DIMANCHE 2 - LUNDI 3 DÉCEMBRE 2018 74E ANNÉE– NO 22983 2,60 € – FRANCE MÉTROPOLITAINE WWW.LEMONDE.FR ― FONDATEUR : HUBERT BEUVE-MÉRY DIRECTEUR : JÉRÔME FENOGLIO
L’ÉPOQUE – L’ÉPOQUE – SUPPLÉMENT
L’INATTENDU SUCCÈS DES CADEAUX SURPRISES
Pourquoi les salaires ne décollent pas en France GEORGE H. W. BUSH
▶ Eurostat a publié, ven-
▶ En France, le pouvoir
dredi 30 novembre, ses statistiques sur l’économie de la zone euro. Ces chiffres démontrent une lente sortie de crise ▶ Malgré cette amélioration de la conjoncture et la baisse du chômage, les salaires progressent très faiblement et la précarisation de l’emploi s’accroît. Les experts cherchent des explications à cette déconnexion nouvelle des rémunérations
d’achat progressera de 1,3 % en 2018, selon les données de l’Insee. Mais nombre de Français estiment ne pas ressentir ce léger mieux, bien au contraire. Ce contraste alimente le mouvement de colère sociale des « gilets jaunes » ▶ L’annonce sans concertation par Edouard Philippe d’une revalorisation minimale du smic provoque la colère des syndicats CAHIER ÉCO – P AG E 4 ET FRANCE – P AG E 6
Europe Le mélange des genres du premier ministre tchèque épinglé par Bruxelles
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a Commission européenne estime que l’actuel premier ministre tchèque, Andrej Babis, est en situation de « conflit d’intérêts» au regard des règles communautaires, selon un document dont Le Monde a eu connaissance. Bruxelles reproche au milliardaire, deuxième fortune de son pays, d’avoir distribué à des entreprises agroalimentaires qui lui appartenaient plusieurs dizaines de millions d’euros de fonds structurels européens et de mêler ainsi ses af-
Climat A Katowice, une COP24 à la peine
(1924-2018)
faires personnelles et les intérêts publics de son pays. M. Babis, à la tête d’une formation populiste créée en réponse à la corruption des partis traditionnels, répond au Monde qu’il n’est plus à la tête des sociétés bénéficiaires des aides. Le service juridique de la Commission a des doutes sur ce transfert et plaide pour un remboursement des sommes. Bruxelles pourrait demander au gouvernement tchèque de mieux contrôler l’allocation des fonds.
▶ Président des
Etats-Unis de 1989 à 1993, George Bush est mort le 30 novembre à Houston ▶ Ce républicain incarnait une Amérique ouverte sur le monde P AG E S 24-25
P AG E 2
Arts La France commence ses restitutions au Bénin
Humanitaire Doutes éthiques à la Croix-Rouge internationale La contestation monte au sein du Comité international de la Croix-Rouge en raison des liens de son président, Peter Maurer, avec le Forum de Davos
Santé Les ambulanciers redescendent dans la rue P AG E 8
Télécoms L’hostilité au chinois Huawei s’étend en Europe
Absence de leadership international, démobilisation politique : la nouvelle conférence de l’ONU sur le climat, qui s’ouvre en Pologne, manque d’élan P AG E 5
En 1980. GEORGE ROSE/GETTY IMAGES
CAHIER ÉCO – P AG E 5
La France a établi une première liste de vingtsix œuvres qui seront rendues au Bénin. Statues, autels, portes, calebasses, etc., proviennent du pillage du palais du roi Béhanzin, en 1892, par le colonel Alfred Amédée Dodds. Ces pièces étaient présentées dans les collections permanentes du Musée du quai Branly P AG E 17
Statue royale datée de la fin du XIX e siècle. PATRICK GRIES/RMN/MUSÉE DU QUAI BRANLY
Cuba Zoé Valdés, les chemins de la liberté
UNFILMDE
GUILLAUME NICLOUX
P AG E 21
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É D I T O R I A L
AUTOENTREPRENEUR
UN STATUT À AMÉLIORER PAGE 27 ET CAHIER ÉCO – PAGE 8
LE 5 DÉCEMBRE
A K Ï O R T / c e n z e S n i m a j n e B : n g i s e D
GÉOPOLITIQUE – P AG ES 12-13 Algérie Algé rie 220 DA, Allemagne 3,30 €, Andorre 3,20 €, Autriche 3,30 €, Belgique 2,90 €, Cameroun 2 200 F CFA, Canada 5,40 $, Chypre 2,70 €, Côte d'Ivoire 2 200 F CFA, Danemark 34 KRD, Espagne 3,10 €, Gabon 2 200 F CFA, Grande-Bretagne 2,60 £, Grèce 3,20 €, Guadeloupe-Ma Guadeloupe-Martinique rtinique3,10 €, Guyane 3,20 €, Hongrie 1 050 HUF, Irlande 3,10 €, Italie 3,10 €, Liban 6 500 LBP, Luxembourg 2,90 €, Malte 2,70 €, Maroc 19 DH, Pays-Bas 3,20 €, Portugal cont. 3,10 €, La Réunion 3,20 €, Sénégal 2 200 F CFA, Slovénie 3,20 €, Saint-Martin 3,20 €, Suisse 4,00 CHF, TOM Avion 500 XPF, Tunisie 3,20 DT, Afrique CFA autres 2 200 F CFA
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Andrej Babis, le premier ministre tchèque, lors d’une session du Parlement, à Prague, le 23 novembre. PETR DAVID JOSEK/AP
Fonds européens : Babis en « conflit d’intérêts » Les juristes de la Commission estiment que « l’exerci l’exercice ce impartial impar tial » du premier ministre tchèque est « compromis» précise d’un article précédent cessaire d’enquêter pour savoir si « En tant que traitant du même sujet. un tel organisme a effectivement bénéficiaire Adopté à la demande du Parle- vu le jour en République tchèque. l s’agit d’un document parti- ment de Strasbourg, qui entenLa Commission s’est penchée de deux trusts, culièrement embarrassant dait durcir les règles d’attribution sur la situation à Prague, après M. Babis a pour le premier ministre des fonds européens, il stipule avoir reçu, le 19 septembre, une tchèque. Andrej Babis est que « les autorités nationales (…) lettre de signalement de la part de un intérêt dans dans une situation de conflit intervenant dans l’exécution bud- l’ONG luttant contre la corruption gétaire (…) ne prennent aucune le succès d’intérêts au regard de la loi euroTransparency International (TI). péenne, selon une note du service mesure à l’occasion de laquelle David Ondracka, le directeur de TI économique juridique de la Commission de leurs propres intérêts pourraient en République tchèque, affirme Bruxelles en date du 19 novem- être en conflit avec ceux de l’UE ». lui aussi que M. Babis est resté d’Agrofert d’ Agrofert », selon bre, que Le que Le Monde a pu consulter. Or, estime le service juridique lebénéficiaire final des deux la Commission Ce service estime qu’il est urgent de la Commission, M. Babis, en trusts au sein desquels il a transde mettre un terme au mélange temps que premier ministre, a féré ses actifs chez Agrofert, en des genres orchestré par M. Babis, « l’opportunité de dir iger et d’in- février 2017. un milliardaire né en 1954, accusé fluenc fluencer er les prises prises de décisio décision n liées D’origine slovaque, Andrej Babis lieu », », c’est à la République tchède mêler ses affaires personnel- à la mise en œuvre des fonds ve- est devenu la deuxième fortune que de mettre en place des mesules à la politique de son pays, nant du budget de l’UE ». M. Babis de la République tchèque en res permettant au premier minismembre de l’Union européenne préside même le Conseil des moins de trente ans, grâce à des tre de diriger le pays tout en (UE) depuis 2004. fonds structurels, l’organisme investissements fructueux dans échappant aux accusations de Les juristes de la Commission tchèque qui décide de la distribu- de nombreux domaines. En Ré- conflit d’intérêts. répondent à une requête très ar- tion de ces fonds. publique tchèque comme en Cela pourrait passer par la créagumentée d’un autre service inSlovaquie, il est le leader incon- tion d’un « blind blind trust » empêterne aux services bruxellois, la Accusations réfutées testé du secteur alimentaire et chant M. Babis de « de « savoir si les dé« DG Regio », chargée des fonds La conclusion du service de la agricole. Il n’est entré en politique cisions qu’il prend ou l’influence structurels, requête qu’a égale- Commission est nette : « En tant qu’en 2011, créant de toutes pièces qu’il exerce produisent un bénéfice ment pu consulter Le consulter Le Monde, Monde, et que bénéficiaire de deux trusts, une formation populiste, ANO financier ». ». Les fonctionnaires qui conclue que M. Babis, qui [M. Babis] a Babis] a un intérêt dans le suc- (Action des citoyens mécontents) bruxellois ajoutent qu’Agrofert dirige le gouvernement tchèque cès économique d’Agrofert et de d’inclinaison libérale et antisys- devrait cesser de percevoir des depuis juin, « juin, « apparaît comme le Group Agrofert ». Il en résulte que tème, vouée à lutter contre la cor- fonds structurels européens, et seul bénéficiaire » » de deux trusts « l’exercice l’exercice impartial et objectif » de ruption des élites politiques alors « il pourrait aussi être nécessaire » dans lesquels ont été placées ses ses fonctions de premier ministre en place. Dès sa première partici- de rembourser les sommes déjà parts des entreprises Agrofert et en relation avec le management pation à un scrutin, ANO a rem- perçues perçues « « après l’entrée en force de Group Agrofert. des fonds structurels est est « compro- porté 47 mandats parlementaires, l’article 61 », c’est-à-dire en juillet. Cette dernière entreprise pos- mis ». En clair : M. Babis, qui gou- Andrej Babis siégeant lui-même Lors d’un entretien accordé au sède elle-même des participa- verne une coalition minoritaire comme député à partir d’octo- Monde le 25 octobre, M. Babis tions dans 200 à 300 sociétés opé- avec les sociaux-démocrates grâce bre 2013, avant d’être nommé mi- avait affirmé ne plus être à la tête rant dans les secteurs agricoles, au soutien parlementaire des nistre des finances en jan- de sa société, Agrofert. Confronté agroalimentaires ou chimiques. communistes, est en position de vier 2014 puis de devenir chef du aux conclusions du service juridiAu total, ces compagnies ont reçu contrevenir à la loi européenne. gouvernement en juin 2018, après que de la Commission euro« une quantité significative » de Le service juridique relève par avoir été nommé une première péenne, il dénonçait toujours, fonds structurels européens, dont ailleurs un autre fait qui pourrait fois en décembre 2017, pour seule- vendredi 30 novembre, les « men« approximativement 42 millions « aussi être qualifié de conflit d’in- ment un mois. songes» » concernant la réalité de d’euros en 2013 et 82 millions térêts » : la femme de M. Babis, Que faire pour que cette situa- sa situation personnelle. d’euros en 2017 », relève le service Monika Babisova, a également tion de conflit d’intérêts cesse ? Il renvoie aux gestionnaires de juridique de la Commission. des intérêts financiers dans la so- L’article 61 est limpide : « Lorsque ces deux trusts qui, dans une letPour son analyse, il s’appuie sur ciété Agrofert et le groupe Agro- l’existence d’un conflit d’intérêts a tre transmise au Monde Monde,, affirun règlement, publié le fert. La législation européenne été établie, l’autorité investie du ment « qu’après le transfert aux 30 juillet 2018 au Journal au Journal officiel impose par ailleurs la mise en pouvoir pouvoir de nomination ou l’autoauto- trusts de ses participations, M. Bade l’UE, précisant les règles finan- place de contrôles pour les systè- rité nationale compétente veille à bis ne contrôle aucune société recières régissant le budget de cette mes nationaux d’allocation des ce que la personne concernée cesse cevant des aides publiques. (…) (…) An Andernière. L’article 61, traitant spé- fonds européens, notamment toutes ses activités en rapport avec drej Babis n’a aucun droit qui pourcifiquement des « conflits d’inté- dans le but d’éviter tous conflits la matière concernée. » rait l’autoriser, directement ou inrêts » liés à l’usage de l’argent d’intérêts. Le service juridique de Le service juridique de la Com- directement, à exercer une européen, est une version plus la Commission juge qu’il est né- mission rappelle qu’« qu’« en premier influence décisionnelle sur l’admi bureau européen correspondant régional
bruxelles -
vienne -
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nistration des trusts. (…) (…) Il est le fondateur et le bénéficiair fondateur bénéficiairee princi pal des trusts, mais n’ex n’exerce erce aucune influence sur leur administration, (…) (…) la raison pour établir ces trusts ayant été de mettre de côté ses actifs en tant que patrimoine autonome, administré de manière indépendante, pendant la durée de ses mandats publics », estiment Zbynek Prusa et Alexej Bilek, les deux trustees trustees de de M. Babis. « Mesures adéquates »
L’avis de son service juridique n’est pas contraignant, mais la Commission se range le plus souvent à ses avis. Jointe par Le Monde, vendredi, une porte-parole de l’institution réagissait : « Nous suivons de près une plainte portée à notre connaissa connaissance, nce, en lien avec le premier ministre Babis. C’est en premier lieu aux autorités nationales de prendre les mesures adéquates, mais la Commission se doit de protéger les intérêts financiers de l’UE. » Selon nos informations, Bruxelles veut d’abord s’assurer que les autorités tchèques ont mis en place les organes de contrôle adéquats pour l’allocation des fonds européens. La Commission a par ailleurs réclamé et obtenu des informations de Prague confirmant qu’Agrofert Agrofert avait bien bénéficié de tels fonds, et est en train de vérifier s’ils ont bien été alloués dans les règles, notamment celles de l’article 61. « Au vu de l’opinion du service juridique, il me paraîtrait impensable que l’institution n’agisse pas. Au minimu minimum, m, elle doit signale signalerr aux aux autorités tchèques le conflit d’intérêts et leur demander d’y mettre fin », », estime l’eurodéputé belge Philippe Lamberts, chef de file des Verts au Parlement de Strasbourg. Son groupe politique suit « au plus près » la situation tchèque, depuis que Transparency International a alerté la Commission. p cécile ducourtieux et blaise gauquelin
VERBATIM
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1. Les acteurs financiers (…) financiers (…) du présent titre et les autres personnes, perso nnes, y compr compris is les autorit autorités és nationales à tout niveau, intervenant dans l’exécution bud gétaire géta ire en gestio gestion n directe, directe, indiindirecte ou partagée, y compris les actes préparatoires à celle-ci, ainsi que dans l’audit ou le contrôle, ne prennent aucune me sure à l’occasion occasion de de laquelle laquelle leurs leurs propres prop res intérêts intérêts pourra pourraient ient être être en conflit avec ceux de l’Union. Ils prennent en outre les mesures appropriées pour éviter un conflit d’intérêts dans les fonctions relevant de leur responsabilité et pour remédi remédier er aux situati situations ons qui peuvent, peuve nt, objectiv objectivement, ement, être être perperçues comme un conflit d’intérêts. 3. (…) il y a conflit d’intérêts lorsque l’exercice impartial et objectif des fonctions d’un acteur financier ou d’une autre personne, vi sés au paragra paragraphe phe 1, est comprocompromis pour des motifs familiaux, affectifs, d’affinité politique ou nationale, d’intérêt économique ou pour tout autre intérêt personnel direct ou indirect.” Extraits de l’article 61 du règle-
ment du Parlement européen et du Conseil du 18 juillet 2018 relatif aux règles applicables au budget général de l’Union.
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Malgré Khashoggi, Khashoggi, le G20 fait fait bon accueil accueil à « MBS » Le prince héritier saoudien a pu rencontrer plusieurs chefs d’Etat pour son grand retour international envoyés spéciaux
buenos aires -
C
« MBS » a pu
compter sur la haque fois qu’il en a eu l’occasion, Mohammed bienveillance de Ben Salman a affiché Vladimir Poutine : bonne humeur et décontraction à l’ouverture l’ouverture du somles deux hommes met du G20, à Buenos Aires, venont échangé dredi 30 novembre. Le prince héritier saoudien représente son une très joviale pays dans ce cénacle pour la sepoignée de main conde fois depuis son arrivée aux affaires, en 2015. Fragilisé par les lourdes présomptions qui le présentent tre japonais, Shinzo Abe, le répucomme l’instigateur de la dispa- blicain a assuré ne pas avoir eu rition d’un dissident saoudien, pour l’instant de « discussion » le chroniqueur chroniqueur du Washington avec le prince héritier au cours de Post Jamal Jamal Khashoggi, il compte ce sommet, sans exclure pour faire de ce sommet une étape sur autant cette éventualité avant la la voie d’une délicate norma- fin du sommet du G20. lisation compte tenu des circonsConvaincu officiellement par tances qui entourent cet assassi- les démentis du prince héritier, nat. Le journaliste a été tué et au nom des intérêts de Washingmanifestement démembré au ton, Donald Trump résiste pour consulat du royaume à Istanbul, l’instant à un Congrès désireux de début octobre. voir ce dernier rendre des compLors de la première séance du tes. Pas seulement pour l’assassisommet, le prince héritier, égale- nat de Jamal Khashoggi, mais égament désigné par l’acronyme lement pour son rôle dans la formé par ses initiales, « MBS », a guerre au Yémen qui a provoqué pu compter sur la bienveillance l’une des plus graves crises humadu Russe Vladimir Poutine, prési- nitaires de la région. dent d’un Etat sanctionné en août par les Etats-Unis pour la « Vous ne m’écoutez jamais » tentative d’assassinat visant, en Le président français, Emmanuel mars, un ancien agent exilé au Macron, s’est entretenu quelques Royaume-Uni, Sergueï Skripal. minutes avec Mohammed Ben Les deux hommes ont échangé Salman avant même l’ouverture une très joviale poignée de main du sommet, lorsqu’il l’a croisé avant de prendre place côte à côte dans l’espace réservé aux chefs autour de la vaste table circulaire d’Etat, comme l’a montré un enprévue pour les chefs d’Etat et de registrement vidéo. Un conseiller gouvernement. élyséen a expliqué qu’« qu’« il a souParadoxalement, Mohammed haité aller au devant pour avoir Ben Salman a reçu un accueil une discussion très franche et plus mesuré de la part de celui ferme sur deux points » , les mêdont le soutien a été décisif au mes qui préoccupent le Congrès cours des dernières semaines : le des Etats-Unis. président des Etats-Unis, Donald A propos de l’affaire Khashoggi, Trump. S’il a bien échangé des Emmanuel Macron a exprimé la « plaisanteries » » avec MBS au volonté des Européens d’associer cours de cette session, la Maison des experts internationaux à l’enBlanche a pris soin d’assurer que quête en cours. Puis il a évoqué la le président en avait fait de guerre au Yémen pour faire valoir même « avec à peu près tous les la nécessité d’une solution politiresponsables présents ». que. Deux messages sur lesquels Interrogé en préambule d’un les dirigeants de l’Union euroentretien avec le premier minis- péenne présents à Buenos Aires
Sans avion, Angela Merkel rate la photo de famille
A
ngela Merkel a fini par arriver au G20 de Buenos Aires. Mais avec douze heures de retard, dans un simple avion de ligne, et après des mésaventures qui ont mis en lumière, une fois de plus, la vétusté de la flotte aérienne à disposition du gouvernement allemand. En quittant l’aéroport de Berlin-Tegel, jeudi 29 novembre en début de soirée, la chancelière n’imaginait pas qu’une heure plus tard, alors qu’il venait de dépasser Amsterdam, son Airbus A340- Konrad-Ad Konrad-Adenauer enauer devrait faire demi-tour pour se poser en urgence à Cologne. En cause : une panne de la boîte de distribution électrique alimentant le système de communication de l’appareil. Après une courte nuit dans un hôtel de Bonn, Mme Merkel est remontée dans un petit avion de la Luftwaffe, l’armée de l’air allemande, pour rejoindre Madrid, d’où elle a redécollé, vendredi à 9 heures, sur un vol régulier de la compagnie espagnole Iberia à destination de Buenos Aires. L’affaire a failli tourner au film d’espionnage quand, vendredi matin, le quotidien Rhein quotidien Rheinische ische Post a affirmé que les autorités allemandes n’excluaient pas une possible origine criminelle à l’avarie ayant frappé l’avion de la chancelière. Une piste catégoriquement exclue, a assuré la Luftwaffe, en fin de matinée. Innombrables déboires
Si l’avion de Mme Merkel n’a pas été saboté, c’est donc qu’il était défaillant. En Allemagne, la nouvelle n’a, en réalité, surpris personne. Lors de son premier mandat (2005-2009), la chancelière avait connu d’innombrables déboires avec les avions hérités de ses prédécesseurs. Après un long débat parlementaire, la flotte avait été en partie renouvelée. L’A340 où Mme Merkel a embarqué, jeudi, fait ainsi partie de la nouvelle génération d’appareils utilisés par le gouvernement depuis le second mandat de la chancelière (2009-2013). Depuis, l’appareil a cependant connu plusieurs avaries – ordinateur de bord défaillant, panne du système hydraulique – obligeant la chancelière, ses ministres et le président de la République à retarder à la dernière minute des voyages à l’étranger. En octobre, le ministre des finances, Olaf Scholz, avait pu constater le manque de fiabilité de l’avion : à Bali, où il venait d’assister à une réunion du Fonds monétaire international, il avait dû renoncer à embarquer à bord du Kon du Konradrad-Aden Adenauer auer . La raison, cette fois : la dégradation de câbles électriques par des rongeurs. p thomas wieder (berlin, correspondant)
Vladimir Poutine et Mohammed Ben Salman, lors du sommet du G20, à Buenos Aires, le 30 novembre. PABLO MARTINEZ MONSIVAIS/AP
s’étaient coordonnés au préala- saisies. « Ne vous inquiétez ble, lors d’une réunion en format pas », assure », assure le prince héritier, restreint, vendredi matin. « MBS » très décontracté. « Mais je le a aussi rencontré la première mi- suis, je suis inquiet », lui répond nistre britannique, Theresa May. le dirigeant français. Ce dernier Sur la forme, la plus grande ré- ajoute presque aussitôt : « Vous serve a été de mise. Il s’agissait ne m’écoutez jamais. » » La ford’un « aparté très bref » et » et surtout mule provoque la brève hilapas d’une « rencontre bilatérale », », rité de son interlocuteur, qui a précisé le conseiller de l’Elysée. l’assure du contraire. « Je suis Ce dernier a insisté, sur la base de un homme de parole », ajoute l’enregistrement vidéo immédia- Emmanuel Macron. tement partagé sur les réseaux sociaux, sur le « contraste » entre » entre Pas un regard avec Erdogan le visage de « MBS »« » « souriant » et » et Il y a un an, le président français celui du président français pré- s’était démené pour faire libérer senté comme « plutôt fermé ». ». le premier ministre libanais, Des bribes de cet échange, Saad Hariri, tirant ainsi « MBS » tenu en anglais, peuvent être de l’impasse dans laquelle ce der-
nier s’était lui-même précipité. Le prince s’était en effet « emparé » à Riyad de M. Hariri, également de nationalité saoudienne, jugé trop complaisant avec l’Iran et son allié libanais, le Hezbollah, pour tenter en vain d’obtenir sa démission. M. Macron avait joué les médiateurs pour obtenir le retour du premier ministre dans son pays. Le hasard a voulu que le G20 rassemble à Buenos Aires le prince mis en cause et le principal artisan de ses difficultés. Avec un art consommé du suspense, le président turc, Recep Tayyip Erdogan, a en effet organisé au cours des semaines précédentes les « fuites »
qui ont graduellement concentré les soupçons sur l’homme fort du royaume saoudien. Les organisateurs argentins du sommet avaient pris soin de placer les deux dirigeants à bonne distance sur la traditionnelle photo de famille prise au début de la session de vendredi. Ils n’ont pas échangé un regard lorsque le président Erdogan est passé devant le prince héritier pour prendre sa place à l’autre bout du podium. L’espace d’un instant, « MBS » a même renoncé au sourire débonnaire affiché avec méthode. p marie de vergès et gilles paris
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Au Royaume-Uni, des sans-abri meurent dans des poubelles
Mexique: « AMLO » veut créer une garde nationale pour la sécurité
Les éboueurs redoutent de découvrir trop tard la présence de SDF dans leurs bennes b ennes
Le plan pour lutter lut ter contre les « narcos » annoncé par Andres Andre s Manuel Lopez Obrador, qui devait être investi à la présidence samedi, fait polémique
londres -
correspondant
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n a l’habitude de faire attention aux chats errants, maintenant on vérifie s’il n’y a pas des gens endormis. Ce serait terrible s’ils basculaient dans le compacteur et se faisaient écraser », », témoigne dans le Times un éboueur du quartier londonien de Westminster. Lors d’une tournée, il a trouvé et sauvé un sans-abri enveloppé dans un sac de couchage humide, qui s’était réfugié dans l’un de ces conteneurs à ordures géants montés sur roulettes. En janvier, un homme qui passait la nuit dans une benne à déchets à Rochester (Kent) a eu une jambe et le bassin fracturés après avoir été coincé dans le camion de collecte venu les ramasser. Russell Lane est mort à l’hôpital de complications plusieurs semaines plus tard. De plus en plus de sans-abri trouvent refuge dans les énormes conteneurs qui servent à ramasser les déchets. A l’approche de l’hiver, la pénurie de foyers d’urgence fait craindre une recrudescence de ce phénomène devenu presque banal. L’association des professionnels de l’environnement a recensé onze personnes mortes après avoir dormi dans un conteneur entre 2010 et 2016. En 2017, VeoliaRoyaume-Uni a trouvé trentedeux personnes dormant dans ses conteneurs. L’année précédente, l’entreprise Biffa, spécialisée dans les déchets industriels, a enregistré 175 cas du même genre. De nouveaux pauvres à la rue
Le phénomène a pris une telle ampleur qu’il inquiète les salariés des sociétés d’enlèvement des déchets, raconte le journal de rue rueThe The Big Iss Issue, ue, qui pense que les chiffres publiés ne représentent qu’une partie du phénomène. « C’est est ef frayant fray ant pour notre personnel de trouver une personne cachée, ils ont tout le temps peur de tuer quelqu’un, affirme un professionnel qu’un, du secteur cité par le journal. journal. On ne trouve pas seulement des sans-abri, mais des drogués et des ivrognes qui ont fait une pause en rentrant chez eux. Le vrai danger, c’est quand ils dorment profondément et qu’ils n’entendent pas le camion. » En 2014, le corps de Matthew Symonds, 34 ans, avai t été retrouvé dans l’usine d’Avonmouth d’Avonmouth de Biffa. Refoulé d’un foyer où il s’était prése nté trop tardivement, il s’était résolu à dormir dans un conteneur.
Les équipes d’éboueurs britanniques sont invitées à la vigilance, mexico - correspondance et des associations d’aide aux des petits narcotrafiquants, emsans-abri les forment à la détecplois et éducation pour les jeution des « dormeurs ». L’employé es coups de feu résonnent nes… Un virage sécuritaire radical doit agiter les premières couches encore dans la tête de face à la stratégie frontale de sesde carton et taper sur une paroi Luis, vendeur ambulant deux prédécesseurs qui ont dépour réveiller une éventuelle persur la place Garibaldi, ployé les militaires, plongeant le sonne. Des caméras équipent dé- haut lieu touristique du centre pays dans une spirale infernale de sormais certaines bennes. Selon de Mexico. Déguisés en mariachis violence avec plus de 240 000 vicla société Biffa, la généralisation – musiciens traditionnels –, trois times et 40 000 disparus depuis du tri sélectif des cartons, des plas- tueurs ont tiré en rafale, le 14 sep- douze ans. tiques et des déchets secs permet tembre, faisant cinq morts et sept Durant sa campagne, « AMLO » de dormir dans un conteneur. blessés, avant de fuir à motos. avait prôné le retour des soldats George, un sans-abri interrogé Depuis, les visages se figent à dans leurs casernes. Mais il par la BBC, se rappelle avoir été ré- l’évocation de ce spectaculaire rè- a changé son fusil d’épaule, deveillé par le bruit métallique du glement de comptes mafieux puis son élection triomphale camion qui s’apprêtait à hisser le dans la capitale, longtemps épar- (53 % des suffrages) le 1er juillet, conteneur où il somnolait et gnée par la violence des cartels annonçant la création d’une avoir juste eu le temps d’en sauter. qui bat des records historiques garde nationale. Ce nouveau A Liverpool, de gros autocollants dans le reste du pays. Le nouveau corps, chargé de la sécurité, resont désormais apposés sur président, Andres Manuel Lopez groupera des militaires et des les conteneurs verts. « Danger Obrador (« AMLO »), qui devait policiers fédéraux, sous la direcd’écrasement et de mort », mort », avertis avertis- être investi samedi 1er décembre, tion opérat ionnelle de l’a rmée ; sent-ils avec le numéro d’une as- appelle à « la paix ». ». Mais son plan 50 000 jeunes seront recrutés, sociation inscrit en énormes ca- sécuritaire suscite la polémique. d’ici à trois ans, pour atteindre au ractères. Dans le quartier de « C’était la veille de la fête natio- moins 120 000 membres. Southwark, dans le sud de Lon- nale, raconte le vendeur de Garidres, la municipalité vient d’ap- baldi, à côté d’un orchestre de Levée de boucliers poser sur ses grandes poubelles vrais mariachis, avec leur grand L’initiative suscite une levée de des panneaux demandant aux chapeau et leur tenue d’apparat. boucliers des organisations de déentreprises de ramassage de véri- Ils ont défoura défouraillé illé durant dix se- fense des droits de l’homme qui fier que personne ne dort à l’inté- condes. » La mégapole de huit mil- dénoncent d’une même voix « la condes.» rieur avant de les vider. lions d’habitants (22 millions avec militarisation » » du pays. « Cette Le très faible taux de chômage ses faubourgs) était pourtant une stratégie a déjà échoué, provo– 4,1 % – et la façade prospère de « zone neutre » de la guerre san- quant des drames », s’alarme dans Londres masquent la massi- guinaire des cartels de la drogue, les médias, Tania Reneaum, direcfication de l’emploi précaire et entre eux et contre le gouverne- trice d’Amnesty International au l’augmentation du nombre des ment. Mais depuis une scission, Mexique. Huit détenus sur dix travailleurs pauvres. L’associa- fin 2017, au sein d’une mafia lo- sont torturés par l’armée, selon tion caritative Shelter estime à cale, et l’arrivée du puissant cartel une enquête de l’institut mexi320 000 le nombre de s ans-abri de Jalisco Nouvelle Génération cain des statistiques. en Grande-Bretagne, en hausse de (CJNG), les corps démembrés ou Sans compter les scandales 13 000 en un an. L’essentiel de criblés de balles font la « une » des d’exécutions extrajudiciaires, imcette population vit dans des ha- tabloïds à Mexico. pliquant des militaires. « Les solbitats temporaires. En Angleterre Pour pacifier la capitale et le dats sont entraînés pour faire la seule, 9 100 personnes ont dormi pays, le nouveau président pro- guerre et pas pour se charger de dans la rue en 2017, selon l’asso- pose un programmenouveau programme nouveau : lé- la sécurité publique », », a déclaré, ciation caritative Crisis. En 2018, galisation des drogues, amnistie mercredi 28 novembre, Rainer 149 sans-abri sont morts dans la rue, selon une association de journalistes d’investigation. Mais la crise financière de 2008, le manque de logements abordables, la minceur des filets de sécurité sociale, aggravée par la politique d’austérité financière des gouvernements conservateurs depuis 2010, ont jeté à la rue de nouveaux pauvres. Philip Alston, le rapporteur des Nations unies pour les droits de l’homme, vient de publier un rapport au vitriol dénonçant « la pauvreté comme choix politique au Royaume-Uni». Un cinquième de la population, new delhi - correspondant régional Jammu-etsoit 14 millions de personnes, est Islamabad Uri Cachemire concerné. Et le Brexit ne va rien ntre l’Inde et le Pakistan, CHINE Kartarpur arranger, prévient-il. p c’est la guerre et la paix. philippe bernard Pendant que, au CachePAKISTAN NÉPAL mire, les violations de l’accord de New Delhi cessez-le-feu et les échanges de BANG. tirs se multiplient à la ligne de contrôle qui sépare les deux frèINDE Bombay res ennemis d’Asie du Sud, un « couloir de la paix » a été inauguré, mercredi 28 novembre, dans la province pakistanaise du Pendjab, pour permettre aux sikhs indiens d’accéder à l’un de 500 km SRI LANKA leurs lieux saints. Situé à seulement quatre kilomètres de la frontière indienne, Kartarpur visa. Les autorités ont indiqué que abrite le mausolée du gourou Na- les travaux de construction d’un nak, fondateur de la religion sikh. pont et d’un couloir grillagé deLe premier ministre pakista- vraient être terminés d’ici à un an, nais, Imran Khan, a profité de à l’occasion du 550e anniversaire cette occasion pour prêcher l’ami- de la naissance du gourou Nanak. tié avec son voisin indien. « Nos La réaction indienne a été deux pays ont l’arme nucléaire. (…) beaucoup plus mesurée. Deux S’il ne peut y avoir la guerre, quelle ministres sikhs du gouvernealternative y a-t-il à l’amitié? », », a- ment de Narendra Modi ont bien t-il déclaré à Kartarpur, devant fait le déplacement à la cérémoun parterre de plusieurs milliers nie d’inauguration à Kartarpur. de sikhs. Shah Mehmood Mais la ministre indienne des afQureshi, le ministre pakistanais faires étrangères a pris soin de des affaires étrangères, est allé préciser qu’il ne fallait y voir plus loin encore en qualifiant ce aucun « lien » » avec la reprise du « couloir de la paix » de «message dialogue bilatéral. « Le dia logue d’amour et de fraternité ». ». commencera quand le Pakistan New Delhi réclamait depuis des cessera ses activités terroristes en décennies cet accès à Kartarpur, Inde », a affirmé Sushma Swaraj. afin que les sikhs, qui sont 21 milDeux jours auparavant, l’Inde slpjplus.fr lions en Inde, puissent s’y rendre commémorait le 10e anniversaire avec un simple permis au lieu d’un des attaques de Bombay par
L
Quant à la légalisation de la marijuana, elle vise à changer la vision du trafic de drogue non plus perçu comme un problème sécuritaire, mais de santé publique. La création d’une filière pharmaceutique d’Etat, basée sur la culture légale du pavot, est aussi à l’étude.
ANDRES MANUEL LOPEZ OBRADOR
Consultation populaire
Mais ce programme innovateur est terni par le projet de garde nationale, selon Amnesty InternaHuhle, membre du comité des tional et les Nations unies. La medisparitions forcées des Nations sure nécessite une réforme consunies (ONU). titutionnelle autorisée par les « AMLO » justifie son choix par deux tiers du Congrès. Majori« la grave décomposition des corps taire, le parti d’« AMLO », Mouvede police », infiltrés par le crime ment de régénération nationale organisé. « Je fais confiance aux (Morena), devra négocier avec l’opposition. Pour calmer les essoldats qui sont le peuple en uniforme», uniforme », a-t-il martelé, le prits, le nouveau président pro25 novembre, devant 32 000 mili- met une consultation populaire, taires, réunis pour la première en mars 2019, validant ou non la fois par un président élu mais pas garde nationale. encore en fonctions. D’autant que des réticences « AMLO » tente de convaincre : émergent au sein de Morena. « La « 80 % de la stratégie vise à s’atta- garde nati national onalee ne sera sera pas néces néces-quer aux causes de la violence » saire dans la capitale », », a déclaré dans un pays, où la plupart des Claudia Sheinbaum, nouvelle victimes de meurtre ont moins maire de Mexico, élue le 1er juillet. de 30 ans. Son plan propose de Elle entrera en fonctions le 5 décréer des emplois pour les jeunes cembre et soutient néanmoins le et des bourses scolaires ou d’ap- maillage sécuritaire territorial et le prentissage. Il prévoit aussi de di- programme préventif d’« AMLO ». viser le pays en 266 coordinations Des mesures qui avaient fait régionales pour renforcer le leurs preuves, de 2000 à 2005 à contrôle du territoire par le gou- Mexico, quand le nouveau présivernement. Il veut aussi« aussi « réconci- dent était le maire de la capitale. lier le pays » à » à partir d’une amnis- Cela suffira-t-il pour mettre fin à tie pour les cultivateurs de pavot l’hécatombe ? La question ta(à la base de l’héroïne) et d’un sys- raude les esprits sur la place Garitème de justice transitionnelle baldi. Entre deux sourires aux (processus mis en œuvre par un touristes, certains vendeurs et pays pour faire face à son passé et mariachis confient travailler la permettre la réconciliation natio- peur au ventre. p frédéric saliba nale) pour les narcotrafiquants. président du Mexique
L’Inde et le Pakistan inaugurent un « couloir L’Inde de la paix » donnant accès à un lieu lieu saint sikh Le premier ministre pakistanais, Imran Khan, prône l’amitié entre les deux pays. La réaction indienne est plus mesurée. New Delhi évite de parler de reprise du dialogue bilatéral bi latéral
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. n i a b r U . C o t o h P 8 1 0
nos futurs
« Je fais confiance aux soldats qui sont le peuple en uniforme »
2 e l l i v e l l e B ©
des terrorist terroristes es pakistanais qui avaient fait 166 morts en novembre 2008. Le cerveau présumé de cet attentat, Hafiz Saeed, est toujours en liberté et aucun suspect n’a encore été jugé au Pakistan. Faire tomber les barrières
A quelques mois des élections indiennes, prévues en avril 2019, le moindre geste d’ouverture du premier ministre Modi pourrait être interprété comme signe de faiblesse, surtout venant de la part d’une personnalité politique qui aime se présenter en « homme fort », se vantant par exemple de son tour de poitrine de 142 cm. Au lendemain de sa victoire, M. Modi avait tenté de renouer avec le Pakistan, en invitant le premier ministre pakistanais d’alors, Nawaz Sharif, à sa cérémonie d’investiture, et en lui rendant visite, quelques mois plus tard, à Lahore. Mais la reprise du dialogue avait tourné court avec l’attaque de la base militaire indienne d’Uri en septembre 2016 par des hommes armés originaires du Pakistan. L’armée pakistanaise avait alors été accusée de complicité et l’Inde avait répliqué en menant quelques jours plus tard une « frappe chirurgicale » sur son sol. Imran Khan a cette fois assuré que l’armée soutenait l’initiative du couloir de la paix. Son chef, Qamar Bajwa, était présent à l’inauguration.
Ce couloir de la paix va-t-il relancer le dialogue entre l’Inde et le Pakistan ? « Je ne peux qu’essayer. Nous sav savons ons que vousavezbientô bientôt t des élections. Nous attendrons qu’elles se terminent », », a expliqué M. Khan à des journalistes indiens. Le dirigeant pakistanais a ajouté qu’il était « ouvert» à la possibilité de faciliter l’accès à des sites religieux hindous ou bouddhistes au Pakistan à des pèlerins indiens. Une « diplomatie de la religion », », également défendue par M. Modi, qui vise à faire tomber les barrières entre nations du sous-continent en favorisant les échanges entre membres des mêmes communautés religieuses. Et comme à chaque tentative de réconciliation entre le Pakistan et l’Inde, le cricket n’est jamais loin. Navjot Singh Sidhu, ancien joueur indien de cricket et ami d’Imran Khan lorsque ce dernier était capitaine de l’équipe du Pakistan, est devenu ministre du gouvernement de l’Etat indien du Pendjab. Depuis l’élection d’Imran Khan cet été, il est devenu l’ambassadeur du rapprochement entre les deux pays et a qualifié l’initiative de « miracle ». ». « Ce couloir ouvre des possibilités inf inies » , s’est-il réjoui mercredi. Le rapprochement entre l’Inde et le Pakistan passe désormais par le sikhisme et le cricket. p julien bouissou
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0123 DIMANCHE 2 - LUNDI 3 DÉCEMBRE 2018
Climat : la COP24 fait face à un grand vide politique Alors que s’ouvrent les négociations le 2 décembre en Pologne, le manque d’impulsion des Etats est patent
J
amais l’alarme du péril climatique n’a retenti si fort. Début octobre, le GIEC décrivait les effets d’un monde soumis à un réchauffement de 1,5 °C et appelait à un sursaut international pour éviter ce seuil fatidique. Mi-novembre, une étude publiée dans Natu dans Nature re Climate Climate Change Change modélisait les catastrophes extrêmes et simultanées auxquelles sera soumise l’humanité d’ici à 2100 si les émissions de gaz à effet de serre ne sont pas réduites drastiquement. Et les incendies de Californie du mois de novembre ont confirmé que ces prévisions ne relevaient pas de la science-fiction. C’est peu dire que l’attente des citoyens est élevée vis-à-vis de la 24e conférence des Nations unies sur le climat (COP24), qui se tient du 2 au 14 décembre à Katowice, en Pologne. L’événement doit accueillir 20 000 personnes au cœur de la région charbonnière de la Silésie, dans un centre de conférences bâti sur le terrain d’une ancienne mine, symbole de la transition à accomplir. Pourtant, si la société n’a jamais été autant mobilisée, multipliant les marches pour le climat et les actions en justice, les Etats, eux, ne parviennent plus à trouver l’élan politique pour relancer la lutte contre le réchauffement. « Il y a une démobilisation démobilisation , reconnaît Laurence Tubiana, l’ancienne ambassadrice de la France lors de la COP21. Il COP21. Il est est urgent urgent de de refaire refaire du du climat un sujet politique de très haut niveau. » Seule une trentaine de chefs d’Etat et de gouvernement, essentiellement de l’Union européenne (France, Espagne, Pays-Bas, Autriche, Finlande…), d’Afrique Afrique et des petits pays insulaires, devrait faire le déplacement, lundi 3 décembre, pour l’ouverture protocolaire de la COP24. A l’exception de Paris, aucun des dirigeants des Etats membres du G20 – qui regroupent 80 % des émissions mondiales – n’a inclus Katowice dans son agenda diplomatique en décembre. Côté français, le premier ministre, Edouard Philippe, tentera d’endosser le costume de « champion du climat » – un titre décerné en septembre par les Nations unies – porté jusqu’ici par Emmanuel Macron. Premier chef d’Etat à avoir déploré l’annonce du retrait des Etats-Unis de l’accord de Paris (le 1er juin 2017), initiateur
d’un sommet spécifique sur la finance climat, le One Planet Summit, M. Macron renvoie l’image d’une France mobilisée sur l’enjeu environnemental. « L’enchaînement de s réunio ns internationales est tel qu’il faut répartir les forces au sein de l’exécutif », », glisse-t-on à Matignon pour justifier la venue d’Edouard Philippe. « Le président utilise pleinement son déplacement au G20 [les 30 novembre et 1er déG20 cembre à Buenos Aires] pour faire avancer les dossiers du climat et du commerce » , complète une source élyséenne. Vendredi, en marge du sommet argentin, une rencontre entre les ministres des affaires étrangères français et chinois a réaffirmé la détermination des deux nations « à travailler ensemble et avec leurs partenaire parte nairess pour lutt lutter er contr contree le changement climatiqu climatiquee », », indique un communiqué commun. « Pays démissionnaires »
Paris et Pékin savent que deux sujets cruciaux attendent les délégations réunies à la COP24 : l’adoption des règles de mise en œuvre de l’accord de Paris, conclu en 2015, et la relève de l’ambition, c’est-à-dire la hausse des engagements des Etats pour réduire leurs émissions et s’adapter aux effets du réchauffement. Alors que l’ONU appelle les nations à tripler voire quintupler leurs efforts, nombre d’observateurs anticipent un échec de ce processus. « De nombreux pays ne veulent pas aller plus plus loin. Ils sont démisdémissionnaires », », prédit Célia Gautier, responsable climat et énergie à la Fondation pour la nature et l’homme. « Les petits pas en avant et en arrière d’une majorité d’Etats nous empêchent de passer à l’action », », dénonce de son côté Pierre Cannet, qui occupe le même poste au WWF France. L’inquiétude est également vive au siège des Nations unies à New York. « Katowice ne doit pas être un nouveau Copenhague Copenhague [la COP15, organisée en 2009 dans la capitale danoise, avait été vécue comme un échec retentissant des négociations Nord-Sud] ni le fossoyeur de l’accord de Paris, Paris , prévient une source de haut rang. La rang. La COP24 COP24 est est une étape-clé avant 2020 quand les Etats devront annoncer l’augmentation de leurs ambitions. Si Katowic Kat owicee est un un échec, échec, c’est c’est l’échec échec
Le centre de conférences de Katowice (Pologne), le 29 novembre. C’est sur ce site que se tiendra la COP24.
A l’exception de Paris, aucun des dirigeants des Etats membres du G20 n’a inclus Katowice dans son agenda diplomatique de 2020 qui se profile aussi et la fin de [l’accord de] Pari de] Paris. s. » La COP pâtit d’un contexte politique des plus défavorables. « Il n’y a plus de leadership international solide capable de répondre aux attentes des p opulations », relève Lola Vallejo, directrice du programme climat de l’Institut du développement durable et des relations internationales. A commencer par l’axe ParisBerlin, aujourd’hui défaillant. L’AlAllemagne, empêtrée dans ses discussions sur la sortie du charbon, a bloqué en octobre une proposi-
tion de révision à la hausse des en- concentré sur la représentation gagements de l’Union euro- des intérêts des pays en développéenne. La France, de son côté, « a pement, estimant que les pays ri perdu en crédibi crédibilité lité sur la la scène scène inin- ches devaient assumer le fardeau ternationale car elle échoue à financier de la lutte contre le chantransposer ses beaux discours au gement climatique. « Les Etatsniveau national, alors qu’elle ne Unis ne facilitent pas les négociarespecte aucun de ses objectifs » , tions en ciblant systématiquement juge Lucile Dufour, responsable la Chine dans leurs attaques et en des négociations internationales engageant une guerre commerau Réseau Action Climat. ciale avec Pékin. C’est une situation Il en découle une Union euro- perdante perdante pourtoutle mond mondee sur les péenne divisée, affaiblie par le questions climatiques, climatiques , regrette la Brexit, qui « doit voir comment re- source onusienne. L’engagemen engagementt joindre joind re la dynam dynamique ique pour pour l’ambiambi- de la Chine est vital. » tion portée par le forum des pays vulnérables, et ainsi contenir l’effet « Transition juste » potentiellemen potenti ellementt contag contagieux ieux des Un dernier signal préoccupant pays réfrac réfractair taires es » – les Etats-Unis émane de la présidence polonaise de Donald Trump, le Brésil, dont le de la conférence.« conférence. « Beaucoup de dénouveau président, Jair Bolsonaro, légationss’inquiètentdeleurscoma déjà annoncé qu’il renonçait à péten pétences ces», confie une source proaccueillir la COP25 fin 2019, ou en- che des négociations. Issue d’un core l’Arabie saoudite, premier gouvernement revendiquant son producteur de pétrole au monde. soutien aux énergies fossiles,« fossiles,« elle La Chine, premier émetteur de ne fait pas de l’ambition climatique CO2 mais aussi pays en pointe dans une priorité puisque dans le même la transition écologique, s’inter- temps elle plaide activement contre roge sur le rôle qu’elle peut jouer. un relèvement de l’ambition euroCes derniers mois, Pékin s’est péenn péennee », observe Lola Vallejo Vallejo..
KUBA KAMINSKI POUR « LE MONDE »
Le président de la conférence, le secrétaire d’Etat polonais à l’environnement, Michal Kurtyka, devrait pousser d’autres thèmes comme celui de la « transition juste », capable de concilier objectif climatique et justice sociale. Un sujet qui résonne en France avec le mouvement des « gilets jaunes ». « Pour la Polo gne, cela cela veut dire une une sortie sortie lente du charbon, charbon, note un fin connaisseur des négociations climatiques.. Mais si on ne fait pas attenques tion à mener une transition juste, on a les gens dans la rue. » Les négociateurs de la COP24 ont deux semaines devant eux pour tracer le chemin jusqu’au grand sommet sur le climat voulu par le secrétaire général de l’ONU en septembre 2019. 2019. « La coopération internationale est la seule voie pour répond répondre re à la la menace menaceglobal globalee du changement climatique », » , insiste l’Ethiopien Gebru Jember Endalew, à la tête du groupe des pays les moins avancés. p marie bourreau (à new york) audrey garric et simon roger
La crédibilité de l’accord de Paris, enjeu du sommet polonais La conférence de Katowice doit formaliser l’application de l’accord l’ac cord de 2015 et amorcer une réduction supplémentaire des émissions de CO2
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n sommet technique, mais avec un enjeu politique fort. » Voilà comment Laurence Tubiana, l’ancienne négociatrice en chef de la COP21, décrit la 24e conférence mondiale sur le climat (COP24) qui se tient du 2 au 14 décembre à Katowice, en Pologne. Comme chaque année, les 196 Etats membres de la convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques doivent prendre des décisions pour respecter les objectifs de lutte contre le réchauffement. Cette grand-messe doit à la fois mettre en musique l’accord de Paris conclu en 2015 et lancer la dynamique vers une hausse des engagements des Etats pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre. Sans oublier de renforcer les financements qui permettront de limiter les rejets carbonés et de s’adapter aux bouleversements du climat. Le guide d’application de l’accord de Paris Dans Paris Dans le jargon onusien, on l’appelle le rulebook rulebook.. Il s’agit de l’ensemble des règles qui permettront de rendre réellement opérationnel l’accord de Paris, et
notamment son objectif de limiter le réchauffement de la planète sous le seuil des 2 °C. Si l’accord de Paris était une loi, le rulebook en serait les décrets d’application. Une base de négociation de ce recueil a été publiée à la mi-octobre, totalisant encore 230 pages. « On n’a jamais été si proche d’une échéance avec autant d’options sur lesquelles trancher », s’inquiète Lucile Dufour, responsable des négociations internationales au Réseau Action Climat, qui fédère les ONG actives sur le sujet. Malgré ce retard, ajoute-t-elle, les pays doivent tout mettre en œuvre pour « adopter un corpus de règles solide, équilibré et juste, avec le plus de détails possible. C’est la crédibilité de l’accord de Paris qui est en jeu ». ». Le premier des nombreux sujets abordés réside dans les «contributions déterminées au niveau national » (en anglais, les NDC), c’est-àdire les engagements des Etats pour réduire leurs émissions et s’adapter aux effets du réchauffement. Les négociateurs doivent préciser comment les définir – et avec quel niveau d’information –, les planifier et les mettre en
œuvre. Vient ensuite la question de la tran sparence : à par tir de quand les Etats devront-ils rendre des comptes sur les progrès accomplis, de quelle façon et y aurat-il une flexibilité pour les pays en développement développeme nt ? Au programme, également, la question des bases comparables (actuellement, tous les Etats n’ont pas indiqué la même date de référence pour mesurer la baisse des émissions de CO2), l’adaptation au changement climatique, ou encore la comptabilisation et la prévisibilité des financements climat.
devra engager des transformations « rapides » et « sans pr écédent » pour » pour ne pas dépasser 1,5 °C. Pour y parvenir, l’accord de Paris prévoit un processus cyclique de cinq ans. Il s’articule autour d’un bilan mondial de l’action climatique (en 2023, 2028, 2033, etc.) associé à la présentation par les Etats de nouvelles contributions censées être plus ambitieuses (dès 2020, puis 2025, 2030, etc.), et ce jusqu’à atteindre zéro émission nette de CO2 en 2050, voire avant. Ce mécanisme de l’ambition a fait l’objet d’un galop d’essai cette année avec le« le « dialogue Talanoa ». ». La relève de l’ambition des Etats Sous ce terme intriguant – l’exC’est la question cruciale de cette pression a été forgée par les îles FiCOP et des prochaines années : dji qui ont supervisé les débats de dans quelle mesure les Etats sont- la COP23 – se cache un nouveau ils prêts à accroître leurs engage- format de discussions entre Etats ments face à l’objectif de limita- et acteurs non étatiques pour évotion des températures ? Dans un quer les réussites, les échecs ou les rapport publié le 27 novembre, le barrières à lever en vue de nouvelProgramme des Nations unies les NDC en 2020. La COP24 doit pour l’environnement estime que l’être l’occasion occasion de s a conclusion. ces contributions, à supposer « On attend un élan politique, qu’elles soient intégralement te- une déclaration forte des dirinues, mettent la planète sur une geants pour dire qu’il faut augtrajectoire de réchauffement de menter l’ambition », », avertit Lucile 3,2 °C d’ici à la fin du siècle. De Dufour. Même si peu d’observasorte que selon le GIEC, le monde teurs y croient, tous attendent un
« On attend un élan politique pour dire qu’il faut augmenter l’ambition » LUCILE DUFOUR
Réseau Action Climat
engagement des Etats à revenir en 2019 avec de nouvelles contributions. Pour l’instant, seules les îles Marshall ont soumis une nouvelle NDC. Les 48 membres du Climate Vulnerable Forum, les pays les plus vulnérables au réchauffement, se sont toutefois engagés à le faire d’ici à 2020. Les financements Une financements Une attention particulière sera accordée à la question des financements climat, le nerf de la guerre des discussions onusiennes. « « Il s’agit de la condition nécessaire pour construire la confiance des pays en développement », », prévient Lola Vallejo, directrice du programme climat de l’Institut du développement durable et des relations
internationales. Les pays du Nord se sont en effet engagés à mobiliser 100 milliards de dollars par an (88 milliards d’euros par an) d’ici à 2020 en faveur des pays du Sud pour les aider à s’adapter aux effets du changement climatique. Selon un rapport publié par l’ONU le 23 novembre, ce financement a atteint 55 milliards de dollars en 2016 (+ 30 % par rapport à 2014). « Si le rythme se poursuit, les payss dével pay développé oppéss sonten bonn bonnee voie voie d’atteindre leur objectif. Mais ce n’est pas le moment de se reposer sur ses lauriers : le soutien à l’adaptation, en particulier, doit être ren forcé d’urge d’urgence nce », prévient Leonardo Martinez-Diaz, du World Resources Institute, alors que seuls 20 % des financements publics y sont consacrés, le reste allant à la réduction des gaz à effet de serre. Un nouvel objectif, post-2025, pourrait être discuté, de même que la recapitalisation du Fonds vert pour le climat, l’un des outils de transfert financier entre Nord et Sud. Des points complexes et clivants, qui ne manqueront pas d’entraîner des nuits blanches pour les négociateurs. p au. g.
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FRANCE
0123 DIMANCHE 2 - LUNDI 3 DÉCEMBRE 2018
Philippe et Bayrou, la mésentente cordiale Entre le premier ministre et le maire de Pau, piliers du dispositif d ispositif macronien, les relations rel ations se sont envenimées
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rançois Bayrou savoure le moment. Dix-huit mois après avoir dû quitter le gouvernement, le Béarnais est revenu au cœur du jeu. Comme il a été doux à ses oreilles ce discours d’Emmanuel Macron, mardi 27 novembre, dans lequel le président a tenté d’apaiser la colère des « gilets jaunes ». Comme il a aimé entendre le chef de l’Etat reprendre à son compte certaines de ses analyses sur l’état du pays mais aussi les propositions pour sortir de la crise qu’il avait formulées cinq jours plus tôt dans Le dans Le Figaro. « Ce que j’ai aimé, c’est que le prési- Edouard Philippe et François dent parle avec des mots de tous les jours», confie François Bayrou au Bayrou, Mondee. Un brin cabotin, le maire le 9 septembre Mond de Pau ajoute qu’il a particulière- 2017 à Pau. ment apprécié ce passage du dis- GAIZKA IROZ/AFP cours présidentiel : « Les gens disentleursouffrance.Onleurrépond chèque énergie. Mais le chèque énergie, les gens ne savent pas ce que c’est. Et moi non plus ! » Le chèque énergie, c’est ce dispositif dont Edouard Philippe avait annoncé la revalorisation sur France 2, le 18 novembre, en espérant calmer les « gilets jaunes ». M. Bayrou s’en cache à peine : en égratignant ainsi le premier ministre, le président lui met du baume au cœur. Si l’on en croit Le Canard enchaîné,, cet entretien de François chaîné Bayrou au Figa au Figaro ro aurait aurait d’ailleurs plus qu’agacé Edouard Philippe. « L’écho écho de ce qui se passe dans le pays doit être relayé y compris à l’intérieur de la majorité […] […] Si Si je suis cette voie, je ne crois pas que ce soit un moins mais un plus pl us », » , a com- ses un peu autrement : « Edouard menté l’ex-ministre sur Europe 1, Philippe Philippe parle parle aux classes classes moyenmoyenvendredi. « La majorité, ce n’est pas nes de province. François Bayrou a un syndicat de défense du pouvoir. un discours dirigé vers les Français […] On […] On ne peut pas gouverner con- qui ne s’en sortent pas, qui ont peur tre le peuple », », a-t-il poursuivi. d’être les prochains pauvres. » Pour le maire de Pau, il est plus compliqué d’exister depuis qu’il a Vives tensions Même s’il s’en défend publique- quitté le gouvernement. C’est ment, « Bayrou ne supporte pas donc avec constance qu’il veille à que Philippe ait été nommé à Matine pas se faire oublier. A la ren gnon, il voudra voudrait it être à sa place place » , trée, après l’affaire Benalla, la dédécrypte un conseiller de l’exécu- mission de Nicolas Hulot et l’été tif. Sans doute. Mais il n’y a pas que catastrophique d’Emmanuel Macette pomme de discorde entre ces cron, François Bayrou a ainsi critideux hommes que tout oppose. qué une politique jugée trop à François Bayrou a la colère san- droite, trop gestionnaire, trop guine tandis qu’Edouard Philippe loin des Français. S’il a bien pris peut se montrer glacial. Tout en garde de ménager le chef de l’Etat, rondeur, le premier aime séduire, il a, en revanche, comme souvent, quand la raideur du second rap- fustigé « les entourages » et leur pelle souvent celle de son mentor, mauvaise influence. influence. « Dans cerAlain Juppé. « Je me demande si taines interviews, il s’en est même Juppéé n’est Jupp est pas pas plus mallé malléable able que pris aux conseillers d’Etat qui lui… », », cingle un député centriste. gèrent ce pays pays », rappelle un conPar ailleurs, l’édile de Pau et l’ex- seiller de l’exécutif. Or, Edouard maire du Havre ne sont pas issus Philippe, tout comme son direcde la même sensibilité politique. teur de cabinet, Benoît RibadeauDumas, est issu de ce grand corps. « Le premier est plus social que le second, il est beaucoup plus près de « François Bayrou a soutenu Mal’électeur En marche ! que de l’élec- cron avant le premier tour, il a conteur Juppé », juge un proche de tribué à sa victoire, il a un parti, des l’Elysée. Le président du groupe élus. Il regarde avec une certaine MoDem à l’Assemblée nationale, condescendance Edouard Philippe Patrick Mignola, formule les cho- qui n’a personne derrière lui, qui
s’est rallié après le second tour » , observe un macroniste de la première heure. Une condescendance dont il ne s’est jamais vraiment départi.« départi. « Je ne sais pas ce que pense François François Bayrou Bayrou d’Edouard d’Edouard Philippe Philip pe mais du côté d’Edouard Philippe, Philip pe, on a pleinem pleinement ent conscience de la place de François Bayrou », », assure le conseiller politique du premier ministre, Gilles Boyer.
Vendôme, il ne se prive pas de le faire savoir. « Edouard Philippe n’apprécie pas. Car Bayrou est tenu au courant de toutes les décisions importantes par le président, il les valide. Et ensuite, quand il sent une résistance dans le pays, il fait entendre sa petite musique » , développe un proche du président. « Il joue un rôle rôle de vigie vigie », corrige Jacqueline Gourault. Si M. Bayrou échange souvent avec M. Macron – « tous les jours « Rôle de vigie » Pendant les quelques semaines où ou presque », », dit-il –, ses contacts François Bayrou a été ministre avec M. Philippe sont plus rares. d’Edouard Philippe, les tensions « A cause du rôle qu’il a joué duentre les deux hommes ont été rant la campagne, Bayrou a une vives. « Quand on est ministre, on place à part vis-àvis-à-vis vis du du président président.. ne peut plus réagir comme quand Ce ne sont pas ceux qui n’ont pas on est un simple citoyen» , avait fait la campagn campagnee qui peuvent le commenté le chef du gouverne- contester », », commente Gilles ment après que le Garde des Boyer. Mais ils se croisent régulièSceaux a appelé un journaliste de rement à l’Elysée, notamment Radio France pour se plaindre aux « dîners dîners du lundi » – où se d’une enquête sur les emplois pré- presse la garde rapprochée du sumés fictifs de son parti. « Je ne chef de l’Etat –, mais leurs échansuis pas devenu muet en entrant ges n’y sont pas des plus chaleu placee Vendôme. plac Vendôme. Je n’ai n’ai pas pas l’intenl’inten- reux. « Bayrou parle comme un tion de me mettre un bâillon » , évêque, ça fait sourire le premier avait répondu l’intéressé, juste ministre. Qui en général lui répond avant sa démission. par une ou deux phrases lapidailapidai« C’est un homme libre », juge res », », raconte un participant. Jacqueline Gourault ministre « Edouard Ph ilippe oscill e entre MoDem de la cohésion des terri- énervement et indifférence », », comtoires.Depuis toires. Depuis qu’il a quitté la place mente un proche de l’exécutif. ,
« Leurs lignes sont condamnées à vivre ensemble, parce que la majorité a besoin de couvrir le spectre » PATRICK MIGNOLA
président du groupe MoDem à l’Assemblée
Pour autant, les deux hommes sont condamnés à s’entendre, ayant l’un comme l’autre intérêt à ce que le quinquennat réussisse. Le maire de Pau parce qu’il joue sans doute dans cette aventure la dernière de sa longue carrière politique. Le juppéiste parce qu’il a pris le risque de rompre avec sa famille politique (LR) pour, comme il le dit, « réparer le pays ». Leurs « deux lignes [sont] [sont] condamnées condamnées à vivre ensemble, parce que la majorité a besoin de couvrir le spectre », », souligne Patrick Mignola. Mais les deux hommes se jaugent. François Bayrou a notamment joué un rôle décisif dans le dernier remaniement. Le maire
de Pau et le premier ministre se sont vus en octobre pour évoquer le remplacement de Gérard Collomb au ministère de l’intérieur. Finalement, le chef du gouvernement a renoncé à installer place Beauvau l’ancien patron de la police nationale, Frédéric Péchenard, se rangeant aux exigences du Béarnais qui ne voulait pas d’un sarkozyste à ce poste stratégique. Le MoDem est sorti grand gagnant du remaniement, avec la promotion de Jacqueline Gourault à la tête d’un grand ministère des collectivités territoriales, l’arrivée de Marc Fesneau aux relations avec le Parlement, et le maintien de Geneviève Darrieussecq au secrétariat d’Etat auprès des armées. Près d’un an et demi après les démissions de François Bayrou, Marielle de Sarnez et Sylvie Goulard, le parti centriste a opéré son retour. « Au fond, Bayrou est un boutiquier. Il veut faire fructifier son courant, il est là en notaire de sa ligne », », résume un macroniste. A Matignon, M. Philippe ne tarit plus d’éloges sur le ministre Marc Fesneau. Une manière pour lui, peut-être, de faire monter une autre personnalité au MoDem. p virginie malingre et enora ollivier
Les syndicats dépités après leur rencontre avec le premier ministre ministre La CGT appelait « tous les citoyens, les salariés actifs et retraités » à grossir les rangs de la l a manifestation à Paris samedi 1er décembre
C
omme d’autres, les organisations syndicales ont été reçues, vendredi 30 novembre, par le premier ministre, Edouard Philippe, dans le cadre de la préparation de la concertation décentralisée que l’exécutif souhaite mettre en place. Et comme d’autres, elles ne sont pas reparties convaincues de ce rendez-vous, censé apporter un élément de réponse au mouvement des « gilets jaunes ». « On a redit qu’il fallait des mesures concrètes. On ne rentre pas dans un processus s’il n’y a pas de marge de manœuvre pour des mesures réelles pour les travailleurs» , a expliqué Laurent Berger, le secrétaire
général de la CFDT, à sa sortie de Matignon. Il est pourtant celui qui se montre le plus ouvert à cette idée de dialogue au plus près du terrain entre associations, corps intermédiaires, élus, Etat et protestataires qu’il a lui-même proposée. Mais « à une seule condition », », a-t-il prévenu, « que ça ne soit pas un jeu de dupes ». ». Ses homologues sont plus circonspects. « Les grand-messes qui associent tout le monde, ce n’est pas trop trop ma tasse tasse de thé. J’ai ai peur que l’on noie le poisson dans l’eau », », considère Yves Veyrier, le nouveau secrétaire général de Force ouvrière (FO), qui ne pouvait être présent vendredi. François
Hommeril, président de la CFECGC, est aussi critique :« : « Je ne suis jamais jama is contre contre disc discuter uter,, mais mais on on est est comme les médecins de Molière, on va se retrouver autour du corps malade de la société française pour parler parler de la taille du bouton bouton ou de la marque du thermomètre. Si c’est ça, ça n’a aucun intérêt. » Gouvernement Gouverne ment « hors sol »
La CGT n’est guère plus enthousiaste. « On veut des réponses immédiates et pas des comités Théodule,, explique Fabrice Angei, Théodule membre du bureau confédéral de la centrale. Le gouve gouvernement rnement ne prend pas la mesure de ce qui se passe dans le pays. pays. Il est est hors hors sol sol et
le montre. » La CGT appelait juge qu’Edouard Philippe s’est façon automatique au 1er janvier, « tous les citoyens, les salariés acmontré« montré « ouvert », », Michel Beaugas, comme c’est le cas depuis des antifs et retraités » » à venir, samedi qui représentait FO, souligne qu’il nées, a déclaré M. Philippe mardi. 1er décembre, grossir une manifes- « n’a pris aucun engagement ». ». Au-delà du fond, la forme a aussi tation prévue de longue date à Entre rétablissement de l’impôt froissé. D’ordinaire, ce type d’anParis contre le chômage et élargie de solidarité sur la fortune (ISF) et nonce survient après qu’une insau pouvoir d’achat. suppression de la hausse de la tance réunissant les partenaires Les syndicats en ont aussi profité contribution sociale généralisée sociaux a rendu un avis consultapour pousser leurs revendica- (CSG) pour les retraités, la ques- tif. Au moment où l’exécutif veut tions. FO a réclamé un « mora- tion de la revalorisation des salai- signifier qu’il ne dédaigne pas les toire » sur » sur la hausse des taxes sur res a également été très présente. corps intermédiaires comme cela les carburants prévue au 1er jan- Mais, déplore M. Beaugas, « le pre- lui a été reproché, c’est au vier. Avec la CFDT, elle a aussi de- mier ministre a rappelé qu’il ne faut mieux «maladroit» de » de la part du mandé la généralisation de la pas augmen augmenter ter le le coût coût du trav travail ail» . premier ministre, relève M. Veyprime pour les transports pour les Une fin de non-recevoir, selon lui. rier. « Cela montre la réalité du mésalariés contraints de prendre leur Ces derniers jours, plusieurs con- pris que que le gouvern gouvernemen ementt a envers envers voiture pour aller au travail. Si Phi- fédérations ont regretté l’absence les acteurs sociaux », », estime pour lippe Portier, un responsable de la de « coup de pouce » sur le smic, sa part M. Angei. p raphaëlle besse desmoulières CFDT présent lors de la rencontre, qui sera seulement revalorisé de
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A Castillon, « on se croirait dans les quartiers quartiers » Dans ce bourg girondin, la peur du déclassement dé classement dresse les habitants h abitants les uns contre les autres et fait le lit du RN REPORTAGE castillon-la-bataille (gironde) envoyée spéciale
I
ls sont une poignée devant le PMU, en ce froid matin de novembre. Ils parlent un peu fort, s’apostrophent… Sur le carrefour central de Castillon-laBataille (Gironde), place d’Orus, cinq ou six jeunes traînent. Et d’autres habitants les observent. « Ils mettent le bazar, font des roues arrière sur leur moto », » , souffle une femme. Ici, au cœur des paisibles vignes du Libournais, le maire a pris un arrêté municipal anti-attroupements pour calmer les peurs et les rancœurs. Ici, comme dans des milliers d’autres villages français, la prospérité s’est étiolé et le déclin économique est lentement apparu. Et les difficultés semblent dresser les habitants les uns contre les autres. Une aubaine pour le Rassemblement national (RN, ex-FN). Peu implantée sur ces terres, il y a encore quelques années, l’extrême droite progresse à chaque élection… Castillon apparaît comme une jolie cité au bord de la Dordogne, agréable à vivre avec son lavoir, ses petites maisons en pierre ocre et son esplanade bordée de platanes. C’est sans compter avec les peurs qui viennent s’ajouter au déclassement d’une ville ouvrière de 3 100 habitants. Car, derrière les belles façades, on cache sa misère comme dans de nombreux bourgs le long de ce que l’Insee appelle « le couloir de la pauvreté », entre la pointe du Médoc et Agen.
Avec un taux de chômage de carnage. Ils apostrophent les gens, tance le commerçant, qui dit avoir Et, même même s’il s’il n’y a pas pas d’agression agression,, « On vit la 27 %, et 25 % d’allocataires du RSA, crachent par terre et trafiquent. Ils voté Marine Le Pen à la présiden- c’est inentendable car cette amstigmatisation et les indicateurs sociaux en font vivotent de la CAF et font les beaux. tielle. Sur cette commune, comme biance de peur est maintenue par l’une des communes les plus pau- On se croirait dans les quartiers… », dans les villages alentour, le Front le maire et le FN », renchérit Ferl’inquiétude d’une vres de la Nouvelle-Aquitaine. La souffle Emilie (les prénoms ont national était en tête au premier nand Escalier, conseiller municisociété qui n’a pas ville comporte 20 % de logements été changés), 31 ans, mère de cinq tour (30,9 %). « Cette montée du pal PS. « Le problème, c’est que, mis insalubres loués souvent à des fa- enfants. Le pharmacien ne décocommunautarisme, les gens n’y à part les vignes, il n’y a pas de taf », digéré les suites milles immigrées. Loin du faste de lère pas : « L’été, on voit les boureconnaît Emilie, qui, en deux ans, sont pas habitués ici et ça choque de l’immigration » Saint-Emilion, à 13 kilomètres de teilles laissées après la nuit. Et puis les plus anciens », », assure Gonza- n’a trouvé qu’un emploi aidé. là. Dans ce territoire rural, com- leur musique… C’est ingérable ! gue Malherbe, responsable local. Le milieu associatif partage ce JACQUES QUEINNEC merces et emplois disparaissent. Des étudiants de Science Po Bor- sentiment d’exagération. « On vit Faudrait que ces Faudrait ces gens-là gens-là ne vivent vivent directeur d’association plus des aide aidess », », lance Jean-Frandeaux ont réalisé, en février, un ici la stigmatisation et l’inquiétude çois Constantin. diagnostic de terrain pour la ville. d’une société qui n’a pas digéré les « Délinquance de bac à sable » La population vieillissante, pour Les gendarmes sont régulièreLeur constat est sans appel :« :« Il y a suites de l’immigration», », relate beaucoup des ouvriers agricoles, a ment appelés. Le maire a installé de ville. « La paupérisation et la un fantasme autour des jeunes qui Jacques Queinnec, directeur d’asvu arriver deux vagues d’immi- dix-sept caméras de surveillance concentration d’étrangers ont gé- squattent l’espace public alors que sociation. Abdelkrim Oubaziz, gration venues du Maroc. La pre- et a embauché deux policiers. La néré des fractures. Il faut donner cela ne saute vraiment pas aux président d’une association, se démière amenée par les patrons des ville a été inscrite en zone de sé- des signes de confiance en revitali- yeux. yeux. Maisles disc discours oursraci racistes stesfont sole lui aussi de l’importance dongrands chais dans les années curité prioritaire et a reçu le ren- sant le centre-ville », plaide », plaide l’édile. consensus», », résume Lise Oblet, née à « une délinquance de bac à 1960-1970 ; la seconde poussée fort, durant quelques mois, de Jean-François Constantin l’as- une des auteures. sable » : » : « Les soucis économiques par la crise de 2008 en Espagne. trois gendarmes mobiles. Les jeu- sume : « Avant, Castillon, c’était le Pour beaucoup, le maire a une pouss poussent ent les gens à se choisir des Leurs enfants ont grandi dans les nes sont partis plus loin, mais le paradis paradis sur terre. Maintenant Maintenant,, on responsabilité. « M. Breillat noircit boucs émissaires. Mais personne écoles du coin mais ne trouvent moindre incident prend des allu- en voit qui se trimballent en djel- le tableau en mettant l’accent uni- ne dit qu’il n’y a aucun espace ni de pas de travail. Ces deux popula- res de drame. Le maire continue à laba à la sortie de la mosquée. Ils quement sur la pauvreté et la délin- structures pour les jeunes ». Le ». Le citytions qui vivent chichement ne se clamer qu’il « ne tient plus le ter- viennent avec l’aide médicale quance», », remarque Patricia Cou- stade promis par le maire a mis côtoient guère, la première regar- rain ». ». Sa ville est trop petite pour d’Etat alors que nos retraités sub- ranjou, présidente du Café ci- dix ans à voir le jour. Il a été ouvert dant la seconde avec méfiance. toucher les aides de la politique sistent. Il n’aurait jamais fallu autotoyen. « C’est vrai q ue les jeunes en juin, à l’extérieur de la ville. p sylvia zappi « Les vieux Castillonnais vivent un de la ville ou celles du plan cœur riser le regroupement familial », dehors font du bruit et traficotent. fort sentime sentiment nt de déclassem déclassement ent et ne supportent pas les nuisances générées par quelques jeunes fils de Marocain Maro cains. s. On voit ici des phénophénomènes qu’on voit plutôt en banlieue », résume Jacques Breillat, maire Les Républicains (LR). Ici, à 600 kilomètres de Paris, certains comparent Castillon au « 9-3 ». Les jeunes qui traînent ? Des « délinquants », « qui dealent de la drogue », répète-t-on », répète-t-on en boucle. « Il « Il y a de plus en en plus d’ét d’étranran gers», », pour pour Caroline, 50 ans, employée dans un centre commercial. « En centre-ville, c’est un
La banque coopérative de la Fonction publique
Les policiers appelés à élire leurs représentants La CFE-CGC, arrivée en tête en 2014, espère conserver son avance sur le syndicat FO
C’
est une première dans la police nationale : les quelque 180 000 fonctionnaires, personnels des préfectures et agents du ministère de l’intérieur sont appelés non pas aux urnes mais à leurs écrans, depuis vendredi 30 novembre au matin, pour participer aux élections professionnelles qui se déroulent cette année entièrement par voie électronique. L’enjeu est double. Les syndicats attendent le score final des 461 scrutins, qui redéfiniront les équilibres. Mais la participation était également une vraie interrogation au sein d’une profession qui vote toujours beaucoup aux élections professionnelles (près de 70 % en 2014), mais qui s’interroge comme toute la société sur le rôle des corps intermédiaires. De ce point de vue, les organisations professionnelles ont été rassurées par les premières heures du scrutin. Plus d’un quart des inscrits avaient déjà participé vendredi à 19 heures. Le vote est ouvert jusqu’au jeudi 6 décembre. Match serré
Sur l’ensemble des différents corps, la CFE-CGC (qui regroupe des syndicats plutôt classés à droite), arrivée en tête en 2014, va tenter de conserver son avance au sein du comité technique ministériel sur FO (classé à gauche), qui avait pris la deuxième place. Les deux autres organisations représentées, l’UNSA et la CFDT, espèrent progresser. Mais c’est surtout au sein du corps des gardiens de la paix et des gradés, le plus important en nombre avec environ 100 000 fonctionnaires, que le match devrait être serré. La victoire devrait se jouer comme souvent entre Al-
liance Police nationale (CFE-CGC), arrivé en tête en 2014 avec 41 % des voix (7 sièges au sein de la commission administrative paritaire nationale), et Unité SGP-Police-FO (39 % en 2014, 7 sièges également). Ces derniers espèrent renverser le rapport de force et redevenir la tête de proue du syndicalisme policier. L’UNSA, qui avait fait 11 % en 2014 (2 sièges), vise une progression de son score. Quel que soit le résultat, les syndicats savent qu’une réforme de leurs modes d’action est nécessaire, alors que le Mouvement des policiers en colère – créé après le drame de Viry-Châtillon en 2016, quand une voiture de police avait été incendiée avec ses occupants à l’intérieur –, les bouscule. Ce collectif, qui dénonce notamment l’inaction des syndicats, a séduit nombre de policiers, notamment par des campagnes actives sur les réseaux sociaux. L’extrême droite va d’ailleurs tenter de récupérer une partie de ce mécontentement dans les urnes. Le syndicat France Police a accolé à son nom l’appellation « policiers en colère » pour essayer de capter une partie des voix. Une manœuvre dénoncée par le collectif originel, qui ne souhaitait pas se mêler des élections. Mais la poussée de ce type de mouvement traduit un sentiment d’abandon de la part de nombre de policiers, qui estiment que les conditions de travail et de vie se détériorent. C’est donc principalement sur cette thématique que s’est jouée la campagne, sur fond de « gilets jaunes ». L’un des syndicats, Unité SGP-Police-FO, a en effet appelé à montrer de la solidarité envers les manifestants. L’initiative, rare dans la police, a été condamnée par ses adversaires. p nicolas chapuis
S A I n o R i t O l a n u o i c i t r a t l a u c m i r m t I a . 2 m 4 0 m I . 5 x 5 u 4 a 3 e 9 4 M S ° C n R S I - R A 8 7 P 7 S 5 C 7 2 R . 4 3 1 8 7 x ° e n d e n C e s r i i S r a - P e 1 n 0 r a 2 5 7 M r - u e s c s n a p r F m a s h è C d n 0 2 e 4 M 7 7 r e r r e e n i e P i e W u n n a e e v J a e 0 u r 5 : l s a i b i c 1 o : s l a e i g c è i o s S . e € g è i 0 9 S 8 . e 7 l 9 b 6 a 7 i r 5 a 1 v e l d a l t i a t p i a c p a à c e u r a i a e l u c n p a o l l P i e e v u r q u n s a e B d e l i d e e s v n i o t c a t r é e p e o i r o o C t e c e r m i y n d o à n e A m é t y n é i o c n o a S é - t e é i r i c a o l u S p o E P C P e B u q • n 8 a 3 B 1 7 N 2 E 0 D 7 S 0 A ° C n
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Un prêtre suspecté d’agressions sexuelles incarcéré à Nice Pendant plusieurs années, le père Jean-Marc Schoepff aurait abusé de jeunes garçons Blocage des ChampsElysées, à Paris, par des ambulanciers vendredi 16 novembre.
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JULIENMATTIA/LE PICTORIUM/MAXPPP
« On entre en résistance, on va se battre pour sauv sauver er notre métier » Les ambulanciers ont prévu de se rassembler à Paris, lundi 3 décembre, pour contester la réforme du financement des transports sanitaires hôpitaux fassent toujours appel « sans savoir q u’il y avait l’arti« Les patients, aux mêmes sociétés, c’est-à-dire des cle 80 ». ». Elle a payé 270 000 euros près les « gilets jau- grands groupes qui auron aurontt remune ambulance et un VSL (avec ça va être des nes », les vestes porté les appel appelss d’offres offres en cassan cassantt leur agrément) et craint de devoir colis, ils vont être bleues… Moins d’un les prix mettre la clé sous la porte. pr ix », », explique Mickaël Giacomois après la manifes- mazzi, 32 ans, cogérant de la CharDepuis le 1er octobre, son chiffre laissés à l’entrée tation parisienne du 5 novembre, nycoise, une petite société icaud’affaires a en effet « chuté de 40 à de l’hôpital » où 700 à 1 200 véhicules sanitaires naise de deux ambulances, deux 60 % », », sa société passant de dix avaient bloqué le périphérique véhicules sanitaires légers (VSL) et transports par jour à quatre. quatre.« « Tous SANDRINE PERLIN pendant près de trente-six heures, cinq taxis. Depuis le 1er octobre, la les services hospitaliers ont ordre patronne d’une société société provoquant des centaines de kilo- mesure lui a fait perdre entre 10 à de téléphoner directement aux gros d’ambulances mètres de bouchons, les ambulan- 15 % de son chiffre d’affaires.« d’affaires. « C’est groupes et de prendre les sociétés groupes sociétés ciers en colère devaient repartir pas négligeab négligeable, le, dit-il. Sur une soconventionnées, même pour des pour une nouvelle journée d’ac- ciété de dix salariés, c’est comme si orateur, surfe sur le succès du patie patients nts à domi domicile cile» , explique-ttion, lundi 3 décembre, dans Paris. on supprimait un poste. » 5 novembre – « le plus grand ras- elle, en montrant sur son téléDepuis une dizaine de jours, des Mais au-delà de l’article 80, les semblement d’ambulances qui ait phone portable une photo de la réunions ont lieu un peu partout gérants des petites sociétés d’am- jamais jamais eu lieu lieu». «On voudra voudrait it que cour de l’hôpital Lariboisière avec en France, à l’initiative de la toute bulances comptent bien profiter le 3 décembre soit sans précédent , précédent , uniquement des ambulances du jeune Association pour la défense du rassemblement du 3 décembre lance-t-il au micro. Il micro. Il est hors de groupe Jussieu. « C’est catastrophides transporteurs sanitaires pour « tout mettre sur la table » et », lâche-t-elle. » et question de laisser le gouverne- que pour nous », (ADTS), pour préparer le rassem- réclamer la détaxe carburant ou la ment ubériser notre profession profession.. » blement prévu place Vauban, près réévaluation des tarifs, inchangés A la tribune, on se félicite que les « Seuls les prix vont jouer » du ministère de la santé.« santé.« On entre depuis 2013. députés aient voté l’après-midi Conséquence : alors qu’elle tramême la suppression d’une dispo- vaille tous les jours de 6 ou 7 heuen résistance, on va se battre pour sauver notre métier », », a lancé mer- « Petite claque » sition de l’article 29 du projet de loi res le matin jusqu’à 20 heures credi 28 novembre l’un des 80 gé- Dans l’amphithéâtre auxerrois, les de financement de la Sécurité so- voire 22 heures le soir, Sandrine rants de sociétés d’ambulances et intervenants passent en revue les ciale 2019 qui prévoyait la possibi- Perlin assure ne pas se verser de sade taxis conventionnés qui « dérives » possibles » possibles de la réforme, lité pour les agences régionales de laire et simplement payer au smic s’étaient rassemblés après leur notamment son extension à santé d’accorder gratuitement des son fils Jordan, 23 ans, qui a démisjournée de travail à la chambre des d’autres catégories de patients, agréments de transport aux hôpi- sionné de son CDI à Auchan pour métiers et de l’artisanat d’Auxerre. comme les dialysés, les pension- taux. Une mesure qui aurait fait venir l’épauler. « l’épauler. « Aujourd’hui, c’est Venus de tout le département, naires d’Ehpad et ceux qui se ren- plonger le cours officieux de lui qui me nourrit », soupire-t-elle mais aussi de la Côte-d’Or, du Loi- dent chez leur kiné. « Ce serait la l’agrément pour les ambulances. dans son costume bleu. C’est à reret ou de la Nièvre, ces chefs d’en- mort de toutes les petites entrepri- Avant le 1er octobre, celui-ci se si- gret qu’elle se résignerait à quitter treprise demandent l’abrogation ses », », assure un professionnel du tuait entre 60 000 et 80 000 euros l’univers des ambulances d’ici de l’article 80 de la loi de finance- Loiret. On évoque successivement dans la Nièvre, entre 1 50 000 et quelques semaines. « On a beaument de la Sécurité sociale de 2 017. les délais de paiement qui s’allon- 200 000 euros en Ile-de-France et coup de papys et mamies dans noEntrée en vigueur le 1er octobre, la gent, les rétrocessions qu’auraient jusqu’à 350 000 euros dans certai- tre patientèle, on les rassure, on les mesure a transféré de l’Assurance- exigées certains établissements nes villes de la Côte d’Azur. « De- accompagne, c’est comme des maladie aux hôpitaux et aux clini- ou le risque de devoir transporter puis puis,, àPar Paris, is, ça a pris prisune peti petite te cla- membres de notre famille. » Deques le financement des trans- un jour plusieurs patients en que, ça a perdu 30 000 euros», es- main, redoute-t-elle redoute-t-elle,, « les patients, ports de patients entre établisse- même temps dans des ambulan- time un gérant de société parisien. ça va être des colis, ils vont être laisments de santé. ces devenues des « bétaillères ». ». « Ils ont abrogé l’article 29 mais il sés à l’entrée de l’hôpital ». La réforme, qui ne concerne que Au bout d’une heure arrive enfin y a de fortes chance chancess qu’ils qu’ils remetremetToutes les petites et moyennes 5 % des 4,6 milliards d’euros de la Rachid Soukhmani, le président tent ça sur le tapis », », assure sociétés d’ambulances ne sont dépense totale de l’Assurance-ma- de l’ADTS. Agé de 39 ans, ce gérant M. Soukhmani, soucieux que ce toutefois pas aussi fortement touladie en matière de transport, a d’une société de cinq ambulances recul du gouvernement n’érode chées que celle de Mme Perlin. Paul cristallisé les inquiétudes d’une et un VSL dans les Hauts-de-Seine pas la détermination des troupes. Sahel, trésorier de l’ADTS et diriprofession qui comptait près de a créé l’association deux mois plus « Notre crainte, c’est qu’ils générali- geant d’une entreprise parisienne 5 700 entreprises en 2015, dont les tôt en raison de « l’inertie » des sent l’article 80. La prochaine ré- d’une dizaine de salariés, a davantrois quarts emploient moins de structures syndicales face à l’arti- forme forme,, ce sera la soumiss soumission ion à un tage amorti le choc, grâce à ses vingt salariés. « salariés. « On craint que les cle 80. 80. Depuis, l’homme, habile agrément tous les cinq ans. Nos en- contrats déjà signés avec des clinitreprises deviendront invenda- ques ou des Ehpad. « Ehpad. « Je fais partie bles», lance-t-il. Signe de l’inquié- des chanceux, j’ai moins de soucis tude de la profession, l’ADTS as- que ceux qui viennent d’ouvrir. » « Pas d’article 80 bis ou 80 Plus » sure avoir engrangé plus de 530 Il pointe le risque d’une déréguadhésions en à peine deux mois. lation tarifaire. « Avant, on était Un « comité de suivi de la réforme » a réuni jeudi 22 novembre les Sandrine Perlin, 48 ans, est une tous au même tarif, dit-il. tarif, dit-il. Ce qui faireprésentants des établissements de santé et des transporteurs des premières à avoir rejoint le col- sait la différence, c’était la qualité, sanitaires. Le ministère de la santé y a « réaffirmé le périmètre lilectif. Elle était de la première ma- la ponctualité, le professionnamité du transfert » prévu par l’article 80. Il s’est engagé à ce qu’il nifestation à Lyon le 1er octobre, se lisme… Dorénavant, seuls les prix n’y ait pas d’article « 80 bis » ou » ou « 80 plus » et » et a promis que les trouvait en tête du cortège pari- vont jouer. » Parce qu’« qu’« il n’y a que transports inter-établissements inter-établissements pour les personnes dialysées à sien le 5 novembre et sera de celle quand vous foutez le bordel qu’on domiciles « seront exclus en 2019 du champ de la réforme ». Alors du 3 décembre. Après avoir été sa- vous écoute », que des refus de prise en charge de certains patients « imputés », Paul Sahel se dit prêt lariée pendant vingt ans dans des le 3 décembre à montrer que les indûment à la mise en œuvre de la réforme » ont » ont été constatés, le sociétés d’ambulances, elle s’est ambulanciers eux aussi « sont caministère a par ailleurs rappelé « l’absence de changement de rèlancée à son compte, il y a un an, pabl pables es de de tout tout bloqu bloquer er». p gles concerna concernant nt les permissio permissions ns de sortie »notamment » notamment pour des dans les Hauts-de-Seine, mais françois béguin enfants et adultes en situation de handicap. - envoyé spécial
auxerre
A
- envoyée spéciale
était « leur Roi-Soleil », « un gourou », « un référent spirituel» ; celui qui a marié plusieurs d’entre eux, veillé leurs grands-parents mourants, baptisé leurs enfants. Ils ont une petite quarantaine d’années, se fréquentaient plus ou moins à Saint-Stanislas, fleuron de l’enseignement catholique privé niçois dont l’ancien aumônier Jean-Marc Schoepff a été mis en examen et placé en détention provisoire, jeudi 22 novembre, pour « agression sexuelle sur mineurs » dans le cadre d’une information judiciaire ouverte à Nice en février. Aujourd’hui, ils expriment leur colère contre cet homme et « contre tous ceux qui ont fermé les yeux », raconte Alexis V., un ancien élève victime du prêtre quand il avait 14 ans. Ce sont de jeunes parents qui viennent de vivre, eux aussi, le mouvement #metoo. Victimes ou simples élèves, ils dénoncent le« le « système que « cela ne se Jean-Marc», pour que « reproduise plus jamais ». Le procureur de la République de Nice, Jean-Michel Prêtre, affirme qu’une « dizaine » de victimes de cette génération ont déjà été identifiées, mais, estime-t-il, elles pourraient être « beaucoup plus nombreuses». ». Selon une source proche du dossier, au moins une des plaintes ne relève pas du délai de prescription, le prêtre étant resté en contact avec des jeunes garçons jusqu’à sa suspension ordonnée par la préfecture en 2017. Il avait été écarté de toute mission auprès de la jeunesse, pour laquelle il a œuvré pendant plus de trente-cinq ans, mais continuait à célébrer la messe, qui ne désemplissait pas. « C’est le table au parfait de la bourgeoisie provinciale », », résume une des victimes présumées. « Avec le Lions Club, les rallyes, les pères avoc avocats, ats, et le prêtre qui vient vient dîner à la maison, parce que ça fait bien. Celui de notables qui doivent protéger leur réputa réputation, tion, et tant pis si si le curé cares caresse se les les gosses. gosses.» Souvent un ami de la famille
Jean-Marc Schoepff était le genre de prêtre dont toute la communauté louait les sermons. Sensibles et émouvants. Il organisait des camps de vacances pour les enfants et des voyages humanitaires. Toujours de bonne compagnie, il surveillait les ados, prévenait les parents « s’ils se mettaient à fumer du shit ou à dévier », leur », leur apprenait à skier à Auron, dans l’arrière-pays niçois, et à dire leurs prières. C’est lors de ces voyages que Jean-Marc Schoepff aurait agressé les adolescents, âgés de 12 à 1 5 ans. Tous décrivent les mêmes gestes : le corps du prêtre qui venait se coller contre eux la nuit, se mettait à les caresser puis prenait leur sexe dans la main « jusqu’à ce qu’ils aient la force de le repousser ». Bien souvent, il s’agissait des «chouchous « chouchous » de l’aumônier, classés selon un système de préférence dans un petit groupe de privilégiés. « Il y avait aussi les cadeaux», se souvient Laurent B., 44 ans aujourd’hui. Pendant la colo où il est agressé, l’adolescent reçoit un couteau suisse gravé à son nom, pochette en cuir assortie. A l’époque des faits, aucune des victimes n’ose parler, persuadée d’être « un cas isolé ». Le prêtre est souvent un ami de la famille. Benoît Valla, 41 ans, qui fait partie des plaignants, se rappelle « de la chape de plomb » qui prévalait : « Imaginez la pression sociale. On avait 13, 14 ans, et c’était quelqu’un
A l’époque des faits, aucune des victimes n’ose parler, persuadée d’être « un cas isolé i solé » que tout le monde appréciait… » Jusqu’à sa mise en examen, une partie de la paroisse s’est mobilisée pour défendre son prêtre. Dans les rues de Nice, certains font encore courir le bruit qu’il s’agirait d’une vendetta contre « Jean-Marc ». ». La veille de ses interrogatoires, et le jour de son incarcération, le curé envoyait des SMS à ses fidèles demandant « de prier pour lui lui ». Selon une source proche du dossier, l’évêque de Nice, André Marceau, a assuré aux enquêteurs avoir reçu de nombreuses lettres de personnes « se portant garantess de la bonne moralité garante moralité de Jean-Marc Jean-M arc» lorsque des voix s’élevaient au sujet de son comportement pendant ses années à Stanislas. « Il avait − et il a toujours − un vrai comité de soutien », assure un ancien fidèle. C’est l’évêque de Perpignan, Norbert Turini, qui aurait prévenu son homologue niçois au printemps 2017 des faits que relate Thomas Bidart, premier plaignant dans l’affaire. Cet assistant réalisateur avait 13 ans lorsque le prêtre a abusé de lui. A la suite de cette alerte, André Marceau aurait convoqué le père Schoepff. A l’en croire, il l’aurait suspendu, le 31 juillet, au retour d’une colonie de vacances de trois semaines, omettant de préciser que cette suspension avait été ordonnée par la préfecture. Le père Turini, ancien collègue du père Schoepff avant sa mutation à Perpignan, aurait déclaré aux enquêteurs « avoir souvent fait la remarque » à Jean-Marc Schoepff « qu’il était trop proche des enfants ». Selon nos informations, un signalement avait été effectué par un parent au proviseur du collège Stanislas, alors que le prêtre était chargé de l’aumônerie. Cela n’avait pas été suivi d’effet. Tous les encadrants de l’époque que Le que Le Mondeaa pu contacter se sont mu Monde rés dans le silence. Pour la nouvelle direction de l’établissement, se mettre à la recherche d’un signalement dans les archives relèverait d’une « mission de spéléolo Autre anomalie dans le dos gie ». ». Autre sier, le retard pris par le ministère de la jeunesse et des sports, chargé de la surveillance des colonies de vacances, dont un dispositif de suspension d’urgence prévu dans les textes de loi permet d’éloigner tout intervenant susceptible de présenter un risque pour les mineurs. En théorie, cette procédure, qui porte une attention particulière aux cas d’abus sexuels, n’est censée prendre que quelques jours. Dans le cas de Jean-Marc Schoepff, le premier signalement remonte à juin 2017. Il est fait à l’inspecteur général niçois par une ancienne victime, six mois après le début de l’enquête policière et juste avant le début d’un « camp » de trois semaines organisé par le prêtre. Le dossier est transféré à la cellule « de veille opérationnelle et d’alerte » du ministère de l’éducation nationale, à Paris. L’administration ne donnera plus de nouvelles, et le père Schoepff partira en colo cet été-là. Contacté par Le Monde, l’avocat du père Schoepff n’a pas donné suite à nos sollicitations. p sofia fischer
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Handicap : la la pratique pratique de la sexualité demeure taboue APF France handicap souhaite favoriser l’accompagnement sexuel
C’
est une mère qui appelle à l’aide, après avoir été confrontée à de multiples reprises au sexe en érection de son adolescent autiste lors de la douche. Un directeur d’établissement pour adultes handicapés, dans une région frontalière, qui emmène discrètement ses pensionnaires chez une prostituée. Une aide-soignante travaillant dans une structure médico-sociale qui se plaint d’être confrontée quotidiennement à des sollicitations d’ordre sexuel, dépassant le cadre de ses attributions attributions.. Ces récits, rapportés par plusieurs sources, ne sont pas nouveaux. Ils illustrent les difficultés que connaissent encore aujourd’hui les personnes avec un handicap pour l’exercice de leur sexualité. Et par extension leurs proches et le personnel qui les entourent. « Le problème se pose principalement principalement pour pour les personnes qui vivent en institution », », considère Pierre Brasseur, sociologue à l’université de Lille et auteur d’une thèse intitulée « L’invention de l’assistance sexuelle ». « Les conditions d’exercice de la sexualité ne sont pas réunies » dans » dans ces lieux de vie collectifs qui ne favorisent pas l’intimité de leurs habitants, pointet-il. Comment l’envisager, en effet, pour des gens qui n’ont pas toujours la simple possibilité de fermer leur porte à clé ? Conscientes de ces freins, et de l’émergence, ces dernières années, d’une revendication d’un accès à une vie affective et sexuelle, les associations – qui sont aussi bien souvent les gestionnaires d’établissements – tentent d’apporter des réponses, qu’elles reconnaissent imparfaites. A l’Unapei, une fédération de 500 associations de parents de déficients intellectuels, le choix a été fait de « traiter la sexualité sous l’angle de l’accessibilité», comme les autres droits, explique Claire Grisard, chargée de mission. « La prise en compte de cette question remonte à la fin des années 1990 », », au pic de l’épidémie de sida, se souvient la responsable. Certains découvrent alors, effarés, que leurs enfants, qui vivent dans des structures médicalisées, ont une activité et des rapports sexuels, passés jus-
qu’alors sous les radars. La réponse est, dans un premier temps, sanitaire, et préventive, avec une réflexion sur l’éducation à la sexualité. Vingt ans plus tard, « on est passés d’une gestion du risque à une logique d’accompagnement», estime Mme Grisard. Elle prend des formes diverses, plus ou moins structurées, selon les établissements. Certains ont inscrit cette dimension dans leur règlement intérieur, d’autres en sont encore très loin. Concrètement, la prise en compte peut s’incarner de plusieurs manières : par des groupes de parole spécifiques, des ateliers pour apprendre aux résidents à connaître leur corps, à évoquer la notion de consentement… L’Unapei cite à titre d’exemple une structure au sein de laquelle les résidents ont créé un magazine consacré à la sexualité « facile à lire et à comprendre », une méthode permettant une accessibilité des informations aux personnes déficientes intellectuelles. Il n’empêche qu’à l’Unapei comme dans les autres associations, si l’accès à une information sur la sexualité se développe, la pratique demeure taboue.
« Avant, dès que je voyai voyais s une femme, j’étais tellement frustré. Après le premier accompagnement, je me suis suis senti senti libéré » WILLY ROUGIER
infirme moteur cérébral
tuation actuelle dans les établissements qui n’est est pas digne », », estime pour sa part Aude Bourden, conseillère nationale santé-médicosocial au sein de l’APF. « Il faut un vrai service de mise en relation, avec une supervision des assistants sexuels, et des principes éthiques. » Au sein de l’APF, une première formation, menée avec l’association Ch(s) ose, a abouti à la certification, en juillet 2017, de quatre Françaises et de trois Suisses. Ces assistants (ou accompagnants) sexuels ont suivi une formation de cent-vingt heures, qui s’est étalée sur plusieurs mois, avec des psychologues et des sexologues. Les critères d’admission pour y accéder sont formulés ainsi dans « Ghettoïser les personnes » Sur ce plan, l’APF France Handi- la plaquette de présentation : cap, une autre organisation qui « Etre âgé(e) de 25 ans minimum ; représente des personnes vivant avoir une santé compatible avec avec un handicap moteur, sou- l’activité ; être au tonome su r le haiterait favoriser l’accompagne- plan financier; avoir un équilibre ment sexuel. Ce qui signifie, pour satisfaisant dans sa vie personles personnes qui en expriment nelle et sexuelle ; avoir parlé de ce le désir, pouvoir avoir des rela- projet à son son conjoint(e) conjoint(e) pour pour ceux tions charnelles ou sexuelles et celles qui sont en couple. » avec des professionnels. L’accompagnement sexuel est La pratique, qui a cours dans une revendication qui date d’un plusieurs autres pays, n’est pas colloque organisé à Strasbourg organisée en France, où elle est en 2007. Depuis, celle-ci domine assimilée à de la prostitution. Elle les débats. « Les risques liés au n’est d’ailleurs pas consensuelle, VIH, les violences sexuelles et les comme le rappelle Claire Desaint, autres thématiques ont été éclipvice-présidente de l’association sés par l’émergence de cette revenabolitionniste Femmes pour le dication», », analyse le sociologue dire, qui rassemble des femmes Pierre Brasseur. Le militant Maravec un handicap ou valides. cel Nuss, lourdement handicapé, « Pour nous, l’assistance sexuelle était l’initiateur de ce rendezva encore plus ghettoïser les per- vous qui a permis d’échanger sur sonnes, stigmatiser leurs prati- la souffrance, jusqu’alors peu ques », », dénonce-t-elle, plaidant audible, des personnes en situapour une « prise en compte inclu- tion de handicap privées de rapsive » de » de la sexualité. ports charnels. « On aimerait bien au minimum Il a créé en 2013 l’Association avoir un débat public sur l’assis- pour la promotion de l’accompatance sexuelle, parce que c’est la si- gnement sexuel (APPAS), pion-
10 405 personnes suivent le traitement préventif PrEP contre le sida Plus de 10 000 personnes, quasi exclusivement des hommes homosexuels, âgés en moyenne de 38 ans et habitant pour près de 50 % en Ile-de-France, suivent le traitement préventif contre le virus du sida, appelé PrEP, selon des chiffres publiés, vendredi 30 novembre, par l’Agence du médicament. « Ce nombre est en augmentation constante depuis 2016, avec près de 500 nouveaux utilisateurs par mois au premier semestre semes tre 2018», », indique indique l’Agence. Le principe : prendre des comprimés tout en étant séronégatif séronégatif,, pour faire barrage au virus. – (AFP.)
nière sur ce sujet, et revendique la formation de cinquante-deux accompagnants. Seule une dizaine, majoritairement des femmes, pratiqueraient réellement aujourd’hui. « En mettant en relation des bénéficiaires et des accompagnants, je suis proxénète proxénète et je tombe tombe sous le coup de la loi » de » de 2016 sur la prostitution, s’emporte Marcel Nuss, dénonçant « l’hypocrisie » entourant la question. « Il y a des personnes qui n’ont ont pas même la possibilité de se toucher toucher,, d’accéder accéder à leur corps, et qui vivent dans une grande misère affective et sexuelle», », dénonce-t-il inlassablement. Willy Rougier, 51 ans, adhérent de l’APPAS et infirme moteur cérébral, confirme. « Avant, Avant, dès que je voyais une femme, j’étais tellement frustré, ça se voyait trop. Dans ma famille, on me disait que que je ne parlais que de ça. Après le premier accompagnement, accompagnement, je me suis senti libéré. » Depuis quelques années, il fait appel régulièrement à des assistantes sexuelles, à son domicile. « J’aimerais aimerais bien que ce ne soit pas comme ça toute ma vie, je souhaite rencontrer quelqu’un », confie-t-il. confie-t-il.Avant Avant d’ajouter, pudiquement : « Mais, Mais, avec mon handicap, le plus souvent, les femmes préfèrent qu’on reste amis. » p solène cordier
BIENS MAL ACQUIS L’entourage du président djiboutien visé par une enquête
La justice française a ouvert une enquête visant l’entourage du président de Djibouti Ismaïl Omar Guelleh, à la suite d’une plainte de l’ONG Sherpa et du Collectif européen de la diaspora djiboutienne sur l’acquisition de propriétés immobilières de Paris pour « abus de biens sociaux, détournement de fonds publics, abus de confiance et corruption d’agents publics étrangers ». L’enquête préliminaire a été confiée à l’Office central pour la répression de la grande délinquance financière. La plainte se concentre sur des biens immobiliers situés dans les 8e, 16e et 17e arrondissements de Paris. – ( AFP. AFP.) ESPIONNAGE Benoît Quennedey, soupçonné de trahison, clame son « innocence »
Le haut fonctionnaire du Sénat, Benoît Quennedey, soupçonné d’espionnage au profit de la Corée du Nord, clame son « innocence » et » et est « scandalisé » par le « battage
médiatique » autour » autour de sa personne, a déclaré à l’AFP vendredi 30 novembre l’un de ses avocats, Me Florian Lastelle. Benoît Quennedey a été mis en examen pour trahison. Il a été libéré sous contrôle judiciaire avec interdiction de quitter le territoire. « S’il existait vraiment des pièces accablantes, on les lui aurait présentées durant ses quatre-vingt-seize heures de garde à vue. Nous n’avons rien vu de cela », a », a indiqué au Mondee son autre avocat, Mond e M Alexandre Balguy-Gallois. LOGEMENT Nouvelle évacuation à Marseille
Le bâtiment A du Parc Corot, l’une des plus grandes copropriétés dégradées des quartiers Nord de Marseille, a été évacué vendredi 30 novembre. Un arrêté d’« insécurité imminente » avait été pris par la mairie le 23 novembre. novembre. Sur les 96 appartements de ce bâtiment, 27 sont occupés légitimement, de nombreux autres sont squattés. La mairie a précisé que d’ici à mardi 4 décembre, dix-huit ménages occupant légalement un logement seront relogés. – ( AFP. AFP.)
« J’aime la vie, vie, le contact contact avec les corps » Depuis 2016, Christine P. est accompagnante pour handicapés TÉMOIGNAGE
M
ieux vaut éviter de demander à Christine P. la liste de ses activités associatives. Aide aux migrants, alphabétisation, présidente de son association de locataires… la tourbillonnante Parisienne, grand-mère de trois petits-enfants, le reconnaît : « J’ai toujours eu une vie associative riche, une vie amicale riche. » « Peau à peau »
Mais le handicap lui était globalement étranger avant qu’elle découvre un jour, au hasard d’une librairie, l’ouvrage l’ouvrage Je Je veux faire l’amour, l’amour, de Marcel Nuss (2012, éditions Autrement). Ce dernier milite depuis des années pour l’accompagnement sexuel des personnes handicapées, un combat qui l’a conduit en 2013 à la création de l’AssociaAssociation pour la promotion de l’accompagnement sexuel (APPAS),
qui forme des accompagnants et les met en relation avec un public demandeur. Immédiatement, Christine P. est emballée. « J’aime faire l’amour, j’aime la vie, le contact avec les corps, donc ça m’a tout de suite parlé », sourit cette adepte de l’anaphore. Tout juste retraitée, et récemment divorcée, Christine P. suit donc en 2016 une formation dispensée par l’association, et décide dans la foulée de commencer. « Pour moi, c’est une action cer. militante, pour que les personnes handicapées aient accès à cette liberté qu’est la sexualité. » « Avant tout, c’est un enga gement, et une rencontre avec un homme, un partage intellectuel et un échange de sensualité et de sexualité », », tient à préciser Christine P.« P. « Une fois, un jeune homme de 30 ans, avec un handicap très lourd, m’a dit : “Je suis trop content que tu sois venue, c’est la première fois qu’une femme m’a tenu
dans ses bras” bras”.. » En un an, elle a « fait quatre accompagnements » . Les relations vont « du simple peau à peau » » à des rapports sexuels « complets, toujours avec des préservatifs, bien sûr ». ». Elles sont payantes, de l’ordre de 150 euros. Corps abîmés
Comme le recommande l’APPAS, avant chaque relation intime, un premier rendez-vous est organisé, ce qui permet à chacun de décider quelle suite lui donner. « Mon premier vivait dans une institution, c’est son éducatrice qui avait écrit pour lui. Il avait 20 ans, un beau jeune homme, en fauteuil. On s’est revus assez vite », se souvient-elle.. Est-ce grâce au judo, vient-elle qu’elle a pratiqué pendant des décennies ? Christine ne s’est jamais sentie mal à l’aise devant la vision des corps abîmés. « Et pourtant, j’aimee les beaux mecs !», j’aim », dit-elle avec malice. p s. cr
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« Implant files files » : les lacunes de la surv surveillance eillance L’inspection générale des affaires sociales déplore la « passivité » de l’Agence l’Agence nationale de sécurité du médicament
U
n rapport confidentiel de l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) rédigé en octobre, remis tout récemment à la ministre de la santé, Agnès Buzyn, et dont Le dont Le Monde a Monde a pris connaissance, arrive aux mêmes conclusions que l’enquête « Implant Files » menée par le Consortium international des journalistes d’investigation, Le Mond Mondee et 58 médias partena ires : la surveillance des effets indésirables liés à l’utilisation des dispositifs et des implants médicaux – la matériovigilance dans le jargon – comporte d’incroyables lacunes. Les anomalies de la base de matériovigilance de l’Agence nationale de sécurité du médicament (l’ANSM), baptisée MRVeille, sont légion : des champs entiers, et pas des moindres, sont vides, notamment le type de dysfonctionnement ou les conséquences pour le patient. Certains incidents sont déclarés avec un an de retard, quand ce n’est pas huit ans plus tard. Comment, dans ces conditions, sans données fiables, l’autorité sanitaire peut-elle correctement remplir sa mission ? Les inspecteurs de l’IGAS ont leur avis sur la question : « L’organisaorganis ation actuelle de la matériovigila matériovigilance nce ne permet qu’une surveillance passive du marché », écrivent-ils dans leur rapport d’audit, tout en déplorant que l’ANSM soit « soit « trop en réaction » » et que le suivi des déclarations d’incidents soit « insatisfaisant ». ». La sous-déclaration des incidents par les médecins est par ailleurs un vrai problème. Mais en même temps, « l’organisation l’organisation actuelle de la matériovigilance pourrait avoir du mal à absorber une augmentation des incidents critiques et majeurs », note », note l’IGAS. l’IGAS. Réalisé en 2017, cet « audit de la maîtrise des risques sanitaires par l’ANSM» avait » avait pour but d’interroger « le niveau de maîtrise des risques sanitaires » de » de l’agence. Pour sept des onze risques passés en revue – comme les activités de contrôle en laboratoire, ou encore la prévention des conflits d’intérêts, « qui a fortement progressé » – , – , la maîtrise par l’agence « apparaît raisonnablement assurée ou en voie de l’être ». ». Mais pour les quatre autres, dont la matériovigilance, de sérieux progrès restent à faire. Pour la défense de l’agence, JeanClaude Ghislain, directeur pour les
situations d’urgence, les affaires scientifiques et la stratégie européenne, avait reconnu que la base MRVeille « MRVeille « avait ses limites ». ». Mais heureusement, avait-il expliqué au Mond au Mondee et à Radio France, cette base de données n’est qu’un outil. L’agence s’appuie aussi sur son réseau de correspondants locaux (un par établissement de santé) qui lui fait remonter les incidents. C’est sur eux, aussi, qu’elle s’appuie pour relayer les alertes. Les inspecteurs de l’IGAS ne partagent visiblement pas son optimisme. « La liste des 3 193 [correspondants locaux] (…) (…) n’est n’est pas tenue à jour et environ 80 % des contacts de l’ANSM sont erronés », », ont constaté ces derniers lors d’un déplacement en province. « province. « Un tel niveau d’imprécision reflète une sous-estimationdel’importancede cet échelon local, pourtant indis pensable pens able à la déte détection ction préc précoce oce des signaux de matériovigilance et au suivi des mesures mises en œuvre par l’ag l’agence ence et les fabrican fabricants ts », poursuit pour suit le rappo rapport. rt. En revanche, dans les six régions pilotes où l’agence a mis en place des correspondants régionaux pour favoriser la remontée d’informations, il a été constaté une augmentation d’incidents signalés. Risque de non-détection
Une fois les informations envoyées à l’ANSM – dans des délais plus ou moins longs, alors que les incidents graves doivent être signalés « sans délai » » –, il faut les traiter. C’est le travail d’une petite vingtaine d’évaluateurs. A eux d’apprécier la criticité de l’incident, et la nécessité de prendre des mesures. L’IGAS souligne que cette analyse repose sur un petit nombre d’entre eux, voire une seule personne, pour un matériel donné. Cette « absence de double contrôle et de regard systématique de la hiérarchie (…) (…) crée un risque de non-détection et de non-prise en charge à hauteur du risque », relève le rapport. Ce que l’ANSM conteste. Par ailleurs, comme « les délais de traitement des signalements sont très hétérogènes et parfois très longs », « il s’ensuit des délais de mise en place de mesures correctives (…) (…) très variables (de 21 à 215 jours), jours), plut plutôt ôt longs longs (95 jours jours en en moyenne) et non corrélés à la gravité de l’incident », déplore l’IGAS. Débordés, les évaluateurs n’ont pas toujours une appréciation cor-
Analyse d’explants cardiovasculaires à l’hôpital de Strasbourg, le 11 octobre. NICOLA LO CALZO POUR « LE MONDE »
Débordés, les évaluateurs n’ont pas toujours une appréciation correcte des problèmes et des mesures à prendre recte des problèmes, et des mesures à prendre. Pour la seule année 2017, les dix-neuf évaluateurs ont dû assurer « le traitement de 17 142 signal signalement ements, s, dont dont 13 467 ont nécessité une investigation [signalements majeurs et critiques] » critiques] ».. Une telle charge de travail oblige « à travailler à flux tendu », », avec 300 dossiers ouverts en même temps « et à traiter certains dossiers majeurs (environ 60 %) de manière allégée », », regrette l’IGAS. Mais tout ceci devrait changer. Le plan d’action de l’ANSM prévoit que les correspondants régionaux fassent un premier tri des inci-
dents et les hiérarchisent selon leur degré d’urgence, avant de les transmettre à l’agence.
dustriels – modification de conception, retrait, remplacement – sont effectivement réalisées. « « Sur un certain nombre de dossiers ma jeurs, jeur s, les les évalua évaluateur teurss se sont fort fortuiui« Contacts erronés » Dernier point relevé au sujet de la tement rendu compte du déploiematériovigilan ce : l’agence n’a ment incomplet des mesures par le aucune certitude que les mesures fabri fabricant cant», », expliquent expliquent les rapporcorrectives et les recommanda- teurs, citant l’exemple d’un défitions qu’elle prend arrivent à desti- brillateur cardiaque externe resté nation. « Au vu du nombre de conen service malgré l’injonction de tacts erronés dans la liste des corl’agence. Le modèle, de ceux qu’on respondants locaux (…) , , la bonne peut trouver dans les entreprises, capacité de diffusion des décisions ou dans la rue, pour le grand pu(…) , , par l’inte l’intermédia rmédiaire ire de la liste blic, avait fait l’objet d’une alerte des fax d’alerte, est sérieusement en 2012 à la suite d’un problème de mise en question », relève », relève l’audit. batterie qui pouvait rendre l’appaCertes, l’agence ne communique reil inutilisable en cas d’urgence. pas seulement par fax, qui tendent Le fabricant annonce un rappel à disparaître un peu partout, et elle des lots défectueux. L’ANSM pense utilise aussi les mails ou son site le problème réglé, mais un nouInternet. Sauf que« que « la liste de diffu- veau signalement lui démontre le sion électronique se fait sur la base contraire. Seulement la moitié du volontariat», relèvent les rap- des appareils avaient été effectiveporteurs. Il n’y a donc « aucune cer- ment remplacés par le fabricant. titude que l’information a été Après le passage des inspecteurs transmise de manière efficace à la de l’IGAS, l’agence a remis les dixtotalité des utilisateurs ». huit distributeurs qui avaient Et l’ANSM n’a, par ailleurs, aucun commercialisé ces défibrillateurs moyen de s’assurer que les mesu- sur la trace de ces appareils. p emeline cazi res correctives imposées aux in-
L’onde de choc du scandale des dispositifs médicaux médicaux Les « Implant files » révèlent les faiblesses de la réglementation et les carences des contrôles dans le monde entier
A
vec la publication des lesdispositifs implantablesdevront « Implant Files », le public être enregistrés », enregistrés », a-t-il assuré. découvre depuis dimanche 25 novembre à 18 heures l’am- Danemark Jeudi, les autorités sapleur du scandale des dispositifs nitaires ont promis un doublemédicaux (pompes à insuline, im- ment du nombre de fonctionnaiplants mammaires, pacemakers, res chargés de la surveillance des etc.). Menée dans 36 pays par dispositifs médicaux et la créa59 médias, dont Le dont Le Monde Monde,, et pilo- tion d’une véritable base de retée par le Consortium internatio- cueil des incidents, selon nos connal des journalistes d’investiga- frères du journal Politi journal Politiken ken.. Sur la tion (ICIJ), cette enquête jette une chaîne publique DR1, la ministre lumière crue sur un sujet tenu jus- de la santé, Ellen Trane Norby, a en qu’ici dans un angle mort de l’at- outre annoncé une augmentatention médiatique et politique. tion du budget de l’Agence natioDepuis lundi, l’ICIJ a été contacté nale du médicament et un renforpar près de 2 000 patients, indus- cement des contrôles. triels et lanceurs d’alerte. Ce sont les faiblesses de la réglementa- Espagne Le conseil des médecins tion et les carences des contrôles, a appelé à « une révision et un renpartout dans le monde, qui ont forcement» des mécanismes de fait l’objet des premières réac- contrôle des dispositifs médicaux tions. Certaines annonces offi- et de la réglementation eurocielles avaient même été faites en péenne, selon la chaîne La Sexta. anticipation de la publication. Etats-Unis L’agence fédérale des Etats-Unis Allemagne Le ministre de la produits alimentaires et des mésanté, Jens Spahn, a annoncé une dicaments (Food and Drug admirefonte du registre des dispositifs nistration, FDA), a annoncé lundi médicaux lors d’un entretien ac- 26 novembre une «modernisacordé à la Süddeutsche Zeitung, Zeitung, tion » de » de sa procédure la plus critijournal partenaire de l’ICIJ. «Tous « Tous quée. Le « 510 (k) » permet à un fa-
bricant de s’exonérer d’un certain nombre d’essais cliniques en défendant l’équivalence de son nouveau dispositif par rapport à ceux déjà présents sur le marché. Europe Mise en cause dans sa conduite de la refonte de la réglementation encadrant les dispositifs médicaux dans l’Union européenne, achevée en 2017, la Commission européenne s’est contentée d’une brève déclaration, lundi, lors de la conférence de presse quotidienne. Côté Parlement, le groupe des socialistes et démocrates a demandé une accélération de l’application des dispositions les plus strictes que prévoit le nouveau règlement, adopté en 2017. Le groupe des Verts a, lui, appelé à un « débat approfondi » sur un « système dysfonctionnel ». ». Finlande Deux jours avant la publication des « Implant Files », l’agence nationale de santé annonce une surveillance accrue des dispositifs médicaux, une plus grande transparence et des ressources en plus pour créer des registres de dispositifs médicaux.
France Le secteur n’a pas réagi en France. Dans un courrier que Le que Le Monde s’est procuré, en date de Monde lundi, le Syndicat national de l’industrie des technologies médicales (Snitem) déconseille à ses membres de réagir à cette « enquête à charge » car » car ce « serait lui donner du crédit et de la visibilité » . « En accord avec le conseil d’administration, nous avons donc décidé de ne pas diffuser de communiqué de presse ou de messages sur les réseaux sociaux », », écrit le Snitem, lequel s’est effectivement arrêté de tweeter le 25 novembre. Le principal acteur d’un lobbying intensif contre une refonte de la réglementation européenne, MedTech Europe, l’organisation défendant les intérêts des industriels du dispositif médical à Bruxelles, a déclaré fournir «des « des informations aux décideurs politiques pour leur permettre permett re de de comprend comprendre re [son] [son] in industrie, en espérant les aider à créer un environnement réglementaire durable et approprié qui servira mieux les patients ». patients ». Italie « Les citoyens doivent savoir qu’il n’y aura plus de tolérance con-
cernant l’opacité du système », » , a déclaré la ministre de la santé, Giulia Grillo. Remerciant « Report », l’émission de télévision de la Rai pour son enquête, elle a annoncé une réforme du registre des dispositifs médicaux et l’obligation, pour tous les organismes régionaux de santé, d’enregistrer tous les dispositifs. Royaume-Uni Dans l’émission Royaume-Uni « BBC Panorama », le président du Collège royal des chirurgiens (Royal College of Surgeons), Derek Alderson, a appelé le gouvernement à des changements « radicaux » et » et« « de toute urgence », » , et recommandé que l’enregistrement de tout nouveau dispositif médical soit rendu obligatoire. Slovénie D’après le média en liSlovénie gne Ostro Ostro,, l’agence sanitaire nationale a annoncé son intention de publier sur son site les alertes de sécurité sur les dispositifs médicaux. Informations qui n’étaient jusqu’alors pas publiques. p stéphane horel (avec will fitzgibbon et spencer woodman, icij)
La base de données de l’ICIJ Le Consortium international des journalistes d’investig journalistes d’investigation ation (ICIJ) (ICIJ) a créé une base de données – en anglais – qui rassemble pour la première fois les informations disponibles dans le monde entier sur les dispositifs médicaux défectueux, dangereux – voire potentiellement mortels. L’International Medical Devices Database (IMDD) recense les produits de plus de 1 100 fabricants ou de leurs filiales, sur une période comprise entre le début des années 1990 et 2018. La base de données permet de retrouver plus de 70 000 produits rappelés par les fabricants, elle recense les alertes et les informations de sécurité des autorités de santé dans plus de 11 pays – des éléments qui ne sont pas accessibles dans la majeure partie du monde, et qui seront enrichis au fur et à mesure du développement de l’enquête. Un même produit peut en effet avoir un nom différent et les numéros des modèles, lorsqu’ils existent, peuvent varier, si bien qu’il est difficile de suivre, au-delà des frontières, les dispositifs rappelés. L’ICIJ a développé un algorithme d’apprentissage qui a lui a permis de passer au crible des millions de « rapports d’événement indésirables » transmis à la FDA, la Food and Drug Administration, l’autorité de santé américaine. Près de 500 000 rapports depuis dix ans font état de l’explantation d’un dispositif médical, et les implants défectueux ont été impliqués dans 82 000 décès et plus de 1,7 million de dommages. Les Etats-Unis ont rappelé plus de 2 100 dispositifs médicaux pour des défauts présentant le « risque probable » de provoquer « de graves problèmes de santé ou un décès ». Au Canada, 347 rappels de ce type ont été enregistrés. La base comprend plus de 6 700 documents inédits venus d’Espagne, de Finlande et du Mexique, et indique le plus souvent le niveau de risque des dispositifs rappelés, les motifs du rappel et les mesures prises. Les recherches sont possibles par nom de dispositif, de fabricant ou de pays, à l’adresse: Medicaldevices.icij.org
sports | 11
0123 DIMANCHE 2 - LUNDI 3 DÉCEMBRE 2018
Christophe Galtier, Galtier, entraîneur de l’ombre l’ombre Le coach de Lille a permis de sauver le club de football après le passage chaotique de Marcelo Bielsa PORTRAIT camphin-en-pévèle camphin-en-p évèle (nord) envoyé spécial
E
n ce jour de novembre frais mais ensoleillé, un léger frémissement gagne le domaine de Luchin, le centre d’entraînement de Lille. « On a vu Anelka !» Ce jeune pensionnaire du centre de formation n’en revient toujours pas : l’ancien attaquant déambule entre les bâtiments de brique rouge de cet ancien corps de ferme. Son arrivée comme « consultant entraîneur » des attaquants des équipes de jeunes sera officialisée le lendemain, 7 novembre. Mais pas de quoi venir troubler la quiétude retrouvée du club nordiste depuis le départ forcé de l’entraîneur argentin Marcelo Bielsa un an plus tôt. Au bord du gouffre la saison passée, le LOSC, quatrième du classement de Ligue 1 après quatorze journées, s’apprête à disputer, samedi 1er décembre, un match au sommet face à Lyon (2e). Une situation inimaginable quand Christophe Galtier débarque en pompier de service. Imperturbable, le technicien de 52 ans reçoit dans son bureau, avec une affiche du film L’ film L’avenaven-
LES DATES
23 AOÛT 1966 Naissance à Marseille.
1987-1990 Joueur au LOSC.
1988 Remporte le championnat d’Europe Espoirs, avec Eric Cantona, Laurent Blanc, Stéphane Paille et Alain Roche.
1999 Entraîneur adjoint de l’OM.
2009-2017 Entraîneur de l’AS Saint-Etienne.
DÉCEMBRE 2017 Nommé entraîneur du LOSC.
ture c’est l’aventure, de l’aventure, de Claude Lelouch, pour seule fantaisie. Simple et dépouillé donc, à l’image du personnage. Lorsque Christophe Galtier succède à Marcelo Bielsa en décembre 2017, il récupère un groupe chamboulé à l’intersaison (13 recrues), composé d’enfants perdus et sidérés par les méthodes de l’Argentin. Le tout au milieu d’un club secoué par des querelles intestines. Monté de son plein gré dans cette galère, Galtier évite le naufrage de justesse et sauve le LOSC de la relégation (17e). Il refuse de s’exprimer sur son illustre et controversé prédécesseur – « Je Je ne me permettrai jamais de juger, notre métier est tellement difficile » » –, mais la tentation est grande de le présenter comme son antithèse, tant dans son approche du football que dans les relations humaines. Bielsa serait ainsi le penseur – dogmatique – venu dépoussiérer la Ligue 1, quand Galtier en incarnerait l’entraîneur typique : français, pragmatique et adaptable.
« Quand je vois que Wenger veut replonger, je me dis dis que nous sommes des toxicomanes du football » CHRISTOPHEGALTIER
entraîneur du LOSC
seurs étaient rugueux. rugueux. Ce qui m’a vraiment desservi est cette histoire avec Gallardo. » Le » Le 7 avril 2000, le Marseillais est accusé d’avoir frappé le milieu argentin de Monaco à la mi-temps dans les couloirs du Vélodrome. Il écopera d’une suspension de six mois. Prescription oblige, nous ne comptions pas forcément aborder ce souvenir avec Christophe Galtier. Il l’a fait de son propre chef, comme pour cautériser une plaie jamais refermée : « A partir du moment où j’ai été sanctionné, on m’a déclaré coupable. Sans une preuve, preuv e, juste en se basant sur un témoignage. L’image qui est ressortie de cet incident ne corres pond pas du tout tout à qui je je suis. suis. » Au moindre accrochage ou prise de bec, « on me ressort : “c’est lui qui a frappé Gallardo dans le tunnel!” J’ai énormément souffert de cet épisode, car j’étais accusé de quelque chose que je n’avais pas fait ».
Retour aux sources
« Ce n’est pas dans ma nature de me vendre, vendre, dit-il. Un entraîneur doit se protéger sur le plan médiatique. Plus il s’expose, plus il va passer de temps temps à digérer tout ce qui va être dit ou écrit sur lui et perdre du temps pour l’essentiel. » C’est donc dans l’ombre que Christophe Galtier a relancé un club dans lequel il a évolué en tant que joueur entre 1987 et 1990. « J’habite à 500 m d’où j’étais il y a trente ans, il n’y a pas de hasard. Je sais la qualité de vie que nous avons dans le Nord et j’ai besoin que l’humain soit au cœur du avance-t--il, projet pour avance avancerr », avance-t en évoquant son pèlerinage sur l’ancien site qui accueillait feu le stade Grimonprez-Jooris. Un retour aux sources pour ce Marseillais de naissance, qui a grandi à Lyon en suivant son père policier, muté dans la capitale des Gaules, mais biberonné aux exploits de Saint-Etienne dans son enfance. De quoi se compliquer la vie. « Certaines personnes n’arrivent pas à le comprendre comprendre,, mais je sup portee tous port tous les les clubs clubs dans dans les lesquel quelss je suis passé », » , s’amuse l’entraîneur. Un poste qu’il a toujours voulu occuper. « Si j’avais j’avais pu arrêter ma carrière de joueur à 28-29 ans pour devenir entraîneur, je l’aurais fait», assure celui qui a passé son
Plaisirs rares
Christophe Galtier lors d’un match à l’Allianz Riviera de Nice, le 25 novembre.
premier diplôme de technicien à 16 ans. Champion d’Europe chez les Espoirs en 1988 avec Eric Cantona (un enfant du quartier des Caillols comme lui), ce défenseur de devoir a pourtant connu une très honnête carrière, avant de raccrocher, à 33 ans, après des expériences en Italie puis en Chine. En 1999, il débute comme entraîneur adjoint de l’Olympique de Marseille alors grand consommateur de coachs (Bernard Casoni, Abel Braga, Javier Clemente).
Galtier trouve la stabilité et un premier mentor en la personne d’Alain Perrin, qu’il suit des Emirats arabes unis à Lyon, en passant par Portsmouth et Sochaux, avant de finir par se séparer à Saint-Etienne. Sa trajectoire dessine alors celle d’un éternel second, mais le licenciement de Perrin, le 15 décembre 2009, l’oblige à enfin franchir le Rubicon. « Il fallait qu’il pense à prendre la relève, il avait les capacités pour y aller, relate l’actuel entraîneur de
VALERYHACHE/AFP
Nancy. Lui ne se sentait pas prêt, Nancy. Lui mais moi je savais qu’il l’était. Il avait ses propres idées et était en mesure de les matérialiser. » Christophe Galtier passe huit ans à la tête de Saint-Etienne, un record de longévité, avec à la clé un titre en Coupe de la Ligue en 2013 et un trophée de meilleur entraîneur partagé avec l’Italien Carlo Ancelotti. Toujours dans l’ombre. A-t-il pâti de sa réputation de défenseur dur sur l’homme ? « Non, à l’époque, la plupart des défen-
Il assure que sa carrière d’entraîneur lui a servi de thérapie. La présence de sa femme et de ses trois fils aussi, les seuls capables de lui faire « comprendre le bien-fondé des choses ». En dehors du football, ses plaisirs sont rares et simples. Un peu de golf, du vélo, et des footings autour de la citadelle. Avec toujours le ballon rond dans un coin de sa tête. « Quand je vois que Wenger [69 ans] veut replonger dès janvier, je me dis que nous sommes des toxicomanes du football et que l’on n’a pas trouvé le remède pour nous désintoxiquer… » Comme méthadone, il envisage une expérience à l’étranger, pourquoi pas en Angleterre. Il se défend d’être « carriériste », » , l’occasion serait belle pour lui de prouver que les bons entraîneurs de Ligue 1 savent aussi s’exporter. p maxime goldbaum
Le bel automne de de Montpellier en Ligue 1 Surprenant troisième, le club héraultais traverse une bonne passe sous la présidence de Laurent Nicollin, le fils de « Loulou », décédé en 2017 FOOTBALL montpellier - envoyé spécial
A
vec ses pelouses jonchées de feuilles mortes, le domaine de Grammont s’apparente à un îlot paisible et harmonieux. Une douce allégresse règne dans les allées du quartier général du Montpellier Hérault Sport Club (MHSC), club acquis en 1974 par l’emblématique Louis Nicollin. Patron de l’un des plus grands groupes français de collecte et de traitement de déchets ménagers et industriels, le légendaire « Loulou » est décédé en juin 2017, à 74 ans, après avoir relancé le football dans la cité languedocienne. « Son » équipe traverse actuellement l’une des meilleures périodes de son histoire, sous la présidence de son fils Laurent. Avant un déplacement à Monaco, samedi 1er décembre, lors de la 15e journée de Ligue 1, le MHSC, entraîné par Michel Der Zakarian, occupe la troisième place du clas-
sement, à un point du dauphin du Paris-Saint-Germain, l’Ol l’Olympique ympique lyonnais. Un rang flatteur pour une formation qui cultive sa fibre familiale, voire clanique, et dont le budget (41 millions d’euros) est plus de dix fois inférieur à celui (500 millions) du club parisien. Les dirigeants héraultais n’avaient plus ressenti pareille euphorie depuis l’improbable titre de champion de France, décroché à la barbe du PSG version qatarie en mai 2012. Dans son bureau lumineux, semblable à un petit musée de l’histoire du club, Laurent Nicollin assure pourtant « garder la tête froide » et » et ne « tire pas de plans plans sur la comèt comètee » . « Ici, il n’y a pas d’excès. Je n’aime pas direque ça fonct fonctionne ionne,, ilil ya tellement de paramètres inexplicables dans le foot », estime », estime le président du MHSC, 45 ans, « tombé dans le club » depuis » depuis sa plus tendre enfance, et patron exécutif au quotidien lors de la dernière décennie du règne du paternel. « Notre objectif, poursuit-il , , c’est
« L’ADN du club, c’est d’avoir des anciens qui connaissent la maison » MICHEL DER ZAKARIAN
entra îneur du MHSC
d’avoir le maintien le plus tôt possible et faire mieux que la 10 e place de la saison dernière. Depuis le titre de 2012, on a joué quatre fois le maintien en six saisons. Demain, si j’avais j’a vais100 milli millions ons de budget budget,, jene tiendrais pas le même discours. Malheureus Malheu reusement, ement, je ne les aurai jamais. jamai s. Mon challenge est de pérenniser le club dans les huit premières places. » Hors de question, donc, d’assumer, au grand jour, la moindre ambition européenne. Pas le genre de la maison. « Notre philosophie, c’est de ne pas trop s’en flammer flamm er et et d’anticiper anticiper pour quand
les choses iront moins bien , abonde Bruno Carotti, le directeur sportif. On a l’ambition de faire le mieux possible avec les moyens qu’on a. » « On est un vrai groupe »
Comme l’écrasante majorité des dirigeants et entraîneurs du club, Carotti est un ancien joueur du MHSC, un enfant du centre de formation. S’il a fait ses gammes à Nantes, dont il fut le coach à deux reprises, Michel Der Zakarian a, lui aussi, porté les couleurs héraultaises (1988-1997) avant de tenir les commandes de l’équipe réserve. Revenu à « la Paillade » en mai 2017, juste avant la disparition de « Loulou », le technicie n de 55 ans connaît l’institution comme sa poche. « J’avais envie de retravailler avec Louis Nicollin. Nicollin. Malheureus Malheureusement ement,, il nous a quittés très vite, avant que je démarre la saison saison , confie l’ancien défenseur, le front perlé de sueur, à la sortie de l’entraînement. Ce fut un coup dur. Mais
Laurent avai Laurent avaitt déjà posé sa patte patte et et a bien pris la relève. Entre nous, il y a une franchise. L’ADN du club, c’est d’avoir des anciens qui connaissent la maison. Je suis dans le meilleur environnementt possible, j’ai beauenvironnemen coup plus de latitude dans la communication avec ma direction. » Au gré des bons résultats, le lien entre le fils Nicollin et Der Zakarian est devenu indestructible.« indestructible. « Je souhaite que Michel reste de nombreuses années. J’aimerais qu’il devienne le Guy Roux [entraîneur d’Auxerre de 1961 à 2005] de Mont pellier, pelli er,affirme affirme le président héraultais. L’ tais. L’avantag avantage, e, c’e c’est st que nouspouvons nous dire “Tu me fais chier”. » Dans ce cocon « un peu consan guin», comme le reconnaît Laurent Nicollin, Der Zakarian a bâti une forteresse imprenable : 10 buts encaissés en 14 matchs, meilleure défense derrière celle du PSG. Imperméable derrière, Montpellier sait aussi faire sauter les verrous adverses. Un froid réalisme incarné par les deux recrues en attaque : Gaëtan Laborde,
acheté à Bordeaux cet été, et le revanchard Andy Delort, indésirable à Toulouse la saison dernière. « On n’est pas les meilleurs individuellement mais on est un vrai groupe, reconnaît le défenseur Daniel Congré, 33 ans, l’un des tauliers de l’équipe. l’équipe. On s’éclate. Maisperso personne nne ne peut peut parle parlerr d’Eud’Europe. Et tant mieux qu’on ne parle pas de nous. nous. Car notre meil meilleur leur ennemi, c’est nous-mêmes. On ne peut pas pas encore encore dire dire que la sais saison on est réussie. » « Dans l’idéal, une saison réussie, ce serait finir dans les cinq premiers,, estime Laurent Nicollin, miers dont le grand projet est l’édification du nouveau stade de Montpellier, qui devrait être livré en 2022. Si personne ne prend le melon, si on ne se désunit pas, cela peut être le début d’une période bandante. Ce serait bien d’embêter les puissants et les gros. Mais le foot, c’e c’est st une une remise remise en cause cause perper pétuelle. pétue lle.» Au MHSC, on s’interdit de rêver. Même en silence. p rémi dupré
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GÉOPOLITIQUE
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Humanitaire
Crise éthiqu éthiquee à la la Croix Croix-Ro -Rouge uge internationale Le président du Comité international international de la Croix-Rouge, Peter Maurer, est mis en cause en raison de ses fonctions au Forum économique de Davos et de ses liens li ens avec des entreprises. Au sein de la doyenne des organisations de secours aux victimes de guerre, la contestation s’amplifie succède à son mentor, Jakob Kellenberger, diplomate comme lui, à la tête du CICR, Peter genève, bruxelles - envoyé spécial Maurer a consacré quinze années au service de la diplomatie suisse. Il a notamment été en a plus vénérable institution hu- poste auprès de l’ONU à New York et a fini semanitaire de la planète est dans la crétaire d’Etat aux affaires étrangères à Berne. tourmente. En un siècle et demi, la question ne s’est jamais posée en UNE ONU BIS ces termes : le président du Comité Ce qui a forgé Peter Maurer comme diplointernational de la Croix-Rouge mate – la défense de la diplomatie suisse (CICR) est-il un visionnaire en train de faire en- et l’observation des opérations onusiennes – trer l’organisation dans une nouvelle ère, ou a son importance… Car en six ans de présiest-il en train de casser le joyau mondial de dence du CICR, il a révolutionné l’organisal’humanitaire ? Le CICR, gardien des Conven- tion et fait doubler son budget de 1 milliard tions de Genève, vit au rythme d’affronte- à 2 milliards de francs suis ses (d’environ ments politiques et éthiques qui vont déter- 900 millions à 1,8 milliard d’euros), apparaisminer l’identité future de la doyenne des orga- sant parfois comme un défenseur de la Suisse nisations de secours aux victimes de guerre. et comme souhaitant bâtir une ONU bis. Au départ de cette histoire, il y a un Le Comité international de la Croix-Rouge homme : Peter Maurer, président de la Croix- n’est pas, dans le monde de l’humanitaire, Rouge internationale depuis 2012. Lorsqu’il une structure comme les autres. Ce n’est ni rémy ourdan
L
une organisation internationale telle que l’ONU et ses agences, ni une organisation non gouvernementale comme Médecins sans frontières et ses condisciples. C’est une entité internationale à part entière, souveraine bien que non étatique, avec un statut unique. Le CICR signe des traités avec des Etats. Il dispose d’un statut d’observateur à l’ONU. Créée en 1863 à Genève, cette organisation est, selon ses statuts,« statuts, « impartiale, neutre et indépendante » avec » avec « la mission strictement humanitaire de protéger la vie et la dignité des victimes de conflits armés et d’autres situations de violence, et de leur porter assistance » . Elle a contribué à la rédaction des conventions de Genève de 1949 et de leurs protocoles additionnels de 1977, et la communauté internationale unanime lui a attribué, après la seconde guerre mondiale, un rôle de gardien du droit international humanitaire (DIH). Le CICR est ainsi reconnu officiellement par les Etats, il dialogue avec les Etats, et son financement est assuré par les Etats. Le caractère universel de ses valeurs et de ses engagements – à l’origine en faveur des blessés sur le champ de bataille et des prisonniers de guerre, puis envers toutes les victimes des conflits armés – et ses devises – In– Inter arma caritas caritas (« La charité au milieu des combats ») et Per humani humanitatem tatem ad pacem (« Par l’humani té, vers la paix ») – font du CICR un bien commun de l’humanité. Dans les pays en guerre, le CICR a souvent un rôle central qui force l’admiration des autres humanitaires. Premiers arrivés, derniers repartis, ses « délégués » ont un accès privilégié aux champs de bataille et aux prisons. Ils sont reçus par les chefs d’Etat et
« HALLUCINANT ! LE PRÉSIDENT DU CICR SIÈGE AU FORUM DE DAVOS AVEC TOUTES LES INDUSTRIES D’ARMEMENT DE LA PLANÈTE » THIERRY GERMOND
ancien délégué au CICR
les chefs de guerre, sur la base d’une relation de confiance et de confidentialité. Autant dire que lorsqu’un respectable ancien délégué, Thierry Germond, retraité après trente-cinq ans de bons et loyaux services – du Biafra aux relations avec l’Union européenne, en passant par les conflits d’Afrique australe et d’ex-Yougoslavie – écrit une lettre à Peter Maurer pour s’inquiéter de « la sauvegarde de la crédibilité » et du « respect des principes fondamentaux » » du CICR, estimant que « le positionnement que vous revendiquez par rapport aux milieux économiques paraît contraire à ce que l’on est en droit d’attendre du CICR », », l’attaque prend autant la tranquille Genève par surprise que si un tsunami avait submergé les rives du lac. Thierry Germond s’interroge, dans son premier courrier du 28 août 2015, sur « le fait que le président du CICR soit membre du board [conseil de fondation, la plus haute instance] du instance] (WEF) » du World Economic Forum (WEF) » (le Forum écono mique mondial , ou Forum de Davos ), ce qui lui semble semble « stupéfiant, car cela cautionne la banalisation et l’affaiblissement des concepts de neutralité et d’impartialité qui sont les pierres angulaires de la spécificité du CICR » . Un mois plus tard, il écrit aux membres et membres honoraires de l’assemblée (ou comité) du CICR, la très discrète instance de gouvernance où siègent 15 à 25 citoyens suisses cooptés. « Bon nombre des 1 000 membres du WEF représentent des forces économiques perçues,, à tort ou à raison, comme respon perçues sables directement ou indirectement des souffrances des victimes des conflits que le CICR a pour mandat d’assister et de protéger , protéger ,
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Le titre titre de l’inter l’interview view était “Le CICR, poisson poisson pilote des firmes dans les zones en crise” crise”.. » M. Maurer y raconte qu’il a rencontré à Davos les clients d’une banque suisse afin de leur « livrer des explications utiles pour comprendre dans quel climat d’investissement et dans quel type de marché se situe tel ou tel autre pays» et que le CICR collabore par ailleurs « avec une quinzaine d’entreprises ». ». « C’est hallucinant ! Le président du CICR siège au WEF non seulement avec toutes les industries d’armement de la planète, mais aussi, par exemple, avec Textron Textron Defense Syst Systems, ems, producteur produ cteur de bombes bombes à fragment fragmentation ation CBUCBU 105 et et BLU-108, BLU-108, inter interdites ditespar la la Conven Convention tion de Dublin sur sur les armes à sous-munitio sous-munitions ns et actuellement utilisées par l’Arabie saoudite au Yémen », », s’indigne M. Germond.
« Conformément à ce principe, écrivent-ils, le président du CICR n’a pas sa place dans le Conseil de fondation du WEF. » Les « Vingt-Cinq » sont conviés à une réunion avec la direction du CICR, sans Peter Maurer. On leur assure qu’ils seront consultés avant le renouvellement du mandat de M. Maurer au Forum économique mondial. Mandat finalement renouvelé entretemps, en juin 2017, lors d’une séance à huis clos… Son premier mandat avait déjà été gardé secret un an, entre novembre 2014 et novembre 2015, puis entériné avec effet rétroactif par l’assemblée. « Maurer a tenté de dissimuler au CICR son rôle au WEF, constate l’ex-délégué Nicolas Borsinger. La Borsinger. La manière de faire était trop peu orthodoxe pour être neutre. Les agendas cachés sont trop rarement innocents pour ne pas en être profond profondément ément alarmé. alarmé.» « Le CICR est devenu une sorte d’agent opérationnel du WEF et des entreprises partenaires » , dénonce André Pasquier, un ex-directeur des opérations qui coordonne l’action des Vingt-Cinq. Avec les interventions de Cornelio Sommaruga et des Vingt-Cinq, le CICR comprend que la contestation ne repose plus sur le seul Germond. Même de la manière feutrée qui sied aux débats en Suisse, le sujet se répand en coulisses à Genève.
DES PARTENARIATS À RISQUE
Ce n’est pas uniquement la présence de Peter Maurer dans les instances dirigeantes du Forum économique mondial qui surprend. Pour Thierry Germond, M. Maurer a contaminé le CICR lui-même, soit en faisant entrer des dirigeants d’entreprises controversées à l’assemblée, soit en nouant des partenariats à risque. « Le CICR avait un partenariat avec Holcim au moment de sa fusion avec Lafarge, donc au moment où Lafarge finançait l’organisation Etat islam islamique ique[EI] [EI] en en Syrie. Or, dans le cadre de leurs missions, des délégués du CICR dialo guaient guaie nt avec avec l’EI, ce qui qui est est normal. normal. Mais là, on on est en pleine confusion. » Le partenariat est rompu après la révélation de l’affaire syrienne… Mais dans le même temps, Davos produit un rapport intitulé « Trois façons de vaincre l’EI », loin de la n eutralité revendiquée par le CICR. Selon M. Germond, « il s’agit là de la première fois dans l’histoire du CICR, que l’idée de bombarder un belligérant, quelle que soit sa nature, soit cautionnée par l’autorité de son président ». Le mélange des genres est varié… Au Nigeria, à l’occasion d’une visite après la libération de lycéennes enlevées par Boko Haram, M. Maurer signe un partenariat avec Lafarge Africa afin de « renforcer la position de La farge sur le le marché marché du du ciment ciment dans dans le nord-es nord-est t du Nigeria ». ». Au Rwanda, où le président Paul Kagamé refuse de le recevoir comme président du CICR, il le rencontre avec sa casquette du Forum économique mondial lors d’une réunion du WEF Afrique, et tous deux parlent… du CICR. Aux Emirats arabes unis, principal membre de la coalition en guerre au Yémen avec l’Arabie Arabie saoudite et par ailleurs fidèle partenaire du Forum économique mondial, il salue, lors d’un discours au WEF Dubaï, « le soutien des Emirats arabes unis aux activités du CICR dans le monde et surtout au Yémen ». ». A Genève, certains s’étranglent, et redoutent d’éventuelles représailles contre Peter Maurer, président les équipes présentes au Yémen. Lors des commémorations de la victoire du Comité international de la Croix-Rouge, à Homs chinoise contre le Japon en 2015, Peter Mau(Syrie), le 25 février 2016. 2016. rer est à Pékin. D’un côté, il signe un partenariat avec l’agence de presse Xinhua (Chine JEROMESESSINI/MAGNUMPHOTOS nouvelle), louant « la couverture objective et rapide concernant les crises humanitaires internationales » » de Xinhua, pourtant organe de communication officiel du Parti communiste chinois. De l’autre, il s’émerveille du projet de « Nouvelle route de la soie », notant écrit-il. Je ne peux imaginer que ce soit en que le CICR est présent dans une quarantaine toute connaissance de cause que les membres de pays impliqués, sans que nul ne comde l’assemblée aient accepté que leur président prenne en quoi la Croix-Rouge est concernée. soit dans le board board d’une organisation qui A moins qu’à ce moment précis, il parle au inclut parmi ses membres les principales innom du WEF et du commerce international. Et dans ce pays où le CICR n’a pas accès aux dustries d’armement de la planète. » détenus ouïgours, tibétains ou dissidents politiques, M. Maurer assiste au défilé militaire DOUBLE CASQUETTE M. Germond pointe deux conséquences pos- chinois célébrant la victoire de 1945. On sibles à cette double casquette de Peter Mau- ignore ce qu’ont pensé les Japonais de la rer : « On peut se demander si le président du « neutralité » du président du CICR mais, au CICR serait en mesure de prendre le leadership sein de l’organisation, le fait qu’il célèbre une d’une campagne, voire d’y participer, visant à victoire militaire aux côtés de généraux l’interdiction de certaines armes développées d’une dictature a provoqué l’indignation. A la suite des alertes de Thierry Germond, par un membre de son organisation organisation » ; et le fait qu’« qu’« un tel engagement peut non seule- trois membres honoraires de l’Assemblée du ment nuire gravement à la crédibilité de l’insti- CICR relaient ces interrogations. Cornelio Sommaruga, le très respecté ex-président du tution, mais également mettre en danger l’intégrité physique de ses délégués sur le terrain ». » . CICR, fait savoir lors d’une réunion qu’« un M. Maurer lui répond que « [sa] [sa] participation participation prési président dent du CICR ne peut être que président président au Conseil de fondation du WEF s’inscrit dans du CICR » et que lui avait en son temps « toule cadre d’une stratégie de diversification des jours refusé» de participer aux instances contacts du CICR et d’élargissement du champ d’autres organisations et avait même « déde sa diplomatie humanitaire ». ». missionné de la présidence d’une fondation faAu CICR, on espère alors que la passe d’ar- miliale ». ». Les alliés de M. Maurer à l’assemblée mes avec Thierry Germond en reste là. Mais fusillent M. Sommaruga du regard. l’ancien délégué est en colère, il a du temps liPuis, le 1er décembre 2016, ving t-cinq anbre et commence à enquêter. Dans son ap- ciens camarades de Thierry Germond, dont partement bruxellois transformé en caphar- un ex-directeur général, trois ex-directeurs naüm regroupant toute la documentation des opérations et d’éminents délégués, enqu’il a pu trouver sur le CICR et le WEF, ainsi voient à leur tour une lettre à Peter Maurer. que sur les entreprises privées liées à l’un ou à « Les Vingt-Cinq », comme on les appelle dél’autre, et parfois aux deux, M. Germond ra- sormais à Genève, font part de leur« leur « vive préconte comment cette histoire est devenue le occupation » » et rappellent que l’un des sept centre de sa vie. principes fondamentaux du CICR stipule « Ce fut au hasard d’un entretien que Peter qu’il « s’abstient s’abstient de prendre part aux hostilités Maurer a accordé à La Tribune de Genève et, en tout temps, aux controverses d’ordre en 2015. J’ai acheté le journal dans une gare. politi politique, que, racial racial,, religie religieux ux et idéolog idéologique ique » .
« AUCUN BÉNÉFICE AUX VICTIMES »
« LE CICR EST DIRIGÉ PAR UNE OLIGARCHIE BARDÉE DE DIPLÔMES, AVEC DES GARS TRÈS FORTS POUR CONCEVOIR UN POWERPOINT, MAIS QUI N’ONT JAMAIS SERRÉ LA MAIN D’UN CRIMINEL DE GUERRE NI NÉGOCIÉ SOUS LES BOMBES », CRITIQUE UN CHEF DE DÉLÉGATION
Lorsque la direction du CICR consulte en 2017 ses chefs de délégation sur l’appartenance de M. Maurer au Forum économique mondial, les réactions sont, selon un document interne, très clai res : 14 délégués sur 15 cri tiquent le choix de leur président. « Son adhésion au WEF n’est pas compatible avec sa fonction de président du CICR » ; « la participation du président au WEF ne va amener aucun bénéfice aux victimes des conflits » ; « les risques, désavantages et critiques sont plus importants que les bénéfices » ; « cela compromet la crédibilité et la réputation du CICR ». Les délégués reviennent sur « les valeurs » et » et « les principes princip es » du CICR, ainsi que sur le risque pour la sécurité sur le terrain. Même si aucun incident dû aux liens avec le WEF ou avec une entreprise n’a été identifié, « rien n’indique que ce ne sera pas un problème plus tard, note un délégué. délégué. D’où notre recommandation : mieux vaut prévenir que guérir ». Peter Maurer ne tient pas compte de l’avis des délégués et poursuit l’aventure. En Suisse, le public a longtemps été épargné par ces polémiques. Ce n’est qu’en 2018, lorsqu’un journaliste du Temps Temps s’en s’en empare, que le sujet arrive sur la place publique. « Les liaisons dangereuses du CICR », titre le journal genevois en mai, relatant, sous la plume experte de Stéphane Bussard, dans la chronique « Genève Internationale », les interrogations de Thierry Germond et des Vingt-Cinq. Mais, même à ce moment-là, l’absence de réactions est étonnante. Aucun politique ne s’émeut. Aucun autre média n’enquête. Et les membres de l’assemblée du CICR restent muets, faisant bloc derrière Peter Maurer. « Assister à un défilé militaire en Chine, contre le Japon, c’est problématique tout de même… », s’étonne », s’étonne le plus haut gradé des Vingt-Cinq, l’ex-directeur général Paul Grossrieder. « Ces articles ont suscité un silence poli. Les gens n’ont pas pris la mesure de ce que cela signifie », pense l’ex-déléguée Marguerite Contat. « Le CICR est un sujet tabou en Suisse, un mythe. D’où l’omerta », » , explique l’ex-délégué Serge Nessi. L’autre raison, selon des délégués actuels du CICR s’exprimant sous le couvert de l’anonymat, est que le débat de fond se double d’une violente crise managériale. D’où, là aussi, une tendance à l’omerta.« l’omerta. « Peter Maurer a un ego démesuré et il est très autoritaire. Le management management est si brutal qu’il n’est est pas rare de voir des gens sortir de réunion en pleurant, ce qui est tout de même étonnant pour une organisation dite “humanitaire”, non ? », s’interroge S. au siège genevois. « Auparavant, la colonne vertébrale du CICR était sa direction des opérations. Maintenant, les gars de terrain sont devenus des exécutants, raconte K., chef de délégation dans un pays en guerre. guerre. Le CICR est désormais dirigé par une oligarchie oligarchie bardée bardée de diplômes diplômes et lar gement achetée à l’ext l’extérieur, érieur, avec des gars très forts pour concevoir un PowerPoint mais qui n’ont jamais serré la main d’un criminel de guerre ni négocié sous les bombes, et chez lesquels on ne sen t plus la “fibre C ICR”. » K. ajoute une anecdote révélatric révélatricee : « Lors d’une réunion à Genève, de nombreux chefs de délégation ont exprimé un problème de confiance vis-à-vis du siège. Sauf qu’on s’est rendu compte que le problème était pire dans l’autre sens : c’est le siège q ui n’avait plus confiance en nous ! » Pour le directeur général du CICR, Yves Daccord, « les périodes de grands doutes sont normales quand on explore de nouvelles voies. Tout ce qui est lié au secteur privé est perçu comme comme compliqué. compliqué. Mais Mais s’ils s’ils nous font font
confiance pour gérer des relations avec les talibans ou le gouvernement Trump, ils devraient aussi nous faire confiance pour gérer des relations avec le secteur privé. Nous nous sommes positionnés pour influencer l’agenda de Davos, et nous demandons à être jugés selon les résultats. » Le directeur des opérations, Dominik Stillhart, reprend l’argumentaire d’Yves Daccord, avec une pointe d’inquiétude. « Nous évaluons les risques. Avec Lafarge Holcim, nous avons mis fin au partenariat le jour où nous avons appris ce qui s’était passé en Syrie. Nous somm sommes es en conta contact ct avec avec 380 groupe groupess armés non gouvernementaux sur la planète, dont certains sont labellisés “terroristes”. Ce ne sont pas toujours des relations confortables, mais nous avons confiance dans le fait de réussir à gérer des relations complexes. » Cela dit, M. Stillhart admet que « les équipes des opérations sont par nature très critiques des partenariats à risque » et » et comprend que « certains trouvent qu’on dépasse les limites ». ». Pour les contestataires, c’est l’impasse. « La réaction de la gouvernance du CICR à nos interpellations est inadmissible, dénonce Marguerite Contat. Le Contat. Le CICR s’est rangé du côté des puissants puis sants,, de ceux qui détienn détiennent ent la puis puissance sance de feu et la puissance économique. Maurer est un apprenti sorcier. Un jour, ça va leur péter à la gueule. C’est inévitable. Il y a trop de dérives… » « Avec Maurer, c’est comme si l’Eglise avait abandonné les Dix Commandements. La rupture rupture est est fondame fondamentale ntale», constate Serge Nessi. « Il ne s’agit nullement d’un combat entre anciens et modernes, mais d’un affrontement entre des illusionnistes, eux, et des réalisBorsinger. Là où cette tes, nous, pense Nicolas Borsinger. Là histoire m’affole, c’est qu’on risque de passer d’un CICR sacralisé et intouchable à un CICR traîné dans la boue. Je suis trop conscient d’à quel point les Etats les plus malveillants ont intérêt à un CICR critiquable et insignifiant. » Et le constat est identique en interne. « La direction a cassé la fronde, viré des vieux et mis tout le monde au pas. Le CICR est une organisation tellement fantastique qu’on a peur de le casser : cela a largement contribué à tuer la contestation interne », », témoigne T., chef de délégation. « Il y a un faux débat, organisé par la direction, entre anciens et modernes, alors que du point de vue de la victime, de la souf france et de la guerre, le monde n’a pas changé », », conclut G., posté en Europe. Tous se demandent ce qui fait courir Peter Maurer (qui n’a pas donné suite à nos demandes d’entretien) et pourquoi il s’entête à prêter le flanc aux critiques. « Berne a remplacé Genève aux commandes du CICR, pense un délégué. Maurer délégué. Maurer joue un rôle politique. » « L’ar gent privé privé représenta représentant nt moins moins de 5 % du du bud get du CICR, la vraie raison des actions de Maurer est de promouvoir les intérêts de la Suisse et de l’économie suisse, et une idéolo gie ultralibéra ultralibérale le qui souhai souhaite te l’influen l’influence ce du milieu économique sur la décision politique, dénonce Thierry Germond. C’est Germond. C’est une dérive très grave. Une trahison. » « TENTATIVE DÉSESPÉRÉE DE SAUVETAGE »
Ex-président de Médecins sans frontières et directeur de recherches à la Fondation MSF, Rony Brauman est depuis quatre décennies un fin observateur de l’humanitaire. Il pense que « le CICR fait face à une dérive très singulière dans le monde de l’humanitaire » . « Le plus problémat problématique ique est l’opacité opacité sur les engaenga gements gemen ts du prési président dent et et l’absence l’absence de dialogue dialogue interne. On a l’impression que Maurer a affaibli les missions historiques du CICR au profit de projets dont on distingue mal la logique, analyse M. Brauman. Germond Brauman. Germond et les VingtCinq sont dans une tentative désespérée de sauvetage du CICR. » A Genève, le temps du silence est peut-être révolu. Dans son livre, paru en octobre, Une certaine idée de la justice justice (Favre), le juriste suisse Dick Marty vient à la rescousse des contestataires, disant « regretter que le président du CICR ait accepté de faire partie du conseil d’administration du Forum de Davos » et s’affirmant « perplexe aussi au sujet de certains partenariats conclus avec des multinationales ». ». Il appelle la Suisse à « prendre une initiative politique ». » . Une question au gouvernement sur la crise que traverse le CICR sera déposée au Parlement fédéral en décembre. Des députés veulent ouvrir le débat. Pour Thierry Germond, le « lanceur d’alerte » pionnier de la contestation, même un improbable changement de président ne résoudrait pas entièrement le problème. « Il faut un geste radical : toute l’assemblée l’assemblée doit démissionner. Il faut une structure intérimaire composée de délégués, d’anciens délégués et de personnalités réellement indépendantes, qui ouvrirait le débat et choisirait une nouvelle gouvernanc gouv ernancee pour le CICR.» « La Suisse a son mot à dire et doit se réveiller, pense Marguerite Contat. Contat. Au CICR, vous savez, nous sommes un peu des missionnaires. Nous allons continuer à nous battre pour le sauver. Il est hors de question de laisser passer cette histoire. » p