> De la société industrielle à la société de consommation
Important : cette séquence est destinée uniquement aux séries L, ES.
Séquence 2-HG00
55
Introduction >
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
. .
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
. .
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
. .
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
. .
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
. .
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
. .
.
.
.
Chapitre 1 > Les grandes phases économiques depuis 1945 A
La croissance des « Trente Glorieuses »
B
La « crise »
C
Vers un village planétaire ?
Chapitre 2 > De profondes transformations sociales A
Les mutations du cadre de vie
B
Le triomphe de la société de consommation ?
C
Un bouleversement des hiérarchies sociales ?
D
Des changements démographiques majeurs
Chapitre 3 > Vers une culture planétaire ?
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
A
Une civilisation de l’information
B
L’uniformisation par la culture de masse
C
Une civilisation des sciences et des techniques
D
Le « retour du religieux » ?
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
. .
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
. .
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
. .
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
59
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
.
Sommaire séquence 2-HG00
61
77
86
57
ntroduction La seconde moitié du XX e siècle a connu des bouleversements sociaux et culturels considérables. De nos jours, l’on s’inquiète de l’uniformisation des cultures à la sauce nord-américaine et de l’omniprésence de technologies déshumanisantes, dans dans la vie quotidienne. Il semble bien que nous quittions la vieille société industrielle qui a marqué l’époque 1850-1945, désormais l’information occupe une place centrale ; on parle même de société de communicatio communication. n. Pour saisir l’ampleur de ces bouleversements, nous verrons successivement les grandes phases de l’histoire économique contemporaine depuis 1945 avec deux temps forts nettement identifiables et contrastés : les « Trente Glorieuses » et la crise puis, plus spécifique spécifiquement, ment, les profondes transformations transforma tions sociales qui ont affecté notre monde, enfin nous nous interrogerons sur cette nouvelle culture mondiale qui semble s’esquisser, construite sur l’information, l’informat ion, tendant à être uniformisée mais aussi avec quelques éléments de différenciation ici et là.
Séquence 2-HG00
59
Les grandes phases économiques depuis 1945 Chronologie des temps forts de l’économie mondiale dans la 2nde moitié du XXe siècle
A
1944
Création du F.M.I. (Fonds (Fonds Monétaire International), de la BIRD par les accords de Bretton Woods. Woods.
1947
Plan Marshall et premiers accords du GATT GATT..
1948
Création de l’OECE (Organisation européenne de coopération européenne).
1951
CECA (Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier).
1957
Création de la CEE (Communauté Economique Européenne) par le Traité de Rome.
1969
Accords terminaux du Kennedy Round lancé en 1963 dans le cadre du GATT : baisse de 35 % des droits de douane.
1971
Fin de la convertibilité du dollar en or / Déficit de la balance commerciale des Etats-Unis.
1973
Dévaluation de 10 % du dollar / 1er choc pétrolier.
1974
Stagflation.
1976
Flottement des monnaies les unes par ra pport aux autres (Conférence de la Jamaï que).
1979
Création du S.M.E. (système monétaire européen) / 2 nd choc pétrolier / Margaret Thatcher, Thatcher, 1er ministre au Royaume-Uni.
1985
9 % de chômeurs en moyenne dans l es PDEM (pays développés d’économie de marché).
1986
Contre-choc pétrolier pétrolier..
1987
Krach boursier.
1990
1re guerre du Golfe ; incertitudes économiques.
1992
Crise du SME.
1993
Marché Unique européen réalisé.
1994
ALENA (accord de libre-échange de l’Amérique du Nord = Mexique + USA + Canada).
1995
L’OMC remplace le GATT (1er janvier).
1997
Crise monétaire en Asie.
1999
Création de l’Euro.
2002
L’euro entre dans les porte-monnaie.
La croissance des « Trente Trente Glorieuses » ᕡ
Nature et aspects
La dénomination « Trente Glorieuses » a été élaborée a posteriori, en 1979 1979,, par l’économiste Jean Fourastié pour caractériser la croissance des années 1945-1973.
Séquence 2-HG00
61
Document 1 La croissance du PNB dans les pays industrialisés capitalistes Taux annuels moyens de croissance du PNB 1913 - 1950
1950 - 1970
2,9 1,7 4,0 1,2 0,7 1,3
3,9 2,8 10,9 5,5 4,8 5,4
Etats-Unis Royaume-Uni Japon Allemagne France Italie Etats-Unis Royaume-Uni Japon Allemagne France Italie
19 50 - 1 9 5 5
1 95 5 - 1 9 6 0
1 9 60 - 1965
1 96 5 - 1 9 7 0
4,3 2,7 12,1 4,7 4,3 4,3
2,2 2,8 9,7 6,3 4,6 5,5
4,5 3,3 9,6 4,8 5,1 5,1
4,6 2,4 12,4 6,3 5,4 6,3
P. Léon, Histoire économique et sociale du monde. © Armand Colin.
Questions
Réponses
ᕡ
Comparez les PNB pour les périodes 1913-1950 et 1950-1970. Quels Quels enseignements principaux en ressortent ?
ᕢ
Classez les pays selon leur rythme de croissance de 1950 à 1970. Décrivez les grandes tendances de leur évolution.
ᕡ
Partout, les taux de croissance de 1950 à 1970 sont supérieurs à la période 1913-1950 ; à part pour Partout, le Royaume-Uni où la croissance est modérée (2,8), dans tous les cas la croissance est soutenue, égale ou supérieure à 4. Elle atteint des proportions considérables considérable s au Japon (10,9). Ce qui caractérise la période 1950-1970, c’est donc une très forte croissance économique autrement dit un essor économique phénoménal.
ᕢ
On peut distinguer 3 groupes de pays : – un 1er groupe, les pays à croissance modérée : Royaume-Uni et États-Unis. Le Royaume-Uni est à la traîne, excepté au début des années 1960, sa croissance est toujours inférieure à 3. Pour les États-Unis, la croissance est appréciable, environ 4,4 sauf pour les années 1955-1960 marquée s par un ralentissement de l’activité économique. – un 2nd groupe, les pays à croissance soutenue : Allemagne, France et Italie environ 5 %. L’économie allemande joue au yo-yo, forte croissance alternant avec croissance soutenue ; la France connaît une régularité dans l’essor de sa croissance, un peu comme l’Italie si ce n’était l’accident de 1955-1960 où la croissance s’envole. s’envole. – un dernier groupe, ou plutôt un pays à part, le Japon avec un taux de croissance annuelle supérieur à 10 et tournant à 9,6-9,7 pour les années les plus faibles ; en ce cas on peut parler d’un véritable boom économique économique..
Ces données sont des pourcentages, donc des données relatives ; c’est très important car la base de départ (1950) varie d’un état à l’autre, elle est plus élevée aux états-Unis autrement dit une croissance de 4,5 % signifie souvent un accroissement de l’activité économique supérieur à celui du Japon où pourtant la croissance dépasse les 10 % ! Une 1re caractéristique essentielle des « Trente Trente Glorieuses » est donc la forte croissance. On estime qu’entre 1945 et 1973, la richesse mondiale triple ; c’est sans précédent. Dans les pays développés d’économie de marché (PDEM), le taux de croissance annuel moyen tourne autour de 5 %. Le renversement de tendance est complet, n’oublions pas que l’on sort de la Grande Dépression des années 30, de la 2nde guerre mondiale et de ses pénuries. 62
Séquence 2-HG00
Une autre caractéristique est la régularité de cette croissance croissance.. À travers le tableau précédent, nous avons pu remarquer des variations dans les taux de croissance annuels des PNB, parfois spectaculaires, spectaculaires, du simple au double pour les États-Unis de 1955-1960 à 1960-1965 chaque période de ralentissement de l’activité économique est le plus souvent compensé par une période suivante de reprise. On assiste à une recomposition de la hiérarchie des puissances économiques mondiales pendant les Trente Glorieuses : Dans les PDEM
– Les États-Unis maintiennent leur suprématie avec une croissance soutenue mais largement inférieure aux autres PDEM. PDEM. – Certains pays peinent à suivre l’emballement mondial comme le Royaume-Uni et la Belgique de plus en plus touchés par l’obsolescence de leurs industries. – L’Italie et la France s’assurent une belle prospérité prospérité.. – Les deux grands vaincus de la guerre : Allemagne (RFA) (RFA) et Japon sont paradoxalement les pays à croissance très forte, surtout le Japon. Leur appareil de production a été anéanti par la guerre ; il faut le construire or celui-ci est désormais moderne et à forte productivité, donc très compétitif à quoi il faudrait ajouter pour le Japon le boom qu’a représenté la guerre de Corée de 1950 à 1953 avec les commandes états-uniennes. états-uniennes.
Dans les pays d’économie planifiée
La croissance est également forte et soutenue dans les pays communistes. communistes. En URSS, la croissance reste forte de 1945 aux années 1960 mais elle est déséquilibrée. Elle n’est jamais que le produit des plans impératifs qui privilégient encore l’industrie lourde et les équipements collectifs, collectifs, les biens de production au détriment des biens de consommation consommation,, même les plus élémentaires comme les produits agricoles.
Dans les pays en développement (PED)
La croissance est mondiale, mondia le, même le Tiers-Monde en bénéficie mais très inégalement. Des économies commencent leur décollage comme celle des futurs NPI asiatiques asia tiques (Hong (H ong Kong, Singapour, Taiwan, Corée du Sud), l’Amérique Latine connaît également une appréciable croissance de ses PIB. La forte croissance des Trente Trente Glorieuses de 1945 à 1973 est basée sur certains secteurs porteurs :
Document 2 L’augmentation de la production agricole AGRICULTURE Céréales
1946
1955
1974
Blé (en millions de tonnes)
176
206
360
Riz (en millions de tonnes)
141
205
506
Maïs (en million de tonnes)
129
176
470
Charbon (en millions de tonnes)
1 068
1 593
2 197
Pétrole (en millions de tonnes)
375
773
2 870
Electricité (en milliards de tonnes)
571
1 535
6 220
112
266
707
3 030
10 950
25 760
– utilitaires
(1938)
2 650
8 710
Population mondiale
(1950)
(1975)
(en milliards d’individus)
2,4
4
ENERGIE
INDUSTRIE
Acier (en million de tonnes) Automobiles (en milliers d’unités) – particulières
(1938)
Séquence 2-HG00
63
Questions
Réponses
ᕡ
Traduisez ce tableau en pourcentages (en valeurs relatives).
ᕢ
Quelles sont les plus fortes progressions ?
ᕣ
Quel est l’intérêt d’avoir placé dans ce tableau une référence à la population mondiale ?
ᕡ AGRICULTURE
1946-1955
1955-1974
1946-1974
Blé (en millions de tonnes)
+ 17 %
+ 75 %
+ 104,5 %
Riz (en millions de tonnes)
+ 45 %
+ 147 %
+ 259 %
Maïs (en million de tonnes)
+ 36 %
+ 167 %
+ 264 %
Charbon (en millions de tonnes)
+ 49 %
+ 38 %
+ 106 %
Pétrole (en millions de tonnes)
+ 106 %
+ 271 %
+ 665 %
Electricité (en milliards de tonnes)
+ 169 %
+ 305 %
+ 989 %
+ 137 %
+ 166 %
+ 531 %
+ 135 %
+ 750 %
+ 229 %
+ 817 %
Céréales
ENERGIE
INDUSTRIE
Acier (en million de tonnes) Automobiles (en milliers d’unités) – particulières
(1938)
+ 261 % – utilitaires
(1938)
+ 179 % Population mondiale
De 1950 à 1975 :
(en milliards d’individus)
+ 66 %
ᕢ
Globalement, on ne peut qu’être étonné par la spectaculaire progression des productions. Des secteurs « boostent » l’économie des « trente glorieuses » comme l’énergie, la production d’électricité triple aux temps forts de la croissance de 1955 à 1974, celle du pétrole n’en est pas loin ! La production industrielle s’accroît fortement que ce soit pour les biens de période,, ou pour les biens de consommation : productions : + 531 % pour l’acier sur toute la période + 750 % de progression pour les voitures voiture s particulières. L’agriculture L’agriculture n’est n’e st pas en reste, elle progresse fortement mais moindrement : doublement pour le blé.
La population mondiale ne progresse que des 2/3 alors que les productions s’accroissent très t rès fortement ; en moyenne la richesse par habitant augmente donc fortement… mais ce n’est qu’une moyenne ! Le secteur énergétique porte la croissance, que ce soit l’électricité ou le pétrole pétrole.. L’électricité, dont la consommation quadruple, permet permet le développement industriel (aluminium) et l’amélioration du confort des ménages ; elle elle supplante le charbon sans le faire disparaître. Le Le pétrole a l’avantage d’être alors très bon marché ; il est utilisé dans les transports dont il permet la démocratisation et comme matière première dans l’industrie chimique (pensons aux matières plastiques). Des 3 secteurs de Colin Clark (primaire (primaire,, secondaire, secondaire, tertiaire), c’est le 2 nd, l’industrie qui apporte une contributionn essentielle à la croissance, notamment l’acier contributio l’acie r. Les nouveautés sont dans l’importance (automobiles,, équipements domestiques divers…) et clé des industries de biens de consommation (automobiles des industries de pointe (nucléaire, aérospatiale, électronique, biochimie…). L’agriculture bénéficie bénéfic ie des progrès industriels (engrais, mécanisation, pesticides…) qui lui ont permis de fortes hausses de rendement. Enfin, n’oublions pas l’essor des services qui consolident la croissance : transport, transport, commerce, banque-assurances banque-assurances et administratio administrations… ns… La forte croissance a des effets immédiats. D’abord, elle assure le plein emploi ; si un volant de chômeurs de 5 % de la population reste endémique pendant les 30 Glorieuses aux USA, en France le chômage tourne autour de 1,8 %, 0,8 % en Allemagne (RFA) (RFA) ! Autre effet, et qui donne à cette période l’illusion du progrès progrès:: le rôle essentiel de la recherche et des améliorations techniques techniques qui permettent un renouvellement rapide des produits, voire l’invention de tout nouveaux produits. Cela se traduit par une réduction du délai entre découverte scientifique et applicatio applicationn industrielle ; quelques exemples : 1/2 siècle pour le téléphone, 12 ans pour la télévision, 5 ans pour le transistor… ᕣ
64
Séquence 2-HG00
ᕢ
Les sources de la croissance
Que les trente glorieuses débutent après la 2 nde guerre mondiale n’est pas le fait du hasard, le contexte historique et économique de l’immédiat après-guerre est en lui-même porteur de croissance. C’est d’abord la mise en place d’un nouveau système monétaire international en 1944 à Bretton Woods, dans celui-ci les monnaies ont une parité fixe, l’étalon est le dollar dollar,, monnaie de référence pour évaluer les autres et celui-ci celui -ci est convertible en e n or. or. Ce système, s’il favorise les le s États-Unis et entérine entéri ne leur suprématie économique, é conomique, garantit au moins une relative stabilité des monnaies. C’est un élément de confiance décisif pour permettre le développement du commerce international. Ǡ
En 1945, l’Europe est détruite détruite,, il faut donc reconstruire le plan Marshall est une réponse à cette exigence ; les fonds accordés à l’Europe occidentale permettent per mettent son relèvement économique, économiq ue, la relance de l’investissement et avec l’OECE ébauchent une coopération entre nations européennes mais aussi ils rendent le marché européen solvable… aux exportations américaines. américaines. L’essor du commerce international est un autre élément explicatif de cette croissance. C’est en Agreemen t on Tariffs and Trade : accord général sur 1947 qu’est signé l’accord sur le GATT (General Agreement les tarifs douaniers et le commerce) ; cet accord vise à favoriser la libéralisation des échanges internationaux en éliminant toute taxe, tout contingentement ou droit de douane douane.. Les progrès dans la voie de la libéralisation du commerce international s’opèrent dans le cadre de négociations multilatérales dont la plus célèbre est celle du Kennedy Round entre 1963 et 1967 permettant une baisse d’un 1/3 des droits de douane. doua ne. De fait, le commerce international a quintuplé en volume pendant les le s Trente Trente glorieuses. glor ieuses. Au GATT, GATT, il faudrait ajouter la formation for mation d’ensembles régionaux de libre-échange : la CEE des 6 en 1957, l’AELE autour du Royaume-Uni, toujours en Europe. À lui seul, le contexte historique est insuffisant pour expliquer la croissance prodigieuse de 1945 à 1973 ; il y a des raisons de fond, à coup sûr, plus importantes. C’est d’abord, l’accroissement de la demande, un accroissement fulgurant. Ǡ
Le nombre des consommateurs potentiels augmente avec le baby-boom (forte natalité qui se poursuit jusqu’au milieu des années 1960). Il faut fournir des biens de consommation individuels (logements,, alimentation, loisirs…) et des équipements collectifs (crèches, écoles…). (logements Un ensemble de mesures permet perme t l’insertion dans la consommation : la généralisation de la publicité qui stimule la demande, quelque soit le support utilisé : radio, télé, journaux, murs…, le recours plus facile au crédit car les taux d’intérêt sont bas (l’inflation élevée les annule presque !) et surtout l’élévation du pouvoir d’achat des ménages. Le pouvoir d’achat augmente d’un part en application du fordisme (faire des salariés des consommateurs consommateurs),), d’autre part par l’instauration de salaire minimum garanti dans nombre de pays comme en France en 1950, 1950 , à cela s’ajoutent les diverses prestations sociales de l’État providence : retraite, assurance maladie, allocations familiales… On assiste aussi à une spectaculaire modernisation du système productif. productif. Cela se traduit par une nouvelle s unités place essentielle accordée à l’investiss l’investissement ement quel qu’en soit la forme : création de nouvelles de production ou recherche-développement recherche-développement.. On estime, à l’exception notoire des États-Unis, que 20 à 30 % de la richesse des PDEM est consacrée à l’investissement pendant cette période. L’organisat ’organisation ion des entreprises évolue. Le fordisme se généralise avec augmentation des salaires pour intéresser les travailleurs mais aussi taylorisation plus systématique c’est-à-dire multiplication du travail à la chaîne posté et minuté. Le fordisme implique la standardisation et une production de masse à des coûts de revient réduits ; les entreprises gagnent en productivité ; s’ajoutent : le manage- ment à l’américaine (gestion plus rigoureuse des comptes, des stocks comme des équipes attribuée désormais à des cadres spécialisés) ; le marketing (avec de véritables études de marché pour vérifier la pertinence d’un nouveau produit, des campagnes de publicités plus élaborées, ciblées et diversifiées…) ; les concentratio concentrations ns d’entrepris d’entreprises es se multiplient. Elles donnent naissance parfois pa rfois à de grands groupes, qui le plus souvent ont un rayonnement mondial ; ce sont les firmes multinationales déjà très puissantes dans les secteurs pétroliers, automobile, sidérurgique… En 1971, elles assurent déjà 20 % de la richesse des PDEM ! Ǡ
L’essor est tel que la main-d’œuvre traditionnelle pourtant de plus en plus qualifiée ne suffit plus, c’est pourquoi on fait massivement appel à l’immigration ; (Portu (Portugais gais et Marocains et Algériens en France ; Turcs en Allemagne…) Dans certains PDEM, surtout en France à la fin des années soixante, le travail féminin connaît un fort accroissement. Séquence 2-HG00
65
L’État a été un acteur majeur de la croissance des 30 Glorieuses, surtout en Europe occidentale. C’est l’époque de l’état Providence à son apogée et des politiques keynésiennes. L’État assure un double rôle. Ǡ
D’abord, l’État est producteur et entrepreneur, quand un vaste secteur public existe ; c’est la cas au Royaume-Uni, RoyaumeUni, en France, en Italie après une série de nationalisations d’après-guerre d’après-guerre.. Des secteurs clés sont contrôlés par l’état : transports, énergie, banques… Aux États-Unis, on ne retrouve pas alors d’équivalent de grands secteurs publics mais l’importance des commandes militaires dans le contexte de guerre froide joue ce rôle d’aiguillon dans l’investissement. l’investissement. L’État joue également éga lement un rôle de régulateur en utilisant des outils traditionnels : impôts, maîtrise du budget, réduction de la masse monétaire pour soit accélérer l’activité économique ou soit la ralentir selon la conjoncture économique. La régulation économique de l’État pendant les Trente Glorieuses, ce sont surtout les politiques keynésiennes de redistribution. Les États mettent en place l’ÉtatProvidence : (assurances maladie, retraites, allocations familiales, logement…) symbolisé en France par l’instauration de la Sécurité Sociale. L’objectif de ces politiques est économique : augmenter le nombre de consommateurs et social : réduire les inégalités, ce qui a relativement bien fonctionné pendant la période qui nous intéresse : 1945-1973. Enfin, dernière source de croissance croissance,, et non des moindres : une énergie abondante et bon marché, ce qui vaut également pour les matières premières. Le choc pétrolier de 1973 l’a a contrario cruellement révélé. Le prix du pétrole reste stable en données brutes mais si l’on corrige son prix de l’inflation, alors le prix constant baisse. Ǡ
ᕣ
Les limites de la croissance
Les Trente Glorieuses sont bien synonyme d’essor économique prodigieux et sans précédent, pourtant il faut prendre garde de ne pas en faire un portrait trop optimiste. La croissance des Trente Trente Glorieuses se révèle être très déséquilibrée, surtout à la fin des années 60 et au début des années 70. Les dérèglements monétaires se font plus visibles. L’inflation s’accélère tandis que les salaires restent soutenus ; les profits des entreprises baissent et/ou ne sont pas autant investis qu’autrefois. Les États-Unis ont usé et abusé du système monétaire international qu’ils avaient fondé en 1944 à Bretton Woods, en utilisant la planche à billets – la création de masse monétaire – pour résoudre leurs problèmes ; à la fin des années 60, des déficits commencent à apparaître : déficit de la balance des paiements dès 1968, déficit de la balance commerciale commerc iale en 1971. En décidant de ne plus rendre le dollar convertible en or, Nixon détruit l’ordre de Bretton Woods en 1971 et admet par là l’incapacité des Etats-Unis à maîtriser la masse de dollars en circulation. Ǡ
Plus généralement, on observe un essoufflement de la croissance dès la fin des années 60. Le modèle fordiste qui a porté les Trente Glorieuses s’enraye, par l’inflation, on l’a vu, mais aussi par la saturation des marchés : les industriels trouvent de moins en moins de débouchés à leur production tandis que le renouvellement des gammes de produits se ralentit. Un secteur montre très bien cet essoufflement, l’agriculture, l’agriculture, notamment notamment européenne qui croule dès les années 60 sous les excédents. Dans l’industrie, on repère l’essoufflement des secteurs secte urs traditionnels comme les mines. Le taylorisme ou parcellisation du travail est de plus en plus mal supporté pour ses aspects aliénants et ses cadences infernales ; l’absentéisme ouvrier augmente. Ǡ
Dans les pays d’économie planifiée, on sait que la croissance y était volontairement déséquilibrée. Dans les années 60, 6 0, quand elle s’essouffle, des réformes sont entreprises. En URSS, cela correspond à la réforme Libermann de 1965 qui cherche à attribuer aux entreprises d’État plus d’autonomie par rapport au plan, à gagner en productivité et à mieux gérer ses équipements. Cette réforme cependant ne remet pas en cause les lignes directrices de la planification d’État avec ses lourdeurs et ses choix, autrement dit son impact fut très limité. Ǡ
À partir de la fin des années 60, on assiste à la montée du doute et des contestations au sujet même de jeunesse,, notamment la croissance. La manifestation la plus spectaculaire de cette contestation est celle de la jeunesse dans les soulèvements étudiants de 1968 en France, en Allemagne, aux États-Unis. Même les économistes sont de plus en plus perplexes sur les bienfaits de la croissance, ainsi en 1970 le Club de Rome, un groupe d’experts, prône la croissance zéro dans une approche malthusienne : ils craignaient l’épuisement des ressources face à une explosion démographique mais aussi la multiplication des pollutions. C’est sur ce dernier point que la critique de la société de croissance et de consommation est la plus forte, beaucoup désormais l’identifient à une société du gaspillage. C’est à cette époque qu’émerge une conscience plus aiguë des problèmes environnementaux qu’on appellera plus tard écologie. Ǡ
66
Séquence 2-HG00
La croissance des Trente Trente Glorieuses fut prodigieuse mais force est de constater son inégal partage. Si la croissance existe partout, ce n’est pas le cas de la prospérité. Au sein même des PDEM, il y a des oubliés de la croissance. Ce sont certaines catégories de population ou d’actifs comme les ouvriers à la chaîne peu qualifiés, les paysans d’agriculture familiale traditionnelle, les petits commerçants (d’où le poujadisme en France), les personnes âgées aux pensions modiques… et aux États-Unis, les minorités surtout les Noirs qui continuent de se concentrer dans les ghettos de centre-ville tandis que la middle class blanche fuit vers les banlieues pavillonnaires à perte de vue. Ce sont aussi les immigrés qui s’entassent dans les grands ensembles construits à la hâte pour faire face à la pénurie de logement quand ce ne sont pas encore des bidonvilles comme aux portes de Paris en 1970.
Document 3 Bidonville à Nanterre au début des années 1970.
© Roger Violet
Malgré l’instauration de l’État Providence et sa politique redistributive, les inégalités sociales restent marquées, inégalités pas tant salariales que patrimoniales patrimoniales,, très marquée en France ou en RFA, caricaturales au Royaume-Uni et aux États-Unis et moindres dans les pays scandinaves. Des espaces entiers ont été faiblement atteints par la croissance comme les régions d’agriculture encore traditionnelle, en Méditerranée le Mezzogiorno (sud) italien, et même dans celles qui se modernisaient comme la Bretagne. Il en a résulté des vagues d’émigration importantes, surtout des jeunes actifs vers les capitales ou les grandes villes industrielles. industrielles. Cet inégal partage de la croissance se retrouve plus nettement à échelle mondiale. La situation des pays du Tiers-Monde est paradoxale : leur croissance a fortement progressé, beaucoup plus même que dans les pays développés : + de 5 % par an de croissance en moyenne des PIB or globalement ceux-ci s’enfoncent dans la pauvreté et le sous-développement. Leur dynamisme démographique (+ de 3 % par an) mange la croissance économique à quoi s’ajoute la monopolisation par quelques minorités des fruits de la croissance . Ce sont là des explications internes au PVD. Un élément externe contribue à cet inégal partage de croissance, ce que les pays du Tiers-Monde ont dénoncé dans le cadre des CNUCED dès 1964 puis lors du sommet des non-alignés d’Alger en 1973 par la demande d’un nouvel ordre économique international (NOEI), c’est-à-dire l’échange inégal. Les matières premières, pétrole inclus jusqu’en 1973, sont achetées par les pays développés à des prix dérisoires d’où l’exigence d’une revalorisatio revalorisationn de leurs exportations.
Séquence 2-HG00
67
B
La crise Nous utilisons ce terme pour évoquer les difficultés économiques de 1973 à nos jours plutôt que celui de dépression ou même de grande dépression, terme que nous réservons aux années 1930. Au sens strict, cette époque ne peut pas être une crise car une crise est un phénomène bref (un à deux ans) et aigu mais c’est l’appellation qui est passée dans le langage courant. Elle est contestable mais parlante. parla nte. Crise ? Difficultés Difficulté s économiques ? En fait, le panorama du dernier quart du XX e jusqu’à nos nos jours jours est plus trouble trouble encore encore dans la mesure où des phases de récession alternent avec des phases de croissance croissance,, et globalement, la croissance continue… même si elle s’est ralentie. ᕡ
Nature et aspects
On peut parler de difficultés économiques pour la période qui va de 1973 à nos jours ; au sens strict, la crise se situe en 1974. L’événement qui fait césure dans l’histoire économique du second XX e est le choc pétrolier de 1973 c’est-à-dire la multiplication par 3 du prix du pétrole, décision prise par l’OPEP pour affaiblir les alliés d’Israël, dont les USA dans la guerre du Kippour. La hausse du prix du pétrole, brutale, alourdit la facture pétrolière pour les PDEM qui ont souvent comme 1 er réflexe de la réduire, or or ceci implique un ralentissement des importations, pétrolières pétrolières ou autres, donc donc un ralentissement de leur activité écond nomique, une baisse de croissance. En 1979 a lieu le 2 choc pétrolier après la révolution iranienne -prise de pouvoir des islamistes de Khomeyni- avec un effet similaire : augmentation de 125 % du prix du pétrole (si l’on comptabilise la hausse du cours du baril jusqu’en 1982) et creusement des déficits des balances commerciales des PDEM. La hausse du prix du pétrole a généré une forte inflation dans la plupart des PDEM (inflation à deux chiffres, supérieure à 10 % par an), des déficits commerciaux ; pourtant certaines observations invalident le rôle décisif de la crise pétrolière dans les difficultés économiques d’après 1973. En effet, dès 1976 le commerce international reprend, la croissance repart et on peut même dire qu’elle est spectaculaire : environ 4 % pour les pays de l’OCDE Après le 2 nd choc pétrolier (1979-1982), on assiste en 1986 à un contre-choc pétrolier, le prix du baril baisse de 27 à 9 $, pourtant pas de reprise, le marasme continue… Les causes sont ailleurs. Nous les verrons ultérieurement. Néanmoins, les chocs pétroliers marquent le coup d’entrée dans une ère de difficultés économiques. La croissance se ralentit, elle est plus chaotique et inégale selon les grandes aires économiques mondiales (Asie, Amérique du Nord, Europe occidentale, Europe orientale, Sud). Globalement, la croissance continue. Malgré la « crise », les PDEM continuent de s’enrichir mais à un rythme atténué, moitié moitié moins que pendant les Trente Glorieuses. Dans les années 80, la croissance oscille entre 5 % l’an au Japon pour les meilleures années à 2 % l’an en moyenne en France ou au Royaume-Uni. On assiste donc à un net décrochage de certains espaces par rapport à d’autres : le Tiers-Monde Tiers-Monde éclate car la croissance devient négative dans nombre de pays africains tandis qu’elle est spectaculaire dans les NPI, en Chine. D’ailleurs, l’Asie, emmenée emmenée par le Japon semble beaucoup mieux s’en sortir du moins jusqu’en 1997, de même que de nos jours (2002-2003) les États-Unis connaissent une croissance beaucoup plus élevée que celle du Vieux Continent (France, (France, Allemagne) Allemagne) à la limite de la récession. C’est là une des particularités de l’histoire économique du dernier quart du XX e, l’alternance de période de croissance molle (appréciable mais sans comparaison avec celle des Trente Glorieuses) et de période de récession. En soi, cette instabilité de la croissance n’est pas originale, on la retrouve au XIX e ; les nouveautés sont ailleurs et elles sont de taille. À la différence des années 30, les difficultés économiques sont associées à une forte inflation, supérieure supérieure à 10 % , a tout le moins jusqu’au milieu des années 80 ; inflation elle même associée à une stagnation de l’activité économique ; c’est ce que l’on appelle la stagflation.
68
Séquence 2-HG00
Document 4 La stagflation, combinaison de l’inflation et de la stagflation L’ETAT
Augmente ses dépenses publiques pour • lutter contre le chômage • compenser les baisses de cotisations sociales dues au chômage
AUGMENTATION DE LA MASSE MONETAIRE = INFLATION HAUSSE DES PRIX
Revendications salariales pour compenser la perte de pouvoir d’achat à cause de l’inflation
Pour les ENTREPRISES • hausse des prix des matières premières • hausse des salaires
PERTE DE COMPETIVITE DES ENTREPRISES CHOMAGE PARTIEL, LICENCIEMENTS STAGNATION (de l’activité économique)
INFLATION + STAGNA STAGNATION TION = STAGFLATION
À travers le schéma précédent, nous avons entrevu incidemment la manifestation la plus grave car persistante c’est-à-dire le développement massif du chômage. La rupture est radicale avec les Trente Glorieuses marquées du plein emploi. Le chômage est devenu une constante de la plupart des sociétés des PDEM comme des PED ; il culmine à 9 % en moyenne de la population active en 1985 pour les pays de l’OCDE mais là aussi de fortes nuances s’imposent tant les contrastes contraste s sont marqués : il progresse de 2,5 % en 1975 à 12 % en 1994 avant de décroître au dessous de 9 % en 20002001 en France et de reprendre dernièrement, au Japon même s’il progresse lentement, il ne dépasse guère les 3 % de la population active, aux États-Unis il est très irrégulier et lié aux variations de conjoncture économique : 8 % en 1975, 9,5 % en 1982, 5 % en 1988, 7 % en 1992 et environ 5 % aujourd’hui. L’importa ’importance nce du chômage n’est pas une clé de lecture appropriée appropr iée pour saisir l’état économique d’un État ; son importance ou sa faiblesse s’explique certes par des choix de politique économique par le dynamisme économique mais aussi par des particularités sociales nationales, par exemple au Japon on ne peut nier la sous-généralisation du travail féminin qui rend discutable toute comparaison avec l’état du chômage en e n France ou en Allemagne.
Séquence 2-HG00
69
Néanmoins cette persistance du chômage donne l’impression – erronée – que nous sommes en crise :
Document 5 Affiche de la cgt (1997)
NON AU TRAVAIL JETABLE, OUI AU PLEIN EMPLOI
Journal l’UNION édité par l’URIF-CGT
Questions
Réponses
70
Séquence 2-HG00
ᕡ
Montrez à partir de cette affiche l’aspect humiliant et déshumanisant du chômage.
ᕢ
En quoi témoigne-t-elle d’une nostalgie ?
ᕣ
Quelles solutions proposent-elles au problème dénoncé ?
ᕡ
Pour exprimer le travail jetable, les auteurs ont représenté la photographie froissée, comme un papier récupéré d’une poubelle, d’un homme accablé qui se tient la tête et qui implicitement se demande ce qu’il va devenir devenir.. On notera que c’est un « col blanc » et non l’ouvrier traditionnel, et un adulte plutôt jeune.
ᕢ
La nostalgie apparaît par la référence presque mythologique au « plein emploi » du temps des Trente Glorieuses.
ᕣ
Aucune ! On peut s’interroger sur cette absence. C’est une affiche de sensibilisation, de mobilisation et de dénonciation ; on joue sur l’émotion et non la raison. Est-ce le rôle d’un syndicat que de proposer des solutions ? Peut-être. L’affiche est-elle le support adéquat pour les présenter ? On peut en douter.
Pour saisir les aspects et la nature des difficultés économiques actuelles, nous nous n’avons retenu jusqu’ici que ce qui était le plus frappant, le plus évident : crise pétrolière, stagflation, chômage… mais s’en tenir à ce stade serait passer à côté de tendances lourdes du dernier quart du XX e à savoir de très profondes mutations industrielles voire un basculement de civilisation. Et si la « crise » était plutôt une mutation des économies ?
Document 6 Une mutation technique sans précédent
« La presse parle de récession. Et quand la récession vous touche personnellement, elle cesse brutalement d’être une « récession » pour devenir une « dépression ». Cela, je le comprends fort bien. Je comprends que les gens souffrent et que c’est toujours les plus modestes qui souffrent le plus. Mais Mais se référer continuellement à la notion de récession ou de dépression ne fait que masquer la réalité des choses. On braque ainsi l’attention sur les symptômes et non pas sur les causes. Au cours des dépressions antérieures, les branches industrielles de base étaient en crise : licenciements, méventes, faillites, liquidations. De grosses entreprises fermaient leurs portes. Mais il était rare de voir naître dans le même temps de nouvelles et puissantes industries. industries. Aujourd’hui, les industries vouées à la production de masse – l’automobile, l’acier, le caoutchouc, le textile, autrement dit l’ossature même des économies industrielles industriell es traditionnelles – est à l’agonie. Les métallos belges, les travailleurs de l’automobile l’a utomobile en Angleterre, les ouvriers du textile de la Caroline Ca roline du Nord et du Japon perdent leurs emplois. Et pourtant, nous constatons parallèlement une croissance explosive dans les secteurs de l’électronique, de l’informatique, des ordinateurs, de la génétique, de l’aérospatiale, du du recyclage ainsi que dans certains services et dans leurs industries spécialisées dans les énergies nouvelles. Il y a, certes, des hauts et des bas mais toutes ces branches sont d’une manière générale en expansion. Ce à quoi nous assistons n’est pas une récession au sens propre du terme mais bien une restructuration intégrale de la base techno-économique de la société ». Alvin Toffler, Les Cartes du futur, © Éditions Denoël.
Questions
Réponses
ᕡ
Pourquoi parle-t-on de dépression d’après l’auteur ? En quoi ce terme ainsi que celui de Pourquoi récession est-il incorrect et ne fait que « masquer la réalité des choses » ?
ᕢ
Quels sont les secteurs en difficulté que l’auteur repère ?
ᕣ
Quelles sont les voies de l’avenir ?
ᕤ
Que veut dire Alvin Toffler Toffler par « restructurati rest ructuration on intégrale de la base technico-économique technico-éc onomique de la société » ?
ᕡ
Toffler insiste sur la subjectivité dans la perception des réalités économiques ; à partir du moment Toffler personnellement », par le chômage par exemple, alors c’est la catasoù « la récession vous touche personnellement trophe : la « dépression ». Au sens strict, parler de récession, c’est-à-dire de baisse de l’activité économique ou de dépression, c’est-à-dire de ralentissement, est inexact puisque comme on l’a vu plus haut, la croissance même « molle » continue, cette « réalité des choses » selon l’auteur.
ᕢ
– Les vieux secteurs « fordistes » de production de masse : « automobile, acier, textile… » – Les secteurs à coût élevé de main-d’œuvre concurrencés par des économies émergentes : « métallos bel- ges, travailleurs travailleurs de l’automobile en Angleterre, Angleterre, ouvriers du textile en Caroline du Nord et du Japon ». ᕣ
– l’industrie de pointe (génétique, aérospatiale), – les industries de l’information et de la communication (électronique, informatique, ordinateurs), – les services. ᕤ
Pour Toffler Toffler,, les activités de base de nos sociétés socié tés changent ; le vieux socle de la Révolution Industrielle I ndustrielle périclite tandis que de nouvelles activités les remplacent, à forte valeur ajoutée, très liée à la recherche-développement, à l’innovation et à la communication. Séquence 2-HG00
71
Pour évoquer les mutations récentes des économies des PDEM, on a parlé de « 3e révolution industrielle ». De nouveaux secteurs prennent prennen t le relais des vieilles industries. On a aussi parlé de désindustrialisation face au recul spectaculaire d’activités comme le textile, la construction navale, navale, la sidérurgie. Les nouveaux secteurs porteurs : électronique, informatique, ont connu un développement prodigieux ces 25 dernières années mais aussi les biotechnologies, le nucléaire (dans une moindre mesure) ; en cela, il y a toujours industrialisation, mais nouvelle industrialisation, industrialisation, c’est ce qu’on appelle e la 3 révolution industrielle. L’essor des micro-ordinateurs micro-ordinateurs,, des téléphones portables, des technologies du numérique le prouve. L’expression même de révolution industrielle est pertinente car comme pour la précédente apparaît dans les années 80 une nouvelle organisation du travail t ravail : le toyotisme,, avec ses flux tendus, sa réactivité, ses exigences de qualité et une meilleure qualification toyotisme ouvrière. Cette nouvelle organisation du travail s’impose d’autant plus que la robotisatio robotisationn remplace le travail ouvrier taylorisé comme l’automatisation remplace les services peu qualifiés qualifiés.. Pourtant, les industries ne sont plus aussi déterminantes qu’avant 1973, en effet les services sont devenus plus porteurs encore ; il y a bien en cela désindustrialis désindustrialisation ation ; on a parlé d’économies postindustrielles ou tertiarisées pour celles des PDEM. Les industries de la 3 e Révolution Industrielle basées sur l’informatique et l’électronique ne peuvent fonctionner sans contenu : informations, images, sons, logiciels… Au sein des services services,, les opérations de communication ont pris le dessus (pensons à Internet) au point que l’on qualifie aujourd’hui nos sociétés de « sociétés de communication ». ᕢ
Les conséquences (de la crise)
Les difficultés économiques depuis 1973 ont des conséquences paradoxales, en effet globalement les PNB augmentent, le pouvoir d’achat continue de croître mais les inégalités ne cessent de se creuser. Ǡ Entre 1973 et 1992, on estime que le pouvoir d’achat a augmenté de 14 % aux États-Unis, de 45 % en France, 43 % en Allemagne, de 64 % au Japon ! Ce ne sont là que des moyennes. Elle gomment les périodes d’austérité, de blocage des prix et des salaires mais surtout l’inégale répartition de cette croissance molle du dernier quart du XXe. L’éventail des rémunérations et revenus s’est élargi ainsi au Royaume-Uni de 1979 à 1990 (tandis que le nombre de milliardaires quadruplait mais restait minuscule 20 000, le nombre de pauvres doublait pour atteindre 8 millions milli ons de personnes soit plus de 15 % de la population britannique). britannique) . Le cas britannique est transposable transposabl e à la plupart des PDEM. Les sociétés contemporaines sont devenues duelles : une minorité monopolise richesse, influence et savoir face à des continge nts croissants de population pauvre. Ce constat est très accusé dans tous les pays anglo-saxons : États-Unis, Australie, Royaume-Uni, Canada dans les pays d’Europe du Nord-Ouest et scandinaves. Autre conséquence, et qui accroît le sentiment d’instabilité, la gravité des crises boursières. Les années 1980 ont connu un essor boursier phénoménal avec le l e développement ou le renforcement d’un actionnariat populaire. Cet essor a été brusquement interrompu en 1987 avec un krach boursier spectaculaire, dont l’ampleur n’a rien à envier au Jeudi Noir d’octobre 1929 mais dont les conséquences furent heureusement limitées. Ce phénomène irrationnel et spéculatif s’est pourtant répété depuis à 3 reprises, en Asie où la bulle financière a atteint des sommets avant de crever en 1997, plongeant le Japon et ses partenaires asiatiques dans la crise c rise ; aux États-Unis et en Europe où sous prétexte de développement de la « nouvelle économie » (essentiellement Internet) les cours se sont envolés sans rapport avec la valeur réelle des entreprises – souvent proche du zéro ! – avant de s’écrouler au début des années 2000 plongeant les marchés financiers dans un marasme persistant, avant l’effondrement 2008. Ǡ À l’opposé des années 1930 aux temps de la Grande Dépression quand les économies tendaient à se replier sur leur marché national respectif, respectif, on assiste depuis 35 ans à la mondialisation ou globalisation croissante des économies. Cette évolution a une double source : – technique avec la révolution des transports : perfectionnement du transport maritime, baisse des coûts du transport aérien, conteneurisation qui permet la multimodalité, mise en réseaux des ordinateurs,, Internet pour la circulation des informations et des capitaux… ordinateurs – politique avec d’une part la transformation du GATT en OMC (Organisation Mondiale du Commerce) en 1995 d’après les accords de Marrakech l’année précédente c’est-à-dire l’extension du libre-échange du secteur marchand manufacturé à l’agriculture et aux services ; d’autre part à l’imitation de la CEE devenue Union Européenne en 1993, les organisations régionales de libre-échange se sont multipliées : ALENA ou NAFTA (association de libre-échange de l’Amérique du Nord, en vigueur depuis 1994 réunissant Canada, États-Unis et Mexique), MERCOSUR en Amérique Latine. Des retournements spectaculaires se sont produits comme l’ouverture du 1er marché mondial à l’économie (et seulement à l’économie !), la Chine Populaire, membre de l’OMC depuis 2000. 72
Séquence 2-HG00
Le décloisonnement des économies est une adaptation aux difficultés économiques actuelles. Il se traduit par une interdépendance croissante des économies, en effet la division internationale du travail s’accentue ; on peut parler d’une parcellisation géographique du processus de production. Il est fréquent que pour un produit, la conception, le design se déroulent en un pays, le plus souvent celui de l’entreprise, l’élaboration l’élaboration des pièces détachées en un autre, le montage ailleurs encore… Ce sont la plupart du temps les FMN ou firmes multinationales multinationales,, encore dénommées transnationales, et dont le rôle est croissant dans le commerce international, qui qui sont actrices de ce processus processus.. Les FMN génèrent d’importants flux internationaux entre leurs filiales ou avec leurs sous-traitants, leur stratégie est donc à échelle planétaire. Elles essaient de profiter de toutes les opportunités pour accroître leur rentabilité d’où la multiplication des délocalisations, principalement industrielles industrielles..
Document 7 La mondialisation dans l’automobile
« Quand un Américain achète une Pontiac Le Mans de General Motors, il prend part, sans le vouloir, à une transaction internationale. Des 20 000 dollars payés à General Ge neral Motors, 6000 environ vont à la Corée du Sud pour le travail courant et les opérations de montage, 3500 au Japon pour les composants de pointe (moteur, axes de transmission, électronique), électr onique), 1500 à l’Allemagne l’Allema gne pour le dessin de la carrosserie et les études de conception, 800 à Taiwan, à Singapour et au Japon pour les petits composants, 500 à la Grande-Bretagne pour le marketing et la publicité et environ 100 à l’Irlande et aux Barbades pour le traitement des données. Le reste, soit moins de 800 dollars, va aux stratèges de Détroit, à des avocats et à des banquiers new-yorkais, à des lobbyistes de Washington, Washington, à des employés d’assurance et à des membres des professions de santé dans tous les États-Unis et aux actionnaires de General Motors, dont la plupart vivent aux Etats-Unis mais dont un nombre croissant sont des étrangers étrangers.. » Robert REICH, L’Économie mondialisée.
s ’unifier.N’oublions pas qu’avec les NTIC (nouvelles technoParallèlement, les marchés financiers tendent à s’unifier. logies de l’information et de la communication), toutes les places boursières et financières sont connectées entre elles, donc en concurrence et complémentarité. complémentar ité. Là encore, les FMN sont des actrices essentielles. ess entielles. Viennent compléter ce dispositif les paradis fiscaux, souvent des micro-Etats peu regardants sur la provenance et la légalité des flux financiers qu’ils accueillent ainsi dans les Caraïbes, en Suisse, et parfois même au Luxembourg.
En effet, si cette logique d’internationalisation des économies se poursuit, on assistera à une minoration systématique du politique et du social par les pouvoirs économiques et financiers, évolution évolution déjà fortement entamée, mais mais remise en cause par l’effondrement de 2008. Dernière grande conséquence des évolutions économiques depuis 1973, une nouvelle donne géoépoqu e, on assiste à des remises en cause des hiérarchies graphique mondiale. Comme pour toute époque, économiques mondiales mondiales.. Nous n’évoquerons ici que les grandes tendances et assez rapidement. Globalement, les PDEM conservent leur suprématie économique ce qui peut être symbolisé par la métaphore de l’archipel métropolitain mondial, les 3 pôles de la Triade Triade connectés entre eux. Dans les « SUD », l’évolution est à la différenciation. Le Tiers-Monde a éclaté entre des espaces plus ou moins insérés dans les échanges mondiaux : pays émergents éme rgents ou déjà industrialisés comme le Mexique, M exique, le Brésil, les Etats d’Asie du Sud-Est… et des espaces marginalisés comme l’Afrique subsaharienne… L’évolution la plus importante concerne l’Europe orientale. Les difficultés économiques depuis 1973 ont été fatales au modèle d’économie planifiée à la soviétique. Depuis 1989-1991 pour la Russie et ses voisins de l’ancienne URSS, les difficultés économiques se sont localement maintenues et parfois même aggravées. Elles tiennent en la persistance de mentalités d’assistés, à la captation des richesses par des groupes mafieux, au poids encore important des dépenses militaires… Ce constat vaut surtout pour l’ex-URSS ; pour les PECO (pays d’Europe Centrale et Orientale), le redressement semble plus rapide rapide,, avec l’entrée dans l’union européenne européenne.. Le grand gagnant de cette période de « crise » est l’espace Asie-Pacifique Asie-Pacifique.. Le Japon s’est affirmé dans les années 1980 comme la 2e puissance économique mondiale derrière les États-Unis et comme la première puissance exportatrice mondiale, en a témoigné le dépassement du trafic transatlantique par le trafic transpacifique au cours de ces mêmes années 1980. Même si depuis 1997, la vitalité du Japon est moindre de même que celle de ses relais, il n’empêche que cette zone reste motrice pour l’économie mondiale, avec l’essor toujours soutenu de la Chine littorale, véritable « locomotive » régionale et… mondiale mondiale.. Ǡ
Séquence 2-HG00
73
ᕣ
Les sources (de la crise)
Quelles peuvent être les divers facteurs qui ont généré la crise de 1974 et les difficultés économiques qui en sont le résultat ? On a d’abord évoqué le choc pétrolier mais nous avons déjà vu en quoi ce n’est pas recevable. Nous allons ici privilégier 3 facteurs, en sachant bien qu’il n’existe pas d’explications unanimement retenues pour expliquer la crise ; les hypothèses priment encore sur les certitudes. 1 er élément
Le désordre monétaire depuis 1971 La décision de Nixon en 1971 de ne plus rendre le dollar convertible en or et de laisser flotter flot ter les monnaies les unes par rapport aux autres a détruit l’ordre économique né à Bretton Woods Woods ; la conférence de la Jamaïque en 1976 confirme cette évolution. Dès lors, un contexte d’instabilité monétaire et financière s’installe durablement et contribue à perpétuer les difficultés économiques sans pour autant les créer. L’Europe a bien tenté d’y réagir en instaurant en 1979 le SME (Système Monétaire Européen) encadrant les variations des monnaies qui le composent, système vite fragilisé par les crises financières des années 1980 et du début des années 1990 ; l’instauration de l’ € en 1999 comme monnaie unique achève cette évolution et atténue pour l’UE les risques de l’instabilité l’instabili té monétaire mondiale et au moins éradique radicalement radicale ment en interne cette éventualité ! Le désordre monétaire résulte surtout des désordres comptables états-uniens : spectaculaire hausse du dollar dans les années 80 (déficits records, taux d’intérêts élevés), forte baisse en 2002-2003 face à l’euro. Ces variations gênent les échanges internationaux, favorisent les mouvements spéculatifs, la finance au détriment des investissement, beaucoup moins rentables à court terme.
2 e élément
Une compétition forcenée des économies entre elles Plus nettement qu’avant 1973, on perçoit un aiguisement des rivalités économiques entre nations ; ce n’est jamais que l’application du libéralisme économique à l’échelle international internationale. e. Face Face à la montée de la mondialisatio mondialisation, n, se multiplient les dispositions dérogatoires : dévaluation dévaluationss compétitives (dollar en 1973, franc français en 1981-82…), instauration de zones franches, de paradis fiscaux, de pavillons de complaisance… Ces dispositions ont pour objectif de redonner à ceux qui les décident compétitivité mais elles remettent en cause les législations sociales des PDEM et empêchent leur instauration dans les PED. C’est une course au « moins-disant social ».
3 e élément
La théorie des cycles Selon un économiste é conomiste Kondratiev qui publia en 1925 « Les Grands cycles de la conjoncture », l’histoire économique mondiale serait marquée par une série successive de cycles de 50 ans environ. Chaque cycle serait divisé en 2 phases opposées : – une phase A de croissance, ascendante, de 25 ans environ. – une phase B d’égale durée de dépression et descendante. descendante.
Sa théorie a longtemps été populaire et reconnue dans les milieux économiques mais on peut la contester sur 2 points au moins : sa durée des cycles est arbitraire et ne correspond pas au rythme de l’économie du 2nd XXe, sa représentation graphique en phase B descendante laisse supposer une récession sur toute la phase B, rien n’est plus faux de 1974 à nos jours ;à dire vrai, le schéma des cycles de Kondratiev ne fonctionne bien que pour la Grande Dépression des années 30. Au final, aucune des explications traditionnellement avancées pour expliquer les difficul tés économiques de 1973 à nos jours ne sont convaincantes, soit elles précisent le contexte, soit elles théorisent la crise… ᕣ
Les politiques de lutte contre la crise
Deux grands types de politique économique se sont succédé : le keynésianisme et le néolibéralisme, avec, au final, la victoire de ce dernier. Au début de la crise, les années 74-1980, les réponses furent surtout keynésiennes. Ce réflexe est compréhensible car cette réponse a fonctionné pour la grande dépression des années 1930 et pendant les Trente Glorieuses. Il s’agit de politiques de relance de la croissance par la consommation. Ce type de politique fut appliqué aux États-Unis de 1976 à 1980 sous la présidence de Ǡ
74
Séquence 2-HG00
Carter, en France en 1975-76 avec J. Chirac, 1 er ministre puis en 1981-1982 avec P. Mauroy comme 1er ministre également, en Angleterre Angleterre de 1974 à 1979… Dans cette politique politique,, l’État joue un rôle moteur comme dynamisant l’économie en relançant l’activité : il intervient en soutenant financièrement les entreprises en difficulté pour qu’elles investissent, en créant des emplois stables de fonctionnaires pour lutter contre le chômage, en augmentant les prestations sociales sociales.. L’État choisit délibérément le déficit budgétaire afin de soutenir la croissance. Ce pari n’a plus fonctionné (autrefois l’État récupérait son avance par les impôts et taxes sur l’activité qu’il avait suscitée) ; les déficits et la dette publique se sont creusés, l’inflation a continué d’augmenter, les monnaies ont dû être dévaluées. La relance a surtout profité aux économies concurrentielles concurrentielles.. La mondialisation a rendu obsolète les principes keynésiens quand ceux-ci sont appliqués localement et sans concertation ; exemple : la France en 1981-1982. Face à l’échec du keynésianisme, keynésianisme, il a fallu trouver une autre réponse : on renoue avec l’idéologie économique la plus traditionnelle qui soit dans l’histoire du capitalisme : le libéralisme, d’où cette dénomination de néolibéralisme. Le schéma libéral cherche également à restaurer la croissance économique. Il privilégie 2 outils : – la solidité de la monnaie monnaie,, – la baisse de la fiscalité. Ǡ
Les politiques libérales sont monétaristes c’est-à-dire qu’elles qu’elles essaient de garantir la valeur de la monnaie. Pour cela, il faut lutter contre l’inflation notamment en restreignant la masse monétaire et surtout en veillant à l’équilibre des budgets publics, soit l’inverse du keynésianisme. À ce monétarisme s’ajoute une reprise des credo traditionnels du libéralisme : concurrence entre entreprises privées,, rôle réduit de l’État, déréglementation des activités (transports, finances, travail…). privées Le néolibéralisme remet en cause l’État-Providence par son choix de baisser le niveau de la fiscalité ; il cherche par là à stimuler l’activité économique ; les entreprises comme les travailleurs dynamiques seront récompensés de leurs efforts, ils investiront en retour, retour, ce qui contribuera à relancer l’activité et la production et donc permettrait, théoriquement, théoriquement, de créer des emplois emplois,, mais c’était là aussi sans compter sur la mondialisation et les délocalisations… Les politiques libérales sont devenues la norme dans les PDEM à partir des années 1980. Elles eurent leurs limites et leurs mérites. Elles ont révélé l’épuisement de l’État-Providence et la nécessité de le réformer en effet les prélèvements obligatoires obligatoires pour faire fonctionner de vastes systèmes de santé, de retraite et d’éducation publics ont fini par atteindre des niveaux tels qu’ils asphyxiaient l’activité économique, ce dernier a généré des administrations pléthoriques, pléthoriques, des mentalités consommatrices de droits sans que les usagers ne veuillent les payer à leur juste valeur… Les politiques libérales d’austérité ont contribué à la maîtrise de l’inflation au début des années 1980, à la relance de l’activité économique par l’accroissement du commerce international. Elles ont été incarnées dans les années 1980 par Ronald Reagan aux États-Unis et Margaret Thatcher au Royaume-Uni, des politiques marquées à la fois par une déréglementation du travail, très antisyndicale, antisyndical e, une forte baisse des impôts, des privatisations (au Royaume-Uni). Par la suite, dans les années 1990, ces politiques politiqu es se sont imposées partout par tout et quelques quelque s soient les formations politiques ainsi du New Labour de Tony Tony Blair au Royaume-Uni Royaume-U ni à partir de 1997, du SPD de Schröder en Allemagne depuis 1996 succédant à la conservatrice CDU d’Helmut Kohl, des socialistes en France dès 1983, des démocrates sous Clinton aux États-Unis de 1992 à 2000. Malgré des nuances, les lignes directrices du néolibéralisme ne sont plus remises en cause ; cet unanimisme permet de comprendre l’émergence des mouvements altermondialistes dans les PDEM comme au Sud qui seuls remettent en cause cette hégémonie libérale. Pourtant, les politiques libérales ont leurs limites : – elles accroissent les inégalités sociales sociales,, – elles favorisent les marchés financiers au détriment des investissements productifs, productifs, – en déréglementant l’activité ou en « cassant » les services publics, elles fragilisent la cohésion sociale, les systèmes de surveillance (pensons à l’affaire de la « vache folle » au Royaume-Uni dans les années 1990 consécutive à une recherche forcenée du profit au point de faire des bovidés des carnivores ! et au démantèlement des services publics vétérinaires) et tout simplement la sécurité par le non entretien des infrastructures privatisées (cf. multiplication des accidents ferroviaires meurtriers au Royaume-Uni), Séquence 2-HG00
75
– elles jugulent incomplètement le chômage. Cela a fonctionné au Royaume-Uni et aux États-Unis mais au prix d’une précarisation généralisée du travail (baisse des salaires ou pression maximale à la productivité…) mais reste en suspens en France et en Allemagne. Le bilan des politiques libérales est donc plutôt contrasté, la facture sociale est plutôt élevée. En somme, les politiques économiques de lutte contre la crise n’agissent que partiellement ce qui laisse à penser, que plus qu’une crise ou une dépression, selon le vocabulaire qu’on voudra, c’est à de profondes mutations auxquelles nous faisons face, mutations mutations toujours en cours et à court terme sans perspective de stabilisation stabilisation… … L’effondrement de 2008 remet au goût du jour le rôle de l’État dans la régularisation des marchés, marchés, le soutien à l’économie.
76
Séquence 2-HG00
De profondes transformations sociales Dans ce portrait, nous allons privilégier les sociétés des PDEM car elles constituent un modèle, vénéré ou détesté, par le reste du monde. La société entre 1945 et l’aube du XXIe siècle a probablement plus changé qu’en deux millénaires, une nouvelle société urbaine, vieillissante, et individualiste s’érige en norme.
A
Les mutations du cadre de vie L’urbanisation est un trait dominant des sociétés du 2 nd XXe, ce processus n’est pas nouveau depuis l’avènement de l’ère industrielle, mais il s’amplifie jusqu’à atteindre son apogée. À échelle mondiale,, la population urbaine serait passée de 28 % de la population en 1950 à 40 % en 1990 ; mondiale dans les PDEM dès 1975 plus des 3/4 des habitants sont des citadins. L’explosion urbaine en Occident s’explique par un important exode rural pendant les Trente Trente Glorieuses et par le dynamisme démographique des citadins. Cette urbanisation revêt des formes diverses selon les pays. Aux États-Unis, dès les années 50, on assiste à la multiplication des suburbs pour classe moyenne c’est-à-dire de gigantesques lotissements pavillonnaires. En Europe, il faut au sortir de la guerre faire face à une pénurie de logements logements,, c’est pourquoi les pouvoirs publics vont guider l’urbanisation, comme en France avec la création des ZUP (Zones à urbaniser en priorité). De nouveaux types de constructions se généralisent : les grands ensembles.. Ces nouveaux quartiers urbains se développent en banlieues bles banlieues.. Il est de bon ton aujourd’hui de dénoncer cet urbanisme gigantesque et déshumanisant. C’est oublier qu’ il a répondu à une demande pressante des ménages et qu’il qu’il constitua une amélioration considérable du logement avec une superficie habitable plus grande, un accès au confort notamment avec les salles de bains. Il est vrai cependant que la plupart de ces quartiers souffraient dès le départ d’être d’ être des cités-dortoirs : les emplois se trouvant en centre-ville ou dans les zones industrielles. industrielles. Ce n’est que plus tard que ces cités, ainsi les appela-t-on désormais, devinrent parfois des espaces à problème, aux temps forts de la crise dans les années 1980-1990 avec la massification du chômage, le non-entretien, l’absence d’activités sur place et la concentration en ces lieux de populations pop ulations immigrées défavorisées, défavor isées, discriminées et non intégrées. D’où un mouvement inverse de destruction ou d’aération du tissu urbain des cités par le dynamitage des grandes tours pour créer un habitat urbain à dimension humaine. humaine. Ǡ
ᕡ
« L’ombre de 1929 » : la crise financière et économique (2007-début 2010)
Depuis 2008 l’économie des pays industrialisés connait une récession importante souvent comparée à celle de 1929. États-Unis,, l’incapacité d’emprunteurs modestes à rembourser des prêts ǠLe point de départ : aux États-Unis hypothécaires immobiliers immobiliers à risque qui faisaient l’objet d’un marché (produits dérivés) déclenche en 2007 la crise dite des subprimes. En septembre 2008, de grandes banques américaines font faillite (Lehman Brothers) ou sont sauvées par l’intervention de la Réserve Fédérale ou encore rachetées par leurs concurrents. Ǡ L’extension : La crise financière s’étend à l’ensemble de la planète. planète. Dans l’Union européenne, européenne , les gouvernements des États membres et la Banque centrale viennent au secours des établissements menacés : l’exemple français est révélateur (la BNP, le Crédit Agricole, la Société Générale, Natixis annoncent des milliards d’euro de pertes). [Ce sont près de 15000 milliards de dollars de garanties que les États-Unis et l’Union européenne ont accordées aux banques banques.].] La crise financière engendre une u ne crise économique : les États-Unis entrent en récession dès la fin 2007, la zone euro en 2008 ; en France, la récession est reconnue par le Président et son gouvernement en 2009. Séquence 2-HG00
77
Ǡ
Ǡ
Les moyens mis en œuvre : Au cours du dernier trimestre 2008, les États injectent des milliards de dollars ou d’euro pour endiguer la crise économique : 700 milliards de dollars aux États-Unis, 163 milliards de dollars pour l’Union européenne, 26 milliards d’euro pour la France. Lors du G20 de Londres en avril 2009, 2009 , 5000 milliards de dollars sont jugés nécessaires pour juguler la crise à l’échelle mondiale. Ces plans de relance qui doivent contrarier le ralentissement du commerce mondial et la hausse du chômage creusent partout les déficits budgétaires et accroissent la dette publique. publique. Quelle issue ? Si la crise financière apparait (momentanément ?) jugulée (mais les structures bancaires et financières n’ont pas été réellement modifiées, contrairement aux engagements pris : cf. par exemple les bonus octroyés aux traders ),), la sortie générale de la crise économique se fait attendre : le FMI prévoyait un retour de la croissance mondiale dans le courant 2010, plus forte aux États-Unis, au Brésil, en Chine que dans la zone euro, le chômage restant élevé (il a atteint jusqu’à 10 % de la population active aux États-Unis ; 2,6 millions de chômeurs en France, début 2010). Au moins l’engrenage fatal initié en 1929 ne s’est-il pas produit (voir chapitre 3 de la séquence 1), si des « répliques », comme on le dit des séismes, sont toujours possibles (cf. la quasi-faillite de l’émirat de Dubaï, les difficultés actuelles [1 er trimestre 2010] grecques, espagnoles, portugaises, hongroises)…
Document 8 Les fractures sociales se multiplient dans les quartiers en difficulté Au terme de plusieurs enquêtes, l’institut Banlieuescopies émet un diagnostic sombre sur l’évolution des cités populaires. La dégradation des liens sociaux et l’ampleur du chômage remettent en cause les fondements de la politique de la ville.
Des parents chômeurs qui ne se lèvent plus le matin et des écoliers qui partent à l’école à jeun. Des enfants qui échappent à tout contrôle contrôle,, des jeunes qui n’imaginent même pas ce qu’est un emploi et n’attendent plus rien d’aucune institution. Des ethnies qui s’organisent dans des quartiers qui se ferment. La montée d’une agressivité gratuite et le désarroi des travailleurs sociaux… Ainsi apparaissent, apparaissent, en 1995, les quartiers en difficulté, ces cités aux marges des villes où se concentrent tous les stigmates de la pauvreté. […] « On ne sait plus quoi proposer aux jeunes qui viennent nous voir. Les stages, ils n’en veulent plus, ils veulent du boulot et tout de suite. […] Ils préfèrent aller voir les boîtes d’intérim, bosser au noir, et ils finissent par nous ignorer. » Cette réflexion du responsable d’une structure d’insertion pour jeunes traduit sans doute l’une des évolutions les plus alarmantes. alar mantes. Certains jeunes de ces quartiers, où le chômage peut atteindre six fois la moyenne nationale, nationale, n’attendent plus rien des services conçus pour les aider. aider. Une enquêtrice a noté « des conduites d’indifférence, d’indifférence, d’évitement et de mépris à l’égard d’institutions jugées incapables incapables de jouer un rôle ». Une autre constate que que la « transgression transgression des lois et des normes normes est une réalité grandissante » et détecte « un élan antisocial, presque autodestructeur autodestructeur ». […] Si le mot « ghetto » a été galvaudé, la réalité est pourtant bien celle d’un monde « à part ». La population, reléguée reléguée pour des raisons économiques, économiques, se sent « captive », et « certains ce rtains jeunes n’envisagent rien hors du quartier ». Le monde extérieur les effraie. Ils préfèrent jouer les « seigneurs des rues » dans leur cité plutôt que d’affronter le monde du travail, d’autant que leurs origines et leur domiciliation même dans la cité les exposent à des discriminations exacerbées. Ce repli généralisé masque de multiples détresses. Les violences conjugales ne sont plus confinées dans le domaine privé mais apparaissent sur la voie publique. L’usage d’alcool, de la drogue et des médicaments se répand. Le chômage, en dévaluant la place des hommes, a reporté sur les femmes des charges insupportables. […] Ici les Africains, là les Juifs ou les Tamouls, partout les Maghrébins focalisent des haines. Le moindre conflit de voisinage peut être « lu » à travers un prisme ethnique. Ph.Bernard, © Le Monde, 2 mars 1995.
Ces sociétés urbaines urbaine s ont imposé un remodelage des paysages citadins : grandes artères routières voire autoroutières en Amérique du Nord, construction des « nouveaux temples » de la consommation près des échangeurs avec l’essor de la grande distribution : supermarchés dans les années 1960, hypermarchés dans les années 70-80 puis vastes centres commerciaux aujourd’hui. 78
Séquence 2-HG00
Ǡ
Il semble aussi qu’une qu’ une nouvelle relation au travail se soit instituée, avec un temps de plus grand laissé au repos et aux loisirs. La réduction du temps de travail se vérifie dans tous les PDEM : - 20 % en France de 1950 jusqu’à l’arrivée des 35 heures à partir de 1998-1999, - 33 % en Allemagne de 1950 à 1992, - 15 % aux États-Unis et - 13 % au Japon pour la même période. On entre de plus en plus tard sur le marché du travail car les études sont plus longues et l’on en sort plus rapidement : pré-retraites, retraites à 60-65 ans même si le seuil d’entrée en retraite de s’élève.
La durée du temps de travail a fini par devenir un enjeu politique dans la mesure où le plein-emploi des Trente Trente Glorieuses Glorie uses a définitivement disparu, le toyotisme ayant remplacé le fordisme et ses emplois peu qualifiés d’OS (Ouvriers Spécialisés). En France, la gauche socialiste socialist e sous L. Jospin de 1997 à 2002 a pensé que le partage du temps de travail par une réduction de sa durée hebdomadaire à 35 heures permettrait un recul du chômage ce qui a fonctionné en partie mais c’était sans compter sur le coût d’une telle réforme pour les entreprises, les salariés (blocage des salaires) et la collectivité et surtout sur le manque de main d’œuvre disponible et qualifiée. Ǡ
B
Le cadre de vie du second vingtième siècle est celui des cités de verre, d’acier et de béton ; en cela il illustre une autre tendance majeure, celle de l’artificialisation croissante des cadres de vie. Avec la crise, les revers d’une telle artificialisation ont commencé de faire sentir leurs effets au point que depuis 25 ans on peut parler de cadres de vie littoraux, urbains, urbains, ruraux, montagnards montagnards en crise crise.. L’artificialisation s’est traduite par un bétonnage des littoraux pour accueillir des touristes toujours plus nombreux, par la mise en place d’infrastructur d’infrastructures es routières tentaculaires pour absorber un trafic toujours croissant, par la « chimisation » des sols agricoles pour augmenter les rendements… Les dégradations environnementales sont désormais manifestes et peut-être irréversibles. Si la prise de conscience de ces problèmes par les populations est ancienne, années 1960-70, celle des politiques est récente : sommet de la l a Terre Terre à Rio en 1992, 199 2, puis conférence de d e Kyoto en 1997 sur l’émission des gaz à effets de serre ett Copenhague Copenh ague (2009). Les modes de vie et de produire du second vingtième siècle se révèlent destructeurs des cadres de vie. Cette artificialisation révèle aussi une plus grande vulnérabilité de nos sociétés à l’égard des risques technologiques et industriels comme l’explosion d’un réacteur de la centrale nucléaire de Tchernobyl en 1986 ou l’explosion de l’usine AZF à Toulouse en septembre 2001.
Le triomphe de la société de consommation ? Les Trente Glorieuses ont globalement apporté la prospérité, ce que les « 20 et + calamiteuses » n’ont finalement pas démenti ; aujourd’hui un certain confort matériel s’est démocratisé dans les sociétés des PDEM. Ǡ
Cette abondance peut se mesurer au travers des modifications dans la structure des dépenses des ménages :
Document 9 L’évolution de la consommation des ménages Postes de dépenses en % (voir tableau page suivante)
Questions
ᕡ
Dégagez les principales évolutions repérables.
ᕢ
Comment expliquer les variations entre des Etats comme la France, les Etats-Unis et le Japon ?
Séquence 2-HG00
79
Réponses
France
GB
Etats-Unis
FRA
Japon
1950 Nourriture Habillement Logement Santé-Hygiène Transports Loisirs
37,0 14,0 13,5 4,0 4,5 5,0
30,0 12,0 19,0 6,0 6,0 3,0
30,0 12,0 25,0 6,0 12,0 5,5
38,0 14,5 16,5 3,5 3,0 5,5
53,0 12,0 9,0 4,0 2,0 5,0
1956 Nourriture Habillement Logement Santé-Hygiène Transports Loisirs
34,0 12,5 15,0 5,5 5,5 6,5
30,0 11,5 19,0 9,0 8,5 3,5
28,5 11,5 26,5 8,5 14,0 5,5
36,0 13,0 16,5 4,5 5,0 5,5
48,0 12,0 9,0 4,5 2,0 5,5
1962 Nourriture Habillement Logement Santé-Hygiène Transports Loisirs
31,0 12,0 17,0 8,0 8,0 7,5
27,0 11,0 20,5 12,0 10,0 4,5
27,0 11,0 27,0 11,5 16,0 6,0
32,0 12,0 18,0 5,5 9,0 6,0
39,0 11,5 10,0 9,0 3,0 6,0
ᕡ
L’entrée dans une société d’abondance se mesure par le poids décroissant des dépenses de 1re nécessité (alimentation, habillement) : de 37 % en 1950 à 31 % en 1962 pour les dépenses en nourriture en France, - 2 points pour les dépenses d’habillement toujours en France, par l’accroissement des postes de dépenses comme le logement : + 2 points aux États-Unis entre 1950 et 1962, + 1,5 point en RFA, + 3,5 points en France, ou les transports (surtout l’achat d’une automobile) : + 3,5 points en France, + 4 points au Royaume-Uni et aux États-Unis, + 6 points en Allemagne, et surtout l’accroissement des dépenses de loisirs et de santé ; un quasi doublement aux États-Unis pour la santé, un doublement en France et au Royaume-Uni. Ces deux dernières dépenses montrent qu’un surplus est dégagé pour prendre soin de soi.
Les variations entre États s’expliquent par les le s dates proposées : 1950-1962 1950-196 2 ; on est au cœur des Trente Trente Glorieuses mais les fortes croissances sont encore à venir en France et en e n Allemagne, Allemagne, et surtout au Japon (années 60-70) très en retard à cette époque. Néanmoins, Néanmoins, les évolutions discernables dans ce tableau se sont vérifiées jusqu’à nos jours. Ǡ Le confort matériel se manifeste par la multiplication des objets, des « choses » à disposition des ménages : appareil électroménagers, télévision, téléphone, réfrigérateur… des inventions qui améliorent le quotidien et modifient les relations rel ations au sein des familles. En 1973, 80 % des Français avaient déjà un téléviseur ; l’idéal de consommation se profile : avoir une ou deux automobiles, être propriétaire de son logement, si possible une maison individuelle. C onsommer devient un rite d’inclusion à la société, encore vérifié depuis 1973 : jeux vidéo, vacances, ordinateurs, téléphones mobiles… ᕢ
La société de consommation a donc ses bienfaits, incontestables, mais aussi ses revers. En effet les biens de consommation (au sens le plus large) se sont standardisés, formatés formatés et partout au sein des PDEM tendent à s’imposer les mêmes manières de se vêtir (jeans dans les années 50-60-70), de s’alimenter (généralisation des fast-foods à partir des années 80 sur le modèle nord-américain), de se reposer (séjour en station balnéaire ou de ski…). Les individus deviennent interchangeables, et en cela on peut qualifier cette société d’aliénante. Un objet plus que tout autre symbolise cette société : l’automobile qualifiée, en fait la DS, de « cathédrale gothique » par Roland Barthes. L’obtention du permis de conduire marque souvent l’entrée dans l’âge adulte, l’auto est synonyme d’indépendance, de liberté, d’évasion… Elle est devenue un fétiche par lequel on affiche sa réussite sociale, effective… ou fantasmée. Pour fonctionner, la société de consommation a besoin de populations solvables et décidées à consommer, d’où le rôle essentiel des phénomènes de mode et de la publicité ; autrement dit le ressort de son fonctionnement est la frustration. Or depuis 1973, le contexte économique a changé ; nos sociétés sont devenues plus inégalitaires. 80
Séquence 2-HG00
Ǡ
Les sociétés des PDEM, à l’exception des sociétés scandinaves sont devenues duelles avec leurs exclus qu’on qualifia de « nouveaux pauvres » ou de SDF (les « sans domicile fixe » pour ne pas dire qu’ils n’en ont pas !) dans les années 1980. C’est ici la frange la plus visible des exclus de la société de consommation car elle est en réalité plus large : jeunes des cités européennes ou des ghettos états-uniens, travailleurs précaires ou à temps partiel qui vivotent. Il en résulte pour eux une tension entre l’impossibilité de consommer et la volonté de satisfaire aux normes consuméristes, tension parfois comblée par des comportements violents et délictueux. Nous avons là une des sources, non la seule, de l’obsession sécuritaire qui saisit certaines des sociétés vieillissantes des PDEM.
Notons toutefois que la société de consommation n’est pas remise en cause par l’exclusion ni même par les comportements délinquants, délinquants, au contraire…
C
Un bouleversement des hiérar hiérarchies chies sociales Les hiérarchies sociales continuent de se construire sur les patrimoines et de plus en plus sur le travail, or de 1945 à nos jours les populations actives des PDEM ont considérablement évolué. Ǡ
Ǡ
Le 1er changement majeur consiste en l’essor remarquable du salariat ; ce statut concerne désormais plus de 80 % des actifs, a contrario les activités traditionne traditionnelles lles indépendantes déclinent sans toutefois disparaître. disparaître. C’est le cas du monde des petits commerçants de plus en plus inadapté face à la multiplication des grandes surfaces, mais aussi des artisans et petits industriels confrontés aux mouvements de concentration et à leur plus faible productivité. Un 2nd changement, très variable cependant selon les le s Etats, est la généralisation du travail féminin. Ce n’est pas une nouveauté, ce qui change c’est sa massification à la fin des années 1960. Les femmes occupent alors préférentiellement des postes d’ouvrières d’ouvrières,, d’employées dans le tertiaire mais, depuis, par par leur qualification professionnelle professionnelle croissante, un alignement progressif se réalise sur les professions plutôt occupées par les hommes hommes..
La structure des populations actives des PDEM présente de profondes modifications modifications.. Pendant les Trente Trente Glorieuses, s’amorce un net recul de l’emploi primaire : 11,4 % en 1970, un essor confirmé mais mesuré du secteur secondaire : 38 % et enfin un accroissement très marqué de l’emploi tertiaire : 1 actif sur 2 vers 1970 ! Cette évolution s’est nuancée depuis 1973 ; la part des actifs agricoles a poursuivi sa chute, à peine 5 % d’actifs pour tous les PDEM en 1995 d’où l’expression de « fin des paysans » ; l’emploi industriel a amorcé un recul assez prononcé, à peine plus d’un actif sur quatre tandis que les 2/3 des actifs travaillent actuellement dans les services. Des nuances s’imposent, la part de l’emploi industriel reste plus marquée au Japon et en Allemagne mais partout se vérifie la tertiarisation croissante des économies des PDEM au point qu’il est parfaitement recevable de les nommer sociétés post-industrialis post-industrialisées. ées. C’est là une approche globale, globale, il nous faut affiner l’analyse pour voir la traduction sociale concrète de ces phénomènes phénomènes.. Ǡ
1er constat, des campagnes qui se vident… Le nombre des agriculteurs diminue en raison de la modernisation agricole… agricole… Progressivement le paysan devient un entrepreneur agricole plus performant et plus rare. C’est là une révolution sociale silencieuse majeure car les assises campagnardes des sociétés occidentales disparaissent, or les campagnes jusqu’à 1945-55 restaient un conservatoire des traditions, croyances et modes de vie anciens.
Séquence 2-HG00
81
Document 10 Les mutations d’un village français au temps des Trente Glorieuses Sous les noms de Madère et Cessac, est décrit en réalité le même village du Lot, Douelle, respective- ment en 1946 et 1975. [A Madère], l’engrais chimique est très peu utilisé ; on « fume » la terre avec le fumier […]. La pro-
duction par travailleur agricole et par hectare cultivé ne peut dans ces conditions qu’être très faible. Elle l’est en effet : à peine supérieure aux chiffres du XIX e siècle. En année moyenne, le blé rend 7 à 8 fois la semence (12 quintaux bruts à l’hectare) ; la vigne, vigne, 25 hectolitres […]. L’alimentation forme les trois quarts de la consommatio consommation. n. Elle est cependant pour sa moitié composée de pain et de pommes de terre […] Une seule se ule fois par semaine, en moyenne, on achète et on consomme de la viande de boucherie […]. La base de l’alimentation, plus de la moitié des calories absorbées absorbées,, est la soupe de pain et de légumes, à la graisse de porc. Le reste de la consommation personnelle est vestimentaire pour plus de sa moitié. Les dépenses de loisirs sont très faibles ; ni les jeunes ni les adolescents ne reçoivent d’argent de poche. En dehors du service militaire et de la guerre, la grande majorité des habitants de Madère n’a fait que son voyage de noces et quelques pèlerinages. pèlerinages. [A Cessac], les rendements à l’hectare vont du triple au quadruple de ceux de Madère ; et comme le
nombre des travailleurs à l’hectare est près de 4 fois plus faible, la productivité du travail agricole à Cessac est de l’ordre de douze fois plus forte qu’à Madère […]. Sur les 243 foyers de Cessac, plus de 230 ont le « confort moderne » ; allant allant de la cuisine parfaitement équipée (210 réfrigérateurs réfrigérateurs,, 50 congélateurs, 180 machines à laver le linge, etc.), aux W.-C. W.-C. intérieurs à chasse d’eau, aux lavabos, à la salle de bain à eau courante chaude et froide ; 110 téléphones pour 670 habitants à Cessac contre 5 pour 534 à Madère ; 280 automobiles automobiles à Cessac contre 5 à Madère […]. Alors que 150 des 163 maisons de Madère ont plus de 50 ans d’âge, et sont dans un état médiocre, 50 des 212 maisons de Cessac ont été construites depuis 20 ans et toutes les maisons anciennes oint été rénovées. « Les Trente Glorieuses » de J. FOURASTIE, © Librairie Arthème Fayard 1979.
Questions
Réponses
ᕡ
Quels sont les critères qui font de Madère un village traditionnel ?
ᕢ
Quels sont les signes qui marquent l’irruption de la modernité à Cessac ?
ᕡ
– une faible productivité et des rendements tout aussi faibles : « à peine supérieure aux chiffres du XIX e »
– le poids écrasant des dépenses de 1 re nécessité : « l’alimentation forme les 3/4 de la consom- mation… le reste… est vestimentaire »
– la pauvreté du régime alimentaire : peu de viande, de la soupe… – l’impression d’enclavement : « En dehors du service militaire et de la guerre, la grande majorité des habitants de Madère n’a fait que son voyage de noces et quelques pèlerinages ». ᕢ
l’augmentation des rendements par 3 ou 4 Ǡ l’augmentation de la productivité par 12 ! Ǡ l’insertion dans la société de consommation : « confort moderne » … Ǡ l’amélioration de l’habitat : « 50 des 212 maisons de Cessac ont été construites depuis 20 ans » Ǡ
Cette modernisation des campagnes a ses limites limites,, trop d’entrepreneurs agricoles d’aujourd’hui sont endettés, leurs revenus n’ont pas cru avec la même ampleur que les autres activités d’où l’impression d’être des laissés pour compte de la croissance… Au sein du monde ouvrier, et ce serait notre 2nd constat, des évolutions moins marquées sont perceptibles. La figure de l’OS comme emblème de l’ouvrier s’atténue avec le robotisme et le toyotisme des années de crise ; certains métiers traditionnels comme mineurs, sidérurgistes se raréfient. Le monde ouvrier d’aujourd’hui apparaît globalement plus qualifié et plus diversifié. Ǡ
82
Séquence 2-HG00
Ǡ
L’essentiel reste l’essor prodigieux des services. Cette évolution correspond à l’émergence de nouveaux statuts professionnels de travailleurs qualifiés : cadres, ca dres, fonctionnaires, fonctionnaires, ingénieurs, techniciens, médecins… ce sont les « cols blancs ». Ils forment aujourd’hui, et ce depuis 1973, la majorité des classes moyennes, principal groupe sociale de nos sociétés. Ce qui les unifie, ce sont leurs valeurs : une forte adhésion et participation à la société de consommation, des modes de vie similaires, des principes communs hérités de la bourgeoisie : individualisme, volonté de promotion pour soi et ses descendants, descendants, recherche du prestige social…
À l’ancienne bourgeoisie familiale industrielle se substitue partiellement une bourgeoisie d’affaires formée dans les grandes écoles (HEC, ENA, London School of Economics, grandes universités américaines…), bourgeoisie très puissante et influente. Or ce renouvellement n’est en réalité que superficiel car si l’on examine le recrutement social des élèves des grandes écoles, on constate qu’ils viennent quasi exclusivement de milieux sociaux très favorisés. D’où D’où la tentation d’ériger des discriminati discriminations ons positil es années 1980, politique largement abandonnée depuis en faveur des ves comme aux États-Unis dans les minorités ethniques, et timidement en France au début des années 2000 mais là sans base légale…
C
Des changements démographiques majeurs Nous avons assisté à une véritable explosion démographique dans la 2 nde moitié du XXe siècle, le nombre d’humains est passé de 2,5 milliards en 1950 à 6 milliards en 1999. Il semble que le maximum de l’accroissement démographique de la population mondiale soit désormais derrière nous, son apogée se situent dans les années 60. Il faut bien évidemment distinguer les PDEM des PED où malgré des situations contrastées et la persistance localement (Moyen Orient, Afrique subsaharienne) de fécondités élevées, élevée s, la natalité baisse. Ǡ
L’histoire démographique des PDEM est celle d’un bouleversement complet. co mplet. De 1945 à 197072 (jusqu’au milieu des années 1960 pour les États-Unis) a lieu le baby-boom, une natalité élevée, d’abord un rattrapage rattrapag e des temps de guerre maintenu mainte nu par la croissance des Trente Trente Glorieuses. Glorie uses. On peut partir du cas français, assez représentatif des autres PDEM : la moyenne du nombre d’enfants par famille est de 2,42 en 1960, le taux de natalité dépasse les 18 ‰. Cette envolée de la fécondité peut s’expliquer par les multiples aides de l’état-providence (allocations diverses, sécurité sécurité sociale…) pourtant elle se vérifie également dans des pays qui n’ont pas mené des politiques natalistes aussi élaborées comme au Royaume-Uni. À partir des années 1970, le retournement est spectaculaire, la fécondité baisse fortement et la natalité se stabilise autour de 14 ‰ depuis 1975. Ce retournement, perceptible dans tous les PDEM correspond au retournement de la conjoncture économique, de là à relier les deux phénomènes, la tentation est grande. Pourtant, l’on admet qu’entre économie et démographie, il y a des liens de corrélation non de causalités.
Plusieurs facteurs pourraient expliquer la faible natalité dans les PDEM : – la maîtrise de la fécondité, – la moindre influence des doctrines religieuses natalistes, – la crise économique et des revenus qu’on estime insuffisants pour assurer convenablement l’avenir de ses enfants, – l’émancipation de la femme, active et de moins en moins réduite à son ventre et à un statut réducteur de reproductrice, – plus globalement, les exigences propres aux modes de vie contemporains urbains… urbains… Parallèlement, la mortalité ne cesse de baisser de 1945 à nos jours mais selon des rythmes variables. variables. Le gain le plus spectaculaire se fait sur la mortalité infantile qui passe de 77 ‰ en 1946 19 46 en France à environ 6 ‰ de nos jours. Les taux de mortalité plafonnent assez vite autour de 11 ‰ dans les années 1960, 9 ‰ actuellement. Le recul de la mortalité a lui aussi de multiples causes : – c’est une traduction de la prospérité de nos sociétés, – un bon encadrement e ncadrement sanitaire de nos sociétés. Avec cette situation, mortalité et natalité sont faibles et stables. Nos sociétés ont terminé leur transition démographique, il en résulte 2 phénomènes majeurs et complémentaires, très accusés depuis les années 1990 : – Une élévation de l’espérance de vie, au delà des 80 ans. Séquence 2-HG00
83
– Surtout, un vieillissement spectaculaire spectaculaire,, très marqué en Allemagne et au Japon, en cours en Italie, Espagne, et atténué en France et aux Etats-Unis. Près d’un habitant sur 4 a aujourd’hui plus de 60 ans dans les PDEM contre à peine 16-17 % pendant les Trente Glorieuses. Parallèlement, le nombre de jeunes de moins de 20 ans ne cesse ce sse de baisser pour égaler ceux des plus de 60 ans ! Cette évolution remet en cause les équilibres des comptes des systèmes sociaux (maladie, retraites…) retraites…) et fragilise le dynamisme économique économique des PDEM. Replacée à échelle mondiale, cette évolution est paradoxale car au Sud, un fort accroissement démographique démographique même ralenti se poursuit d’où d’inévitables phénomènes migratoires. Ǡ
Les migrations internationales se sont fortement accélérées dans les années 60 . De plus en plus, les migrants viennent de PED avec d’autres cultures et tendent à se concentrer préférentiellement dans les grandes métropoles ou dans les régions industrielles (Mexicains et Hispaniques, asiatiques aux États-Unis Éta ts-Unis ; Indiens, Pakistanais au Royaume-Uni, Européens méditerranéens mé diterranéens puis Turcs en Allemagne, nord-africains, Noirs Africains en France…). Pour les sociétés des PDEM, cela signifie de nécessaires redéfinitions dans leur politique d’intégration car les descendants d’immigrés sont désormais une des composantes des populations des PDEM et réclament l’égalité des droits. Nos sociétés sont devenues multiculturelles. multiculturelles.
Les migrations internationales sont une sorte de régulation spontanée entre le trop plein démographique du Sud et les « vides » du Nord. Or depuis 20 ans environ se dessine une évolution inédite dans certains pays du sud : la baisse de l’espérance de vie. C’est le cas de nombre d’États d’Afrique d’ Afrique subsaharienne et notamment d’Afrique australe. En effet, une épidémie est devenue hors de contrôle : le SIDA. Sur les 42 millions de séropositifs (estimés par ONUSIDA en 2003), les 2/3 se trouvent en Afrique subsaharienne. C’est une rupture majeure dans l’histoire démographique mondiale. La cellule démographiq démographique ue élémentaire, « la » famille se diversifie. Dans tout l’Occident jusqu’au milieu des années 1960 a régné un moralisme familialiste qui figeait le modèle familial en la famille nucléaire type avec homme et femme mariés plus les enfants enfants,, l’homme travaillant à l’extérieur et la femme restant de préférence au foyer. Ce modèle reste la norme dominante mais de nouvelles formes de conjugalité sont apparues ou ont été reconnues. On peut sur ce point évoquer une véritable « révolution des mœurs » née dans les années 1960, elle s’est traduite partout depuis 1975 par : divorces,, – une augmentation des divorces – une baisse de la nuptialité, hors-mariage, – une forte augmentation des naissances hors-mariage, – une hausse du concubinage, – la multiplication des familles recomposées et des familles monoparentales. Ǡ
Fin XXe, la gamme des familles s’est enrichie par la reconnaissance plus ou moins explicite des couples homosexuels : PACS en France en 1999, mariage aux Pays-Bas ou au Danemark… Ces changements ne sauraient se comprendre sans référence réfé rence à d’autres bouleversements : la destruction des modèles paternalistes d’autorité, un souci enfin plus effectif d’égalité des droits entre personnes, et surtout l’émancipation des femmes. Les rapports entre génération sont moins marqués par l’obéissance et la dette due aux personnes plus âgées.
Ǡ
Le second XXe est celui d’une longue marche des femmes vers leur émancipation, marche non achevée à ce jour. On l’a vu, à partir des années 1960, elles entrent entrent massivement sur le marché du travail, acquérant ainsi les moyens matériels de leur indépendance. Leurs droits politiques sont reconnus depuis 1918-1920 dans la plupart des PDEM sauf en France où elles acquièrent le droit de vote en 1944. Avec la publication du « Deuxième Sexe » en 1949, Simone de Beauvoir inaugure un long combat de libération des femmes. fe mmes. Elle Elle et ses disciples cherchent à détruire le mythe de l’éternel féminin (la femme « féminisée » pour n’être que l’objet du désir masculin) et la réduction de la femme à la « femelle ». Le féminisme d’abord marginal accroît progressivement son écho et porte son attention sur la maîtrise du corps féminin par les femmes elles-mêmes. elles-mêm es. Cela passe par deux évolutions législatives majeures : la maîtrise de la fécondité et l’autorisation de l’avortement pour les grossesses non désirées. L’autorisation de la contraception, surtout de la pilule, est effective dans la plupart des PDEM (sauf dans la très catholique république irlandaise) dès la fin des années 1960, en 1967 en France par la loi Neuwirth. C’est là une révolution majeure dans l’histoire humaine humaine et dont on n’a pas re encore assez mesuré la portée, pour pour la 1 fois l’humanité se rend maîtresse de sa descendance, c’est une révolution aussi importante qu’en leur époque les inventions de l’outil de pierre, de l’agriculture ou de l’écriture… L’autorisation de l’IVG fut plus laborieuse, notamment en France obtenu seulement 84
Séquence 2-HG00
en 1975 par la loi VEIL, loi qui entérinait l’existence d’avortements clandestins et illégaux où la vie des femmes était en danger tandis que les plus riches se faisaient avorter à l’étranger. l’étranger. Cette conquête, plus précoce dans les pays anglo-saxons (années 60) est toujours menacée par l’activisme des lobbies religieux fondamentalistes et les pressions des milieux politiques conservateurs. Aujourd’hui, pourtant bien des inégalités subsistent : sous-représentation politique (d’où l’adoption de la loi sur la parité en France en 1998), sous-représentation dans les professions d’encadrement et de commandement…
Séquence 2-HG00
85
Vers V ers une culture planétaire ? L’évolut ’évolution ion du 2 nd XXe donne l’impression que les PDEM imposent au reste du globe leurs normes normes,, leurs manières de vivre, leurs goûts. Pour cela, ils ont développé des outils très variés…
A
Une civilisation de l’information Si l’on utilise de plus en plus la métaphore du village planétaire, cela tient notamment au recours systématique de nos contemporains aux mass media ; nous sommes au courant quasi instantanément de ce qui se passe à l’autre bout de la planète. L’outil traditionnel en Occident utilisé pour véhiculer informations et savoirs restait le livre et l’écrit depuis la Renaissance, cela s’est encore traduit par le primat des journaux quotidiens et revues revue s dans re e la 1 moitié du XX pour l’accès à l’information. À partir de 1945, la donne change progressivement avec la succession de nouveaux media plus performants et perfectionnés. Les Les nouveaux mass media nd e du 2 XX sont audiovisuels audiovisuels… …
Ǡ
L’impulsion vient des États-Unis, où l’on peut repérer différents cycles dans la diffusion des outils audiovisuels. Jusqu’à 1945, c’est la radio qui domine puis de 1945 aux années 1960 196 0 la télévision noir et blanc puis en couleur. À partir des années 1980, l’utilisation du satellite permet une diversification de l’offre. Enfin à partir des années 1990, la micro-inform micro-informatique atique et Internet complètent la gamme. En Europe, ces outils se diffusent plus lentement avec cependant un décalage chronologique qui ne cesse de se réduire plus l’on s’approche de la fin XX e. Ces mass media ont eu et gardent un rôle essentiel par la conscience qu’ils donnent de vivre dans un monde unique et interdépendant ; on peut en retenir quelques symboles forts comme la diffusion en eurovision en 1952 du couronnement d’Elisabeth II, la transmission de la marche d’Armstrong sur la Lune en 1969, plus récemment la relation de la 1 re guerre du Golfe en 1991, les attaques en direct contre les deux tours du World World Trade Trade Center à New York York en septembre 2001 ou dernièrement l’invasion états-unienne états-unienne de l’Irak en 2003. Les évolutions technologiques des mass media ont eu des répercussions sur leur nature ; en effet en 1945 dans la plupart des PDEM, à l’exception notable des États-Unis, la diffusion de l’information par les mass media reste un monopole d’État avec des organisatio organisations ns publiques puissantes comme la RAI en Italie, la BBC au Royaume-Uni, l’ORTF en France. Cette situation situa tion de monopole est remise remis e en cause dans les années 1980 dans la cadre d’une grande vague de néolibéralisme économique ; exemple : en France, 1981 autorisation des radio libres, 1984 création de la 1 re chaîne privée mais cryptée Canal +, 1986 privatisation de la 1re chaîne en audience TF1… L’offre L’offre s’élargit avec l’utilisation du satellite au point qu’aujourd’hui un foyer peut recevoir les principales chaînes mondiales. Progressivement, Progressivement, et succédant aux Etats, se sont affirmées de véritables multinationales de l’information : CNN et FOX F OX TV aux États-Unis, AL DJEZIRA au Qatar pour le monde arabe… avec des chaînes d’informations en continu. Ǡ
86
Séquence 2-HG00
Ces évolutions posent des problèmes implicites quant au s tatut de l’information et quant à l’utilisation qu’on peut en faire. En effet, l’audience est aujourd’hui l’objectif recherché par les firmes télévisuelles,, contraintes par leurs financeurs, les publicitaires d’où la tentation de travestir l’intélévisuelles formation en spectacle pour la rendre agréable… Les mass media peuvent être aussi de véritables outils de propagande pour des téléspectateurs captifs ; ex : FOX TV qui a relayé en 2002-2003 la politique étrangère belliciste de G. W. Bush, les grandes chaînes de télévision françaises en 2002 qui ont entretenu l’obsession sécuritaire par une incessante litanie de faits divers, AL DJEZIRA qui retransmet systématiquement en 2002-2003 les messages d’Ousama BEN LADEN pour flatter des opinions publiques anti-américaines.
Ǡ
B
L’irruption d’Internet intervient donc au moment où les mass media traditionnels ont usé leur crédibilité. C’est une nouveauté, d’abord par la diversité et la quantité des informations disponibles, puis par la liberté que le web permet : choix des adresses à visiter, sociabilité virtuelle par les « chats »… Ce nouveau media est appelé à un grand essor essor mais il a aussi ses limites, dont certaines sont très sérieuses : la fiabilité des informations transmises est parfois douteuse douteuse,, la vulnérabilité technique est encore grande avec les attaques des virus informatiques, plus plus essentiel, la distance critique à l’égard des flux d’informations disponibles est quasi nulle…
L’uniformisation par la culture de masse Ǡ
La 1re moitié du XIXe a vu se développer aux États-Unis une culture populaire de masse ; celle-ci s’est ensuite généralisée aux PDEM dans les années 1950-1060 pour atteindre la planète tout entière fin XX e.
Cette culture s’est inscrite dans des formes d’arts privilégiées : – la MUSIQUE avec le rock’n’roll dans les années anné es 1950 (PRESLEY, C. BERRY…), la pop music dans les années 60 (BEATLES, ROLLING STONES…), la disco dans les années 1970, la New Wave et le reggae (B. MARLEY) dans les années 80, la techno, le rap (EMINEM) et le R’n’B… – le CINEMA avec les westerns dans les années 50-60, le fantastique et la science-fiction (pensons à la « Guerre des étoiles » de G. Lukas ou au « Seigneur des anneaux »), les comédies ou mélos (« Titanic Titanic ») … – la PEINTURE avec le pop art dans les années 1960 d’Andy Warhol Warhol notamment, le « graphiti art » dans les années 1980 de Keith Haring. – les FEUILLET FEUILLETONS ONS ou SERIES TELEVISEES : Dallas, Dynasty, Beverly Hills, X Files… Cette culture s’est élargie aux loisirs, et notamment aux sports-spectacle (basket, football…) aux jeux télévisés (télé-réalité). Quelque soit le support utilisé, cette culture fonctionne toujours sur le processus d’identification, elle propose ses icônes : stars ou vedettes à vénérer : James DEAN, Marylin MONROE, Alain DELON pour le cinéma par exemple… Mickaël JACKSON, Elvis PRESLEY, MADONNA pour la chanson, Zinedine ZIDANE, Tiger WOODS pour le sport… Ǡ
La puissance de cette ce tte culture est due à sa créativité c réativité mais ma is aussi à sa nature. Tout autant qu’une culture, c’est une industrie entre les mains de quelques puissantes multinationales multinationales,, d’ailleurs dans les pays anglo-saxons on parle de « business » et jamais d’art d’ art ; ainsi, des majors du disque : Universal, Sony, EMI… du cinéma : Universal, Disney… Cette culture a ses publics cibles : les jeunes au point qu’on a parlé de « culture jeune » pour qualifier l’émergence de cette culture de masse dans les années 1960 ; elle assure le renouvellement de ses marchés par les phénomènes de modes générationnelles.
Comme industrie, la culture de masse exprime les inégalités de développement et de puissance dans le monde. Largement dominée par le monde anglo-saxon et surtout les États-Unis, elle contribue donc à l’uniformisation culturelle de la planète dans une version américanisée. En plus de ses produits culturels, elle diffuse les normes et valeurs occidentales à la surface du globe. D’où la critique communément avancée contre cette culture marchande d’appauvrir la diversité mondiale, reproche reproche doublement contestable : d’une part la culture de masse n’est pas figée et empreinte de plus en plus aux cultures minoritaires par souci d’exotisme (et de renouvellement de marché), c’est la « World Culture » (ex : modes du Raï, des musiques celtiques…), d’autre part c’est oublier qu’à toute époque les principales puissances ont diffusé sinon imposé leur culture ; ex : les les Français aux XVII e et XVIIIe siècles, les Anglais au XIX e… Ce phénomène n’est en rien original. Les fonctions de la culture de masse sont diverses, on pourrait lui en attribuer 4 majeurs : – questionner, interpeller interpe ller ; ce fut le cas de la contre-culture des années 1960-1970 avec les refrains de Bob DYLAN et de John LENNON contre la guerre du Vietnam. Aujourd’hui, cette fonction s’est quasiment éteinte, – divertir, c’est sa raison d’être ; on l’appelle aussi aux États-Unis « entertainment », – affirmer son appartenance à une classe d’âge particulière. En ce sens, la culture de masse reprend les usages des anciennes cultures populaires d’avant les révolutions industrielles avec leurs fêtes de jeunesse, – aliéner, abêtir. C’est ce que pensent certains des intellectuels contemporains… Ǡ
Séquence 2-HG00
87
C
Une civilisation des sciences et techniques Une même culture populaire, populaire, de mêmes informations, tout cela contribue à la création d’un « village planétaire ». Ce ne sont là cependant que des manifestations manifestati ons secondaires qu’un phénomène plus ample rend possible : la multiplication des découvertes et inventions scientifiques et techniques. techniques.
Document 11 Principales inventions et découvertes du second XX e
Date
Provenance
Domaine
Nature
1946 1952 1953 1953 1953 1955 1956 1957 1958 1961 1961 1962 1964 1967 1968 1968 1969 1969 1975 1977 1977 1978 1979 1979 1980 1982 1982 1983 1985 1990 1996
États-Unis États-Unis États-Unis Royaume-Uni États-Unis États-Unis France URSS États-Unis URSS États-Unis – Japon Afrique du Sud États-Unis États-Unis Royaume-Uni et France États-Unis États-Unis – Europe Royaume-Uni États-Unis Europe États-Unis – – France États-Unis États-Unis Royaume-Uni
Informatique Militaire Informatique Biologie Médecine Biologie Energie Aérospatiale Physique Aérospatiale Informatique Aérospatiale Transport Médecine Informatique Biologie Aéronautique Aérospatiale Biologie Audiovisuel Aérospatiale Biologie-médecine Informatique Aérospatiale Aérospatiale Audiovisuel Biologie Médecine Informatique Informatique biologie
1er calculateur électronique bombe à hydrogène 1er ordinateur découverte de l’ADN vaccin contre la poliomyélite pilule contraceptive 1re centrale nucléaire à Marcoule 1er satellite artificiel de la planète Terre Terre Mise au point du laser 1er homme dans l’espace, Youri Youri GAGARINE 1er circuit intégré 1er satellite de télécommunication 1er train à grande vitesse, le SHINKANSEN 1re greffe cardiaque 1re mise en réseau d’ordinateurs début du déchiffrement des gènes dans l’ADN 1er vol de l’avion supersonique Concorde 1er homme sur la Lune Début du séquençage des gènes Lancement des magnétoscopes Lancement du satellite METEOSAT 1re naissance d’un bébé éprouvette : les F.I.V .I.V.. 1er micro-ordinateurs APPLE 1er vol de la fusée ARIANNE Lancement de la 1re navette spatiale COLUMBIA Commercialisation des CD Audio Découverte du prion Découverte du virus du SIDA, le VIH par l’Institut Pasteur Mise au point du CD ROM Développement du réseau INTERNET Clonage de la 1re brebis par une équipe d’Edimbourg
Cette chronologie nous montre 3 grands domaines de découvertes et d’inventions : La biologie et la médecine Le corps humain est devenu « transparent » dans la mesure où on le connaît mieux, de l’infinitésimal (le gène) à l’ensemble : visionnage du fonctionnement des organes par l’échographie, la RMN, résonance magnétique nucléaire. Ces découvertes ont révolutionné la médecine, permettant un meilleur encadrement sanitaire, un recul de la mortalité et de nouvelles pistes thérapeutiques (génique…). Elles ont leur revers à savoir le coup de plus en plus exorbitant de ces machines et appareils médicaux et la nécessaire spécialisation et qualification accrue des personnels de santé qui en restreignent l’accessibilité. Ces découvertes débouchent sur de redoutables problèmes éthiques : – le corps humain peut-il être l’objet de transaction ? (dons d’organes, de cellules, « mères porteuses »), – les découvertes doivent-elles toutes être brevetées comme par e xemple les gènes ? – a-t-on le droit de modifier la reproduction humaine ? (FIV, clonage…) ̈
L’électronique La « révolution électronique » est à l’origine de l’avènement de l’informatique ; elle a permis la réalisation de notre civilisation de l’information et de la communication (transistor, calculateur intégré, ordinateur, satellite, Internet…) ainsi que la culture de masse (inventions du CD audio, magnétoscope, puis DVD…). ̈
88
Séquence 2-HG00
Son impact sur notre vie quotidienne est considérable : télécommunication télécommunication,, cartes à puce… avec un revers : pratiquement toutes nos actions et propos sont archivables, localisables et consultables par un regard extérieur… Autre manière d’être transparent. L’aérospatiale La conquête des airs et de l’espace contribue à abolir les distances et à unifier la planète ; celle-ci est impulsée par la 2 nde guerre mondiale (fusées V1 et V2) et la guerre froide. La conquête de l’espace devient le théâtre des rivalités Est-Ouest, l’URSS envoyant un premier satellite artificiel SPOUTNIK en 1957, le 1 er homme dans l’espace : GAGARINE en 1961 ; les USA, pris de court, envoient une équipe sur la lune en 1969… L’aérospatiale est cependant plus qu’un gadget pour superpuissance tant les retombées sur la vie quotidienne sont majeures : (télé) communications par satellites satellites,, prévisions météorologiques désormais possibles… Les satellites nous donnent une image globale de la Terre ; leur utilisation a contribué à forger une opinion publique mondiale consciente de problèmes à échelle planétaire : déforestation, trou dans la couche d’ozone, pollution… ̈
D
« Le retour du religieux » Cette expression est couramment utilisée depuis 25 ans pour dire le poids important des doctrines et pratiques religieuses dans notre société contemporaine ; elle est particulièrement ambiguë car elle suppose une relative disparition du religieux. Il est exact que la 2nde moitié du XXe amplifie dans l’Occident européen une tendance déjà esquissée depuis le XIX e à la sécularisation et à une moindre pratique religieuse religieuse.. On estime qu’à peine 10 % des catholiques sont pratiquants (c’est-à-dire vont à la messe au moins une fois par mois) aujourd’hui en France ; de 30 à 40 % des populations européennes du Nord-Ouest seraient athées ou agnostiques. De là à affirmer un irrémédiable déclin du christianisme européen depuis les années 1960, il n’y a qu’un pas qui a largement été franchi. Or cette vision est trop simpliste et caricaturale caricaturale.. D’abord, supposer la fin du religieux implique une vision européocentriste – aux États-Unis dans les pays du Sud, l’appartenance religieuse re ligieuse n’a jamais cessé d’être massive massiv e – et même une vision d’européen occidental (c’est faire fi de l’Europe orientale, pensons pensons à la Polog Pologne ne !), de plus c’est réduire ce phénomène à des rites (assistance à la messe, au temple, à la synagogue ou à la mosquée), on conviendra que c’est pour le moins réducteur. Difficilement contestable, la perte d’influence des religions anciennement « établies » : catholicisme, protestantisme… la pratique baisse, les ordinations de prêtres ou de pasteurs se raréfient… Le cas du catholicisme est intéressant par son essai d’adaptation au monde moderne et à la fois par son refus d’ouverture.
Entre 1962 et 1965 eut lieu le concile de Vatican Vatican II, l’aggiornamento l’aggiornam ento ou mise à jour du catholicisme catholic isme : les rites en latin sont abandonnées au profit des langues vernaculaires, la liberté de conscience est reconnue, l’œcuménisme favorisé… Si l’audience et l’image en Europe occidentale occidenta le du catholicisme n’évoluent guère, il n’empêche que la révolution est considérable. L’élection L’élection de Jean Paul II, le polonais Karol Wojtyla à la papauté en 1978 est un tournant qui marque le retour du catholicisme dans la scène politique et médiatique : par leur résistance corrosive, Jean Paul II et l’Eglise catholique ont été l’instrument majeur de libération de l’Europe orientale, surtout de la Pologne Pologne,, du communisme soviétique, en même temps Jean Paul II incarne la crispation sur une morale sexuelle intransigeante et intolérante (condamnation de la contraception, contr aception, de l’IVG, de l’homosexualité…), la conciliation réussie entre évangélisation et médiatisation (le pape devient une star…). Son successeur, Benoit XVI est plus contesté. Face à la perte d’influence des anciennes religions, les sectes, la plupart d’origine américaines, et de nouvelles religions se sont répandues depuis environ 35 ans : Témoins de Jéhovah, Mormons, Scientologues, Hare Krishna… un attrait plus grand se manifeste pour les religions et sagesses orientales : hindouisme dans les années 60-70, bouddhisme aujourd’hui. Toutefois, leur audience cumulée reste assez confidentielle confidentielle.. L’expression « retour du religieux » prend son sens avec la « reconquête laborieuse des âmes » par l’Eglise orthodoxe en Russie, anciennement soviétique et farouchement athée, et par l’intérêt croissant des opinions publiques pour les phénomènes religieux ; les sociétés des PDEM devenues
Séquence 2-HG00
89
multiconfessionnelles sont confrontées à la difficile cohabitation des communautés avec leurs bouffées régulières d’intolérance, de racisme, d’intégrisme. Le développement spectaculaire de l’islamisme en Iran, Afghanistan, Arabie, Algérie suscite attention, interrogations et inquiétudes. Reste qu’aujourd’h qu’aujourd’hui ui le sentiment d’appartenance religieuse est beaucoup plus associé à des valeurs plutôt qu’à des rites ou a des croyances, en Europe occidentale du moins. À l’inverse des sciences et techniques techniques,, de la culture de masse, les religions restent donc toujours un profond élément de différenciation, une fracture au sein de la population mondiale ; sur ce point, le « village planétaire » demeure encore empli de bruits et de fureur fureur..
90
Séquence 2-HG00