La France > dans le monde (de 1945 à nos jours) Cette séquence est commune aux trois séries L, ES et S.
Séquence 7-HG00
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Introduction Chronologie Chapitre 1
> De la décolonisation à la politique de coopératio coopération n
Chapitre 2
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Le prestige de l’empire
B
La fin du « boulet colonial »
C
La coopération ou le maintien de liens plus p lus ou moins étroits avec les anciennes colonies
> Les constantes de la politique .
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A
L’ancrage européen
B
Le souci de l’indépendance nationale
C
L’affaire du Président
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> Entre atlantisme et indépendance nationale, un positionnement original et contesté
Chapitre 4
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A
étrangère française
Chapitre 3
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A
L’atlantisme de l’après-guerre (1946-1958)
B
La « politique de grandeur » gaullienne (1958-1969)
C
Des successeurs qui infléchissent la politique p olitique gaullienne (1969-1990)
D
Depuis 1990, une place et une politique étrangère repensées
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> Les formes de la présence française dans le monde
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A
Le poids des héritages
B
Une puissance militaire et diplomatique non négligeable
C
Une puissance économique qui compte
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Sommaire séquence 7-HG00
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ntroduction Le 8 mai 1945, la France est comptée au rang des 4 grands vainqueurs de l’Allemagne nazie avec les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l’URSS. Le retournement de situation est spectaculaire et doit beaucoup à la ténacité de de Gaulle. Pourtant la France au sortir de la 2 nde guerre mondiale est un pays meurtri, ruiné et affaibli. En 1945, la France reste donc une puissance majeure dans le concert des nations mais cette puissance repose sur des bases de plus en plus anachroniques et fragiles. La France d’alors, c’est d’abord un empire colonial considérable mais dont les craquements se font sentir dès 1945 ; l’une des grandes difficultés de la politique internationale française de 1945 au début des années 1960 est d’ailleurs le renoncement nécessaire à son statut de puissance impériale. La guerre froide impose son rythme aux relations internationales dès 1947, l’Europe est désormais plus un enjeu qu’une actrice et la France doit trouver sa place dans ce nouveau contexte international. Elle se range du côté américain et se lance dans la construction européenne. La politique étrangère française n’est cependant pas réductible à celles de nos voisins d’Europe occidentale. Avec l’avènement de la Ve République et le retour de de Gaulle aux affaires en 1958, la France esquisse une politique de grandeur et d’indépendance à l’égard des deux Grands et de leurs blocs. Que cette politique fut plus une prétention, même brillante, qu’une réalité effective effectiv e importe secondairement car de Gaulle définit un axe essentiel de notre politique étrangère qui resta vrai jusqu’à 1989-199 1989-19911 c’est-à-dire l’effondrement des démocraties populaires est-européennes puis celui de l’URSS. Depuis la fin de la guerre froide, la France essaie difficilement de redéfinir sa politique étrangère afin de toujours peser sur le cours des relations internationales. Si l’on récapitule, de 1945 à nos jours, le contexte international est peu porteur pour garantir le rayonnement international de la France. Cela s’est traduit par une perte d’influence mondiale considérable mais le constat que nous pouvons faire en ce début de XXI e siècle ne cesse d’être paradoxal. Malgré cet environnement négatif, la France reste un Etat que l’on écoute, pensons à l’opposition franco-américaine franco-américa ine au conseil de sécurité de l’ONU en 2003 au sujet de la guerre américaine en Irak. Son rayonnement, atténué, demeure au-delà même de sa puissance territoriale ou démographique. Ce paradoxe doit être expliqué.
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hronologie Décolonisation et Tiers-Monde 1946
La France dans le Monde
La France en Europe
Union Française (1946) OECE (1848)
La IVe République
Dien Bien Phu puis indépendance de l’Indochine (1954)
1958 1958
Adhésion à l’OTAN (1949)
Déclaration Schuman (1950)
Crise de Suez (1956)
CECA (1951) Refus de la CED (1954)
Crise de Suez (1956) Indépendance de l’Afrique Noire (1960) Fin de la guerre d’Algérie (Accords d’Evian) (1962)
DE GAULLE
Signature du traité de Rome (1957) La France dispose de l’arme atomique (1960)
Reconnaissance de la République Populaire de Chine (1964)
1er refus de DE GAULLE du RoyaumeUni dans la CEE (1963) Traité franco-allemand (1963)
Discours de Phnom Penh (1966)
1969
Conférence des Etats francophones à Niamey (1969)
Retrait du commandement intégré de l’OTAN (1966) nd De Gaulle : « Vive le Québec Libre ! » 2 refus de DE GAULLE du RoyaumeUni dans la CEE (1967) (1967)
1969
Acceptation du Royaume-Uni dans la CEE application d’une décision de 1969 (1973)
POMPIDOU 1974 1974
Création du Conseil européen (1974)
GISCARD D’ESTAING
Lancement de la fusée Arianne (1979)
1981 1981
Mitterrand à Cancún (1981)
1er sommet de la francophonie à Paris (1986)
Mitterrand pour l’installation des euromissiles en Europe de l’Ouest (1983)
Rencontre Mitterrand-Kohl, le symbole de Verdun (1984) J. Delors est nommé à la tête de la Commission européenne (1984)
MITTERRAND Sommet de La Baule avec les pays africains (1990)
Traité 2 + 4 (1989 – 1990) Participation à la guerre du Golfe (1991)
1995 1995 7e sommet de la francophonie à Hanoi (1997)
CHIRAC
Discours de Dakar 2007
SARKOZY 2012
Traité d’Amsterdam (1997)
Participation à la guerre en Afghanistan (2002) Opposition France – Etats-Unis au sujet de l’intervention militaire en Irak (2003)
2007
2007
Brève reprise des essais nucléaires (1996)
OUI au référendum sur le traité de Maastricht (1992)
Entrée en circulation de l’€. Référendum en 2005 : le non l’emporte
Retour de la France dans le comman- Traité de Lisbonne ratifié par voie dement militaire intégré de l’OTAN parlementaire. (2009) Présidence française de l’UE (2008)
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De la décolonisation à la politique de coopération A
Le prestige de l’empire
Document 1 L’Union Française, sur une couverture de protège cahier du début des années 1950
« Collection Alain GESGON/CIRIP » Questions
a. Repérez les territoires sous domination française. b. Comment expliquer l’insistance sur la puissance coloniale coloniale au sortir de la 2 nde guerre mondiale ? c. Quel sentiment cherche à transmettre cette illustration ? d. En quoi est-elle déjà illusoire ? a. Les auteurs insistent sur l’immensité de l’empire : 12,5 millions de km 2, 100 millions d’habitants.
Réponses aux questions
Cela correspond d’abord à l’ensemble africain : le Maghreb (les deux protectorats du Maroc et de la Tunisie ; l’Algérie découpée en départements de la république française), l’A.O.F. (Afrique Occidentale Française), l’A.E.F. (Afrique Equatoriale Française), Madagascar. S’y ajoutent les îles de l’Océan indien comme les Comores, la Réunion, quelques comptoirs en Inde comme Mahé et Pondichéry, le domaine indochinois (ensemble des futurs Laos, Cambodge et Vietnam), les îles du Séquence 7-HG00
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Pacifique (Nouvelle Calédonie, Polynésie…), quelques territoires américains du 1 er empire colonial du XVIIe comme St Pierre et Miquelon, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane. Autrement dit, des territoires un peu partout. Par sa présence territoriale, la France France est incontestablement incontesta blement une « des premières puissance du monde ».
b. Cette illustration est surmontée d’un drapeau estampillé « Union Française », nouveau statut des colonies françaises depuis 1946. De son observation ressort nettement l’impression de puissance pour la France or la réalité géopolitique des années d’après-guerre contredit cette affirmation hâtive. La France de la fin des années 40 vit encore dans dan s la pénurie, elle est passée sous hégémonie américaine américa ine (plan Marshall, même si cela fut bénéfique pour elle), elle garde en mémoire le traumatisme de mai-juin 1940 et des années d’occupation. D’une certaine manière, les auteurs de cette couverture se voilent la face, refusent d’entériner le nouveau rapport de force international, l’émergence des deux seuls grands : USA et URSS et se complaisent dans la nostalgie d’un avant-guerre colonial.
c. Incontestablement, un sentiment de fierté nationale. d. La France, comme dit précédemment, est un vainqueur – usurpateur (en forçant un peu le trait) de la guerre mais ne compte guère sur la scène internationale. Elle n’a pas les moyens politiques ou économiques de ses ambitions mondiales. La Guerre froide la relègue au rang de puissance secondaire. Pire, dans les colonies, l’ordre colonial métropolitain est contesté comme à Sétif à Algérie le 8 mai 1945, à Madagascar où la rébellion rébell ion s’est généralisée deux ans plus tard. ta rd. Dès septembre 1945, le Vietnam proclame son indépendance… A peine définie, l’Union française craque ici et là ! En 1945, les Français Français restent assez asse z unanimement persuadés d’appartenir d’a ppartenir à une grande puissance. Cette illusion s’enracine dans le prestige maintenu de l’empire colonial. Au sortir de la guerre, il n’est pas encore question d’indépendances chez les autorités françaises. Le cadre de départ a été fixé fix é à Brazzaville en 1944 où lors d’une conférence les autorités françaises frança ises ont concédé la nécessité d’entreprendre des réformes, sociales pour l’essentiel. N’oublions pas le rôle clé de l’empire pendant la guerre, la France y a recruté des troupes et en 1943 le Gouvernement Provisoire de la France s’est installé à Alger. Les populations dominées attendent de voir reconnus leurs efforts et l’autonomie que certains nationalistes réclament comme l’AML (Ami du Peuple et de la Liberté) algérien. Or cette revendication vient buter sur la conviction que l’empire reste pour la France le meilleur sinon le seul moyen pour restaurer son rang de grande puissance. De fait, les recommandations de la conférence sont bien décevantes : « la constitution éventuelle, même lointaine, de self gouvernements dans les colonies est à écarter » et l’on reporte toute décision à la mise en place de la IV e République et de sa nouvelle constitution. Ce sera l’Union Française.
Cette position de fermeture est importante car elle va affaiblir la France sur la scène interinternationale. Cette position va en effet à contre-courant de l’évolution générale : ̈
̈
d’une part les 2 Grands, Etats-Unis et URSS se présentent comme des puissances anti-coloniales ; la France ne pourra donc pas compter sur le soutien inconditionnel des Etats-Unis.
L’ONU, nouvellement créée, rappelle dans sa charte le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes. La France est d’emblée en porte-à-faux.
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̈
Le prestige des métropoles européennes a été terni par la guerre. La France s’est notamment déconsidéré depuis la défaite de 1940 et surtout pour sa politique de collaboration avec l’occupant de 1940 à 1944. Enfin, depuis les années 20 et 30, les mouvements nationalistes anti-coloniaux s’organisent, recrutent et accroissent leur audience auprès des « masses » indigènes : en Algérie, au Maroc avec le Parti de l’Istiqlal, au Vietnam avec le Parti Communiste Indochinois.
Le statut des colonies françaises est précisé avec l’ Union Française de 1946, elle est « formée, d’une part, de la Républiqu Républiquee française qui comprend comprend la France métropolit métropolitaine, aine, les départements départements et territoires territoires d’outre-mer, d’autre part, des territoires et Etats associés ». En fait, l’essentiel des colonies reste sous une stricte domination métropolitaine malgré une rhétorique officielle assimilationniste et égalitaire. Le gouvernement français dispose selon l’article 65 de la conduite générale de l’Union !
conservatrice,, la métropole s’enferme dans un Concrètement, et en application de cette politique conservatrice 116
Séquence 7-HG00
cycle répressif. Dès 1945, les autorités françaises répriment très sévèrement les émeutes de Sétif, contenant provisoirement le nationalisme algérien. Plus spectaculairement encore est la répression féroce de l’insurrection à Madagascar en 1947. Le cas indochinois est à cet égard exemplaire. En septembre 1945, Ho Chi Minh proclame unilatéralement l’indépendance du Vietnam ; les Français ont été chassés d’Indochine par les Japonais. Dans un 1 er temps, un accord intervient entre Ho Chi Minh et Sainteny, représentant des autorités françaises (qui n’avaient jamais abandonné l’idée de reprendre pied en Indochine) reconnaissant le Vietnam comme Etat libre et membre de l’Union Française. Mais l’intransigeance des milieux d’affaires coloniaux, des militaires surtout prêts à en découdre, font éclater cet accord et la guerre peut commencer.
B
La fin du « boulet colonial » ̈
La IVe République s’enlise dans les conflits coloniaux, et d’abord dans le conflit indochinois. Ce conflit a eu une double dimension, celle d’une guerre de décolonisation et en ce sens les autorités françaises auraient pu influer sur le cours des événements par une politique plus conciliatrice, celle d’un conflit de la guerre froide et sur cet aspect, le poids politique et diplomatique de la France est plus restreint. En 1947 et 1948, la France multiplie les déclarations contradictoires reconnaissant l’indépendance du Vietnam mais toujours dans le cadre de l’Union Française, avec à sa tête l’ex-empereur Bao Daï à partir de 1949. Officiellement le Vietnam, mais aussi le Cambodge et le Laos sont indépendants, mais membres de l’Union Française et obligés de participer à la guerre contre le Vietminh d’Ho Chi Minh. Face à la guerre révolutionnaire de guérilla, les positions françaises sont affaiblies. La donne se complique par la proclamation de la République populaire de Chine en octobre 1949, soutien de poids pour Ho Chi Minh. Une 1 re défaite militaire retentissante en octobre 1950 à Cao Bang près de la frontière chinoise rappelle l’ enlisement des troupes françaises à une opinion publique encore très indifférente à ce conflit colonial. L’internationalisation du conflit (au sens où ce n’est plus un affrontement uniquement franco-vietnamien) révèle crûment la place subordonnée de la France dans les relations internationales. En effet, à partir de 1950, les Etats-Unis, malgré quelques réserves pour cette guerre coloniale, accordent leur aide militaire à la France au nom de l’endiguement du communisme, rendant de facto toute solution diplomatique impossible ; à la veille de la défaite française, les Etats-Unis iront jusqu’à financer 80 % de ce conflit. La France n’a plus les moyens de ses ambitions . Il apparaît clairement que la voie militaire est une impasse pour la France. Progressivement Progressive ment s’impose l’idée d’une solution négociée mais on ne sait trouver les partenaires avec qui négocier, le Vietminh comptant plutôt sur un pourrissement de la situation situat ion et une attaque décisive. Ce sera Dien Bien Phû où les Français ont aménagé un camp retranché en novembre 1953 ; dès mars 1954 la cuvette est perdue. L’aide américaine ne vient pas et Dien Bien Phû tombe le 7 mai 1954. La conférence de Genève règle le sort de l’ancienne Indochine I ndochine française avec la l a partition du Vietnam e en 2 Etats rivaux au delà du 17 parallèle, l’indépendance du Laos comme du Cambodge. En juillet 1954, un élément important de l’Union française, donc de l’empire colonial est perdu. La France subit une nouvelle défaite humiliante après celle de 1940. La fin de l’empire s’esquisse… Dès la Toussaint 1954, surviennent les « événements d’Algérie »…
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Pour autant, il ne faudrait pas assimiler la politique coloniale de la IV e République à un strict immobilisme. Globalement, c’est incontestable mais au milieu des années 1950, il y eut un temps de décrispation et d’ouverture appréciable. La reconnaissance des revendications nationalistes est surtout le fait du gouvernement de Pierre Mendès France qui a signé les accords de Genève. Cela correspond en Afrique à l’émancipation des deux protectorats tunisien et marocain. Le président du Conseil rompt avec la politique répressive de ses prédécesseurs ; il permet le retour du sultan Mohamed V au Maroc en 1954, ce dernier ayant été exilé de force à Madagascar en 1953 ; en Tunisie il libère Habib Bourguiba, leader du parti nationaliste, le Néo Destour. A Carthage en juillet 1954, il promet à la Tunisie l’autonomie interne. Un traité est signé dès 1955 avec Bourguiba. L’indépendance complète est accordée en mars 1956 après que le Maroc eut obtenu la sienne. Le Maroc était devenu incontrôlable avec de trop nombreuses rébellions malgré la restauration de Mohammed V.
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Dans la même veine émancipatrice, émancipatri ce, évoquons Defferre avec sa loi-cadre (alors ministre de la France d’Outre-mer) de 1956. Préparée dès 1955, cette loi fixe un cadre général, favorise l’autonomisation des terres africaines (à l’exception évidemment de l’Algérie !), les doubles collèges électoraux sont supprimés (français et africain), les pouvoirs locaux sont renforcés avec localement des assemblées et un conseil de gouvernement. Cette loi prépare, sans le dire explicitement, la décolonisation.
d’ouverture. Il L’année 1956 est aussi très douloureuse pour la France et stoppe net les velléités d’ouverture. s’agit de l’affaire de Suez. L’opération est concluante sur le plan militaire mais sous la menace d’une intervention nucléaire soviétique, les Français et les Britanniques doivent se retirer du delta du Nil. C’est un échec diplomatique complet. Dans son aventure coloniale, la France a été lâchée par les Etats-Unis Etats-Unis.. Concrètement, cela prouve qu’en 1956, la France ne fait plus partie du « club » des grandes puissances. Sans l’arme nucléaire et sa force dissuasive, elle n’est rien sur la scène mondiale. Pourtant, en 1956, à l’exception des communistes, l’opinion publique reste encore réceptive à la « mystique impériale coloniale coloniale ». ̈
L’Algérie l’a détruite définitivement. A peine la guerre d’Indochine achevée, à la Toussaint 1954 débutent « les événements d’Algérie » … L’Algérie était un territoire original, composé de 3 départements, autrement dit elle était considérée comme partie intégrante de la République. Cependant, une organisation politique spécifique lui était attribuée avec le système du double collège qui assurait une surreprésentation de la communauté européenne et verrouillait de fait toute évolution. Les attentats de la Toussaint Toussaint 1954 inaugurent un long conflit ; les autorités métropolitaines comme les partis politiques se refusent à considérer la lutte des nationalistes algériens comme un combat de décolonisation. Ainsi, les mêmes hommes qui avaient négocié l’indépendance de l’Indochine et favorisé l’émancipation des protectorats, se refusent à toute concession sur l’Algérie ; on sait la formule du ministre de l’Intérieur de l’époque, François Mitterrand en 1954 : « L’Algérie, c’est la France ». Aussi la seule réponse face au FLN est-elle la répression, or la répression nourrit la rébellion et accentue la césure entre communautés. Les « événements d’Algérie » commencent à être une affaire obsessionnelle pour les politiques comme pour la population. Un 1er tournant important a lieu en 1956 avec la présidence du Conseil de Guy Mollet, un socialiste. En mars 1956, « des pouvoirs spéciaux en vue du rétablissement de l’ordre en Algérie » sont votés et surtout Mollet décide de l’ envoi du contingent : 200 000 appelés du contingent en 56, 400 000 en 1957 pourtant la situation militaire ne s’améliore pas pour autant malgré les ratissages, la torture… La crainte de l’abandon chez les militaires comme chez les Européens d’Algérie provoque en 1958 une crise politique fatale pour la IVe République. Le 13 mai, les partisans de l’Algérie française défilent à Alger contre Pflimlin, président du Conseil pressenti dont on craint le libéralisme. C’est dans ce contexte que de Gaulle est rappelé aux affaires.
algérienne. Nous n’en rappellerons que la trame C’est de Gaulle qui assura la décolonisation algérienne. sans en exposer les aspects politiques intérieurs (considérables). Le général a d’abord une attitude ambiguë : « je vous ai compris ». En 1959, il propose l’autodétermination c’est-à-dire une solution politique entre indépendance, assimilation ou association puis infléchit son discours progressivement, en 1960 il évoque « l’Algérie algérienne » . Il sait la décolonisation inévitable mais voudrait garder pour la France un rôle important en Algérie ; de plus le conflit algérien isole complètement la France sur la scène internationale : comment dès lors mener une politique étrangère de grandeur quand le pays est systématiquement dénigré pour ses exactions en Algérie ? L’Assemblée Générale de l’ONU a manqué de condamner la France dès 1959 ! L’Algérie incarne cette idée du « boulet colonial » : le conflit coûte cher tout comme le développement de l’Algérie. Finalement, la politique personnelle de de Gaulle face à l’Algérie aboutit aux négociations d’Evian qui conduisent enfin à l’indépendance de l’Algérie en 1962. C’est pour la France un tournant clé car une longue période de guerre de 1939 à 1962 se clôt, le mirage impérial colonial se désagrège irrémédiablement. De 1954 à 1962, la guerre d’Algérie a profondément profondémen t divisé les Français : recours à la torture, pouvoirs spéciaux, rébellion des intellectuels, intellectuel s, barricades d’Alger en 1959, putsch de 1961, OAS… On n’oubliera pas cette dimension essentielle qui relève de l’histoire politique française.
De Gaulle est le grand décolonisateur de l’empire l’em pire, le cas de l’Afrique noire le montre à merveille. L’évolution fut plus rapide et calme qu’en Algérie. La politique gaullienne de décolonisation
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est pragmatique pragmatique.. A deux reprises, il la justifie, en 1961 : « la décolonisation est notre intérêt, donc notre politique » et a posteriori dans ses « Mémoires d’Espoir » : « j’étais résolu à la [France] dégager des astreintes, désormais sans contrepartie, que lui imposait son Empire ». En 1958, dans le cadre des nouvelles institutions de la V e République, la Communauté française remplace l’Union avec
évolution possible entre 3 statuts : département, territoires d’outre-mer ou République membre de la Communauté, avec en ce cas possibilité d’accession à l’Indépendance. Partout en Afrique noire, cette évolution est ratifiée par référendum sauf en Guinée, aussitôt indépendante. Dans les faits, la Communauté qui cherchait à s’apparenter au Commonwealth britannique a mal fonctionné, ses membres aspirant tous à l’indépendance. l’indépendan ce. En 1960, tour à tour, tous les membres de la Communauté accèdent à l’indépendance sans conflit avec la France. En accord avec l’opinion publique française au 3/4 favorable, de Gaulle permet la décolonisation de l’Afrique noire tout en préservant les intérêts français.
C
La coopération ou le maintien de liens, plus ou moins étroits, avec les anciennes colonies Soucieux des intérêts nationaux nationa ux et du rayonnement de la France dans le monde, monde, de Gaulle lance comme grande ambition la politique de coopération.
Document 2 La coopération selon Georges Pompidou « A cette politique de coopération, il y a de nombreuses raisons […]. Ce sont d’abord, reconnaissons-le, des raisons historiques. En fin de compte, […] la politique de coopération est la suite de la politique d’expansion de l’Europe au XIXe siècle, qui s’est marquée par la création ou l’expansion de vastes empires coloniaux, ou par la présence, l’influence économique et politique de l’Europe dans d’immenses contrées. […] La coopération a également des raisons économiques. […] Les pays industriels souhaitent souhaite nt pouvoir développer leurs ventes dans les pays non industriels, et l’expérience prouve de plus en plus que, pour pour pouvoir maintenir ou développer ses ventes, il faut fournir des moyens d’achat aux pays preneurs, soit en leur achetant, soit en leur prêtant, soit même en leur donnant. […] La coopération a également des raisons politiques. C’est évident. Et je suis satisfait que certains orateurs l’aient indiqué clairement, car c’est faire preuve d’aveuglement ou d’une excessive pudeur que de nier que présentement, dans le monde, les pays en voie de développement sont pour beaucoup un champ de rivalités entre les pays industriels, particulièrement entre les pays du monde communiste et les pays du monde libre, plus précisément encore entre les Etats-Unis et l’Union soviétique. […] Il y a enfin et surtout à la coopération […] des raisons morales et humaines valables pour tous […]. Et en inversant la formule empruntée tout à l’heure au rapport Jeanneney, je dirai qu’ici l’éthique rejoint la politique au sens le plus élevé du terme. En effet, effet, plus que la coupure dont on parle si fréquemment entre le monde communiste et le monde libre et qui est en train de se modifier, ne serait-ce serait-ce que par l’éclatement du monde communiste, la coupure entre les pays riches et les pays pauvres, entre les pays industriels et les pays où le développement industriel n’a pas lieu, devient le fait majeur du XXe siècle. » Discours à l’Assemblée Nationale, 10 juin 1964.
Questions
a. Situez le document. b. Quelles sont les justifications avancées par l’auteur pour défendre la politique de coopération ? c. Montrez d’après ce texte en quoi la politique de coopération est un instrument de la politique étrangère française. Séquence 7-HG00
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d. D’après le 1er paragraphe : « Ce sont d’abord… contrées » , quelle critique, constitutive de la politique de coopération, peut-on peut-on émettre ? a. Ce document est un discours [nature] à l’Assemblée nationale daté du 10 juin 1964 où Georges Réponses aux questions
Pompidou, 1er ministre du général de Gaulle depuis 1962 [auteur] justifie la nécessité d’une politique de coopération avec les espaces anciennement colonisés par la France [principal thème abordé]. Depuis 4 ans, toute l’Afrique Noire française est indépendante, depuis 2 ans l’Algérie ; la France n’a plus d’empire colonial [contexte] .
b. Pompidou mobilise 4 types d’arguments pour justifier cette politique : – « des raisons historiques » , il n’est pas question de renoncer à l’influence de la France sur des territoires où elle était précédemment présente : « la suite de la politique d’expansion de l’Europe au XIX e siècle ». Il n’y a pas de raison de rompre cette tradition. tradition. – « Des raisons économiques ». Les mêmes arguments qui avaient justifié la colonisation justifie la coopération ; le Tiers-Monde, c’est un marché potentiel pour les produits industriels français, donc une source de puissance économique à condition de rendre ces pays solvables : « il faut fournir des moyens d’achat aux pays preneurs ». – « Des raisons politiques ». La France soucieuse de son indépendance et voulant éviter toute allégeance à l’un des deux blocs, quoique placée dans l’Occident sous obédience étatsunienne, a bien compris que les pays nouvellement indépendants de son ancien empire colonial tomberaient sous la coupe de l’un ou l’autre des 2 Grands sans son intervention : « les pays en voie de développement sont pour beaucoup un champ de rivalités… plus précisément encore entre les Etats-Unis et l’Union Soviétique ». La politique de coopération est donc un instrument de stabilité géopolitique pour la France et une garantie du maintien de son rayonnement international. – « Des raisons morales et humaines ». En cela, la politique de coopération est novatrice, elle prend acte d’une nouvelle fracture mondiale qu’on appellera plus tard Nord-Sud qui se surimpose à la traditionnel traditionnelle le bipolarisation est-ouest : « Plus que la coupure… entre le monde communiste et le monde libre… la coupure entre les pays riches et les pays pauvres… devient le fait majeur du XX e siècle ». En quelque sorte, la politique de coopération selon Pompidou est une forme de solidarité, de redistribution des richesses ; c’est donner une dimension « éthique » aux relations internationales.
c. La politique de coopération est d’abord un instrument de la politique étrangère gaullienne, elle en est un moyen d’expression par : – son souci du rayonnement international de la France : « influence économique et politique de l’Europe » et le rappel de son universalisme (4 e §) ; – l’indépendance à l’égard des 2 blocs (3 e §) ; – l’obsession l’o bsession de grandeur, de puissance pour la France avec l’économie comme source de puissance puissanc e e (2 §).
d. Pompidou le lâche explicitement : « la politique de coopération est la suite de la politique d’expansion… marquée par … de vastes empires coloniaux » , autrement dit sans prendre les formes du vieil impérialisme avec occupation de territoires, la coopération peut être perçue comme un néo-colonialisme, une politique clientéliste, une manière d’entretenir les liens par la dépendance économique ou politique entre la France et ses anciennes colonies.
Le discours de Georges Pompidou nous a présenté la philosophie générale de la coopération, sans en Gau lle, la politique déterminer cependant le contenu concret. Lancée dès 1960 par le président de Gaulle,
de coopération revêt de multiples aspects : ̈ militaire. La France forme les nouvelles armées et par une série de traités s’engage à protéger les nouveaux Etats, des bases militaires parfois très importantes sont installées en Afrique comme en Centrafrique, Gabon, Tchad, Sénégal, Côte d’Ivoire, Djibouti. Elles permettent une rapidité d’intervention en cas de crise sur le continent africain. ̈ financier avec la mise en place de la Communauté financière financière africaine, la fameuse « zone franc ». 14 pays d’Afrique francophones francop hones ont comme devise le franc CFA, maintenant ainsi une solidarité 120
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monétaire avec l’ancienne l’anc ienne métropole et s’assurant aussi une stabilité monétaire. monéta ire. Ces liens monétaires étroits ont cessé depuis 1994 avec la décision française de dévaluer de 50% le franc CFA laissant au FMI la tutelle sur les économies africaines et surtout depuis 1999 avec l’adoption de l’ € par la France. ̈
Économique par la présence de conseillers techniques et surtout de nombreuses sociétés françaises, par les crédits d’aide au développement.
̈
Culturel. Dans les années 60, de nombreux coopérants français sont enseignants, notamment en Algérie… La France cherche surtout à utiliser la communauté de langue, le français comme instrument de rassemblement sous ses auspices ; à partir de 1969 naît officiellement à la conférence de Niamey la francophonie pour défendre l’utilisation de la langue française dans les anciennes colonies. Jusqu’aux années 1980, la francophonie reste un principe assez creux. On ne peut pas dire que cette politique fut une priorité ; l’effort qui y était consacré n’ayant cessé de diminuer. De 1,5 % du PNB au début des années 60, cette politique est tombée bien audessous des 1 % promis aujourd’hui, les coopérants se font rares. En fait, l’Union Européenne a pris le relais de la politique de coopération sous la forme d’une aide au développement ; le cas ACP (Afrique, Caraïbes, Pacifique), des type en étant les accords de Lomé entre la CEE et les pays ACP accords commerciaux privilégiés régulièrement reconduits et élargis jusqu’à nos jours. Finalement, et nous y reviendrons ponctuellement, la politique de coopération s’est diluée en une politique de dialogue Nord-Sud avec l’extension de ses bénéficiaire bénéficiairess non seulement aux pays de l’ancien empire colonial français mais aussi à nombre d’autres PED.
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Les constantes de la politique étrangère française A
L’ancrage européen Rappel Quelques dates-clés de la construction européenne 1947
Création du Benelux (association de la Belgique, des Pays-Bas et du Luxembourg).
Avril 1948
Mise en place de l’OECE (Organisation Européenne de Coopération économique) économique) afin de coordonner les aides américaines du plan Marshall et regroupant 16 pays européens dont la France France..
Mai 1948
Congrès de la Haye des Mouvements Européens. Européens.
Mai 1949
Création du Conseil de l’Europe (institution sans pouvoir tangible, sur laquelle la construction européenne ne se fera pas).
Mai 1950
Plan Schumann.
Avril 1951
Traité de la CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier) entre 6 pays : France, RFA, Italie, Benelux, mise en commun des production de charbon et d’acier.
1954
Echec de la CED (Communauté Européenne de Défense). Des 6, seule la France ne la ratifi e pas alors qu’elle l’avait proposée par peur d’un réarmeme réarmement nt allemand et de toute perte de souveraineté. L’Europe de la Défense se fera donc sous tutelle états-unienne.
Mars 1957
Traités de Rome instaurant la CEE (Communauté Economique Européenne) c’est-à-dire un marché commun (effectif en 1968) sans barrières douanières entre les 6 et instaurant également l’Euratom (communauté de l’énergie atomique) vite boudée par la France qui veut développer une politique autonome autonome..
1962
Mise en place de la PAC (Politique Agricole Commune) dont la France est le principal bénéficiaire.
1963
Refus de de Gaulle du Royaume-Uni dans la CEE.
1965
Politique de la « chaise vide » de de Gaulle, blocage des institutions européennes.
Janvier 1966
Compromis de Luxembourg, la CEE fonctionnera selon les vues françaises avec l’unanimité comme règle de fonctionnement fonctionnement..
1967
Fusion des exécutifs européens (CEE, CECA, Euratom).
1967
2e refus de de Gaulle du Royaume-Uni dans la CEE.
1969
Sommet de la HAYE, accords sur l’entrée du Royaume-Uni dans la CEE (En France, présidence de Pompidou).
1973
1er élargissement à 9 de la CEE (entrée du Royaume-Uni, du Danemark et de l’Irlande).
1979
Entrée en vigueur du SME (Système Monétaire Européen).
1986
Acte Unique européen ; projet d’un grand marché des Douze (marchandises, capitaux, libre circulation des personnes …).
1990
Accords de SCHENGEN (absence de postes douaniers aux frontières des Etats ayant ratifiés).
1992
Signature du traité de MAASTRICHT instituant pour janvier 1993 l’UNION EUROPEENNE.
1999
Mise en place de l’€ pour les pays respectant les critères économiques de convergence.
2002
Circulation de l’€ dans les 12 pays de l’Union dont la France.
2004
Elargissement de l’Union Européenne à 25.
2005
«Non» au référendum sur le Traité Constitutionnel européen.
2008
Ratification du traité de Lisbonne. La France France préside l’Union européenne européenne..
La construction européenne est aujourd’hui le principal horizon de la politique étrangère française ; sa remise en cause n’est plus envisagée que par des courants politiques extrémistes. Pourtant elle ne bénéficie pas d’un fort soutien populaire. 122
Séquence 7-HG00
Jusqu’aux traités de Rome instituant la CEE, l’ancrage européen de la France est contesté, ce qui ne manque pas de surprendre car la France a été motrice dans cette aventure. Ensuite, la réussite de la construction économique économ ique européenne crée un relatif consensus autour d’elle d’ell e ; une mystique de l’Europe s’impose progressivement venant remplacer celle de la puissance de l’empire colonial perdu. L’Europe devient un instrument de puissance pour la France. Depuis les années 1990, l’Europe par son intégration renforcée représente non plus un instrument optionnel mais une condition indispensable au rayonnement international français. La France ne compte plus qu’associée à ses partenaires de l’Union.
ᕡ
1945-1957, la construction européenne, européenne, moyen pour assurer la paix en Europe Occidentale
La construction européenne est un vieux rêve qui a commencé de s’incarner grâce à la guerre froide. En 1948, en contrepartie du plan Marshall, les Américains imposent aux Européens de se concerter dans le cadre de l’OECE. Elle est le fruit d’une volonté politique, celle des démocrates-chrétiens notamment des membres du MRP français comme Schuman mais aussi d’une crainte, la guerre. Il fallait écarter le risque d’une nouvelle conflagration franco-allemande franco-allemande après la Grande Guerre et la nde re 2 guerre mondiale. Ce sera la fonction 1 de l’Europe, assurer la paix et secondairement favoriser la restauration des économies ouest-européennes. Le processus s’enclenche dès 1950 avec le plan Monnet repris par le ministre des affaires étrangères L’Europe n’a n’ a pas été faite, nous avons eu la guerre g uerre ». Ce sont les autorités françaises Robert Schuman : « L’Europe qui proposent la CECA à la RFA à la fois pour la surveiller, empêcher un réarmement incontrôlé et jouer sur les compléme complémentarités ntarités entre les deux économie économies. s. Signée en 1951, la CECA rassemble 6 pays (Benelux, RFA, Italie et France) et fonctionne assez bien ; son originalité tient en l’existence d’ un organisme supranational, la Haute Autorité, indépendante des gouvernements. Les pères fondateurs de l’Europe ont encore une approche pragmatique : faire l’Europe l’ Europe ponctuellement, sur des dossiers précis en créant entre les nations européennes une solidarité de fait plutôt qu’une construction générale et théorique. Selon la même logique, et toujours en 1950, la France propose la CED, projet très novateur supposant là encore un abandon partiel quoique plus conséquent de souveraineté. Ce projet ambitieux
d’une défense ouest-européenne est abandonné en 1954, l’Assemblée nationale refusant de la ratifier ; les communistes y voient un projet anti-soviétique (n’oublions pas le contexte de guerre froide) et craignent une Allemagne « revancharde » : pourquoi la réarmer ? Les gaullistes ne veulent pas entendre parler d’abandon de la moindre parcelle de souveraineté. Cet échec n’empêche pas le processus de construction européenne européenne d’être aussitôt relancé : en mars 1957 les traités de Rome instaurent la CEE des 6 et l’Euratom. Dans cette nouvelle étape, les autorités françaises ont été au début à la traîne (sauf peut-être sur l’Euratom), en effet la CEE marque une inflexion par rapport à la philosophie des pères fondateurs démocrates-chrétiens, elle est essentiellement économique (faire un marché commun) et les abandons de souveraineté sont limités. La CEE est entérinée à la différence de la CED car en France le mouvement gaulliste s’est effondré aux législatives de mars 1956 et Mollet, profondément européen, est président du Conseil.
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1958-1984, la CEE tremplin pour la puissance (économique) française
La CEE entre en fonction en 1958 or 1958 correspond à une césure politique majeure avec l’avènement de la Ve République et le retour de de Gaulle aux affaires ; ce dernier ne s’est jamais illustré par son engagement europhile. Pourtant, il ne remettra pas en cause l’ancrage européen de la France ; il l’infléchira cependant assez nettement.
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Document 3 La conception gaullienne de l’Europe « […] Construire l’Europe, c’est-à-dire l’unir, c’est évidemment quelque chose d’essentiel. Il est banal de le dire, pourquoi faudrait-il que ce grand foyer de la civilisation, civil isation, de la force, de la raison, de la prospérité, prospérité , étouffe sous sa propre cendre ? Seulement, dans un pareil domaine, il faut procéder, non pas suivant des rêves, mais d’après des réalités. Or quelles sont les réalités de l’Europe ? Quel sont les piliers pilier s sur lesquels on peut la bâtir ? En vérité, ce sont des Etats qui qu i sont, certes, très différents les uns des autres, qui ont chacun son âme à soi, son Histoire à soi, soi , sa langue à soi, ses malheurs, ses gloires, ses ambitions à soi, mais des Etats qui q ui sont les seules seul es entités, qui aient le droit d’ordonner et l’autorité pour agir. Se figurer qu’on peut bâtir quelque chose qui soit efficace pour l’action et qui soit soi t approuvé par les peuples en dehors et au-dessus au-dess us des Etats, c’est une chimère. Assurément, en attendant qu’on ait pris corps à corps et dans son ensemble le problème de l’Europe, il est vrai qu’on a pu instituer certains organismes plus ou moins extranationaux. Ces organismes ont leur valeur technique, mais ils n’ont pas, et ils ne peuvent pas avoir d’autorité et, par conséquent, d’efficacité politique. Tant qu’il ne se passe rien de grave, ils fonctionnent sans beaucoup d’histoires, mais dès qu’il apparaît une circonstance dramatique, un grand problème à résoudre, on s’aperçoit, à ce moment-là, que telle « HauteAutorité » n’en a pas sur les diverses catégories nationales et que seuls les Etats en ont. […] Ch. de Gaulle, Conférence Conférence de presse tenue au palais de l’Elysée, 5 septembre 1960.
Questions
a. Sur quoi de Gaulle fonde-t-il son idée de l’Europe ? Qu’est-ce que cela implique quant à sa conception de l’unité de l’Europe ? b. En quoi s’oppose-t-il à la construction européenne telle qu’elle existe et en quoi reprend-il un aspect de l’approche des pères fondateurs de l’Europe ?
Réponses aux questions
a. Pour de Gaulle, l’Europe est une addition d’Etats, il ne reconnaît que l’idée d’Etat - nation : « en vérité, ce sont des Etats… des Etats qui sont les seuls entités qui aient le droit d’ordonner et l’autorité pour agir » ; ce constat implique une conception confédérale de l’Europe, des Etats qui se regroupent volontairement sans renoncer à leur souveraineté respective, ce sera son « Europe des patries ».
b. La vision gaullienne s’oppose à la conception fédéraliste des pères fondateurs démocrates-chrétiens, elle récuse la légitimité et l’efficacité des institutions supranationales de la CECA : « Haute Autorité »… « on a pu instituer certains organismes plus ou moins internationaux. Ces organismes ont leur valeur technique mais… ils ne peuvent pas avoir d’autorité et, par conséquent, d’efficacité politique ». D’un autre côté, De Gaulle garde l’approche empirique et pragmatique des pères fondateurs : « il faut procéder, non pas suivant des rêves, mais d’après des réalités… »
De Gaulle endosse l’héritage européen de ses prédécesseurs mais ne l’accepte que s’il contribue à la puissance économique de la France. De fait, la CEE fonctionne fonct ionne bien, dès 1968 le Marché Commun est réalisé avec un tarif extérieur commun et disparition des droits de douane en interne. La mise en place de la PAC en 1962 était une exigence française ; l’agriculture française se modernise et conquiert les marchés européens. Elle est la grande bénéficiaire des subventions européennes et contribue à l’essor de notre économie. Mais la PAC coûte cher, cher, en 1965 la Commission propose de réformer réforme r son financement. financement . De Gaulle refuse ses propositions au nom de la préservation des intérêts nationaux et du refus de toute extension de la supranationalité, pendant 6 mois il pratique la « politique de la chaise vide » et refuse que la France participe au fonctionnement des institutions européennes. Le blocage est complet jusqu’au
compromis de Luxembourg en janvier 1966. La vision gaullienne confédérale de l’Europe s’impose avec prise de décision à l’unanimité sur les questions essentielles où des intérêts nationaux vitaux seraient discutés. Pour de Gaulle, la CEE est un instrument de puissance pour l’économie l’éc onomie française, frança ise, il subordonne l’Europe aux intérêts économiques et politiques de la France. C’est ainsi qu’on peut lire son double refus de voir le Royaume-Uni entrer dans la CEE d’abord en 1963 puis en 1967, trop lié aux Etats-Unis : « il apparaîtrait une Communauté atlantique colossale sous dépendance dépendance et direction américaine ». On sait que Pompidou cèdera sur ce point en 1969 au sommet de La Haye, en 1973 la CEE connaît son 1 er élargissement avec l’entrée du Royaume-Uni, de l’Irlande et du Danemark. 124
Séquence 7-HG00
Valéry Giscard d’Estaing accepte l’électio l’électionn du Parlement Parlement européen europé en au suffrage universel direct (1979), assemblée ayant alors peu de pouvoirs et surtout contribue à la mise en place du système monétaire européen (1979), limitation plus que symbolique de souveraineté ! Cependant son engagement européen reste par certains aspects traditionnel, avec l’institutionnalisation des sommets des chefs d’Etats européens (1974), il entérine la primauté des Etats dans la construction européenne. En préparant les élargissements méditerranéens, grec (1981), portugais et espagnol (1986), il place la France au cœur de l’espace communautaire.
ᕣ
Depuis 1984, l’Europe horizon indépassable de la France
Dans le cadre de la bipolarisation Est-Ouest, de la crise économique à partir de 1974, l’influence mondiale de la France ne cesse de s’amoindrir. A l’inverse, la réussite économique de l’intégration européenne fait de la CEE puis de l’Union un nouvel acteur essentiel sur la scène internationale. Pour la France, l’approfondissement de la construction européenne devient désormais un moyen de compter encore et porte l’espoir d’enfin faire contrepoids à l’hégémonie américaine : « Partager la souveraineté pour mieux rayonner » disait Jacques Delors, président de la Commission à partir de 1985. La France a joué un rôle majeur dans la relance de la construction européenne ; c’est l’œuvre d’un homme : François Mitterrand. Celui-ci bénéficie d’un contexte favorable avec, en Allemagne, un chancelier tout aussi disposé aux avancées européennes : Helmut Kohl. En 1984, Mitterrand choisit l’Europe et une « politique de rigueur ». Grâce aux efforts de Jacques Delors, l’Acte Unique est adopté en 1986, il amplifie le champ d’application des traités de Rome (notamment la libre circulation circulatio n des hommes, des capitaux, des marchandises et des services) et développe la pratique p ratique du vote à la majorité qualifiée. C’est une nette rupture avec la politique européenne gaullienne.
Traité de Maastricht en 1992 qui Toujours dans cette logique, l’adoption puis la ratification du Traité amplifie l’Acte Unique, crée l’Union Européenne. C’est un choix politique essentiel car désormais la France s’engage à une coopération plus étroite avec ave c ses partenaires, d’où le refus des néo-gaullistes lors de la campagne référendaire. Maastricht enclenche le processus d’union économique et monétaire qui aboutit en 1999 avec l’adoption de l’ € par la France en contrepartie du respect des critères de convergence. Pour la France, cela signifie l’abandon officiel de sa souveraineté monétaire. L’engagement européen de Chirac est moins spectaculaire mais existe bel et bien ; il reprend conjointement avec l’Allemagne le chantier de l’ approfondissement, notamment la réforme des processus de décisions avec le compromis de Nice (2001) et le projet de Constitution porté par la Convention
présidée par un français, Giscard d’Estaing en 2003. Il faut trois ans pour surmonter le « non » des Français au référendum de 2005 : en 2008, Nicolas Sarkozy fait ratifier par la voie parlementaire, le traité de Lisbonne.
B
Le souci de l’indépendance nationale C’est une orientation cardinale de la Ve République, pour l’essentiel, définie par le général de Gaulle.
ᕡ
La « force de frappe » ou une défense nucléaire autonome
L’échec de Suez de 1956 en avait révélé la nécessité si la France voulait rester sinon une grande puissance, c’était déjà illusoire, du moins une puissance moyenne. En réalité, et contrairement à ce que laisserait penser la propagande gaulliste, gaulli ste, c’est la IVe République qui a donné à la France l’arme nucléaire. La décision officielle date de 1958 et est l’œuvre de Félix Gaillard, président du Conseil. Dès 1945, le Commissariat à l’énergie atomique avait été créé. Quand il arrive au pouvoir, de Gaulle reprend et systématise le programme nucléaire. Dès 1960, la 1re bombe atomique française explose à Reggane dans le Sahara algérien. Cette arme est ensuite régulièrement perfectionnée et « améliorée », dès 1968 la France se dote de la bombe à hydrogène hydrogène.. Régulièrement jusqu’aux Séquence 7-HG00
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années 1980 incluses, les essais nucléaires se poursuivent sur l’atoll polynésien polynés ien de Mururoa. La dernière étape de cette amélioration de l’arme atomique est la brève reprise des essais nucléaires en 1996 malgré une opinion publique internationale très hostile ; le président Chirac souhaitant pouvoir à la fois miniaturiser l’arme et disposer d’une masse documentaire suffisante pour passer à une simulation informatisée. Cette arme prend plusieurs aspects : missiles installés sur des rampes terrestres sur le plateau d’Albion en Provence, aujourd’hui démantelés, missiles embarqués dans les sous-marins comme le Redoutable en 1967 ou plus simplement bombes embarquées sur des avions bombardiers comme les Mirage IV. La France se donne la possibilité d’atteindre tout agresseur éventuel.
Dissuader, c’est toute la « philosophie » de cette arme :
Document 4 La force de frappe « Les principes et les réalités s’accordent pour conduire la France à se doter d’une force atomique qui lui soit propre. Cela n’exclut pas, bien entendu, que soit combinée l’action de cette force avec celle des forces analogues de ses alliés. Mais, Mais, pour nous, dans l’espèce, l’intégration est une chose qui n’est pas imaginable. En fait, on le sait, nous avons commencé par nos propres moyens à inventer i nventer,, à expérimenter et à construire des bombes atomiques et des véhicules pour les lancer […]. Il est parfaitement vrai que la quantité de moyens nucléaires dont nous pourrons nous doter n’équivaudra pas, pas, de loin, à la masse de ceux des deux géants d’aujourd’hui […]. La force atomique a ceci qui lui est propre qu’elle a une efficacité certaine, et dans une mesure effraya effrayante, nte, même si elle n’approche pas du maximum imaginable […]. Je veux dire […] que la force atomique française, dès l’origine de son organisation, aura la sombre et terrible capacité de détruire en quelques instants des millions et des millions d’hommes. Ce Ce fait ne peut manquer d’influer, au moins quelque peu, sur les intentions de tel agresseur éventuel » . Charles de Gaulle, conférence de presse du 13 janvier 1963.
Questions
a. En quoi l’armée nucléaire est-elle dissuasive ? b. Quelle critique veut-il contrer quand il affirme : « il est parfaitement vrai que la quantité de moyens nucléaires nucléair es dont nous pourrons nous doter n’équivaudra n’éq uivaudra pas, de loin, à la masse de ceux des deux géants d’aujourd’hui » ?
c. A quoi se refuse-t-il absolument ? a. L’arme nucléaire est dissuasive dissuasi ve par ses capacités de destruction destruc tion phénoménale : « capacité de détruire Réponses aux questions
en quelques instants des millions et des millions d’hommes » ; subir une attaque nucléaire entraînerait des dommages incommensurables : « ce fait ne peut manquer d’influer, au moins quelque peu, sur sur les intentions intentions de tel agresseur agresseur éventuel éventuel ». b. Par cette phrase, de Gaulle veut contrer une double doubl e opposition, ceux qui récusent « la bombinette », les socialistes d’alors, perplexes sur son utilité et son efficacité, ceux qui en déplorent le coût exorbitant et craignent le déséquilibre des moyens nucléaires au détriment de la France (donc au profit de l’Union Soviétique). c. « L’intégration L’intégration est une chose qui n’est pas imaginable » ; » ; de Gaulle se refuse à placer la force nucléaire française dans un dispositif occidental intégré sous hégémonie états-unienne, proposition qu’il a refusé l’année précédente. Cela implique la continuation unilatérale des expérimentations, ainsi cette même année (1963) se refusa-t-il à ratifier le traité d’arrêt des expérimentations nucléaires dans l’atmosphère.
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Le « pré carré » africain
Depuis 1962 et la décolonisation, la France s’est taillée une zone d’influence privilégiée en Afrique, un peu comme les Etats-Unis en Amérique Latine. L’attention au « pré carré » africain n’a plus cessé depuis même si l’influence française y décline assez nettement depuis 1997. Cette politique est souvent le fait du chef d’Etat et de son entourage proche, ainsi Foccart sous de Gaulle et Pompidou, le fils de Mitterrand pendant sa présidence… L’objectif principal de cette politique africaine est de contrer l’influence états-unienne. On pourra lui reprocher son aspect opaque et corrompu, pensons au rôle douteux de la société ELF (devenue Total) au Gabon. 126
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De Gaulle et Pompidou maintiennent la politique de coopération qu’ils avaient définie. Avec Giscard d’Estaing et ses successeurs il y a une nette évolution avec un interventio interventionnisme nnisme plus grand d’un côté et la multiplication des sommets franco-africains de l’autre.
L’interventionnisme se traduit par des opérations militaires comme l’intervention au Zaïre en 1978 dont l’objectif avoué restait le maintien de l’unité du pays et inavoué le maintien au pouvoir du dictateur Mobutu ; en 1979 une autre opération renverse le général Bokassa en Centrafrique ; en 1983 puis 1986 au Tchad pour contrer la Libye voisine expansionniste, en 2003-2004 en Côte d’Ivoire comme force d’interposition entre le gouvernement et les rebelles du Nord. Cette politique a montré ses limites en 1997 quand Mobutu a été chassé par Kabila au Zaïre devenu République démocratique du Congo, appuyé par les Américains. La politique africaine ne se réduit pas cependant aux interventions armées et secrètes ; s’est dévelopfranco-africains,, annuels depuis les années pée une diplomatie de spectacle avec les sommets franco-africains 1970. Formels dans leur ensemble, on retiendra cependant le sommet de La Baule en 1990 où l’exmétropole donne des leçons de démocratie à un continent dominé par les dictatures, les meurtres, massacres et la corruption corruption… … Quoiqu’il en soit et malgré ses limites actuelles, la politique africaine de la France demeure une constante importante, à la fois pour la France dont elle assure un rayonnement rayonne ment régional et pour l’Afrique, l’Af rique, la France France restant la seule puissance à réellement s’y intéresser, mais les anglais et les chinois aussi !
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« Alliés, mais pas alignés »
Ce fut une constante pendant la guerre froide que la politique de bascule entre les Deux Grands même si l’ancrage occidental n’a jamais été remis en cause , et à bien des égards, malgré la disparition de l’URSS en 1991 la politique étrangère française cherche toujours à s’autonomiser de la suprématie états-unienne. Elle a ses limites, en cas de crise majeure comme la crise des fusées de Cuba en 1962 ou celle des euromissiles au début des années 1980, la France s’aligne toujours derrière les Etats-Unis. C’est de Gaulle qui inaugure cette politique d’indépendance à l’égard des 2 blocs. Outre la distance prise vis à vis des Etats-Unis et sur laquelle nous reviendrons, de Gaulle tente une politique de séduction à l’est avec comme prétexte « L’Europe de l’Atlantique à l’Oural » ainsi se rend-il en URSS en 1966 :
Document 5 De Gaulle en visite en Union Soviétique en juin 1966
© Suddeutsche Zeitung / Rue des Archives..
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De Gaulle cherche à être un nouvel interlocuteur pour l’URSS mais cette politique est réduite à néant par l’écrasement du printemps de Prague en 1968. Pourtant, elle est reprise par ses successeurs, Pompidou se rend à 3 reprises en Union Soviétique, Sov iétique, Giscard d’Estaing à partir de 1977, celui-ci signe un accord avec l’URSS pour la réunion d’une conférence mondiale sur le désarmement, il refuse le boycott des J.O. de Moscou en 1980 en rétorsion à l’invasion de l’Afghanistan, il ne se prononce pas sur les euromissiles. Mitterrand infléchit nettement cette politique orientale jusqu’en 1985… ensuite la réconciliation franco-soviétique franco-soviétique est patente mais Gorbatchev est aux affaires… et la France n’est plus un interlocuteur intéressant face aux Etats-Unis ! Ce refus de calquer les alliances états-uniennes se retrouve d’une certaine manière en 2003 quand la France refuse de cautionner la guerre américaine en Irak pour ne pas s’aliéner ses alliances arabes…
C
L’affaire du Président La place de la France dans le monde est assez singulièrement depuis 1958 la décision d’un homme, le président de la République. De 1946 à 1958, la politique étrangère restait malgré tout collégiale, c’était l’affaire du gouvernement tout entier. Désormais la constitution précise : « le président négocie et ratifie les traités » (art. 52), « le président de la République est le garant de l’indépendance nationale, nati onale, e de l’intégrité du territoire, du respect des accords de Communauté et des traités ». La V République instaure « une monarchie républicaine ». De Gaulle l’exprime clairement en 1960 : « la conduite de la France appartient à ceux qu’elle a chargés. Elle appartient donc par excellence à moi- même même ». Aussi modeste François Mitterrand en 1981 : « la pièce maîtresse de la stratégie de dissuasion en France, c’est le chef de l’Etat, c’est moi ». moi ». De fait, c’est le chef de l’Etat qui décide comme chef des armées de l’emploi des forces atomiques ou conventionnelles. Aux textes juridiques s’ajoute la pratique institutionnelle qui a entériné cette personnalisation extrême de la politique étrangère ; déjà sous de Gaulle la politique étrangère est un « domaine réservé » attribué au président (expression de Chaban-Delmas, alors président de l’Assemblée Nationale) ; la 1 re cohabitation de 1984 à 86 a aussi confirmé cette répartition répart ition des pouvoirs au sein de l’exécutif, l’exécut if, ainsi quand en 1986 J. Chirac, er 1 ministre, propose des missiles mobiles au lieu des fusées, le président s’y oppose et le projet est abandonné… provisoirement… J. Chirac sera ensuite président ! C’est encore le président et lui seul qui décide de la construction d’un porte-avions et de son mode de propulsion en 2004 (le Charles de Gaulle)… Le président Sarkozy rest fidèle à cette pratique en décidant le retour de la France dans le commandement militaire intègre de l’ OTAN en 2009, après 43 ans d’absence. d’absenc e. De même, il décide l’augmentation l’a ugmentation du contingent français présent en Afghanistan. Il intervient personnellement lors des crises russo-géorgienne (2008) et israélo-palestinienne (Gaza, 2009). Lors de la crise économique de 2008, et pousse à l’élargissement du G8 à un G20. Enfin, il entend donner un relief particulier particulie r à la présidence française frança ise de l’Union européenne (2008), obtient du parlement réuni en Congrès, la ratification du traité de Lisbonne.
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Séquence 7-HG00
Entre atlantisme et indépendance nationale, un positionnement original et contesté A
L’atlantisme de l’après guerre 1946-1958 ᕡ
L’atlantisme de l’après guerre 1946-1958
A la Libération, la situation de la France est assez spectaculairement restaurée : la France est considérée comme victorieuse, lui est attribué un siège de membre permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU avec droit de veto en compagnie de la Chine, du Royaume-Uni, des Etats-Unis et de l’URSS. En plus, la France obtient une zone d’occupation en Allemagne ainsi qu’en Autriche grâce à l’entremise de Churchill. Les accords Blum (chef de la délégation française du Gouvernement Provisoire) – Byrnes (secrétaire d’Etat américain) annulent certaines dettes de guerre au nom de la loi prêt-bail, octroient quelques prêts supplément supplémentaires aires et ouvrent le marché français aux produits américains, notamment aux productions cinématographiques hollywoodiennes. La donne internationale est plutôt positive pour la France, bien engagée pour se relever. Et déjà, pointe le vieux réflexe de 1919 : faire payer l’Allemagne. A peine les armées de de Lattre ont-elles pénétré en Allemagne que des pillages, pudiquement nommés « récupérations » ont lieu. La France se voit attribuée la plus petite des zones d’occupation, quelques 43 000 km2, scindée en 2 triangles à proximité des frontières françaises. La France exige des compensations et a des revendications sur la Sarre qu’elle voudrait voir passer sous contrôle économique français. La France s’isole car ni les Etats-Unis ni les Britanniques ne la suivent dans cette politique intransigeante. Elle refuse de s’associer à la bi-zone de 46 (fusion des zones d’occupation américaine et britannique) sous prétexte que sa sécurité serait menacée par la renaissance d’une autorité allemande centralisée. Finalement, le contexte de guerre froide aura raison des préventions
françaises. Au moment de la Crise de Berlin (1948), la France se range derrière les Etats-Unis françaises. et accepte la fusion des zones occidentales qui donne naissance à la RFA en 1949. La question de la Sarre sera définitivement réglée en 1955 par un référendum par lequel les Sarrois manifestent leur volonté d’appartenir à la RFA. Le lancement de l’aventure européenne est une autre réponse, plus positive et constructive constructive,, à la crainte française d’une renaissance allemande.
L’urgence est à la reconstruction et c’est sous la tutelle américaine qu’elle se fait. La France n’a pas les moyens d’une politique étrangère ambitieuse et se place sous la protection américaine américaine.. La France est des 16 pays qui acceptent le plan Marshall en 1947 mais l’aide attribuée doit être coordonnée entre ses bénéficiaires d’où la mise en place de l’OECE le 16 avril 1948 (Organisation européenne de coopération économique). L’aide économique est conditionnée à une plus grande
ouverture du marché français aux produits américains mais aussi implicitement à un alignement sur la politique étrangère américaine. Le rôle du plan Marshall n’en demeure pas moins essentiel dans le relèvement de l’économie française : elle reçoit 1/5 e des aides totales allouées entre 1948 et 1952. La politique d’indépendance nationale développée à partir de 1958 ne serait pas concevable sans la modernisation et le relèvement économique préalables acquis au prix d’une subordination temporaire aux Etats-Unis.
militaire,, là non plus elle n’en a pas les De la même manière, la France doit assurer sa protection militaire moyens, ni d’ailleurs aucun autre pays d’Europe occidentale. Les alliances conclues dans le cadre de l’Union Occidentale, entre pays européens, sont de peu de poids sans l’appui américain. Les Européens, dont la France, demandent la protection américaine ; elle est juridiquement transcrite dans le traité de 1949 entre 10 pays européens et les USA ainsi que le Canada, traité de l’Atlantique Nord, alliance défensive contre la menace soviétique. Elle est concrètement manifestée par l’OTAN, organisation militaire qui intègre les forces armées, leur commandement l’OTAN, comm andement des différents contractants sous l’égide du SHAPE (Supreme Headquarters Allied Powers Europe) installé à Rocquencourt, près de Versailles. De fait, les Etats-Unis dominent le SHAPE, son 1 er commandant n’est autre qu’Eisenhower qu’Eisenho wer.. La France France s’est aliénée alié née son indépendance militaire milita ire pour garantir sa sécurité. sécuri té. Cette configuration est assez commune aux pays d’Europe occidentale. Séquence 7-HG00
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La France s’intègre dans ce nouvel ordre sous domination américaine : plan Marshall, OTAN, adhésion au GATT, au FMI… Il y eut bien une politique étrangère plus indépendante, dans les colonies… lors de l’opération de Suez mais ce fut un échec si retentissant que l’on comprend mieux dès lors le repli et le surinvestissement des hommes de la IVe République dans la construction européenne…
B
La politique de grandeur gaullienne 1958-1969 De Gaulle est l’homme du refus, du 18 juin 1940, au nom « d’une certaine idée de la France ». Il croit en la mission historique de la France, une mission de grandeur c’est pourquoi il subordonne la politique intérieure à la politique extérieure. De Gaulle est obsédé par l’indépendance nationale, toute aliénation de souveraineté lui est inacceptable. Il reprend à son compte, on l’a vu, la politique européenne mais sa conception de l’Europe est confédérale ; c’est l’Europe des Patries. L’Europe n’est acceptable que dans la mesure où elle contribue à la puissance économique de la France et fait contrepoids à la puissance américaine ou soviétique. C’est à ce titre qu’il refuse à 2 reprises en 1963 et 1967 l’entrée du Royaume-Uni dans la CEE trop soumis aux Etats-Unis, à ce titre encore il impose en 1965 la règle de l’unanimité dans les prises de décision à la CEE pour garantir le respect des intérêts nationaux français. De même, il accélère la décolonisation, pour autant il ne renonce pas au rayonnement international de la France dans les pays francophones, d’où sa politique de coopération. De la IVe République, il hérite un instrument clé, la « force de frappe » qui rend possible sa politique de grandeur gran deur,, une politique ambitieuse faite de dissuasion, d’investissements (dans la recherche : plan Calcul, nucléaire ; dans l’industrie d’armement : la France devient le 3 e exportateur mondial d’armes). L’arme nucléaire française, qu’il modernise, on l’a vu, devient un instrument d’indépendance nationale dans la mesure où de Gaulle refuse toute intégration intégra tion à un ensemble multinational, comprenez ici l’OTAN l’OTAN.. Par indépendance nationale, il faut comprendre indépendance à l’égard des 2 Blocs dans le contexte de guerre froide ; concrètement cela se traduit en 2 orientations cardinales : ̈
Première orientation : l’antiaméricanisme
C’est un trait incontestable de la pensée gaullienne, héritage des vexations du temps de la 2 nde guerre mondiale quand Roosevelt refusait de reconnaître sa légitimité et voyait en lui un dictateur potentiel. Pour lui, obsédé de la souveraineté nationale, une clarification s’impose au sujet de l’OTAN. Comment prétendre être indépendant quand des soldats américains sont présents sur le territoire national ? Comment être indépendant quand les forces armées françaises sont sous commandement américain ? Aussi décide-t-il en mars 1966 que la France quitte le commandement intégré de
l’OTAN l’OT AN (alliance militaire) et non l’alliance atlantique (alliance politique).
Document 6 La France quitte les structures militaires de l’OTAN (mars 1966) « Les menaces pesant sur le monde occidental, en particulier en Europe, et qui avaient motivé la conclusion du traité [de l’Atlantique nord] ont changé quant à leur nature. Elles ne présentent plus le caractè caractère re immédiat et menaçant qu’elles revêtaient jadis. D’autre part, les pays européens ont rétabli leur économie et dès lors retrouvé des moyens. En particulier, la France se dote d’un armement atomique dont la nature exclut même qu’elle soit intégrée. En troisième lieu, l’équilibre nucléaire entre l’Union soviétique et les Etats-Unis se substituant au monopole détenu par ces derniers a transformé les conditions générales de la défense de l’Occident. Enfin, c’est un fait que l’Europe n’est plus le centre des crises internationales. Celui-ci s’est transporté ailleurs, notamment notamment en Asie, où l’ensemble des pays de l’Alliance atlantique ne sont évidemment pas en cause. […] Dès lors la Fra France nce est conduite à tirer tirer,, en ce qui la concerne, les conséquences de la situation, c’est-à-dire à prendre pour elle-même les mesures qui lui paraissent s’imposer, et qui ne sont à son sens nullement 130
Séquence 7-HG00
incompatibles avec sa participation à l’Alliance, non plus qu’avec sa participation, le cas échéant, à des opérations militaires aux côtés des Alliés. Déjà dans le passé, le gouvernement a pris des mesures dans le sens dont il s’agit pour ses forces navales affectées à l’OTAN, l’OTAN, soit dans la Méditerranée, soit dans l’Atlantique. Il s’agit maintenant des forces terrestres et aériennes stationnées en Allemagne et qui sont affectées au commandement allié en Europe. La France se propose de mettre un terme à une telle affectation. Cette décision entraînera son retrait simultané des deux commandements intégrés dont dépendent ces forces et auxquels elle participe dans le cadre de l’OT l’OTAN, AN, à savoir le commandement supérieur des Forces alliées en Europe, et le commandement Centre - Europe, et par là-même, le transfert hors du territoire français de ces deux commandements. » Aide-mémoire français adressé aux pays de l’OT l’OTAN AN le 10 mars 1966.
Questions
a. En quoi le contexte international a-t-il changé et justifie aux yeux de de Gaulle le départ du commandement intégré de l’OTAN ? b. Que comprendre par : « le transfert hors du territoire français de ces 2 commandements » ? a. Pour de Gaulle : – « les menaces… en Europe… ne présentent plus le caractère immédiat et menaçant » en effet il n’y a plus guère de risque d’invasion depuis que la France et avant, le Royaume-Uni sont dotés de l’arme nucléaire. – « Les pays européens ont rétabli leur économie… », nous sommes dans le contexte des Trente Glorieuses, d’essor économique prodigieux ; l’Europe occidentale n’est plus guère menacée par les risques de « subversion révolutionnaire » ; c’est plutôt un modèle qu’on envie, l’Europe n’a plus besoin d’être assistée. – « Un armement atomique… intégrée ». De Gaulle refuse absolument toute intégration de l’arme atomique en conséquence l’appartenance de la France au commandement intégré de l’OTAN est vide toute substance. – « L’Europe n’est plus le centre des crises internationales… Asie ». C’est un fait qu’en 1966, les conflits sont ailleurs, au Vietnam par exemple ; en Europe c’est une relative détente Est-Ouest ; qui plus est, de Gaulle ne peut dire le contraire alors qu’il entreprend une politique de séduction à l’Est !
Réponses aux questions
b. Cela signifie simplement que tous les soldats étrangers de l’OTAN doivent partir, partir, les bases américaines sur le territoire français comme celle de Châteauroux doivent être fermées. Galvanisé par ce succès, de Gaulle enfonce le clou en multipliant les discours provocateurs et théâtraux, ainsi à Phnom Penh, en septembre 1966 quand il dénonce la guerre américaine au
Vietnam :
Document 7 Le discours de Phnom Penh (01/09/1966) « Au degré de puissance, de richesse, de rayonnement auquel les Etats-Unis sont actuellement parvenus, le fait de renoncer, à leur tour, à une expédition lointaine, dès lors qu’elle apparaît sans bénéfice et sans justification, et de lui présenter un arrangement international organisant organisant la paix paix et le développement d’une importante région du monde n’aura rien, en définitive, qui puisse blesser leur fierté, contrarier leur idéal et nuire à leurs intérêts. Au contraire, en prenant une voie aussi conforme au génie de l’Occident, quelle audience les Etats-Unis retrouveraient-ils d’un bout à l’autre du monde et quelle chance recouvrerait la paix sur place et partout ailleurs ! » Le 1er septembre 1966.
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Seconde orientation : le soutien aux indépendances nationales
De Gaulle essaie de naviguer entre les 2 blocs, il reste malgré tout fidèle à l’alliance américaine et tente une politique de séduction à l’Est par des visites mais dans chacun des deux cas, Séquence 7-HG00
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il essaie de profiter des fragilités des blocs en construisant une politique de soutien aux identités et indépendances nationales. Ainsi peut-on lire le traité franco-allemand de 1963 dans lequel, vainement, de Gaulle a cherché à dissocier la RFA de sa tutelle américaine. Il voyage en Amérique Latine en 1964, dans la « chasse gardée ga rdée » américaine, américai ne, de même il se rend en Roumanie en 1968 pour condamner la répression du Printemps de Prague et jouer de la réserve roumaine sur cette intervention. Dès 1964, il reconnaît la République Populaire de Chine prenant acte de la division du bloc communiste, gênant ainsi la diplomatie américaine. En 1967, il condamne sévèrement la guerre des Six Jours d’Israël et l’annexion l’annexio n de la Cisjordanie ; il appuie les revendications des francophones du Québec au Canada :
Document 8 « Vive le Québec libre » En juillet 1967, le général de Gaulle est en voyage au Canada. Le 24, à Montréal, il prononce, devant la foule des Canadiens francophones assemblés, la phrase « Vive le Québec libre » qui ne peut qu’exaspérer Canadiens anglophones et, indirectement, les Etats-Unis. « C’est une immense émotion qui remplit mon cœur en voyant devant moi la ville française de Montréal. Au nom du vieux pays, au nom de la France, je vous salue de tout mon cœur. […] Si vous saviez quelle confiance la France, réveillée après d’immenses épreuves, porte vers vous, si vous saviez quelle affection elle recommence à ressentir pour les Français du Canada. […] C’est pourquoi elle a conclu avec les gouvernements du Québec […], des accords, pour que les Français de part et d’autre de l’Atlantique travaillent ensemble à une même œuvre française française.. […] Vive Montréal ! Vive le Québec ! Vive le Québec libre ! Vive le Canada français et vive la France ! 24 juillet 1967.
Au final, la politique de grandeur gaullienne se résume en un discours brillant, talentueux mais de peu d’effets. De Gaulle a bien eu des intuitions pertinentes mais sa politique coûte très cher et donne encore l’illusion que la France est toujours une grande puissance.
C
Des successeurs qui infléchissent la politique gaulienne, 1969-1990 Sans remettre en cause les lignes directrices direct rices fixées par de Gaulle pour la politique polit ique étrangère : l’affaire du président, et seulement de lui ; l’indépendance nationale axée sur la force de frappe : « alliés, mais non alignés », ses successeurs, Pompidou (1969-1974), Giscard d’Estaing (1974-1981) puis Mitterrand
nuancent la politique étrangère française. ᕡ
1re inflexion : une relative amélioration améliorati on des rapports franco-américains
Les malentendus persistent sous la présidence de Pompidou à cause notamment de la guerre du Vietnam mais Paris a joué les intermédiaires. La France reproche alors à la politique américaine de léser ses intérêts avec la décision unilatérale de 1971 d’inconvertibilité du $ en or, et une dévaluation du $. Lors du choc pétrolier de 1973, Etats-Unis et France réagissent différemment, la France refuse une stratégie d’affrontement avec les pays producteurs de pétrole.
Avec Giscard d’Estaing, jusqu’à 1979, les relations franco-américain franco-américaines es deviennent plus cordiales. Les chefs d’Etat et de gouvernement prennent prennent l’habitude de se voir et discuter régulièrement dans le cadre des sommet du G7 ; en 1976, lors de la conférence c onférence de la Jamaïque, le président entérine le nouveau système monétaire international et le flottement généralisé des monnaies entre elles. Avec François Mitterrand, le réchauffement est spectaculaire et d’une importance clé dans les derniers moments de la guerre froide, notamment lors de la crise des euromissiles. Non seulement Mitterrand se rallie à l’installation des fusées Pershing Pershing et Cruise en Europe occidentale pour faire face f ace aux SS 20 132
Séquence 7-HG00
soviétiques installés dans les démocraties populaires mais encore il conduit une diplomatie incisive sur le sujet avec son discours au Bundestag dans lequel il rappelle fort justement : « les Pacifistes sont à l’ouest, les missiles à l’Est ». Ce rapprochement a également ses limites avec la condamnation de l’IDS (Initiative de défense stratégique) par la France parce qu’elle découplerait la défense américaine de la défense européenne (1983). Quels que soient les présidents, une constante vient compliquer les relations franco-américaines depuis les années 60… et jusqu’à nos jours : les désaccords commerciaux de plus en plus récurrents, au sujet des négociations du GATT.
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2e inflexion : la politique européenne
Les successeurs de de Gaulle s’engagent, progressivement, dans la construction européenne. De 1958 à 1969, la construction européenne a été figée et même a régressé avec le compromis de Luxembourg ; en 1973 grâce à Pompidou, le Royaume-Uni est entré dans la CEE. Une nouvelle ère commence… Giscard d’Estaing contribue à l’élargissement méditerranéen de la CEE, initie une politique monétaire européenne concertée, le SME, acclimate l’Europe a l’opinion publique française (1979, élection du Parlement européen au Suffrage universel direct avec comme 1 re présidente, Simone Veil). Mitterrand engage plus nettement encore la France dans l’approfondissement de la CEE puis de l’Union européenne.
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3e inflexion : face au sud
La France s’éloigne de sa politique de coopération pour un dialogue Nord/Sud. Sur ce point, cela ressemble beaucoup à la politique de grandeur gaullienne. Il nous en reste l’appel de François Mitterrand lors de la conférence de Cancún (1981) :
Document 9 L’appel de Mexico (octobre 1981) Aux fils de la Révolution mexicaine, j’apporte le salut français des fils de la Révolution française ! […] La France, France, comme le Mexique, a dit non au désespoir qui pousse à la violence ceux qu’on prive de tout autre moyen de se faire entendre. Elle dit non à l’attitude qui consiste à fouler aux pieds les libertés publiques pour décréter ensuite hors-la-loi ceux qui prennent les armes pour défendre l es libertés. A tous les combattants de la liberté, lib erté, la France lance son message d’espoir. Elle adresse son salut sal ut aux femmes, aux hommes, aux enfants même, oui, à ces « enfants héros » qui, dans cette ville, sauvèrent jadis l’honneur de votre patrie et qui tombent en ce moment même de par le monde pour un noble idéal. Salut aux humiliés, aux émigrés, aux exilés sur leur propre terre, qui veulent vivre et vivre libres. Salut à celles et à ceux qu’on bâillonne, qu’on persécute ou qu’on torture, qui veulent vivre et vivre libres. Salut aux séquestrés, aux disparus et aux assassinés qui voulaient seulement vivre et vivre vi vre libres. Salut aux prêtres, aux syndicalistes emprisonnés, aux chômeurs qui vendent leur sang pour survivre, aux Indiens pourchassés dans leur forêt, aux travailleurs sans droits, aux paysans sans terre, aux résistants sans armes, qui veulent vivre et vivre libres. A tous, la France France dit : courage, courage, la liberté vaincra ! Et si elle le dit depuis la capitale du Mexique, c’est parce qu’ici ces mots possèdent tout leur sens. Quand la championne du droit des citoyens donne la main au champion du droit des peuples, qui peut penser que ce geste n’est pas aussi un geste d’amitié à l’égard de tous les autres peuples du monde, et en particulier du monde américain ? Et si j’en appelle à la liberté pour les peuples qui souffrent de l’espérer encore, je refuse tout autant ses sinistres contrefaçons : il n’est de liberté que par l’avènement de la démocratie. » Discours de François MITTERRAND, 20 octobre 1981.
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Depuis 1990, une place et une politique étrangèr étrangère e repensées 1989-1991 est un tournant majeur ; on peut dire que le XX e siècle se clôt avec la fin des démocraties populaires puis l’implosion de l’URSS l’URSS.. Un nouvel ordre international s’esquisse confusément avec la multiplication des zones d’instabilité (Afrique, Moyen-Orient, Asie du Sud) et l’hyper-puissance états-unienne. Quelle place pour la France dans ce nouvel ordre ? Quoiqu’il en soit, pour la France de nécessaires adaptations sont indispensables pour encore compter sur la scène internationale.
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La fin de l’ère Mitterrand, 1990-1995 : une adaptation lente et douloureu douloureuse se
Mitterrand est pris de court quand le mur de Berlin tombe le 9 novembre 1989, il doit à contre-cœur (il s’adaptera vite) accepter la réunification allemande. Cette opération se déroule en 2 temps, d’abord le traité 4 + 2 par lequel les 4 puissances occupantes occ upantes (France, Etats-Unis, Royaume-Uni, URSS) renoncent à L’Allemagne unie uni e jouira, en conséquence, de la pleine souveraineté toute prétention sur l’Allemagne : « L’Allemagne sur ses affaires intérieures et extérieures » puis l’absorption de la l a RDA par la RFA en octobre 1990. Face à une possible surpuissance de l’Allemagne l’Allema gne en Europe, Kohl et Mitterrand font le choix d’approfondir
la construction européenne avec Maastricht, l’UEM… Pour les anciennes démocraties populaires, Mitterrand avait proposé l’idée d’une confédération européenne, idée rejetée à la fois par les intéressés et les partenaires de l’Union Européenne. La vraie solution sera leur intégration à l’UE, effective en 2004. La fin de l’URSS est plus calamiteuse pour la politique étrangère française. Mitterrand soutenant presque inconditionnellement Gorbatchev contre Eltsine, et même après le coup d’Etat raté d’août 1991 des communistes conservateurs contre Gorbatchev, déjoué par Eltsine, Mitterrand choisit encore Gorbatchev. Gorbatchev. Les faits lui donnent tort mais cela n’eut pas de répercussion sur les relations franco-russes. La politique mitterrandienne sur le plan international (attention ! c’est faux pour l’Europe) est profondément conservatrice conservatrice.. La guerre du Golfe de 1991, suite à l’invasion du Koweït par l’Irak, permet à la France de réapparaître dans le concert des nations du côté des vainqueurs états-uniens. Quelques milliers d’engagés dans l’opération l’ opération Daguet représent représentent ent la France, mais cela est vite passé pass é au nd 2 rang face à la démonstration militaire militair e des USA. La crise yougoslave fait réapparaître le conservatisme mitterrandien. Le président joue le statu-quo yougoslave et s’oppose en 1991 à l’Allemagne dans la reconnaissance des indépendances slovène et croate. Paris doit suivre… comme pour la Bosnie-Herzégovine. Bosnie-Herzégovine. Quand la guerre « civile » éclate, Mitterrand propose une solution politique (qui sera finalement assez proche de celle de Dayton en 1995) mais sans se donner, ni lui, ni les autres pays européens, les moyens militaires de la voir appliquée. L’humanitaire remplace le militaire. Des soldats français sont bien envoyés dans le cadre de l’ONU mais avec comme seul rôle, celui d’observateurs d’observateur s et parfois d’interposition. d’interposit ion. C’est une impasse et une épreuve humiliante pour la France et l’Union européenne.
L’affaire rwandaise ne rehausse pas le prestige français. La France a longtemps soutenu le gouvernement rwandais ; en 1993 elle se retire au profit de l’ONU mais les plus radicaux du gouvernement rwandais entreprennent un génocide contre la minorité Tutsi quand leur président est assassiné (avril 1994). La Turquoise » présentée comme opération humanitaire. France intervient dans le cadre de l’opération « Turquoise De nombreux Hutus, auteurs du génocide, ont pu ainsi échapper à la justice du nouveau gouvernement Tutsi. C’est peut-être là une conséquence involontaire de cette intervention (qui eut quand même le mérite d’exister, toutes les autres puissances sont restées inertes), i nertes), mais le prestige de la France est alors sérieusement remis en question.
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Les présidences Chirac 1995-2007 mutations et revers
Dans un 1er temps, J.J. Chirac semble vouloir rompre avec la politique politi que gaullienne d’indépendance puisqu’il se dit prêt à réintégrer le commandement militaire intégré de l’OTAN en 1995, mais il pose ses conditions : 134
Séquence 7-HG00
Document 10 J. Chirac Chirac définit les conditions d’un éventuel retour de la France au sein du commandement militaire intégré de l’OTAN (1995-1996) « Le 5 décembre 1995, la France avait annoncé, pour la plus grande joie des Etats-Unis, Etats-Uni s, qu’elle allait réintégrer réi ntégrer la structure militaire de l’OTAN dont le général de Gaulle était sorti en 1966. Décision immédiatement qualifiée d’« événement historique » par le secrétaire général de l’OTAN […]. La condition que Paris attache à ce retour : l’affirmation d’une identité européenne au sein de l’organisation. La France veut notamment une claire identification européenne dans la répartition des commandements géographiques de l’OTAN. Elle réclame que le commandement de la zone sud de l’Alliance, installé à Naples, revienne à un officier européen. Naples est, depuis toujours, le fief d’un amiral américain qui a également en charge la VIe flotte, laquelle ne dépend pas de l’OT l’OTAN. AN. Les Etats-Unis refusent, catégoriquement. […] Au cœur de l’affaire, il y a, non seulement un malentendu entre Américains et Français, mais, peut-être plus encore, un gros malentendu entre ces derniers et leurs partenaires de l’Union Européenne (UE). D’un strict point de vue militaire, personne ne conteste que l’Europe soit bien défendue par l’OT l’OTAN. AN. La France France fait valoir que le problème est celui de la dépendance stratégique des Européens à l’égard des Américains. Dans le système actuel, ce sont les Etats-Unis qui exercent le vrai contrôle sur la politique de sécurité en Europe. Ce sont d’ailleurs eux qui fixent les nouvelles frontières de sécurité de l’Europe, l ’Europe, en décidant d’étendre l’OTAN l’OTAN à tel ou tel nouveau membre. La France, qui a choisi l’intégration européenne pour sauvegarder une certaine influence dans le monde des blocs de l’après-guerre froide, supporte mal cette dépendance. Héritage du gaullisme : comme en 1966, elle tente aujourd’hui de convaincre ses partenaires en émettant des doutes sur la permanence de l’engagement américain en Europe. Seulement cette intolérance française à la dépendance stratégique vis-à-vis de Washington n’est pas la chose la mieux partagée en Europe. A l’évidence, l’évidence, on n’est pas aussi ombrageux sur ce chapitre à Londres, bien sûr, mais aussi à La Haye, à Bruxelles, Rome, Madrid et même à Bonn, pour ne pas parler des nouveaux candidats à l’Union européenne qui sont, eux, franchement hostiles à tout affaiblissement de l’influence des Etats-Unis sur le Vieux Continent. On n’éprouve pas, ou pas au même degré, chez nos partenaires, le besoin de se libérer d’un leadership politico-militaire américain librement consenti et qui donne pleine satisfaction au plan de la sécurité. Alain FRACHON, © Le Monde, 11 janvier 1997.
Questions
a. En quoi y a-t-il eu malentendu entre Américains et Français ? b. Que reproche J. Chirac aux Etats-Unis ? c. Quelle condition incontournable devait être respectée pour rendre possible le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN ? a. Les Etats-Unis pensaient que la France « allait réintégrer la structure militaire de l’OTAN dont le
Réponses aux questions
général de Gaulle était sorti en 1966 » ; or des conditions précises étaient jointes à ce possible retour.
b. Pour J. Chirac, le reproche est triple : – les Etats-Unis Eta ts-Unis monopolisent les postes de commandement commandement militaires : « Naples est, depuis toujours, le fief d’un amiral américain » ; – ils confondent la sécurité européenne et leurs propres intérêts stratégiques : « amiral américain qui a également en charge la VI e flotte, laquelle ne dépend pas de l’OTAN » ; – enfin, enfi n, ils sont les seuls maîtres d’œuvre de l’OTAN : « ce sont d’ailleurs eux qui fixent les nouvelles frontières de sécurité de l’Europe, en décidant d’étendre l’OTAN à tel ou tel nouveau membre ».
c. Pour J. Chirac, le retour de la France dans le commandement intégré de l’OTAN est possible à la condition sine qua non que les Européens, dont les Français, aient un pouvoir de co-décision sur le fonctionnement de l’OTAN : « l’affirmation d’une identité européenne au sein de l’organisation », en conséquence le commandement d’une des zones doit revenir à un militaire mili taire européen : « elle réclame que le commandement de la zone sud de l’Alliance, installé à Naples, revienne à un officier européen ». Mais le président déplore le manque de volonté de ses partenaires européens de l’Union.
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Les conditions posées par la France ne sont pas entendues, et le retour dans le commandement intégré de l’OTAN n’est plus depuis à l’ordre du jour. La France y renonce en juillet 1997. Le président Chirac s’attache dès son arrivée au pouvoir à la modernisation de l’appareil militaire français. Cela se traduit par la reprise temporaire et très controversée des essais nucléaires en 1996, on l’a vu, mais aussi par la professionn professionnalisation alisation des armées, ainsi en février 1996 il annonce la fin du service militaire (devenu inadéquat et surtout très inégalitaire). Cette décision est motivée par les enseignements retirés de la 1 re guerre du Golfe en 1990-1991 ; malgré une armée de terre très nombreuse (sur le papier), il a été très difficile de réunir, transporter et rendre opérationnels les quelques 15 000 hommes de la division Daguet. Depuis 2003, auparavant la tendance était inverse, les crédits affectés à la Défense ont fortement augmenté. L’avènement de Chirac à la tête de l’Etat marque aussi la fin des atermoiements en politique
étrangère : les engagements sont plus clairs, soutenus et risqués. Le changement d’approche est très net au sujet de l’ex-Yougoslavie où il s’engage dans le cadre de l’OTAN et non plus seulement de l’ONU. De fait une solution politique imposée aux Serbes peut être entérinée grâce à la pression militaire, militaire, ce sont les accords de Dayton officiellement signés à Paris qui mettent fin à la guerre de Bosnie en 1995. De la même manière, et toujours dans le cadre de l’OTAN et non de l’ONU par souci d’efficacité, la France s’engage aux côtés des Etats-Unis, Britanniques… dans la guerre du Kosovo en 1999, participe aux frappes aériennes sur la Serbie. C’est cependant un précédent fâcheux car si l’objectif défini est atteint attei nt (les Serbes cèdent et se retirent de leur province autonome du Kosovo), la légalité de l’opération est douteuse : c’est une action de guerre de l’OTAN et non de l’ONU, alors que, l’OTAN est censée être une alliance défensive. Après les attentats du 11 septembre 2001, la France participe à la croisade de G. W. Bush contre le terrorisme lors des opérations en Afghanistan depuis 2002 contre les Talibans. Talibans. L’année 2003 est une cassure, en ce sens que la France s’est frontalement opposée à la politique de guerre préventive et à l’intervention des Etats-Unis en Irak , menaçant d’utiliser son droit de veto à l’ONU afin de ne pas lui donner la moindre légalité. L’opposition fut courageuse – on sait le prétexte, la détention par Saddam Hussein d’armes de destruction massive, faux en 2003 en tout cas – mais inefficace et elle a contribué à un certain isolement de la France (avec l’Allemagne) l’Allemagne) au sein des pays développés mais aussi au sein de l’Union européenne en 2003. Cet épisode est néanmoins d’une portée réduite, dès mars 2004 Etats-Unis et France opèrent conjointement en Haïti pour rétabli r l’ordre, chasser un président (Aristide) corrompu et sanguinaire. La crise franco-américaine au sujet de l’Irak a révélé crûment l’absence de politique étrangère et de sécurité commune de l’Union européenne. Pourtant, les efforts français dans cette direction n’ont pas manqué : dès 1996 est créé l’OCCAR (Organisme conjoint de coopération en matière d’armement) avec la l a France, l’Allemagne, l’Allemagne, la Grande-Bretagne et l’Italie. En 1999 après fusion, l’Aérospatiale est transformée en EADS, principale firme aéronautique et militaire mil itaire européenne. Ces réalisations restent ponctuelles et ne touchent pas l’essentiel, la PESC. Celle-ci n’émerge guère ma lgré la résolution française principalement en raison de l’opposition britannique et américaine ; pour eux il y a déjà un outil, l’OTAN. Même s’il existe une force d’action rapide européenne de 50 000 hommes depuis 2003, il n’y a
toujours pas d’armée européenne. L’absence de PESC contribue à maintenir les membres de l’U.E., donc la France, dans une situation de dépendance à l’égard des Etats-Unis. ᕣ ̈
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Le retour dans l’OTAN
En 2009, Nicolas Sarkozy officialise le retour de la France dans l’OTAN, c’est-à-dire dans l’alliance atlantique.. militaire, alors que la France n’a jamais quitté l’alliance politique, appelée Alliance atlantique
Les formes de la présence française dans le monde A
Le poids des héritages ᕡ
La langue
Si la France avec à peine 1 % de la population mondiale garde un rayonnement notable, elle le doit d’abord à son passé ; aux XVIIe et XVIIIe siècles la France était la 1 re puissance mondiale. Elle
dispose d’un passé, du patrimoine qui lui associé autrement dit d’une véritable situation de rente. Cet héritage prend 3 aspects :
locuteurs,, soit la 5e ou 6e langue mondiale (après Le Français est parlé par près de 140 millions de locuteurs le mandarin, l’espagnol, l’anglais, l’hindi, le portugais). C’est finalement fort peu. Pourtant, c’est un outil de rayonnement grâce à la « Francophonie ». Créée en 1969, la Francophonie unit par des « sommets », des échanges culturels tous les pays où le Français est langue maternelle ou langue d’enseignement. Cela représente nombre de pays et tous les continents, ex : Vietnam, Canada, France, Afrique anciennement française… En 1984, la Francophonie se dote d’un Haut Conseil, puis en 1997 d’un secrétaire général, Boutros Boutros Ghali, celui-ci était auparavant secrétaire général de l’ONU, manière d’assurer le prestige de la francophonie (aujourd’hui : Abdou Diouf, ancien président du Sénégal). Les sommets des chefs d’Etat et de gouvernement de la Francophonie maintiennent l’influence
diplomatique française mais cependant n’enrayent pas la marginalisation de la langue française. Quelques projets concrets ont abouti comme la chaîne télévisée francophone internationale TV5 Monde (1984). La concurrence de l’anglais, langue des affaires et de la culture, limite fortement la portée de la Francophonie.
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La culture
La France n’est plus une puissance culturelle mais l’a été jusqu’en 1945, aussi à notre pays reste accordé un certain prestige. Pour nombre d’étrangers, la France est le pays de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen (1789) donc un pays d’universali d’universalisme, sme, dont la parole doit être entendue, par exemple en Chine le pays est appelé « Faguo » c’est-à-dire « pays des Droits ». Son histoire riche et millénaire, lui laisse un patrimoine conséquent, monumental (Versailles, cathédrales), pictural (les impressionnis impressionnistes…), tes…), littéraire (Hugo, Molière…) qui lui garantit une attractivité renouvelée. Paris, volontiers qualifiée de « Ville Lumière » (ce qui n’est pas sans gloriole suffisante) incarne cette richesse patrimoniale. A la France est aussi associé un certain « art de vivre ». Ce sont des clichés bien sûr, mais ils sont tenaces et servent bien notre pays, comme pays de l’épicurisme avec sa gastronomie raffinée (c’est le pays des grands chefs et des grands restaurants), ses vins , son goût pour le luxe… Soyons réaliste, ce rayonnement culturel est essentiellement un héritage ; la créativité artistique et intellectuelle qui en a fait un pays phare s’est tarie : où sont les grands écrivains contemporains lus dans le monde entier ? Et les intellectuels comme Sartre, Foucault, que l’on écoute un peu partout ? La France est un pays qui s’est rangé dans la masse, aussi cela peut expliquer la crispation des artistes français sur le concept d’ « exception culturelle » , le refus de voir intégrer les « produits culturels » dans les négociations de l’OMC…
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La présence territoriale
De ses anciens empires coloniaux (XVIIe et XVIIIe siècles puis XIXe et XXe siècles), la France a gardé quelques confettis, qu’on nomme DOM-TOM depuis 1946 ainsi du 1 er empire, la Guadeloupe et la Martinique dans les Caraïbes, la Guyane en Amérique du Sud, St Pierre et Miquelon au large du Canada, dans l’océan indien l’île de la Réunion, Mayotte. Du Second empire, la Polynésie, la Nouvelle Calédonie, les îles australes (Crozet, Kerguelen…). Ces territoires ont été méchamment qualifiés de « danseuses de la République » en ce sens qu’ils coûtent cher à la Républiqu Républiquee (administration hypertrophiée, revenus sociaux…) mais c’est oublier leur intérêt humain, 2 millions d’habitants qui géostratégique,, ainsi à Kourou en Guyane se enrichissent la France de leur diversité, et leur intérêt géostratégique trouvent les sites de lancement des fusées européennes ARIANE, en Polynésie jusqu’en 1996 se trouvait le centre d’expérimentation nucléaire. Imaginons la France ces 50 dernières années sans ces territoires nouvellement nommés DROM : Départements et Régions d’Outre-Mer, CTOM : Collectivités Territoriales d’Outre-Mer, il est alors douteux qu’elle aurait eu le même rayonnement international qu’aujourd’hui. Ces territoires donnent à la France 10 millions de km 2 de ZEE (depuis la législation internationale de 1982, les Zones Economiques Exclusives Ex clusives ou ZEE sont des espaces maritimes mari times au large d’un territoire sur lesquels le territoire riverain a la propriété d’exploitation des ressources vivantes ou minérales…) soit autant que la superficie entière de l’Europe ! La France dispose du
3e domaine maritime mondial.
Document 11 La France dans le monde
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Consigne
B
Repérer la « présence planétaire française », où sont les DOM-TOM, les ZEE …
Une puissance militaire et diplomatique non négligeable Rappelons quelques bases essentielles : – la France dispose d’une force de frappe nucléaire ; – elle est membre permanent du conseil de sécurité de l’ONU donc dispose d’un droit de
veto ; – elle est le 4 e exportateur d’armes au monde, derrière les Etats-Unis, la Russie et l’Allemagne On estime que son armée est soit la 4 e, soit la 5e au monde derrière les Etats-Unis, la Chine, la Russie et le Royaume-Uni.
Document 12 L’inauguration du porte-avions nucléaire, le Charles de Gaulle par François François Mitterrand en 1994, 1994, en compagnie du Premier Ministre Ministre E. Balladur. Balladur.
© NICOLAS JOSE / SIPA PRESS.
Sa capacité de nuisance, si ses intérêts fondamentaux étaient mis en cause, est considérable. Ses
interventions sont nombreuses, dans le cadre de l’ONU (Yougoslavie 1992-1995, Afghanistan 2002) ou de l’OTAN (Kosovo 1999). Dans les années 1990, la France est le pays qui a fourni le plus de Casques Bleus à l’ONU ! Cependant, on ne peut nier que cette place éminente est contestée, notamment le siège de permanent au Conseil de Sécurité de l’ONU ; d’autres estimeraient leur présence plus légitime comme le Japon, l’Allemagne, l’Inde, le Brésil...
Sur le plan diplomatique, Paris demeure une plaque tournante essentielle essentielle,, mais secondaire, bien loin derrière New York ; le symbolise la présence du siège de l’ UNESCO à Paris. Même si l’on réduit la voilure depuis 9 ans dans des rapprochements avec d’autres pays de l’UE, la France dispose encore du 2e réseau diplomatique officiel (ambassades (ambassades,, consulats) derrière les Etats-Unis Etats-Unis.. Séquence 7-HG00
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C
Une puissance économique qui compte Dans le cadre de l’accélération du processus de mondialisation économique, la France a dû rompre avec une longue tradition de fermeture, et ce depuis 1945. Son ouverture a été lente mais plutôt réussie, et c’est là un aspect essentiel. Si la France garde une place appréciable dans le monde
aujourd’hui, c’est c’est d’abord grâce à son économie. La France est une puissance économique mondiale , c’est un pays extraverti ou ouvert, la 4 e puissance exportatrice mondiale. On estime qu’aujourd’hui un emploi sur quatre dépend de nos
capacités d’exportation. D’importantes multinationales françaises incarnent ce déploiement à échelle planétaire : Michelin, Danone, Total, Renault… La puissance économique française repose à la fois sur le secteur agricole et agroalimentaire (la France en est la 2e exportatrice mondiale) et la haute technologie (nucléaire civil, de moins en moins ; aéronautique avec Airbus , aérospatiale, transport ferroviaire avec le TGV …). …). Autre indice de cette puissance, le fait que la France échange aux 3/4 avec d’autres pays de la
Triade ce qui inscrit bien la France au centre des pays développés. Nous allons clore ce bref aperçu économique sur un constat contradictoire. Tandis que les Français à l’étranger sont un peu moins de 2 millions, donc peu nombreux pour un pays de 66 millions d’habitants (surtout chez nos voisins de l’UE et aux Etats-Unis) ce qui est à coup sûr un handicap pour notre présence mondiale, à l’inverse la France est très attractive pour le tourisme ; c’est d’ailleurs la 1re destination au monde. ■
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