L’ INTERPRETA TIO N ESO TERIQ UE DU C O RA N
A.A.
La place de la tradition islamique dans l’économie spirituelle de l’humanité n’est pas toujours reconnue en Occident à sa juste importance. Plus grave encore, c’est la nature même de la révélation coranique qui est généralement mal comprise, et sans doute faut-il voir là la cause la plus profonde de l’incompréhension manifestée à l’égard de cette révélation, aussi bien sur le plan exotérique que sur le plan ésotérique. Exotériquement, l’Islam se présente comme la récapitulation de toutes les révélations a ntérieures ntérieures,, le le Pr Prop hète Muha mm a d éta nt le le Sc Sc ea u d e la Pr Prop hétie et p lus p a rticulièrement ticulièrement d e la Prop hétie lég iféra féra nte. A c e titre, titre, l’Is l’Isla m c onsi onsid ère to us les Envoyés ayant précédé Muhammad, depuis Adam, premier homme et premier prophète, jusqu’à Jésus-Christ 1 q ui est est le Sc Sc ea u d e la Sa inteté , Psaumes et les Evangiles sont Evangiles sont comme des messagers de Dieu, et la To ra h , les Psaumes et tenus par les musulmans pour des textes révélés, même si pour eux le Coran est naturellement la Parole de Dieu par excellence. Cette reconnaissance explicite de la validité de tous les messages prophétiques antérieurs confère à la tradition islamique un caractère d’universalité unique dont les conséquences, bien que moins évidentes, doivent également se marquer dans le domaine ésotérique. On peut immédiatement remarquer à cet égard que le rôle joué par l’Islam dans la synthèse des connaissances releva eleva nt de l’ hermétis hermétisme me ave c la révélation évélation c ora ora nique nique tout d ’ ab ord, ord, et d ans la transmission de ces connaissances à l’Occident moyennant une néc ess essa ire réa d a p ta tion tion e nsui nsuite, te, do it se se c om p rend re d a ns c et o rd re d ’ id ée s. Plus généralement, il faut s’attendre à ce que l’ésotérisme musulman ait a ssuré uré no n seulem seulem ent une fonc tion initiatiq initiatiq ue a u sein sein d e la trad ition ition isl isla miq ue elle-même, mais encore une fonction revivificatrice vis-à-vis des autres traditions, et en particulier de celles qui relèvent également de la tradition abrahamique 2. Il est est u n p o int sur sur leq leq ue l on n ’ insis insiste te ra jam a is a ssez, ez, c a r c ’ est est c elui q ui est est p eut-être eut-être le p lus d iffic ffic ile à c om p rend re d e l’ extéri extérieur : c ’ est est l’imp ortanc e absolument primordiale du Coran dans la tradition islamique. Certes, il est commun de dire que la vie du musulman est réglée jusque dans ses moindres détails par les prescriptions du Livre sacré (complétées, il est vrai, par les 1
Il n’est pas déplacé, dans un contexte islamique, d’appeler Jésus le Christ : ce mot signifie « oint » et est donc l’équivalent grec du mot « Messie ». ». Or, Jésus est désigné à sept reprises da ns le Coran co mme éta nt le Messie le Messie (al-Masîh ). ). 2 On connaît l’influence qu’a eue l’Islam (et plus particulièrement l’ésotérisme musulman) sur Dante p ar exemple, pour ne citer que c e seul seul nom.
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p rop os a ttribués a u Prop hète et ra p p ortés p a r la tra dition) ; ma is c e n’ est p a s seuleme nt d e c ela q u’ il s’ a git. Car le Coran est la Parole de Dieu, incréée en son essence ; s’il est la Loi, au sens noble mais exotérique du terme, le Coran est a ussi et surto ut le Ve rb e m êm e d e Dieu d esc end u sous la forme d u Livre – Livre non écrit, il faut le noter, mais parole vivante transmise par l’Ange Gabriel au Prophète Muhammad. Dès lors, le mystère de la descente du Coran est le mystère central de l’Islam ; à ce mystère correspond dans l’âme huma ine le sec ret (sirr ) qui est le lieu o ù c ette Pa role pe ut être ente nd ue p our c e q u’e lle est d e toute éternité ; et à c ette d esc ente (tanzîl ) d u Coran d a ns le monde extérieur, correspond, par la récitation (qur’ân ) et le souvenir, ou me ntion, de Dieu (d hikr Allâ h ) , la rem on té e v ers le c ent re sp iritue l d e l’ êt re. Or si ce mystère, qui s’identifie extérieurement avec la Révélation et intérieurement avec la réalisation spirituelle 3, ne p eut s’ exprime r p a r d es mo ts (bien qu’en Islam les moyens traditionnels qui servent de support à cette réalisation soient avant tout verbaux, ce qui peut apparaître comme une conséquence du rôle fondamental qu’y joue, précisément, la Parole), il doit néanmoins être possible d’en parler d’une certaine façon qui, quoique théorique et non opérative par elle-même, sera encore fondée sur les versets d u Coran . Il s’ensuit que ces versets – tout au moins certains d’entre eux – doivent posséder, outre le sens littéral et exotérique, d’autres sens, plus intérieurs, et être par conséquent justifiables d’une interprétation ésotérique. Plusieurs hadiths attestent d’ailleurs l’existence de ces sens cachés sous la lettre de la Révélation, et distinguent, symboliquement, quatre ou sept sens d iffé rent s. Selon un hadith bien co nnu : « Le Co ran a une ap pa renc e e xtérieure et une profondeur ca c hée, un sens exotérique et un sens ésotérique ; à son tour, ce sens ésotérique recèle un sens ésotérique (cette profondeur a une profondeur, à l’ima g e d es Sp hè res cé leste s em b o îté es les une s d a ns les a utres) ; ainsi d e suite , jusq u’ à sep t sens exoté riq ues (sep t p rofo nd eurs d e p rofo nd eur cachée). » 4 La distinction entre les quatre sens de l’Ecriture est d’autre part bien connue et se retrouve également en Occident. Citons l’Imâm Ja’far alSâ d iq : « Le livre de Dieu comprend quatre choses : l’expression, l’allusion, les sens subtils (latâ’if), les réalités spirituelles (haqâ’iq). L’expression est On rap po rte q ue l’ Imâ m Ja’ far al-Sâd iq to mb a év ano ui pe nda nt la p rière. Com me o n lui en de ma nd a it la raison, il d it : « Je ne c essa is d e répé ter le m êm e ve rset jusq u’ à c e q ue j’a rrive à l’e ntend re d e la p art de Celui qui pa rle pa r c e verset ». Rapporté par al-Qâshânî dans la préface de son commentaire du Coran , édité sous le titre Ta fsîr a l-Qur’ â n a l-Ka rîm et sous le nom d’Ibn ‘Arabî, Beyrouth, 1978. Sur c e c om me nta ire d ’ a l-Qâ shâ nî, on p ourra c onsulter les trad uc tions p a rtielles éd itées p a r Michel Vâlsan dans les Etudes traditionnelles (1963, 1964, 1969, 1972, 1973), ainsi que le livre de Pierre Lory, Les Commentaires ésotériques du Coran, selon al-Qâshânî , Paris, les Deux Océans, 1980. 4 Cf. Henry Corbin, Histo ire d e la ph ilosop hie islam ique , Pa ris, Ga llima rd, 1968, p. 21. 3
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pour le commun ; l’allusion pour l’élite ; les sens subtils pour les Amis de Dieu ; les réa lité s sp iritue lles p o ur les Prop hè te s. » 5 6 Selon un a utre enseigne m ent d u Prop hèt e : « Auc un verset d u C oran n’ est d esc end u sa ns c om p orter un ‘ d os’ ( z ahr, c’est-à-dire un extérieur, zâhir) et un ‘ ventre’ ( b a t n, c’est-à-dire un inté rieu r, bâtin ) ; toute lettre a une ‘ limite’ ( h a d d ), et to ute ‘ limite’ a un ‘ haut -lieu’ ( m uttala’ ). » Dans la préface de son commentaire du Coran , al-Qâshâni cite ce hadith et a joute : « Or je compris que le ‘dos’ est l’explication exotérique ( ta fsîr ) et le ‘ventre’ l’interprétation ésotérique ( t a’wîl ), la ‘limite’ le lieu où cessent les compréhensions du sens verbal, et le ‘haut-lieu’ celui où l’on monte p our s’ éleve r à la c ont em p la tion d u Roi Très-Sa va nt. » 7 Le terme désignant généralement l’interprétation ésotérique du Coran est le mot ta’wîl qui apparaît ici, et c’est ce mot que nous nous proposons d’étudier plus particulièrement dans ce qui va suivre. Le ta’wîl ne s’oppose pa s à proprement p arler au ta fsîr ; il se situe simp lem en t sur un a utre p lan q ue ce dernier. Le ta fsîr est le commentaire du Coran selon le point de vue exotérique et les moyens traditionnels en usage : recours à la grammaire, au hadith , aux circonstances entourant la révélation de tel verset, etc… Il s’agit donc en principe de l’explication du texte selon son sens littéral ; toutefois, le terme tafsîr est susceptible de désigner parfois des commentaires moraux, allégoriques ou même métaphysiques dont la portée dépasse le niveau, d ’ a illeurs indisp ensa b le, d ’ ét ud e d u sens ob vie. Il n’e n reste p a s m oins q ue le mot qui désigne proprement l’interprétation du Coran selon le point de vue ésot ériq ue et initiatiq ue est ta’wîl , nom d ’a c tion du verbe awwala , qui signifie ‘ faire reve nir à l’o rigine’ et e st a p p a renté a u mo t a w w a l, ‘premier’. Al-Awwal est d ’ a illeurs un No m d ivin, se lon le v erset :
Cf. Jean Canteins, La Voie d es lettres , Paris, Albin Michel, 1981, pp. 75-76, et H. Corbin, op . cit., pp. 19-20. 6 On c om pa rera a vec c e p assag e d e Da nte (Banq uet, II, édition d e la Pléiad e, pp . 313-315) : « Et p our c ec i éc lairc ir, il fa ut sa voir que les éc ritures se pe uvent ent end re et se d oivent exposer principalement selon quatre sens. L’un s’appelle littéral…L’autre s’appelle allégorique…Le troisième s’appelle moral…Le quatrième sens s’appelle anagogique, c’est-àdire sur-sens ; et c‘est quand spirituellement on expose une écriture, laquelle, encore que vraie déjà au sens littéral, vient par les choses signifiées bailler signifiance des souveraines c ho ses d e la g loire é te rnelle.. Et d a ns l’e xpo sé d e c es sen s, toujou rs le litté ral do it pa sser en avant, comme étant celui de la sentence duquel les autres sont enclos et sans lequel serait impossible et irrationnel de s’apenser aux autres, et surtout à l’allégorique. Cela est impo ssible, p a rc e qu’ en tout e c hose aya nt de d a ns et d eho rs, est imp ossible qu e vienne la forme d e l’o r si la ma tière q ui est son sujet n’ est d igérée e t a pp rêté e… » 7 Tom e I, p . 4 d e l’é d ition c itée, et Etudes traditionnelles , 1963, p p . 77-78. 5
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« Il est le Premier ( a l-Awwal ) et le Dernier ( a l-Akhir ), l’Extérieur ( al-Zâhir ) et l’Intérieur ( al-Bâtin ). Il est informé d e to ute c hose (LVII , 3). » Pa r a na logie a vec c es c oup les d e Nom s d ivins, il est d onc p ermis d e d ire que le ta’wîl est le passage du zâhir a u bâtin , de l’apparent au caché, de l’ exoté rique à l’é sot ériq ue. Le ta’wîl se présente do nc c om me un c orrélatif d u tanzîl , qui e st inversém ent le p a ssa g e d e l’ intérieur à l’ extérieur : « Le mot ta’wîl forme avec le mot tanzîl un couple de termes et de notions c om p lém enta ires et c ontrasta ntes. Ta nzîl d ésigne en p rop re la religion positive, la lettre de la Révélation dictée par l’Ange au Prophète. C’est faire descendre cette Révélation depuis le monde supérieur. Ta ’ w îl, c’est inversement faire revenir, reconduire à l’origine, p a r c onséq uent reve nir a u sens vra i et o riginel d ’ un éc rit. » 8
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Etant d onné l’imp orta nce du ta’wîl , il ne nous p a ra ît p a s inutile d ’ ét ud ier les occurrences de ce terme dans le Coran lui-même, où ce mot apparaît exactement dix-sept fois 9. Ce nombre ne doit certainement rien au hasard, et nous y reviendrons un peu plus loin pour essayer d’en cerner la signification. La nature ésotérique du ta’wîl est p arfaitement mise e n évid enc e da ns le verset (III, 7) dont nous commençons par donner l’une des traductions possibles : « C’ est Lui qui a f a it de sc en d re sur toi le Livre. Ce rta ins ve rset s en son t fixés ( m uhkamât ) ; c eu x-là son t la Mè re d u Livre umm ( al-kitâb ). D’autres sont ambigus ( m utashâbihât ). Ce ux q ui da ns leurs c œ urs p enc hent ve rs l’ erreur s’ a tta c hent à c e q ui est a mb igu ; ils rec herchent la discorde et ils recherchent son interprétation ( t a’wîl ) ; mais nul n’en connaît l’interprétation ( t a’wîl ), sinon Dieu . Et c eu x q ui son t enra c inés d a ns la Sc ienc e d isen t : Nou s y c royo ns. To ut vient d e no tre Se igne ur. Mais seuls s’en souviennent les hommes doués d’intelligence. » (III, 7) Or, il y a dans ce verset une de ces phrases amphibologiques que l’on renc ontre assez souve nt en a ra b e du fait d e l’ a b senc e de p onc tua tion. On pe ut ég a lem ent lire e n effet :
Cf. H. Co rb in, op . c it., p . 27. Un cé lèbre c om me nta ire d u Coran d û à Bayd a wî s’ intitule : Les Lumières de la Révélation et les secrets du ta’wîl (anwâr al-tanzîl wa asrâr al-tawîl). 9 III, 7 d eux fois ; IV, 59 ; VII,53 d eux f ois ; X, 39 ; XII, 6 ; XII, 21 ; XII, 36 ; XII, 37 ; XII, 44 ; XII, 45 ; XII, 100 ; XII, 101 ; XVII, 35 ; XVIII, 78 ; XVIII, 82. 8
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« …nul n’en connaît l’interprétation, sinon Dieu et ceux qui sont en ra c inés d a ns la Sc ienc e. Ils d isen t… » C’est évidemment cette deuxième lecture que font les commentateurs q ui, sa ns a vo ir p our c ela la p rétent ion d e se ran g er pa rm i les « enrac inés d a ns la Sc ienc e », ont du moins le désir – pur de toute intention de discorde – de p a rvenir à l’ intellige nc e d u ta’wîl véritable 10. Ce ve rset e st d onc une sorte d e miroir où chacun peut lire son intention propre : les tenants de l’exotérisme, dans leur souci d’ailleurs louable de maintenir pure de tout « a ssoc ia tionnisme » l’ idé e d e la transc end a nc e d ivine, s’ en tiend ront a u p rem ier sens ; tand is q ue c eux qui rec herchent la Sc ienc e a d op teront to ut nat urellem ent la sec ond e lec ture. Quant à c eux qui ne c roient pa s : « Ils traitent de mensonge ce dont ils n’embrassent pas la science et do nt l’explic at ion ( t a’wîl ) ne leur est p a s enc ore p a rvenue. » (X, 39) « Nous som m es ve nus à eu x a ve c un Livre e t No us le leu r a vo ns exp liqué ( f aççalnâhu ) selon une science. C’est une direction et une miséricorde p our ce ux q ui c roient. Qu’ a tte nd ent -ils sinon son interpréta tion ( t a’wîl ) ? Le jour où viendra son interprétation ( t a’wîl ) ceux qui l’avaient oublié d iron t : Les Envo yés d e n ot re Seig ne ur son t d éjà ve nus a ve c la vé rité. » (VII, 52-53) Il y a donc ceux qui sont privés de la foi et pour qui le Livre, et a fortiori so n ta’wîl , restent fermés ; ceux qui croient en Dieu, en ses Envoyés et en ses Livres, mais s’en tiennent à la lettre de la Révélation, estimant que Dieu seul d étient le sec ret d e son interpréta tion ; ce ux enfin q ui, en vertu d’ une lec ture tout aussi traditionnelle du verset (III, 7) considèrent qu’il est légitime – indispensable même à qui est engagé sur le chemin de la réalisation sp iritue lle – d e m éd ite r sur le s sens ésoté rique s d u Coran . Quoi qu’il en soit, le ta’wîl n’ est na turellem ent p a s a c c essib le à l’ hom me p a r ses p rop res forc es. Une influenc e sp irituelle, a p p elée en a ra b e baraka est nécessaire pour ouvrir le Livre , ou, si l’on préfère, pour que l’esprit s’ouvre à son sens intérieur. Cette influence spirituelle est généralement transmise par l’initiation au sens le plus courant du terme, c’est-à-dire de maître à disciple. Ce n’est toutefois pas là une nécessité absolue, en ce sens qu’il peut arriver q ue c et te « initiation » ne soit p a s c on férée p a r un ma ître hum a in – nous y reviendrons. Le ta’wîl peut enfin être enseigné directement par Dieu. Ce cas est évidemment de manière éminente celui du Prophète Muhammad, mais non néc essa irem ent a u mê me d eg ré c elui d e to us les p rop hète s 11. Cf. J. Can te ins, op . c it., p . 55. « Nous avons élevé certains prophètes au-dessus des autres ; il en est à qui Dieu a parlé, et il a élevé c ertains d ’ ent re eux à d es d eg rés (sup érieurs). » (II, 253). 10 11
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Le ta’wîl du Livre n’est d’ailleurs en somme que le symbole d’un ta’wîl plus général qui peut s’appliquer à tout objet ou événement du monde ma nifesté : le m ot ayât qui désigne les versets du Coran a également la significa tion d e « signe s ». Pou r qui vit selon l’e sp rit, e n e ffe t, to ut d a ns l’un ivers est signe d em a nd a nt à ê tre d éc rypté c a r symb ole d’ une Réa lité q u’ il exprime dans son ordre. Outre le ta’wîl par excellence qui est celui de l’Ecriture, on pourra donc parler de ta’wîl dès lors qu’il est question de la reconduction d ’ un symb ole à la réa lité q u’ il symb olise. C’ est a insi qu’il faut c om prendre c e m ot to ut a u long de la sourate d e Joseph , où il apparaît à plusieurs reprises. Joseph, auquel cette sourate est tout entière consacrée, a reçu de Dieu le don du ta’wîl des événements (ta’wîl al-ahâdith ) et du ta’wîl d es so ng es (ta ’ wîl al-a lhâm ). « Seigneur, tu m ’ a s d onné un c ertain po uvoir et tu m ’ a s enseigné l’interprétation ( t a’wîl ) des événements. Créateur des cieux et de la terre, tu es mon protecteur dans ce monde et dans l’autre. Fais-moi mo urir soum is à to i et a c c orde -mo i une p la c e p a rm i les p urs. » (XII, 101) Nous ne pouvons examiner ici en détail l’histoire de Joseph, qui demanderait à elle seule une étude spéciale. Mentionnons simplement que le ta’wîl exercé par Joseph s’applique aux songes de ses deux compagnons d e p rison a insi q u’ a u song e d e Pha ra on : c es son g es sont en sub sta nc e c euxlà mêmes qui sont rapportés dans la Genèse ; nous les supposons donc connus du lecteur. Un commentaire approfondi de ces rêves nous ferait sortir d e no tre sujet ; ma is il est b on d e note r que l’ interpréta tion d onné e p a r Joseph, et qui consiste en la prédiction d’événements à venir, n’exclut pas une autre interprétation, ésotérique, de ces mêmes rêves, suggérée d’ailleurs pa r l’ insista nc e a vec la q uelle le terme ta’wîl est u tilisé en la c irc onsta nc e. Ce mo t a p p a ra ît enfin à d eux rep rises d a ns un p a ssa ge d e la sourate d e la Caverne, où est relatée la rencontre de Moïse avec un mystérieux personnage dont le nom n’est pas précisé dans le Coran , mais en lequel la tra d ition rec onna ît al-Khidr , l’un des quatre prophètes que n’a pas atteint la mort corporelle 12. Ce personnage est « l’un de Nos serviteurs auquel Nous avons accordé une miséricorde venant de Nous et à qui Nous avons enseigné une sc ienc e d e c hez Nous » (XVIII, 65). Moïse, m a lgré sa q ua lité d e prophète , dem and e à po uvoir bé néfic ier de son e nseignem ent : « Moïse lui dit : Puis-je te suivre afin que tu m’enseignes ce qui t’a été enseigné c onc ernant la d irec tion juste ?
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Ave c Id rîs (ide ntifié a vec Héno c h, ma is a ussi ave c Hermès), Ilyâs (Elie) et ‘ Isâ (Jésus). Cf. M. Vâlsan, Les hauts grad es de l’Ec ossisme et la réa lisa tion d esc end a nte , Etudes traditionnelles , 1953, p. 167. La rac ine KhDR dé signe c e q ui est ve rt, verdoya nt.
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Il d it : Tu ne p ourra s p a s êt re p a tient a vec mo i. Co m me nt serais-tu pa tient a u sujet d e c e q ue tu ne c om prends pa s ? » (XVIII, 66-68) Mo ïse a yant p rom is d e ne p a s p oser de q uestions, l’ inc onnu a c c ep te sa c om p a gnie ; ma is c elui-ci c om me t diverses a c tions étrang es q ue Mo ïse ne comprend pas et dont il se scandalise. Finalement, Moïse ayant enfreint sa p ro m esse à trois rep rises, le m ysté rieux p erso nna g e se sép a re d e lui : « Ce c i est la sép a ra tion entre m oi et toi : je va is te d onne r l’ explic a tion ( t a’wîl) de c e q ue tu n’a s pu end urer avec pa tience . » (XVIII, 78) Ap rès a voir expliq ué c hac un d e ses a c tes, le p ersonna ge dit enc ore : « Je n’ai pas fait cela de ma propre initiative. Voilà l’explication de ce que tu n’a s pu end urer ave c p a tienc e. » (XVIII, 82) Les explic a tions d onné es à Mo ïse c onsiste nt à mo ntrer que d es a c te s en a p p a re nc e b lâm a b les son t en réa lité les m eilleu rs p o ssibles Elles reste nt d o nc somme toute d’ordre relativement extérieur ; on pourrait cependant faire ici la même remarque qu’au sujet de l’interprétation des songes par Joseph. Ma is c e q u’il imp orte a vant to ut d e note r, c’ est q ue Khidr est l’initiateur et le maître spirituel des solitaires (afrâd ) , dont l’initiation, voire la progression spirituelle, ne peut s’effectuer, pour une raison ou pour une autre, par le moyen d’intermédiaires humains. Etant donné les rapports étroits qui unissent donc al-Khidr avec la fonction initiatrice, il nous paraît particulièrement remarquable que ce soit précisément le mot ta’wîl qui soit employé dans le Coran pour désigner l’interprétation donnée par al-Khidr à Mo ïse ; c ela montre qu’une science particulière est nécessaire pour accéder au ta’wîl , sc ienc e d ont le d isp ensa te ur p a r exc ellenc e est juste me nt al-Khid r.
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Une q uestion é vide mm ent imp orta nte est d e sa voir s’ il existe d es mo yens d’approche du texte sacré propres au ta’wîl . A vrai dire, il faut distinguer entre divers types d’interprétation ésotérique. Une telle interprétation, qu’elle soit d’ordre métaphysique, eschatologique, cosmologique ou psychologique (ces deux derniers termes étant pris dans leur sens traditionnel), peut très bien être dégagée par simple transposition du texte d’un niveau à un autre, le sens littéral étant considéré comme le symbole d’un sens supérieur. Autrement dit, un mot donné (le mot « soleil », par exemple) sera pris pour le symb ole d ’ un a utre (d isons « c œ ur »), q ui e st effe c tivem ent en ra p p ort a na log iq ue, sur un autre p la n d e réalité, ave c le m ot renc ontré da ns le te xte. Un te l type d ’ interpréta tion, s’ il supp ose na turellem ent un usa ge c orrec t d es règles du symbolisme, ne nécessite pas de méthode particulière à
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proprement parler, et peut même, parfois, avoir tendance à devenir quelque p eu « systé ma tique ». Il y a c ep end a nt lieu d e p enser q u’ il existe , da ns le c a s d u Coran , un mode d’interprétation plus spécialement fondé sur les particularités de la langue arabe, mode qui ne contredit pas les précédents, ma is qui p erme t d a ns c erta ins c a s d’ a tte ind re une « sp hère » (une « profondeur ») que ceux-ci peuvent ne pas avoir mise en évidence. Il s’agit de l’application à la compréhension des versets coraniques de ce que l’é so té rism e m usulma n d ésigne so us le no m d e « Sc ienc e d e s Let tres » (`îlm al- hurûf ) . Cette science possède évidemment un côté opératif, lié à la récitation de versets du Coran ou d ’ a utres formules trad itionne lles ; ma is c ec i est en-dehors de notre sujet, et seuls les aspects spéculatifs de cette « Sc ienc e d es Lett res » d oivent p résent em ent ret enir notre a tte ntion. Il importe de toujours se souvenir que l’arabe (de même que l’hébreu qui lui est apparenté) est une langue sacrée. Ce caractère sacré explique que c haq ue lettre d e l’alphabe t – et p ar conséquent c haq ue mot o u groupe de mots – possède un symbolisme propre qui en est véritablement constitutif. Ce symb olisme revê t t rois a sp ec ts d ifférents et c om p lém ent a ires : sp a tial, lié à la forme g ra p hique d e la lettre ; sono re, q ui ap p a ra ît surto ut lors d e la récitation orale et par là plus directement en rapport avec le côté opératif auquel il a été fait allusion plus haut, bien qu’il soit également possible de développer à ce sujet certaines considérations théoriques, à propos not a mm ent d es trois « vo yelles » q ue c onna ît l’ a ra b e ; num ériq ue enfin, en ra p p ort avec la signific a tion de la lettre, c ha c une d es 28 lettres d e l’a lp ha b et étant en correspondance avec un nombre, suivant un symbolisme ég a lem ent e n usa g e d a ns la kab b a le hé b ra ïq ue. Il s’ ensuit qu’ un seul verset – l’exemple le plus connu est celui du verset qui ouvre la première sourate du Coran – un seul mot parfois, peut donner lieu à des commentaires approfondis et d’ailleurs généralement difficiles à traduire, car justement fond és sur de s p a rticu la rités symb oliq ues p rop res à la lan g ue. Un a utre c a s q ui mé rite d ’ êt re me ntionné est c elui de s « sigles » c oran ique s, group es d e lettres que l’on rencontre en tête de certaines sourates ; et auxquelles le ta’wîl doit s’appliquer de manière d’autant plus évidente qu’il n’y a, dans leur cas, a uc un sen s litté ra l q ui vien ne le s exp liqu er. Il n’e st é vide m me nt p a s p ossib le d ’ exam iner ce s d iverses q uestions d a ns le cadre forcément restreint de la présente étude. Mais nous vous proposons tout de même d’exposer brièvement quelques réflexions se rapportant au ta’wîl lui-mê m e : ce sera l’ oc c a sion d e fo urnir une illustration d e c e q ui précède en relation directe avec le sujet qui nous occupe. Le mot ta’wîl p résent e en effe t une p a rtic ularité exc ep tionne lle : les trois let tres c ent ra les de c e m ot sont, da ns c et o rdre, alif , w â w et yâ ’ , qui sont les trois lettres dites « fa ibles » d e l’a lpha b et a ra b e. Le rôle gram ma tica l joué p a r c es let tres est assez complexe, car elles peuvent servir soit de voyelles de prolongation, soit d e « c onsonne s », soit d e sup p ort o rtho g ra p hique a u hamza . Quoi qu’il en soit, ce sont les fonctions symboliques assumées par ces lettres qui nous intéressen t ici : or M uhyî-d -dîn Ib n ‘ Arab î, le « très g ra nd m a ître » (a l-sha ykh a l-
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akbar ) de l’ésotérisme musulman, met ces trois lettres respectivement en rapport avec l’Essence divine, les Attributs et les Actes divins, ainsi qu’avec le ternaire esprit-âme-corps 13 ; et ailleurs, selon un symbolisme différent mais c om plémenta ire, avec le Pôle e t les d eux Imâ ms de ga uche et d e d roite 14. Ces trois lettres sont encore dites « l’essence du souffle » ( ‘ayn al-nafas ), et p roc éd er d ’ une « let tre » unique a p p elée « let tre exp a nsive » (a l-harf a l-hâw i ) 15 expression tout à fait significative en l’occurrence, puisque le mot hâwi , apparenté à h a w â , air, est également formé des lettres alif , w â w et yâ ’ précédées d’un hâ ’ (initiale du pronom huwa , Lui, symbole de l’aséité divine) 16. La présence de ces trois lettres au sein du mot ta’wîl est donc comme un gage de la validité d’une interprétation appelée à s’appliquer dans les trois mondes par une remontée le long de l’axe polaire qui les trave rse. Tout es c es c on sidé ra tions mé ritera ient d ’ êt re d év elop p ée s d a va nta ge ; ma is c e q ue nous voud rions faire ob server ic i, c ’ est q ue l’ alif valant 1, le w â w 6 et le yâ ’ 10, le total obtenu en faisant la somme des nom b res a ssoc iés à c es let tres est 17. Nous a vo ns d éjà not é q ue le m ot ta’wîl apparaît 17 fois dans le Coran , et c e n’ est c ertainement p as pa r hasa rd que nous ret rouv ons c e no mb re ic i. Le nombre 17 mériterait à lui seul toute une étude, mais nous nous contenterons de donner ici quelques indications relatives à la tradition islamique, de manière à ne pas nous écarter de notre sujet 17 : notons tout d ’ a b ord q ue c e nom b re est profond ém ent insc rit da ns la vie tra d itionne lle d e l’ Isla m, p uisq ue c ’ est le no mb re t ota l de rak’ât que c omp rend l’ensemb le d es prières quotidiennes obligatoires (farâ’id ) ; le musulma n d oit p a r co nséq uent réciter chaque jour au moins dix-sept fois les sept versets de la Fâtiha , p rem ière sourate d u Coran 18. En relation a vec l’ indic a tion d onné e p a r Ib n ‘ Ara b î et selon la q uelle les lettres alif , w â w et yâ ’ sont en rapport avec le Pôle et ses deux Imâms, indication qui implique que le nombre 17 est lié au pôle, on peut également
Al-futûhât al-makkîya, Beyrouth, Dâr çâdir, t. I, p. 106. Ibid., t. I, p. 78. 15 Ibid., t. II, p. 39. 16 Sur tout c ec i, c f. Cha rles-And ré Gilis, Rem arque s c om plém enta ires sur Om et le symb olisme polaire , Etud es tra d itionne lles, 1975, p p . 101 sq . 17 Ind iquons c ep end a nt q ue le tria ngle d e 17 (c ’ est-à-d ire la som me d es 17 prem iers nom b res entiers) est 153, premier nombre de Jean. Le deuxième nombre de Jean , 666, est le triangle de 36 ; il y a urait là ma tière à d ’ intéressa nte s c onsidérat ions. 18 Parmi ces dix-sept rak’ât , sept sont récités après le coucher du soleil, dont trois imm éd iat eme nt ap rès le couc her de c elui-ci et quat re à la nuit noire. Enc ore faut-il noter que ces quatre peuvent être complétés par des rak’ât non obligatoires (çalât al-witr ), en nombre obligatoirement impair, et dont il est dit que le meilleur est trois, ce qui a encore pour effet de porter à sept le nombre de rak’ât réc ités pe nd ant la nuit. Un hadith affirme que « Dieu e st imp air et a ime l’ imp air ». Il existe de très étroits liens entre les nombres 7 et 17 (on a vu que 17 est en relation a vec le c œ ur du m ot ta’wîl , lui-même ouvrant à sept sens ésot ériqu es) ; on en trouvera c onfirma tion d a ns les note s suiva ntes. 13 14
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remarquer que ce nombre est celui du mot jadî , qui désigne en arabe le sig ne d u Ca p rico rne, a insi que l’ étoile polaire 19. Relevons enfin que le no mb re 17 revê t une c ertaine impo rta nc e d a ns le shî’ ism e. L’ en c yc lop éd ie d e s Frères d e la Pureté (rasâ’il ikhwân al-çafâ’ ) c om p rend 51 tra ités (51 = 3 x 17), d ont 17 traitent d e la ph ilosop hie naturelle 20.
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Une a p p lic a tion d e la Sc ienc e d es Let tres a ux sc ienc es trad itionne lles d e nat ure c osmo log iq ue se t rouve d a ns la Sc ienc e d e la Ba la nc e, telle q u’ elle est exp osée d a ns une p a rtie d es traités d u va ste c orpus a ttrib ué à l’ a lc himiste musulm a n Jâ b ir ibn Ha yyân. Ce tte Sc ienc e se fo nd e p rinc ip a lem ent – il s’ a g it alors de la Balance des Lettres, la plus haute de toutes – sur le symbolisme num ériq ue d es Let tres ; elle est d onc un ta’wîl appliqué à la philosophie nat urelle, et p a rticulièreme nt à l’ Alc himie. « Le p rop os de la ‘ Sc ienc e d e la Ba la nce ’ , c’ est d e d éc ouvrir d ans chaque corps le rapport qui existe entre le manifesté et le caché (le zâhir et le bâtin, l’exotérique et l’ésotérique). L’opération alchimique se présente ainsi… comme le cas par excellence du ta’wîl (l’exégèse sp irituelle) : oc c ulter l’ a p p a rent, faire a p p a ra ître l’o c c ulté. » 21 Ceci nous amène, pour terminer, à considérer les liens qui existent entre ta’wîl et Alch imie. Pour p oser c rûm ent la q uestion : p eut -on t rouv er un symbolisme alchimique dans le Coran ? La réponse est sans conteste affirmative, mais ce point demande quelques éclaircissements afin d’être bien compris. Le Coran , en tant que Livre révélé, est par le fait même un symbole du Liber Mundi ; à moins que l’on ne préfère dire que le Livre de la Création est un symbole du Coran inc réé. Les d eu x Livres, en to ut ét a t de c a use, symb olisent l’ un a vec l’ a utre. (Nous a vons d éjà no té q ue le m ot ayât désigne à la fois les versets du Coran et les signes de la puissance divine.) D’un a utre c ôté , on sa it q ue l’œ uvre a lc himique rep rod uit le p roc essus d e la création. Par conséquent, de même que certains alchimistes ont pu, et pour les m êm es ra isons, met tre en p a ra llèle les ét a p es d u Grand -Œ uvre a ve c certains passages de la Genèse ou d u Nouvea u Testa me nt, d e m êm e d oit-il Le Coran (XI, 44) rapporte que l’Arche de Noé s’arrêta à al-Jûdî . On peut co nsidé rer c e nom c omme p honétiquement ap parenté à jadî et l’o n sa it pa r ailleurs q ue le symb olisme d e la mo nta gne est essentiellem ent p olaire. Il est d ès lors intéressa nt d e c om pa rer ave c la Genèse (VIII, 4) : « … a u sep tième mo is, au d ix-sep tième jour d u m ois, l’ a rc he s’ arrêta sur les mo nts d’ Ararat ». 20 Cf. H. Corbin, op. cit., p. 191. Cette encyclopédie a vu le jour dans les milieux de l’Isma élisme fâtimide po ur leq uel le nomb re 7 est a bsolument fonda me ntal. 21 Cf. H. Corbin, op. c it., p . 186. 19
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être possible de lire certains versets du Coran selon un sens alchimique. Ce sens n’est naturellement jamais exclusif, et le ta’wîl alchimique ne peut être qu’une interprétation parmi d’autres. Néanmoins, le caractère véritablement central et universel du symbolisme alchimique permet en principe d’accéder à trave rs lui aux aut res nivea ux d ’ interpréta tion. Peut -être nou s p erme ttra-t-on de faire appel ici au symbolisme (cosmologique dans la tradition islamique) des sept cieux planétaires, dont nous avons vu qu’on peut le mettre en correspondance avec les sept sens ésotériques du Coran . L’ésotérisme musulman enseigne que chaque ciel est régi par un prophète qui en est le p ôle ; o r le p ôle d u c iel d u soleil est Id rîs, qui est d’autre part traditionnellement identifié avec Hermès. La position centrale occupée par c e p rop hète d a ns le « c iel d u ta’wîl » nous autorise donc à penser que l’interprétation hermétique du Coran est non seulement possible, mais doit mêm e ê tre d ’ une impo rtanc e to ute p artic ulière. Ajoutons que la Sc ienc e d es Lettres doit jouer dans cette interprétation un rôle de premier plan ; ceci est indiqué par le fait que cette science est rapportée au prophète Jésus 22, qui rég it le c iel de Mercure, do nt on a ura it p u s’ atte ndre à c e q u’Idrîs soit le pôle. Toute s c es ind ic a tions c onve rge nt d onc vers c ette c onc lusion q ue le Coran peut être la source d’une méditation alchimique à laquelle permet d ’ a c c é d e r u n ta’wîl p rincipa lem ent fond é sur la Sc ienc e d es Let tres. Que le m o t ta’wîl contienne en quelque sorte symboliquement le ternaire espritâme-corps nous paraît être à cet égard tout à fait significatif de cette possibilité. A vrai dire, il semble que cette voie ait été relativement peu explorée par les alchimistes eux-mêmes. N’oublions pas cependant que le nom b re d e t extes a lc himique s ét ud iés à c e jour est e xtrême me nt restreint. Le principe d ’ un tel ta’wîl nou s sem b le néa nm oins a c q uis ; nous ne p ouvo ns q ue souhaiter que des études s’appuyant à la fois sur le Coran , sur les traités de l’ésotérisme musulman et sur les textes alchimiques eux-mêmes viennent en a p p orter une c onfirma tion p lus p réc ise.
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« Sa c he – que Dieu t e vienne en a ide – que la sc ienc e q ui se rap p orte à Jésus est la Sc ienc e d es Let tres... » Ibn ‘ Arab î, Futûhât , t. I, p . 168.
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