tous les Londoniens. Avec un pôle de restauration comme élément d’attractivité essen-
tiel.Vousn’yallezpas simplementdéjeuner, vous êtes en voyage. L’alibi du divertissement et de la restauration est un cocktail qui fonctionne très bien.»
C
’est d’ailleurs le pari d’Aéroville, qui sera le premier des centres Unibail en France à tester le nouveau concept au nom barbare de dining experience. Le règne du sandwich a vécu. Les restaurants serviront la cuisine du monde et auront chacun leur propre terrasseintérieure.Des animationsévénementiellesautourde la cuisines’y dérouleront. A la Maquinista, le centre commercial de Barcelone où Unibail a tenté l’expérience,entrejuillet et décembre2012,la fréquentation a augmenté de 7 % en moyenne, de 24 % le dimanche et de 14% le soir. Une fois pris dans les mailles du filet, encore faut-il que les visiteurs délient les cordons de leur bourse. Or, « on voit de manière plus marquée depuis le début de l’année l’effet de la baisse de la consommation sur le chiffre d’affaires des commerçants : la fréquentation reste la même, mais le panier moyen recule » indique M. Taravella. Et ce qui marche de moins en moins ? La culture, nous dit M. Taravella. Concurrence d’Internet, des nouveaux outils numériques… « A Villeneuve-laGarenne, il y aura 150 boutiques, et 95 %
CONCIERGERIE, CONSEILLER EN SHOPPING… SERONT MIS À DISPOSITION DES DÉTENTEURS DE CARTE DE FIDÉLITÉ
des surfaces sont déjà louées. On a toutes les grandes marques, mais nous n’arrivons pas à faire venir une enseigneculturelle. De la même manière, ce qui va manquer, c’est un Darty ou un Boulanger.Mais ces gens-là n’ouvrent plus de magasin, alors qu’il y a un besoin. » Apple et la pharmacie, ajoute-t-il, sont les deux enseignes qui marchent le mieux au centre commercial de Cap 3000, « ce sont elles qui font les deux plus grosses progressions de chiffre d’affaires sur un an ». Les centres commerciaux misent aussi surles services.Voiturier,conciergerie,personal shopper pour ceux qui n’ont pas le goût sûr et veulent être conseillés… mis à disposition de ceux qui ont la carte de fidélité et acceptent de livrer en contrepartie quelques informations personnelles. En septembre2012, le groupe Eurocommercial a lancé un système de points de retrait descolis, pourséduirela clientèlequi achète sur Internet et vient récupérer ses courses à l’accueil du centre de Moisselles (Vald’Oise)). Et pour pousser à la consommation ceux qui viennent chercher leurs emplettes, on leur remet des chéquiers de coupons de réduction à valoir dans le centre. L’expérience est visiblement si concluante – 120 colis sont récupérés par jour – qu’elle devrait être généralisée. p Cécile Prudhomme
Dépensez… vous êtes pistés CONNAÎTRE précisément le comportement de leurs visiteurs, c’est le rêve ultime des propriétaires de centres commerciaux. Et il deviendra peut-être réalité avec l’implantation des nouvelles technologies de communication dans ces temples de la consommation. Dès cet été, celui d’Italie 2 (exGalaxy), dans le 13e arrondissement de Paris, aura achevé son lifting. Inauguration officielle prévue pour septembre. Des grands travaux de rénovation du sol au plafond pour redonner un coup de fraîcheur. Mais surtout un système informatique commun à l’ensemble du centre sur lequel pourront se relier tous les commerçants pour envoyer aux passants des messages publicitaires ou des offres temporaires de réductions, sur des panneaux d’affichage digitaux.
C’est là le point de départ à la mise en place de futurs développements: un système de GPS, indiquant où l’on a garé sa voiture dans le parking, ou encore, grâce à la société Path Intelligence, un traçage du comportement des visiteurs. Quiconque entrera dans le centre avec son téléphone allumé sera immédiatement détecté «de manière anonyme», précise Jean-Philippe Mouton, président de Hammerson France. «Temporairement, on stockera votre numéro de téléphone qui sera immédiatement détruit en sortie. On ne saura pas qui vous êtes, sauf si vous avez une carte de fidélité du centre et que vous avez accepté que l’on vous envoie des notifications par le téléphone», poursuit-il Grâce à ce système, «on peut suivre en direct l’itinéraire des consommateurs. Est-ce qu’ils restent devant
la vitrine sans entrer dans le magasin? Quelle est l’autre boutique où ils vont aller ensuite?… », explique M.Mouton. Une mine d’informations qui permettra de réorganiser l’emplacement de ses commerces, en fonction de leurs affinités, ou pas.
Miser sur la carte de fidélité Un grand bond en avant dans la connaissance du client quand on sait que le système actuel, déclaratif, repose sur un «sondage tous les deux ans où on prend 1 000 personnes au hasard à qui on demande combien ils ont acheté, combien de temps ils sont restés, et quels autres centres ils fréquentent…», ajoute M. Mouton. Chez Eurocommercial, qui vient de rénover le Passage duHavre à Paris, près de la gare Saint-Lazare, on mise sur la carte de fidélité et les cadeaux. «Au centre commercial Plai-
ne de France, à Moisselles [Hauts-deSeine], il y a des gens qui viennent chaque jour passer leur carte de fidélité sur les bornes interactives pour voir s’ils ont gagné un bon d’achat, une promotion, un cadeau», expliquent Cécile Limousin, responsable marketing d’Eurocommercial France et directrice du Passage duHavre, et Nicolas Bourimoff, directeur commercial pour la France. En 2014, le groupe pourrait associer ces récompenses au montant des achats effectués dans le centre commercial, en couplant la carte de fidélité et un porte-monnaie électronique rechargeable avec lequel le client fera ses courses. « Là, on aura les données de la personne, on pourra suivre son parcours de course et le récompenser à l’acte d’achat», expliquent-ils. p C. Pme
économie & entreprise 3
0123
Samedi 1er juin 2013
MotorolaassembleraunsmartphoneauxEtats-Unis
Google,qui possède l’équipementier,veut redorer une image écornée par ses pratiques en matière d’évasionfiscale New York Correspondant
Des indicateurs économiques mitigés
P
lus fonctionnel, moins cher, et… américain ! Le directeur général de Motorola, Dennis Woodside, a fait d’une même pierre plusieurs coups, jeudi 30 mai, lorsqu’il a présenté son nouveau modèle de smartphone,le Moto X. Ses capacités devraient non seulement être plus évoluées que celles des produits actuels d’Apple et Samsung, mais contrairement à ces derniers, ce téléphone sera aussi « made in America », pour ceux qui estiment que l’expression
La croissance du produit intérieur brut américain a été révisée en légère baisse, à 2,4 % en rythme annualisé de janvier à mars, a annoncé, jeudi 30 mai, le département du commerce des EtatsUnis. Cette deuxième estimation, moindre que la première évaluation (2,5 %), n’a pas perturbé les investisseurs. Ces derniers ne se sont guère plus affolés de voir les nouvelles inscriptions au chômage en hausse surprise de 2,9 % pendant la troisième semaine de mai. Les promesses de ventes de logements se sont par ailleurs inscrites en légère augmentation en avril mais à un rythme nettement inférieur aux attentes. Résultat : Wall Street a faiblement progressé jeudi, ces indicateurs mitigés semblant écarter provisoirement le risque d’un changement de cap de la politique monétaire accommodante de la banque centrale américaine.
Pour fabriquer Moto X, le groupe va embaucher 2000salariés au Texas « made in » fait encore sens: si l’essentieldes piècesquile constituent continueront pour l’essentiel d’êtreproduitesenAsie,l’assemblage final – qui ne représente que 10% du coût total de fabrication de la machine – sera effectué à 70 % aux Etats-Unis,au Texasplus précisément. C’est une première : actuellement, aucun smartphone n’est fabriqué ni même assemblé aux Etats-Unis, pourtant de loin le premier marché au monde du mobile. Mais Google, qui a racheté Motorolaen2012,chercheàredorersonblason en rapatriant aux Etats-Unis une activité créatrice de ces fameux « bons emplois» que vante dèsqu’illepeutleprésident,Barack Obama. Et à faire la différence en termes d’image avec Apple, désormais son concurrent numéro un, dont les pratiques en matière d’évasion fiscale sont – comme celles de Google – très critiquées outre-Atlantique. La firme à la pomme, qui ne produit rien aux Etats-Unis, a pour sa part annoncé en décembre2012 qu’elle assemblerait bientôt des Mac sur les terres américaines. Chaque annonce du type de cel-
Eric Schmidt, le patron de Google, présente des smartphones de sa filiale Motorola, le 5 septembre 2012, à New York. SPENCER PLATT/GETTY IMAGES/AFP
le de Motorola relance un débat américain récurrent : quelle est la réalité de ce qu’on appelle le « reshoring»–littéralementle«réamarrage»,ondiraitenFrancela«relocalisation» de la production – un thème qui a émergé depuis la campagne électorale américaine comme l’un des enjeux du débat. Lesentreprisesaméricainesproductrices de biens rapatrient-elles de plus en plus leurs activités? En vérité, personne ne centralise ce type de données aux Etats-Unis. Harry Moser, un ex-PDG de PME qui a créé la Reshoring Initiative, recense les informations disponibles. Il a dénombré 181 entreprises américaines ayant relocalisé une partie de leurs activités depuis
deuxans, mais seules 35 ont fourni des données de créations d’emplois. Il estime, en les extrapolant, que les relocalisations ont créé 50000 emplois aux Etats-Unis en 2011-2012. Soit 2000 par mois. Un chiffre à comparer aux besoins d’un marché du travail de 155 millions d’individus, qui devrait créer 200 000 emplois par mois en moyenne pour surmonter durablement le chômage. Pour faire assembler son Moto X, Motorola va embaucher 2 000 salariés au Texas. Qu’il fera travailler sur un ancien site de Nokia, à Fort Worth, qui employait avant sa fermeture, il y a quinzeans… 16000 personnes. Les promoteurs de la relocalisa-
En Chine, les entreprises européennes perdent leur optimisme Conjoncture Seules 29% pensent faire des profits dans le pays d’ici à 2015 Shanghaï Correspondance
L
aferveurdesentrepriseseuropéennes pour la Chine s’estompeàmesureduralentissement qui touche l’empire du Milieu. Seules 29 % des plus de 500entreprises interrogées dans le sondage annuel de la chambre de commerce européenne,publié jeudi 30 mai, sont optimistes sur la possibilité d’y réaliser des bénéfices au cours des deux prochaines années. Ce niveau est le plus faible depuislacréation,en2004, decette étude, et représente un décrochage significatif par rapport aux 34 % à 36 % enregistrés les quatre années précédentes. Cette année, 49 % de ces acteurs européens répondent « neutre » sur ces perspectives de rentabilité sur les prochains vingtquatremois, contre 44% en 2011. Les facteurs affectant négativement les entreprises européennes sont clairement identifiés : 63 % d’entre elles citent la hausse du coût de la main-d’œuvre, dans un pays où les travailleurs deviennent un peu moins corvéables et où le gouvernement vise 13 % de hausse moyenne des salaires jusqu’en 2015. Autant d’entreprises évoquent le ralentissement de la croissance.
Ce constat est en phase avec la réévaluation à la baisse, par le Fonds monétaire international, de ses prévisions de croissance chinoise cette année. Mercredi, le FMI a estimé que le produit intérieur brut (PIB) du pays progressera de 7,75 % en 2013, alors qu’il anticipait jusqu’alors une croissance de 8 %. Ce réajustement est marginal dans les chiffres mais a une portée symbolique. La Chine a connu son rythme de progression le plus faible depuis treize ans en 2012, à 7,8 % de croissance, et le Fonds indique qu’il la voit désormais se placer juste en dessous en 2013.
Réduction des monopoles Aumomentoù les Européensse divisent sur l’opportunité d’imposer des droits de douane punitifs surles panneauxsolairesen provenance de Chine, 45 % des entreprises européennes considèrent avoir manqué des opportunités du fait de l’accès au marché et de l’environnement réglementaire. Les chiffres montrent que toutes n’ont pas les épaules pour réussir ici : les entreprises de grande taille, implantées de longue date, jouissent d’une meilleure rentabilité. Malgré ces déconvenues, l’attractivité de la deuxième économie du monde reste considérable:
64 % des sondés voient la Chine gagner en importance dans la stratégie globale de leur groupe. Les trois quarts disent être sur place, avec pour première motivation de fournir le marché local. Comme possibles moteurs de performance pour la Chine à l’avenir,76 %des entrepriseseuropéennes citent l’état de droit et la transparencedans les affairesgouvernementales. Parmi les sondés, 68 % jugent également essentielles une concurrence équitable et une réduction des monopoles, tandis qu’un pourcentage similaire mise sur les progrès de la consommation intérieure. Pourtant, si les défis et leurs solutionssont identifiés,50 %doutent en revanche de la capacité des dirigeants chinois à mettre en place des réformes significatives. « Malgré une rhétorique montante de la part des hauts dirigeants chinois sur les efforts qui seront mis en place pour transformer et égaliser l’environnement réglementaire, en donnant davantage de poids aux forces du marché, les entreprises européennes perçoiventjusqu’à présentpeu de changements concrets », a relevé le président de la chambre, Davide Cucino, en présentant ce rapport annuel. p Harold Thibault
tion citent souvent les mêmes exemples pour conforter leur conviction d’un processus qui serait lent mais réel : il s’agit en général de PME rapatriant d’Asie leurs activités, dans des domaines commelamétallurgieoulamécanique. Tel est le cas de Suarez Manufacturing, un fabricant d’appareils dechauffagequi avaitdélocaliséen Chine avant de revenir il y a deux mois produire dans son Ohio originel (en un lieu nommé CantonNord, ça ne s’invente pas). En mars, Sleek Audio, un petit fabricant d’écouteurs haut de gamme, est revenu de Chine en Floride. Lesargumentsenfaveurdu«reshoring » sont connus : un ouvrier américain plus compétent, plus
compétitif et moins cher au sortir de la crise, un transport naval renchéri face à des coûts énergétiques américainsà la baisse,un dollar pas cher, des aides publiques… Dans une note de conjoncture, Jan Hatzius,l’économisteen chefdelabanque d’affaires Goldman Sachs, écrivait en mars que « les Etats-Unis sont devenus une place beaucoup plus attractive pour produire». Et, à en croire le rapport annuel de l’Institute for Management Development (IMD) de Lausanne, publié mercredi, les Etats-Unis ont retrouvé en 2013 leur place de pays le plus compétitif au monde, devant la Suisse et Hongkong. L’IMD évoque « un secteur financier en rebond, une abondance d’innovations tech-
nologiques et des sociétés performantes». Les adeptes d’une reprise à venir delaproductionde biensauxEtatsUnis tirent aussi argument de la hausse des investissements industriels des entreprises étrangères dans le pays. Là, les exemples sont plus nombreux, et plus connus: de Bayer à Michelin, de Rolls Royce à Bridgestone. Les Américains suivront, pensent-ils. Harold Sirkin, auteur d’un rapport optimiste du Boston Consulting Group, « La remontée des exportations et les relocalisations pourraient aider à créer jusqu’à 5 millions d’emplois en 2020 » (21 septembre 2012), n’est pas impressionné par la faible dimensionactuelleduphénomène.Latendance, dit-il, est tracée. « Cela prendra du temps. On ne commencera à s’en rendre compte qu’en 2015. » p Sylvain Cypel
Inès dela Fressangeretrouvel’usagede sa marquegrâceà de nouveauxfinanciers Mode Nombre de stylistes ont perdu le contrôle de leur griffe
Q
uatorze ans après en avoir été évincée, Inès de La Fressange effectue son grand retour au sein de la marque de mode qui porte son nom. L’ancienne égérie de Chanel peut prendre à nouveau la direction artistique de sa griffe, après le rachat de cette dernière par un pool d’investisseurs privés pilotés par Fabrice Boé. Cet ancien président de Prisma Médias, qui fut aussi directeur général de Lancôme (L’Oréal), puis d’Hermès, assurera la direction de cette entreprise. Il a réuni deux fonds d’investissements, Calao Finance et the Luxury Fund, basé à Dubaïet déjàactionnaireducouturier Elie Saab. Une kyrielle d’actionnaires privés participe aussi au nouveau tourde table, dontChristopheChenut(ex-Lacoste),Didier Quillot(exLagardère Médias), Geoffroy Roux deBézieux(VirginMobile),Christophe Cuvillier (Unibail-Rodamco) ou Gonzague de Blignières (EquistonePartners).Leprixdelatransaction payée à l’ancien propriétaire, François-Louis Vuitton, n’a pas été dévoilé. Les nouveaux actionnaires souhaitent développer l’entreprise à l’international et relancer des collections de mode, accessoires et art devivre.Aujourd’huieneffet,l’activité demeure très franco-française
et le chiffre d’affaires de 2013, est évalué à 20 millions d’euros. Fabrice Boé mise sur « l’image de la Parisienne chic et élégante » de cette mannequin devenue femmed’affaires,qui conseilledenombreuses marques de luxe, dont le chausseur Roger Vivier. Inès de La Fressange s’est pour sa part déclarée « enchantée de cette nouvelle étape qui va créer un nouveau souffle pour la marque ». Elle est « heureuse de revenir à la création» et de « retrouver le mouvement de la mode».
Combat juridique Celle qui a défilé pour Christian Dior, Jean-Paul Gaultier ou Christian Lacroix fait partie de la cohorte de ces créateurs de mode qui ont, souvent à la suite d’un conflit avec leurs actionnaires, perdu l’usage de leur marque. Inès de la Fressange avait créé la sienne en 1991,aveclesoutiend’Orcofi(leholding d’Henry Racamier, ex-patron de Louis Vuitton). Ce dernier souhaitait ouvrir plusieurs dizaines des boutiques mais, avant d’y parvenir, il a cédé l’entreprise à son neveu, François-Louis Vuitton. Ce dernier n’a pas réussi à rendre l’affaire florissante et a voulu en 1999, mettre fin à son association avec la styliste. Au terme de cinq ans de rude combat juridique,
elle n’a pas recouvré l’usage commercialde sonnom. Depuis,les collections vendues sous sa marque n’étaientplussignées de sa main et ne reflétaient ni son style ni ses goûts. Perdre l’usage de son nom et donc une partie de son identité, fait partie des déconvenues de nombre de créateurs de mode. Madame Grès en fit les frais avec Bernard Tapie. Jean-Louis Scherrer connut la même douloureuse expérience avec l’homme d’affairesAlainDumenil.LejaponaisKenzo, qui avait vendu sa marque à LVMH,a dû créerunenouvellegriffe, Kenzo Takada, son patronyme. Quand Christian Lacroix a été vendu par LVMH aux frères Falic, il n’a pas eu son mot à dire. La liste est longue : les robes Hervé Léger ne sont plus signées par leur créateur. Les collections Helmut Lang non plus. Martine Sitbon vend désormais ses collections sous la marque Rue du Mail. Chantal Thomass, qui avait perdu l’usage de son nom et de sa marqueen1995apu,aprèsdenombreuses péripéties, racheter en 2012, 34 % du capital de sa griffe, aux côtés de Chantelle. Jil Sander, elle aussi, a réussi son retour en grâce en reprenantla directionartistique de la griffe qui porte son nom. p Nicole Vulser
4
0123
économie & entreprise
Samedi 1er juin 2013
L’éditeur du dernier Autoentrepreneurs: la contestation Montebourg monte contre le projet de réforme en dépôt de bilan Le gouvernement prépare un projet de loi qui durcit les conditions d’accès au statut
D
u redressement productif au redressement judiciaire, il n’y a parfois qu’un pas. C’est celui que vient d’effectuer à son grand dam Bréal, un éditeur d’ouvrages scolaires et universitaires, mais aussi du livre le plus récentd’ArnaudMontebourg,Antimanuel de politique (2012). En difficulté depuis des années, l’entreprise avait espéré que cet opus connaîtrait le même succès que l’Antimanuel de philosophie signé de Michel Onfray ou celui de littérature rédigé par François Bégaudeau. Et qu’il épongerait ainsi une partie des pertes. Seulement voilà : écrit par M. Montebourg durant la campagne électorale, l’ouvrage est sorti après sa nomination à Bercy. Pris par d’autres priorités, le ministre n’a pas assuré la promotion de son livre, dont « le ton contestataire ne correspondait plus à ses nouvelles fonctions», glisse-t-on chez Bréal. Résultat:desventestrèsinsuffisantes pour sauver l’éditeur.
La maison se retrouve, comme ses rivaux, confrontée à l’arrivée d’une génération d’étudiants qui vit avec Internet La maison a déposé son bilan fin avril et a été placée en redressement judiciaire. Les auteurs, dont Bernard Maris, Marcela Iacub et Joann Sfar, viennent d’être avertis. «Ce n’est pas la fin, assure Cécile Colonna, qui dirige la société fondée par son père, Jean-Michel Zunquin. Nous avons un repreneur en vue, et nous serons encore là cet été avec de nouveaux ouvrages pour les libraires.» Maisc’en seraa priori fini de l’indépendance que revendiquait Bréal depuis quarante-quatre ans. Une histoire symptomatique des bouleversements dans l’édition, et de la façon dont les entreprises les plus fragiles peuvent se retrouver balayées. D’autres sont déjà tombées au champ d’honneur, comme Desclée de Brouwer, Max Milo ou François Bourin. Fondé en 1969, Bréal s’est d’emblée spécialisé dans les manuels scolaires et parascolaires, avec un point fort : les précis destinés aux élèves de classes préparatoires. Longtemps, la maison a été portée par la massification de l’enseignement supérieur. Les dernières
années ont été plus rudes. En particulier sur le marché scolaire, devenu ultraconcurrentiel. Les poids lourdscommeHachetteouNathan se sont mis à multiplier les sorties. « Prenez les manuels de français pour la seconde, explique Mme Colonna. Chaque grande maison en propose désormais un axé sur la littérature, un autre sur la méthode, un troisième tout-en-un. Au bout du compte, il y a 22 manuels en lice au lieu d’une dizaine. Et les profs n’en choisissent qu’un…» La concurrence se révèle d’autant plus féroce que de nombreux éditeurs proposent désormais des ouvrages accompagnés de CD ou de DVD. Des investissements trop lourds pour les poids plume comme Bréal. Pourtenterdes’ensortir,lasociété a choisi, en 2008, d’arrêter l’édition scolaire et lancé un plan social portant sur 12 personnes, près de 40% de l’effectif. A l’époque, les salariés concernésavaientcontestélemotiféconomique invoqué, et mis en cause la structure de contrôle de la PME, un montage financier opaque passant par le Luxembourg. Aujourd’hui, «c’est de nouveau mon père qui est le premier actionnaire », précise Mme Colonna. Après le plan de 2008, la maison a retrouvé un peu d’oxygène. Puis la crise est arrivée. En2011 et 2012, les comptes ont replongé dans le rouge.«Onn’avaitplusledroitàl’erreur. Or, on en a commis », reconnaît la dirigeante. Bréal a relancé quelquesouvrages scolaireset s’est diversifié dans les livres grand public, une politique marquée par plusieurs échecs. Et, côté universitaire, la maison se retrouve, comme ses rivaux, confrontée à l’arrivée d’une génération d’étudiants quivitavecInternet.«Poureux,l’acquisition de connaissances ne passe plus forcément par le support papier », résume un éditeur. Un choc difficile à encaisser. A présent, la directrice prépare un plan de sauvetage en deux volets. D’une part, Bréal va cesser de distribuer lui-même ses livres. «Avec un chiffred’affaires demoins de 3 millions d’euros, cela ne se justifie plus. » La diffusion sera désormais assurée par Dilisco (Albin Michel). D’autre part, l’édition ellemême devrait être reprise par un grand groupe. Bréal pourrait alors ne plus représenter que 5 ou 6 personnes, contre 17 aujourd’hui et 35 en 2007. p
www.monde-diplomatique.fr
Denis Cosnard
JUIN 2013
MONDIALISATION
Au Bangladesh, les meurtriers du prêt-à-porter Chez votre marchand de journaux
28 pages. – 5,40 €
L’essentiel des créations d’entreprises est le fait d’autoentrepreneurs CRÉATION D’ENTREPRISES PAR ANNÉE SELON LE TYPE DE RÉGIME CHOISI
PART DES AUTOENTREPRENEURS ÉCONOMIQUEMENT ACTIFS À LA FIN 2010, SELON LE SECTEUR D’ACTIVITÉ, EN % DES REVENUS NON SALARIAUX ET DES EFFECTIFS NON-SALARIÉS
Sociétés Entreprises individuelles Auto-entreprises 320 019
Dans les revenus
358 588
Les 10 premiers secteurs d’activité des autoentrepreneurs Enseignement
Dans les effectifs
Arts, spectacles et activités récréatives 291 849 307 478
Information et communication Services administratifs et de soutien Activités scientifiques et techniques Santé et action sociale (hors prof. libérales) Coiffure et soins de beauté
169 631
107 871
99 792
91 282
82 968
Commerce de détail Industrie (hors artisanat commercial)
161 808 152 303 163 656 166 657 159 529 2008
2009
2010
2011
2012
L
es autoentrepreneurs sont en colère contre le projet du gouvernement de modifier leur statut. Une fraction d’entre eux, autobaptisée les « poussins», affiche ses revendications sur la plate-forme Change.org. Ces « poussins » espèrent obtenir gain de cause, comme leurs aînés, les « pigeons », qui ont fait reculer François Hollande sur ses projets de taxation des plus-values de cession, à l’automne 2012. Les deux groupements professionnels d’autoentrepreneurs sont sur la même longueur d’onde. Qu’il s’agisse de l’Union des autoentrepreneurs (UAE), créée par François Hurel, ex-dirigeant de l’Association pour la création d’entreprise (APCE), qui avait été chargé du rapport à l’origine de la création du régime des autoentrepreneurs. Ou de la Fédération des autoentrepreneurs (Fedae), fondée par Grégoire Leclercq, informaticien, salarié dans une entreprise, mais également autoentrepreneur pour son activité d’appoint, la maîtrise d’ouvrage de sites Internet. Ces deux groupements ont, pour la première fois, rédigé un communiqué commun, mercredi 29 mai. Ils s’insurgent contre le projet de loi que prépare Sylvia Pinel, la ministre de l’artisanat et du commerce, et qui va rendre plus difficile la possibilité de bénéficier du
Construction 20
15
10
5
0
régime d’autoentrepreneur. Mme Pinel tente ainsi de résoudre le conflit entre les autoentrepreneurs et les artisans, les seconds estimant que les premiers leur font une concurrence déloyale. Bercy « tue les projets dans l’œuf », jugent les « poussins». Le nouveau texte devrait distinguer les autoentrepreneurs qui adoptent ce statut pour exercer une activité d’appoint ou « secondaire » de ceux pour lesquels ce régime sert à développer une activité principale. Ces derniers ne devraient pouvoir bénéficier du régime que pendant deux ans. « Nous ajusterons cette durée en fonction du type d’activité», nuance l’entourage de Mme Pinel. Aujourd’hui, un autoentrepreneur ne doit pas réaliser un chiffre d’affaires supérieur à 81 500 euros pour une activité d’achat et de revente ; et à 32 600euros pour les prestations de services. A l’avenir, si le projet de loi devait aller à terme, une activité
Un régime social simplifié et des formalités allégées Les autoentrepreneurs sont dispensés d’immatriculation au registre du commerce ou au répertoire des métiers, sauf pour une activité artisanale exercée à titre principal. Ils ne facturent ni ne récupèrent la TVA.
0
sera qualifiée de principale si le chiffre d’affaires réalisé dépasse 10 000 euros par an, pour les personnes exerçant une activité de service. Et 26 000 euros environ par an, pour celles exerçant une activité commerciale. Pour un autoentrepreneur pourqui cette activité estprincipale, le projet de loi apparaît donc très restrictif.
« La guillotine » En outre, les autoentrepreneurs, toutes catégories confondues, devront s’inscrire au Répertoire des métiers, s’ils sont artisans ; ou au registre des chambres de commerce, s’ils exercent une activitécommerciale.Ce qui les alignera sur les droits et les devoirs de leurs collègues exerçant plus classiquement en sociétés. La Fedae et l’UAE ont décidé de ne plus participer aux négociationsengagéesparla ministre,estimant qu’aucune de leur requête n’avaitétéentendue.« La concertation est nulle. Autour de la table, on ne trouve que les représentants des artisans, dont les métiers ne sont exercés que par 12 % des autoentrepreneurs, s’insurge M. Leclercq, de la Fedae. Les représentants des chambresde commerce,des professions libérales (qui rassemblent 70 % des autoentrepreneurs), de l’Agence pour la création d’entreprise, ne sont pas présents. Il n’est
5
10
15
20
25
30
35
40
SOURCE : INSEE
Edition Bréal, qui subit des pertes depuis deux ans, est en discussion avec un repreneur
pas normal que les autoentrepreneurs subissent ce que la Fédération du bâtiment voudrait leur imposer.» M. Hurel, de l’UEA, se veut plus consensuelet demandela nomination d’un médiateur: « Il faut trouver une solution, et cesser ce dialogue de sourds. » Il estime que les seuils définissant les deux régimes d’autoentrepreneurs vont avoir des effets pervers et « provoquer des effets d’aubaine, tout en handicapant les développements de l’autoentreprenariat». « Je soutiens Mme Pinel quand elle dit qu’il fautaccompagnerles autoentrepreneurs et leur donner un cadre juridique rassurant, en exigeant qu’ils souscrivent des assurances et en vérifiant leurs qualifications, nuance-t-il. Mais je suis contre la guillotine. La France a créé la plus belle pouponnière du monde. Profitons-en ! », réclame-t-il. Le régime d’autoentrepreneur a en effet fortement accru le nombre de créations d’entreprises depuis sa mise en place, le 1er janvier 2009. Car il simplifie grandement les démarches. Et parce que les charges sont proportionnelles au chiffre d’affaires et ne nécessitent donc pas d’avances de cotisations. Mais les entreprises ainsi créées sont très petites. Leur chiffre d’affaires annuel moyen était de 5 180 euros en 2010, selon l’Insee. p
Le chômage,encoreet toujoursen hausseen France Le nombre de demandeurs d’emploi sans aucune activité a augmenté de 43 300 personnes en avril
L
e chômage a de nouveau, et très fortement, augmenté en avril, selon les chiffres publiés, jeudi 30 mai, par le ministère du travail. Le nombre de chômeurs sans aucune activité au cours du mois (catégorie A) – qui avait atteint un record historique en mars – a bondi de 43 300 personnes sur la France entière (+ 1,2 %) pour s’établir à 3 525 300 personnes. Ce qui fait d’avril une des plus fortes hausses depuis le début de l’année. En incluant les chômeurs en activité réduite (catégories A, B et C), la hausse est de 62 100 personnes, là aussi l’une des plus importantes depuis janvier. Le chômage augmente désormais depuis deux ans sans discontinuer. Et la promesse du gouvernement d’inverser la courbe du chômage d’ici la fin de l’année semble de plus en plus impossible à tenir. « Cette évolution s’inscrit dans le prolongement de la progression du nombre d’inscrits à Pôle emploi depuis cinq ans. Cette tendance négative se prolongera encore dans les prochains mois avant que nous ne parvenions, par la mobilisation de tous les acteurs et de tous
les instruments, à inverser la courbe du chômage à la fin de l’année », a de nouveau plaidé jeudi le ministère du travail dans un communiqué, en rappelant toutes les mesures prises par le gouvernement depuis son arrivée au pouvoir (emplois d’avenir, contrats de génération…). « On n’est pas dans la messe à faire des prières, nous sommes dans l’action », a insisté Michel Sapin, le ministre du travail, vendredi sur Europe 1, en assurant que la loi sur la sécurisationde l’emploi, actuellementexaminée par le Conseil constitutionnel, entrera en vigueur début juillet. L’opposition s’est emparée de ces mauvais chiffres pour critiquer la politique de l’emploi des socialistes. « François Hollande est responsable de la situation : responsable et coupable », estime Jean-François Copé, le président de l’UMP. « C’est un véritable scandale que le gouvernement ne réagisse pas d’avantage. C’est un scandale que le gouvernement baisse les bras en disant que ça ira mieux un jour prochain », abonde Xavier Bertrand, ancien ministre UMP des affaires sociales.
Les prévisionnistes ne viennent pas non plus en aide au gouvernement.L’Organisationde coopérationet de développementéconomiqueset l’Unédic, qui gère l’assurance chômage, estiment tous deux que le chômage ne baissera pas avant fin 2014. Pour l’Unédic, les mesures en faveur de l’emploi, comme les emplois d’avenir, auront au mieux un effet stabilisateur de la courbe fin 2013. Le dispositif des emplois d’avenir peine à démarrer.L’Elysée a annoncé, mardi, que 25 000 contrats avaient été signés, quand l’objectif est de 100 000 pour l’année.
Radiations administratives Le détail des chiffres rendus publics jeudi est inquiétant.La forte hausse d’avril est ainsi surtout due à une augmentation des inscriptions. Les inscriptions à la suite d’une fin de CDD ont ainsi progressé de plus de 4 % en un mois et les fins de missions d’intérim de 1,8 %. Les inscriptions après un licenciementéconomiqueont certes reculé de 2,9 %, mais elles représentent toujours une part extrêmement marginale des motifs d’inscriptions.
De leurs côtés, les sorties des listes de Pôle emploi sont restées stables. Une stabilité qui est d’abord due à un rebond technique des radiations administratives, qui a été compensé par la baisse des reprises d’emploi déclarées, lesquelles ont atteint en avril un de leur plus bas niveau historique. Dans le détail, les jeunes de moins de 25 ans sont les principaux touchés par la hausse d’avril, avec 2 % d’inscrits en plus en métropole. La hausse pour les chômeurs de plus de 25 ans est de 1,1 %. Mais sur un an, c’est la catégorie des plus de 50 ans qui a le plus augmenté(+ 17,4 %). Le nombrede chômeurs de longue durée, inscrits depuis plus d’un an grimpe également de 1,9 % en un mois. Sur un an, le nombre de chômeurs de longue durée a bondi de plus de 15 %. Cette hausse se traduit par l’explosion du nombre d’inscrits à Pôle emploi qui bénéficient du seul RSA, qui atteint plus de 18 % en un an. La part des chômeurs indemnisé par l’assurance chômage reste relativement stable à 41,8 % du total. p Jean-Baptiste Chastand
0123
techno & médias
Samedi 1er juin 2013
5
Facebook revoit ses règles pour rassurer les annonceurs Internet Après de vives protestations et l’annulation de campagnes de pub, le réseau social promet de contrôler les contenus haineux et sexistes
L
e réseau social Facebook va revoir son mode de gestion des contenus haineux ou sexistes. De son propre aveu, formulé dans un communiqué diffusé mardi 28 mai, le réseau social a « échoué » à mettre en place « un système fonctionnant de manière efficace pour identifier et supprimer les contenus incitant à la haine» sursa plate-forme,«particulièrementen ce qui concerneles contenus s’attaquant aux femmes». Commel’amontréune compilation réalisée par l’ONG Women, Action and the Media (WAM), on trouve sur Facebook des photos de femmes battues ou évanouies, légendées avec des commentaires, qualifiés de « rape jokes » (« blagues à propos du viol »), ironisant sur des viols présumés, ou décrivant de manière crue des actes de grande violence. WAM, appuyé par des dizaines d’autres associations de défense des femmes, a lancé une intense campagne pour dénoncer la présence de ces contenus. Près de 60000 messages ont été envoyés surTwitteret plus de5 000e-mails adressés à Facebook. Une campagne visant le réseau, bien sûr, mais aussi ses annonceurs, dont les publicités se sont retrouvées associées à des contenus sexistes, au hasard des captures d’écran réalisées par les activistes. Voyantdesinternautesfaire circuler des photos associant leur marque à des images violentes, une quinzaine d’entreprises, dont la branche britannique du constructeur automobile Nissan, ont suspendu momentanément leurs campagnes publicitaires sur Facebook. D’autres, au contraire, comme la marque de produits d’hygiène Dove, n’ont pas réagi. Sur Facebook, le déploiement
publicitaire fonctionne par « cible ». Les entreprises choisissent les profils qu’elles souhaitent toucher. Les publicités suivent les utilisateurs au fil de leur navigation, au lieu d’être affectées à des pages en particulier. Un annonceur ne peut pas connaître celles sur lesquelles son message s’affichera, et le risque existe de le voir apparaître au côté de contenus qui affecteront son image. Or Facebook, qui a longtemps peiné à commercialiser son immense réseau (plus d’un milliard d’utilisateurs), commence à toucherles fruits de sa spectaculaire croissance – mais doit créer la
On trouve des photos de femmes battues ou évanouies avec des commentaires ironisant sur des viols présumés confiance des annonceurs pour accroître ses revenus, son modèle économique reposant à plus de 80 % sur la publicité. En 2011, le réseau avait fait face à une fronde similaire, incarnée par une pétition lancée sur Change.org (« Demandons à Facebook de retirer les pages promouvant lesviolences sexuelles»), qui a réuni 225 000 signatures. L’entreprise avait affirmé que les groupes Facebook incriminés devaient être vus comme des « blagues », puis les avait discrètement supprimés. Le problème de fond n’a pas été résolu,malgrél’existenced’un système de signalement qui permet aux usagers d’alerter les équipes techniqueslorsqueles règles d’utilisation (« Vous ne publierez pas de
contenus incitant à la haine ou à la violence, menaçants, à caractère pornographique ou contenant de la nudité ou de la violence gratuite ») sont enfreintes. Il arrive fréquemment que des images, messages ou vidéos passent entre les mailles du filet. Jusqu’à ce qu’un utilisateur les signale, ces publications, noyées dans un déluge quotidien de données postées (300 millions de photos seraient en moyenne envoyées chaque jour sur le site), peuvent se retrouver en ligne plusieurs heures, jours ou mois durant. Et parfois,malgrédessignalementsrépétés, certaines images restent accessibles,avec des explicationsjugées insatisfaisantes ou incompréhensibles par les collectifs féministes. Dans son communiqué du 28 mai, Facebook,en plus de reconnaître les dysfonctionnements de son système de modération pointés par WAM, s’est donc engagé à prendre des mesures pour tenter d’y remédier. Le site a annoncé qu’il allait revoir ses règles de modération, actualiserla formationde ses équipes et dialoguer davantage avec des experts juridiques, organisations de droits des femmes et autres groupes « historiquement confrontés à la discrimination». Le réseau social a aussi expliqué mener des tests afin que l’identité d’une personnepuisserester adossée en permanence au contenu qu’elle poste sur le réseau, même au fil des partages. Selon Facebook, cette fonctionnalité pourrait permettre de renforcer la responsabilité de ses utilisateurs. « Les pages sur Facebook peuvent être anonymes, et c’est vraimentimportant,des genscommencent des révolutions grâce à ça », a rappelé Sheryl Sandberg, la numé-
ro deux du groupe, mercredi 29 mai, faisant référence à l’usage du réseau, notamment lors des « printemps arabe». Mme Sandberg, qui vient de publier, aux Etats-
Unis, un livre explicitement féministe, a néanmoins prévenu : « En ce qui concerne cet humour très cru visant les femmes ou tout autre groupe, nous ne laisserons plus de
Pinterest assouplit sa politique en matière de nudité Alors que Facebook va durcir ses règles de modération, le réseau social Pinterest, consacré aux images, a choisi d’assouplir sa politique en matière de nudité. Jusqu’à présent, la représentation d’une nudité totale ou même partielle y était proscrite et accolée à la notion de « pornographie » dans les règles d’utili-
sation de la plate-forme. Mais, face aux protestations de photographes utilisateurs, Pinterest a reconnu, dans le Financial Times, que la « passion pour l’art pouvait inclure celle pour les nus ». « Nous allons faire en sorte de mieux le prendre en compte », a annoncé l’entreprise en direction de ses utilisateurs.
Télévision: un rapport veut rééquilibrer la relation entre chaînes et producteurs Le sénateur Jean-Pierre Plancade souhaite réformer les décrets Tasca
C
’est un texte qui a le sens de l’à propos : à quelques jours des assises de l’audiovisuel, prévues mercredi 5 juin, un rapport sénatorial, dont Le Monde a eu copie, préconise un rééquilibrage de la relation entre producteurs et chaînes, en faveur de ces dernières. En contrepartie, il propose d’obliger les chaînes à exploiter davantage les œuvres, parfois laissées à l’abandon. Depuis l’adoption des « décrets Tasca », du nom de l’ancienne ministre Catherine Tasca, les chaînes ne sont pas propriétaires des films et des séries qu’elles financent, rappellent les partisans d’une réforme, dont le sénateur (PRG) Jean-PierrePlancade,auteurdurapport. Les droits ont été confiés aux producteurs, mais ce système aurait créé des effets pervers : les chaînescitentsouventlecasd’émissions qu’elles ont financées et qui sont rediffusées ailleurs, sans vrai bénéfice pour elles, comme « Un gars une fille », né sur France 2 et repassé notamment sur M6. A contrario, la BBC britannique qui, elle, tire des recettes substantielles de l’exploitation de son catalogue, est citée en exemple. Dans un secteur en crise – baisse des recettes publicitaires côté chaînesprivéesetcontraintesbudgétaires côté public –, une réforme est prônée par les auteurs du rapport, mais aussi par le gouvernement et la ministre de la culture, Aurélie Filippetti. « Les producteurs financent peu les projets mais sont propriétaires des droits, alors que les
chaînes prennent l’essentiel des risques»,regretteM.Plancade.Ilsouligne que Mme Tasca recherchait en 1990 la création d’«un tissu de producteurs diversifié », mais qu’ellemême, citée dans le rapport, reconnaît qu’une révision de ses décrets s’impose. Letexteprônedonc«l’ouverture aux chaînes de la possibilité de disposer de parts de producteur dans descoproductionsindépendantes». « Le partage des droits pourra être
Aujourd’hui, les chaînes ne sont pas propriétaires des films et des séries qu’elles financent davantage conforme au risque pris parchacun»,écritlerapport,proposant une répartition des recettes «au prorata de la mise de chacun». Le groupe de travail créé en janvier autour du sénateur Plancade propose une seconde mesure favorable aux chaînes : la diminution du « quota de production indépendante» imposé aux chaînes, publiques et privées. « Globalement, ce taux varie de 60 % (certaines chaînes de la TNT) à 95 % (France Télévisions)», précise le texte, qui prône une baisse du quota à 50% pour les diffuseurs. Ce qui revient à faire plusde production interne dansles chaînes et de coproductions. Encompensation,lerapportpropose une mesure plus favorable aux producteurs : « la définition
d’une obligation d’exploitation des œuvres », car beaucoup d’émissions ne sont pas ou peu diffusées. Cette obligation concernerait le réseau hertzien ainsi que les réseaux n’utilisant pas les fréquences attribuées par le CSA (le câble, le satellite, ADSL). « Il est impératif que les producteurs et les diffuseurs mettent à disposition du public, en ligne, l’intégralité du catalogue de droits qu’ils constituent», insistent aussi les sénateurs. Jean-Pierre Plancade espère-t-il que son rapport et les assises de l’audiovisuel, produiront de grandes réformes? « Sur la relation aux producteurs, c’est sûr qu’il y aura des résistances,mais il faut des perspectives pour le futur des télévisions», répond-il. Lors du festival international des programmes audiovisuels de Biarritz,enjanvier,quandMme Filippetti et David Assouline, porteparole du Parti socialiste avaient plaidé pour un rééquilibrage des relationsentreproducteursetdiffuseurs,SophieGoupil,vice-présidentedel’Unionsyndicaledelaproduction audiovisuelle (USPA) avait déjà combattu l’idée. « Les producteurs ont besoin des droits pour exploiter les programmes à l’extérieur et sur de nombreuses années» avait-elle affirmé, selon Les Echos. Une source gouvernementale confie: « Sur ce dossier, il faut faire discuter les acteurs pour créer du consensus mais il y a un long travail itératif à venir.» Début des travaux pratiques le 5 juin, lors des assises de l’audiovisuel. p Alexandre Piquard
Avec le soutien de
VousNousEnsemble
telles pages être anonymes.» WAM s’est félicité de ces « engagements importants » de la part d’une firme qui « a fait plus que la plupartdes autres ». Les féministes espèrent que ces mesures serviront de « base pour combattre la haine sexiste ». De son côté, le porte-parole de la branche britannique de Nissan a expliqué que son entreprise reverrait sa décision de suspendresa campagnepublicitaire « la semaine prochaine », selon les mesures prises par Facebook pour éteindre l’incendie. p
Alexis Delcambre, Michaël Szadkowski et Martin Untersinger
6
0123
économie & entreprise
Samedi 1er juin 2013
Le gouvernement veut donner un nouveau souffle à la filière bio
« La croissance en France devrait se situer, dans le meilleur des cas, entre 0,5 % et 1 % par an au cours des cinq (dix ?) prochaines années »
Agriculture Un doublement des surfaces cultivées est envisagé d’ici à 2017
U
n doublement des surfaces cultivées en « bio », 20 % de produitsissusdel’agriculture biologique dans la restauration collective d’Etat et une enveloppe moyenne de 160 millions d’euros par an, d’ici à 2017: ce sont les trois principales mesures affichées par leplan Ambitionbio,présenté,vendredi 31 mai, par Stéphane Le Foll, le ministre de l’agriculture. Reste à savoir si ce plan, très attendu, sera capable d’impulser une nouvelle dynamique. Car le marché du bio est à la recherche d’un deuxième souffle en France. Depuis le début de 2012, la croissancede la consommationdes produits alimentaires bio ralentit. Le taux de progression a avoisiné les 6% en 2012, contre 10 % un an plus tôt. Ce qui représente 4,17 milliards d’euros,soit 2,4 % du marché alimentaire global. Sachant qu’un quart des articles estampillés « bio » dans les rayons est importé, mêmesila partde l’originefrançaise progresse. Surtout, le flux des exploitations agricoles qui souhaitent se convertir aux pratiques les plus respectueuses de l’environnement, connaît un véritable coup d’arrêt. « Lorsque l’on évalue le plan Bio 2007-2012 [à l’initiativede Michel Barnier, le ministre de l’agriculture du précédent gouvernement], on constate un fort développement jusqu’en 2011 puis un net ralentissement», affirme Etienne Gangneron, éleveur et président de l’Agence Bio, chargée de la promotion de la filière. Selon l’Agence, le cap du million d’hectares cultivés en bio en France a été franchi en 2012, soit une progression de 85 % en cinq ans. Cela ne représente encore que 3,7 % des terres agricoles dans l’Hexagone. Toutefois, en terme d’emplois, avec l’équivalent de 60000 salariés dans les 24 425 fermes, le poids de la filière bio est plus important. « La hausse des prix des produits de l’agriculture conventionnelle fait qu’il n’y a plus trop de différentiel avec le prix du bio. Cela explique la baisse de la demande de conversion des agriculteurs vers le bio depuis un an ou deux », estime
Patrick Artus et Jean-Christophe Caffet, économistes chez Natixis, dans une note de recherche datée du jeudi 30 mai sur l’avenir de l’économie française.
PÉTROLE
L’OPEPfavorableau statuquo L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP) s’apprêtait, vendredi 31 mai, à maintenir son plafond de production de pétrole de 30 millions de barils par jour en vigueur depuis fin 2011. La quasi-totalité des douze membres de ce cartel qui assure environ 35 % de la production mondiale s’est prononcée à l’avance pour le statu quo. Le ministre vénézuélien du pétrole, Rafael Ramirez, avait affirmé jeudi que ses homologues et lui étaient « tous d’accord pour maintenir le plafond de production à 30 millions». La veille, Ali Al-Nouaïmi, le ministre du pétrole l’Arabie saoudite, premier producteur mondial, avait jugé que les prix du pétrole étaient « à un niveau souhaitable pour les pays producteurs et consommateurs comme pour le secteur pétrolier », à rebours de l’Iran, qui les juge au contraire trop bas, alors qu’un ralentissement de la croissance mondiale pourrait peser sur les prix. p – (AFP.)
Conjoncture
Une récolte de fraises à Trélévern, dans les Côtes-d’Armor, en juin 2012. JEAN-CLAUDE MOSCHETTI/RÉA
M.Gangneron, qui ajoute : « Il faut un signe politique fort pour relancer la machine. Il faut redonner du sens au développement du bio. » Sur le terrain, les agriculteurs engagés dans cette démarche débordent de passion. Ainsi, Bernard Poujol, installé depuis 2006, sur ses terres en Camargue.L’homme, qui a longtemps travaillé pour de grandes exploitations rizicoles, a décidé de se mettre à son compte avec son fils.
Obstacles Son objectif : prouver que la démarchebio peut être autantperformante que la conventionnelle. Au Mas Neuf de la Motte à SaintGilles dans le Gard, des canards nagent au milieu des pousses de riz. M. Poujol a eu l’idée d’importer une pratique japonaise, en faisant pâturerdes canettes de race mularde. Elles sont friandes des mauvaises herbes qui font chuter les rendements des rizières et ont le bon goût de ne pas aimer les jeunes pousses de riz… Elles jouent le rôle de désherbants naturels, qui rap-
portent de l’argent, car les volatiles sont ensuite vendus. L’expérience a démarré en 2011. M.Poujol ne cache pas les difficultés de l’exercice. En 2012, les renards ont décimé des canards, faisant chuter les rendements. Il espère que les améliorations du modèle apportées en 2013 lui permettront d’accroître les performances bien que, pour l’heure, la météo ne soit guère favorable. A travers son expérience, M.Poujolmet en exergue les obstacles rencontrés. L’absence d’écoute dans les centres techniques des filières : il a trouvé portes closes auprès du Centre français du riz. Ainsi qu’auprès des syndicats agricoles ou des centres de recherche. L’agriculteur camarguais a toutefois eu la chance de trouver deux chercheurs passionnés à Montpellier, l’un de l’Institut national de la recherche agronomique et l’autre du Centre de recherche agronomique pour le développement, qui l’ont accompagné. Pour lui, tout commence au moment de la formation, que ce soit dans les lycées
professionnels ou les instituts techniques. La formationdes acteursagricoles, et le renforcement de la recherche font justement partie des axes du plan Ambition bio 2017. Le premierétantlesoutienau développement de la production. Le gouvernement estime qu’entre les crédits européens et les aides d’Etat, l’enveloppe financière atteindrait 160millions d’eurospar an. A comparer aux 90 millions alloués en 2012. Des crédits qui doivent contribuer à la conversion et au maintien des exploitations. Autre axe fort du gouvernement : la structuration de filières pour favoriser la collecte, la transformationet la commercialisation des produits, avec deux priorités, les grandes cultures et les oléoprotéagineux. Le plan se donne aussi comme objectif de développer la consommation. En particulier dans la restauration collective d’Etat. Sachant que bio ne pèse que 2 % dans la restauration collective. p Laurence Girard
En France, près d’un million de fumeurs électroniques Consommation Le nombre de points de vente devrait atteindre 300 d’ici à la fin de l’année
L
’engouement pour la cigarette électronique ne cesse de croître. De plus en plus de gens « vapotent ». Pas moins de 500 000 personnes en France, selon la dernière estimation de l’Euro baromètre (mai2012). Le nombre d’utilisateurs se situerait à un million de personnes, selon le professeur Bertrand Dautzenberg,pneumologueet président de l’Office français de prévention du tabagisme (OFT), qui a piloté un rapport remis mardi 28 mai au ministère de la Santé. Le phénomène est apparu avec l’entrée en vigueur de l’interdictionde fumer dans les lieux publics, début 2008. En Europe, 7 % des adultes européens l’ont testée (environ 25 millions). Le premier point de vente de e-cigarettes est apparu en France le 1er janvier 2010. On en compte déjà 150 à ce jour et il devrait y en avoir 300 à la fin de l’année. Outre ces boutiques spécialisées (clopinette, Cigaverte…), qui fleurissent commedes champignons,on trouve aussi des e-cigarettes chez certains buralistes, dans des épiceries, et même dans certaines pharmacies qui ne sont pourtant pas autorisées à le faire… Conséquence : le marché se développe. Son chiffre d’affaires en France, de 40 millions d’euros
en 2012, devrait atteindre 100 millionsd’euros fin 2013, soit l’équivalent du marché des produits permettant d’arrêter le tabac, selon l’OFT. « Il existe cependant de grandes incertitudes sur le développement ultérieur du marché », note le rapport. Il sera en effet fonction de la réglementation du produit, de sa taxation, de la publicité afférente… Pour l’instant, en France, la e-cigarette n’est pas un produit pharmaceutique ni un produit du tabac. C’est un produit de consommation courante, taxé à 19,6 %. Pas question de l’interdire, a indiqué Marisol Touraine, ministre de la Santé, vendredi 31 mai, lors de la journée sans tabac. Mais ce n’est pas pour autant un produit banalisé : elle sera interdite dans les lieux publics (lire article page 12). Cette mesure aura-t-elle des incidences sur le marché ? Le chiffre d’affaires total du marché du tabac en France – 13,5 millions de fumeurs –, a atteint 17,9 milliards d’euros en 2012. Mais les ventes de cigarettes reculent, à cause du prix unitaire qui a augmenté. Face à cette baisse récente, « les grands cigarettiers ressentent le besoin urgent de se placer sur la cigarette électronique», souligne Jean-François Etter, professeur de santé publique à
l’université de Genève. Lorillard Technologies (Kent, Newport) a acheté en 2012 blu eCigs, pour 135 millions de dollars. RJ Reynolds Tobacco Company a acquis la même année la marque Niconovum. D’autres lancent leurs propres marques de e-cigarettes, tel Altria (Marlboro).
« Très fortes marges » Aux Etats-Unis, le marché de la cigarette électronique pèse moins de 1 % du marché (80 milliards de dollars), mais il croit vite. Les spécialistes de la banque UBS prévoient des ventes d’environ 1 milliard de dollars en 2013. Selon BonnieHerzog,analystechezWellsFargo, la consommation de e-cigarettes aux Etats-Unis pourrait dépassercelle descigarettestraditionnelles durant la prochaine décennie. Les fabricants de e-cigarettes jouent l’argument du prix. Elles sont vendues à l’unité ou sous forme de kit, équivalent à plusieurs centaines de cigarettes (de 40 à 250 euros). Tandis qu’un paquet classique coûte environ 6 euros. « Le prix industriel de fabrication, souvent en Chine, d’une e-cigarette, s’établit à moins de 0,6 euro. Le prix à l’arrivée en France est inférieur à 1 euro par e-cigarette, revendue 6 à 10 fois plus cher, laissant ainsi de très fortes marges », indi-
que le rapport de l’OFT. Tout est fait pour séduire : la panoplie est large, avec une centaine d’arômes proposés (Carambar, coca-cola, bubble-gum, cannabis…), des e-cigarettes colorées, slim, ultraslim envahissent Internet pour attirer une cible féminine. Du côté des consommateurs, l’Association indépendante des utilisateurs de la cigarette électronique (Aiduce) argue du fait que la e-cigarette aide à arrêter de fumer. Là aussi, le débat est vif, le professeurDautzenberg considérantque ce produit ne doit pas être un produitd’initiationau tabac. A contrario, M. Etter estimant que la e-cigarette « double, voire triple les chances de sevrage du tabac ». En attendant, la future directive européenne sur les produits du tabac est en cours de discussion et pourrait n’autoriser que les e-liquides contenant moins de 4 mg/ml de nicotine, ce qui éliminerait du marchéunebonnepartiedese-cigarettes actuellement disponibles. Les discussions sont vives, les lobbyspuissants. Celuides cigarettiers, des 28 000 buralistes,est très présent auprès des politiques. Pas faciled’y voir clair car lesliens d’intérêt des experts avec telle ou telle industrie ne sont pas toujours transparents. p Pascale Santi
5%
C’est le taux de croissance du produit intérieur brut de l’Inde enregistré en 2012-2013. C’est sa pire performance en dix ans, selon les données officielles publiées vendredi 31 mai. Au quatrième trimestre, correspondant aux mois de janvier à mars, la croissance s’est encore effritée à 4,8 % sur un an, selon le bureau national des statistiques. – (AFP.)
Télécommunications Vers la fin du « roaming » en Europe
La commissaire européenne chargée des nouvelles technologies, Neelie Kroes, a annoncé, jeudi 30 mai, devant le Parlement européen son intention de parvenir en 2014 à l’abolition des tarifs de « roaming » en Europe, le surcoût appliqué par les opérateurs pour l’utilisation d’un téléphone mobile, d’un smartphone ou d’une tablette à l’étranger. Mme Kroes souhaite que ce dispositif soit adopté avant les élections européennes, pour une entrée en vigueur qui pourra s’étaler sur 2015 et 2016. – (AFP.)
Nucléaire Deux sites français mis en cause
L’Autorité de sûreté nucléaire a indiqué, jeudi 29 mai, que deux centrales situées en Seine-Maritime, Paluel et Penly (12 % de la production électrique française), manquent de « rigueur », notamment dans la préparation des interventions lors des arrêts de réacteur. – (AFP.)
MÉDIAS
MédiationentreVivendi et Lagardère
Le président du tribunal de commerce de Paris, inquiet de la proportion que prenait la bataille opposant le groupe Lagardère et le spécialiste des médias et des télécoms Vivendi, au sujet de la trésorerie de Canal+, a proposé une médiation, selon une source proche du dossier. Ni Lagardère ni Vivendi n’ont souhaité commenter cette information. Ils seraient tenus par une stricte confidentialité. Lagardère, actionnaire à 20 % de Canal+, accusait Vivendi, dans une assignation déposée en février, d’avoir utilisé à son profit 1,4 milliard d’euros de trésorerie. Le bras de fer juridico-financier était parti pour durer. La procédure de médiation n’est pas publique, contrairement à la judiciaire. p
Jean-Baptiste Jacquin
S E L T E S A E R R A V L I C ICS L CH AD C LAR
u po
on nT-M
oD
N 16h ISSIO L’EM E 15h A Z E V D OU IN RETR I 1Er JU D E M SISES SA ES AS rOMAN D N U IO CCAS LES D A L’O NATIONA r INTE
Un événement conçu et organisé par :
J6c8LKI83K6¾J6
LA VOIX EST LIBRE
0123
histoire
Samedi 1er juin 2013
7
Le premier plan quinquennal adopté en 1928 en Union soviétique a pour conséquences une collectivisation forcée et la déportation de millions de paysans
Staline, instigateur de la planification totalitaire
I
l y a un peu plus de soixante ans,le 5 mars1953, Joseph Staline mourait. Cet anniversaire est passé relativement inaperçu, sans doute parce que l’épisode du stalinisme semble relever de l’histoire ancienne, et que plus personne (ou presque) ne se prévaut aujourd’hui de cette triste expérience. Desonvrainom JosephVissarionovitch Djougachvili, il était né en décembre1878 à Gori, en Géorgie, dans une famille modeste. Ayant adopté le pseudonyme de Staline (« l’homme d’acier »), il rejoint en 1905 la tendance bolchevique du Parti ouvrier social-démocrate de Russie (POSDR) et rencontre Lénine. En 1917, il devient membre du Politburo, organe suprême du Parti bolchevique créé par Lénine en 1912,après la scissionavec les menchevik. En mars 1919, il devient secrétaire général du Politburo, poste qu’il occupera jusqu’à sa mort, et qui lui permettra de concentrer progressivement tous les pouvoirs, en s’appuyant sur la police politique impitoyable, la Tcheka, et en profitant de la maladie de Lénine. Grâce à une nouvelle génération de bureaucrates dévoués lui devant leur carrière, Staline a construit une société totalitaire et répressive visant à mettre en place le « socialisme dans un seul pays », en réalité un système économique autarcique étatisé et planifié, afin de s’assurer une industrialisation rapide et de se doter d’un appareil militaire permettant à l’Union soviétiquede résisterà d’éventuelles attaques extérieures. Pour ce faire, il mit fin à la Nouvelle Politique économique (NEP) que Lénine avait appliquée afin de relancer l’activité, en réintroduisant, après la guerre civile, une certaine liberté d’entreprendre et en accordant aux paysans le droit d’exploiter leurs terres. Staline en revint à une appropriation étatique totale des unités de production et à une collectivisation forcée des terres. Parallèlement, il confia l’organisation de l’économie au Gosplan (comité étatique de planification), qui définissait la nature des biens à produire, leurs quantités et leurs prix, imposait des objectifs précis et obligatoires aux diverses branches de l’économie, assortis de sanctions appliquées à tous ceux qui n’atteignaient pas ces objectifs et étaient accusés de « sabotage». Ce système ne laissait aucune marge d’initiative aux entreprises et aucun droit d’expression à leurs salariés,considéréscommede simples agents d’exécution. Les soviets (conseils) d’ouvriers, qui devaient à l’origine, avec les soviets de soldats et de paysans, exercer le pouvoir dans cette république soviétique, n’auront de fait eu qu’une existence éphémère. Staline rétablit le salaire au rendement, allongea la durée du travail, institua le livret ouvrier, et ceux qui arrivaient plusieurs fois en retard de plus de dix minutes étaient envoyés au goulag. Le modèle idéal de l’ouvrier devient celui du mineur Alexeï Stakhanov [célébré pour avoir battu des records de production], « Héros du travail socialiste ». Dans ces conditions, le premier plan quinquennal (1928-1932) visant à accroître la production d’énergie et à développer l’industrie lourde fut une réussite (tout au moins d’après les statistiques officielles) et, entre 1928 et 1940, la production d’acier aurait été multipliée par quatre et celle d’électricité par cinq. Staline pouvait ainsi se féliciter d’avoir réussi son pari : « La tâche essentielle du plan consistait à engager notre pays, à la technique arriérée, parfois
Chronologie 1878 Naissance de Joseph Staline. Mars 1898 Fondation du Parti ouvrier socialdémocrate de Russie. Mars 1917 Abdication du tsar Nicolas II. Octobre 1917 Les bolchevik prennent le pouvoir à Petrograd et forment un Conseil des commissaires du peuple, présidé par Lénine. Mars 1921 Lancement de la Nouvelle Politique économique, qui introduit une relative libéralisation. 27 mars-2 avril 1922 11e congrès du Parti communiste. Staline devient secrétaire général du comité central le 3 avril. Il le restera jusqu’à sa mort en 1953. 21 janvier 1924 Mort de Lénine.
La moisson dans une ferme collective en Ukraine en 1933. Un camion pavoisé de slogans « encourage » les paysans. AKG-IMAGES/SPL
L’URSS ÉTAIT DEVENUE LA TROISIÈME PUISSANCE INDUSTRIELLE DU MONDE À LA VEILLE DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE. MAIS À QUEL PRIX !
médiévale, dans la voie d’une techniquenouvelleetmoderne(…), à faire passer la petite économie rurale morcelée dans la voie de la grande économiecollectivisée(…),et à liquider la possibilité de restauration du capitalisme en URSS. » Il est vrai que l’URSS était devenue la troisième puissance industrielle du monde à la veille de la seconde guerre mondiale. Mais le prix de cette réussite avait été exorbitant! Sur le plan humain, le bilan du stalinisme fut terrible : la répression contre les paysans voulant conserver leurs terres et les koulaks (paysans aisés), les « grandes purges» politiques,se traduisirent par une trentaine de millions de fusillés, déportés ou déplacés. Sur le plan économique, la politique stalinienne eut pour effet de réduire la production agricole (l’Ukraine était avant 1914 une riche région céréalière exportatrice) et de provoquer des famines, de sacrifier les industries de biens de consommation qui font tou-
jours défaut à la Russie actuelle, et de susciter de nombreux gaspillages (projets surdimensionnés ou de prestige, incohérence des décisions, déresponsabilisation, etc.).
L
a planification stalinienne ne représente cependant qu’une forme brutale et extrême de contrôle exercé par l’Etat sur l’économie. En France, durant les années 1930, le « planisme» fut défendu par une cellulede réflexionissuedel’Ecole polytechnique, intitulée « X-Crise», qui considérait que l’Etat devait agir sur les structures de l’économie pour sortir de la crise de 1929. Et en 1946, à l’instigation de Jean Monnet, fut mis en place un premier plande modernisationetd’équipement qui définissait des objectifs prioritaires (transports, énergie, agriculture), organisait leur financement et associait démocratiquementà leurréalisationentreprises, syndicatsde salariés et Etat, dans le cadre d’un système d’économie
mixte. Selon les termes de Pierre Massé (commissaire général au Plan en 1959), le plan devait être un « anti-hasard», fixant des objectifs cohérents de long terme sans pour autant revêtir un caractère autoritaire et contraignant. Aujourd’hui, après plus de trente ans de retour au primat de l’économiede marché,l’idéed’une nouvelle forme de planification refait surface, en raison des excès de la libéralisation et de la dégradation de l’environnement. Loin de l’inspiration stalinienne, certains considèrent que seule une relance concertée impliquant des choix et des financements publics pourra sortirl’Europede lastagnationéconomique et du sous-emploi massif, et qu’une « planification écologique » est nécessaire pour assurer à la fois cette reprise de l’activité et la sauvegarde de la planète. p Pierre Bezbakh
Pierre Bezbakh est maître de conférences à l’université Paris-Dauphine.
1er octobre 1928 Début du 1er plan quinquennal. Calendrier de collectivisation promulgué le 5 janvier 1930. 7 avril 1930 Officialisation du terme « goulag ». 26 janvier-10 février 1934 Adoption du 2e plan quinquennal. 31 août 1935 Naissance du mouvement stakhanoviste : Alexeï Stakhanov – aidé secrètement par deux assistants, on l’apprendra plus tard – abat 105 tonnes de charbon en moins de six heures (14 fois la norme). 1938 3e plan quinquennal. 5 mars 1953 Mort de Staline. Khrouchtchev devient secrétaire du parti à partir du 14 mars. 14-25 février 1956 20e congrès du PCUS ; « rapport secret » sur les « crimes du stalinisme ».
Dans les archives du «Monde» | Le plan à la française Le 3janvier 1946, le général de Gaulle signe le décret qui fixe les attributions du Commissariat général du Plan. Jean Monnet est nommé commissaire au Plan.
Promesses et aléas du plan Monnet
Y
Le plan Monnet sera rendu public aujourd’hui [27 novembre 1946]. Ses auteurs sont, si paradoxal que cela puisse paraître, fort peu planistes. Les purs planistes sont une race de dogmatiques, d’avance convaincus que la prospérité peut se mettre en équations qui déterminent jusque dans le détail les actes de chaque individu. Le Commissariat général du Plan ne porte ce nom que faute d’un moins mauvais. Son père, Jean Monnet, est avant tout un empiriste, donc le contraire d’un planiste. Pour engager avec quelques chances de succès les négociations financières avec les EtatsUnis, il était indispensable de montrer à nos prêteurs que nous étions en mesure de faire de leurs
crédits un emploi productif, c’est-à-dire de rendre à la France en même temps que sa puissance d’achat sa capacité de concurrence. Telle était la raison de circonstance du plan Monnet. Le résultat a été satisfaisant. Il y avait aussi une raison d’une importance plus considérable encore: la nécessité nationale d’estimer les pertes de notre capacité de production, tant par suite des faits de guerre que par le vieillissement de notre capital technique, puis de chiffrer les moyens à mettre en œuvre pour porter le potentiel français non seulement à son niveau d’avant-guerre, mais à l’échelle des autres grandes nations. Cette fonction a créé au sein de l’administration française un organe tout à fait original, indépendant des ministères pour ne pas avoir à subir de coloration politique, même par reflet, et rattaché à la présidence du gouvernement (…). La vitalité dont a fait preuve le commissariat en menant sa tâche à bien en neuf mois tient du tour de force, rendu possible grâce à la rencontre de
plusieurs conditions: – la personnalité de Jean Monnet, qui rappelle chez nous les « one dollar men » du gouvernement américain, grands hommes d’affaires qui s’attellent à une tâche d’intérêt public parce qu’elle les passionne. – la compétence de son équipe de jeunes collaborateurs. – la souplesse des méthodes employées, aussi peu administratives que possible, à base de contacts personnels qui unissaient autour d’une table, voire d’une table de restaurant, des praticiens, des fonctionnaires, des syndicalistes (…). Le plan s’est efforcé d’être un peu la chose de tous pour n’être celle de personne, car il ne peut vivre qu’en restant apolitique. – il faut reconnaître enfin que le succès a été plus grand pour ne pas avoir abordé de front les questions les plus difficiles. Cette timidité est en partie voulue et en partie subie. Le plan a été toléré par certains milieux dans la mesure où il ne touchait pas aux joujoux pour grandes personnes, par
exemple les prix et les salaires. En même temps, son objectif propre était limité à l’équipement. La portée du plan, réduite, représente essentiellement un programme d’adaptation des ressources physiques de l’économie française à ses besoins en capitaux (…). Aussi le plan ne fournit pas luimême de réponse à la question des impatients: est-il ou non réalisable ? (…) On s’en aperçoit le mieux dès que le problème du financement est abordé. Le plan Monnet se borne par prudence à quelques recommandations traditionnelles mais énergiques sur l’équilibre budgétaire et la stabilité de la monnaie (…). Le Commissariat du Plan élargi, chargé d’élaborer à l’exemple de l’Angleterre une comptabilité de la nation entière, est indispensable pour conduire une politique tout en ne pesant pas sur la politique. Mais n’est-ce pas déjà trop peser sur la politique que de démontrer ce qui est possible et ce qui ne l’est pas ?
Raymond Bertrand
« Le Monde » du 28 novembre 1946 (extraits)
8
0123
0123
Samedi 1er juin 2013
L’ÉCLAIRAGE | CHRONIQUE pa r S i m o n J o h n s o n
Les banques ingouvernables
L ¶
Simon Johnson
est professeur à la Sloan School of Management du Massachusetts Institute of Technology et coauteur de « White House Burning: the Founding Fathers, Our National Debt, and Why It Matters to You» (Pantheon Books, 2012).
e débat sur la gouvernance de JPMorgan Chase masque un problème de plus grande ampleur. Au-delà de la victoire de Jamie Dimon, qui a conservé la double fonction de président et de directeur général du conseil d’administration (Le Monde daté du 23 mai), il y a eu un échec majeur, celui du conseil d’administration lui-même – un problème qui touche presque toutes les grandes banques du monde. C’est évident dans le cas de JPMorgan Chase. Le rapport de la commission d’enquête bipartite présidée par les sénateurs Carl Levin (démocrate) et John McCain (républicain) en est une illustration parmi d’autres. Il porte sur l’infâme affaire de la « baleine de Londres», un scandale révélé en mars par le New York Times sur l’accumulation, par JPMorgan, de paris sur les credit default swaps, ces contrats d’assurance sur une dette, destinés à protéger le créancier, qui sont aussi des outils de spéculation. La banque n’est pas près d’en terminer avec son passé. Elle est encore confrontée à une litanie de plaintes. Mais le problème est beaucoup plus large : pas une seule banque de dimension internationale ne dispose d’un conseil d’administration réellement efficace. Leurs membres sont à plat
ventre devant le directeur général, n’examinent pas de près ses décisions et, à quelques rares exceptions près, se contentent d’entériner ses demandes de rémunération. Le manque de vigilance des conseils d’administration des grandes banques tient à trois raisons. La première, la plus importante, est l’absence de régulation par le marché. Il n’est pas possible de construire un actionnariat important et de l’utiliser pour faire pression sur le conseil d’administration – et encore moins pour lancer une prise de participation hostile. De ce point de vue, l’affaire de la « baleine» est exemplaire. La pression exercée sur JPMorgan Chase était dérisoire, elle ne pouvait rien changer. C’est avant tout parce que les régulateurs, malgré tout ce qu’ils peuvent dire, protègent les grandes banques de la discipline imposée par les marchés. L’« importance systémique» est devenue un bon prétexte pour cela, et une raison supplémentaire pour laquelle les dirigeants veulent que leur établissement soit considéré comme trop grand pour faire faillite. La deuxième raison est que la plupart des membres des conseils d’administration n’ont pas les compétences requises. Lesquels d’entre eux, chez JPMorgan ou chez Citigroup, ont l’ex-
périence d’opérations financières complexes de grande envergure, dont dépendra la survie de ces sociétés financières, au cours des dix prochaines années? Qui, parmi eux, comprend non seulement les risques macroéconomiques sur lesquels tout le monde s’accorde, mais aussi les « risques extrêmes» – des événements de faible probabilité, mais aux conséquences gravissimes – qui interviennent presque toujours dans les crises financières? La majorité ne disposant pas des compétences voulues, ils ne posent pas de questions gênantes. Cinq ans après la plus grande crise financière de ces quatre-vingts dernières années, ceux qui disposent de ces compétences au sein des banques géantes se comptent sur les doigts de la main.
Etat d’anxiété irrationnelle Ainsi, rien ne pousse les responsables de ces banques à faire la transparence sur leurs prises de risque. Les membres du conseil d’administration sont maintenus dans l’ignorance. Cela leur sert d’excuse pour justifier leur peu de compréhension des opérations financières menées par leur banque. Une gouvernance efficace peut exister dans différents cadres formels. En principe, un administrateur en chef externe puissant peut être aussi efficace qu’un président indépendant. Mais quel groupe bancaire dispose d’un tel élément aujourd’hui? Quels membres d’un conseil d’administration peuvent, et veulent, tenir tête au directeur général? La troisième et dernière raison de la faiblesse du conseil réside dans le fait que les régulateurs eux-mêmes ont été rendus inoffensifs face au directeur général. Ils pourraient, s’ils le vou-
laient, accroître le pouvoir des conseils d’administration, ou au moins leur conférer un minimum d’efficacité. Ils pourraient par exemple renforcer les qualifications exigées pour devenir administrateur de banque (les Etats-Unis font preuve d’un laxisme remarquable en ce domaine). Au lieu de cela, ils restent les bras croisés face à ces clubs qui s’autoperpétuent, et auxquels appartenir est surtout un moyen de se sentir flatté. Les régulateurs se comportent ainsi parce qu’ils ont peur. Ils craignent essentiellement que l’exigence en matière de gouvernance bancaire ne perturbe le flux du crédit. C’est une crainte infondée. C’est pourtant ainsi qu’ils pensent et agissent – dans un état d’anxiété irrationnelle. Les banques en question sont si importantes pour l’économie qu’il est quasi impossible de les réglementer. Or, chaque fois qu’un petit groupe d’individus acquiert un pouvoir conséquent par rapport à l’Etat et à chacun d’entre nous, cela engendre de gros dégâts. Le pouvoir corrompt, et le pouvoir financier corrompt le système financier. Dans les années qui ont conduit à la crise de 2008 et à la sévère récession qui a suivi, les grandes banques ont été mal gérées, avec un mélange toxique d’orgueil démesuré, d’incompétence et d’endettement excessif. Or, leurs problèmes de gouvernance sont pires aujourd’hui qu’ils ne l’étaient en 2005 ou en 2007. Le même scénario pourrait donc se répéter. p Traduit de l’anglais par Patrice Horovitz. © Project Syndicate, 2013. www.project-syndicate.org
LES INDÉGIVRABLES | p a r X a v i e r Gorce
1er groupe Internet français 23 millions d’internautes Top des Sites en France en millions de Visiteurs Uniques
C’EST TOUT NET ! | CHRONIQUE par Marlène Duretz
N
43,7
Google Sites
Pics de bonheur ous compliquons tout. Tout doit être contrôlé, mesuré, optimisé, maîtrisé, calculé. Nous avons besoin d’une “app” pour tout. Il nous faudra bientôt une app pour choisir quelle app installer et quels amis fréquenter. Mais nous oublions le facteur essentiel pour attraper ce bonheur qui nous tend les bras : la simplicité», estime Vincent Jousse, sur son blog « Soyons un peu sérieux, positivons », qui, de développeur informatique, s’est converti au développement personnel (bit.ly/qPnEer). « Comment va la vie? », s’interroge la très sérieuse Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) qui, depuis 2011, calcule, sur la base de onze critères, « l’indicateur du vivre mieux» pour ses 34 pays membres ainsi que la Russie et le Brésil (bit.ly/LcqG6n). Il ressort du classement 2013 que le Canada, l’Australie et la Norvège composent le trio de tête des pays industrialisés les plus heureux, laissant à la France une 18e place. Les nouvelles technologies contribuent-elles à notre bonheur? Une étude du Chartered Institute for IT (BCS), parue en mai2010, a établi un lien direct entre accès à Internet et bien-être. Selon l’un des chercheurs en sciences sociales qui l’a dirigée, « les technologies de l’information per-
Source : comScore MMX, France, Age 6+, Avril 2013
35,3
Microsoft Sites mettent aux gens de mieux maîtriser et contrôler leurs vies. En augmentant leur sentiment de liberté et de contrôle, elles ont un effet positif sur leur sentiment de bienêtre et le bonheur », assurait-il dans les colonnes du Time (ti.me/8XYZ1d).
Heureux Noël ! Ce bonheur est-il perceptible, quantifiable sur le réseau des réseaux? Il le serait sur Twitter, grâce à l’« hedonomètre», programme informatique qui analyse les tweets – anglophones, pour l’heure – depuis septembre2008 et en temps réel. Cet « instrument idéal pour mesurer en permanence le degré de plaisir d’un individu » s’appuie sur un lexique de quelque 10 000 mots pondérés, le mot « heureux» se situant à 8,30 sur une échelle de 1 à 9. Quels événements font le bonheur de l’homme en réseau ? Selon le site Hedonometer.org, le pic est systématiquement atteint les 25 décembre, suivi de près par les 24 et 31 décembre ainsi que les jeudis de Thanksgiving et les 14février de la Saint-Valentin. Oui, le bonheur demeure cet indéfectible prolongement, social, amoureux et familial, que l’homme entretient avec ses semblables. « In real life.» La vraie vie ! p
[email protected]
29,8
Facebook
23,2
CCM-Benchmark Yahoo! Sites
21,8
Wikimedia Foundation Sites Orange Sites
21,0 20,4
7 marques leader
www.ccmbenchmark.com/advertising
Au pied du mur Ado, notre reporter avait un héros, Patrick Edlinger, le pionnier de l’escalade libre. Un coup de fil de son ex-compagne l’a poussé au pied du mur « Camp 4 ». P A G E 7
Le Graal Le rugby s’est professionnalisé mais ne badine pas avec la tradition. Castres et Toulon lorgnent sur le Bouclier de Brennus. P A G E 8
Premier de cordée L’association Groupe de haute montagne emmène des jeunes sur le piton de l’aiguille du Midi. L’occasion d’apprendre l’autonomie et la gestion du risque. P A G E 6
Les petites emplettes de Monaco A peine promu en Ligue 1, le club de la principauté multiplie les acquisitions de joueurs à prix d’or. La fortune de son propriétaire russe propulse le club en rival du PSG des Qataris mais divise le foot français, qui dénonce le régime fiscal avantageux du Rocher. PAGES 4-5
Des joueurs de l’AS Monaco au centre d’entraînement de la Turbie, en septembre 2012. B. PAPON/PRESSE SPORTS
RogerFederer, la forcetranquille A Roland-Garros, le Suisse dispute son 50e tournoi du Grand Chelem
R
oger Federer n’a pas encore tout à fait 32 ans, il les aura le 8 août. Mais le Suisse est un exemple de longévité dans la grande lessiveuse du tennis professionnel. A Roland-Garros, le « vieux» Federer participe cette année à son 50e tournoi du Grand Chelem. Il dit aujourd’hui privilégier la qualité par rapport à la quantité, ménager son corps pour durer le plus longtemps possible. « Ce tournoi est mon cinquantième Grand Chelem d’affilée, s’éton-
Roger Federer le 29 mai, à Roland-Garros. PETR DAVID JOSEK/AP
ne-t-il. C’est incroyable, je ne pensais pas avoir la possibilité d’enchaîner des Grands Chelems comme cela, à ce niveau. Cela montre que je suis en forme et pas blessé et que j’ai eu la chance de vivre cela dans ma carrière.» Son premier tournoi, le roi du self-control l’a empoché en 2001, à Milan. Trois ans plus tard, il soulevait son premier grand trophée sur le gazon de Wimbledon. Depuis, il s’est imposé sur toutes les surfaces,etiltotalise17titresenGrandChelem.Unrecord.Laterrebattue de Roland-Garros lui a en revanche résistéjusqu’en2009.Etdepuis,iln’aplusréussià s’y imposer. Le forfait, cette année, du n˚ 2 mondial, devrait lui permettre d’accéder à la finalegrâceàun tableauquiluigarantitde ne pasrencontrerlesdeuxterreursducircuit :le n˚ 1 mondial, Novak Djokovic, et l’Espagnol Rafael Nadal, septuple vainqueur à Paris. Mais le prétendant,qui devait affronter, le 31 mai, le Français Julien Benneteau au 3e tour, invite à ne pas prendre pour argent comptant ce qui est étalé dans la presse. « Ils ont dit que Djokovic allait gagner les quatre Grands Chelems d’affilée, rappelle le Suisse, que Rafa [Nadal] était le favori pour gagner le tournoi, lui dit que ce n’est pas vrai.» Reste que les bookmakers ne semblent guère miser sur lui. Il faut dire que « Rodgeur » a donné la – fausse – impression de venir cette année en touriste, pratiquement les mains dans les poches.Et, pour la première fois, depuis 2001, il est arrivé porte d’Auteuil sans avoir remporté le moindre tournoi depuis le début de l’année. Raison de plus pour s’en méfier. p P A G E 8
Cahier du « Monde » N˚ 21264 daté Samedi 1er juin 2013 - Ne peut être vendu séparément
Mamie, c’est toute l’année qu’elle enchaîne les services à la cuillère.
Mamie Nova, il n’y a que toi qui me fais ça. POUR VOTRE SANTÉ, ÉVITEZ DE GRIGNOTER ENTRE LES REPAS. www.mangerbouger.fr
2
0123
Samedi 1er juin 2013
SPORT & FORME
à vos marques
Suspense, on joue vre et ne pas faire la cuisine en même temps. Parce que, si on ne regarde que quand il se passe quelque chose, ça ne marche pas. Un match, c’est comme le cinéma ou la musique, en résumé, ça ne fonctionne pas. Car ce sont précisément les moments où il ne se passe rien qui font monter la tension, qui font retenir la respiration.
chronique
PatriciaMazuy Réalisatrice
Q
uand j’ai vu Lorin Maazel, avec son maillot rouge et blanc du Bayern sur le dos, diriger l’Orchestre philharmonique de Munich avant la finale de la Ligue des champions, j’ai fait un rêve étrange: des supporteurs en queue-de-pie quittaient sagement le stade. En attendant la palme du bleu de Kechiche à Cannes, j’ai donc regardé le match. Pas vraiment de suspense. Avant même le coup d’envoi, on savait déjà qu’Angela Merkel allait féliciter l’un de ses compatriotes. N’empêche, il faut rester concentré pour sui-
On a peur et on aime ça Hitchcock l’a bien dit: «Si vous voyez un homme arriver derrière un innocent avec une arme à la main, vous en savez plus que l’innocent et ça crée le suspense.» Là, on a tout sous le nez : joueurs, arbitres, ballon, buts, supporteurs. Les vingt-cinq premières minutes, pas grand-chose, donc. Juste les valeureux outsiders jaunes de Dortmund qui se déploient. La construction d’une narration est rythmique et s’appuie sur les vides. C’est dans les détails, dans l’action obstinée des joueurs, qui vont et viennent d’un but à l’autre comme la marée, que le compte à rebours de la mécanique du suspense peut opérer. Le foot, c’est conceptuel, de l’art brut où on souhaite voir le favori en péril. Après une mi-temps peuplée de pubs de voitures, au pointqu’on se croyait au Salon de l’auto, le suspense est quasi insoutenable à la reprise. D’où l’intérêt, où excellait Hitchcock, de faire durer le plaisir. Explosion du stade à l’heure de jeu après le premier but des Rouges de Bavière. La tension monte d’un cran, arri-
vée des frissons. Rien de narratif, ce n’est pas une histoire, on sait que le ballon va aller soit à gauche soit à droite : la tension existe par les micro-événements. 63e minute, Ribery, touché, se tient la tête. Trois minutes plus tard, l’arbitre siffle penalty après le coup de pied bête – et pas d’enfer – de Dante dans le bide d’un joueur de Dortmund. Soixantième, 63e, 66e… Une leçon de montage en termes de rythme. 68e : égalisation! Ce match est une master class. On a peur et on aime ça. Que va-t-il se passer ? On sait où on va : vers la fin du match. Ça ne peut pas durer comme ça. Quatre minutes plus tard, le défenseur de Dortmund, Subotic, évite un but à son équipe sur la ligne. Tout s’enchaîne dans un endiablement digne d’un morceau de Coltrane. Et le but qui tombe du ciel, à une minute du coup de sifflet final : petit ballon qui roule tranquillement, comme poussé par la main du destin qui écarte ceux qui ne sont pas les favoris et rend justice au Bayern après deux finales perdues. Heynckes, le fils du forgeron, qui monte le petit escalier malgré son arthrose pour recevoir la coupe, ressemble au héros d’un film de Ken Loach, émouvant, du gel sur ses cheveux gris… Hitchcock disait : « Le mystère est intellectuel, le suspense est émotionnel.» Le foot, ce n’est pas du mystère. Je rêve de voir un film avec cette perfection de la mise en danger du vainqueur. Dans mon prochain rêve, les spectateurs de Pleyel seront en jogging rouge.
CHENG MIN/XINHUA NEWS AGENCY
6 C’est le nombre de candidats déjà déclarés pour postuler à la succession de Jacques Rogge à la tête du Comité international olympique (CIO). Le dernier en date est l’ex-perchiste russe Sergueï Bubka. Lors de l’élection, en septembre, ses deux adversaires les plus sérieux seront Thomas Bach, le patron du Comité olympique allemand, et le Portoricain Richard Carrion, le président de la commission des finances du CIO.
Agenda Samedi 1er juin Rugby On s’attendait à voir Clermont en
finale du Top 14, mais non, les Auvergnats ne pourront même pas se venger de leur bête noire toulonnaise qui les a battus en Coupe d’Europe. Cette année, l’affiche au Stade de France, c’est Castres-Toulon! (20h 50, Canal+ et France 2). Futbol Au cas où on l’aurait oublié, le Barça a déjà plié l’affaire depuis trois semaines en Espagne. Tout l’intérêt est maintenant de savoir si le club catalan va réussir contre Malaga, lors de la dernière journée de Liga, à atteindre la barre, quelque peu humiliante pour ses adversaires, des 100points en championnat (20h55, BeIN Sport 2).
Fussball
Pour le Bayern, la seule question qui vaille est de savoir si le club bavarois réalisera la passe de trois cette saison. Champions d’Europe et d’Allemagne, les coéquipiers de Franck Ribéry (photo) disputent aussi la finale de la Coupe d’Allemagne. Bon courage à Stuttgart, son adversaire du jour (beIN SPORT, 20 h 15). (PHOTO : AFP)
Dimanche 2 MotoGP Inconsolables d’avoir raté le Grand Prix de France
Un festival de photos
Le sport est une mine de sujets pour les photographes du monde entier. Lors des Jeux olympiques (JO) de Londres, en 2012, les 45 professionnels accrédités par l’Agence France-Presse ont diffusé près de 75000 images. Certains de ces clichés comme ceux de l’agence chinoise Xin-
hua News (photo) aux JO 2008 sont à découvrir du 1er au 18juin, à Narbonne (Aude), dans le cadre de Sportfolio, le premier festival français consacré à la photo de sport. Au programme, sept expositions, 350 photographes de 25 pays et un concours international.
auMans, les amateurs de vrombissements sur deux roues pourront se rattraper avec celui d’Italie. Ce n’est peut-être pas la même saveur, mais si Randy de Puniet, 16e au classement des pilotes, y mettait du sien… (13h55, Eurosport). Cyclisme A la clé, il y aura un maillot jaune, à bandes bleues, un rouge à pois blancs, un vert et un blanc. Non, le Tour de France n’a pas été avancé de quelques semaines. C’est le Dauphiné libéré qui prend le départ (13 h 30, Eurosport 2). Hippisme Remplacez les maillots cyclistes par des casaques, les vélos en carbone par des pur-sang de 3 ans, et vous obtiendrez l’une des plus belles « classiques» de la saison de plat : le prix du Jockey Club, sur l’hippodrome de Chantilly. Deux mille cent mètres pour révéler les nouveaux talents du galop (à partir de 13 h 30, Equidia Live et L’Equipe21). (PHOTO : GETTY IMAGES)
l ’ h i s t o i r e
Un coup d’épaule qui coûte cher au PSG Lundi 3 Catch Pour les noctambules, rien de tel qu’une sympathique
Rémi Dupré
C
’est au volant de sa voiture que Leonardo est arrivé, jeudi 30 mai à 18 h 30, devant les locaux de la commission de discipline de la Ligue de football professionnel (LFP). Quelques heures plus tard, le directeur sportif du Paris-Saint-Germain est sorti, tout souriant et décontracté, de son audition devant le jury présidé par l’ancien arbitre international Pascal Garibian. « Je suis content d’avoir pu être entendu, a confié le Brésilien. J’ai raconté ce que j’ai vécu. Maintenant, j’attends sereinement la décision.» Peu avant 22 heures, la sanction tombe. Leonardo est suspendu neuf mois ferme de « banc de touche, de vestiaire d’arbitres et de toutes fonctions officielles» pour avoir volontairement bousculé, dimanche 5 mai, dans les entrailles du Parc des Princes, Alexandre Castro, arbitre de la rencontre PSG-Valenciennes (1-1). S’appuyant sur l’article 2.9 du barème disciplinaire de la Fédération française de football, les membres de la commission ont lourdement pénalisé le matois dirigeant, déjà suspen-
du à titre conservatoire depuis le 7 mai et connu pour ses critiques répétées à l’égard du corps arbitral. A l’issue du match du 5 mai, Leonardo avait tenté d’alpaguer Alexandre Castro, irrité par l’expulsion du défenseur et capitaine parisien Thiago Silva, qui avait touché le maillot de l’officiel peu avant la mi-temps. Les images de Canal+, diffuseur de la rencontre, attestaient du coup d’épaule donné à l’homme en noir par un Leonardo visiblement furieux.
Ancelotti débarrassé de Leonardo Pour sa défense, le Brésilien avait transmis à la commission la vidéo prise par les caméras du circuit interne du Parc des Princes. « Au moment où M. Castro arrive, il y a un délégué qui est devant moi au début et qui en cherchant à me bloquer, me pousse, avait-il expliqué à l’AFP. Après, avec mon dos, je rentre en contact avec l’arbitre. » « La première réaction, quand vous bousculez quelqu’un involontairement, c’est de faire des excuses, et non pas de partir en pestant comme l’a fait Leonardo ce soir-là », avait riposté Patrick Anton, l’avocat d’Alexandre Castro. Ecopant dans le même temps d’un retrait de trois points avec sursis au titre de la prochaine saison de Ligue
1, le PSG a fait appel de la sanction de son directeur sportif. La suspension du Brésilien renvoie la formation de la capitale à son actuelle crise de gouvernance. Aux yeux du président parisien, Nasser Al-Khelaïfi, Leonardo était le successeur putatif de l’entraîneur Carlo Ancelotti, sous contrat jusqu’en juin2014 mais désireux de rejoindre le Real Madrid cet été. Fin négociateur et à l’origine du recrutement des stars parisiennes, l’ex-joueur du PSG (1996-1997) est l’un des symboles du projet mis en place depuis juin2011 par les propriétaires du club, les actionnaires de Qatar Sports Investments. Entre dédain affiché pour les « petites» équipes de Ligue 1 et algarade avec le buteur parisien Zlatan Ibrahimovic au soir du sacre en championnat, Leonardo a reflété, cette saison, les travers d’une équipe parisienne électrisée par l’optique du titre. Homme de réseau madré et intrigant, le directeur sportif sera-t-il gardé par Nasser Al-Khelaïfi? De facto, la suspension de Leonardo rend crédible l’hypothèse d’une confirmation de Carlo Ancelotti sur le banc parisien. Débarrassé de Leonardo, le technicien italien pourrait alors disposer de pouvoirs élargis sur le plan sportif. p
réunion de catcheurs à la télévision avant de filer au lit : ici, il s’agit du Slammiversary, un rendez-vous qui a lieu tous les ans depuis 2005 pour fêter la création de la Total Nonstop Action Wrestling, fédération de catch américaine (2heures, Ma chaîne sport).
Mardi4 Football Ronaldinho, Thierry Henry, Cristiano Ronaldo,
Zinedine Zidane, David Beckham, tous ont un autre point commun que leur chéquier extra-large: ils ont participé, étant minots, au tournoi de Toulon. Aujourd’hui, l’affiche du groupe B mettra aux prises les jeunes talents brésiliens et leurs homologues nigérians: Brésil-Nigeria (19heures, BeIN Sport 2).
Vendredi 7 Tennis Le tirage au sort a tranché. Cette année, le Serbe
Novak Djokovic et son rival espagnol Rafael Nadal ne pourront se retrouver qu’en demi-finale de Roland-Garros. Pour un remake de la précédente finale. C’est donc maintenant ou jamais (16h45, France Télévisions).
enquête
SPORT & FORME
0123
Samedi 1er juin 2013
3
Le Brennus, bouclier de la tradition Selonlerituel,letrophéeduTop14 neserapasremisaupremierduchampionnat, maisaugagnantdelafinale.Celle-cioppose, samedi1er juin,CastresàToulon RUGBY|
Présentation du Bouclier de Brennus au Stade de France. MARTIN/PRESS SPORTS
Laurent Telo
S
elon un rituel invariable, samedi soir 1er juin, à l’issue de la finale du championnatde France de rugby, la grande scène du Stade de France aura convoqué Racine et Corneille pour jouer son must, sa tragédie pour un Bouclier. Cette année, à Castres et Toulon les premiers rôles. Au vainqueur, le cerveau en feu d’artificeetuneextasecosmogonique.Auvaincu, la mise à mort, les convulsions lacrymales et la chute d’une brutalité sans exemple sous une lumière cruelle. Au vainqueur, la montée en apesanteur des marches de la tribune présidentielle pour toucher le Bouclier de Brennus, fétiche ultime. Au vaincu, cette épitaphe d’André Boniface (une finale gagnée en 1963, deux perdues en 1953 et 1959): « Quand on perd une
« Les phases finales ont un parfum tellement particulier. C’est le point maximal de la performance. L’adrénaline générée est unique » Pierre Rabadan, joueur du Stade français
finale, on se dit qu’il vaudrait mieux ne pas la jouer. Car après on n’existe plus.» Une finale de championnat a l’épaisseur du mythe et le parfum d’un alcool violent dans lequel on se permet de tremper quelques madeleinesovaleset arbitraires.En attestentla chevauchée solaire du Toulousain Denis Charvet, auteur d’un essai de 80 m en 1989 contre Toulon, et l’entrée dans l’arène, en marchant, des gladiateurs du Stade français vainqueurs par K-O avant même le coup d’envoi, en 1998, contre Perpignan. Ou encore l’essai rageur du racingman au nœud pap’ rose, Laurent Cabannes, à la fin de la prolongation en 1990 contre Agen; le bruit mat du ballon tapé par le Biarrot Serge Blanco sur une pénalité de plus de 50mètres en 1992 pour sa seule finale jouée et perdue contre Toulon… Bref, des instantanés visuelspourlavie.Lachansondegesteperdure depuis 1892 quand, sur un terrain vague du
Le top du Top Les clubs les plus titrés
– Stade toulousain: 19 titres. – Stade français: 13 titres. – AS Béziers: 11 titres. – SU Agen et FC Lourdes: 8 titres.
La meilleure série
– Stade bordelais: 4 titres de suite, champion de France entre 1904 et 1907. – Stade toulousain: 4 titres de suite, champion de France entre 1994 et 1997.
Les finalistes 2013
– Rugby Club toulonnais: 3 titres (1931, 1987, 1992), 6 finales perdues. – Castres Olympique: 3 titres ( 1949, 1950, 1993), 1 finale perdue.
boisdeBoulogneàParis,leRacingClubdeFrance a battu le Stade français 4-3 au cours d’un match arbitré par le baron de Coubertin. Donc, voilà… Depuis 1892, une finale vieille comme son sport, le poids écrasant de l’histoire et de la tradition dans l’imaginaire collectif. Tout ça pour dire que nous allons, solennellement, poser une question blasphématoire: les phasesfinalesduchampionnatsacrent-ellesla meilleure équipe de la saison ou valident-elles la plus grande injustice de l’histoire du sport? En football, le champion de France est sacré à l’issue des 38 journées que compose la saison. En rugby, la meilleure équipe de la saison, tout du moins celle qui a terminé à la première place du classement à l’issue des 26 matchs de la saison dite régulière, Clermont cette année, ne sera pas sur la pelouse samedi soir. Malgré son effectif en béton et son jeu de rêve, le club auvergnatauravécuune saisonà semordreles lèvresetleresteaprèssonéliminationendemifinales face à Castres. Oui,mais, au diablelalogique:« Lafinale du championnat,c’est l’ADN du rugby! Le Bouclier de Brennus, c’est son sang. La finale est indissociable de notre folklore. C’est la fête du rugby, la transhumance indispensable des supporteurs de la province vers la capitale pour le match le plus excitant de l’année!», s’exclame l’écrasante majorité du gros pack de sondés contactés pourrépondre à la question: faut-il supprimer la finale du championnat? Même Mourad Boudjellal (une finale perdue en 2012), le président toulonnais, se dit « traditionaliste» sur ce coup-là, tout comme Pierre Rabadan (quatre finales gagnées, une perdue avec le Stade français dans les années 2000) qui parle au nom des joueurs: «Les phases finales ont un parfum tellement particulier. Tudémarresunenouvellesaisonavecdessensations décuplées. C’est le point maximal de performance. L’adrénaline générée est unique.» Pourtant, le débat sur la finale n’est pas farfelu. En contrepoint, il y a le sceptique : Alain Paco (pourtant six finales gagnées, une de perdue), fer de lance de la phalange biterroise des années 1970: « Etre sacré sur un match peut ne pas être exactement le reflet de la saison ni respecter l’équité sportive. » Il y a l’original: André Alvarez (une finale gagnée avec Bayonne en 1943) avait suggéré que le Bouclier fût remis à l’équipe qui, tout au long de la saison, avait démontré son fair-play en obtenant le moins de pénalités. Le pragmatique: Bernard Laporte (deuxfinales gagnéesen 1991 et 1998, unede perdueen2012)avaitsoulevélaquestionlasaison dernière: « Ce serait mieux si le premier de la saison régulière devenait champion de France. En plus, il n’y aurait plus d’impasse au cours de la saison. » Le Normand : bien que né à Gaillac, Vincent Moscato (deux finales gagnées avec Bègles en 1991 et avec le Stade français en 1998, une de perdue avec Brive en 1996): « Je n’irai au combat ni pour la suppression de la finale ni pour son maintien. En 1996, la déception avait été tellement terrible. Mais l’humain est bien fait, il ne se souvient que des bons souvenirs.» Et puis, il y a Jean-Marc Lhermet, joueur (deux finales perdues en 1994 et 1999), ensuite directeur sportif de Clermont (une finale gagnée en 2010, dix finales perdues, le record), qui a décidé de ne pas porter plainte pour vol : « On est un des seuls sports où les neuf dixièmes de la saison ne servent qu’à établir un classement avant que le titre ne se joue sur deux matchs. On peut donc penser que le Bouclier récompense surtout le champion du mois de mai.Cependant,jevoisquemêmenospartenaires financiers ne sont pas frustrés de l’issue de
cette saison. La finale est un rendez-vous accepté et attendu.» MaxGuazzini(cinqfinalesgagnées,uneperdue), président de la commission marketing à la Ligue nationale de rugby, vient au soutien: «Même le championnatanglaisa désormais sa finale, ce qui prouve bien que c’est la meilleure solution.» Est-ce la seule à l’heure où le sélectionneur national, Philippe Saint-André (une finale perdue avec Clermont en 1994), plaide pour redonner de la compétitivité au XV de France en tentant de dégager des dates pour préparer ses internationaux? Pour Eric Bayle (aucunefinalejouée mais treizecommentées), responsabledurugbysurCanal+:«Poursepasser d’une finale, il faudrait une refonte générale
ducalendrier.Réduirelenombredeclubsdel’élite pour éviter les doublons [le championnat se joue le même week-end que certains matchs du XV de France] qui faussent aussi la phase régulière.» Et Lhermet de proposer : « L’idéal serait que le Bouclier soit décerné au terme d’une Coupe de France. Mais, politiquement, cela paraît impossible. » Oui, tout cela paraît aussi complexe qu’une combinaison d’attaque du Stade toulousain (dix-neuf finales gagnées, le record, et sept perdues). Le monument sera difficile à déboulonner, le Stade de France s’apprête à signer un contrat pour accueillir la finale pour quatre ans encore. Et onn’enconnaîtpasun seul quifera lafinebouche pour assister au spectacle. p
présente
Du 26 mai au 9 juin,
Sport
suivez Roland-Garros où que vous soyez Retrouvez tous les matchs en direct. Entrez dans les coulisses avec «Troisième balle », le blog de la rédaction du Monde. Revivez la victoire de Yannick Noah, en 1983, grâce à une saga exclusive où le dernier Français vainqueur de Roland-Garros raconte match après match, son ascension vers le titre.
Retrouvez notre chaîne spéciale www.lemonde.fr/roland-garros/
4
0123
Samedi 1er juin 2013
SPORT & FORME
enquête
Les nouveaux princes du foot business football
Le marché des transferts s’ouvre officiellementle 9juin maisl’AS Monaco du milliardairerusse Rybolovleva déjà fait sauterla banque
V Rémi Dupré
endre le club serait un crève-cœur pour le prince Albert II. Mais on ne peut pas se reposer sur le fantasme d’un investisseur qatari comme au PSG. » Glissée dans les allées du centre d’entraînement de la Turbie (Alpes-Maritimes), la confidence émane de Jean Petit, entraîneur adjoint et figure tutélaire de l’AS Monaco (ASM). Nous sommes en novembre 2011, et l’équipe de la Principauté stagne alors à la dernière place de la Ligue 2. Six mois auparavant, la formation du Rocher a connu l’humiliation de la rétrogradation après trente-quatre années consécutives parmi l’élite. Conséquence de cette chute, la pérennité financière du septuple champion de France et double finaliste de la Coupe d’Europe (1992, 2004) est remise en cause par l’arrêt de la subvention annuelle versée par la Société des bains de mer (SBM), compagnie dont l’Etat monégasque est l’un des actionnaires et qui possède 40 % du capital du club. « Comment ferons-nous sans argent ? », s’inquiète Jean Petit. Aujourd’hui, ses craintes sont apaisées. Et le sexagénaire est toujours en poste, aux côtés de Claudio Ranieri, 61 ans, ex-entraîneur de Chelsea, de la Juventus Turin et de l’InterMilan.Alatêted’uneescouademajoritairementcomposéede jeunes formésau club, le technicien italien vient de ramener parmi l’élite des Rouge et Blanc sacrés champions de Ligue 2. Au soir du titre, l’entraîneur romain précise ses ambitions : « Mon objectif, maintenant, c’est la Ligue des champions. Pourquoi pas dès la saison prochaine? » Pour retrouver cet horizon européen, Claudio Ranieri dispose déjà sur le papier d’une armada redoutable. Car le Rocher a brusquement précipité l’ouverture du marché des transferts, pourtant officiellement programmée le 9 juin. Le 24 mai, l’ASM a entériné le recrutement pour 70 millions d’euros du milieu portugais Joao Moutinho et du buteur colombien James Rodriguez, transfuges du FC Porto. Le 28 mai, les dirigeants monégasques ont officialisé l’enrôlement du défenseur lusitanien Ricardo Carvalho, 35 ans, en provenance du Real Madrid. Et vendredi 31 mai, la Principauté s’apprêtait à fêter l’arrivée de Radamel Falcao, considéré comme le troisième meilleur attaquant d’Europe derrière l’Argentin Lionel Messi et le Portugais Cristiano Ronaldo. L’Atlético de Madrid a réclamé 60millions d’euros pour laisser partir sa star colombienne. Un montant qui en ferait le joueur lepluscher de l’histoirede laLigue1 devant le défenseur brésilien Thiago Silva, enrôlé 49millionsd’eurospar le Paris - Saint-Germain en 2012. Le club princier, qui lorgne d’autres vedettes comme l’Argentin Carlos Tevez et l’Italien Claudio Marchisio, a déjà dépensé 130 millions d’euros en moins d’une semaine. D’ici à la clôture du mercato, fin août, Dmitry Rybolovlev devrait donc faire passer pour un pingre le patron qatari du PSG, Nasser Al-Khelaïfi, qui a englouti l’été dernier la somme record de 166 millions d’euros. Milliardaire russe de 46 ans, Dmitry Rybolovlev est devenu propriétaire du club en décembre 2011. Classé 119e fortune mondiale en 2013 par le magazine Forbes, cet ancien magnat du secteur minier a déjà dépensé 162 millions d’euros en achat de
joueurs depuis sa prise de fonctions. Patron de l’ASM depuis qu’il a racheté 66% des parts du club, le natif de l’Oural connaît deszonesd’ombre.L’ancienpatrond’Uralkali, entreprise reine de la production d’engrais potassiques, est notamment passé par la case prison. En 1996, il est accusé d’avoir fait assassiner le directeur de Neftekhimik, société passée sous son contrôle peu après le meurtre. Après onze mois d’incarcération, le jeune oligarque a été acquitté faute de preuves. En 2011, Dmitry Rybolovlev s’installe à Monacooùvitsa filleaînée,Ekaterina.Pour 200 millions de livres sterling (230 millions d’euros), il y achète La Belle Epoque, une résidence cossue de 2000 m². En 1999, l’immeuble particulier avait été le théâtre d’un incendie criminel causant la disparitiondesonpropriétaire,lebanquiermilliardaire libanais Edmond Safra. Après avoir échoué à prendre possession de Manchester United, l’homme d’affaires russe jette sondévolusurl’ASM.L’étenduedesafortune personnelle rassure alors le prince Albert II. « Il était installé de longue date sur le Rocher pour ses affaires, explique un observateuravisé de la Principauté. Il a pris le club alors que celui-ci était très mal. Il a voulu rendre service à sa terre d’accueil.» A la tête de la société Monaco Sport Investment (MSI), qui se pose en rival du Qatar Sport Investments (QSI) du PSG, il prend le contrôle du conseil d’administration du club et place ses proches. En mars, le milliardaire nomme l’un de ses conseillers, Vadim Vasilyev, au poste de directeur sportif. La discrétion de l’oligarque avec les journalistesrenforce le climat
« Il y a de la jalousie autour de Rybolovlev. On a tendance à dire “l’ASM, c’est sa danseuse”. En revanche, on n’attaque pas les Qataris qui ont d’autres intérêts en France » Un proche de la direction de l’AS Monaco d’intrigues qui entoure actuellement l’équipe monégasque. Fuyant les demandes d’interview, Dmitry Rybolovlev a opté pour une gestion à l’anglo-saxonne: il se tient à l’écart du jeu médiatique à l’image de Malcolm Glazer, le propriétaire de ManchesterUnited. Nombred’observateurs le comparent à son compatriote Roman Abramovitch, le richissime patron de Chelsea. Dans l’entourage du prince Albert II, on loue l’action menée par l’énigmatique investisseur. « Il y a de la stabilité et un cap bien clair, se satisfait-on au Palais. L’ASM est entre de bonnes mains et son financement est assuré. Il n’y a que des avantages. » « L’objectif est de devenir les meilleurs de France », murmure-t-on au sein du conseil d’administration du club. Pour l’exercice 2013-2014 de la Ligue 1, la fortune du mécène et l’arrivée de stars sur le Rocher préfigurent une rivalité tant sportive qu’économique entre l’ASM et le PSG, champion en titre. « On veut batailler pour les deux premières places du classement », confie un connaisseur de l’ASM. Disposantd’un budgetde 30millionsd’eurosla saison dernière,la formationprincière devrait bénéficier d’une enveloppe globale de 170 millions d’euros à l’horizon
2014-2015. La montée en puissance de l’outsider monégasque et la dyarchie qui paraît se dessiner au sommet de la Ligue 1 inquiètent les autres dirigeants du foot français. « Comme le PSG semble promis à un règne durable, les autres équipes n’auront plus qu’à se battre pour les 3e et 4e places du classement », soupire JeanLouis Triaud, le président des Girondins de Bordeaux. «C’estévidentqu’ilvautmieuxdeuxlocomotivespour la Ligue1 plutôt qu’une,considère-t-on au Palais. Après, il ne faut pas réduire cette éventuelle rivalité en un com-
bat Russie versus Qatar.» Du côté de l’ASM, on se défend de vouloir « vampiriser » le championnat de France tout en affichant une modestie de circonstance. Celle d’un promu peu enclin à « recruter 15 joueurs ni à dépenser 300 millions d’euros en transferts». Si l’institution fondée en 1924 aspire à « retrouvertrèsrapidement la Coupe d’Europe», elle prépare son retour parmi l’élite dans un contexte troublé. Le 21 mars, le conseil d’administration de la Ligue de football professionnel (LFP) a adapté son règlement afin d’obliger les dirigeants des clubs à installer leur siège social en France
L’entraîneur italien de l’ASM, Claudio Ranieri, au centre de La Turbie (Alpes-Maritimes). FELIX GOLESI/PRESSE SPORTS
SPORT & FORME
enquête
0123
Samedi 1er juin 2013
INFOGRAPHIE LE MONDE
Monaco, un sérieux concurrent pour Paris
MONTANTS DES TRANSFERTS DES JOUEURS, en millions d’euros
Paris - Saint-Germain
AS Monaco
Marco Verratti
130 millions d’euros depuis le 24 mai 2013
PESCARA
166 millions d’euros 15 pour le mercato d’été 2012
5
Radamel Falcao Garcia ATLÉTICO DE MADRID
Thiago Silva
60*
MILAN AC
49
Ezequiel Lavezzi
Joao Moutinho
NAPLES
31
FC PORTO
25
Zlatan Ibrahimovic
Lucas Moura
James Rodriguez
45
45
FC PORTO
SAO PAULO FC
MILAN AC
20
Gregory 6 van der Wiel
AJAX AMSTERDAM
* Somme demandée par l’Atlético de Madrid pour le laisser partir, qui serait le record en Ligue 1
L
Dmitry Rybolovlev et le prince Albert II de Monaco, le 4 mai au stade Louis-II.
La ministre des sports veut interdire les transferts
a France contribue activement aux travaux de la Commission européenne sur l’interdiction des transferts.» La petite phrase a été lâchée par la ministre des sports, Valérie Fourneyron, le 15 mai, lors de la présentation de son bilan un an après l’élection de François Hollande (PS). Pour la ministre, «le montant des transferts mine complètement le foot». Un avis visiblement partagé par la commissaire européenne chargée du sport, Androulla Vassiliou, qui a demandé à un groupe d’experts de bûcher sur la question et de remettre avant la fin de l’année des propositions aux ministres de l’Union européenne. Les travaux de la Commission s’appuient notamment sur un rapport rendu en janvier. Le document rappelle que « l’Union européenne abrite le marché des transferts le plus important au monde». Entre 1995, année de l’arrêt Bosman qui a
libéré le marché des footballeurs, et 2011, le nombre de transferts a été multiplié par 3,2 (de 5 735 à 18 307), soit une multiplication par 7,4 en valeur totale (de 400000 euros à plus de 3 milliards). « Les règles en matière de transfert ne parviennent pas à lutter efficacement contre les déséquilibres compétitifs puisqu’il existe un lien très fort entre les dépenses en matière de transfert et les résultats sportifs, en particulier depuis 2001 », pointe l’étude. Afin d’améliorer l’intégrité et l’équité des compétitions, le rapport préconise notamment de plafonner les indemnités de transfert à 70 % du salaire du joueur, et d’instaurer une redevance sur les transferts dépassant un certain montant afin de financer un mécanisme de redistribution entre les clubs les plus riches et les moins fortunés. p Stéphane Mandard
OLIVIER ANRIGO/ICON SPORT
avantle 1er juin 2014. L’ASMse trouve directementvisée par cette mesure puisque ses bureaux sont situés au stade Louis-II, qui se trouve dans le quartier monégasque de Fontvieille. Invoquantun article ducode du sport, la LFP a pris cette décision afin de mettre un terme aux avantages fiscaux et sociaux dont dispose le club de la Principauté. En vertu de l’ordonnance de 1869, l’ASM n’est pascontraintedepayerunimpôtlorsqu’elle engage un joueur étranger. Les recrues françaises, elles, sont toutefois imposées dans leur pays d’origine en application de
« L’ASM doit être soumise aux mêmes règles que nous. On ne va pas leur demander un chèque pour avoir la paix éternelle » Jean-Louis Triaud
président des Girondins de Bordeaux la convention fiscale franco-monégasque de 1963. Par ailleurs, l’effectif de la formation princière bénéficie, sur le Rocher, de charges sociales inférieures de 20% à celles envigueurdansl’Hexagone.Atitredecomparaison, pour offrir un salaire annuel net d’impôt de 1 million d’euros à un joueur étranger, l’ASM doit débourser 1 051 000 euros, toutes charges comprises. Un montant qui s’élève à 3 200 000 euros pour un club français. Ces avantages ont toujours permis aux Rouge et Blanc de se doter de nombreuses stars étrangères, à l’instar de l’Italo-Argentin Delio Onnis (1973-1980), de l’Allemand Jürgen Klinsmann (1992-1994) ou du Brésilien Sonny Anderson (1994-1997).
Entré dans une guerre ouverte avec la LFP, Dmitry Rybolovlev s’appuie sur son vice-présidentJean-LouisCampora,ex-dirigeant historique (1975-2003) de l’ASM, pour obtenir l’annulation de cette mesure. Homme de réseau, ce médecin à la retraite de74ansaétérappelé,enjanvier,parlepropriétairerusse, dix ans après avoir lâché les rênes d’un club accusant alors un déficit de 53 millions d’euros. Figure politique du Rocher, Jean-Louis Campora venait à l’époque d’être désavoué par le Palais sur le dossier de la reprise de l’ASM par son sponsor Fedcominvest, société du Russe Alexeï Fedorichev,suspecté de blanchimentd’argent par les renseignements généraux. Le 3 mai, Noël Legraët, président de la Fédération française de football, tente une médiation en proposant à Dmitry Rybolovlev le versement d’une compensation financière de 200 millions d’euros sur six années. Mettant rapidement un terme à cet entretien organisé dans un palace de la Principauté, le dirigeant de l’ASM quitte son interlocuteur en proférant des jurons. Malgréde vifs échanges par communiqués de presse interposés, le club monégasque et les instances nationales s’entendent sur la tenue, le 22 mai, d’une réunion de conciliation.Orl’ASMdécided’annulercetterencontre et dépose un recours devant le Conseil d’Etat afin que soit supprimée la réglementation votée à l’unanimité par la Ligue. « Le club entend démontrer que la décision de la LFP viole plusieurs principes fondamentaux du droit français et du droit européen », ont indiqué les dirigeants monégasques dans un communiqué. La justiceadministrativedoitexaminercelitige lors d’une audience prévue le 20 juin. «L’ASM, qui a déposé un référé, espère obtenir la suspension temporaire de cette mesure avant le début de la prochaine saison. Celaluilaisseradutempsavantqu’unedécision définitive soit prise par le Conseil d’Etat dans plusieurs mois », explique une source proche du dossier.
Dates Mai2011 Après trente-quatre années passées parmi l’élite, l’AS Monaco (ASM) est rétrogradée en Ligue 2. Décembre2011 L’homme d’affaires russe Dmitry Rybolovlev devient président de l’ASM en rachetant 66 % des parts du club. 21 mars 2013 Le conseil d’administration de la Ligue de football professionnel (LFP) impose à l’ASM d’installer son siège social en France avant le 1er juin 2014. 3mai Rencontre entre Dmitry
Rybolovlev et Noël Le Graët, président de la Fédération française de football (FFF). L’oligarque refuse de verser la compensation financière de 200 millions d’euros exigée par la FFF.
11 mai Leader de Ligue 2,
Monaco valide sa remontée parmi l’élite.
29mai Ricardo Carvalho signe à l’ASM, les négociations se poursuivent avec Falcao. 20 juin Le Conseil d’Etat devrait étudier le référé déposé par l’ASM. Le club réclame la suspension de la décision prise le 21 mars par la LFP.
Dans l’attente de ce dénouement juridique, les positions des parties concernées restent figées. « Lorsqu’on était derniers de Ligue2, personnenecherchaitànousenquiquiner, s’offusque Norbert Siri, ex-président du Club des supporteurs monégasques et historien revendiqué de l’ASM. Je crois qu’on paie notre statut de rival putatif du PSG la saison prochaine. » « Il y a de la jalousie autour de Rybolovlev, souffle un proche de la direction du club monégasque. On a tendance à dire : “L’ASM, c’est sa danseuse.” En revanche, on n’attaque pas les Qataris, qui ont d’autres intérêts en France. » Du côté de la formation du Rocher, on défend un projet qui pourrait « profiter » à l’ensemble des équipes de Ligue 1, en rappelant le déclassement de la France – désormais reléguée à la sixième marcheet devancéepar le Portugal – à l’indice UEFA. « On a fourni six joueurs aux Bleus sacrés champions du monde en 1998, rappelle Norbert Siri. L’ASM a apporté sa dîme au football français. » Du côté des représentants des clubs à la LFP,onprônel’«équitésportive»pourjustifier la décision du 21mars. «L’ASM doit être soumiseauxmêmesrèglesquenous,insiste Jean-LouisTriaud.Onneva pasleurdemander un chèque pour avoir la paix éternelle.» « Avec la taxe dite des 75 %, la hausse des charges sociales et l’arrêt Bosman, qui permet à l’ASM de recruter autant de joueurs étrangers non imposables qu’elle souhaite, le niveau de déséquilibre est intolérable, détaille Jean-Pierre Louvel, président du Havre Athletic Club et de l’Union des clubs professionnelsde football.S’il ne veut pas déplacer son siège, le club monégasque devra proposer des solutions. Il pourrait se fixer un quota de joueurs étrangers au sein de son effectif.» Plus nuancé, Jean-Michel Aulas regrette «la méthode» de la LFP tout en partageant, «sur le fond», sa position. « J’aurais préféré qu’on négocie avant de légiférer, explique le président de l’Olympique lyonnais. L’ac-
célération du processus de recrutement mené par l’ASM et le montant des transactions sont autant de messages que nous envoie un M. Rybolovlev braqué. La dyarchieParis-Monaco ne m’inquiètepas et peut créer une dynamique positive en matière de droits télé. On aurait pu s’appuyer sur la redistribution de ces droits de retransmission pour demander une compensation à l’ASM.» Et que pense le patron du PSG des avantages fiscaux dont bénéficie Monaco ? «Nous sommes le PSG, nous ne sommes pas le Parlement. C’est au conseil d’administrationdela Liguedese positionnersur la question. Je ne cherche pas à influer sur l’issue de ce débat. Je suis heureux de voir Monaco revenir en L1 », expliquait très diplomatiquement Nasser Al-Khelaïfi dans L’Equipe en avril. Lamontéeen puissancedu club princier coïncide également avec la mise en place prochaine du fair-play financier par l’UEFA, visant à instaurer une régulation financière à l’échelle européenne. Début juin, la Direction nationale de contrôle de gestion (DNCG) doit auditionner l’ASM afin de soupeser son enveloppe budgétaire et d’évoquersesperspectivesde revenus.Laformation du Rocher parviendra-t-elle à équilibrersesdépensesetàrespecterainsilesexigences de l’instance dirigeante du football européen? « Dans une ou deux saisons, le fair-play financier devrait rééquilibrer le championnat marqué par l’arrivée de ces deux super-investisseurs», analyse JeanMichel Aulas. Le 1er juillet, les nouvelles stars de l’ASM effectueront leur premier entraînement aucentredelaTurbie.Quelquesjoursauparavant, le Conseil d'Etat se sera prononcé surle litigeopposant leclub etla Ligue.Et le patron des clubs français, Jean-Pierre Louvel, d’agiter la menace : « S’il y a impasse, certains clubs de Ligue 1 opteront pour des positions dures, comme boycotter les matchs contre l’ASM.» p
6
0123
Samedi 1er juin 2013
SPORT & FORME
avis aux amateurs
A Chamonix, on s’attaque à la culture de la grimpe prix « le monde » – fais-nous rêver
Depuis 2010, l’associationGroupe de haute montagne permet à des jeunes de la Franceentière de découvrirl’escalade sur des sites de Haute-Savoie
graines de champion
Paul Jedrasiak, petit Bleu mais costaud Le rugbyman clermontois de 20 ans dispute la Coupe du monde espoirs avec le brassard de capitaine du XV de France. Laurent Telo
O
Sur le plan de l’aiguille du Midi, atelier de remontée sur corde fixe, le 11 mai. NICOLAS RIGHETTI/REZO POUR « LE MONDE »
Bruno Lesprit
S
Chamonix (Haute-Savoie), envoyé spécial
ur le piton nord de l’aiguille du Midi, à près de 3 800 mètres d’altitude, Damien, guide chamoniard, tente d’édifier les jeunes générations à l’histoire de l’alpinisme. C’est peu dire qu’il a du pain sur la planche. Pendant qu’un étourdi demande « où est le mont Blanc ? » en provoquant l’hilarité générale, le pédagogue retrace les expéditions du scientifique genevois Horace-Bénédict de Saussure et la récompense qu’il offrit à Jacques Balmat et Michel Piccard, vainqueurs du toit de l’Europe en 1 786. Des noms absolument ignorés del’assistance.« Vousavezlu Premierde cordée, de Frison-Roche? Ça se passelà-bas, dans les Drus », indique alors le guide, le doigt pointé vers les deux pics. Aucune réaction. «Euh…Vouslisezdelalittératuredelamontagne? » « Le Sommet des Dieux ! », réagit un adolescent. « Ah oui, c’est un manga, ça… » Lascènesepassependantleweek-endPiolets Jeunes, qui s’est tenu les 11 et 12 mai, et souligne à elle seule le bien-fondé de cette opération. Lancée en 2010 par l’association Groupe de haute montagne (GHM), elle vise à faire découvrir ce milieu naturel à plus de 200jeunes âgés de 14 à 22 ans, venus dans le cadre scolaire ou associatif. De toutes origines sociales et géographiques, ils sont aussi de tous niveaux, du débutant au crapahuteur occasionnel jusqu’au grimpeur élève d’une classe de montagne. En aval, au Plan de l’Aiguille (2 354 m), des ateliers d’initiation ont été mis en place. L’un, avec deux sondes plantées dans la neige, informe sur le détecteur de victimes d’avalanches. « Le pelletage, j’y vais franchement! explique Xavier, l’instructeur.La personne qui est en dessous, si elle prend un coup sur la tête et que je la sors vivante, elle ne m’en voudra pas. » Un autre, plus haut,
S OLES SOUTENU 250 000 BÉNÉV TOUTES LES LEINE NATURE ACTIVITÉS DE P PLUS DE 1000 AUT NIVEAU SPORTIFS DE H OMPAGNÉS ACC NS ET ASSOCIATIO 17 000 CLUBS
permet de travailler la remontée de cordes fixes et la technique du mouflage pour extraire quelqu’un d’une crevasse. Président du GHM, Christian Trommsdorff rappelle qu’il s’agissait à sa fondation, en 1919, d’« un club alpiniste amateur élitiste ». « Mais aujourd’hui, poursuit-il, on veut sortir de cette vision en organisant tous les ans ce rassemblement qui permet aux jeunes l’apprentissage de la gestion du risque. » L’idée est de promouvoir dans une montagne non aménagée «une culture de l’alpinisme » qui tend à se perdre, en défendant le
« Chacun doit grimper à son niveau en adaptant le projet en fonction de ses capacités » Christian Trommsdorff
président du Groupe de haute montagne « style alpin, éthique, avec autonomie de la cordée». En opposition à l’himalayen, « ces lourdesopérationscommercialesoùc’estl’entourage, sherpas, guides et porteurs, qui fait le boulot». Selon Christian Trommsdorff, point n’est besoin d’ouvrir des voies pour retrouver cet idéal, qui consiste simplement «à se retrouver à quelques-uns dans la nature, paumés. Cela commence avec la randonnée et le trekking. Chacun doit grimper à son niveau en adaptant le projet en fonction de ses capacités». « Si on a besoin de créer un événement pareil, c’est bien parce qu’on observe une désaffection de l’alpinisme, même si les choses tendent à se stabiliser depuis a deux ans», observe Jean-Philippe Lacoste, directeur du centre UCPA (Union nationale des centres
sportifs de plein air) de Chamonix, qui héberge, nourrit et équipe les participants aux Piolets Jeunes.Il rappellequ’il a puexister une quinzainede centres de son organisme consacrés à l’alpinisme, et qu’il n’en reste que trois (Argentière, Chamonix et SerreChevalier),alors que « la montagne et la voile étaient notre cœur d’activité». Encause,«l’explosiondesoffresavecdiversification tous azimuts dans les formules multisports », en phase avec la culture du zapping. « On a voulu coller à la demande maiscelan’afidélisépersonnesuraucunediscipline », regrette Jean-Philippe Lacoste. La prolifération de murs d’escalades urbains n’a pas non plus arrangé les choses, les pratiquants rechignant à passer « de la résine du gymnase à la découverte d’un site naturel». Christian Trommsdorff note que, «même à Chamonix, le club d’escalade ne met plus le nez dehors». Confronté à cet enfermement, le directeur de l’UCPA à Chamonix s’est surtout demandé comment faire pour toucher «ces jeunes rivés à leurs jeux vidéo». Il a eu l’idée révolutionnaire de rebaptiser son produit d’un nom de game avec cet argumentaire: « Après une année d’entraînement sur la console, les muscles de vos doigts et de vos avant-bras sont fin prêts pour “Rock & Ice”. Faites la démo devant vos potes.» Le teasing a fonctionné puisqu’il lui a fallu doubler le nombrede groupesprévuset lancerun petit frère, « Rock & Block». Jean-Philippe Lacoste assume cette concession un peu démagogique tant la fin justifie les moyens. « Je suis persuadéque l’alpinismeresteune super école de vie, conclut-il. Il n’y a qu’à voir dans les ateliers des Piolets Jeunes. Les gamins commencent par se balancer des boules de neige et rapidement ils se calment.» p Cette association concourt au prix «Le Monde » – Fais-nous rêver, qui vise à récompenser un projet d’éducation par le sport. Pour en savoir plus: Apels. org
, S E P L A E N Ô H R
EN
LE
SPORTR TOUS POU ! T U O T R A P ET
n peut être sur le point de disputer sa deuxième Coupe du monde et demeurer, pour quelques mois d’insouciance encore, une graine de champion. On parle de Paul Jedrasiak, joueur de rugby de 20 ans qui s’apprête à disputer, pour la deuxième fois consécutive, le mondial de sa catégorie d’âge en tant que capitaine de l’équipe de France. Lundi 20mai, le joueur de Clermont-Ferrand prenait ses quartiers à Marcoussis, comme les grands du XV de France, pour quinze jours de préparation à un tournoi qui se déroule début juin en pays de Loire. « L’objectif, c’est le titre. On a fini sixième l’an dernier. Là, on va bosser pour faire beaucoup mieux. C’est mon dernier rendez-vous en sélection chez les jeunes. Et ce sera peut-être la dernière Coupe du monde de ma vie.» Car, malgré son jeune âge, Paul Jedrasiak fait preuve d’un recul qui en impose autant que son gabarit (2mètres et 95kilos).
Déguisé en Califano Du recul, il en aura besoin, car il évolue à un poste (2e ligne, les joueurs les plus costauds) à maturité lente. « Paul doit encore bosser un peu tout, sauf son charisme, naturel, confirme Julien Lacourt, responsable du centre de formation de l’AS Clermont-Auvergne. Il a déjà le bagage du très grand joueur, mais il faut qu’il prenne le temps de se construire.» Pour le formateur, pas besoin d’une conjonction astrale favorable pour que son poulain réalise le « rêve de [sa] vie» : passer pro d’ici à un an. Et pourquoi pas à Clermont, malgré la concurrence: «A force de croiser des joueurs comme Jamie Cudmore, resté très simple, ça donne envie d’évoluer ici, même si ce sera dur», dit-il. La saison prochaine, son challenge est d’intégrer le plus souvent possible les entraînements du groupe professionnel. « C’est une période cruciale où je vais vraiment savoir si je peux passer pro ou pas. L’an passé, j’ai fait la préparation physique avec les pros de l’ASM. J’ai vu qu’il fallait que je travaille encore ma puissance.» Son contrat espoirs arrive à échéance à la fin de la saison prochaine. Avant le saut programmé dans le grand bain du rugby professionnel. Mais Paul Jedrasiak n’est pas effrayé par un quotidien de grande exigence ou par une fin de carrière qui semble arriver de plus en plus tôt dans un sport qui casse les corps. Il assure ses arrières en terminant un diplôme de gestion des entreprises administratives pour devenir, pourquoi pas, policier. Jedrasiak a grandi à Châteauroux (Indre), où il a été formé et où il a commencé par le basket. Sa famille, dont son père, ex-rugbyman qui a évolué deux saisons à Brive, y vit toujours. Christian Califano, pilier international particulièrement actif dans les années 1990, était l’idole du « petit» Jedrasiak. « J’adorais me déguiser en “Cali”. Je me mettais même du chatterton autour de la tête! » Califano compte 72 sélections en équipe de France. Paul Jedrasiak n’en demande pas tant, mais la voie est toute tracée. p
PRATIQUANTS 3 MILLIONS DE LICENCIÉS 1,5 MILLION DE ONS 100 COMPÉTITILES PAR AN INTERNATIONA NÉS NS ACCOMPAG 300 000 LYCÉE
PARTENAIRE DE L’AGENCE POUR L’ÉDUCATION PAR LE SPORT
www.sport.rhonealpes.fr
à moi de jouer
SPORT & FORME
0123
Samedi 1er juin 2013
7
Souvenirs en bloc Une chute de 15 mètres dans sa jeunesse avaitpoussé notre reporterà remiser sa passion pour l’escalade. Une invitation de l’ex-compagnede PatrickEdlinger, son héros, l’a poussé à ressortir chaussons et sac à pof
Olivier Dumons
V
Buthiers (Seine-et-Marne), envoyé spécial
ive le pont! 10 heures du matin en ce vendredi férié de mai, nous avons bien avancé : nous voici au pied du mur« Camp4», atteint après une ascension de courte durée. Partis moins d’une heure plus tôt en voiture de Paris, mes filles et moi sommes arrivés sans encombres à l’entréedececurieuxcamping.Pastoutàfaitsauvage, le lieu est fait de tentes disparates et colorées, non loin de Buthiers, haut lieu de l’escalade dite de « blocs », dans la forêt de Fontainebleau – plus simplement « Bleau », pour ceux dont les doigts s’apparentent aux serres de l’aigle. En fait de haut lieu, c’est plutôt de paradis pour « Bleausards» dont il faut parler. Ici s’étalent plus de 8 000 passages répertoriés et balisés sur plus de 200 sites d’escalade répartis sur une multitude de chaos de blocs de grès aux formes et noms divers et variés : La Canche-auxMerciers, Diplodocus ou le Cul-de-chien vont accueillir durant trois jours autant de chaussons qu’un plein mois d’été. L’escalade. Vieux souvenirs, vieille douleur, le plein de bonheur. Tout a commencé, comme pour bon nombre de futurs mordus de varappe, un soir de 1982. Ce 11 décembre à 17 h 50, Antenne 2 – l’ancêtrede France 2, pour les jeunots– diffuse dans ses « Carnets de l’aventure » un film de Jean-Paul Janssen. Ce jour-là, pour toute une génération – et de nombreuses suivront – c’est la révélation : en vingt-six minutes, le film élève Patrick Edlinger au rang de mythe. On le voit évoluer en escalade libre, sans matériel pour progresser et, sur certaines parties, en solo intégral, c’est-à-dire sans aucune assurance, sur des voies vertigineuses dans le Lubéron et dans les
« L’escalade est une expression corporelle, au même titre que la danse, c’est l’opéra vertical » Patrick Edlinger
gorges du Verdon. Bien loin de « Bleau », qu’il affectionnait tout autant d’arpenter. Au-delà de la performance hors du commun, ce sont les valeurs que prône ce jeune homme de 22ans à la longue tignasseblonde – toujoursretenue par un bandana délavé– qui vont faire mouche. Beauté de la nature, vie simple, mais aussi engagement, esprit du risque et du vertige. Et ce défi à la mort quasi permanent, sublimé par la poésie du geste: « Tu vas d’équilibre en équilibre, [mais] ce qui est important, c’est la façon dont tu passes. C’est une expression corporelle, au même titre que la danse, c’est l’opéra vertical. » En quelques mots chantants, il aura résumé sa discipli-
ne, donc sa vie, faite de quêtes et d’absolu. C’est donc presque naturellement que j’entre en religion : je me revois encore, le lendemain de la diffusion, arpenter le maquis dans mes Pyrénées natales afin de trouver ma voie. La première qui se présente, sur les hauteurs en face de la gendarmerie – une belle dalle d’ardoise aussi lisse que sombre –, sera le lieu de mes premiers exploits.Mon cousin Christophe, également de la partie, en reste là, planté au milieu de la bête sous un cagnard de plomb pendant plus d’une heure : je suis obligéde rentrerrécupérer une corde dans le garage familial pour le tirer – littéralement – de ce mauvais pas, devant les yeux mi-inquiets et mi-amusés de la maréchaussée. La « grotte de la Vierge » sera par la suite mafierté. Ayantréussià convaincreNonoet Kermit, deux autres amis, je nous lance un défi fou : faire sonner – en douce – la cloche de la grotte sacrée, sur la route, à l’entrée du village. Il nous faut de nombreux essais avant d’enfin l’effleurer, avec quelques frayeurs et fous rires à la clé. Ce dévers de 4 mètres très abrasif et forcément technique pour notre niveau de l’époque nous apprend au moins une chose essentielle : parer à des chutes. La cloche a retenti, la récré pouvait commencer, et mon goût prononcé pour l’escalade, s’envoler. Quelques années plus tard, dans les gorges de la Fou – les bien nommées–, il sera stoppé net, après plus de 15 mètres de « vol ». Rêveset poignetbrisés, cordes,baudriers, dégaines et chaussons remisés. A tout jamais. Autant dire qu’il fallait un événement d’importance pour me remettre au pied du mur. Le choc de la disparition aussi brutale qu’inattendue de PatrickEdlinger – le « Blond » pourles initiés – m’avait déjà pas mal secoué. Cette discipline, faite de courage, d’obstination, d’engagement, mais aussi de « souplesse de bassin, de puissance des extrémités, de concentration », comme il se plaisait à la qualifier, m’attirait encore et toujours. Et c’est par la voix de son ancienne compagne que l’invitation arriva. Annette, aussi discrète qu’efficace, appelait pour m’inviter à participer à « Camp 4 Bleau ». Savait-elle que je vouais un culte sans faille à celui avec qui elle avait partagé plus de dix ans de sa vie ? Oui, forcément: toute notre génération était en admiration devant son grand petit
JEAN-MANUEL DUVIVIER
homme d’un mètre soixanteseize. L’idée du Camp 4 Bleaua germénaturellement, il y a quelques années, dans les couloirs du Club alpin français (CAF) et de la Fédération française des clubs alpins et de montagne (FFCAM). Elle était largement inspirée par le fameux Camp 4 de Yosemite (en Californie), créé dans les années 1940 : des grimpeurs se rassemblaient et campaient déjà spontanément dans le massif des Three Brothers, au pied de murs vertigineux, telle la célèbre paroi d’El Capitan, une verticale de 1 000 mètres, également berceau du base jump. Là, ce n’était que joie, bonne humeur, convivialité et passion partagée. Parfois,on y croisait même un ours, sans doute attiré par la fête : demandez donc à Annette… C’est donc cet esprit qu’ont voulu transposer les anciens, ceux qui ont fait l’histoire de Bleau: Luc Jourjon et Henri Luc Rillh, respectivement directeur et conseiller technique national de la fédé, mais aussi des piliers des barres de Bleau, tels Françoise et Jo Montchaussé qui, presque quarante ans auparavant, s’étaient tellement
pris d’amour pour le bloc qu’ils s’y sont installés. Professeurs d’économie vivant à Barbizon, ils n’auront de cesse durant toutes ces années, d’explorer, d’arpenter, mais aussi d’écrire et de décrire leur terrain de jeu favori dans deux guides essentiels à tout futur « bleausard ». Trois jours durant, donc, ce sont quelques centaines de jeunes – débutants ou confirmés – venus de toute la France qui vont se mesurer dans une ambiance bon enfant aux cadors de l’équipe Petzl – la marque emblématique des grimpeurs– venue spécialement pour l’occasion prêter main-forte aux organisateurs, les comités régionaux d’Ilede-France de la fédé et du Club alpin. Et c’est naturellement Jo Montchaussé qui, à peine remis d’une petite chute mal parée, ouvre le bal de ces trois jours avec un cours magistral sur… la parade de bloc. Tous attentifs : élèves débutantsou entraîneursconfirmés savent que nul n’est à l’abri d’un trop bête accident, d’une seconde d’inattention avec, à la clé, une mauvaise réception, voire une chute. Et puis c’est le « lâché » : par petits groupes, toute la joyeuse bande va se disperser sur les multiples secteurs dont regorge le domaine. Mesfilles et moisommes des privilégiés: ballerines – fournies – aux pieds, nous voicichouchoutéspar Annetteet pilotés par Alex, le manager de l’équipe Petzl, fins prêts à attaquer notre premier rocher. Non loin de là, Tony Lamiche et Loïc Gaidioz sont déjà à pied d’œuvre. Ces champions du « Team Petzl », tous deux passés par l’équipe de France, s’affairent et se parent mutuellement en guise d’échauffement sur un 7a très surplombant. La notation bloc s’échelonne de 4a, le niveau enfant turbulent, au 8c, enchaînements réservés aux athlètes confirmés. Quant au 9e degré, seuls l’élite et les artistes du rocher ont la foi pour le tenter. J’aurai à ce propos raté de peu Mélissa Le Nevé, présente la première journée, qui a brillé en enlevant avec grâce quelques passages très réputés. Et, pendant que nous grattons péniblementle rocher, elle, en toute simplicité,remporte la médaille d’argent à Log-Dragomer, en Slovénie, lors de la quatrième étape de la Coupe du monde de bloc. Alex, moniteur d’escalade de profession, nous entraîne pour ce premier échauffement nonloin de « l’éléphant», l’immenseblocemblématique du secteur de Buthiers. Mais l’histoire se répète sans cesse et sans fin. Cette mise en jambes sera à nouveau pour moi la dernière : une mauvaise chute de moto un mois auparavant se rappelle à mon bon souvenir dès le premier enchaînement.Mes filles vont donc passer la journée tout entière en cours particulier, dans un paysage rêvé et sans leur père pour les embêter: à Bleau, le bonheur est dans le grès ! p Pour tout savoir sur Camp 4 Bleau : facebook.com/cafcamp4
pratique parking du cimetière de Noisy-sur-Ecole (forêt domaniale des Trois-Pignons), occasions et ressemelage: 25 ¤. Une location à la journée est possible (de 5 ¤ à 10 ¤).
la tenue
Une paire de Cobra aux pieds
Indispensable pour débutants comme pour grimpeurs confirmés, le chausson d’escalade se porte d’une à deux pointures au-dessous de sa taille habituelle suivant le niveau de pratique. La Sportiva est, depuis le début des années1960, la marque référence mondiale. Modèle intermédiaire unisexe, la ballerine « Cobra », facile à enfiler, réactive et très adhérente, dotée d’un insert répartissant la charge, est vouée aux blocs par excellence. Ballerine d’escalade bloc Cobra de La Sportiva, 89 ¤. Sportiva-fr.com
La foire aux bonnes occasions
Vous ne voulez pas investir immédiatement dans des
les accessoires
Un bon matelas au pied des blocs
chaussons neufs, vous ne savez pas quelle pointure ou quel type de chausson ou ballerine vous convient le mieux ? Allez donc faire un tour au camion situé sur le « parking du cimetière» toute l’année, les samedis et dimanches depuis plus de vingt ans, vous n’aurez que l’embarras du choix. Les mini-tarifs des chaussons d’occasion ressemelés ou de la location de chaussons et de crash pads finiront de vous convaincre. Sosescalade (06-73-49-73-98),
On ne plaisante pas avec la sécurité. Même à deux mètres de hauteur, car les accidents – parfois sérieux – en forêt de Fontainebleau sont monnaie courante. Il est donc préférable de savoir parer, mais aussi de s’équiper – sans concessions– pour prévoir les chutes. Jo et Françoise Montchaussé ont imaginé au milieu des années 1990 un matelas portable, le crash pad. Après de nombreux tests et prototypes, ils créent une société pour les
commercialiser: l’aventure i-bbz peut commencer. Crash Pad Triple Pad spécial coffre Twingo/Smart…!, 175 ¤ sur I-bbz.com
Un sac pour ranger et grimper léger
La main, plus bel outil de l’homme, est mise à rude épreuve sur le caillou de Fontainebleau. La magnésie, destinée à limiter la
transpiration des mains, est une aide précieuse. Petzl, LA marque d’escalade, a développé un « sac à pof », sac à magnésie spécial bloc à bordure rigide, doté d’une poche avant zippée à soufflet qui permet d’embarquer clés, carte bleue, argent, etc. Très pratique pour grimper léger. Sac à magnésie « Sakapoche» de Petzl, 20 ¤ sur Petzl.com où pratiquer
Le guide des plus beaux spots d’escalade à Fontainebleau
Impossible de se rendre à Fontainebleau, site immense,
sans repère. Le meilleur moyen de trouver sa voie est d’utiliser un topo-guide. Jo et Françoise Montchaussé, des passionnés de la première heure, las de ne voir que des guides made in England pour Fontainebleau, se sont attelés à la tâche en 1999, aidés par Jacky Godoffe, le « Big Boss » des blocs de « Bleau ». Réédité et enrichi chaque année, il est devenu l’ouvrage de référence. Escalade à Fontainebleau , les plus beaux sites, de Jo et Françoise Monchaussé et Jacky Godoffe, éditions Arthaud, 2012.
8
0123
Samedi 1er juin 2013
SPORT & FORME
portrait
Fidèle au poste Le SuisseRoger Federer, bientôt 32 ans, participe à son 50e tournoi du Grand Chelem. A Roland-Garros, seulegrande compétition qu’iln’ait gagnée qu’unefois, il espèrecette année se hisseren finale tennis |
Roger Federer lors de son match victorieux contre l’Indien Somdev Devvarman (6-2, 6-1, 6-1), mercredi 29 mai, au deuxième tour de Roland-Garros. AP PHOTO/PETR DAVID JOSEK
Bruno Lesprit
M
auvais karma pour Somdev Devvarman. Sur le court Suzanne-Lenglen du tournoi de RolandGarros, l’Indien est balayé en fin de journée, le 29 mai, par une mousson, une force tranquille et imperturbable qui le laisse souvent à trois mètres de la balle jaune. Le fléau est suisse et se nomme Roger Federer. Le numéro 3 mondial déroule pourtant tranquillement, sans forcer son génie, économe des gestes et de la sueur, en ne laissant que quatre maigres jeux à sa victime. Celle-ci, après sa défaite (2-6, 1-6, 1-6), fera une surprenante déclaration. Pour arrêter le « Fed Express », croit savoir Devvarman, « il faut avoir un beau bandana et de gros biceps ». Pas sûr que cela suffise pour la prochaine fois. Car avant la rencontre, le speaker a énuméré les états de service de « Rodgeur » et on a manqué de bailler d’ennui. A ceux qui doutaient de sa forme et de sa motivation,le divin helvète est venu rappeler que, tout de même, il était Roger Federer, l’homme aux 17 titres en Grand Chelem, détenteur de multiples records jusqu’aux plus insignifiants. Une légende vivante du tennis mondial qui s’est
construitedepuis sa première grandeprise, Wimbledon,conquisen2004 lors d’unevictoire contre l’Australien Mark Philippoussis. Quand bien même la terre battue parisienne lui aura résisté jusqu’en 2009, année de son premier, et à ce jour, unique triomphe aux dépens du Suédois Robin Söderling, tombeur de Rafael Nadal. Somdev Devvarman est un joueur issu des qualifications,comme l’était l’adversaire de Federer au premier tour, l’Espagnol Pablo Carreno-Busta, avec lequel le Bâlois a été plus généreux, concédant sept jeux, mais pas de quoi remplir un set. « Pendant les deux premiers matchs j’ai pu jouer un tennis agressif,j’ai pu avancerparce que j’en ai eu l’occasion, a expliqué Federer. Je n’ai pas eu l’occasion d’être passif. » Le deuxième sportif le mieux payé au monde a débarqué à Paris dans la peau d’un outsider. Il en a l’habitude et ce n’est pas pour lui déplaire. L’indélogeable top 4 de la hiérarchie mondiale est amputé du numéro 2, l’Ecossais Andy Murray, forfait. Les favoris naturels ont pour nom l’Espagnol Rafael Nadal, septuple vainqueur du tournoi, et le premier au classement ATP, le Serbe Novak Djokovic. Les deux monstres ne se rencontreront pas en finale. Le tirage au sort les condamne à se déchirer en demies. L’autre partie du tableau, celle de Federer, passe pour plus facile, presque « light » avec la possibilité pour lui de rencontrer en
Lauréateen2011,LiNadisparaîtdutournoi Quatorze rencontres du 2e tour sur les 32 prévues jeudi 30 mai n’ont pu aller à leur terme, soit parce qu’elles ont été interrompues par la pluie puis par la nuit tombées sur Roland-Garros, soit parce qu’elles n’ont même pas eu le temps de démarrer. Les averses ont entraîné la sortie de route de la Chinoise Li Na, victorieuse à Paris en 2011 et tête de série no 6, éliminée par la 67e mondiale, l’Américaine Bethanie MattekSands (5-7, 6-3, 6-2). Novak Djokovic s’est, lui, évité tout désagrément, en ne laissant que quatre jeux à l’Argentin Guido Palla (6-2, 6-0, 6-2). Le Serbe devait retrouver Grigor Dimitrov (28e) samedi pour un seizième de finale prometteur: le n˚ 1 mondial s’était incliné face au Bulgare début mai sur la terre battue de Madrid. Egalement passé entre les gouttes, le Français Benoît Paire (26e) s’est qualifié pour son premier seizième de finale porte d’Auteuil, où il retrouvera le Japonais Kei Nishikori. Le vainqueur de ce match devrait croiser la route de Rafael Nadal au tour suivant.
Dates 1981
Naissance à Bâle, en Suisse, le 8 août.
2001
Remporte le premier de ses 76 tournois, à Milan.
2004
Devient pour la première fois no 1 mondial en février et réalise en septembre son premier «Petit Chelem» (Open d’Australie, Wimbledon et US Open). Une performance réitérée en 2006 et 2007.
2008
Premier joueur à remporter cinq fois consécutives deux tournois du Grand Chelem: Wimbledon et l’US Open.
2009
Recordman du nombre de tournois remportés en Grand Chelem (15). Il en est aujourd’hui à 17 sacres.
2012
Médaillé d’argent aux Jeux de Londres après une défaite en finale face à Andy Murray.
2013 Affronte le Français Julien Benneteau le 31 mai au 3e tour de Roland-Garros.
quarts Jo-Wilfried Tsonga. Mais le prétendant invite à ne pas prendre pour argent comptant ce qui est étalé dans la presse. « Ils ont dit que Djokovic allait gagner les quatre Grands Chelems d’affilée, rappelle-t-il, que Rafa était le favori pour gagner le tournoi, lui dit que ce n’est pas vrai. » Reste que les bookmakers ne semblent guère miser sur le « vieux » (bientôt 32 ans, seulement) « Rodgeur». Il faut dire qu’il a donné la – fausse – impression de venir cette année en touriste, pratiquement les mains dans les poches. Et que ses dernierset maigres résultats sur terre battue ne plaident pas en sa faveur. Pour la première fois, depuis 2001 (année de sa conquête d’un premier tournoi ATP, celui de Milan), il arrive porte d’Auteuil sans avoir remporté le moindre tournoi depuis le début de l’année civile. Ses performances sur terre battue n’ont pas été flamboyantes. Nadal vient de le battre sèchement en finale du tournoi de Rome (1-6, 3-6). Auparavant, il s’étaitinclinéà Madrid faceà un de ses idolâtres,le NipponKeiNishikori,ravi de renverser le maître. Il n’a pas été plus verni sur les surfaces dures, arrêté en demies ou en quarts, toujours par Nadal, ou le Tchèque Tomas Berdych, Andy Murray et à Rotterdam par le Français Julien Benneteau qu’il rencontre au troisième tour de Roland-Garros. Ce match, prévu vendredi 31 mai, doit fournir « le grand test » sur sa valeur réelle, assure Federer. Avec son humilité coutumière, il a promis « de changer, de voir ce qui n’a pas fonctionné », en quelque sorte de s’adapter à Benneteau. On croit rêver. Se sent-il au moins monter en puissance sur la brique pilée ? «Cela dépendsi on parleendurance,explosivité, coordination. Chaque match que tu joues sur terre battue ne fait qu’aider dans le sens où tu as plus d’infos, tu sais davantage comment les balles vont arriver. » Les interrogations de fond portent sur sa tendance récente à réduire le rythme de son activité, qu’il ne faudrait pas confondreavec le farniente.Avantle tournoi de Madrid il s’était généreusement octroyé six semaines de repos. Il dit aujourd’hui privilégier la qualité sur la quantité, ménager son corps pour durer
le plus longtemps possible. « Ce tournoi est mon cinquantièmeGrand Chelem d’affilée, s’étonne-t-il. C’est incroyable, je ne pensais pas avoir la possibilité d’enchaîner des Grands Chelems comme cela, à ce niveau. Cela montre que je suis en forme et pas blessé et que j’ai eu la chance de vivre cela dans ma carrière. » Flegmatique et roi du « self-control ». Lisse, propre et ennuyeux, ajoutent les mauvaises langues. Les apparitions médiatiques de Roger Federer sont des modèles de maîtrise communicationnelle. Pas un mot plus haut que l’autre. Et cela ne risque pas de se dégrader avec l’âge. L’expérience et son caractère mesuré (tendance qu’il force peut-être pour combattre une hypersensibilité naturelle) l’ont définitivement établi en sage du circuit livrant des pensées souvent frappées au coin du bon sens. « C’est très important d’être inspiré par un modèle, affirme-t-il. C’est pour cela qu’il faut bien se comporter sur le court de tennis, montrer du respect. Ce que je fais, je ne le fais pas seulement pour faire plaisir mais parce que cela correspond à ce que je suis. » Sa vie suit son cours tranquille auprès de son épouse et manageur, l’ex-joueuse Mirka Vavrinec. Il vient de prendre une décision révolutionnaire en adoptant le tweet, non sans avoir surmonté de fortes réticences : « Au départ, je n’étais pas convaincu que c’était le bon outil pour moi. J’ai attendu, je voulais me sentir à l’aise. Je ne voulais pas qu’on me pousse à faire cela. » Incité par la communauté de ses fans,ilafiniparcéder.«Onverraàquellefréquence je vais tweeter.» A priori, espacée. A Paris, il a tout de même fait part d’un sujetdemécontentement.Lerefusdutournoi de respecter le repos dominical jour de son ouverture: « Je me souviens qu’il y a quelques années on m’a forcé à jouer le dimanche pour faire la promotion du tournoi. Je n’étais pas ravi. Roland-Garros est le seul tournoi où l’on joue en quinze jours, à Wimbledon c’est treize jours. Pour moi, cela ne fait pas trop sens mais je comprends qu’un week-end c’est important, cela permet au public de venir. » La qualité de vie de Federer et celle de son tennis sont inextricablement liées.