Revue Construction Métallique
RECONSTRUCTION DE LA PASSERELLE DU MOULIN À CHELLES GOURNAY – CHAMPS SUR MARNE – FRANCE par A. Garcia Garcia-Diego, F. Petruscu, M. Perrier
Photo 2 – Vue depuis la berge de Gournay
Photo 3 – L’ancienne passerelle A. GARCIA GARCIA-DIEGO – Ingénieur, ARCORA F. PETRUSCU – Ingénieur, ARCORA M. PERRIER – Directeur de département, Ets J. RICHARD-DUCROS CENTRE TECHNIQUE DE LA CONSTRUCTION
INDUSTRIEL MÉTALLIQUE
Domaine de Saint-Paul, 78471 Saint-Rémy-lès-Chevreuse Cedex Tél.: 01-30-85-25-00 - Télécopieur 01-30-52-75-38
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DESCRIPTION D’OUVRAGE
1. – INTRODUCTION Lieu privilégié de promenade pour les habitants des communes riveraines, les bords de Marne sont l’objet d’aménagements paysagés dans le cadre de la mise en valeur des espaces naturels.
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Fig. 1 – Plan de situation
Au droit des vestiges des arches d’un ancien moulin, une passerelle piéton avait été installée en 1937. À la suite des crues de novembre 1998, cette passerelle a été percutée par une péniche ayant rompu ses amarres et a dû être condamnée. Suite d’un appel d’offre, le projet proposé par le groupement Atelier Jacques Coulon – paysagiste, Coup d’éclat – concepteur lumière, et Arcora – bureau d’étude, a été retenu.
1,1. – Silhouette La principale difficulté à surmonter venait de l’obligation de réemploi des deux piles en rivière et d’un aménagement minimal des culées permettant également de réaliser une mise en valeur des arches du vieux moulin. La mise en œuvre d’une structure à hauteur variable permet d’obtenir le maximum de transparence transversale, d’autant plus qu’un chemin de promenade est aménagé sous l’ouvrage au droit de chaque culée. Transversalement, l’inclinaison des garde-corps vers l’extérieur de l’ouvrage permet d’augmenter virtuellement le gabarit de passage.
1,2. – Équipements Les garde-corps originaux sont constitués d’une large tablette en doussié (bois originaire d’Afrique de teinte brun doré) et d’un remplissage par caillebotis thermolaqué.
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Le tablier, devant supporter un cheminement piéton et une piste cyclable, est constitué de deux platelages en lames d’Ipé séparés par une dalle en béton coulée sur bacs acier galvanisé formant coffrage perdu et revêtue d’une résine de couleur verte. La mise en lumière est réalisée par un éclairage linéaire indirect se reflétant en sousface des garde-corps pour éclairer le plancher (tubes de 140 mm de diamètre suspendus sous la tablette, en éléments de longueur pouvant atteindre 19 m). Une signalisation complémentaire, constituée de plots autonomes extra-plats à deux diodes, est encastrée dans la dalle en béton centrale. Six fourreaux en acier galvanisé, permettant le passage de divers réseaux, sont suspendus sous l’ouvrage.
1,3. – Couleurs Le choix des couleurs s’est porté sur un vert pale pour la structure et un brun olive pour les éléments de remplissage, permettant ainsi une intégration parfaite dans le site.
1,4. – Caractéristiques principales La nouvelle passerelle du moulin est un ouvrage de 108 m de longueur, portant sur deux piles en rivière. Elle comprend 3 travées de 34 m, 40 m puis 34 m de longueur. D’une largeur utile de 3,5 m, la passerelle présente un platelage en bois pour la circulation des piétons et une zone centrale en béton revêtu de résine pour la circulation des cycles et handicapés. Sa masse est de l’ordre de 200 tonnes. Le dimensionnement de la structure a été effectué sous les conditions de charges statiques permanentes et d’exploitation pour le type d’utilisation de la passerelle (piétons – cycles). Par ailleurs, en tenant compte des préconisations de l’Eurocode 1, une vérification du confort des usagers a été menée sur la base d’une réflexion décrite ci-dessous dans l’étude dynamique.
2. – CARACTÉRISTIQUES STRUCTURELLES
Le tablier Le tablier est composé de quatre profilés reconstitués soudés à inertie variable et de deux profilés de rive à inertie constante. Les hauteurs des profilés varient de 1 200 mm sur pile pour les éléments centraux, 800 mm pour les éléments intermédiaires, à 500 mm aux extrémités sur culées. Les profils de rive sont des laminés de 270 mm de hauteur constante.
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PASSERELLE ELEVATION
PASSERELLE STRUCTURE PLAN
PLATELAGE PLAN
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Fig. 2 – Dispositions principales – Caractéristiques structurelles
Transversalement, ces poutres sont reliées par des traverses réalisées en poutrelles laminées de 200 mm de hauteur, l’ensemble étant contreventé à l’aide de cornières. Des appareils d’appuis en élastomère fretté constituent les appuis sur piles.
Fig. 3 – Coupe transversale sur piles
Le revêtement Revêtement central Il est réalisé par des bacs métalliques de 1,20 m par 5 m et de 12 cm de hauteur, utilisés en coffrage perdu, dans lesquels est coulée une dalle en béton, armé d’un treillis soudé, et revêtue d’une résine polyuréthane saupoudrée de corindon.
Fig. 4 – Coupe longitudinale sur partie roulante
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Revêtements latéraux Ils sont réalisés à l’aide d’un platelage en lames de bois mis en place sur des lambourdes, elles-mêmes fixées par vis sur les semelles des poutres métalliques. Les lames sont de 200 mm de largeur et de hauteur variable (35 ou 38 mm) de façon à réaliser un effet de crantage assurant un effet anti-glissement sur la passerelle.
5 Fig. 5 – Coupe longitudinale sur platelage bois
3. – ÉTUDE DYNAMIQUE Le cahier des charges À l’époque de l’élaboration du cahier des charges, les données normatives étaient quasiment inexistantes. De ce fait, le seul normatif auquel on peut se référer pour déterminer les critères de confort des utilisateurs est la norme ISO 2631-1 : «Vibrations et chocs mécaniques. Évaluation de l’exposition des individus à des vibrations globales du corps». Cette norme n’est pas spécifique aux passerelles. Elle s’applique surtout aux moyens de transport et aux bâtiments soumis à des vibrations issues des outillages mécaniques. En tenant compte de cette norme, il a été décidé de limiter la réponse en accélération de la passerelle à 0,5 m/s2, ce qui conduirait à une sensation de léger inconfort. Cette valeur de 0,5 m/s2 est définie comme une valeur efficace de l’accélération pondérée, c’est à dire une accélération moyenne sur un certain intervalle de temps et non une accélération de pointe. La valeur efficace pondérée de l’accélération est donnée par l’expression suivante : aw =
n
Σ 1 T
0
a2w (t) ∆t
1 2
(1)
où aw est l’accélération pondérée en fréquence instantanée et T est la durée mesurée en secondes [8]. Il ne s’agit donc pas de limiter la réponse de la passerelle à 0,5 m/s2 mais de pondérer la réponse de la passerelle selon la norme ISO 2631-1. Les problèmes de vibrations des passerelles piétonnières sont considérés comme un état limite de service (ELS) par les règlements normatifs [9]. Cette considération est principalement à l’origine du choix des cas de charges à considérer. Il est nécessaire d’établir d’emblée l’usage de la passerelle pour exclure certains cas de charges, sans jamais perdre de vue le confort des usagers. Les actions susceptibles de déclencher des vibrations sont des sollicitations temporelles périodiques. Dans le domaine d’utilisation des passerelles, on trouve notamment les sollicitations provoquées par les piétons dans leur déplacement. Ces sollicitations ont d’autant plus d’importance que leurs caractéristiques oscillatoires sont proches des fréquences propres des passerelles, ce qui peut provoquer des phénomènes d’oscillations dans la structure.
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Les effets de la marche sont très variables selon les individus, leur poids, leur vitesse de déplacement. Des études scientifiques (Bachmann, Rainer, etc.) ont été menées pour modéliser la charge d’un piéton qui se déplace ([1] [2] [3] [6]). Selon le type de déplacement, les différents cas de charges dynamiques envisagés sont les suivants : Passage d’un seul piéton et de N piétons (un piéton par m2) ; Course normale de un coureur et de plusieurs coureurs ; Course rapide de un champion et de trois champions (un par m de largeur de passerelle).
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Dans l’étude qui suit, il a semblé plus judicieux d’examiner les cas suivants qui sont plus appropriés aux caractéristiques dynamiques de cette passerelle : Cas 1 : Un piéton qui marche ; Cas 2 : Un péton qui court ; Cas 3 : Un petit groupe de personnes qui marche en cadence ; Cas 4 : Passage d’une foule. La méthode généralement utilisée pour modéliser ces charges tient compte du fait que toute fonction périodique peut se représenter comme une série de Fourier 1. Les études scientifiques ont permis d’établir les valeurs des coefficients de Fourier calculés à partir de mesures faites par des essais. Toutes les sollicitations se présentent sous la forme de : – une composante constante de charge statique qui correspond au poids statique du piéton, – une partie variable dans le temps qui caractérise le type de déplacement, en amplitude et en fréquence. Analyse dynamique L’analyse dynamique débute avec une analyse modale. Il faut calculer les modes propres et les fréquences propres de la structure à travers l’équation : (K – ω2M) . φ = 0
(2)
où K est la matrice de rigidité de la structure et M est la matrice de masse de la structure. Pour ce calcul, le logiciel Robot Millenium v 15.0 a été utilisé. Pour cette passerelle, seuls les dix premiers modes propres, donnés sur le tableau 1 ci-contre, ont été retenus ; les modes suivants ont une fréquence propre supérieure aux fréquences de la marche et de la course ( 4 Hz).
1
Une fonction x (t) périodique de période T peut s’exprimer comme une série de Fourier : x (t) =
a0 2
avec ω =
2π T
; a0 =
2 T
T
0
x (t)dt ; an =
2 T
+
Σ (an cos nωt + bn sin nωt )
n=1
T
0
x (t) cos (nωt) dt ; bn =
2 T
T
x (t) sin (nωt)dt.
0
Les fonctions an cos (nωt) et bn sin (nωt) s’appellent harmoniques de degré n de la fonction périodique x (t) étant leurs périodes T/n. Les coefficients an et bn s’appellent coefficients de Fourier [5].
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TABLEAU 1 Modes propres de la passerelle du moulin Mode Fréquenc e Mas. cour. 2 Mas. cour. Mas. cour. Coef par t 3 Coef par t Coef par t (H z) UX (%) UY (%) UZ (%) UX UY UZ 1 1.23 0.01 0 3.41 -4.35 0.15 107. 48 2 1.43 0 0.12 0 2.19 -20.06 -0.02 3 1.47 0 0 0 -2.1 -0.07 0.01 4 1.61 0.05 0 0 -12.75 -0.45 0.12 5 1.73 0 1.92 0 0.06 -80.74 -0.32 6 2.21 0.03 0 65.1 9.58 - 2.04 -469.8 7 2.58 0.21 6.01 0 -26.44 142. 76 -1.6 8 3 9.27 10.1 9 0 -177.3 1 -185.8 7 -3.41 9 3.13 1.55 53.1 6 0 72.5 9 424. 63 0.17 10 4.11 0.36 0.02 0 34.7 5 -8.44 0.56
Fig. 6 – Positionnement de la charge du piéton
Fig. 7 – Nœuds de déplacement maximal
2 Les masses participantes sont des masses dynamiques participant dans le mouvement de la structure pour chaque déformée modale et pour chaque degré de liberté. Elles sont exprimées comme masses courantes pour le mode propre actuel. Les valeurs sont affichées en pourcentage des masses dynamiques totales (celles-ci sont aussi calculées par le logiciel). 3 Les facteurs de participation sont définis de la façon suivante : γ = V TMD où : i i D - vecteur unitaire défini de la façon suivante : D (j) = 1,0 si « j » correspond au i-ème degré de liberté D (j) = 0,0 si j ≠ i, Vi - vecteur du mode propre « i » normalisé de sorte que V Ti MVi = 1,0.
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L’étape suivante de l’étude dynamique consiste en une analyse temporelle du comportement de la passerelle sous les charges modélisées auparavant (piétons). Cette étude permet de connaître la réponse de la passerelle en termes de déplacements et d’accélérations sous ces charges. Lors de cette analyse, il a été intéressant d’étudier la différence entre la réponse de la passerelle soumise à des forces de la même amplitude, mais de fréquences distinctes correspondant à des modes propres différents. On met ainsi en évidence l’influence d’une excitation appliquée à la fréquence fondamentale (mode 1) et d’une excitation appliquée à la fréquence d’un mode d’ordre supérieur (mode 6), sur la réponse dynamique de la passerelle.
8
Nous avons appliqué deux forces de 37 daN (= 80 × 0,46)4 d’amplitude et de 1,23 Hz de fréquence (mode 1) et de 2.21 Hz (mode 6). Les forces s’appliquent au nœud de déplacement maximal sous charges permanentes. TABLEAU 2 Valeurs extrêmes de l’accélération et du déplacement pour une sollicitation à 1.23 Hz AX(mm/s2) MAX
AY(mm/s2)
AZ(mm/s2)
UY (mm)
UZ (mm)
0.576
1.8588
39.3846
0.0259
0.5675
Nœud
51
1507
1507
1508
1507
Intervalle
22
20
20
18
22
-0.6102
-1.687
-36.3352
-0.0264
-0.5826
1013
1507
1507
1508
1507
30
18
22
20
20
MIN Nœud Intervalle
TABLEAU 3 Valeurs extrêmes de l’accélération et du déplacement pour une sollicitation à 2,21 Hz AX(mm/s2)
AY(mm/s2)
AZ(mm/s2)
UY (mm)
UZ (mm)
MAX
0.8652
1.4576
31.8364
0.0074
0.1851
Nœud
20
507
507
508
507
Intervalle
26
26
80
8
30
0.9428
-1.398
-32.0042
-0.008
-0.1905
Nœud
19
507
507
508
507
Intervalle
24
8
30
26
80
MIN
Les résultats obtenus montrent que l’amplitude du déplacement vertical (UZ) est plus grande pour le mode fondamental (mode 1) que pour le mode 6, ce qui justifie la théorie qui considère le mode fondamental comme prépondérant dans la réponse. De plus, les nœuds qui ont un déplacement vertical maximal se trouvent sur le même axe transversal que la charge appliquée mais aux extrémités opposées, ce qui signifie que la réponse contient des modes supérieurs de torsion.
4
80 daN correspond au poids statique d’un piéton et 0,46 est le premier coefficient de Fourier pour une marche de fréquence 2,21 Hz.
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Les graphiques qui suivent présentent les modes propres de vibration :
Fig. 8 – Mode 1 à 1,23 Hz
Fig. 9 – Mode 2 à1,43 Hz
Fig. 10 – Mode 3 à 1,47 Hz
Fig. 11 – Mode 4 à 1,61 Hz
Fig. 12 – Mode 5 à 1,73 Hz
Fig. 13 – Mode 6 à 2,21 Hz
Fig. 14 – Mode 7 à 2,58 Hz
En considérant la déformée des modes propres à l’endroit où se situe la charge du piéton, on observe que les modes 1, 2, 3, 4 et 6 sont impliqués dans le mouvement, modes parmi lesquels se trouvent effectivement plusieurs modes de torsion. Les valeurs des accélérations ne sont pas très différentes du fait que l’accélération est déduite du déplacement en multipliant celui-là par le carré de la pulsation. De sorte qu’un mode propre à fréquence élevée peut engendrer des accélérations importantes, tandis qu’un mode propre de fréquence plus faible peut générer des déplacements plus importants et des accélérations moindres. On attire l’attention sur le fait que les déplacements sont ressentis différemment selon les piétons et ils peuvent être gênants lorsqu’il s’agit d’un déplacement horizontal même s’il est faible.
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Cas du piéton qui marche – Cas 1 Il n’est pas possible de modéliser simplement le mouvement de la marche d’un piéton sur une passerelle. En conséquence, on détermine un point d’action de la sollicitation due au piéton sur la passerelle et en ce point, on applique une charge oscillatoire pendant la durée supposée du passage du piéton sur la passerelle. Le cas le plus défavorable est celui où l’action du piéton est localisée au point de déplacement maximal sous charges permanentes (barre 2042). Un piéton de 80 Kg est positionné sur la barre 2042 (cas de charge 14).
10
Fig. 15 – Déformée sous poids propre et emplacement du piéton
Il faut ensuite choisir la fréquence de la charge à appliquer. La passerelle a une fréquence propre de 2,21 Hz pour le mode 6 qui est un mode de flexion vertical. La fréquence de la marche normale est en général de 2 Hz. La probabilité d’une marche de 2,21 Hz est considérable. Il s’agirait donc d’une marche rapide ou d’une course lente, mais pour cette dernière, il faudrait envisager une modélisation tenant compte d’un contact discontinu avec le sol, ce qui n’est pas fait dans cette étude. La passerelle est donc soumise à la sollicitation d’un piéton de 80 Kg marchant à une fréquence de 2,21 Hz sur l’emplacement précédemment précisé (barre 2042). La vitesse est de 1,8 m/s et la longueur du pas est de 0,85 m. Le piéton prendra alors 60 secondes pour traverser 108 m. La période de l’excitation est de 0,45 secondes. L’analyse temporelle sur Robot a une particularité qui peut avoir une grande incidence sur les résultats. En effet, il n’est pas possible de spécifier une fréquence sauf à utiliser une fonction sinusoïdale sur laquelle Robot fait des mesures selon un pas d’enregistrement donné. Il est important de prendre un pas d’enregistrement adéquat pour que la modélisation de la sollicitation corresponde à une sinusoïde. Selon le théorème de l’échantillonnage [7], la fréquence d’échantillonnage (fréquence de Nyquist) doit être au moins double de celle du signal, autrement dit la période doit être au moins de moitié. Si la période est de 0,45 secondes pour une fréquence de 2,21 Hz, le pas d’enregistrement choisi sera de 0,113 secondes pendant une minute, ce qui représente un quart de la période.
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Le premier coefficient de Fourier est alors de 0.46. L’amortissement considéré est de 0,32 % de l’amortissement critique. Comme indiqué précédemment, l’effet des vibrations sur l’usager est évaluée au travers des valeurs de l’accélération et notamment à l’endroit où elle est maximale c’est-à-dire au nœud 507. La différence entre les composantes horizontales et verticales de l’accélération (Ax , Ay et Az ) est de plus du 25 %. Selon la norme ISO 2631-1, il est alors possible de négliger l’influence de l’accélération horizontale. En conséquence, pour le calcul de la valeur efficace de l’accélération pondérée, nous prenons uniquement le coefficient Wk 5 pour la direction verticale [8]. Ce coefficient permet de transformer l’accélération réponse de la passerelle en accélération ressentie par le piéton (accélération pondérée), c’est-à-dire celle qui nous intéresse pour analyser le confort de l’usager. Le coefficient correspondant à la fréquence de 2,21 Hz (fréquence d’excitation étudiée) est Wk = 0,573 calculé par interpolation linéaire à partir de : F ( Hz ) 2 2.5 Wk 0.531 0.631
En appliquant la formule (1), on trouve une accélération pondérée en fréquence de 0,011 m/s2 pour la direction verticale, ce qui est largement inférieur à la valeur de 0,5 m/s2 préconisée comme limite de confort.
Cas du piéton qui court – Cas 2 La course doit être modélisée différemment de la marche du fait qu’elle entraîne un contact discontinu du coureur avec le sol. En général, la course correspond à une sollicitation d’environ 3 Hz. Mais pour le cas de la passerelle du moulin, il a été choisi une fréquence de 3,13 Hz, en tenant compte de la présence d’un mode propre horizontal de cette fréquence. La course de fréquence 3,13 Hz implique une vitesse de 5,2 m/s. Le temps d’application de la sollicitation sera alors de 21 secondes, en tenant compte de la longueur de la passerelle de 108 m. Le pas d’enregistrement choisi est 0,08 secondes, c’est-à-dire un quart de la période. Les composantes horizontales de l’accélération sont toujours négligeables par rapport à la composante verticale, même si la fréquence que nous avons choisie pour la sollicitation correspond à un mode propre horizontal. Le coefficient préconisé par l’ISO 2631-1 pour la fréquence de 3,13 Hz est Wk = 0,8. L’accélération de confort pour la charge modélisée par la première harmonique est de 0,02399 m/s2 et l’accélération pour la modélisation par les deux premiers harmoniques est de 0,0245 m/s2, largement inférieure à 0,5 m/s2. L’erreur est de 2 %.
5 Pondération fréquentielle pour l’ième bande d’un tiers d’octave (valeurs issues de l’ISO 263) pour les vibrations verticales.
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En conclusion, la réponse de la passerelle à la course d’un piéton ne pose pas de problèmes de confort.
Passage d’un petit groupe de personnes – Cas 3
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Nous avons considéré un groupe de quatre personnes qui marchent en cadence, parce que ce cas semble très probable compte tenu de la largeur de la passerelle (3,5 m). Les personnes sont situées sur une ligne perpendiculaire à l’axe longitudinal de la passerelle au point de flèche maximale sous charges permanentes. La charge correspond à une marche de fréquence 2,21 Hz, de sorte que nous avons gardé la même modélisation de la charge que pour le cas de la marche d’un piéton. En suivant une procédure analogue aux cas précédents, nous avons trouvé une valeur de l’accélération pour le confort des usagers de 0,044 m/s2, ce qui est toujours largement au-dessous de la valeur limite préconisée de 0,5 m/s2.
Cas du passage d’une foule – Cas 4 La modélisation de la charge de la foule n’est pas possible car chaque individu dans la foule, même s’il peut considérer une forme de synchronisation, agit individuellement et différemment de son voisin. Les différents degrés de synchronisation de la foule sont très difficiles à appréhender. En référence notamment aux travaux de Fujino [4], on considère qu’environ 20% des individus dans une foule sont synchronisés spontanément. Le calcul proposé est développé ci-après. Sur la base d’une densité de 1,5 personnes/m2 et en considérant que le cas le plus défavorable celui de la travée de rive complètement chargée par la foule : n = nombre de personnes Accélération provoquée par un seul piéton : 0,011 m/s2 amax,n = 0,2 n amax = 0,2 × 179 × 0,011 = 0,34 m/s2 Ce qui est toujours au-dessous de la limite de confort.
Conclusion On peut considérer que les calculs ont été réalisés pour le ou les cas les plus défavorables : – excitation directe d’un mode propre de la passerelle, – excitation au point de flèche maximale sous charges permanentes, – durée de l’excitation correspondant à la traversée totale de la passerelle par le piéton, – mesure de la réponse de la passerelle au point d’accélération maximale. Malgré cela, les accélérations efficaces pondérées obtenues sont largement inférieures à l’accélération maximale de confort issue de la norme ISO 2631-1, à savoir 0,5 m/s2.
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4. – RÉALISATION
La méthodologie de réalisation de la passerelle a été établie en fonction des contraintes suivantes : ●
●
●
●
Impossibilité d’acheminement par la rivière, qui n’est pas accessible aux péniches dans la zone d’implantation de la passerelle ; Minimiser la gêne aux riverains du bord de Marne en laissant le libre accès aux commerces ; Assurer le maximum de travaux en atelier afin de diminuer la durée d’intervention sur site ; Acheminer les plus gros tronçons possibles sur le chantier, compatibles avec la capacité maximale de la grue pouvant accéder dans l’emprise du chantier.
La prise en compte de ces contraintes a conduit l’entreprise J. Richard-Ducros à effectuer un tronçonnement de l’ouvrage en 2 × 5 éléments selon le schéma de la figure 16.
Fig. 16 – Joint de montage
La fabrication Les dix tronçons de la passerelle ont été réalisés dans l’unité de fabrication vosgienne de l’entreprise J. Richard-Ducros (fig. 17 et photo 6). Chaque tronçon a été fabriqué en prenant en compte une contre-flèche calculée en considérant les différentes phases de montage sur site. Une présentation à blanc, deux tronçons par deux tronçons, a permis de garantir un bon ré-assemblage sur site. Chaque élément a été équipé de ses garde-corps et de ses fourreaux prévus pour le passage des réseaux sous l’ouvrage. La protection anticorrosion, réalisée en atelier, est constituée de deux systèmes différents :
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PHASAGE DE MISE EN PLACE DES TRONCONS ,
Culée GOURNAY
Culée CHELLES
PILE
PILE
1
2 PILE
PILE
14
PILE
PILE
3
PILE
PILE
4
Fig. 17 – Scénario de mise en œuvre
Photo 4 – Tronçon de passerelle en attente d’être mis en œuvre.
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15 Photo 5 – Fabrication du tablier dans l’atelier
Photo 6 – Fabrication du tablier dans l’atelier
– Sur les éléments structuraux, mise en œuvre du système certifié ACQPA N° C3ZNV588 comprenant une métallisation au zinc de 120 microns suivie d’un système à deux couches, l’ensemble représentant une épaisseur de 240 microns. – Sur les éléments secondaires, (garde-corps, fourreaux, etc. …) mise en œuvre d’une galvanisation suivie de l’application du système certifié ACQPA N° C4GNV805 comprenant deux couches pour une épaisseur de 100 microns. Le montage sur site La plus grosse grue pouvant accéder sur le chantier, des deux cotés de la Marne, était une grue de 450 tonnes de capacité. Cet engin a permis, d’une part de déposer l’ancienne passerelle rustique rendue inutilisable suite à un choc lors d’une crue, et d’autre part d’assurer la mise en place des différents tronçons du nouvel ouvrage (photo 9). Le phasage du montage a été le suivant :
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Photo 7 – Levage d’un demi-tablier
Photo 8 – Pose du tablier
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– Mise en place d’une palée provisoire entre la culée rive droite et la première pile ; – Pose des quatre premiers tronçons avec la grue implantée en rive droite ; – Transfert de la grue en rive gauche ; – Pose de quatre tronçons, préalablement ré-assemblés par soudure deux par deux, depuis la rive gauche ; – Pose des deux tronçons constituant la clé de voûte de l’ouvrage ; – Réalisation des soudures entre les différents tronçons. Vint ensuite la pose des bacs remplis de béton constituant la piste cyclable dans l’axe de
Photo 9 – Mise en œuvre de la travée centrale
Photo 10 – L’ancienne passerelle au fond en cours de démontage et la nouvelle passerelle devant en cours de montage
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Photo 11 – Demi-tablier mis en place
Photo 12 – Réglage des appuis
l’ouvrage, puis du platelage bois de part et d’autre de cette bande centrale. Le platelage bois est constitué de lames d’Ipé de 200 mm de largeur, écartées de 15 mm et d’épaisseur alternée, 35 et 38 mm, de manière à assurer un effet anti-dérapant Ces lames sont vissées sur des lambourdes également en Ipé, elles-mêmes fixées directement sur les poutres métalliques porteuses.
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Photo 13 – Mise en œuvre du platelage en Ipé
La partie supérieure des garde-corps est équipée d’une tablette en bois, constituée de quatre lames de Doussié de 145 mm de largeur, 34 mm d’épaisseur et 3 m de longueur, posées en joints croisés, et sur laquelle est fixée une main courante métallique.
Photo 14 – Garde-corps en cours de montage
Planning des travaux L’ensemble de l’opération a été réalisée en 10 mois. La reconstitution sur chantier a nécessité 4 mois de travail.
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5. – CONCLUSION
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L’analyse dynamique menée pour la passerelle du moulin permet d’affirmer qu’elle ne présentera aucun problème d’inconfort des usagers. Cependant, on peut rappeler à cette occasion que toute passerelle piétons / cycles en structure acier ou bois, du fait de ses caractéristiques de portée de franchissement d’une part, et du fait que les charges permanentes et d’exploitation sont relativement faibles d’autre part, va présenter des fréquences propres plus ou moins proches des fréquences de la marche (de 1 à 4 Hz). Les études dynamiques peuvent prémunir contre un état d’inconfort mais ne peuvent pas éliminer complètement toutes les micro-vibrations résiduelles, ces dernières ne présentant aucune gène particulière pour les usagers.
6. – DONNÉES CHIFFRÉES
Quantités Acier S355 :
140 tonnes
Équipements : 20 tonnes Béton :
40 tonnes
Bois :
12 tonnes
Coût des travaux Démolition :
107 000 euros
Passerelle :
930 000 euros
Électricité :
100 000 euros
7. – LES INTERVENANTS
Maître d’ouvrage :
Syndicat intercommunal de la passerelle du moulin
Maître d’œuvre :
Atelier Jacques Coulon, paysagiste mandataire Coup d’Éclat, Yves Adrien concepteur lumière Arcora, bureau d’étude structure
Entreprises :
Démolition Prigent Passerelle J. Richard-Ducros Électricité Lingard
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Photo 15 – La passerelle la nuit
8. – BIBLIOGRAPHIE
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