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La vie économique économique,, sociale et culturelle française dans la seconde e moitié du XX siècle Cette séquence est commune aux trois séries L, ES et S.
Séquence 6-HG00
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Introduction
Chapitre 1
Chapitre 2
Chapitre 3
Chapitre 4
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La modernisation de l’économie française
A
Le rôle croissant de l’État
B
Le capitalisme « à la française »
C
Un monde du travail bouleversé
>
Des transformations sociales profond profondes es
A
La modification des structures de la population po pulation
B
Vivre en ville devient le mode d’existence dominant
C
Vers la famille plurielle
>
Des mutations culturelles sans précédent
A
La communication de masse : le règne de l’image et de la parole
B
Le double défi de l’école : massification et démocratisation
C
Une « civilisation des loisirs » : le développement du temps pour soi
D
L’affirmation de la culture de masse
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Le recul des idéologies et des croyances
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A
La place du fait religieux dans la société française : au-delà du christianisme et de la chrétienté
B
Intellectuels et artistes : de l’engagement au retrait
C
Les grandes tendances littéraires et artistiques de la seconde moitié du XXe siècle
Sommaire séquence 6-HG00
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ntroduction Depuis 1945 la France a connu des bouleversements économiques, sociaux et culturels plus amples que dans les deux ou trois siècles précédents. Tout a changé : la structure de la population active, l’organisation du travail, la famille, les liens entre les générations, la santé, les modes de vie, le rôle de l’Etat, le cadre de vie etc. Les Français se sont enrichis et ont accédé massivement à la consommation, à l’éducation, aux loisirs, à la culture... La crise en introduisant le doute et l’insécurité à partir de 1974 n’a pas interrompu ces mutations, au contraire elle les a accélérées dans le cadre ca dre d’une société française vieillissante fragilisée par la montée du chômage, de la précarité et de l’exclusion.
Comment les Français vivent-ils les spectaculaires mutations économiques, sociales et culturelles de la France dans la seconde moitié du XX e siècle ?
Séquence 6-HG00
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La modernisation de l’économie française En 1945, la France était une puissance agricole très en retard sur les Etats-Unis. Aujourd’hui l’appareil productif français est l’un des plus modernes et des plus performants au monde. Cette modernisation économique réalisée essentiellement à partir des années 1960 est toujours en cours. Elle a concerné tous les acteurs économiques : l’Etat, les entreprises et les Salariés.
A
Le rôle croissant de l’État Entre 1945 et 1946 le rôle économique de l’Etat s’accroît considérablement. C’est qu’il faut en effet relever le pays de ses ruines et relancer l’activité économique. A la fin de la guerre la France est affaiblie et dévastée. Les destructions matérielles sont sans précédent historique : 74 départements touchés, des régions entières ravagées, plus du quart de la fortune nationale détruit, certaines villes comme Le Havre sont rasées. L’appareil productif est gravement touché (60 000 usines détruites), les voies de communication sont paralysées (9 000 ponts, 115 gares, 80 % des quais portuaires et 20 000 00 0 km de voies ferrées sont hors d’usage) et les moyens de transport sont endommagés (2/3 des wagons de marchandises, des cargos et des pétroliers inutilisables). La production industrielle équivaut à celle de la fin du XIXe siècle ! La production agricole a chuté de 22 %. S’ajoute une inflation galopante ; il circule dans le pays environ 500 milliards de francs alors que 150 milliards de francs suffiraient vu l’état de la production. Il faudra presque dix ans à l’Etat pour tout reconstruire.
Séquence 6-HG00
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Document 1 « Reconstruire la France »
« Cliché Bibliothèque nationale de France, Paris »
Question
a. Quel est le message de cette affiche ? Par quels moyens est-il exprimé ? a. Cette affiche réalisée par le Ministère de la Reconstruction et de l’urbanisme demande aux
Réponse à la question
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Séquence 6-HG00
jeunes Français Français de fournir fournir un effort pour redresser redresser le pays pays détruit par la guerre. guerre. Les moyens utilisés utilisés sont triples et non nuancés. Le dessin d’un bras muni d’une truelle prenant le relais du bras (libéré) armé d’un fusil suggère que si certains ont donné leur sang pour leur pays, d’autres peuvent bien donner leur sueur et leur temps (la semaine de travail passe de 40 heures à plus de 50 heures). Autrement dit il faut fournir un effort national. La reconstruction de la France s’accomplit en quelques années. En 1949, le produit national brut de 1938 est retrouvé, mais celui de l’année 1929 (meilleur score de l’entre-deu l’entre-deux-guerres) x-guerres) ne sera atteint qu’en 1952.
Partout en Europe occidentale après 1945, l’Etat intervient de façon plus directe dans les économies et les sociétés. En France cette intervention publique présente des caractères propres. Les
réformes fondamentales étaient annoncées dans le programme du Conseil national de la Résistance adopté en mars 1944 (nationalisations, planification de la production, droit au travail, à l’instruction, à la retraite, aux loisirs, à la culture…). Une faible partie de ce programme est appliquée dans les réformes entreprises par de Gaulle entre 1944 et 1946. En une vingtaine d’années l’Etat va devenir incontournable. Il intervient dans de multiples domaines.
ᕡ
L’État entrepreneur
Les nationalisations s’accomplissent dans un relatif consensus et visent à modernise moderniserr l’économie en donnant à l’Etat la maîtrise des investissements investissements dans les secteurs vitaux : – l’énergie avec la création des Houillères nationales du Nord et du Pas-de-Calais (décembre 1944), des Charbonnages de France (mars 1946) et d’Electricité d’Electrici té de France France (EDF) et de Gaz de France (GDF) en avril 1946. C’est essentiel pour fournir de l’énergie à un prix raisonnable pour les entreprises. – Les transports avec la création d’ Air France (juin 1946), de la Régie nationale des usines Renault (novembre 1944) et de la Société nationale et de construction de matériel aéronautique (SNECMA) ex Gnôme et Rhône. Il s’agit dans les deux derniers cas d’une sanction pour collaboration économique. – La banque avec la nationalisation de la Banque de France et des quatre banques de dépôts
(Crédit Lyonnais, Société Générale, Comptoir National d’Escompte, Banque nationale pour d’assurance suivent en avril 1946. 194 6. le Commerce et l’Industrie). Les principales compagnies d’assurance
ᕢ
L’État planificateur
La planification indicative « à la française » consiste à fixer des prévisions et des objectifs (en termes de production, de consommation et d’investissement) à quatre ou cinq ans qui s’imposent en partie aux entreprises publiques.
Sous l’impulsion de Jean Monnet est créé, dès 1945, un Commissariat au Plan. Le 1 er Plan de modernisation et d’équipement a pour objectif la reconstruction rec onstruction et la modernisation du pays. Il concentre l’effort sur six « secteurs de base » (électricité, charbon, sidérurgie, ciment, machines agricoles et transports intérieurs). Prolongé jusqu’en 1953 pour s’accorder au calendrier des crédits américains, il assure entre la moitié et les deux tiers des investissements nationaux. Il résout pour l’essentiel la pénurie. Suivront plusieurs autres plans consistant surtout à faire des prévisions globales par secteurs. L’Etat n’a pas vraiment commandé l’orientation de l’économie.
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L’État protecteur
La création de la Sécurité Sécurit é sociale “la Sécu” en octobre 1945 ne part pas de rien. La France possède depuis les années 1930 un système d’assurances sociales (maladie, accident du travail et vieillesse) mais l’ambition est d’une autre ampleur. On passe d’un régime d’assurance d’assuranc e où chacun était couvert en fonction f onction de ses versements, à un système
de transferts sociaux où les prestations presta tions sont identiques quels que soient les revenus revenu s des assurés mais les cotisations sont proportionnelles Attention aux salaires. A partir de 1946, les caisses gèrent aussi les allocations familiales. L’autre amélioraamélio raIl s’agit à la fois d’organiser de vraies tion importante est en 1958 la mise en place garanties contre tous les risques sociaux de l’assurance chômage par la création des de la vie et de permettre une société plus ASSEDIC (Associations pour l’emploi dans l’in juste. Tous les salariés sont rattachés à dustrie et le commerce) précédée en 1950 par la un organisme unique, la Sécurité sociale, création du SMIG (Salaire minimum interprofes interprofes-qui couvre les « risques » maladies, sionnel garanti). invalidité, vieillesse, décès et accidents Ces premières mesures sont décisives car elles du travail. constituent le moteur de toutes les autres autres.. Séquence 6-HG00
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L’État logeur
Le bilan de la guerre est lourd : cinq millions d’habitants sont sans logis, 2,6 millions d’immeubles sont détruits ou endommagés. La réquisition des habitations pour loger les plus démunis est brève car elle porte atteinte au droit de propriété garanti par la Constitution. Le parc immobilier augmente seulement dans la seconde moitié des années 1950 (de 100 000 logements par an à 400 000 en 1963). La solution à la crise du logement (terminée au milieu des années 1960) est passée par la construction d’un habitat collectif, en hauteur, standardisé, moins gourmand en espace et plus facile à bâtir. Les ouvriers et les employés quittent peu à peu leur habitat insalubre pour des cités dotées du confort moderne où ils obtiennent des appartements de taille moyenne (généralement 3 ou 4 pièces).
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L’État aménageur du territoire terr itoire
Plus tardivement une attention est portée à l’aménagement du territoire. En 1963 est créée la DATAR (Délégation à l’aménagement du territoire), organisme interministériel puissant chargé de contrôler les implantations industrielles, les équipements collectifs, le logement et l’urbanisme. Il s’agit de corriger les déséquilibres du territoire (l’hypertrophie parisienne et le contraste entre une France de l’est industrielle et urbaine et une France de l’ouest agricole et rurale). La DATAR favorise pour cela la création de huit métropoles d’équilibre (Bordeaux, Lyon, Lille, Marseille, Nancy, Strasbourg, Nantes, Toulouse) ; elle lance la construction de sept villes nouvelles autour de Paris, Lyon, Marseille et Lille ; elle pilote des projets touristiques tels les aménagements des littoraux du Languedoc-Roussillon ou la création de stations de sport d’hiver dans les Alpes (les Arcs) et elle favorise la création de zones industrialo-portuaires industrialoportuaires comme Marseille-Fos ou Le Havre-Antifer. L’Etat a aussi compris que la révolution des communications est primordiale. Il poursuit une vieille politique nationale de centralisation des transports consistant à mieux relier Paris à la province (ou inversement). Les autoroutes sont lancées en 1952 et renforcées dans les années 1960 : Paris-Lille (1964), Paris-Lyon-Marseille (1968), Paris-Côte d’Azur (1974). Le TGV (le train le plus rapide du monde, 350 km/heure) est partout attendu depuis 1974 : ligne Sud-Est en 1981, Atlantique en 1988, Nord en 1993, Marseille en 2001.
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L’État interventionniste
L’Etat développe de grands projets et des plans sectoriels : en 1955 la Caravelle (l’un des premiers jets commerciaux au monde), l’avion supersonique supersonique Concorde (lancé en 1962, exploité en 1976). La France est leader de l’aérospatial en Europe avec Ariane (le 1er vol a lieu en 1979), elle est le maître d’oeuvre de l’avion gros porteur Airbus (1974), elle lance le Plan calcul en 1966 (gros ordinateur), l’électronucléaire (1974), le Plan électronique (1982). L’Etat développe également la recherche. A côté des créations d’avant-guerre comme le CNRS (Centre national de la recherche scientifique) et d’après-guerre d’après-gue rre tels le CEA (Commissariat à l’énergie atomique) et l’ INRA (Institut national de recherche agronomique), c’est en 1961 le CNES (Centre national d’études spatiales) et en 1964 l’ INSERM (Institut national de la santé et de la recherche médicale). Les dépenses de recherche-d recherche-développemen éveloppementt passent de 2,46 % du budget de l’Etat en 1958 à 6,2 % en 1967 et l’effectif des chercheurs de 9 000 à près de 30 000. Jamais la recherche n’a connu un tel essor dans les universités, les administrations et les entreprises. Le ralentissement de la croissance économique depuis le milieu des années 1970 réduit les moyens financiers de l’Etat. La mondialisation et le rôle croissant de l’Europe rendent toute planification nationale impossible. Il n’y a plus de politique industrielle à long terme mais des aides ponctuelles. L’aménagement du territoire n’est plus la priorité, les dépenses énergétiques le deviennent. La réforme de l’aide sociale est dans l’impasse : les dépenses de santé augmentent plus vite que le revenu national (9 % du PIB contre 3 % en 1950) et la réforme de la Sécurité sociale s’annonce très difficile. difficile.
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B
Le capitalisme « à la française » La France présente l’originalité d’avoir une économie « mixte » dans laquelle coexistent des entreprises privées et des entreprises publiques, quelques grandes entreprises et une majorité de petites entreprises. On peut distinguer trois périodes dans l’histoire des entreprises françaises : Les années 1930-50 sont une période de difficultés et de repli pour les entreprises entreprises.. La concentration technique plafonne. La taille moyenne des établissements industriels varie peu (en 1962 seulement 27 % de la main-d’œuvre travaille dans des entreprises de plus de 500 personnes soit guère plus qu’en 1931). Les performances financières financ ières sont médiocres, les exportations stagnent, et peu de produits nouveaux sont introduits sur le marché. Néanmoins à partir des années 1950, d’importants transferts de technologies américaines américaines se font grâce aux « missions de productivité ». Plus de 2 500 patrons, cadres et ingénieurs français partent aux Etats-Unis pour se familiariser familiari ser avec les méthodes de production et de gestion des industries de pointe et découvrir l’importance de la vente. Ils réalisent qu’on peut gagner plus d’argent en vendant moins cher une masse plus grande de produits.
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Après 1960 c’est la restructuration, la concentration et la modernisation des entreprises
Il faut s’adapter à la concurrence internationale, à la montée des besoins des consommateurs et au renouveau incessant des produits et des procédés de fabrication. S’opère alors une triple concen-
tration : – technique avec la diminution des petits établissements de 10 à 20 salariés au profit des établissements de taille moyenne comprenant entre 200 et 500 salariés ; – économique avec l’augmentation de la part des grandes entreprises de l’aéronautique, l’ aéronautique, de la construction navale, de l’automobile, de l’armement, de l’aluminium et en même temps une diminution de la part des petites entreprises du textile, de l’habillement et du bois ; – financière. Elle concerne surtout les 500 premières entreprises françaises en vue de se partager les marchés européens et mondiaux. L’Etat y contribue largement : en 1962 dans les chantiers navals, en 1966 dans la sidérurgie, en 1967 dans la banque, en 1968 dans les assurances, en 1970 dans l’aéronautique ; suivront Renault et Berliet, Peugeot et Citroën. Il en résulte la création de véritables multinationales multination ales : ELF-ERAP, Aérospatiale, Thomson, Compagnie Générale d’Electricité...
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A partir de la deuxième moitié des années 1980 c’est la fin du dirigisme d’Etat
L’Etat privatise et déréglemente. La concentration financière continue entre 1985 et 1993 et brouille les frontières entre l’industrie lourde et légère, entre la banque et les activités non financières, entre les industries et les services (Pinault-Printemps-La Redoute). Le capitalisme de groupe est ainsi omniprésent en France avec aujourd’hui des firmes de niveau mondial (Total, Carrefour, PSA Peugeot Citroën, France Telecom, EDF, Renault…) qui rangent le capitalisme français en quatrième position loin derrière les Etats-Unis, le Japon et l’Allemagne. Le retard est comblé dans l’agroalimentaire, la chimie fine et la construction électronique. Les entreprises françaises trouvent leur place dans une économie mondiale dominée par la concurrence technologique. Du coup les stratégies et les résultats des entreprises publiques ou privées diffèrent de moins en moins. Autre caractéristique : l’économie française est l’une des plus ouvertes du monde ; 40 % des entreprises cotées en bourse sont contrôlées par des capitaux étrangers essentiellement anglo-saxons (Accor, Schneider, Lafarge…).
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Toutefois en France ce sont toujours les P.M.E qui sont les plus nombreuses et qui créent le plus d’emplois
Les petites et moyennes entreprises (mois de 500 salariés) sal ariés) sont une marque française : à la fin des années 1990 elles réalisent les deux tiers des exportations. Elles sont très présentes dans l’agroalimentaire, le luxe et la distribution. Leur chiffre d’affaire représente 42 % de l’industrie manufacturière. Elles sont dispersées sur le territoire et dépendent largement de la sous-traitance. Séquence 6-HG00
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C
Un monde du travail bouleversé Du début du XX e siècle à la fin des années 1960, la population active est restée au même niveau autour de 20 millions de personnes. Elle augmente ensuite et atteint en 1974 22,2 millions d’actifs. En 2001 elle compte 26 millions d’actifs mais le rythme de sa croissance ralentit (moins de 100 000 actifs supplémentaires supplément aires par an). Cet essor des effectifs coïncide avec une transformation radicale des structures de la population active : la tertiarisation, la féminisation de la population active et la
généralisation du salariat. En quelques décennies on assiste à une complète redistribution de la population active avec une chute spectaculaire des actifs agricoles au profit des actifs de l’industrie et surtout de ceux du tertiaire. ̈
Le secteur agricole connaît une modernisation extraordinaire réalisée en grande partie par les lois de 1960 (orientation agricole) et de 1962 (Pisani). Leurs objectifs sont de faire disparaître les petites exploitations familiales et d’agrandir les autres, de les moderniser, de produire plus et d’exporter. Cette politique productiviste marque la fin d’une civilisation paysanne vieille de
plusieurs siècles.
Document 2 La modernisation des campagnes
« Le maïs est venu remplacer le colza. En 1946, les Américains nous avaient envoyé de la semence pour rien. Seulement on avait pas de machines, il fallait planter et récolter à la main, grain par grain, épi par épi. Depuis, il y a eu des semoirs, des corn-pickers corn-pickers et surtout des produits qui font crever toutes les herbes excepté le maïs : plus besoin de biner. Après le blé et l’orge, le maïs est devenu maintenant la plus grosse culture en Beauce. En 50, j’ai acheté un deuxième (tracteur) Lanz. J’ai vendu cinq chevaux et j’en ai gardé quatre jusqu’au remembrement. Alors j’en ai vendu deux. J’ai vendu les derniers en 1959. En 57, Paul Richer a fait le remembrement. Il était déjà maître de Saint-Loup depuis huit ans (...).La commune comptait peut-être trois mille champs pour mille hectares : il y en avait qui n’étaient même pas desservis par des chemins et, pour y aller il fallait passer sur les autres ; des champs en longueur, d’autres en travers, des champs de six ares. Dans le temps, si un bonhomme mourait qui avait quatre champs d’un hectare et quatre héritiers, au lieu de donner un champ à chacun on coupait tous les champs en quatre. Avec les tracteurs, comment comment cultiver ça ? Sitôt entré dans un champ, il faut sortir. Avec le remembrement, la commune doit compter trois cent champs. (...) Avec le remembrement et la mécanisation, mécanisati on, je diminue le nombre de compagnons et je remplace leurs tracteurs de trente chevaux par des tracteurs t racteurs de soixante. Ce qu’il faut c’est des outils. C’est moins l’homme qui fait le boulot que la mécanique. J’ai une moissonneuse-batteuse, un corn-picker, corn-picker, une presse, six tracteurs dont un à chenilles. Pour Pour mener tout ça, j’ai deux commis : Marius, mon beau-frère, et Jojo. (...) J’ai soixante-neuf ans et je cultive cent soixante-dix hectares.» Ephraïm Grenadou et Alain Prévost, Grenadou, vie d’un paysan français . © Éditions du seuil, 1966, coll. Points Histoire , 1978.
Question
a. Quelles sont les transformations du monde agricole évoquées dans ce témoignage paysan ? d’équipementt a. Une transformation des paysages : les SAFER (Société d’aménagement foncier et d’équipemen
Réponse à la question
rural) créées en 1964 achètent et revendent les terres aux jeunes agriculteurs. La taille des exploitations françaises double double (de 10 à 20 hectares) et les opérations de remembrement agrandissent les parcelles cultivées « En 57 (...).La commune – commune – de Saint-Loup – comptait peut-être trois mille champs pour mille hectares (...) Avec le remembrement, la commune doit compter trois cent champs.». Elle s’accompagne d’ une révolution technique : les exploitations peuvent et doivent posséder des tracteurs (37 000 en 1945 et un million en 1964), utiliser des engrais et pratiquer la sélection
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Séquence 6-HG00
des bétails « En 1946 (...) il fallait planter et récolter à la main, grain par grain, épi par épi (...). Avec la mécanisation (...) C’est moins l’homme qui fait le boulot que la mécanique. J’ai une mois- sonneuse-batteuse, un corn-picker, une presse, six tracteurs dont un à chenilles ». Elle permet une forte amélioration amélioration de la productivité qui qui est multipliée par huit entre entre 1945 et 1975.
La diminution des actifs « Avec le remembrement et la mécanisation, je diminue le nombre de compagnons ». En 1945 ils représentaient 30 % du total des actifs et aujourd’hui 4,5 %. Les paysans sont aujourd’hui devenus des agriculteurs modernes vivant à la campagne. Ils font des études, regardent la télévision et font leurs comptes comme des cadres ou des commerçants des villes. ̈
Le monde ouvrier subit lui un éclatement. De la fin du XIXe siècle au milieu des années 1950, le
nombres des ouvriers ne cesse d’augmenter. En 1968 ils représentent 36,7 % de la population active. L’année 1974 marque mar que le début de leur déclin alors qu’ils qu’il s ont atteint leur maximum en chiffres chi ffres absolus (ils sont huit millions). L’emploi industriel, surtout le moins qualifié, commence à chuter dans de nombreux secteurs. Même si les ouvriers n’ont jamais constitué un ensemble homogène, ils sont de plus en plus différenciés : les ouvriers qualifiés possédant un savoir-faire apprécié (contremaîtres, chefs d’ateliers, techniciens, ingénieurs de fabrication, dessinateurs industriels...) n’ont rien à voir avec les ouvriers spécialisés qui exercent des tâches répétitives. Les ouvriers mieux payés et stables des grandes entreprises (EDF (ED F, pétrole, chimie, aéronautique...) contrastent cont rastent avec les salariés sal ariés des petites entreprises de service ou de sous-traitance. Les conditions de travail sont plus difficiles pour les jeunes, les femmes et les immigrés que l’on retrouve souvent dans les industries de produits de biens de consommation (automobile, appareil-ménager…) cantonnés à un travail à la chaîne.
La tertiarisation du monde du travail reste le fait dominant. Les « cols blancs » représentent près de 72 % des actifs aujourd’hui dont cinq millions de fonctionnaires soit 20 % des actifs. La figure du cadre domine les « Trente Glorieuses ». Ils sont 2,7 millions en 1962 et 6,6 millions en ̈
1989. Identifié à la réussite sociale (on y accède surtout jeune et les possibilités de promotion sociale sont grandes) le cadre est investi d’une valeur d’efficacité. Cette profession d’encadrement connaît une mutation rapide : on passe de la polyvalence à la spécialisation des fonctions commerciales, de communication et d’ingénierie. Les employés sont les exécutifs du tertiaire. Ils sont majoritairement salariés (bureau et commerce) et travaillent dans des entreprises ou des administrations où ils effectuent un travail répétitif d’exécution. Les femmes y sont de plus en plus nombreuses. L’autre transformation majeure de la population active est la spectaculaire généralisation de l’emploi féminin. Longtemps le travail féminin est resté stable : un tiers des femmes travaillait (du moins était comptabilisé dans la population active), le travail à la maison ou le travail des paysannes étant évidemment tenu pour pour nul. Cela est resté vrai des années 1900 jusqu’à la fin des années 1960. C’est ensuite que le travail féminin a pris des proportions considérables au point que les femmes constituent aujourd’hui 47,6 47 ,6 % de la population active. Progressivement le travail ménager est dénoncé comme une aliénation des femmes tandis que travailler hors de chez soi devient pour elles un signe d’émancipation. Elles sont cependant reléguées à des postes de plus en plus féminisés donc dévalués (emplois de bureau, enseignement, santé...) ou aux niveaux hiérarchiques les plus bas. Des inégalités demeurent entre les deux sexes : plus de 70 % des salariés à temps partiels sont des femmes et les salaires des femmes demeurent inférieurs à ceux des hommes (sauf dans le secteur public). ̈
L’autre évolution du monde du travail la plus frappante est la montée du salariat. Les salariés sont de plus en plus nombreux : 12 millions en 1954, 20 millions en 1982 et 21,2 millions aujourd’hui soit 85 % des actifs. De 1962 à 1982 198 2 la part des chefs d’entreprise, des professions libérales et des travailleurs indépendants est passée de 38 à 18 %. C’est un mouvement dû à la disparition de centaines de milliers d’exploitations familiales à la campagne, à la transformation de nombreux métiers, au développement des grandes surfaces concurrençant les petits commerces et à l’Etat dont l’objectif du plein emploi est passé par le salariat masculin à durée indéterminée dans la grande entreprise. ̈
̈
On ne peut pas parler du monde du travail sans évoquer l’immigration. C’est un phénomène
très ancien en France qui s’est accéléré depuis 150 ans pour combler une dénatalité précoce et satisfaire un fort besoin de main d’oeuvre masculine. L’entrée des étrangers en France a été irrégulière ces soixante dernières dernières années : réduite dans l’immédiat après-guerre (1,7 million en 1946), les pouvoirs publics l’encouragent fortement à partir des années 1955-1959. Les immigrés passent de 2,1 à 3,4 millions entre 1962 et 1975. Elle se réduit fortement depuis 1975 (fermeture officielle des frontières). La composition de cette population immigrée change. Jusqu’au début des années 1970, les trois quarts des immigrés sont originaires de pays européens (Espagnols, Portugais, Italiens...). En 1982 les étrangers d’origine non européenne sont majoritaires (surtout des Africains du Maghreb et Séquence 6-HG00
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d’Afrique noire). L’entrée L’entrée massive des Maghrébins dans les années 1970-1980 19 70-1980 s’explique s’ explique par la politique de regroupement familial (arrivée (arriv ée des femmes et des enfants). Sinon les étrangers se répartissent essentiellement dans la France industrielle de l’Est (automobile, sidérurgie, mine) et dans les trois principales métropoles (Paris, Lyon Lyon et Marseille). Marseil le). Alors qu’apparaît une 3 e génération, l’intégration s’effectue toujours lentement et douloureuseme douloureusement nt (xénophobie, discrimination…). ̈ Il reste à voir l’épineuse question du chômage. Depuis le début des années 1990, le chômage est devenu la principale préoccupation des Français. Au plein-emploi des « Trente Glorieuses » (de 1945 à 1974 entre 1 et 3 % de chômeurs) succède à partir du milieu des années 1970 un chômage structurel de masse. La particularité française est son incapacité à créer des emplois même en cas de légère croissance économique : le chômage reste élevé (plus ou moins de 10 % de la population active). Alors que l’Etat augmente les emplois dans la fonction publique, les entreprises privées à partir de 1983 réduisent leurs personnels et conservent les travailleurs qualifiés qualifié s de 30 à 55 ans pour gagner en productivité. Le modèle des « Trente Glorieuses » fondé sur l’emploi masculin salarié à temps complet dans la grande industrie a éclaté en formes particulières d’emplois (CDD, temps partiel, intérim…). Le travail flexible permet de moduler la durée de travail dans l’entreprise sans modifier le nombre de travailleurs. Il représente aujourd’hui 80 % des embauches. La sélectivité du chômage s’accroît : il concerne surtout les jeunes (25 % des moins de 25 ans), les femmes (14,5 %), et la main-d’oeuvre non qualifiée (voir graphique 2d page 326). La France s’affirme comme le pays développé où le travail est le
plus productif mais aussi le plus concentré sur une étroite partie de la population.
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Séquence 6-HG00
Des transformations sociales profondes Entre le milieu des années 1960 et le milieu des années 1980, la société française change complètement de visage à un tel point que le sociologue Henri Mendras qualifia cette mutation de « Seconde Révolution française » par analogie à la Révolution française de 1789. Force est de constater que les Français d’aujourd’hui ne ressemblent plus du tout à ceux de la Libération.
A
La forte modification des structures de la population Attention
Statistiquement le bilan humain de la Seconde Guerre mondiale est moins lourd que celui de la Grande Guerre. Les pertes humaines s’élèvent à 600 000 morts auxquelles il faut ajouter un déficit de 530 000 naissances et 320 000 départs.
En 1946 sont recensés 40,5 millions de Français en métropole contre 41,6 en 1936.
La population régresse et retrouve des chiffres de la fin du XIX e siècle !
Document 3 La France de 1946 à 2001 : quelques indicateurs démographiques
Questions
1946
1962
1975
1990
2001
2009
Population totale (millions)
40,5
46,4
52,6
5 8 ,2
60
62,8
Moins de 20 ans (en %)
29,6
33,1
31
2 7 ,8
25,4
25
20 – 64 ans (en %)
59,2
55
55,4
5 8 ,3
58,5
53
65 ans et plus (en %)
11,2
11,9
13,6
1 3 ,9
16,1
16,7
Taux de natalité (en ‰)
20,9
17,6
14,1
1 3 ,4
12,9
12,7
Taux de mortalité (en ‰)
13,5
11,4
10,6
9,2
9,1
8 ,6
Taux de mortalité infantile (en ‰)
84,4
25,9
13,8
7,3
4 ,6
3 ,8
Taux d’accroissement naturel (en %)
0,74
0,62
0 ,3 5
0 ,4 2
0,38
0 ,4
Espérance de vie des hommes (années)
60
67,2
69
7 2 ,8
75,5
77,5
Espérance de vie des femmes (années)
65
73,9
76,9
81
82,9
84,3
a. Comment évolue le nombre des naissances entre 1946 et 2009 ? b. Quel groupes d’âge prennent de l’importance ? c. Expliquez le vieillissement de la population française. française.
Réponses aux questions
a. L’Etat dispose désormais d’instruments pour connaître l’évolution des effectifs de la société : l’Institut national d’études démographiques : INED (1945) et l’Institut national de la statistique et des études économiques : INSEE (1946). Entre 1946 et 2009 la population française a ans) . Cette exceptionnelle croissance démographique augmenté de moitié (elle a autant crû qu’en 150 ans). est due à une reprise de la natalité dès 1942. De 1946 à 1965 on assiste à un « baby boom » avec 800 000 naissances par an (le taux de natalité est compris entre 21 et 17 %). Des sommes considérables sont allouées par l’Etat pour inciter inci ter les couples conjugaux légitimes et stables à engendrer sans retard trois ou quatre enfants .
Séquence 6-HG00
93
A partir du milieu des années 1960 19 60 une rupture apparaît. Les femmes obtiennent la libéralisation de la contraception (loi de 1967). Pilule et stérilet se diffusent rapidement permettant permetta nt aux femmes qui travaillent de plus en plus de choisir la dimension de leur famille ( « un enfant si je veux, quand je veux » voir affiche page 321). 3 21). L’événement L’événement décisif reste le « manifeste ma nifeste des 343 » paru par u en 1971 dans le Nouvel Observateur où des femmes (artistes, romancières, avocates...) comme C. Deneuve et S. de Beauvoir revendiquent leur avortement. On oublie que 1966 coïncide avec l’apogée de l’ avortement clandestin : environ 1 000 par jour ! En 1974 la loi Veil légalise l’avortement. A partir de 1975 le nombre moyen se fixe à deux enfants par femme. Un autre phénomène se dessine : chaque année depuis 1973 l’âge moyen des mères à leur première maternité a augmenté de deux mois. Il est ainsi passé de 23,5 ans à plus de 29 ans aujourd’hui. Une nouvelle gestion de la famille s’ensuit : en ayant moins d’enfants, les parents peuvent mieux s’en occuper. Disposant de plus de temps et de plus d’argent, ils investissent dans l’ascension sociale de leur progéniture.
b. Deux groupes d’âge pèsent désormais d’un poids jamais atteint dans la société française : e ̈ La « montée des jeunes » est propre à la seconde moitié du XX siècle : en 1943 les moins de 20 ans sont 16,1 % de la population et en 1962 ils représentent près d’un tiers de la population. Leur part s’abaisse ensuite régulièrement. A la fin des années 1950 émerge donc un nouveau groupe social : la jeunesse. Elle s’autonomise, soudée par une conscience de soi et dotée d’un pouvoir d’achat (l’argent de poche des 15-20 ans). Elle fait peur (« blousons noirs »), elle s’amuse (« Salut les copains » mensuel tiré à un million d’exemplaires en 1963), elle adhère à la culture yéyé et se brouille avec les adultes (crise de mai 1968). Dans les années années 1980 ce conflit des générations s’apaise et les jeunes adultes s’attardent au foyer jusqu’à 23-24 ans. ̈
L’augmentation des personnes âgées âgée s (plus de 65 ans) à partir des années 1970 est également frappante.. Aujourd’hui frappante Aujourd’hui ce « troisième âge » représente près d’une personne sur six et ne cesse pas d’augmenter. Ces retraités occupent une place centrale dans la succession des générations. Ils deviennent les personnes ressources, de jeunes vieux avec une retraite complémentaire, du temps libre et un état de santé inédit. inédit . Le schéma de la femme de 60 ans entourée de sa mère et de sa fille et de ses petits-enfants petits-enf ants se généralise. Pour la première fois dans l’histoire l’histoir e les jeunes enfants enfants côtoient côtoient des grands-paren grands-parents ts ayant caractère et âge adultes adultes et un pouvoir d’achat d’achat supérieur à celui des parents.
c. Le vieillissement de la population française s’accélère en raison de la réduction de la natalité et de l’allongement de la durée de la vie. L’espérance L’espérance de vie s’allonge sans cesse : les hommes ont gagné 15 ans a ns depuis 1946 (75 ans) et les femmes 18 ans (83 ans). ans) . Le progrès inégal selon les sexes s’explique par des comportements différents : consommation d’alcool et de tabac plus forte chez les hommes, usure des maladies professionnelles, meilleure résistance féminine... Il existe une autre grande inégalité face à la mort : elle est sociale. Le risque de décès, entre 35 et 60 ans est deux fois et demi plus grand pour un manoeuvre que pour un cadre. Reste que ceux qui fêtent leurs 100 ans de nos jours sont plus nombreux et en meilleure santé qu’il y a 20 ans. Ce vieillissementt est tellement net qu’on parle à notre époque de « papy boom » et ce n’est pas sans vieillissemen poser de graves problèmes à la société française : augmentation des dépenses de santé, tendance à l’exclusion des personnes âgées (maisons de retraite...) et financement des retraites passant par l’allongement de la durée de travail (en 2003 les annuités de travail dans la fonction publique sont passées de 37,5 à 40 ans). Les 15 000 personnes âgées âgées mortes lors de la canicule de l’été 2003 ont révélé les problèmes en matière d’accueil hospitalier.
Les facteurs de cette révolution démographique sont connus et non spécifiques à la France : ̈ maîtrise des maladies infectieuses (variole, diphtérie, rougeole...) grâce aux progrès des antibiotiques antibioti ques depuis les années 1960 et à l’action politique (assainissement des eaux, vaccination...) vaccination...) ; élévation générale du niveau de vie qui s’accompagne d’une meilleure alimentation, de meilleures conditions de logement (éloignement des familles pauvres des taudis des centres-villes) ; ̈ modernisation des équipements hospitaliers et qualité ses soins (en une génération on a vu impensable 30 ans plus tôt). Les Les maladies cardiola chute de la mortalité infantile à un niveau impensable vasculaires régressent régressent depuis les années 1950 et les cancers augmentent jusqu’aux années 1980 ; ̈ des individus plus attentifs à leurs corps et à leur santé (diminution de la consommation d’alcool, du tabac, adoption de régimes alimentaires influencés par la diététique et pratique d’exercices sportifs). ̈
94
Séquence 6-HG00
B
Vivre en ville devient le mode d’existence dominant En 1945 près de la moitié des Français vivait en ville. Aujourd’hui les citadins représentent près de 80 % de la population. De 1954 à 1973 la population des villes a augmenté de treize millions ! La société urbaine tend à se confondre avec la société toute entière. L’urbanité (mode d’existence en ville) bouleverse les façons d’habiter et de vivre. La ville subit une mutation radicale : les lieux de travail, de résidence et de loisirs se séparent et les quartiers se spécialisent : quartiers de bureaux, quartiers résidentiels et des zones industrielles et commerciales. Dans les quartiers populaires les formes communautaires traditionnelles sont rompues (café, ciné, bal...) et la vie de quartier devient moins vivante. La différence ne se fait plus entre urbains et ruraux mais par le type de résidence. Depuis les années 1970 le fossé s’est creusé entre les banlieues déshéritées et les centres reconquis par les classes moyennes aisées. La fracture sociale se matérialise dans les villes. Les promoteurs rénovent les centres des grandes villes Meriadeck à Bordeaux), où les logements sans confort sont remplacés par des logements confortables beaucoup plus chers. La population des centres villes devient plus bourgeoise et les ménages à petits revenus s’éloignent s’ éloignent de plus en plus dans les banlieues et notamment vers les grands ensembles (ces « machines à habiter » ) qui n’étaient pas fait pour durer. Rien n’est prévu pour leur entretien et pour leur liaison avec le reste du tissu urbain. L’automobile (de 1 à 15 millions entre 1946 et 1975) joue un rôle essentiel dans l’essor des villes : ̈ elle favorise la rurbanisation (mitage des campagnes autour des villes par l’habitat citadin). Les deux tiers des ménages qui y résident ont deux voitures. Depuis le milieu des années 70 le choix de la maison individuelle domine chez des Français qui veulent échapper au mode de vie urbain. Ce désir d’habiter hors de la ville touche toutes les couches sociales. Les néo-ruraux ont contribué à transformer le paysage en « banlieue villageoise » avec des maisons isolées neuves ou rénovées et des lotissements bâtis dans la verdure. Les rares campagnes épargnées sont celles trop isolées ; ̈ elle accélère l’uniformisation l’uniformisat ion des modes de vie. L’automobile favorise la révolution commerciale : les supermarchés se multiplient entre 1957 et 1970, puis les hypermarchés avec leurs immenses parkings. Avec leurs véhicules les Français font désormais 90 % de leurs achats, 80 % des trajets entre leur domicile et leur lieu de travail, 75 % de leurs visites familiales ou amicales, 90 % de leurs départs en week-end et 80 % de leurs vacances.
Document 4 Le hall d’exposition de la société Thomson à Paris en 1960
© 2010 Jean-Louis SWINERS. Séquence 6-HG00
95
Question
a. Que montre cette photographie ? a .Le hall d’exposition de l’entreprise Thomson (important groupe industriel français spécialisé entre autre dans l’électronique grand public) montre les derniers équipements électroménager électroménagerss modernes de l’année 1960 (réfrigérateur, lave-linge, gazinière, grille-pain, couverture chauffante...) tant au service des femmes (table à repasser) que des hommes (rasoir électrique). On aperçoit également le matériel audiovisuel (télévision, transistor, tourne-disque). En 1957, 70 % des ménages ne pos-
Réponse à la question
sédaient ni réfrigérat r éfrigérateur eur,, ni lave-linge, ni téléviseur. En 1973 ils n’étaient n’éta ient plus que 7 % dans ce cas. Ces équipements font leur entrée en force dans les maisons à la fin des années 1950 en même temps que le confort moderne (salle de bains, chauffage central, pièces indépendantes...) jusque là l à réservé réserv é à la bourgeoisie. Dans des logements plus grands, le séjour avec av ec son mobilier (fauteuil, coffre, meubles de rangement, bibliothèque) disposé autour de la télévision devient le lieu de convivialité conviviali té et de détente. Cette photo célèbre les progrès technologiques. technolo giques. Ils offrent toujours plus de produits vantés par la publicité qui les rend vite indispensable et que le crédit permet de se procurer. L’enrichissement des Français (leur niveau de vie double de 1953 à 1969) change radicalement leur perception du toit. Les principales dépenses du budget sont consacrées au logement tandis que la part de l’alimentaire et de l’habillement diminue. Cette ruée sur les biens matériels suscite des critiques (le film de Jacques Tati « Mon Oncle » en 1958 ou le roman de Georges Perec « Les Choses » publié en 1965) peu écoutées tant les bienfaits de la consommation de masse sont alors tenus pour naturels.
C
Vers la famille plurielle Les changements sociaux les plus importants de ces quarante dernières années sont ceux qui affectent la famille, la vie de couple et les relations parentsenfants. Les Français y affirment de plus en plus leur indépendance et assument leurs manières de vivre. Le
Attention
Au sein de la famille s’effectue la révo-
lution des mœurs et l’affirmation de l’individualisme comme une valeur essentielle.
modèle familial idéalisé à la fin du XIX e siècle (couple marié avec ses enfants élevés par la mère au foyer et le père « chef de famille » apportant seul les ressources) est vivement remis en cause dans les années soixante. soixante. Les métamorphoses de la famille que nous allons évoquer sont pour certaines en cours c ours depuis les années 1900. Elles s’amplifient
dans les années 1970 et 1980 : ̈ On se marie moins. Le mariage culmine entre 1910 et 1960, il est issu du libre choix des individus qui cherchent dans une union de longue durée l’accomplissement de leur amour et de leurs projets. L’affirmation du droit au bonheur et à l’épanouissement personnel à partir des années 1960 font que l’on se marie moins (les mariages diminuent de 30 % de 1975 à 1985) mais l’on continue de vivre en couple. Aujourd’hui les adultes adul tes vivent à 70 % en couple dont 83 % sont mariés. Alors que le mariage n’a plus rien d’une obligation sociale, il connaît récemment un regain d’intérêt. ̈
On vit plus en concubinage. Il devient un mode de vie généralisé dans le dernier tiers du siècle. Le concubinage prénuptial prénuptial se généralise (12 % des futurs époux en 1965, 87 % en 1997).
̈
On divorce davantage depuis 1973 (10 % de divorces de 1945-65, 20 % en 1978, 38,4 % en 2001 avec 117 000 divorces pour 304 000 mariages). S’unir c’est envisager de se séparer. Cette éventualité s’inscrit dès le départ dans la formation du couple.
̈
On se remet en couple facilement. C’est le développement des familles dites recomposées où les adultes forment un nouveau couple et élèvent un ou plusieurs enfants nés des mariages précédents. Les liens familiaux se diversifient avec des beaux parents, des demi-frères et des demi-sœurs.
̈
On élève seul ses enfants. Le nombre des femmes qui élèvent seules leurs enfants progresse. Ces familles monoparenta monoparentales les (16 % des familles en 2003) sont presque toujours dirigées par une mère.
̈
96
Séquence 6-HG00
Qu’en est-il du couple ? Les Français y affirment plus facilement leurs libres choix. La norme n’est
plus l’hétérosexualité, l’autre peut être de même sexe que soi. Lentement l’homosexualité s’installe dans notre société. La prise de conscience date des années 1950 et s’amplifie dans les années 1980. La tolérance est plus grande mais inachevée hors de Paris et dans les milieux populaires plus conformistes (encore 20 % des Français y voient une maladie mentale). En 1999 le Pacte civil de solidarité (deux personnes majeures peuvent quelque soit leur sexe conclure un contrat pour organiser leur vie commune) reconnaît le couple homosexuel. C’est une date importante qui marque un élargissement de la notion de couple encore impensable il y a 50 ans. En 2009, deux pacs sont conclus pour trois mariages. La sexualité est libre mais entre adultes consentants. La pudeur et les convenances s’affaiblissent. La nudité amoureuse se généralise dans les années 1970, les positions s’affichent et les pratiques sexuelles se banalisent. banalis ent. Les femmes disposant de leur corps affirment af firment une sexualité sexuali té plus épanouie. Avec la déchristianisation les relations sexuelles avant le mariage se banalisent. L’essor des rapports sexuels précoces entre jeunes du même âge affaiblit les rapports de domination au sein du couple.
Les parents continuent d’exercer une triple fonction éducative, sociale et biologique. Le partage « naturel » entre l’autorité confiée au père et les soins du corps et des coeurs confiés à la mère n’est plus aussi net. Les femmes au travail changent le rôle du père (il n’y a pas que lui pour les ressources). Les années 1980 voient la reconstruction des rôles : les pères divorcés réclament des droits, les femmes au travail demandent aux hommes plus d’aide à la maison. Les pères assistent à la naissance de leurs enfants, coupent le cordon ombilical, biberonnent, pouponnent avec des gestes plus ludiques. La figure maternelle durement stressée ne s’est pas aussi bien reconstruite. L’enfant modifie radicalement le couple car il le prolonge dans la durée. L’absence d’enfants peut fragiliser le couple mais la présence aussi car il modifie le mode de vie en accentuant les rôles sexuels plus brouillés dans la vie « célibataire ».
La place de l’enfant a changé. Les enfants sont pratiquement tous désirés. L’enfant est un projet et devient une personne respectée. C’est une source de bonheur familial avec des attentes affectives, de réussite et de survie. L’enfant L’enfant représente représ ente aussi un coût (600 euros eur os de couches par an) avec une chambre cham bre d’enfant devenue la norme (mobilier, jouets, jouets, jeux, décoration, informatique). On le charge d’attention : cadeaux, argent de poche... Il devient un consommateur convoité. L’école est son « métier » en dehors des vacances : 32 % des enfants de 2 ans sont scolarisés, 100 % de ceux de 4-5 ans.
Malgré ces transformations, la famille reste au cœur de l’affectif et du social.
Séquence 6-HG00
97
Des mutations culturelles sans précédent A
La communication de masse : le règne de l’image et de la parole La culture de masse entamée au XIX e siècle et accélérée dans l’entre-deux-guerres s’épanouit après 1945 grâce grâc e à l’augmentation du niveau de vie, à la croissance du temps libre, aux progrès de l’éducation et à l’essor spectaculaire des moyens de communication. Attention
Depuis 1945, les valeurs et les idées sont transmises par des moyens de communication dont l’importance grandit. L’évolution majeure reste le glissement de l’écrit vers l’audiovisuel. La presse connaît après 1945 une véritable explosion mais à partir des années soixante elle décline. La presse des régions (Ouest France, Sud-Ouest, La voix du Nord, le Provençal) qui joue la carte de l’information locale résiste mieux que la presse parisienne. Par contre les Français sont parmi les plus grands lecteurs de magazines au monde (Express, Nouvel observateur...). A noter le « people » qui enfle depuis quinze ans (Paris Match, Voici, Gala...).
Le livre se démocratise et devient un support pour le divertissement, l’instruction et l’émotion. La diminution des prix des imprimés (succès des livres de poche dans les années 1950), l’essor des bibliothèques à partir des années 1970 (aujourd’hui 20 % des Français fréquentent bibliothèques fréquentent une bibliothèque municipale), les initiatives commerciales (FNAC, France Loisirs, rayons livres des grandes surfaces...) permettent une large diffusion des livres. La lecture est moins une obligation morale qu’un plaisir personnel. Malgré cet essor des imprimés, la proportion des grands lecteurs (ceux qui lisent plus de 25 livres par an) recule.
La radio reste le second média des Français. Depuis 1945 le monopole de l’Etat sur la radio est L’information y est étroitement absolu : elle divertit mais doit respecter les valeurs familiales et le travail. L’information surveillée (sous la IVe République, gaullistes et communistes étaient presque totalement exclus de la radio). Les années 1950 sont celles de Radio Luxembourg et de sa rivale Europe 1 dont l’auditoire est plus jeune. Les années 1965-75 marquent un changement. La radio est plus proche et surtout moins langue de bois. Les discussions en direct avec les auditeurs se généralisent, l’irrévérence se fait plus mordante, le langage plus familier (Coluche sur Europe 1 en 1978, Bouvard sur RTL en 1977). Le début des années 1980 marque la fin du monopole de l’Etat et la multiplication des stations. La radio entre dans l’ère de la liberté de communication.
Le cinéma français connaît également une évolution originale. Les accords Blum-Byrnes de mai 1946 effraient le cinéma français. Les Américains liquident certaines dettes de guerre et demandent en contrepartie l’ouverture du marché français à leurs produits, notamment cinématographiques. Dès octobre 1946 l’Etat créé le Centre national de cinéma qui organise la profession, administre le contrôle des films et gère la loi d’aide au cinéma (taxes sur le prix des places redistribuées à la production des films). Se constituent des cinémathèques, des revues et des ciné-clubs militants pour un cinéma art-majeur. Mais à partir des années 1960 débute l’âge de la « vidéosphère ». Les spectateurs diminuent. Dans Dans les années 1950 ils sont descendus à 180 millions d’entrées par an contre 400 millions dans la décennie précédente. Dans les années 1980, ils tombent à 125 millions d’entrées annuelles. Les magnétoscopes, puis les lecteurs DVD se diffusent et favorisent une « culture d’appartement » enracinée par l’ordinateur à domicile dans les années 1990.
Peu d’inventions d’inventions comme la télévision ont en si peu de temps aussi profondément modifié la vie quotidienne et les comportements aussi bien privés que publics. Sa diffusion est d’abord 98
Séquence 6-HG00
lente. Elle est exploitée en France en 1948 et seulement 1 % des foyers sont équipés en 1954. Mais elle s’accélèree ensuite : 10 % en 1958, 70 % en 1970 et 97 % aujourd’hui. Comme la radio, s’accélèr radio, la télévision est sous le régime du monopole d’Etat. Elle a alors une triple fonction : diffuser la culture, distraire le public et informer tout en servant la politique du gouvernement (en 1962 les journalistes peu sûrs sont écartés du journal télévisé). L’effet d’homogénéisation est d’autant plus dense qu’il n’y a qu’une chaîne en 1963, deux en 1972. En 1974 l’Office radiotélévision français (ORTF) éclate et une loi instaure les règles de la concurrence et de la rentabilité avec sept sociétés dont quatre de programmes (Antenne 2, TF1, FR3 et Radio France) et trois troi s de services (TDF, INA, SFP). C’est un bouleversement considérable
car l’information l’informat ion se détache du pouvoir. Dans les années 1980 l’image se banalise et e t les ondes sont livrées à la concurrence : Canal plus (1984), la Cinquième et la Six (1986), TF1 privatisée en 1987. La télé devient le divertissement majeur des Français et remporte la bataille des soirées. Coexistent désormais un secteur privé et public dont la compétition est devenue la règle majeure. Chaque direction a les yeux fixés sur l’ audimat.
Document 5 La télévision objet de controverses
« Non la télévision n’abrutit pas ceux qui la regardent. Mais comme ceux que la vie malmène la regardent plus que les autres, ils donnent à des chercheurs pressés et à des idéologues en mal de mission civilisatrice l’impression qu’elle cause de tous les maux de l’enfance. (...) Elle n’est qu’un commode bouc émissaire. émissai re. Depuis longtemps les vrais coupables sont identifiés : chômage, urbanisation, défaillance des institutions scolaires, conditions de vie. (...) Pour y voir plus clair, on peut distinguer trois types de consommation de télévision. La télévision passion, faites d’émissions choisies, préférée à toute autre activité alternative à un moment donné. La télévision tapisserie, télévision consommée en même temps que d’autres activités, tâches domestiques, conversations téléphoniques, révisions de leçons ou prise du petit-déjeuner. (...) (...) Enfin vient la télé bouche-trou, celle que les enfants r egardent faute de mieux ; s’ils n’étaient pas seuls, s’ils savaient bien lire, si on leur proposait d’autres loisirs (...), cette télévision ne les retiendrait pas. La consommation de télévision des « mauvais élèves » est principalement constituée de « télévision bouchetrou », consommation qui mesure l’échec de nos sociétés à assurer l’édu cation et les loisirs de leurs enfants. La « télévision bouche bouc he trou », pour beaucoup, au sens exact du terme, c’est mieux que ri en. En tout cas supprimer la télévision ne supprimera pas les trous, car sa consommation est un symptôme, un effet, pas une cause. » Jean-Marie CHARON, « l’Etat des médias », © La Découverte.
Question
Réponse à la question
a. Quelle est la thèse de l’auteur ? a. Il pense que la « la télévision n’abrutit pas ceux qui la regardent ». C’est un « symptôme » et non la cause d’une crise de la société actuelle. Si elle prend de l’importance (aujourd’hu (aujourd’huii chaque adulte e passe trois heures par jour devant la télé, c’est devenu la 3 activité après le sommeil et le travail) c’est à cause du chômage, du mode de vie et du désintérêt de l’école. Elle n’abrutit pas car on peut la regarder différemment : « La télévision passion, faite d’émissions choisies, préférée à toute autre activité alternative à un moment donné ». « La télévision tapisserie, télévision consommée en même temps que d’autres activités » et « la télé bouche-trou, celle que les enfants regardent faute de mieux » (auquel cas elle renvoie aux déficiences de l’éducation et donc aux problèmes de notre société). La télé enferme chez soi, réduit les sorties, empêche de lire et abrège les conversations familiales. Les sociologues soulignent le fait qu’on n’a jamais aussi peu communiqué directement l’un à l’autre. En même temps la télévision constitue un lien social : les chaînes généralistes fournissent des sujets de conversations et des références communes.
En 1997 les Français consacrent 43 heures en moyenne par semaine à écouter la radio, les disques et la télévision donc plus que le temps de travail. C’est l’une des modifications les plus lourdes de notre vie quotidienne.
Séquence 6-HG00
99
B
Le double défi de l’école : massification et démocratisation Depuis 1945 l’école est confrontée à un double défi. La massification : elle accueille de plus en plus d’élèves. On parle à juste titre d’explosion scolaire (dans l’entre-deux-guerres les collèges et les lycées accueillaient environ 200 000 élèves contre 4,5 millions aujourd’hui). aujourd’hui). Les effectifs des collèges s’accroissent dans les années 1960 et ceux des lycées dans les années 1980. L’Etat de 1965 à 1975 doit construire 2 354 collèges soit un établisseme établissement nt par jour ouvrable ! La démocratisation de l’accès à l’école, apparue peu avant 1914, devient après 1945 une priorité nationale. Les deux phénomènes sont liés : plus on amène d’enfants au collège et au lycée et plus les groupes sociaux sont représentés.
La question est de savoir si l’école favorise la promotion sociale.
Document 6 Extraits de la loi Haby (juin 1975)
« Article premier – Tout enfant a droit à une formation scolaire qui, complétant l’action de sa famille, concourt à son éducation. Cette formation scolaire est obligatoire entre six et seize ans. Elle favorise l’épanouissement de l’enfant, lui permet d’acquérir une culture, le prépare à la vie professionnelle et à l’exercice de ses responsabilités d’homme et de citoyen. c itoyen. Elle constitue la base de l’éducation permanente. Les familles sont associées à l’accomplissement de ces missions. Pour favoriser l’égalité des chances, des dispositions, appropriées rendent possible l’accès de chacun, en fonction de ses aptitudes, aux différents types ou niveaux de la formation scolaire. (...) Art. 3 – (...) La formation primaire assure l’acquisition des instruments fondamentaux de la connaissance : expression orale et écrite, calcul ; elle suscite le développement de l’intelligence, de la sensibilité artistique, des aptitudes manuelles, physiques et sportives. (...) Art. 4 – Tous les enfants reçoivent dans les collèges une formation secondaire. Celle-ci succède sans discontinuité à la formation primaire en vue de donner aux élèves une culture accordée à la société de leur temps. (...) Art. 5 – La formation secondaire peut être prolongée dans les lycées en associant, dans tous les types d’enseignement, une formation générale et une formation spécialisée. »
Question
a. Quel est l’objectif de cette loi scolaire ? Quels sont les moyens mis en œuvre ? a. La loi Haby de juin 1975 qui entraîna une forte contestation des parents, des syndicats et de la gauche parachève la mise en place du collège unique amorcée depuis 1959. Cette loi met le pro-
Réponse à la question
blème de l’égalité des chances au cœur du débat « Tout enfant a droit à une formation scolaire qui, complétant l’action de sa famille, concourt à son éducation ». Le collège est un moment décisif dans la vie de l’individu car elle « le prépare à la vie professionnelle et à l’exercice de ses responsabilités d’homme et de citoyen ». Surtout le collège est la liaison entre l’école « La formation primaire » et le lycée « La formation secondaire ». Il s’agit de donner à tous les enfants, quelle que soit leur origine sociale, « une culture accordée à la société de leur temps» et les clés de la réussite. Pour cela est créé un « tronc commun de formation » de la 6 e à la 3e sans aucun système de filières.
Le collège unique est en théorie égalitaire mais le choix des langues, le contournement de la carte scolaire, la voie royale des mathématiques reproduisent des inégalités. Au milieu des années 1980 tous les enfants d’ouvriers entrent en sixième mais le nombre de ceux qui passent en seconde n’augmente plus. Le collège unique marque cependant des progrès progrè s incontestables : en 1999, 60 000 élèves sortaient du système scolaire sans qualification, ils étaient 120 000 en 1985. L’école révèle les contradictions de notre société. Elle est envahie par l’utilitarisme. L’économie demande une main-d’oeuvre de plus en plus diplômée d’où l’allongement des études. Le scolaire 100
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devient donc un investissement familial qui doit être rentable. Dans les années 1980 apparaissent dans la presse des hit-parades des meilleures formations dans les lycées, les classes préparatoires, les IUT et les Universités. Le baccalauréat devient un passeport pour l’ascension sociale et un label de compétition. En 1985 le gouvernement annonce 80 % d’une classe d’âge d’â ge obtenant le baccalauréat. Pour atteindre cet objectif le baccalauréat professionnel est créé (320 000 lycéens y sont inscrits en 1989). Aujourd’hui Aujourd’hui 66 % d’une classe d’âge obtient le bac (15 % d’une classe d’âge en 1950).
La méfiance entre l’école publique et l’école privée reste vivace même si elle s’atténue : Le financement public de l’enseignement privé reprend sous l’impulsion du MRP en 1951 avec la loi Barangé qui attribue une aide financière modeste au père de tout enfant fréquentant l’école primaire publique ou privée. La règle « à école privée, pri vée, fonds privés » cesse de fonctionner fonctio nner.. La loi Debré de 1959 est plus importante. Elle crée le contrat d’association. L’Etat prend à sa charge le traitement des enseignants et une partie des frais de fonctionnement et en contrepartie l’établissement doit respecter les programmes de l’enseignement public. En 1960, 11 millions de personnes signent une pétition pour son retrait... en vain. La loi Savary votée en mai 1984 par une Assemblée nationale de gauche supprime le contrat simple (l’établissement restait maître de sa pédagogie). Le 24 juin 1984, plus d’un million de personnes défilent à Paris en faveur de l’enseignement privé. pri vé. Le 12 juillet François Mitterrand décide de retirer la loi. En 1994 le gouvernement Balladur vote un amendement à la loi Falloux. Les subventions des collectivités aux frais de fonctionnement des écoles privées ne sont plus limitées. Le gouvernement doit reculer face aux partisans de l’école laïque qui sont 600 000 à manifester à Paris le 13 janvier 1994. Aujourd’hui ni la droite ni la gauche ne semblent vouloir rallumer la querelle scolaire.
Une nouvelle querelle scolaire a pris le devant de la scène médiatique depuis 1989 lorsque trois élèves musulmanes d’un collège de Creil (situé en zone d’éducation prioritaire) ont été exclues pour avoir refusé d’ôter leur voile en classe. Après beaucoup d’hésitations des hommes politiques, la loi sur la laïcité a tranché en interdisant tout signe religieux ostensible à l’intérieur d’un établissement scolaire.
C
Une « civilisation des loisirs » : le développement du temps pour soi Alors qu’en 1945 le travail dominait le temps de vie, j ouir de la vie en prenant du temps pour soi est devenu à notre époque une valeur fondamentale. Loisirs et culture représentent environ 7,5 % du budget des dépenses aujourd’hui contre 5,5 % dans les années 1960. Les loisirs reposent sur la diminution du temps de travail dont la durée annuelle a été divisée par deux de 1896 à nos jours. Les congés payés s’étirent : deux semaines en 1936, trois en 1956, quatre en 1969 et cinq en 1982. Les 35 heures libèrent encore un temps de travail. En 1990 un Français bénéficie de 156 jours de repos par an. Les Français plus riches consomment davantage de loisirs que l’on peut tenter de classer en quatre catégories : ̈ physiques à statut social typé (courses, sports, yoga, pétanque...) ; ̈ pratiques nécessitant un vrai équipement rentabilisé par le « do it yourself » (bricolage, jardinage...) ; ̈ culturels privatisés (télévision, sorties concert, théâtre et cinéma plus cantonnées socialement) ; ̈ sociaux axé sur l’activité relationnelle de la famille, du café, de l’association ou des amis.
Les vacances (surtout familiales) deviennent un temps collectif à part entière. Les formules se diversifient : les sports d’hiver font leur apparition dans les années 1960 (35 % de départs aujourd’hui), les séjours dans les stations balnéaires, les voyages au loin en priorité vers une destination soleil (les « villages » Clubs Med – 1952 – s’installent aux Antilles et en Afrique). Les Les modes d’hébergement se multiplient : essor des camping municipaux, séjours à la campagne, locations, camping-car etc.
On note un changement depuis les années 1970. Le travail qui manque remet en cause l’idéal du loisir collectif. Le loisir devient plus individuel, plus jouisseur et plus éphémère. C’est un temps pris désormais comme il vient. Il prend une nature nouvelle : un temps personnel envahi par l’obsession de la communication (explosion des portables portables au milieu des années 1990) et non plus par le souhait de se reposer et de se retrouver seul. Chez de nombreux jeunes il est quasiment sacralisé (consommation médiatique, fête de la musique, la mode « chinée », les vacances entre deux jobs, jeux vidéo...).
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Françaiss font du sport (30 % Le sport est un autre usage croissant de ce temps libre : 45 % des Françai régulièrement et 15 % occasionnellement). occasionnellem ent). Jusqu’au début des années 1960 les équipements sont rares (en 1958 on a 8 départements sans piscine et 11 sans stades). Il faut la débâcle aux Jeux Olympiques de Rome en 1960 pour que de Gaulle s’y intéresse. Le sport devient une affaire d’Etat. Il témoigne des mutations de la société . Jusqu’aux années 1960, il correspond à une identité individuelle ou collective forte avec des valeurs pédagogiques et morales (respect de l’autre, l’ autre, intégration du groupe, sens de l’effort). On assiste ensuite à une montée des sports individuels au détriment des sports collectifs (qui conservent cinq fois plus de pratiquants). A partir des années 1980 19 80 c’est la recherche des sports intenses : surf, planche à voile, roller, snow-board. La vitesse, la glisse, la conquête d’espaces libres (hors-piste) et la culture de l’immédiateté l’emportent.
D
L’affirmation de la culture de masse A la Libération, la Résistance, dans la lignée du Front populaire, veut rendre la culture accessible à un maximum de Français. Les comités d’entreprises créés en 1945 offrent des billetteries, ouvrent des bibliothèques sur les lieux de travail. La consommation culturelle s’est sensiblement accrue mais ne touche pas toutes les catégories catégor ies sociales. Dans les années 1960 la France est la 1 re nation occidentale où l’Etat a voulu démocratiser la culture. Cette politique culturelle culturelle de l’Etat connaît deux temps forts : – sous de Gaulle. En 1959 est créé le ministère des Affaires culturelles culturelles dirigé par André Malraux pendant dix ans . Deux orientations sont données : la politique du patrimoine (héritage transmis par les générations précédentes composé de monuments, des œuvres d’art et des écrits) et la construction de musées pour conserver les biens culturels ; la politique de soutien à la création (aide au théâtre, au cinéma) par la mise en place des Maisons de la culture (« ce qu’elles ne sont pas, c’est le lieu des riches » Malraux) dans les grandes villes de province. – Sous Mitterrand et son ministre de la Culture Jack Lang avec l’« impératif culturel » visant à ne pas circonscrire l’art à une élite sont créées la fête de la musique et la journée du Patrimoine (1985). Dans les villes de province sont lancés des programmes d’animation culturelle (Futuroscope de Poitiers, festival de rock à Bourges, festival de la bande dessinée à Angoulême…). Les autres secteu rs culturels sont reconnus comme la mode, la photographie, la bande dessinée, le design et la publicité. A partir des années 1970 les Présidents se lancent dans les « grands travaux » en vue de faire des lieux culturels ouverts au public : Centre Georges Pompidou (1977), musée d’Orsay (1986), Opéra-Bastille (1990), Grand Louvre (1994), Bibliothèque nationale de France (1997). Mais l’accès à la culture ne dépend pas que de l’Etat. Jouent également le niveau de vie, le bagage culturel, le niveau d’instruction et le milieu socio-éducatif. socio-éducatif. Aujourd’hui les pratiques culturelles largement différenciées sont souvent utilisées comme un marqueur social. Schématiquement on distingue : – une culture populaire faite de variétés et de feuilletons télévisés, de jeux (essor des loteries), de cassettes vidéo, de spectacles sportifs et de très peu de lectures (un Français sur trois ne lit jamais de livres). – Une culture des élites, celle des Parisiens, des titulaires de diplômes de l’enseignement supérieur et des professions intellectuelles. Elle est orientée vers le théâtre, le concert classique, l’opéra, le musée, les galeries d’art… Une culture qui suit aussi les modes et qui est aussi un marché de consommation. A la fin des années 1980, la France fait valoir son « exception culturelle » . Ce principe soulève une question importante : une culture subventionnée par l’Etat peut-elle jouer efficacement son
rôle critique ?
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Le recul des idéologies et des croyances Le milieu des années 1970 est la fin d’une époque : les Français, comme les sociétés occidentales, vivent une crise des valeurs, un sentiment de déclin international et une inquiétude identitaire.
A
La place du fait religieux dans la société française : au-delà du catholicisme et de la chrétienté Dans les années 1950 et 1960, l’Eglise catholique accentue son déclin. La messe, les mariages religieux et les baptêmes régressent. Le nombre des prêtres diminue diminue (23 000 en 2003, 200 3, contre 60 000 au début e du XX siècle). Contrainte de s’adapter, l’Eglise catholique se réorganise au Concile Vatican II (19621965) : reconnaissance des libertés religieuses, dialogue avec les non-croyants... Les paroisses sont regroupées, on a recours aux laïcs pour les messes... L’Eglise, plus discrète, voit son rôle social perdre de son évidence.
A partir des années 1970 le champ religieux religie ux se recompose. Avec la crise économique apparaissent les premières remises en cause de la modernité. Le bonheur est à rechercher ailleurs que dans la seule satisfaction des besoins matériels. Le Le retour à la vie simple en petits groupes est recherché. La religion répond à cette demande identitaire dans toutes les confessions : ̈ Catholicisme avec l’essor des communautés charismatiques (100 000) tournées vers l’émotion. Les charismatiques proposent une guérison spirituelle. A partir de 1982 l’épiscopat français les intègre. ̈
Judaïsme. Le mouvement loubavitch (importé des Etats-Unis) recrute parmi les jeunes juifs venus d’Afrique du Nord. Ce réseau associatif dense (écoles, centres de loisirs) compte 15 000 adeptes.
̈
Le protestantisme. Des Eglises évangéliques, pentecôtistes et baptistes (dont le message
vient des Etats-Unis) connaissent un essor dans les milieux populaires. ̈ L’islam. Dans les années 1990 les associations de jeunes musulmans dans les banlieues donnent aux jeunes beurs beurs de la 2e génération des références religieuses et de rites communs donnant sens à leur vie.
Quel est l’état actuel de la religion en France ? Il n’existe pas de données officielles concernant les religions (appartenances, pratiques...) car depuis la fin du XIX e siècle ces questions sont supprimées des formulaires de l’état-civil. On procède par sondages pour cerner les familles confessionnelles :
Les catholiques sont toujours majoritaires mais en baisse. En 1960, 85 % des Français s’en réclamaient, aujourd’hui aujourd’hui ils ne sont plus que 60 %. Ce n’est plus un catholicisme de conviction mais il est vécu comme une relation souple (on peut changer de groupes, de communautés) et une religiosité pèlerine (Journées mondiales de la jeunesse, visite du pape – commémorations...). Il reste une force non négligeable par sa presse (« La Croix »), le contrôle d’une partie de l’enseignement privé et son audience politique. Les catholiques refusent majoritairement que l’Eglise leur dicte leur comportement dans leur vie intime et familiale (avortement, homosexualité, relations sexuelles avant le mariage...) et dans leur choix politique.
Le protestantisme compte 700 000 protestants, surtout dans les couches moyennes et urbanisées. Près de deux millions de Français se disent attirés par son image de plus grande tolérance morale et de modernité. Il doit une large part de son succès à son attachement étroit aux idéaux des Lumières et de la République.
Les juifs sont, depuis les années 1970, montés en visibilité. Ils ne se cachent plus et érigent la mémoire de la Shoah. Ils ont le soutien d’Israël (unique garant de leur sécurité dans le monde) et ils redonnent vie à des espaces communautaires juifs. Ils sont évalués à 550 000 et savent faire valoir leurs droits comme le montre le rôle actif de la Ligue contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA).
Les musulmans sont estimés à cinq millions (pratiquants ou non). Une très large majorité veut un islam tranquille et n’adhère pas vraiment à la charia. L’un des enjeux est qu’il soit pratiqué en toute transparence et dans des conditions conditions nationales ce vers quoi tend la création en 2003 20 03 du Conseil fran-
çais du culte musulman (CFCM). Séquence 6-HG00
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Il faut ajouter 250 000 orthodoxes et 200 000 chrétiens monophysites monophysites attachés à l’Eglise arménienne. On compte également 350 000 00 0 bouddhistes issus de l’immigration asiatique et quelques dizaines de milliers de convertis français. Avec plus de 200 monastères, la France est le premier pôle bouddhiste en Europe. Enfin à noter l’essor des sectes depuis les années 1980. En 1996 un rapport parlementaire recense 173 « groupes dangereux » en France avec des critères basés sur la manipulation mentale, l’extorsion de fond et les atteintes aux personnes privées. Mais il mélange les Témoins de Jéhovah (130 000 fidèles et septième confession confession du pays) avec les adeptes de Moon, les «soucoupistes » de Raël et des mouvements attachés au satanisme et à l’apocalypse.
B
Intellectuels et artistes : de l’engagement au retrait Les intellectuels ne sortent pas indemnes de la guerre. Profondément choqués par ses horreurs (Shoah, Hiroshima, tortures, exécutions...), ils choisissent massivement l’engagement. Ils veulent apporter des réponses aux questions importantes qui ont surgi et participer activement au débat politique et social. Un nouveau modèle intellectuel émerge dans l’après-guerre : celui du partisan. Renonçant à l’esprit critique au profit de la croyance, il se met au service d’un parti. Ce sera surtout le parti communiste. La figure emblématique de l’intellectuel l’intellec tuel engagé est Jean Paul Paul Sartre « compagnon de route » du PCF. Ce philosophe et écrivain est dans les années 1950 la figure même du révolutionnaire qui n’accepte pas la réalité : il est de tous les combats, contre toutes les injustices sociales.. La guerre froide radicalise cette intelligentsia de gauche au moins jusque 1956 (répression du sociales soulèvement de Budapest). Les intellectuels français s’engagent sur d’autres terrains comme l’indépendance de l’Algérie (manifeste des 121 signé par des écrivains, professeurs, artistes autour de
Jean Paul Paul Sartre réclamant le « droit à l’insoumission » en septembre 1960). Moins médiatisé que celui des écrivains, l’engagement de certains peintres (Hélion, Cueco, Villeglé) souligne leur volonté de dire ce qu’ils pensent de leur société : débats de la guerre froide, critique de la colonisation ou contestation contestation de 1968 (les maîtres à penser la suivent plus qu’ils ne l’impulsent).
Document 7 Civilisation Atlantique d’André Fougeron (1953)
André FOUGERON « Civilisation Atlantique » (1953) © Tate, London 2009 © Adagp, Paris 2009.
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Question
Montrer que ce tableau est une dénonciation outrancière du capitalisme, des Etats-Unis d’Amérique et des guerres coloniales. coloniales.
Réponse à la question
Ce peintre français (1913-1998) adhérent du Parti communiste dénonce brutalement et de manière simpliste : un système capitaliste exploitant son propre peuple (des enfants dansent dans les fumées d’usines, des sans domiciles dorment sous des tôles tôl es ou des tentes) et l’ensemble des peuples peup les du monde (enfant noir cirant des chaussures de blanc). Une Amérique violente (la chaise électrique, l’immense prison), grossière, militaris militariste te (représentation dans une voiture américaine d’un soldat américain coiffé d’un casque allemand symbole de la collusion supposée entre capitalistes et nazis). Les guerres coloniales n’apportant que désolation (allusion à la guerre d’Indochine), cadavres et cercueils.
Le milieu des années 1970 voit un basculement culturel de première grandeur. C’est d’abord une révision des valeurs. La parution du livre de Soljenitsyne en 1974 « L’archipel du goulag », la dénonciation du génocide du Cambodge en 1979, l’invasion de l’Afghanistan et le coup de force de Jaruzelski en Pologne en décembre 1981 discréditent définitivement le communisme. L’heure est à la dénonciation et au rejet du « phénomène totalitaire ». Bernard-Henri Lévy fait une lecture critique du marxisme. De nombreux intellectuels se rabattent sur des interventions ponctuelles en faveur des droits de l’homme comme Aron, Foucault et Sartre qui interviennent en faveur des « boat people ». On valorise les identités communautaires : féminine, homosexuelle, immigrée. Chacun a ses certitudes et ses doutes personnels. On ne se range plus tous ensemble derrière l’idée. L’intellectuel cherche à saisir avec prudence le sens des choses caché par la complexité croissante crois sante du monde. Ces intellectuels ont-ils pesé sur l’opinion des Français ? Ont-ils changé le cours des choses ? La réponse est complexe car la société ne les reconnaît plus forcément. Dans Dans son livre « Le siècle des intellectuels » l’historien Michel Winock souligne avec justesse : « La conscience civique, (…), la coopération active au vouloir-vivre-ensemble, bref les assises éthiques de notre société imparfaite mais perfectible ne sont pas le monopole monopole de quelques-uns quelques-uns,, mais l’affaire l’affaire de tous ».
C
Les grandes tendances littéraires et artistiques de la seconde moitié du XXe siècle Ce tableau n’a pas la prétention d’être exhaustif, il contient juste les grandes lignes de la création littéraires et artistiques en France de 1945 à nos jours. (voir page suivante)
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Années
Chanson/Musique
Cinéma
Théâtre
Art pictural
Années 1940
Epoque des grandes voix : ROSSI, TRENET avec des chansons à texte
Le cinéma piétine (forte autocensure) : fin du cinéma poétique et symboliste : « Les enfants du paradis » CARNE, « Le silence est d’or » CLEMENT « Quai des orfèvres » CLOUZOT…
Théâtre de l’absurde : « La cantatrice chauve », IONESCO « En attendant Godot », BECKETT
Triomphe de la peinture abstraite : PICASSO, CHAGALL, MATISSE…
Années 1950
Influence américaine et britannique croissante : ROCK dans les années 50 et 60 puis POP. Epoque des variétés J. HALLYDAY, E. MITCHELL. Phénomène des « yéyé » F. HARDY, C. FRANCOIS
Années 1960
Années 1970
Années 1980
Années 1990
Fin des grands monstres sacrés de la chanson française : PIAF, BREL, BECAUD, BRASSEN puis FERRE. Un survivant jusque dans les années 90, GAINSBOURG
Nouvelle génération du festival de Bourges : SOUCHON, BERGER GOLDMAN puis BRUEL, M. FARMER Développement d’un rock français avec HIGELIN, TELEPHONE 1985-90 : essor du rap français : MC SOLAR, NTM, IAM… Légère vague techno au tournant du siècle
1958 : la « Nouvelle vague » : les cinéastes tournent des films sans gros budget, ni célébrités, souvent en décor naturel : TRUFFAUT, CHABROL, GODARD, RIVETTE Fin des années 1960 et début des années 1970, irruption de l’histoire dans le cinéma avec « Le chagrin et la pitié » (1971) et les films de COSTA-GAVRAS Un cinéma populaire commercial comique dynamique dans les années 60 et 70 DE FUNES, POIRET, SERRAULT Eclatement du cinéma en de multiples individualités : PIALAT, TECHINE, MALLE… Déferlante du cinéma américain, des superproductions mais maintien d’une tradition française avec de grands réalisateurs : BERRI, BLIER, TAVERNIER, SAUTET De nouveaux réalisateurs avec des images plus soignées : BEINEIX, BESSON
Années 2000
Pensée/Sciences humaines Influence dominante du marxisme sur les intellectuels : ALTHUSER, SARTRE, SOBOUL…
Nouveau réalisme Le théâtre à la télévision « Au théâtre ce soir »
1968. Jean Vilar contesté au festival d’Avignon
Développement des compagnies indépendantes comme le « Magic Circus », l’équipe du « Splendid », le « théâtre du Soleil » à Vincennes
Succès d’individualités comme Y. KLEIN, TINGUELY TINGUE LY, ARMAN AR MAN (et ses accumulations), CESAR (et ses compressions). Déferlement du pop’art américain en France
1975-76 reconnaissance des grands peintres abstraits français O. DEBRE, P. SOULAGES SOU LAGES
Retour de la figuration
Postmodernisme (années 1980)
Pensée 68 situationnisme. Bref renouveau anarchique GIP (Groupe d’intervention sur les Prisons) avec SARTRE, FOUCAULT FOUCAULT,, VIDAL-NAQUET (1971) Vague structuraliste : LEVI-STRAUSS (ethnologie), FOUCAULT (à ses débuts avant d’aller vers l’histoire des prisons, des sexualités), LACAN (psychanalyse)
Littératures Nouveau courant : l’existentialisme où les choix de l’homme priment. « Les mains sales », SARTRE « Les justes » CAMUS
Nouveau roman avec ROBBE-GRILLET, SIMON, BECKETT SARRAUTE, PINGET : dévaluation de l’intrigue et des personnages, absence de psychologie. Un mouvement assez rapidement sectaire réservé à des initiés, très intolérant à toute autre forme d’écriture.
A côté des écrivains plus fidèles à la tradition : H. BAZIN, S. DE BEAUVOIR et surtout un très grand style écrivain du XXe siècle Marguerite YOURCENAR.
1980-1984 : mort des intellectuels (Sartre, Aron, Lacan, Foucault) Années 1970-1985 dénonciation du totalitarisme soviétique, réhabilitation intellectuelle du libéralisme
Influence de l’exotisme : Le CLEZIO, TOURNIER (années 1980)
Retour à la biographie en histoire : « Saint Louis » de J. Le GOFF Mort de P. Bourdieu J. Derrida ■
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