Les essais de perméabilité sur site dans la reconnaissance des sols
Maurice CASSAN
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Nouvelle édition
Du même auteur: Les essais in situ en mécanique des sols, Eyrolles, 1978 (2 tomes) Tome I: « Réalisation et interprétation » (épuisé) Tome II: « Applications et méthodes de calcul » (épuisé) Les essais d’eau dans la reconnaissance des sols, Eyrolles, 1980 (épuisé) Aide-mémoire d’hydraulique souterraine, Presses des Ponts et Chaussées, 1993 (2e éd.)
Il est interdit de reproduire intégralement ou partiellement le présent ouvrage, sans autorisation du Centre français d’exploitation du droit de copie (CFC, 20 rue des Grands-Augustins, 75006 Paris, Tél. : 01 44 07 47 70 / Fax : 01 46 34 67 19).
© 2005
ISBN 2-85978-396-2
28, rue des Saints-Pères 75007 Paris Imprimé en France
« Ce qu’un théoricien ne doit jamais oublier, c’est que, même eût-il mille fois raison, les faits lui réservent mille occasions d’avoir tort. » JEAN ROSTAND (Pensées d’un biologiste)
Présentation de la nouvelle édition
On pourrait admettre que cet ouvrage constitue la deuxième édition de celui publié en 1980 sous le titre Les essais d’eau dans la reconnaissance des sols. Certes, le plan initial y est respecté, mais il est évident que, depuis vingt-cinq ans, les techniques de réalisation des essais ont été perfectionnées et complétées, que les méthodes théoriques d’interprétation ont été améliorées et étendues, que de nouveaux essais ont vu le jour, que l’expérience de l’auteur s’est enrichie (tout au moins l’espère-t-il!) et que ses réflexions ont évolué. Cette nouvelle édition, très largement complétée, prend en compte tous ces éléments. Deux chapitres supplémentaires ont été ajoutés dont l’un, particulièrement important, concerne la mesure des coefficients de perméabilité des sols fins très peu perméables. Il a été introduit pour tenir compte des dispositions législatives relatives à la protection de l’environnement. Ces dispositions, liées à l’implantation de zones de stockages de déchets industriels ou domestiques, ont en effet nécessité la mise au point de nouveaux appareillages de mesures et de nouvelles méthodes d’interprétation. Par ailleurs, au cours de ces dernières décennies, un grand effort de normalisation a été fait et la plupart des essais étudiés dans cet ouvrage ont fait l’objet de normes homologuées par l’AFNOR, et auxquelles il est fait souvent référence. Mon espérance est que les modifications et compléments substantiels apportés à l’édition initiale contribuent à conférer une plus grande fiabilité aux résultats des essais de perméabilité sur site et, par voie de conséquence, aux solutions apportées aux problèmes posés par la présence d’eau dans les sols. Mais ce travail n’aurait peut-être jamais vu le jour sans le concours inconditionnel que m’ont apporté la direction de la Société Fondasol et, en particulier, François LEFEBVRE d’abord, puis, après son départ, Jean-Michel GABORIAUD, actuel pré-
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sident du directoire, ainsi que, mes collègues et amis, Roger MASSONNET et François BAGUELIN, ni sans la compétence de mesdames Pascale AUDERGON et Jeannine MICHELETTI qui ont assuré respectivement, avec rigueur mais également avec bonne humeur, l’une la réalisation des dessins et figures, l’autre le travail ingrat de frappe et de corrections. Que toutes et tous en soient remerciés et trouvent ici l’expression de ma gratitude et de mon amitié. Avignon, février 2005
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Préface de l’édition de 1980
Ce nouveau livre de Maurice Cassan est le complément logique de ses Essais in situ en mécanique des sols dont il constitue, en quelque sorte, le troisième tome. En effet, une reconnaissance n’est satisfaisante que si elle précise l’hétérogénéité du sol, ses caractéristiques mécaniques et, aussi, le comportement de la nappe aquifère qui le baigne, la fissuration des massifs rocheux ou la perméabilité des différentes couches d’un dépôt alluvionnaire. Seuls les essais d’eau fournissent ces derniers résultats qui permettent d’éviter les circulations d’eau susceptibles d’inonder brutalement une fouille, de détruire un barrage, ou d’amorcer un glissement de terrain. Aussi, ce livre était-il indispensable. Ces essais ne peuvent se faire qu’en mesurant des niveaux, des débits ou encore des vitesses. Il est donc impératif de faire appel à la théorie, ce qui nécessite quelquefois une mathématique sophistiquée dans laquelle l’auteur est très à l’aise, pour en déduire des résultats pratiques. Cette manière d’aborder le problème est essentielle, puisqu’un simple examen des résultats de l’essai montre l’hypothèse à adopter. Mais Maurice Cassan ne se leurre pas. Son expérience lui a appris que, si la théorie était indispensable, la pratique ne lui ressemblait pas souvent. Aussi, avertit-il le lecteur qu’il faut éviter d’appliquer brutalement une théorie, sans s’être assuré qu’on en avait le droit, ne serait-ce qu’à cause de l’hétérogénéité du sol. C’est sans doute aussi pour cela qu’il donne tant de détails sur l’exécution des nombreux essais qu’il décrit. Il ne s’agit pas d’une précaution inutile car il est facile de fausser un essai Lefranc avec un colmatage du forage ou une remontée de sable. Il en est de même avec l’essai Lugeon qui claque les sols peu résistants avant la première mesure. Les mesures paraissent alors vraisemblables alors qu’elles n’ont rien de réel. Une bonne exécution a autant de valeur qu’une théorie exacte. On l’oublie facilement.
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Le grand mérite de Maurice Cassan est d’avoir écrit un ouvrage à jour, qui n’a pas son équivalent. Tous les essais connus y sont exposés avec leur théorie et leur mode d’exécution. Il s’agit là d’une documentation exceptionnelle qui montre les grandes possibilités des essais in situ, et qui, sans doute aussi, sera utile à ceux qui désireront améliorer ces essais, ou en inventer d’autres. Tout ingénieur de génie civil sera passionné par ce livre en découvrant presque à chaque page des méthodes de calcul originales ou des essais ignorés. On ne peut donc être que très reconnaissant envers Maurice Cassan d’avoir mis sa science et son expérience à la portée de tous. Henri CAMBEFORT< Ingénieur civil des Ponts et Chaussées Professeur honoraire à l’École supérieure des travaux publics et à l’École nationale supérieure de géologie et de prospection minière
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Sommaire
Présentation de la nouvelle édition
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Préface de l’édition de 1980
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Introduction
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Chapitre I. Perméabilité des sols
17
Chapitre II. Piézomètres et mesures piézométriques
51
Chapitre III. Essai Lefranc
105
Chapitre IV. Essai Lugeon
181
Chapitre V. Les perméamètres de forage
197
Chapitre VI. Le micromoulinet
225
Chapitre VII. Essais de perméabilité dans les sols non saturés
241
Chapitre VIII. Essai de pompage: réalisation et interprétation en régime permanent
285
Chapitre IX. Essai de pompage: interprétation en régime transitoire
353
Chapitre X. Évaluation des coefficients de perméabilité des sols fins très peu perméables
405
Chapitre XI. Évaluation globale localisée et contrôle des coefficients de perméabilité à l’aide de fouilles expérimentales
483
Chapitre XII. Notions sommaires sur l’utilisation des traceurs dans l’étude des nappes
499
Conclusion
525
Annexe
527
Bibliographie
549
Index
555
Table des matières
561
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Introduction
Les problèmes créés par l’eau dans le génie civil sont quelquefois négligés ou souvent mal posés, quand ils ne sont pas complètement ignorés. Et pourtant ils sont fondamentaux tant en ce qui concerne les conditions d’exécution des chantiers que la stabilité des ouvrages et, quelquefois même, leurs conséquences écologiques. C’est ainsi qu’en 1970 on a constaté que les cultures de la région de Nubaraya au sud-ouest d’Alexandrie, qui s’étendaient sur une zone irriguée par les eaux du Nil grâce à un grand réseau de canaux, commençaient à dépérir. Depuis cette date, le mal n’a fait que s’accentuer, et l’on s’est aperçu que l’eau d’irrigation n’était plus douce, mais salée. Ce phénomène n’a suivi que de très peu la mise en eau du barrage d’Assouan. À la suite de diverses études, une hypothèse qui a été avancée serait, si l’on en croit A. Doroznski1, qu’il existe dans le sous-sol égyptien des gisements de sels que les millions de mètres cubes d’eau, qui s’infiltrent chaque année dans le sol perméable de la retenue du barrage, feraient fondre, ce qui entraînerait la pollution des nappes phréatiques, qui, par ailleurs, ont vu leur niveau remonter dans des proportions considérables, comme celle de la province du Tahin Nord dont la profondeur est passée de 22 mètres en septembre 1969 à 3 mètres seulement en 1972! Toutefois, comme le fait remarquer le professeur Kerisel, cette salinisation de la nappe serait un phénomène général dans les sols irrigués des pays arides à tel point que: « dans les champs en bordure du Tigre et de l’Euphrate, le climat chaud et sec a fait remonter, par capillarité, des sels en surface si bien que les champs irakiens en contiennent tellement qu’ils brillent au soleil »2. Cette salinisation se produisait donc vraisemblablement avant la construction du haut barrage, mais elle se trouvait très fortement atténuée, sinon annihilée, par la décrue du Nil qui réalisait un véritable lessivage du sol en dissolvant les sels et en évacuant les limons eux-mêmes vecteurs de salinisation. Mais, depuis la construction du barrage, cet effet dépolluant du fleuve n’existe plus. De surcroît, l’action fertilisante des limons, relativement médiocre d’ailleurs, a été 1. A. Doroznski, « Le haut barrage du Nil: une dure leçon d’écologie », Sciences et Vie, n° 696, septembre 1975. 2. J. Kerisel, Le Nil: l’espoir et la colère. De la sagesse à la démesure, Presses des Ponts et Chaussées, 1999.
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LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
abusivement remplacée par celle de fertilisants chimiques dont les nitrates, charriés par le Nil à l’aval du barrage, polluent toutes les nappes. Il s’agit là d’un cas exceptionnel et peut-être limite, mais il n’est pas rare de voir des niveaux de nappe se modifier à proximité de grands travaux, comme par exemple dans la plaine d’Alsace, où les épuisements réalisés dans les grandes fouilles des usines hydroélectriques ont, en trois ans, fait baisser la nappe de 4 à 5 mètres à 10 kilomètres de distance. Ces variations de niveaux de nappes et, d’une façon plus générale, les variations de teneur en eau des sols se traduisent toujours par des modifications de leurs caractéristiques mécaniques et de leur comportement, en particulier pour les argiles qui peuvent gonfler sous l’effet d’une augmentation de leur teneur en eau ou, à l’inverse, se rétracter en cas de dessiccation. C’est ce qui explique les graves désordres qui se sont produits dans la chambre funéraire du pharaon Ramsès II (vallée des Rois). Cette chambre était creusée dans un calcaire poreux, mais sa partie inférieure se trouvait au niveau d’un schiste dont la pression de gonflement, en présence d’eau, était très élevée. À chaque orage, rare certes mais violent, l’eau de pluie qui traversait les calcaires poreux imbibait les schistes dans lesquels étaient fondés les poteaux qui supportaient le toit de la chambre. Sous l’effet du gonflement des schistes, en période d’orage, les poteaux étaient donc soumis à des efforts de compression considérables qu’ils transmettaient aux calcaires du toit, et en période sèche, sous l’effet du retrait des schistes, les poteaux étaient soumis à des efforts de traction. Sous ces alternances de compression et de traction le plafond de calcaire fut poinçonné, et les poteaux s’effondrèrent. Ces désordres constituent un véritable cas d’école1. Plus près de nous, on peut citer un exemple tragique de diminution de la résistance au cisaillement des sols due à leur saturation. Il s’agit de la catastrophe du barrage du Vajont situé au pied du mont Toc, en Italie, où, le 9 octobre 1963, les berges de la retenue en glissant dans le lac en cours de remplissage ont donné naissance à une vague déferlante de 5 mètres de hauteur qui a franchi le barrage sans l’endommager et qui a détruit la petite ville de Longarone (4000 habitants) qui se trouvait à l’aval, faisant 1982 morts. Il s’agit, là aussi, d’un cas exceptionnel, mais, dans la pratique courante du génie civil, l’eau pose presque toujours, dans les chantiers de construction, des problèmes qu’il faut pouvoir et savoir résoudre, qu’il s’agisse de l’évaluation des débits de rabattements d’une nappe, de l’influence de ces rabattements sur l’environne1. Curtis et Rutherford, “Expansive Shale Damage, Theban Royal Tombs, Egypt”, Xe Congrès international de mécanique des sols, Stockholm, 1981.
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Introduction
ment, de la stabilité des fonds de fouille, mais aussi de l’action des sous-pressions sur les ouvrages en service et même de l’effet de barrage d’ouvrages enterrés dans une nappe en mouvement. Avant de pouvoir définir les problèmes que l’eau risque de poser, il importe tout d’abord de réaliser une reconnaissance géologique et hydrogéologique qui doit permettre de préciser le niveau des nappes, car il peut en exister plusieurs superposées, et d’apprécier leurs fluctuations, car ce niveau varie, en général, en fonction de la saison et des conditions météorologiques. Dans les terrains peu perméables comme les argiles, il peut se faire que les sondages ne permettent pas de mettre en évidence la présence d’une nappe alors que ces terrains sont effectivement aquifères et peuvent même être soumis à des pressions interstitielles. Ce sera le rôle des piézomètres de nous donner tous les renseignements nécessaires: piézomètres ouverts s’il s’agit de suivre un niveau phréatique, piézomètre à volume constant s’il s’agit de déterminer des pressions interstitielles. Une fois reconnue la présence d’eau dans un terrain, il faudra s’attacher à définir les problèmes qu’elle pose et qui se ramènent pratiquement tous, soit à son élimination (épuisement de fouilles) soit à une réduction de sa charge (drainage). Pour ce faire, il faut connaître, d’une part, les conditions aux limites du phénomène qui sont données par les piézomètres et par le projet, et, d’autre part, les caractéristiques hydrauliques du sol, c’est-à-dire son coefficient de perméabilité, sa transmissivité et son coefficient d’emmagasinement. Les coefficients de perméabilité peuvent être déterminés en laboratoire sur échantillons intacts, mais il ne s’agit alors que de valeurs tout à fait ponctuelles et à l’échelle des dimensions centimétriques des échantillons. Les valeurs obtenues ne sont absolument pas représentatives de l’ensemble du milieu et l’expérience montre qu’elles peuvent être considérablement sous-estimées. C’est pourquoi on s’oriente de plus en plus vers des essais sur site qui peuvent être ponctuels comme les essais Lefranc ou, au contraire, intéresser un domaine plus important comme les essais de pompage. Bien que ponctuels, les essais Lefranc, réalisés à la base d’un forage, intéressent un plus grand volume de sol et sont donc plus représentatifs que les essais de laboratoire d’autant que l’écoulement se fait alors de façon naturelle, mais ils peuvent être trompeurs, car ils sont particulièrement sensibles aux conditions expérimentales (risque de colmatage par exemple). À ces essais, il y a lieu de rattacher, pour les roches, les essais Lugeon qui ne sont pas des essais de perméabilité proprement dits, mais qui permettent d’apprécier la fissuration.
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LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Des renseignements qualitatifs très intéressants sur la perméabilité des différents horizons peuvent également être obtenus en mesurant, dans un forage, les vitesses verticales de l’eau à l’aide d’un appareillage spécial appelé « micromoulinet ». Mais l’essai le plus représentatif reste certainement l’essai de pompage car, d’une part, il donne une valeur moyenne de la perméabilité et de la transmissivité correspondant à un volume très important de sol et, d’autre part, il prend en compte les conditions naturelles d’alimentation de la nappe. C’est l’ensemble des essais permettant d’évaluer les caractéristiques hydrauliques des sols qui constitue la matière de cet ouvrage.
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CHAPITRE PREMIER
Perméabilité des sols
I.1. L’EAU DANS LE SOL L’eau existe dans le sol sous différentes formes: – l’eau de constitution et de cristallisation qui fait partie de la composition chimique des minéraux; – l’eau adsorbée ou hygroscopique, qui forme autour des grains solides une pellicule fortement adhérente douée d’une viscosité très élevée et même d’une certaine rigidité; – l’eau capillaire ou de rétention, que l’on rencontre dans les sols non saturés et qui se maintient au contact des particules solides sous l’action des tensions superficielles qui prennent naissance à l’interface eau-air. Cette eau, malgré la pesanteur, ne peut s’écouler librement; – l’eau libre ou de gravité, qui remplit les pores et les vides et qui peut s’écouler librement. Dans un volume donné de sol saturé, le volume de cette eau libre est la différence entre le volume de l’eau de saturation, égal au volume des vides, et celui de l’eau capillaire. Ce sont essentiellement l’eau libre et l’eau capillaire qui intéressent l’ingénieur de génie civil. Dans une nappe libre au repos, on peut ainsi distinguer, de bas en haut, trois zones (Fig. I.1):
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LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
– la zone de l’eau libre située au-dessous du niveau hydrostatique tel qu’on le mesure dans un piézomètre ouvert; – la frange capillaire qui comprend elle-même, à sa base, une zone de saturation dans laquelle tous les pores du sol sont remplis d’eau maintenue en équilibre par les tensions superficielles (eau capillaire continue) et, au-dessus, une zone de rétention dans laquelle certains pores sont occupés par l’eau et les autres par de l’air ou la vapeur d’eau (eau capillaire isolée). L’épaisseur de la zone de rétention est plus importante lorsque la nappe baisse que lorsqu’elle remonte; – enfin, tout à fait en surface, une zone de dessiccation temporaire dont la teneur en eau, très faible, varie selon les conditions extérieures.
zone de dessication temporaire
frange capillaire
zone de rétention capillaire zone de saturation capillaire
h teneur en eau négligeable saturation croissante saturation totale
eau libre 0
Ws
W%
a) Nappe descendante h
descente
0
Ws
W%
b) Nappe montante
Figure I.1. Répartition de l’eau dans un sable.
Mais l’eau ne se présente évidemment pas toujours, dans la nature, sous forme d’une nappe libre au repos. On rencontre en effet fréquemment des nappes libres en mouvement, mais aussi des nappes captives qui sont constituées par des eaux
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Perméabilité des sols
maintenues en charge entre deux horizons étanches. Le comportement de ces nappes captives est tout à fait différent de celui des nappes libres, parce que d’une part, la position de leur toit ne correspond pas à un équilibre hydrostatique et que, d’autre part, les terrains qui les supportent (on dit les aquifères) sont toujours saturés, que la nappe soit au repos ou non.
I.2. LOI DE DARCY ET COEFFICIENT DE PERMÉABILITÉ Lorsque l’eau libre circule dans le sol, les particules liquides décrivent des trajectoires appelées lignes de courant. Les lignes de courant qui s’appuient sur une courbe quelconque fermée constituent un tube de courant. Les expériences réalisées en 1856 par H. Darcy, à Dijon, ont montré que la vitesse moyenne de filtration entre deux points M et M’ d’une même ligne de courant est proportionnelle à la différence dh entre les hauteurs piézométriques mesurées en ces deux points et inversement proportionnelle au chemin ds parcouru par les particules liquides (Fig. I.2). On écrit: dh v = k -----ds
(I.1)
dh Le rapport j = ------ est appelé gradient hydraulique. On a donc: ds (I.2)
v = kj C’est la célèbre loi de Darcy. = GK S GZ S
GZ
GV
0
0
= =
Figure I.2
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LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Le coefficient de proportionnalité k est le coefficient de perméabilité du milieu et sa dimension est celle d’une vitesse. Il faut bien noter que la vitesse donnée par l’équation (I.2) n’est pas la vitesse réelle des filets liquides à travers les pores du sol. En effet, dans une section droite d’aire A d’un tube de courant, l’aire de la section des vides à travers laquelle s’effectue l’écoulement n’est que A’ < A et, si l’on désigne par n la porosité, on peut écrire: volume des vides A' n = ----------------------------------------- = ---volume total A En appelant vr la vitesse réelle d’écoulement de l’eau dans les pores, le débit de percolation est: Q = Av = A'v r = nAv r d’où: v v r = --n
(I.3)
Si p et v désignent respectivement la pression et la vitesse de l’eau en un point M de cote z, l’énergie potentielle par unité de poids de liquide est donnée par l’équation de Bernoulli: 2
p v E 0 = z + ----- + -----γ w 2g où γw est le poids volumique de l’eau et g l’accélération de la pesanteur. 2
v Comme dans le sol la vitesse est faible, le terme ------ est négligeable, et l’équation 2g de Bernoulli se réduit à: p E 0 = z + ----γw L’énergie potentielle en M est donc représentée par la cote h du niveau du liquide, par rapport au plan de référence z = 0, dans un tube piézométrique dont la prise de pression serait en M (Fig. I.2). p La hauteur h = z + ----- est la hauteur piézométrique ou charge hydraulique. γw
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Perméabilité des sols
Dans l’équation (I.1) dh représente donc la variation de l’énergie potentielle entre deux points de la ligne de courant distants de ds, et cette variation d’énergie est appelée perte de charge. Le coefficient de perméabilité k défini par l’équation (I.1) ne dépend que de la nature du sol et de la viscosité du milieu. On peut établir cette propriété en comparant la loi de Darcy à la loi de Poiseuille traduisant l’écoulement dans un tube capillaire. Considérons pour cela un fluide qui s’écoule dans un tube de rayon R et isolons dans ce fluide un élément cylindrique, coaxial au tube, de rayon r et de longueur dx. Sur la paroi cylindrique de cet élément s’exercent des contraintes tangentielles t dues au frottement interne du fluide, et sur les faces extrêmes s’exercent des pressions hydrodynamiques p et p – dp (Fig. I.3). dx
t r
R p – dp
p
x
r
R
t
Figure I.3. Écoulement dans un tube cylindrique.
On admet que les contraintes tangentielles sont proportionnelles au gradient radial de la vitesse d’écoulement et l’on écrit: dv t = η -----dr –1
–1
où h est le coefficient de viscosité dynamique de dimension ML T , qui s’exprime, dans le système légal d’unités en Pa.s (Pascal × seconde). L’équilibre des forces qui s’exercent sur l’élément cylindrique permet d’écrire: 2
( 2πrdx )t + πr dp = 0 soit encore: dv 2 ( 2πrηdx ) ------ + πr dp = 0 dr
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LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
d’où: r dp dv = ------ ------ dr 2η dx En remarquant que la vitesse est nulle au contact du tube dans lequel s’effectue l’écoulement, c’est-à-dire pour r = R, on obtient après intégration: 1 2 2 dp v = ------ ( R – r ) -----4η dx On constate donc que la vitesse est maximale sur l’axe du tube et que son évolution est parabolique. Plus précisément, en tout point d’une section droite du tube, l’extrémité du vecteur vitesse est située sur un paraboloïde de révolution coaxial au tube (Fig. I.4). r
dr v
r 2R
Figure I.4. Évolution radiale de la vitesse dans une section droite d’un tube.
La valeur moyenne v de la vitesse, sur cette section droite de rayon R, est telle que: 2
πR v = 2π
∫
R
2π dp v ( r )r dr = ------ ⋅ ------ ⋅ 4η dx 0
soit, tous calculs faits: 2
R dp v = ------ -----8η dx Si h désigne la charge hydraulique, on voit que: dp dh ------ = γ w -----dx dx
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R
∫ (R 0
2
2
– r )r dr
Perméabilité des sols
dh Or ------ n’est autre que le gradient hydraulique j. On a donc finalement: dx 2
γw R -⋅j v = ---------8η
(I.4)
C’est la loi de Poiseuille. Cette vitesse moyenne, dans un tube cylindrique, est celle que nous avons appelée précédemment vitesse réelle vr. Dans un sol, on a donc, d’après la formule (I.3): 2
γw R v -j v r = --- = ---------n 8η soit: 2
nγ w R -j v = ------------8η Si on compare cette relation à la loi de Darcy (formule I.2), on voit que l’on peut écrire: 2
nγ w R k = ------------8η
(I.5)
Si, pour conférer à cette relation un caractère plus général, on fait apparaître le rayon hydraulique RH que l’on définit, pour un tube, comme le rapport entre l’aire d’une section droite et son périmètre, on obtient: 2
πR R R H = ---------- = --2πR 2 d’où: nγ 2 k = -------w- R H 2η
(I.6)
Il ne faut pas pousser trop loin l’analogie, mais cette expression montre toutefois que le coefficient de perméabilité est proportionnel au poids volumique du liquide et au carré de la dimension transversale moyenne de l’écoulement que l’on peut caractériser par un diamètre moyen d des pores, et inversement proportionnelle au coefficient de viscosité dynamique. On pourra donc écrire: 2
γw d k = ε --------η
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LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
où e est un coefficient sans dimension qui dépend de la structure du sol et de la forme des grains qui le composent. Si on appelle r la masse spécifique du liquide et si on pose: η 2 –1 µ = --- = viscosité cinématique (dimension L T ) ρ l’expression du coefficient de perméabilité devient: 2
d k = εg ----µ 2
Le facteur εd est la perméabilité intrinsèque du sol que l’on désigne par K et qui a la dimension d’une surface. On a donc finalement:
ou
γ k = ----w- K ⎫ η ⎪ ⎪ ⎬ ⎪ g ⎪ k = --- K µ ⎭
(I.7)
Plusieurs auteurs ont cherché à relier la perméabilité intrinsèque à la porosité du sol et à la dimension moyenne des grains, en particulier Kozeny (1927) et Carman (1956). Ces auteurs ont généralisé la notion de rayon hydraulique en définissant celui-ci comme le rapport entre le volume total des vides et la somme des surfaces latérales limitant le volume de ces vides. Comme les contacts entre grains sont ponctuels, la somme de ces surfaces est égale à la somme des surfaces des grains. Pour un volume donné de sol, désignons par: • W la somme des volumes des grains; • S la somme des surfaces des grains; • e l’indice des vides du sol. On a alors: n volume des vides = eΩ = ------------ Ω 1–n d’où: n Ω R H = ------------ ⋅ ---1–n S
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(I.8)
Perméabilité des sols
Ω On remarquera que ---- est l’inverse de la surface spécifique des grains. S En remplaçant dans (I.6) RH par son expression (I.8), on obtient: 2 nγ γ w ⎛ Ω⎞ 2 n 3 n Ω 2 ---- ------------------k = -------w- -------------------2 ⎛ ----⎞ = -----2η ( 1 – n ) ⎝ S ⎠ 2η ⎝ S ⎠ ( 1 – n ) 2
Cette expression théorique doit être affectée d’un coefficient adimensionnel qui prenne en compte la structure du sol, la forme des grains et la longueur réelle des lignes de courant (tortuosité). 1 On remplacera donc le coefficient théorique --- par un coefficient empirique a. On 2 obtient alors la formule de Kozeny-Carman qui donne le coefficient de perméabilité intrinsèque: 3
Ω 2 n K = α ⎛ ----⎞ -----------------⎝ S ⎠ ( 1 – n2 )
(I.9)
d’où l’on déduit le coefficient de perméabilité au sens de Darcy: αγ Ω 2 n 3 k = --------w- ⎛ ----⎞ -------------------2 η ⎝ S ⎠ (1 – n)
(I.10)
Divers expérimentateurs ont cherché à déterminer a, mais on ne dispose pas encore de valeurs vraiment générales. Il semble, d’après Carman, cité par Léonards 1 [37], qu’une valeur de --- corresponde à une bonne estimation confirmée par 5 d’autres auteurs ayant utilisé l’analogie électrique. 1 On peut donc retenir en première approximation α = --- , d’où: 5 γ w ⎛ Ω⎞ n 3 ---- ------------------k = -----5η ⎝ S ⎠ ( 1 – n ) 2 Par ailleurs, le coefficient de viscosité dynamique varie en fonction de la température, et, pour l’eau, Helmoltz a proposé la relation empirique suivante ramenée aux unités légales: 0 ,00178 η = ----------------------------------------------------------2 1 + 0 ,0337t + 0 ,00022t
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LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
où t est la température exprimée en degrés Celsius, h s’exprimant alors en Pa.s. On voit donc que lorsque t varie de 0° à 20°, h varie de 1,78.10-3 Pa.s à 1.10-3 Pa.s. Le poids volumique de l’eau γw pouvant être considéré comme constant dans cet intervalle et égal à 104 N/m3, il en résulte que: γw 6 6 –1 –1 1 ,1 ⋅ 10 ≤ -----≤ 2 ⋅ 10 m s 5η On peut donc adopter pour ce facteur une valeur moyenne de l’ordre de: γw 6 –1 –1 -----= 1 ,5 ⋅ 10 m s 5η Dans le système légal d’unités, l’expression du coefficient de perméabilité à l’eau devient donc: 3
2 n 6 Ω k ( m ⁄ s ) = 1 ,5 ⋅ 10 ⎛ ----⎞ -------------------2 ⎝ S ⎠ (1 – n)
(I.11)
À titre d’exemple, nous donnons, dans le tableau ci-dessous, trois résultats obtenus à partir d’essais réalisés par Kozeny et cités par H. Cambefort [12]. 3
Ω ---- (m) S
n
n -------------------2 (1 – n)
k (m/s)
Graviers 10/30 mm
3,12.10 – 3
0,26
3,21.10 – 2
4,7.10 – 1
Graviers 1/10 mm
6,45.10 – 4
0,25
2,78.10 – 2
1,7.10 – 2
Sable 1/2 mm
2,06.10 – 4
0,28
4.23.10 – 2
2,7.10 – 3
Nature du sol
Signalons également la formule de Hazen: 2
d 10 - (K en cm2 et d10 en cm) K = ----------1000
(I.12)
et pour l’eau: 2
k = cd 10 (k en cm/s et d10 en cm)
(I.13)
où c est une constante qui dépend du diamètre moyen des grains et qui varie entre 25 et 150: c = 25 pour des grains de 15 mm; c = 100 pour des grains compris entre 0,1 et 3 mm.
26
Perméabilité des sols
Avec cette dernière valeur de c, on peut donc écrire: 2
k ( m/s ) = d 10 d10 étant toujours exprimé en centimètres. Rappelons que d10 est l’abscisse du point d’ordonnée 10 % de la courbe granulométrique. Ces deux formules, Kozeny-Carman et Hazen, ne sont applicables qu’aux sables et donneraient, en présence de limons ou d’argile, même en faibles quantités, des résultats sans signification et, par conséquent, inutilisables. La formule de Hazen d’ailleurs n’est, en principe, valable que lorsque le coefficient d’uniformité d 60 - est inférieur à 2 environ. CU = -----d 10
I.3. LIMITES DE VALIDITÉ DE LA LOI DE DARCY Les écoulements qui suivent la loi de Darcy sont appelés écoulements laminaires, mais l’expérience montre que la loi de Darcy ne s’applique pas à toutes les formes d’écoulement souterrain et qu’en particulier elle se trouve en défaut pour les vitesses élevées. Elle n’est exacte que pour des vitesses modérées et dans des terrains à granulométrie fine relativement uniforme ou, plus exactement, dans les terrains où les dimensions des vides sont petites. Dès que les dimensions des vides deviennent importantes et pour des gradients élevés, la vitesse de filtration n’évolue plus proportionnellement au gradient et croît moins vite que ne l’indique la loi de Darcy (Fig. I.5). L’écoulement est alors appelé turbulent. v
vl
k
0
jl
j
Figure I.5. - Limite supérieure d’application de la loi de Darcy: écoulement turbulent.
27
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Certains auteurs ont cherché à déterminer les limites entre les écoulements laminaire et turbulent en se référant au schéma classique de l’écoulement d’un fluide visqueux dans un tube capillaire et en faisant intervenir le nombre de Reynolds Re. On sait en effet, en hydraulique, que le régime devient turbulent au-delà d’une certaine valeur de ce nombre. C’est ainsi qu’en écrivant l’équilibre des forces qui agissent sur un élément de liquide, et à partir de considérations faisant appel aux méthodes de l’analyse dimensionnelle, G. Schneebeli [49] a montré que l’équation d’équilibre de cet élément de liquide se ramenait à une relation de la forme: Cf = f ( R e ) entre les deux paramètres sans dimension: jgd= coefficient de frottement Cf = ------2 v vd R e = ------ = nombre de Reynolds µ avec: 2
–1
m = coefficient de viscosité cinématique (dimension L T ); d = diamètre du tube d’écoulement. Les expériences de Lindquist ont montré que l’on pouvait admettre: b f ( R e ) = a + ----Re c’est-à-dire: b Cf = a + ----Re
(I.14)
En remplaçant Cf et Re par leur expression analytique, on en déduit donc, entre le gradient et la vitesse, une relation de la forme: j = Av + Bv bµ a avec: A = --------2 et B = -----gd gd
28
2
(I.15)
Perméabilité des sols
b D’après l’expression (I.14), on voit que, lorsque Re est petit, ----- est grand devant Re le paramètre a. On peut alors négliger ce paramètre ainsi, d’ailleurs, que le paramètre B de la relation (I.15) qui lui est proportionnel. Il en résulte donc: bµ j = Av = --------2 v gd que l’on peut encore écrire: 2
gd v = -------- j bµ 2
gd C’est la loi de Darcy avec k = -------- où l’on reconnaît l’expression du coefficient bµ 2
d 2 de perméabilité intrinsèque K = ----- = εd . b b Lorsque Re est grand, ----- est petit, et l’on peut alors négliger le paramètre A de la Re relation (I.15). On obtient alors: j = Bv
2
soit encore: gd 2 v = ------ j a
(I.16)
C’est le régime turbulent. Cette dernière relation peut s’écrire: v = k' j où k' =
(I.17)
gd ------ . a
On voit que k’ a la dimension d’une vitesse, puisque a est adimensionnel. L’expression (I.17) a été appelée par G. Schneebeli loi de filtration turbulente et k’ coefficient de perméabilité turbulente.
29
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
2
1 gd ------ = ------- , la relation (I.16) peut s’écrire: a B
gd 1 Puisque k = -------- = --- et k' = bµ A
v 2 v j = -- + ⎛ ---⎞ k ⎝ k'⎠
(I.18)
C’est la formule de Forchheimer. Les expressions de k et k’ ci-dessus permettent d’exprimer k’ ou, ce qui revient au même, k’2 en fonction de k: 2
k' = C gµk Plusieurs expressions de k’2 ont été données par différents auteurs: – Lindquist pour des agrégats uniformes: 2
k' = 1 ,8 gµk – De Cazenove [20] pour l’eau et des graviers roulés à granulométrie serrée: 2
k' = 0 ,06 k (unité m/s) Des essais réalisés, sous la direction de G. Schneebeli, par Électricité de France sur des enrochements anguleux pouvant atteindre 40 cm [49] ont conduit à la relation empirique: 3
n k' = c ------------ d 10 1–n qui montre bien l’influence de la porosité. Par ailleurs, L. Escande [2.10] a obtenu en laboratoire sur des agrégats anguleux, de plus petite dimension, une expression semi-empirique que l’on peut mettre sous la forme: k' = 0 ,708 d 10 ≈ 0 ,5d 10 où k’ et d10 sont exprimés respectivement en m/s et en mètres. Schneebeli conclut que pour des enrochements ou des agrégats anguleux, la loi de filtration turbulente ne s’appliquerait qu’à partir de nombres de Reynolds de 2000 à 3000. Cette approche théorique, plus qualitative que quantitative, semble bien mettre en évidence l’influence du nombre de Reynolds sur la nature de l’écoulement. Mais, si le passage du régime laminaire au régime turbulent se fait brutalement dans un tube fin, il est au contraire très progressif dans le sol où, selon l’hypothèse de Lindquist
30
Perméabilité des sols
(1933), l’écoulement se trouve influencé par l’action des forces d’inertie. Il semblerait alors que la loi de Darcy ne serait valable que pour des nombres de Reynolds inférieurs à une certaine limite qui pourrait être comprise entre 1 et 10, ce qui correspondrait, pour des sables d’un diamètre de l’ordre du millimètre, à des vitesses comprises entre 10 – 3 et 10 – 4 m/s. On ne pourrait donc être certain de la validité de la loi de Darcy que lorsque le nombre de Reynolds est inférieur à 1. L’existence d’une valeur critique du nombre de Reynolds pour un matériau donné est loin de faire l’unanimité et H. Cambefort [12] estime que, quelles que soient la nature et la granulométrie du sable, la vitesse limite supérieure, au sens de Darcy, serait de l’ordre de 6.10 – 3 m/s. De son côté, Forchheimer a indiqué que, même dans les sables grossiers, on peut considérer que le mouvement de l’eau reste en grande partie laminaire et que la loi de Darcy est encore applicable avec une approximation suffisante. Mais on peut également se poser la question de l’existence d’une limite inférieure de la vitesse (ou du gradient) en deçà de laquelle la loi de Darcy ne serait plus valable. Les avis sont également très partagés sur ce point. D’après H. Cambefort [12], cette limite se manifesterait même avec des graviers de 1 à 10 mm de diamètre et sa valeur pourrait être de l’ordre de 10 – 4 m/s. Elle correspondrait, selon cet auteur, « à l’adsorption de molécules d’eau que la faible vitesse du courant ne peut plus entraîner ». Selon H. Hansbo [2.14], pour les faibles gradients, la vitesse évoluerait suivant une loi de la forme: v = k0 j
α
(I.19)
Cette loi se raccorderait à la loi de Darcy pour un gradient critique jc et une vitesse critique vc au-delà desquels la loi de Darcy s’écrirait alors: v = k ( j – j0 ) Le graphe des vitesses serait donc représenté par la courbe de la figure I.6 qui est tangente à la droite de Darcy en un point A. En ce point, on a: α
vc = k0 jc = k ( jc – j0 ) d’où: α
jc k ---- = -----------k0 jc – j0 et:
31
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
⎛ dv ------⎞ = αk 0 j αc – 1 = k ⎝ dj ⎠ c d’où: k ---- = αj αc – 1 k0 k En égalant les deux expressions de ---- , on obtient: k0 1 j 0 = ⎛ 1 – ---⎞ j c ⎝ α⎠ Y N Y NM±M
YF
$
Y NMA
M
MF
M
Figure I.6. Limite inférieure d’application de la loi de Darcy: écoulement sous faible gradient.
Dans des argiles de coefficient de perméabilité k = 10 – 9 m/s, Hansbo a trouvé des valeurs a comprises entre 1 et 1,5 pour des gradients compris entre 1 et 30. C’est effectivement dans des sols très fins, c’est-à-dire dans les argiles, que l’on observe des déviations de la loi de Darcy du type de la loi traduite par la formule (I.19), ou dans les sols fins partiellement saturés. Dans ce dernier cas, les vides du sol ne sont pas remplis uniquement par l’eau, mais également par des particules colloïdales et par des bulles d’air qui obstruent les pores en réduisant notablement la perméabilité. Cette notion de gradient critique inférieur est contestée par différents spécialistes s’appuyant sur certains résultats expérimentaux, comme ceux de Tavenas, Trem-
32
Perméabilité des sols
blay et Seroueil [2.18] qui montrent que la loi de Darcy reste applicable à la plupart des sols fins. Comme le fait par ailleurs remarquer D. Cazaux dans sa thèse [2.08]: « L’amélioration des appareillages de laboratoire et des dispositifs de mesure a conduit à diminuer la valeur du gradient critique au cours des deux dernières décennies ». G. Schneebeli affirme, quant à lui, que la mécanique des fluides ne peut permettre d’expliquer, sur le plan théorique, l’existence de cette limite inférieure, puisque la loi linéaire des pertes de charge ne devient rigoureuse que lorsque les vitesses tendent vers zéro. Sans rejeter catégoriquement l’existence de cette limite inférieure, cet auteur estime que, si elle existe, elle ne peut correspondre qu’à des écoulements dans des canaux tellement petits que les lois de la mécanique des fluides classiques ne s’appliquent plus et qu’il faut faire intervenir la structure moléculaire de la matière. Il conclut donc que la loi de Darcy n’est probablement plus applicable dans des terrains très peu perméables comme certaines argiles.
I.4. ANISOTROPIE HYDRAULIQUE DES SOLS Les terrains sédimentaires sont constitués d’une superposition de couches de perméabilités différentes et comme ces dépôts se font, à l’origine, horizontalement, il est évident que dans un tel milieu, toutes choses égales par ailleurs, les vitesses de percolation de l’eau ne sont pas les mêmes dans un écoulement vertical et dans un écoulement horizontal. Désignons par kh et kv les coefficients de perméabilité équivalents, horizontal et vertical, d’un milieu formé de n strates, chaque strate étant constituée d’un matériau supposé homogène et isotrope. Plus rigoureusement et plus généralement d’ailleurs, la valeur de kh correspond à un écoulement parallèle au plan de stratification et kv à un écoulement perpendiculaire à ce plan (Fig. I.7). L
H1 k1
k2 k3
L
H2 H
H1 H2 H
H3
H3
H4
H4
k4
a) Écoulement parallèle à la stratification
b) Écoulement perpendiculaire à la stratification
Figure I.7. Filtration en terrain stratifié.
33
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Soient Hi et ki respectivement l’épaisseur et le coefficient de perméabilité isotrope de la strate de numéro i, et considérons tout d’abord un écoulement perpendiculaire aux plans de stratification. En régime permanent, la vitesse de percolation est la même dans toutes les couches puisque le débit est supposé constant. Si ∆hi est la perte de charge dans la couche numéro i et v la vitesse commune d’écoule∆h ment, le gradient hydraulique, dans cette couche, est égal à --------i d’où, d’après la Hi loi de Darcy: ∆h H v = k i --------i → ∆h i = v -----i Hi ki La perte de charge totale à travers les n couches est alors:
∑ ∆h
i
= v
Hi
∑ ----ki
et le gradient hydraulique total:
∑ ∑
∆h i v j = --------------- = ------------Hi Hi
∑
Hi
∑ ----ki
or, d’après la loi de Darcy: v v = k v j = k v ------------Hi
∑
Hi
∑ ----ki
d’où l’on déduit:
∑ ∑
Hi k v = ------------Hi ----ki
(I.20)
Considérons de même un écoulement horizontal (ou parallèle aux plans de stratification). Les lignes de courant étant alors horizontales, les surfaces équipotentielles sont des plans verticaux et la perte de charge est la même dans chaque couche. Le gradient hydraulique est, par conséquent, constant. Le débit dans chaque couche et par unité de largeur est: Q i = jk i ∆H i
34
Perméabilité des sols
d’où le débit total: Q = j
∑ k ∆H i
i
Mais ce débit total est également, d’après la loi de Darcy: Q = jk h
∑ ∆H
i
En égalant ces deux expressions du débit total, on obtient:
∑ ∑
k i ∆H i k h = --------------------∆H i
(I.21)
On peut définir alors le coefficient d’anisotropie par le rapport: Hi
∑ k H ∑ ----ki
i
k iα = ----h = -----------------------------2 kv ⎛ H⎞ i⎠ ⎝
(I.22)
∑
Si toutes les strates ont la même épaisseur, on voit immédiatement que l’on a: ⎫ = moyenne arithmétique de k i ⎪ ⎪ ⎪ n k v = ----------- = moyenne harmonique des k i ⎪ 1 ⎬ --⎪ ki ⎪ ⎪ 1 1 α = ----2 k i --⎪ ki n ⎭
kh = 1 --n
∑k
i
∑
(I.23)
∑ ∑
Supposons, pour fixer les idées, que le milieu ne soit constitué que de deux couches d’égale épaisseur, on a alors: 2
2
( k1 + k2 ) ( k1 + k2 ) -2 = -------------------------------------------------α = ---------------------2 4k 1 k 2 ( k1 + k2 ) – ( k1 – k2 ) d’où: 1 α = --------------------------------2 k 1 – k 2⎞ 1 – ⎛ --------------⎝ k 1 + k 2⎠
35
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
On voit donc que a est plus grand que l’unité quelles que soient les valeurs de k1 et k2. Cette propriété est également valable pour un terrain dont le nombre de couches est supérieur à 2, puisque la moyenne arithmétique est toujours supérieure à la moyenne harmonique. Il en résulte qu’en terrain sédimentaire stratifié on a toujours: kh > kv Dans le cas où les strates sont suffisamment épaisses pour que l’on puisse soit y prélever des échantillons intacts, soit, de préférence, y réaliser des essais d’eau in situ, le problème de l’anisotropie est facilement résolu comme nous venons de le voir. Mais il faut faire très attention à l’utilisation de ces formules qui s’avèrent particulièrement dangereuses, car elles ne sont valables que lorsqu’on est certain que l’eau puisse traverser toutes les couches, ce qui est, par exemple, le cas du pompage dans un batardeau dont la fiche par rapport au fond de fouille pénètre profondément dans le milieu. Lorsqu’il n’en est pas ainsi, c’est souvent la première couche ou à la rigueur les deux premières qui régissent l’écoulement. Il ne faut pas croire que les contrastes de perméabilité significatifs ne concernent que les sols stratifiés constitués d’alternances de couches argileuses ou limoneuses et de dépôts granulaires. Ces contrastes peuvent également s’observer dans les sols granulaires eux-mêmes en fonction de leur granulométrie comme on peut s’en rendre compte à partir de la formule de Hazen (formule I.13) qui montre que, si deux formations granulaires ont des courbes granulométriques décalées d’un module logarithmique, leur perméabilité varie de deux puissances de dix. Sans aller aussi loin dans le contraste, une variation de d10 de 1 à 3 entraîne une variation de k de l’ordre d’une puissance de 10. C’est pourquoi l’utilisation de la formule de Hazen est limitée aux sables dont les diamètres des grains sont compris entre 0,1 et 3 mm (§ I.2) et dont le coefficient d 60 - est inférieur à 2, bien que nous estimons que l’on peut d’uniformité CU = -----d 10 déplacer un peu cette limite. Néanmoins, pour des sols granulaires de plus gros diamètre, l’influence de la granulométrie reste importante, ce qui explique que certaines couches de sable peuvent être considérées comme peu perméables par rapport à des couches de graviers ou de graves grossières. Lorsqu’on se trouve en présence d’un sol très finement stratifié constitué, par exemple, par une alternance de couches d’argiles et de sable d’épaisseur millimétrique, on se rapproche du schéma correspondant aux relations (I.23), mais il est très difficile de mesurer directement les perméabilités de chaque strate. On ne peut alors que tenter une mesure globale des perméabilités horizontales et verticales équivalentes.
36
Perméabilité des sols
Mais une telle anisotropie existe également dans des formations sédimentaires apparemment homogènes, comme par exemple certains massifs de sables ou de sables et graviers, à cause de leur mise en dépôt par strates successives horizontales. On dit alors que l’on se trouve en présence d’un milieu homogène anisotrope. Pour les terrains finement stratifiés ou pour les terrains homogènes anisotropes, la détermination de kh et de kv peut se faire en laboratoire.
I.5. ÉCOULEMENTS PERMANENTS DANS LES SOLS QUI SUIVENT LA LOI DE DARCY Nous nous placerons dans le cas du régime permanent, c’est-à-dire dans le cas d’un régime stable où les vitesses d’écoulement et les charges hydrauliques ne dépendent que des coordonnées spatiales et sont indépendantes du temps.
I.5.1. Milieu isotrope Le problème est régi par l’équation de continuité qui consiste à écrire, comme on le sait, que le volume d’eau qui entre, pendant l’unité de temps, dans un parallélépipède rectangle élémentaire dont les côtés dx, dy et dz sont parallèles aux axes de coordonnées, est égal au volume d’eau qui en sort. Si V est le volume entrant et V + dV le volume sortant, on doit donc avoir: dV = 0. Si vx, vy et vz désignent les vitesses respectivement parallèles aux axes de coordonnées, le volume entrant pendant l’unité de temps est donc: V = v x dydz + v y dxdz + v z dxdy d’où: ∂v ∂v ∂v dV = -------x dxdydz + -------y dxdydz + -------z dxdydz ∂x ∂y ∂z L’équation de continuité est alors, en annulant dV: ∂v x ∂v y ∂v z ------- + ------- + ------- = 0 ∂x ∂y ∂z
(I.24)
Si h désigne la charge hydraulique, la loi de Darcy s’écrit: ∂h v x = – k -----∂x ∂h v y = – k -----∂y ∂h v z = – k -----∂z
37
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
En portant les dérivées de ces vitesses dans l’équation de continuité (I.24), on obtient: 2
2
2
∂ h ∂ h ∂ h- ------------+ 2- + -------2- = 0 2 ∂x ∂y ∂z
(I.25)
C’est l’équation de Laplace qui, dans certains cas simples, peut s’intégrer analytiquement lorsqu’on connaît les conditions aux limites de l’écoulement comme nous le verrons par la suite.
I.5.2. Milieu anisotrope Dans un milieu anisotrope, la loi de Darcy se généralise en considérant, les vitesses parallèles aux axes de coordonnées et les coefficients de perméabilité qui leur sont associés: ∂h v x = – k x -----∂x ∂h v y = – k y -----∂y ∂h v z = – k z -----∂z Il suffit, là aussi, de porter les dérivées des vitesses dans l’équation de continuité (I.24) pour obtenir l’équation du problème: 2
2
2
∂ h ∂ h ∂ h k x -------2- + k y -------2- + k z -------2- = 0 ∂x ∂y ∂z
(I.26)
Cette équation n’est plus une équation de Laplace comme en terrain isotrope, mais on peut la ramener à l’équation de Laplace en transformant le milieu géométrique réel en un milieu correspondant par l’affinité: z y x z' = -y' = --x' = --c b a où x, y, z sont les coordonnées d’un point M quelconque du milieu réel et x’, y’, z’ les coordonnées du transformé M’ de M dans le milieu correspondant, a, b et c étant des constantes arbitraires. On a alors: ⎫ ∂h ∂h dx' 1 ∂h ------ = ------- ------- = --- ------- ………etc. ⎪ ∂x ∂x' dx a ∂x' ⎪ ⎬ 2 2 ∂ h 1∂ h -------2- = -----2 ---------2 ………………etc. ⎪ ⎪ ∂x a ∂x' ⎭
38
(I.27)
Perméabilité des sols
En portant ces expressions dans l’équation (I.26), il vient: k ∂2 h ky ∂2 h kz ∂2 h ----x-2 --------2 + -----2 ---------2 + ----2 --------2 = 0 a ∂x' b ∂y' c ∂z' Pour que cette équation soit une équation de Laplace, il faut et il suffit que: k k k -----x2 = -----y2 = ----2z = k a b c on en déduit donc: 1 --- = a
1 --- = b
k--kx
1 --- = c
k--ky
k--kz
où k est une constante arbitraire ayant la dimension d’un coefficient de perméabilité. La transformation cherchée est donc: ⎫ k- ⎪ x' = x --kx ⎪ ⎪ ⎪ k y' = x ---- ⎬ ky ⎪ ⎪ k- ⎪ z' = x --kz ⎪ ⎭
(I.28)
Soit V ( u, v, w ) la vitesse de filtration dans le domaine réel où: dx u = -----dt
dy v = -----dt
et
dz w = ----dt
Le débit dQ qui traverse un parallélépipède de coté dx, dy et dz est alors: dQ = udydz + vdxdz + wdxdy Dans le domaine transformé, la vitesse de filtration est V ( u', v', w' ) où: 1 dx u dx' u' = ------- = --- ------ = --a dt a dt
v v' = --b
et
w w' = ---c
Le débit dQ’ qui traverse un parallélépipède de côté dx’, dy’ et dz’ est donc: dQ' = u'dy'dz' + v'dx'dz' + w'dx'dy' dQ 1 dQ' = --------- ( udydz + vdxdz + wdxdy ) = --------abc abc
39
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Ainsi donc, au débit Q dans le milieu réel anisotrope, correspond dans le milieu transformé isotrope, un débit Q’ tel que: 3
k Q' = Q -------------kx ky kz
(I.29)
Puisque k est arbitraire, on peut lui attribuer n’importe quelle valeur et, en particulier, celles qui simplifient le problème. C’est ainsi par exemple que, si l’on souhaite que les débits restent inchangés dans les deux milieux, il suffira d’écrire Q’ = Q d’où: k =
3
kx ky kz
soit encore si on admet que le milieu réel est horizontalement isotrope, c’est-àdire si kx = ky = kh et kz = kv : k =
3
2
(I.30)
kh kv
Mais il est souvent plus intéressant de chercher à conserver les distances, soit horizontales, soit verticales. C’est ainsi que, toujours dans l’hypothèse où kx = ky = kh, on a: • conservation des distances horizontales: k = kh x' = x
et
y' = y
k z' = z ----h kv k Q' = Q ----h kv • conservation des distances verticales: k = kv ⎫ ⎪ k x' = x ----v ⎪ kh ⎪ ⎪ kv ⎪ y' = y ---- ⎬ kh ⎪ ⎪ z' = z ⎪ k ⎪ Q' = Q ----v ⎪ kh ⎭
40
⎫ ⎪ ⎪ ⎪ ⎪ ⎬ ⎪ ⎪ ⎪ ⎪ ⎭
(I.31)
(I.32)
Perméabilité des sols
I.5.3. Réseau d’écoulement Que le milieu soit isotrope ou anisotrope, l’ensemble des points correspondant à une charge hydraulique constante est une surface équipotentielle. On démontre que les lignes de courant sont orthogonales aux surfaces équipotentielles. L’ensemble des lignes de courant et des surfaces équipotentielles constitue le réseau d’écoulement.
I.6. PHÉNOMÈNE DE CAPILLARITÉ On sait que si on plonge un tube de verre très fin (diamètre inférieur à 1 mm) dans un récipient plein d’eau, on voit l’eau monter dans le tube de quelques centimètres et se stabiliser à un niveau supérieur à celui de l’eau contenue dans le récipient. Tout se passe comme si l’eau était soumise à une force de traction égale au poids de l’eau qui est remonté dans le tube. L’interface entre l’eau contenue dans le tube et l’air n’est pas plane mais courbe. Cette surface, appelée ménisque, présente une concavité dirigée vers le haut lorsque le liquide mouille la paroi, ce qui est le cas avec l’eau et le verre (Fig. I.8). Mais la concavité peut être orientée vers le bas lorsque le liquide ne mouille pas la paroi, comme le mercure dans un tube de verre. F
F θ
α ∆p
R
θ θ
hc ds
z dϕ
ϕ r
a) Remontée de l’eau dans un tube capillaire
b) Évaluation de la résultante de la pression différentielle sur le ménisque
Figure I.8. Phénomène de capillarité.
41
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Les cisaillements entre l’eau et la paroi intérieure du tube étant nuls, le poids de la colonne d’eau ne peut être équilibré que par la résultante de contraintes de tension superficielle qui s’exercent sur le ménisque, celui-ci se comportant alors comme une membrane tendue. Il en résulte donc une différence de pression ∆p entre l’eau contenue dans le tube et l’air. Laplace a démontré que cette différence de pression s’exprimait, en un point quelconque du ménisque, par la relation: 1 1 ∆p = T ⎛ --- + ----⎞ ⎝ R R'⎠
(I.33)
où R et R’ sont les rayons de courbure des courbes découpées sur le ménisque par deux plans orthogonaux passant par la normale au ménisque en ce point. On dé1 1 montre que --- + ---- est un invariant. R R' Dans le cas d’un tube capillaire, on assimile le ménisque à une calotte sphérique coaxiale au tube et la formule de Laplace donne donc: 2T ∆p = -----R
(I.34)
Cette pression est normale au ménisque en tout point. La force dF qui s’exerce sur un élément de surface ds du ménisque est alors: dF = ∆pds La composante verticale de cette force est (Fig. I.8b): 2
dF v = ∆pds cos α = ∆pR cos αdαρdϕ = ∆pR dϕ sin α cos αdα d’où la composante verticale de la résultante des pressions sur le ménisque: F v = ∆pR
2
∫
2π
dϕ 0
∫
π --- – θ 2
2
2
sin α cos α dα = πR ∆pcos θ
0
La composante horizontale Fh de cette résultante est évidemment nulle par raison de symétrie. Par ailleurs, le poids de la colonne d’eau de hauteur hc contenue dans le tube est: 2
2
P = πR h c γ w cos θ où γw est le poids volumique de l’eau. L’équilibre exige que l’on ait Fv = P d’où:
42
Perméabilité des sols
∆p h c = ------γw soit finalement, d’après la relation (I.34): 2T h c = --------Rγ w
(I.35)
ou, plus généralement, si le fluide n’est pas de l’eau, et en désignant par γf le poids volumique de ce fluide: 2T h c = ------Rγ f En faisant apparaître le rayon r du tube et non plus le rayon de courbure du ménisque qu’on ne connaît pas, on obtient la formule de Jurin: 2T cos θ h c = ------------------rγ w
(I.36)
La constante T est appelée tension capillaire du fluide au contact de l’air, et elle –2
s’exprime en force par unité de longueur ( MT ) . Nous donnons dans le tableau ci-dessous quelques valeurs du coefficient T en millinewton par mètre (mN/m). Liquide
Température (°C)
T (mN/m)
Mercure
18
500
Eau
20
73
Eau
80
62
Huile d’olive
20
32
Benzène
20
29
Alcool
20
22
Par ailleurs, pour l’eau, sur un verre propre, θ = 0 et pour le mercure 3π θ = ------ = 135° . 4 On peut étudier la distribution des contraintes auxquelles est soumise l’eau dans le tube capillaire et montrer que ces contraintes dépendent de la pression atmosphérique, en considérant l’équilibre d’un élément de liquide d’épaisseur dz situé dans le tube de rayon r à une hauteur z au-dessus du niveau de l’eau libre du récipient. (Fig. I.9). À cette hauteur z, la contrainte dans l’eau est u et à la hauteur z + dz, elle
43
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
devient u + du. L’équilibre de l’élément liquide de hauteur dz implique donc que l’on ait: 2
2
2
πr ( u + du ) + γ w πr dz = πr u c’est-à-dire: du + γ w dz = 0 d’où: u = – γw z + C Pour z = 0, la contrainte u est égale à la pression atmosphérique pa. On a donc C = pa et: u = – γw z + pa = –γw ( z – ha )
(I.37)
p où h a = -----a dont la valeur, comme on le sait, est de 10 mètres environ. γw Z Hc
A 2r
Z
pa A'
–
Hc
A –
hc
hc
u + du z dz
ha
u
ha
+
+ B
B γwhc
a)
pa
0
b)
γw h c
pa
0
u
c)
Figure I.9. Distribution des contraintes dans l’eau contenue dans un tube capillaire.
On voit donc sur la figure I.9b que, lorsque le ménisque dans le tube capillaire se trouve à une cote z < ha, la contrainte dans l’eau du tube est une compression et que, dès que le ménisque dépasse ha, la contrainte dans l’eau reste une compression dans la partie inférieure du tube, mais devient une traction dans sa partie supérieure (changement de signe). En l’absence de pression atmosphérique, la constante d’intégration devient nulle et la droite représentative des contraintes est la droite 0A’ de la figure I.9c. La totalité de l’eau contenue dans le tube capillaire est en état de traction et la valeur
44
Perméabilité des sols
maximale de la contrainte correspondante est – γ w H c . On voit bien que la présence de la pression atmosphérique revient à faire subir à la droite 0A’ une translation positive AA' = 0B = p a et on retrouve ainsi le diagramme de la figure I.9b. Les remontées capillaires que nous observons dans la pratique courante sont les valeurs de hc comptée à partir de ha c’est-à-dire à partir du niveau phréatique, ce qui montre donc que, dans la zone de remontée capillaire, l’eau se trouve en état de traction. Si, dans un tube capillaire, plusieurs gouttes de liquide sont séparées par des bulles d’air, on se trouve en présence de ce qu’on appelle un tube de Jamin (Fig. I.10a). Si on exerce une pression à l’extrémité A du tube, les gouttes de liquide se déforment en modifiant leur courbure et la première goutte transmet à la première bulle d’air occlus une pression plus faible que celle que l’on a exercée en A, et ainsi de suite. On peut donc exercer en A une pression importante avant que les bulles ne se déplacent et si le nombre de gouttes est grand, la différence entre la pression exercée en A et la pression observée à l’autre extrémité B du tube peut atteindre plusieurs atmosphères. L’expérience du tube de Jamin permet d’expliquer pourquoi il faut purger les conduites des manomètres, et de comprendre la difficulté que la présence de bulles d’air dans les pores d’un terrain incomplètement saturé peut opposer à la libre circulation de l’eau.
eau $
%
DLU
HDX
grains a) tube de Jamin
b) pseudo-cohésion d’un sable
Figure I.10. Exemples de phénomènes capillaires.
Ce sont également les forces capillaires qui, dans la zone de rétention capillaire, bloquent les grains de sable les uns contre les autres créant ainsi une cohésion apparente qui permet aux enfants de faire des châteaux de sable sur la plage, et à certains talus de sable de tenir presque verticalement (Fig. I.10b).
45
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Les phénomènes de tensions superficielles que nous avons évoqués précédemment existent même lorsque l’un des fluides n’est pas de l’air. C’est ainsi que, si l’on introduit un certain volume de liquide dans un autre liquide non miscible, ce volume prend une forme sphérique, la sphère possédant la propriété géométrique de présenter la surface minimale pour un volume donné. De même, si on laisse tomber des gouttes d’un liquide dans un autre liquide également non miscible mais moins dense, ces gouttes prennent une forme sphérique. Il en est également ainsi lorsque les forces surfaciques sont significativement supérieures aux forces de pesanteur, c’est-à-dire lorsque la surface spécifique du volume de liquide est grande comme dans les petites gouttelettes. En effet, pour une sphère, la surface 2
4πR 3 spécifique, égale à ------------- = --- , augmente lorsque R diminue. R 4 3 --- πR 3 Les phénomènes de remontée capillaire que nous avons mis en évidence avec un tube de verre de très petit diamètre se produisent dans les sols fins, mais l’assimilation des pores du sol à des tubes capillaires verticaux ne constitue qu’une approximation qui ne donne que des ordres de grandeur. Supposons donc que, dans la zone de remontée capillaire, le sable se sature entièrement, et que ce que l’on pourrait appeler l’écoulement capillaire obéit à la loi de Darcy. Soit alors hc la hauteur de remontée capillaire comptée au-dessus du niveau de la nappe libre. À un instant t, le niveau de l’eau capillaire se trouve à une hauteur z < hc au-dessus de ce niveau (Fig. I.11). La charge motrice qui provoque hc – z - . Pendant la remontée capillaire est égale à hc – z et le gradient est alors i = -----------z le temps dt la surface de séparation entre la zone saturée et la zone sèche monte dz de dz et la vitesse de remontée ----- n’est autre que la vitesse réelle d’écoulement dt v de l’eau, c’est-à-dire v r = --- où v est la vitesse au sens de Darcy. On a donc: n dz v = n ----dt d’où l’équation qui régit le phénomène: hc – z dz n ----- = k -----------dt z
46
Perméabilité des sols
Z
Z
kh c --------n
hc z
0
0
t
Figure I.11. Remontée capillaire dans un sable.
On en déduit: k – z – h c ln ( h c – z ) = --- t + C n
Or, pour t = 0, l’ascension capillaire est nulle donc z = 0 et C = h c ln h c , d’où finalement: nh hc z - – ---t = --------c ln -----------k hc – z hc
(I.38)
Tant que z reste petit devant hc ce qui est le cas des sols à faible perméabilité, on z peut développer le logarithme en série par rapport à ---- , d’où: hc 2 2kh z ---- = -----------c t n 2
z Il en résulte donc que pour un sable donné, le rapport ---- est constant. On peut t également écrire: z =
2kh c ----------- ⋅ t n
Si on mesure z (t), il est intéressantde tracer la courbe d’évolution de z en fonction de
t car, après établissement du régime permanent, cette courbe est une droite
dont la pente est égale à
2kh -----------c , ce qui permet d’évaluer k ou hc si l’on connaît n
47
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
déjà l’un de ces deux paramètres. En pratique, on se contente de déterminer le produit khc, (Fig. I.11). Nous avons vu que les contraintes dans l’eau retenue dans le sol par capillarité étaient des contraintes de traction ce qui revient à dire que la pression interstitielle de l’eau qui sature le sable est alors négative (u < pa). C’est cette pression négative qu’on appelle succion. Il résulte de la loi de Jurin que plus le diamètre du tube capillaire est faible (ou, pour un sol, le diamètre moyen des pores), plus la hauteur d’ascension capillaire, ou ce qui revient au même plus la succion, est élevée ce qui explique pourquoi à teneur en eau égale la succion dans l’argile est supérieure à la succion dans le sable (Fig. I.12). Mais, toutes choses égales par ailleurs, plus la teneur en eau initiale est élevée, plus l’ascension capillaire donc la succion, est faible comme on le voit sur la figure I.12. succion
argile
sable 0
W
W (%)
Figure I.12. Courbes de succion.
Mais la rétention capillaire peut se faire, comme nous l’avons évoqué en I.1, de deux façons différentes: – soit par remontée de la nappe, c’est l’ascension capillaire qui correspond à une humidification; – soit par descente de la nappe, ce qui correspond à une dessiccation. L’expérience montre que dans le cas de la descente, c’est-à-dire de la dessiccation, la hauteur de rétention capillaire est plus élevée que dans le cas de la remontée, ce qui explique que, dans un pompage, le volume d’eau prélevé est nettement inférieur au volume des vides théoriques défini par la porosité n.
48
Perméabilité des sols
Comme nous venons de le voir, les hauteurs de remontée capillaires deviennent très importantes dans les sols très fins et dans les argiles en particulier, c’est pourquoi au lieu de parler en terme de remontée capillaire, on parle en logarithme décimal de cette remontée et on définit, par analogie avec le potentiel hydrogène en chimie (pH), le potentiel capillaire pF = lg hc où hc est exprimé en centimètres, et on obtient alors les courbes de la figure I.13. Selon H. Cambefort [12] la valeur maximale de pF a été obtenue dans des argiles très colloïdales avec pF = 7, soit hc = 100 klm! Dans des sables fins, toujours d’après le même auteur, on a pF ≈ 3 soit hc ≈ 10 mètres. pF
dessication
humidification 0
W (%)
Figure I.13. Potentiel capillaire.
49
CHAPITRE II
Piézomètres et mesures piézométriques
II.1. PRINCIPE DU PIÉZOMÈTRE Un piézomètre est un dispositif qui permet de mesurer la charge hydraulique en un point situé à l’intérieur d’un massif aquifère. Par suite d’une confusion regrettable, on a étendu le nom de piézomètre à tout autre dispositif destiné à mesurer le niveau de l’eau dans le sol. Il y a effectivement identité lorsque la nappe est en équilibre statique, mais il peut n’en être plus ainsi dès lors que la nappe est en mouvement sous l’effet d’un gradient de charge (pompage par exemple). Considérons en effet une nappe horizontale au repos. Comme nous l’avons vu précédemment, d’après l’équation de Bernoulli, la charge h en un point M (Fig. II.1a) est égale à: p h = z + ----γw
(II.1)
Or, la pression p en M est égale au poids de la colonne d’eau de section unité sip tuée au-dessus. Donc ----- = MA et h = z + MA = AB . Sur la verticale AB la γw charge est donc constante, quel que soit M, et égale à la hauteur de la surface libre
51
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
par rapport au plan de référence z = 0. Les surfaces équipotentielles sont donc des plans verticaux.
A
B' A
M
M
H z
z
z=0
B
B
z=0
b) En mouvement
a) Au repos
Figure II.1. Charge hydraulique dans une nappe.
Supposons maintenant que la nappe soit en mouvement et que sa surface libre présente une courbure assez prononcée. C’est ce qui se passe à proximité d’un puits dans lequel on pompe. Soit AB l’équipotentielle passant par un point A de la surface libre (Fig. II.1b). En tout point de l’équipotentielle la charge est constante et toujours donnée par l’équation (II.1). Pour déterminer la valeur constante de cette charge, il suffit de se placer en un point particulier de l’équipotentielle, par exemple au point A de cote za = H. En ce point, la pression différentielle par rapport à la pression atmosphérique est nulle et la charge est alors h = H. C’est là une des propriétés de la surface libre d’une nappe, en tout point de laquelle on a h = z. Quel que soit le point M de cote z situé sur l’équipotentielle, on peut écrire: p H = z + ----γw d’où: p = γw ( H – z )
(II.2)
La pression en M correspond donc au poids d’une colonne d’eau dont la hauteur est égale à la distance entre le point M et l’horizontale passant par A. Elle est donc inférieure à la hauteur réelle d’eau au-dessus de M. En particulier au point B de cote nulle, la charge est toujours égale à H alors que la hauteur réelle d’eau est BB' > H .
52
Piézomètres et mesures piézométriques
Réciproquement, supposons que la pression pm en M corresponde au poids de la colonne d’eau située au-dessus: p m = γ w MM' où M’ est l’intersection de la verticale de M avec la surface libre de la nappe. Si z’ est la cote de M’, la charge en M serait alors: h = z + MM' = z' Elle serait donc constante en tout point de la verticale de M. Cette verticale serait alors une équipotentielle et la surface de rabattement, qui lui serait orthogonale, devrait alors être horizontale ce qui est contraire à l’hypothèse et ne peut se produire que dans le cas d’une nappe immobile (équilibre hydrostatique) ou, dans le cas d’un pompage, à une distance du puits à partir de laquelle les surfaces équipotentielles peuvent être assimilées à des cylindres verticaux et les lignes de courant à des horizontales radiales. Mais il ne s’agit alors que d’une approximation. D’une façon générale, un piézomètre est constitué par un élément perméable (tube crépiné, cylindre creux en bronze fritté, pierre poreuse, etc.) relié à la surface par un tube rigide ou une tubulure souple et mis en place dans un forage. Un bouchon étanche est réalisé au-dessus de la crépine afin d’éviter les communications avec le forage (Fig. II.2). La mesure piézométrique, dans son sens le plus large, consiste à déterminer la charge hydraulique qui règne au niveau de la crépine. Il résulte alors des considérations théoriques précédentes que la hauteur de la crépine doit être relativement faible pour que le résultat obtenu puisse être considéré comme quasiment ponctuel. La mesure de cette charge s’obtient alors, comme nous le verrons plus
d
z
dz
bouchon étanche
crépine
D
Figure II.2. Principe du piézomètre.
53
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
loin, soit par mesurage d’un niveau d’eau pour les nappes libres dans les aquifères à forte ou moyenne perméabilité, soit par mesurages de pressions pour les nappes libres dans les aquifères à faible perméabilité ou pour les nappes en charge. On est donc amené à considérer deux types de piézomètres: – les piézomètres ouverts dans le premier cas; – les piézomètres fermés appelés plus généralement piézomètres à volume constant dans le second cas. Par ailleurs, la réalisation du forage et l’équipement du piézomètre perturbent l’équilibre initial de la nappe. On conçoit donc aisément qu’il faille un certain temps après la mise en place du piézomètre pour que se rétablisse le niveau ou la pression d’équilibre. Ce temps sera d’autant plus long que le terrain sera moins perméable et que le diamètre du tube piézométrique sera plus important. On est donc conduit à définir le temps de réponse d’un piézomètre, qui est le temps au bout duquel le piézomètre indique une valeur de la charge égale à celle qui régnait au niveau de la crépine avant toute perturbation. Nous verrons également que les piézomètres à volume constant permettent de réduire considérablement les temps de réponse.
II.2. PIÉZOMÈTRES OUVERTS II.2.1. Réalisation d’un piézomètre ouvert Les piézomètres ouverts peuvent être réalisés soit par forage, soit par battage. Dans le cas d’un piézomètre foré, on réalise le forage selon les méthodes traditionnelles dans un diamètre supérieur à celui du piézomètre. Aucune règle précise ne fixe le diamètre des piézomètres. Par mesure d’économie et pour réduire le temps de réponse, on adopte les diamètres les plus faibles possibles, compatibles avec les dimensions du plongeur des sondes de mesure. En pratique, on choisit souvent un diamètre extérieur de l’ordre de 40 à 50 mm et la norme Afnor NF P 94-157.1, qui régit ce type de piézomètres, impose un diamètre intérieur supérieur à 20 mm. Le diamètre du forage doit être supérieur d’au moins 5 cm au diamètre extérieur du tube piézométrique. Mais pour assurer une bonne réalisation du bouchon d’étanchéité, il est souvent nécessaire d’augmenter cet écart. Comme, la plupart du temps, les piézomètres sont mis en place dans des nappes alluviales, le forage sera tubé car l’emploi de boue de forage, même biodégradable, doit être absolument prohibé pour éviter le colmatage du terrain. Une fois atteinte la profondeur désirée, on introduit dans le forage un tube piézométrique (métallique ou en matière plastique) crépiné à sa base. Lorsqu’on veut procéder à des mesures ponctuelles, il n’est pas utile que la longueur crépinée soit très importante.
54
Piézomètres et mesures piézométriques
Si, en revanche, il ne s’agit que de mesurer un niveau d’eau, on pourra adopter une valeur beaucoup plus importante, mais telle que la crépine soit toujours noyée. La norme impose une longueur crépinée égale ou supérieure à 1 mètre. En ce qui concerne la densité des vides de la crépine, il faut qu’elle soit telle que sa perméabilité soit très élevée. Il n’y a pas de règles précises, mais on s’arrange, en général, pour que la surface totale des vides, par élément de tube d’une hauteur égale à un diamètre extérieur, soit comprise entre 0,50 et 0,75 fois la section droite intérieure du piézomètre. C’est ainsi, par exemple, que pour un piézomètre de 40 mm de diamètre intérieur, on pourra réaliser, 18 trous de 8 mm de diamètre disposés en quinconce, sur une hauteur de 1 diamètre extérieur (50 mm environ). La norme stipule que la surface perforée doit être au moins égale à 10 % de la surface latérale extérieure du tube sur la partie crépinée. Il existe toutefois dans le commerce des tubes crépinés par fentes qui correspondent à des critères de perméabilité tout à fait acceptables. Si la prise de pression doit se faire en terrain sableux, ce qui est souvent le cas, il faut éviter que le sable pénètre dans le piézomètre. Pour cela, on peut revêtir la crépine d’une toile métallique, d’un géotextile ou d’un système équivalent. Mais les avis restent très partagés sur l’intérêt de cette disposition qui est même souvent condamnée, non sans raison d’ailleurs, par certains. Une fois le piézomètre placé dans le forage tubé, on introduit dans l’espace annulaire, tout en remontant le tube de forage, un filtre en gravillon dont la granulométrie doit être en rapport avec celle du terrain environnant. Nous préciserons ce point dans le chapitre VIII à propos de l’aménagement des puits. Ce filtre devra entourer complètement la crépine et avoir une hauteur plus grande. On confectionne ensuite au-dessus du filtre, un bouchon étanche sur une hauteur d’environ 3,00 m, à l’aide d’argile corroyée, de coulis épais bentonite-ciment ou de boules de bentonite humide et raide compactée dans le forage à l’aide d’une dame en forme de croissant. La réalisation de ce bouchon est une opération très délicate qui nécessite le plus grand soin. On détube enfin complètement le forage en remblayant toujours dans l’espace annulaire. La mise en place une fois terminée, il est bon de protéger le piézomètre par une tête constituée en général par un élément de tube métallique scellé dans un massif de béton et fermé par un bouchon cadenassé ou vissé (Fig. II.3). Avant que le piézomètre soit prêt à fonctionner, il faut procéder à un petit développement soit par émulsionnage à l’air comprimé, soit par pistonnage, soit enfin par lavage, opération qui est poursuivie jusqu’à ce que l’eau sorte claire. Lorsqu’un seul piézomètre est réalisé dans un forage, on dit qu’il s’agit d’un piézomètre simple. Mais il peut se faire qu’on veuille étudier le comportement de
55
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
plusieurs nappes superposées. Dans ce cas, on peut être amené à mettre en place plusieurs piézomètres dans un même forage à des niveaux différents. On dit alors qu’on a constitué un piézomètre multiple. Mais il faut pour cela exécuter un forage d’un diamètre beaucoup plus grand. En pratique, on se limite à des piézomètres doubles (Fig. II.4). tête de protection
remplissage
bouchon étanche
remblai
bouchon étanche
remplissage étanche
bouchon étanche
crépine
Figure II.3. Piézomètre simple.
bouchon étanche
Figure II.4. Piézomètre multiple.
Mais la réalisation de piézomètres multiples est très délicate surtout en ce qui concerne l’efficacité des bouchons d’étanchéité, dont on ne peut jamais être sûr. C’est pourquoi nous sommes personnellement opposés à cette pratique et recommandons vivement de ne pas y recourir, car elle conduit le plus souvent à des déboires. Conformément aux spécifications de la norme, il faut remplacer un piézomètre multiple par plusieurs piézomètres simples voisins. À l’heure actuelle, on utilise de plus en plus des piézomètres « préfabriqués » dont la mise en place est très facile. Dans cette catégorie, nous citerons les piézo-
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Piézomètres et mesures piézométriques
mètres Casagrande (USA) et le piézomètre Géonor mis au point par le Norvegian Geotechnical Institute.
Figure II.5. Piézomètres « Casagrande ».
Figure II.6. Piézomètre « Géonor ».
Dans les piézomètres Casagrande, la crépine est constituée, soit par un élément de céramique de 25 cm de longueur et de 50,8 mm de diamètre (type A), soit par un élément de plastique poreux de 30 cm de longueur et de 19 mm de diamètre (type B). Ces crépines sont montées sur un tube piézométrique rigide de forte section en chlorure de polyvinyle (diamètre intérieur 12,7 ou 19 mm, diamètre extérieur 25 mm). La mise en place se fait comme pour un piézomètre traditionnel, mais au lieu de noyer la crépine dans un filtre de granulométrie étudiée, on se contente simplement d’un lit de sable de 30 cm de hauteur environ. Le bouchon d’étanchéité est réalisé comme nous l’avons décrit plus haut. Il existe également une crépine type C de même constitution et de mêmes dimensions que le type B, mais protégée par un tube galvanisé perforé en acier doux d’un diamètre intérieur de 19 mm. Cet élément est muni dans sa partie supérieure d’un embout destiné à recevoir un tube d’acier doux de 2,5 cm de diamètre, et à son extrémité inférieure d’une pointe cémentée (Fig. II.5). Ce piézomètre peut être battu dans les terrains meubles ou foncé en fond de forage, mais c’est là un système de mise en place que nous déconseillons. Dans la catégorie de ces piézomètres, indiquons, à titre d’exemple, la gamme des piézomètres CP avec filtre en plastique de la société Roctest-Télémac.
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LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Le modèle CP15 est constitué d’un tube en plastique poreux de 38 mm de diamètre et d’une longueur de 150 à 600 mm avec une porosité uniforme de 60 micromètres, et le modèle CP1 d’un tube en plastique poreux de 19 mm de diamètre et de 350 mm de longueur. Le piézomètre Géonor schématisé sur la figure II.6 est constitué par une pointe filtrante en bronze fritté de 33 mm de diamètre et de 22 cm de longueur et d’un tube piézométrique souple en Rilsan de 6,35 mm de diamètre intérieur. Cette tubulure est protégée par un tube métallique de 33 mm qui prend appui sur la pointe filtrante, ce qui permet le battage. Ces piézomètres peuvent être mis en place de la même façon que les piézomètres Casagrande dans un forage, où même battus directement dans le sol vierge si celui-ci est suffisamment meuble. Il y a lieu toutefois de signaler que le battage de pointes piézométriques est à proscrire si celles-ci ne sont pas munies d’un élément de protection télescopique. En effet, la pénétration continue dans un sol fin et cohérent risque de produire un colmatage du filtre et de fausser par la suite toutes les mesures.
II.2.2. Mesures dans les piézomètres ouverts Les mesures piézométriques dans un piézomètre ouvert se ramènent à de simples mesures de niveaux d’eau. On dispose, à cet effet, d’un certain nombre d’appareillages et de méthodes qui permettent de distinguer deux types de mesures: – les mesures directes de niveau d’eau qui peuvent être soit manuelles et ponctuelles, ce qui est le cas des mesures à la sonde électrique, soit continues et basées sur les mouvements d’un flotteur, ce qui est le cas des mesures limnigraphiques (ou limnimétriques); – les mesures indirectes qui consistent à mesurer les pressions hydrostatiques en un point quelconque situé au-dessous du niveau de l’eau.
II.2.2.1. Mesures à la sonde électrique Toutes les sondes électriques sont basées sur le même principe. Deux électrodes alimentées en courant continu sont descendues dans le tube piézométrique. Dès qu’elles arrivent au contact de l’eau, le circuit électrique s’établit et transmet un signal en surface. Dans la gamme de ces appareils, nous citerons la sonde Solétanche alimentée par 3 piles de 1,5 volt et qui fonctionne dans des eaux de résistivité comprise entre 0,3 et 1000 ohmmètres, et la sonde électronique Fondasol qui comprend (Fig. II.7): – un plongeur; – un double décamètre avec fils électriques incorporés; – un boîtier de mesure.
58
Piézomètres et mesures piézométriques
Le plongeur est constitué d’un tube creux en bronze de 25 mm de diamètre extérieur à l’intérieur duquel vient se loger un petit cylindre en bronze de 8 mm de diamètre revêtu d’un tube plastique isolant. Deux fils électriques sont soudés à chacun des éléments en bronze. conducteurs
enrouleur
fiche
potentiomètre
lampe témoin
double-décamètre
boîtier de commande
tube piézométrique
corps du plongeur
gaine isolante
doigt du plongeur
Figure II.7. Sonde électronique « Fondasol ».
Ces deux fils électriques suivent un ruban décamétrique et sont raccordés en surface au boîtier de mesure par l’intermédiaire d’une fiche din étanche.
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LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Le boîtier de mesure comprend deux piles de fonctionnement de 4,5 volts. Il s’agit de piles classiques du commerce. Chacune de ces piles alimente deux amplificateurs à transistors montés en série. Un transistor T1 amplifie le signal issu du plongeur lorsqu’il est en contact avec un liquide. L’amplification est réglée par un potentiomètre de 100 kW placé entre la base et l’émetteur du transistor T1. Le transistor T2, commandé par le signal de sortie du transistor T1, fournit, par l’intermédiaire d’une des piles, le courant au témoin, qui, dans le cas présent, est une lampe 3,5 V-0,2 A. À l’état propre, la résistance du plongeur est infinie. Après avoir été plongé dans une eau fortement chargée en sel, il reste une certaine résistance résiduelle et, pour conserver la sensibilité de l’appareil, il convient de réduire le courant, entre base et émetteur de T1, en diminuant la résistance du potentiomètre. Au contraire, si l’on est en présence d’une eau pure, il convient de supprimer la liaison artificielle entre base et émetteur, afin de donner le maximum de résistance au potentiomètre. On peut donc utiliser l’appareil dans une gamme de résistivité très étendue.
II.2.2.2. Mesures limnimètriques On désigne par limnimètre ou limnigraphe un appareillage qui permet de suivre et d’enregistrer les mouvements d’un flotteur placé dans un tube piézométrique. Les mouvements du niveau de l’eau sont transmis en surface par un dispositif approprié. Dans les dispositifs simples, que nous qualifierons d’artisanaux sans conférer à ce terme le moindre caractère péjoratif, la transmission se fait soit par un train de tige rigide et léger (aluminium), soit par câble. Dans le premier cas, un curseur solidaire du train de tige permet de repérer les variations de niveau sur une règle graduée fixée sur le tube de revêtement du piézomètre. Dans le second cas, le câble, enroulé sur une poulie de retour, est tendu par un contrepoids sur lequel est fixé un index permettant le repérage des niveaux (Fig. II.8). C’est d’ailleurs sur ce principe que sont conçus les limnigraphes enregistreurs les plus utilisés, tel que le limnigraphe OTT R16 qui comprend: un flotteur de 40 ou 80 mm de diamètre et un boîtier d’enregistrement que l’on fixe directement sur le tube piézométrique. Le flotteur transmet les fluctuations de la nappe au boîtier par l’intermédiaire d’un fil tendu par un système de ressort ou de contrepoids.
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Piézomètres et mesures piézométriques
Le déroulement du fil actionne un curseur à encre qui trace, en fonction du temps, la courbe des variations de niveau sur un tambour à axe vertical actionné par un mouvement d’horlogerie (Fig. II.9). L’électronique a permis un perfectionnement particulièrement intéressant du limnimètre OTT qui, avec le codeur-enregistreur Thalimèdes, permet une acquisition automatique et continue des mesures pendant trois mois au pas de temps d’une minute. Grâce à une sortie classique, les données acquises peuvent être traitées immédiatement par micro-ordinateur.
poulie de retour
tube index contrepoids Q rainure
puits
Figure II.8. Principe du limnigraphe à câble.
Figure II.9. Limnigraphe mécanique enregistreur.
Il ne s’agit là que d’un simple exemple, car la plupart des limnimètres actuels bénéficient de tels perfectionnements. Bien que le nom de limnimètre soit en général réservé aux dispositifs à flotteur, nous verrons plus loin que certains systèmes d’enregistrement graphique des variations de niveaux piézométriques sont encore appelés limnimètres alors qu’ils utilisent des capteurs de pression.
61
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
II.2.2.3. Mesures indirectes par bullage Ce type de mesures est basé sur le principe suivant: lorsqu’un gaz sous pression barbote doucement dans un liquide, c’est-à-dire lorsque le gaz qui provient d’une tubulure immergée s’échappe bulle à bulle, la pression relative du gaz (par rapport à la pression atmosphérique) est égale à la pression hydrostatique au niveau de l’orifice: p = γw h
(II.3)
Un appareil de mesure par bullage comprend donc (Fig. II.10). – une bouteille de gaz comprimé (en général de l’azote insoluble dans l’eau); – un boîtier de mesure avec manomètre enregistreur; – un tube plongeur.
boîtier de mesure
azote comprimé
h
Figure II.10. Schéma d’un dispositif de mesure par bullage.
62
Piézomètres et mesures piézométriques
On travaille en général avec un très faible débit de gaz, ce qui permet de faire des mesures de très longue durée. Parmi ces systèmes de bullage, nous citerons le dispositif OTT d’origine allemande et l’appareillage français Neyrpic. Comme pour les limnigraphes, on dispose maintenant d’enregistreurs automatiques numériques qui permettent le stockage des données avec possibilité de transfert et de traitement sur ordinateur. C’est le cas, par exemple, de l’appareillage Orphimèdes de la Société OTT qui peut être utilisé dans des piézomètres de 30 mm de diamètre intérieur. Si l’on doit faire des mesures simultanées et continues sur plusieurs piézomètres, il faut prévoir un enregistreur par piézomètre.
II.2.2.4. Mesures indirectes par capteurs de pression Capteurs à diaphragme Ils sont constitués d’un cylindre métallique à l’intérieur duquel se trouve un diaphragme déformable. La déformation de ce diaphragme sous l’effet de la pression hydrostatique est mesurée, soit par la variation de résistance électrique d’une jauge de déformation, soit par la variation de la fréquence de vibration d’une corde vibrante. Un étalonnage préalable du capteur permet alors d’évaluer la pression hydrostatique p en fonction de la déformation mesurée. La relation (II.3) permet ensuite de calculer la hauteur de la nappe au-dessus du capteur, d’où l’on déduit la cote ou la profondeur de la nappe au-dessous du niveau du sol puisque l’on connaît la cote ou la profondeur du capteur. La sonde est descendue dans le tube piézométrique à l’aide d’un câble électroporteur connecté, en surface, sur un boîtier qui effectue l’acquisition des données suivant un pas de temps programmé par l’utilisateur. Ce boîtier stocke en mémoire toutes les mesures et une sortie classique permet de transférer sur un micro-ordinateur toutes les données stockées et de les traiter à l’aide d’un logiciel approprié. Parmi les appareillages à jauge, nous citerons, à titre d’exemple, le piézographe Lutz, la sonde LIM ou le capteur XENOM, et parmi les systèmes à cordes vibrantes les sondes Télémac dont nous aurons l’occasion de parler plus longuement à propos des piézomètres à volume constant. Capteurs piézorésistifs Ces capteurs permettent un mesurage direct de la pression hydrostatique en transformant la réponse d’une cellule piézorésistive à semi-conducteur, en un signal électrique. Comme pour les capteurs à diaphragme ou le bullage, la position de la nappe se déduit de la pression par la relation (II.3).
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LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
À ce type de capteurs correspondent, par exemple, les capteurs allemands OTT qui existent en 24 mm de diamètre et 30 cm de longueur pour les grandes profondeurs et en 50 mm de diamètre et 23 cm de longueur pour les faibles profondeurs jusqu’à 10 mètres, ou le capteur SEBA type DS, également allemand, dont le diamètre est de 24 mm et la longueur 17,5 cm (poids 0,5 kg) et qui permet des mesures jusqu’à 100 mètres de profondeur. Bien que le terme de limnigraphe s’applique surtout aux dispositifs à flotteurs avec enregistrement graphique, Seba-Hydrométrie et Ott ont équipé des limnigraphes avec leurs capteurs de pression.
II.2.3. Temps de réponse d’un piézomètre ouvert La mise en place d’un piézomètre s’accompagne toujours d’une variation de la pression de l’eau dans le sol et cela d’autant plus que le terrain encaissant est moins perméable. Ce phénomène est évident lorsque le piézomètre est mis en place par battage ou par fonçage, mais s’il est simplement posé dans un forage, la pression de l’eau de forage et l’action du carottier produisent des effets analogues quoique de moindre amplitude. De plus, dans les terrains peu perméables, si le fonçage est réalisé à l’air comprimé, comme c’est souvent le cas, l’eau est chassée du trou et il se crée une dépression importante. Sous l’effet du gradient hydraulique résultant de cette dépression, le niveau de l’eau monte dans le tube piézométrique avec un débit instantané égal au débit de percolation dans la crépine, ou plus exactement dans la cavité de sol dans laquelle elle se trouve. Or, il est bien évident que ce débit est proportionnel, d’une part, à la différence entre la charge hydraulique créée par la perturbation liée à la réalisation du piézomètre et la charge initiale d’équilibre de la nappe, et, d’autre part, au coefficient de perméabilité du sol. Pour que la relation entre le débit et ces deux paramètres soit homogène, il faut que le coefficient de proportionnalité ait la dimension d’une longueur. Il est alors toujours possible d’admettre que ce coefficient est lui-même proportionnel au diamètre du piézomètre. Lorsque la perturbation se réduit à une simple variation de l’eau dans le piézomètre, le débit est proportionnel à la différence entre le niveau de l’eau du piézomètre et celui de la nappe. On peut donc mettre le débit qui traverse la paroi de la cavité sous la forme: Q = mkzB • z est la charge hydraulique (Fig. II.2); • B est le diamètre de la crépine ou de la cavité de filtration;
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(II.4)
Piézomètres et mesures piézométriques
• m est un nombre sans dimension fonction du rapport L/B entre la longueur de cette cavité et son diamètre, rapport que l’on appelle l’élancement. Nous démontrerons la formule (II.4) de façon rigoureuse et dans toute sa généralité dans le chapitre suivant, à propos de l’essai Lefranc, mais nous pouvons d’ores et déjà indiquer que pour L > 1,2 B, on a: L 2π --B m = ----------------------------------------2 ⎛L ⎞ L ln ⎜ --- + -----2 + 1⎟ ⎝B ⎠ B Si, pendant le temps dt, le niveau de l’eau dans le tube piézométrique de section dz S s’élève de dz, le débit correspondant S ----- , est égal au débit de percolation dans dt la cavité, d’où d’après la relation (II.4): dz S ----- = – mkzB dt soit encore: mkB dz ----- = – ----------- dt S z Si on prend pour origine des temps le moment où le forage est terminé, c’est-àdire le moment où commence la remontée de l’eau, et pour z0 la profondeur de l’eau dans le tube au-dessous du niveau statique initial de la nappe, c’est-à-dire avant la réalisation du forage, on obtient après intégration: mkB
– ----------- t z ---- = e S z0
(II.5)
Le temps de réponse qui correspond à z = 0 est donc infini. En pratique, on définit le temps de réponse pour une valeur de z très faible par rapport à z0 par exemple z telle que ---- = 0 ,05 , ce qui donne: z0 3S S t = ----------- ln 20 ≅ ----------mkB mkB
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LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
C’est ainsi que si l’on considère un piézomètre type Casagrande dont le diamètre de la crépine est de 50,8 mm, et celui du tube piézométrique de 12,7 mm, mis en –8
place dans une argile de coefficient de perméabilité k = 10 m/s , on obtient: –4
S = 1 ,27 ⋅ 10 m
2
m = 13 ,6
⎛ pour ⎝
⎛ --L- ≈ 5⎞ ⎞ ⎝B ⎠⎠
d’où: t = 55.147 secondes ≈ 15 heures Pour un piézomètre Géonor, le même calcul avec: –4
S = 0 ,32 ⋅ 10 m
2
B = 0 ,033 m
m = 16
donne: t = 5 heures. Ces valeurs sont loin d’être instantanées. Mais si l’on considère, toujours dans la même argile, un piézomètre traditionnel de diamètre intérieur 40 mm, et dont la crépine est réalisée dans un forage de 90 mm de diamètre avec un élancement de 3, le calcul précédent donne un temps de réponse de 4,7 ≈ 5 jours et ce temps peut atteindre près de 2 mois si k = 10–9 m/s. En revanche, si la perméabilité du sol atteint 10–5 m/s, le temps de réponse ne sera plus que de 7 minutes. Dans un sable où k ≈ 10–3 m/s, la réponse devient quasi instantanée. Tout ceci montre qu’un relevé piézométrique effectué dès la fin de la mise en place du piézomètre risque, selon les terrains, de donner des résultats sans aucune signification. C’est pourquoi la norme NFP-94.157-1 stipule, dans son article 6, que les mesures ne devront commencer qu’après un délai de repos d’un jour en terrain perméable et d’une semaine en terrain peu perméable. On remarque sur l’équation (II.5) que le temps de réponse ne dépend pas de la valeur de la variation de la charge, mais uniquement du rapport entre la charge résiduelle à l’instant t et la charge initiale, c’est-à-dire du pourcentage de dissipation de la charge initiale.
II.3. PIÉZOMÈTRES À VOLUME CONSTANT Les valeurs particulièrement élevées du temps de réponse des piézomètres ouverts en terrain peu perméable sont essentiellement dues au déplacement d’un volume d’eau important. On a donc cherché à limiter le plus possible ce volume et l’on a conçu des piézomètres dits à volume constant qui peuvent être de trois types: – hydraulique; – à contre-pression; – à diaphragme.
66
Piézomètres et mesures piézométriques
Les piézomètres à volume constant ont fait l’objet d’une norme française Afnor NF P 94-157.2 homologuée le 20 février 1996 sous le titre Mesures piézométriques – Partie 2: « Sonde de mesure de pression interstitielle ».
II.3.1. Piézomètres hydrauliques Ce sont des piézomètres du type ouvert dans lesquels on a placé un manomètre à l’extrémité du tube. Pour que la pression qui règne dans l’eau interstitielle au niveau de la crépine puisse se transmettre rapidement au manomètre, il suffit de remplir le tube piézométrique d’un liquide incompressible qui est le plus souvent de l’eau, mais qui peut aussi être de l’huile (Fig. II.11). Désignons par: • u* la pression interstitielle absolue autour de la cellule piézométrique, c’est-à-dire la pression égale à la pression gravitaire de l’eau augmentée de la pression atmosphérique; • u la pression interstitielle relative autour de la cellule piézométrique, c’est-à-dire la pression comptée à partir de la pression atmosphérique ou, en d’autres termes, la pression due au seul poids de l’eau; • pa la pression atmosphérique; • γ le poids volumique du fluide de remplissage du dispositif de mesure; • γw le poids volumique de l’eau. Selon la conception du dispositif de mesure utilisé, la pression lue sur ce manomètre est: – soit la pression absolue que l’on désignera par p*; – soit la pression relative p = p∗ – p a .
P
hw
h
u
Figure II.11. Piézomètre hydraulique.
La pression absolue est toujours positive, mais la pression relative peut être négative. On a alors: p∗ ≥ 0 ⎫ ⎬ p ≥ – pa ⎭
(II.6)
67
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
L’équilibre des pressions à l’intérieur et à l’extérieur de la cellule permet d’écrire: u∗ = u + p a = p∗ + γh
(II.7)
Avant toute perturbation de l’équilibre hydrostatique, par la réalisation du forage ou par les dispositions de mise en place de la cellule, la pression interstitielle relative u0 au niveau de cette cellule est due à la seule présence de la nappe. On a donc (Fig. II.11): u0 = γw hw
(II.8)
La variation ∆u de la pression interstitielle entre l’état perturbé et l’état initial ∆u = u – u 0 , décroît en fonction du temps et tend vers zéro. Lorsque ∆u a atteint la valeur nulle, l’équilibre hydrostatique est rétabli et l’équation (II.7) devient: u 0 + p a = γ w h w + p a = p∗ + γh d’où l’on tire: p∗ – p γ h w = -----------------a + ----- h γw γw
(II.9)
et: p∗ = p a – ( γh – γ w h w ) La première des inégalités (II.6) implique donc que l’on ait: γh – γ w h w ≤ p a
(II.10)
c’est-à-dire: γ p h – ----w- h w ≤ -----a γ γ Si le fluide de remplissage est de l’eau, les relations (II.9) et (II.10) deviennent: p∗ – p h w = h + -----------------a γw
(II.11a)
p h – h w ≤ -----a γw
(II.11b)
Comme h – hw n’est autre que la distance entre le manomètre et le toit de la nappe, la relation (II.11b) montre que dans une nappe libre, le dispositif ne peut fonctionner que lorsque la profondeur de la nappe au-dessous du manomètre, c’est-à-dire
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Piézomètres et mesures piézométriques
dans la plupart des cas au-dessous du sol (à la hauteur du manomètre près), est p inférieure à -----a ≈ 10 mètres. γw Dans la pratique courante, on admet que cette profondeur limite est de l’ordre de 8 mètres. Par ailleurs, comme dans une nappe libre on a toujours hw < h, il résulte de (II.11a) que p* doit être inférieur à pa. En pression relative la relation (II.11a) devient: p h w = h + ----γw
(II.11c)
En nappe libre, la pression relative est alors négative. En nappe subaffleurante (h ≈ hw), et en négligeant la hauteur du dispositif de mesure, on a: p* = pa ou: p=0 Les limites de variation des pressions mesurées pour une nappe libre sont donc: 0 ≤ p∗ ≤ p a –pa ≤ p ≤ 0 Pour une nappe captive dont le niveau piézométrique est situé au-dessus du manomètre, hw est plus grand que h. On a alors: p∗ > p a
et
p>0
Comme nous l’avons vu en I.6, la présence éventuelle de bulles d’air dans le liquide de remplissage peut entraîner des erreurs importantes sur les mesures. Il convient, par conséquent, de désaérer soigneusement le circuit, ce qui est très difficile dans les piézomètres qui ne comportent qu’une seule colonne. C’est pourquoi ont été mis au point des appareillages avec double tubulure (Fig. II.12). À l’aide d’une pompe ou d’une pression de gaz comprimé peu soluble, on envoie dans le circuit par la tubulure (1) de l’eau désaérée (c’est-à-dire bouillie sous vide) contenue dans un réservoir d’admission. Après avoir rempli la tubulure (1) et la crépine, cette eau remonte par la tubulure (2) jusqu’au réservoir de récupération. Des indicateurs de niveau permettent de vérifier que le volume d’eau récupéré dans le réservoir de retour est égal au volume d’eau injecté, au volume des tubulu-
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LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
res près. Lorsque la désaération est terminée, on branche les deux tubulures sur les manomètres par les by-pass (a) et (b). Quelquefois, on dispose d’un manomètre sur le circuit aller et un deuxième sur le circuit retour. Pour chaque mesure de la pression interstitielle, on devra s’assurer que les deux manomètres fournissent la même indication: s’il n’en est pas ainsi, c’est que la désaération n’est pas complète.
M
réservoir d'alimentation
P pompe de pression
manomètre
réservoir de récupération
1 (a) (b)
2
bouchon étanche (mortier-bentonite-ciment)
crépine
Figure II.12. Principe d’un piézomètre avec dispositif de désaération.
Les piézomètres Casagrande et Géonor peuvent être utilisés en piézomètre hydraulique mais, comme ils ne comportent qu’une seule tubulure, le remplissage et la désaération sont très délicats. Parmi les autres appareillages spécifiquement hydrauliques, nous citerons: • le piézomètre Vasby (Fig. II.13) mis au point par le Swedish Geotechnical Institute dont la crépine en pierre poreuse a un diamètre de 38 mm et une hauteur de l’ordre de 40 mm. Le tube piézométrique est constitué par une tubulure en cuivre de 8 mm de diamètre intérieur. Il est en général mis en place dans un sondage à
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Piézomètres et mesures piézométriques
l’aide d’un train de tiges. Le remplissage qui se fait à l’eau désaérée, avant la mise en place, est très délicat car le circuit ne comprend qu’une seule tubulure. La tête de mesure qui comporte deux manomètres est en général disposée dans un logement enterré pour limiter les variations de température; • le piézomètre Bishop est un appareil à double tubulure qui permet le désaérage du circuit non seulement avant la mise en place, mais encore avant chaque mesure. La crépine (Fig. II.14) en céramique a un diamètre de 44,5 mm et une hauteur de 100 mm. Les tubes piézométriques remplis d’eau désaérée sont en polyéthylène et leur diamètre intérieur est de 2,8 mm. Le dispositif est mis en place dans un forage ou directement, par exemple, dans un corps de remblai en cours d’exécution; purge
raccord pour tube manomètre de vérification
manomètre de mesure
filtre en céramique
eau désaérée
pierre poreuse
Figure II.13. Schéma du piézomètre « Vasby ».
Figure II.14. Crépine du piézomètre « Bishop ».
• le piézomètre à huile suédois, mis au point par le Swedish Geotechnical institute est légèrement différent, dans son principe, des appareils précédents. Il comprend une crépine en carborandum de 48 mm de diamètre et de 100 mm de hauteur battue ou foncée par l’intermédiaire d’un train de tiges de 60 mm (Fig. II.15). Lorsque l’eau a rempli le train de tige, on descend, à l’aide d’un filin, le dispositif de mesure qui se raccorde au filtre. Ce dispositif de mesure est cons-
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LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
titué par un cylindre obturé par une membrane élastique et relié aux manomètres par une tubulure en cuivre de 1,5 mm de diamètre intérieur remplie d’huile peu compressible. Les variations de la pression interstitielle au niveau de la crépine sont transmises à l’huile par les déformations de la membrane. POINTE FILTRANTE - TRAIN DE TIGES
DISPOSITIF DE MESURE
huile membrane
100
filtre 40
Figure II.15. Schéma du piézomètre à huile suédois.
II.3.2. Piézomètres à contre-pression Le principe de ces appareils est basé, soit sur le déplacement d’un index sous l’effet de la pression interstitielle, soit sur la déformation d’une membrane comme dans le cas du piézomètre à huile suédois. En exerçant sur l’index ou sur l’autre face de la membrane une contre-pression qui annule le déplacement ou la déformation, on obtient la valeur de la pression interstitielle par application des équations (II.8) et (II.11a) ou (II.11c).
72
Piézomètres et mesures piézométriques
Nous examinerons les trois appareils à contre-pression qui sont les plus utilisés à l’heure actuelle, tout au moins en France. Piézomètres des laboratoires des Ponts et Chaussées à contre-pression hydraulique La crépine est constituée par une bague en bronze fritté de 42 mm de diamètre, de 224 mm de hauteur et de 6 mm d’épaisseur, coaxiale d’un raidisseur cylindrique solidaire d’une pointe et d’une tête filetée (Fig. II.16). La tête est raccordée à deux tubulures en Rilsan, l’une de 0,7 mm de diamètre intérieur (tubulure 1 de la figure II.16) et l’autre de 0,4 mm. Cette sonde piézométrique peut être posée dans un sondage ou mise en place par battage ou vérinage. D’après M. Peignaud [42] dans les argiles très plastiques, la meilleure méthode de mise en place est celle par vérinage. Mais les pressions interstitielles développées dans le sol par ce procédé un peu agressif mettent plusieurs heures à se dissiper: 5 à 6 heures dans des essais réalisés sur la pénétrante Est de Nantes, et dans les argiles d’Angers. En faisant fonctionner son piézomètre à l’envers, M. Peignaud a appliqué, sur ces deux types de sol, des surpressions connues dont il a mesuré la dissipation qui, dans les deux cas, s’est avéré être de l’ordre d’une heure. Les tubulures Rilsan peuvent être coupées au-dessus du tubage et le piézomètre fonctionne alors en piézomètre ouvert. Dans ce cas, c’est la tubulure (1) qui est surtout utilisée car c’est elle qui a le plus grand diamètre. Pour fonctionner en piézomètre à volume constant, on adapte un robinet A à l’extrémité de la tubulure (1) et un té muni de trois robinets B, C et D à l’extrémité de la tubulure (2). Une fois le piézomètre en place, on ouvre les robinets B, C et D et on procède au remplissage en injectant dans le circuit, par le robinet A, de l’eau désaérée dont l’excédent s’évacue par D. Lorsque le circuit est saturé, on ferme D et on laisse pendant un moment encore l’eau poursuivre son écoulement par le robinet C que l’on ferme ensuite, ainsi que A. Après avoir fermé le robinet B, on branche le robinet D sur le tableau de mesure qui comporte un indicateur de niveau à mercure, un manomètre, un réservoir et un vérin. Ce tableau est tout à fait comparable à celui des mesures de la pression interstitielle de l’appareil triaxial. Pour saturer le circuit du tableau de mesure, on abaisse le niveau de mercure par l’intermédiaire de la vis de réglage de façon à permettre la circulation de l’eau entre le réservoir et le robinet C. Cette circulation d’eau s’établit en agissant sur le vérin et l’eau excédentaire s’évacue par le robinet C. On ferme ensuite ce robinet et l’on peut procéder à la mesure.
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LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
tubulures en rilsan 1
2
tubulures
tubage
filtre en bronze fretté
POSITION DE FONÇAGE
b) Pointe filtrante munie du dispositif de protection pour battage
a) Pointe filtrante
1
POSITION DE MESURE
réservoir d'eau
2 C
D
A B
vérin
manomètre
indicateur de niveau à mercure
c) Tableau de mesure
Figure II.16. Schéma du piézomètre LCPC.
74
Piézomètres et mesures piézométriques
Pour ce faire, on ouvre lentement le robinet B. Sous l’action de la pression interstitielle dans le sol, l’indicateur de niveau de mercure est déséquilibré et l’on rétablit l’équilibre à l’aide du vérin. La pression interstitielle est alors déduite de la pression lue sur le manomètre par la relation (II.5). On voit donc que ce piézomètre entre, en fait, dans la catégorie des piézomètres hydrauliques. Ce type d’appareillage présente un certain nombre d’avantages entre autre celui de pouvoir désaérer facilement les circuits et de brancher plusieurs piézomètres sur le même tableau. Mais, comme tous les piézomètres à remplissage à l’eau, il ne peut être utilisé que lorsque la profondeur du niveau statique de la nappe est inférieure à 8 mètres. Piézomètre des laboratoires des Ponts et Chaussées à contre-pression pneumatique La crépine est constituée par un élément filtrant en céramique ou en bronze fritté monté sur une tête de mesure comprenant une chambre de pression interstitielle limitée par une membrane souple qui obture deux orifices sur lesquels sont fixées des tubulures en Rilsan. Ces crépines existent sous trois formes: – le PAC II F de 43,50 mm de diamètre qui est conçu pour être mis en place par fonçage ou vérinage dans les sols fins compressibles. Il est muni à sa base d’une pointe d’angle au sommet 90° et, à son extrémité supérieure, d’un épaulement permettant le raccordement sur un tubage (Fig. II.17a); – le PAC II C qui est destiné à être mis en place en fond de forage. L’élément filtrant est une pastille cylindrique disposée à la base de la tête de mesure (Fig. II.17b); – le PAC II R (piézomètre à réservoir) qui est réservé aux cas où il y a risque de désaturation. Ce piézomètre est constitué par un élément PAC II C solidaire d’un réservoir muni d’un filtre annulaire (Fig. II.17c). Le principe de la mesure est très simple. (Fig. II.18). La pression interstitielle absolue qui s’exerce sur la cellule applique la membrane sur les deux orifices de la chambre de pression. Par l’un de ces orifices, on envoie un gaz comprimé (air, azote ou CO2). Lorsque la pression du gaz est égale à la pression interstitielle, la membrane se trouve en équilibre indifférent, et le gaz s’évacue par la deuxième tubulure. Un manomètre, branché sur la tubulure « aller » indique la pression, et un débitmètre à bille branché sur la tubulure « retour » permet de mesurer le débit de gaz correspondant. L’essai consiste simplement à faire croître la pression jusqu’à obtenir une pression et un débit constant.
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LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
circuit de mesure par contre-pression de gaz
tubulure "retour"
tubulure "aller"
membrane chambre de pression interstitielle (u)
filtre
élément filtrant
u
u
pointe pour le fonçage élément interchangeable
a) Type fonçage circuit de mesure par contre-pression de gaz
circuit de mesure par contre-pression de gaz
retour du gaz
tubulure "aller"
tubulure "retour"
arrivée du gaz
pastille filtrante
u
chambre de pression interstitielle
filtre
filtre membrane
membrane élément filtrant rondelle de fixation
chambre de pression interstitielle
3 vis de butée à 120°
u
b) Type forage
c) Type à réservoir
Figure II.17. Capteurs de pression PAC des LPC.
La valise de mesure, commune aux trois types de piézomètres, est légère et compacte. La précision des mesures est de l’ordre de 0 à + 2 kPa dans la plage 0600 kPa et de 0 à + 5 kPa dans la plage 600 à 2000 kPa.
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Piézomètres et mesures piézométriques
manomètre
manodétendeur
vanne de réglage gaz comprimé
UNITÉ DE MESURE ET DE CONTRÔLE
débitmètre
tubulure "retour"
tubulure "aller"
SONDE À DIAPHRAGME
Figure II.18. Schéma de principe de la mesure par contre-pression.
Comme on utilise un gaz au lieu d’un liquide, aucune correction hydrostatique n’est à faire et l’emploi de ces piézomètres n’est pas limité par la profondeur de la nappe. En ce qui concerne la mise en place, il faut évidemment prendre certaines précautions. Les parois poreuses doivent préalablement être saturées avec une eau désaérée. Pour cela, on les désaère et on les sature en laboratoire sous vide à l’aide d’une pompe à vide (dépression de 90 kPa pendant 15 minutes). On les transporte ensuite immergées sur chantier, par exemple dans un sachet en polyvinyle rempli d’eau, et on les introduit dans le sol sans aucun contact avec l’air. Pour ce qui est des cellules mises en place par fonçage, la désaturation des crépines n’est pas à craindre, car on les utilise en général dans des sols très peu perméables, mais même dans ce cas, on a intérêt à les introduire avec le sachet en polyvinyle qui se déchire très facilement. Pour les cellules mises en place dans un forage, on déverse d’abord dans ce forage un sable fin de type 0/5 mm désaéré par ébullition. On remplit ensuite le forage
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LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
d’eau et on introduit le piézomètre que l’on descend jusqu’au contact du sable. On verse ensuite à nouveau du sable de façon à réaliser une enveloppe de 0,50 m à 1,00 m de hauteur (Fig. II.19).
coulis
sable 0/5
bouchon h=2à3m
cavité h = 0,5 à 1,0 m
Figure II.19. Pose d’un piézomètre dans un forage.
Après un délai d’attente d’environ 1 minute par mètre d’eau dans le forage, on introduit, à l’aide d’un tube plongeur, un coulis de ciment de façon à réaliser un bouchon étanche d’environ 2 à 3 mètres de hauteur. Les laboratoires des Ponts et Chaussées recommandent les dosages suivants: – pour des profondeurs inférieures à 10 mètres – ciment C.P.A. 325 HC ou CPA 400 : 50 kg – eau : 20 litres – interplast : 1 kg – pour des profondeurs comprises entre 10 et 50 mètres – ciment : 50 kg – eau : 33 litres – bentonite : 2,5 kg Il convient de rappeler que la pose d’un piézomètre crée des perturbations qui peuvent durer plusieurs jours. En particulier, le fonçage engendre des surpressions qui peuvent atteindre 200 kPa. Il faudra donc prévoir un certain délai de « cicatrisation » pendant lequel on devra faire des mesures assez rapprochées.
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Piézomètres et mesures piézométriques
Piézomètres Glötzl Le principe des piézomètres Glötzl est le même que celui des PAC II des laboratoires des Ponts et Chaussées. Les cellules perméamétriques se présentent sous la forme d’un cylindre de 40 mm de diamètre et de 35 mm de hauteur. Un filtre en céramique ou en bronze fritté constitue l’une des bases du cylindre et permet à la pression interstitielle d’appliquer une membrane déformable contre les extrémités de deux tubulures en cuivre de 6 mm de diamètre. Il existe également des pointes perméamétriques en acier inoxydable de 30 mm de diamètre et d’angle au sommet 90° (type P.3 SF 10 LAG) qui peuvent se fixer sur un terrain de tiges de battage. La contre-pression peut être soit hydraulique par injection d’huile, soit pneumatique comme dans les cellules des laboratoires des Ponts et Chaussées.
tubulure "aller"
filtre tubulure "retour"
axe des vis de fixation
disque à surface convexe membrane chambre de pression
filtre céramique
Figure II.20. Capteur « Glötzl ».
Le dispositif de mise en pression pneumatique préconisé par le constructeur est un débitmètre à main, mais grâce à un dispositif approprié, les mesures sont faites à débit nul. La sensibilité de cet appareillage est de 2 kPa environ, son étendue de mesure de 0-1000 kPa et sa précision de 5 kPa. On peut également utiliser, avec ces piézomètres, le coffret de mesure des laboratoires des Ponts et Chaussées, mais il faut alors tracer les courbes de réponse des pressions en fonction des débits pour extrapoler au débit nul. Dans le cas d’une contre-pression hydraulique réalisée à l’aide d’une pompe à main mise au point par la société Glötzl, on doit opérer une correction de pression pour tenir compte de la résistance propre de la membrane. Si un essai dans l’air montre qu’il faut une pression p0 pour que le circuit d’huile s’établisse et si la pression lue sur le manomètre en cours d’essai est p, la pression interstitielle mesurée sera:
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LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
u = p – p0 + γ0 h où γ0 est le poids volumique de l’huile. Comme pour les piézomètres hydrauliques, ce piézomètre ne peut évidemment p plus être utilisé lorsque la profondeur de nappe est supérieure à -----a . γ0 Piézomètres Roctest-Télémac Il s’agit de piézomètres pneumatiques dans lesquels la contre-pression est assurée par un circuit d’azote sous pression. Le déplacement volumétrique de la membrane est très faible (< 0,01 cm3), ce qui confère à ce dispositif un temps de réponse très court. Il existe deux modèles de cellules perméamétriques dont les filtres sont soit en métal (bronze ou Inox), soit en céramique, soit enfin en plastique: – le FPC2, qui se présente sous la forme d’un cylindre de 32 mm de diamètre extérieur et de 28 mm de longueur, et qui est conçu pour être installé dans des forages; – le FPC-2D, conçu pour être foncé dans les sols meubles, qui se présente sous la forme d’un cylindre terminé par une pointe et dont le diamètre extérieur est de 32 mm pour une longueur de 52 mm. La pression hydrostatique est obtenue par lecture directe à l’aide d’un poste à affichage numérique PR20 ou PR-20D. Ces deux dispositifs permettent un étendue de mesure de 0-1 MPa, en version normale, ou 0-3,5 MPa, en option.
II.3.3. Piézomètres à diaphragmes électriques ou acoustiques Ils sont basés sur la déformation d’un diaphragme disposé dans la crépine, comme pour les piézomètres LCPC ou Glötzl, mais on n’exerce plus ici de contre-pression. Le diaphragme, en général en acier, est muni de jauges de déformations qui peuvent être à résistance électrique ou à cordes vibrantes. Les déformations de ce diaphragme en fonction des pressions ont été préalablement étalonnées et les courbes d’étalonnage ainsi obtenues traduisent donc la variation de la résistance électrique ou de la fréquence de vibrations des jauges en fonction des pressions appliquées au diaphragme. Le piézomètre Télémac, quoique relevant du même principe, présente toutefois quelques particularités intéressantes.
80
Piézomètres et mesures piézométriques
YHUVOHWDEOHDX G¶DXVFXOWDWLRQ
câble souple ∅ 10 ou 15 mm
UHPSOLVVDJHHQDUJLOHFLPHQW RXDUJLOHFLPHQWVDEOH
corde sonore ∅ 40 mm
IRUDJHFP
315 mm
électros
joint
30 mm
eau
élément poreux
PLQLPXPFP
bloc élastique
UHPSOLVVDJH HQVDEOHSURSUHVDWXUp
FDSVXOHPDQRPpWULTXH&/
poids de l'appareil sans câble : 2,100 kg
Figure II.21. Pointe piézométrique « Télémac ». Schéma de principe (document Télémac).
jFP
ILOWUH HQOHYHUOHPDQFKRQGHSURWHFWLRQ DYDQWO¶LQWURGXFWLRQGHO¶DSSDUHLO
Figure II.22. Mise en place d’un piézomètre « Télémac ».
Les cellules piézométriques les plus anciennes sont constituées par un cylindre en acier de 40 mm de diamètre et de 315 mm de hauteur, terminé à sa base par une pointe surmontée d’un élément poreux cylindrique en céramique (k = 10–7 à 10–9 m/s) ou en bronze fritté (k = 10–5 m/s) qui permet la pénétration de l’eau dans le dispositif. L’élément de mesure est un tube formant ressort entre les deux extrémités duquel est tendue une corde vibrante (Fig. II.21). La pression interstitielle agissant sur la base du ressort fait varier la tension dans la corde. Cette variation est mesurée en surface par un poste d’écoute relié à la pointe par un câble électroporteur à 4 conducteurs dont le diamètre extérieur (gainage) est de 10 mm.
81
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Le dispositif ne peut pas être battu. Il est simplement posé dans un forage de 55 à 60 mm de diamètre, sur un lit de sable d’environ 20 cm et recouvert également de sable sur environ 30 cm. Le bouchon d’étanchéité est réalisé ensuite au-dessus par un coulis d’argile-ciment (Fig. II.22). Avant la mise en place, il faudra évidemment procéder: – à la saturation et à la désaération du filtre par simple immersion dans de l’eau distillée chimiquement pure pour le bronze fritté, par ébullition pendant deux heures pour la céramique. Le remontage de la pointe doit alors se faire sous l’eau; – à une lecture initiale L0 qui se fera avec une pointe maintenue verticale dans un bac plein d’eau, pendant environ 2 ou 3 heures de façon à ce que la température soit à peu très constante. Les cellules piézométriques sont, en général, livrées avec une courbe d’étalonnage donnant la pression qui s’exerce sur le ressort en fonction de la variation de fréquence de la corde, c’est-à-dire en fonction de L – L0 où L désigne la lecture effectuée in situ Comme la courbe d’étalonnage est linéaire, tout au moins pour les postes d’écoute Télémac classiques (types S ou R), il suffit de connaître la pente de cette droite, c’est-à-dire en définitive un coefficient d’étalonnage a. La pression interstitielle est alors: L–L p = --------------0 α Les cellules Télémac type CLX sont constituées par un cylindre en bronze de 208 mm de longueur et de 28 mm de diamètre (poids environ 7 N), mais ne comportent pas de pointe à leur base qui est plate. L’élément poreux est un petit disque circulaire placé sous la base de la cellule et qui existe en deux types selon l’objectif recherché: – bronze fritté pour la mesure de niveaux d’eau dans des tubes piézométriques ouverts ou pour la mesure de pression dans des éléments grossiers; – céramique pour la mesure des pressions interstitielles dans les sols fins ou les argiles. Les coefficients de perméabilité de ces filtres sont de 10–5 m/s pour le bronze fritté avec une pression d’entrée d’air de 10 kPa et de 10–9 m/s pour la céramique avec une pression d’entrée d’air de 450 kPa. Le diaphragme est une membrane élastique en cuivre au béryllium dont la flèche sous l’effet de la pression de l’eau est mesurée par une fine corde vibrante située dans l’axe de la cellule.
82
Piézomètres et mesures piézométriques
Les lectures s’effectuent avec les postes Télémac (PC6, PFC10) et peuvent être centralisées (centrales de mesures). Le faible diamètre de ces cellules permet leur introduction facile dans les forages dont le diamètre minimal requis est de 35 mm, mais le diamètre souhaitable, pour être à l’aise, est de 50 mm. Avec la série CL-1, Roctest-Télémac est revenu au système à membrane auscultée par corde vibrante avec un système d’acquisition de données centralisé, modèle CAF ou SENS-LOG. La fréquence en hertz de la corde vibrante est affichée directement sur le poste de lecture, et la pression est donnée par la relation: 2
2
p = K ( N – N0 ) où: K est le coefficient d’étalonnage; N est la fréquence lue; N0 est la fréquence initiale. Les cellules Roctest-Télémac les plus récentes sont celles de la série PW qui existent en cinq versions correspondant chacune à une utilisation particulière. Elles se présentent sous forme de cylindres de 19 mm de diamètre extérieur avec une longueur de 200 et 213 mm (modèles PWS et PWC), et de 28 mm de diamètre extérieur avec une longueur de 225 mm (modèle PWF). Ces modèles sont destinés à être mis en place dans des forages, ou des remblais en cours de construction. Il existe également un modèle, conçu pour être foncé (PWP), qui est terminé par une pointe et dont le diamètre est de 33 mm et la longueur de 260 mm. Dans ces cellules, les filtres sont soit en acier Inox, soit en céramique. Les mesures sont saisies par un poste portatif MB-6T (L). Dans les piézomètres à corde vibrante, la corde n’a pour but que de mesurer la déformation du diaphragme, à partir de laquelle on évalue la pression hydraulique qui a provoqué cette déformatin. Un perfectionnement récent consiste à supprimer la corde vibrante et à mesurer sans aucun contact, grâce à une fibre optique, le raccourcissement de la dimension axiale de la chambre de pression (cf. Fig. II.20), consécutif à la déformation de la membrane. Ce dispositif permet de mesurer, par interférométrie, des variations de dimension avec une précision de 4 micromètres, c’est-à-dire de ± 1 % de l’étendue de mesure. Ces cellules piézométriques existent en quatre versions dont les longueurs sont de 100 mm et les diamètres de 19 mm pour les versions FOD et FOP-C, et de 25 mm
83
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
de diamètre pour la version FOP-F. Ces trois types de cellules sont destinés à être mis en place dans des forages. Le quatrième modèle (FOP-P), conçu pour être foncé dans les sols fins, est équipé d’une pointe. Son diamètre est de 33 mm et sa longueur de 210 mm. Les piézomètres électriques ou acoustiques, quels qu’ils soient, sont particulièrement intéressants, car leur temps de réponse est très court du fait du très faible volume d’eau mis en jeu (réponse pratiquement instantanée), et il n’y a aucune purge ni désaération de circuit à effectuer. La seule précaution à prendre concerne le maintien de la saturation de la cellule piézométrique. Les mesures sont en général fidèles et précises et peuvent être réalisées quelle que soit la profondeur du niveau de la nappe. En revanche, ils présentent l’inconvénient d’être d’une utilisation délicate et leur prix reste relativement élevé.
II.3.4. Piézomètres continus Pour tenter de résoudre les difficultés posées par l’étude des nappes superposées et mesurer, dans un même forage, les pressions interstitielles à différents niveaux, le bureau d’études Coyne et Bellier a mis au point un piézomètre continu appelé « Piézofor », qui est d’ailleurs surtout utilisé en site rocheux. Nous n’entrerons pas dans le détail de ce dispositif et nous nous bornerons à en donner le principe: On met en place dans un sondage une membrane élastique que l’on soumet à une pression intérieure supérieure à la pression maximale supposée des différentes nappes. Pour mesurer séparément la pression de ces nappes, on introduit par l’intermédiaire d’un sas et à l’aide d’un câble électroporteur une sonde de mesure cylindrique qui comprend (Fig. II.23): – deux obturateurs distants d’environ 60 cm qui, après gonflage, permettent d’isoler un élément de forage de hauteur équivalente constituant la cavité de mesure proprement dite; – une pompe à débit contrôlé qui assure le gonflage des obturateurs et qui permet de faire varier le volume de la cavité de mesure; – des capteurs qui mesurent les pressions dans les obturateurs et dans la cavité de mesure.
84
Piézomètres et mesures piézométriques
FkEOHFRQGXFWHXUHWSRUWHXU VWXIILQJER[
REWXUDWHXU
VDV PDQRPqWUHGHFRQWU{OH WrWHG DFFURFKDJHGXWXEH RXGHODPHPEUDQHGLODWDEOH
PHPEUDQHGpIRUPDEOH
PHPEUDQHGLODWDEOH
FDSWHXUGHSUHVVLRQ
REWXUDWHXU
SRPSHjGpELWFRQWU{Op
WXEHRXPHPEUDQHGpIRUPDEOH 3 S
REWXUDWHXU
REWXUDWHXU
SRLQWHDPRYLEOH
HPERXWGHOHVWDJH HWGHFHQWUDJH
a) principe de la sonde
b) sonde complète en place dans un forage
Figure II.23. Sonde de mesure du Piézofor.
La sonde étant descendue à la profondeur désirée et les obturateurs gonflés, on fait décroître la pression à l’intérieur de la cavité jusqu’à ce que la membrane déformable commence à se décoller des parois du forage (Fig. II.24).
85
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
p1 1 p2
2 P p p
p
pi
n
a) Mise en place de la membrane
b) Mise en équilibre des pressions
c) Réalisation d’un profil de pression
Figure II.24. Principe de fonctionnement du Piézofor.
Sous l’effet de la poussée extérieure de la nappe, la pression à l’intérieur de la cavité recommence à croître et tend à se stabiliser à la pression de la nappe. Une fois la stabilisation atteinte, on augmente légèrement la pression à l’intérieur de la cavité. Cette pression se met alors à décroître et ainsi de suite. Quelques alternances de mise en pression et de décompression permettent de déterminer la pression de la nappe rapidement et avec une bonne précision. On enregistre ainsi une courbe analogue à celle de la figure II.25.
86
Piézomètres et mesures piézométriques
pression (bars) 5
compression
4,2 4
décompression
3
2
1
0 0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
11
12
13 temps (min)
Figure II.25. Mesure de la pression interstitielle dans la cavité par compression et décompression alternées.
En déplaçant la sonde dans le forage, la membrane dilatable restant fixe, on peut dresser un profil quasiment continu des pressions hydrostatiques. L’opération délicate reste la mise en place des membranes, surtout dans les sols à faible cohésion. Les essais réalisés à ce jour semblent s’avérer très satisfaisants, mais le coût de l’appareillage et de l’opération est élevé.
II.3.5. Temps de réponse d’un piézomètre à volume constant Le temps de réponse d’un piézomètre à volume constant se calcule à peu près comme celui d’un piézomètre ouvert, sous réserve de l’introduction d’un nouveau paramètre qui est le « coefficient volumétrique » de l’appareil que l’on désigne par: dV λ = ------dσ
(II.12)
où dV est la variation du volume d’eau qui, en pénétrant dans le piézomètre, entraîne une variation dσ de la pression indiquée par ce dernier. Cette variation de volume est essentiellement due à la déformation des tubulures et à celle des lames des manomètres. Le coefficient volumétrique, dont la valeur est en principe fournie par les constructeurs pour chaque appareil, se mesure en laboratoire. Il suffit pour cela d’ob-
87
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
turer le piézomètre à sa base et de mettre en pression le liquide de remplissage avec un dispositif permettant de lire les variations de volume correspondantes. C’est exactement ce que l’on fait pour déterminer le coefficient de compressibilité interne d’un pressiomètre, et on peut même utiliser le pressiomètre pour mesurer le coefficient volumétrique des tubulures d’un piézomètre. Les courbes représentatives des variations de volume V en fonction des pressions sont, dans un très large domaine, des droites passant par l’origine (Fig. II.26). V (cm3)
10 ml de Rilsan 7/10 1,6 1,4 1,2 1,0 0,8 0,6
10 ml de Rilsan 4/10
0,4 0,2 0 0
1
2
3
4
5
σ (bars)
Figure II.26. Résultat des mesures du coefficient volumétrique du piézomètre LCPC.
Le coefficient volumétrique cherché est égal à la pente de ces droites. Sa valeur est essentiellement fonction de la nature et de la géométrie des tubulures (diamètre et longueur). Dans la plupart des cas elle varie de 10–12 à 5.10–11 m3/Pa. Le calcul du temps de réponse qui a été fait par Hvorslev est alors très simple: – soit u0 la pression interstitielle que l’on cherche à mesurer et soit s la pression indiquée par le piézomètre à l’instant t. La pression qui, à cet instant, engendre le mouvement de l’eau vers la crépine, est: p = u0 – σ (II.13) soit une charge: p h = ----γw
(II.14)
D’après la formule (II.4), le débit instantané qui pénètre dans la crépine est: p q = mk ----- B (II.15) γw
88
Piézomètres et mesures piézométriques
Ce débit peut encore s’écrire en vertu de (II.13) et (II.14): dp dσ dV q = ------- = λ ------ = – λ -----dt dt dt
(II.16)
D’où, en égalant (II.15) et (II.16): dp p – λ ------ = mk ----- B dt γw Si à l’origine des temps la pression donnée par le piézomètre est σ0, l’intégration de cette équation donne immédiatement: p---= e p0
mkBt – ------------λγ w
(II.17)
avec p 0 = u 0 – σ 0 . Si l’on remarque que pour un piézomètre ouvert on a: S λ = ----γw
( S = section du tube piézométrique )
l’équation (II.17) conduit immédiatement à l’équation (II.4). On met quelquefois cette expression sous la forme: p 1 – ----- = 1 – e p0
mkBt – ------------λγ w
Si on assimile la crépine à une sphère de rayon équivalent rs, comme l’a fait Hvorslev, on obtient: p 1 – ----- = 1 – e p0
4πr s kt – ---------------λγ w
(II.18)
puisque alors m = 2 π. Le calcul précédent suppose le sol incompressible. Gibson l’a généralisé en prenant en compte la compressibilité du sol et en supposant une crépine sphérique.
89
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
0
X
XU S UV U
Figure II.27. Distribution de la pression interstitielle à un instant donné autour d’une crépine sphérique.
L’écoulement de l’eau vers la crépine obéit à la théorie de la consolidation et en coordonnées sphériques doit satisfaire à l’équation: 2 γ ∂u ∂ u 2 ∂u -------2- + --- ------ = -----w- -----kE ∂t r ∂r ∂r Les conditions aux limites sont au nombre de trois: u = u0 au temps t = 0 u = u0
pour r = ∞
∀r > r s ∀t
Le débit, à l’instant t, qui pénètre dans la crépine doit être égal au débit qui sort du terrain. Cette condition peut s’exprimer de la façon suivante: Considérons deux surfaces sphériques voisines de rayon r et r + dr sur lesquelles les pressions interstitielles sont u et u + du. Le gradient de charge sur la surface de rayon r est donc égal à: 1 ∂u j = ----- -----γ w ∂r En particulier au niveau de la crépine, on aura: 1 ∂u j = ----- ⎛ ------⎞ γ w ⎝ ∂r ⎠ rs La vitesse de pénétration de l’eau dans la crépine est alors égale, d’après la loi de k ∂u Darcy, à ----- ⎛ ------⎞ et le débit qui percole à travers la crépine est donc: γ w ⎝ ∂r ⎠ rs k ∂u 2 q = 4πr s ⋅ ----- ⎛ ------⎞ γ w ⎝ ∂r ⎠ rs
90
Piézomètres et mesures piézométriques
D’où, en vertu de (II.16): dσ k ∂u 2 4πr s ⋅ ----- ⎛ ------⎞ = λ -----dt γ w ⎝ ∂r ⎠ rs C’est la troisième condition aux limites. Gibson a traduit les résultats de son calcul sous forme d’abaques (Fig. II.28) donp nant l’évolution du pourcentage de stabilisation 1 – ----- en fonction de µT et de p0 µ2T où: 3
Cv t 4πr kE µ = -----------s et T = ----------2 t = ------2 λE γw rs rs T étant le facteur temps dans la théorie classique de la consolidation pour une couche d’épaisseur rs drainée sur une seule face. La courbe µ = 0 correspond au cas du terrain incompressible (E = ∞) et représente donc le calcul de Hvorslev. On constate sur ces abaques, ou sur la forme même des équations, que le temps de réponse est d’autant plus court, à perméabilité égale, que le rayon de la crépine est plus grand et que le coefficient volumétrique du piézomètre est plus petit. Les calculs précédents appliqués aux piézomètres Géonor et Bishop pour une argile incompressible et de très faible perméabilité, par exemple k = 10–10 m/s, avec une cavité filtrante de 10 cm de diamètre et 50 cm de hauteur donnent des temps de rép ponse de 4 minutes à 2 heures pour 1 – ----- = 0 ,95 , selon que λ = 10–12 m3/Pa ou p0 λ = 5.10–11 m3/Pa. Dans une argile de perméabilité k = 4.10–10 m/s, le temps de réponse du piézomètre LCPC, toujours pour une stabilisation à 95 %, est d’environ 1 heure. Enfin, on peut admettre que les réponses des piézomètres électriques ou acoustiques sont quasi instantanées, ainsi que celles des piézomètres à contre-pression pneumatiques.
91
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
100
100 (1 –
P
P0
)
µ = 0,7 µ=2 µ=0
µ = 10 50
µ = 0,04 µ=2
0 0,001
0,01
0,1
1
µT =
4πrskt
10
λγw
100
µ = 10
P 100 (1 –
P0
)
µ=∞ µ=4
50
0 0,01
µ=2
0,1
1
10
100
µ 2T
Figure II.28. Abaques de « Gibson » donnant le temps de réponse d’un piézomètre.
92
Piézomètres et mesures piézométriques
II.4. MESURE DES PRESSIONS INTERSTITIELLES AU PIÉZOCÔNE II.4.1. Principe et réalisation de l’essai au piézocône Le piézocône n’est pas un véritable piézomètre et les essais qu’il permet de réaliser ne sont pas des essais d’eau stricto sensu. Néanmoins, il trouve sa place ici car il permet d’obtenir des renseignements intéressants sur le comportement hydraulique des sols et, moyennant une procédure appropriée, de mesurer, dans les sols fins, les pressions interstitielles à partir desquelles il est possible d’évaluer des niveaux de nappe. Nous avons vu précédemment que la mise en place de piézomètres perturbait l’équilibre initial des nappes, et que ce sont les méthodes par battage et fonçage qui sont les plus agressives car elles induisent dans les sols fins et meubles, c’està-dire dans les argiles, des pressions interstitielles souvent importantes. Ce phénomène n’a pas échappé aux géotechniciens qui font des essais au pénétromètre statique et qui se sont interrogés, depuis longtemps déjà, sur la représentativité des termes de pointe qu’ils mesuraient, compte tenu de ces pressions interstitielles sur la valeur desquelles ils n’avaient aucune idée. C’est pourquoi, dès 1976, Louis Parez a imaginé une pointe pénétrométrique spéciale permettant la mesure continue des pressions interstitielles en cours de fonçage. Depuis cette date, la technologie et les procédures expérimentales ont évolué et ont même fait l’objet d’une norme française Afnor homologuée le 5 novembre 1995 sous le numéro NF P 94-119 et intitulée Essai au piézocône. La pointe du piézocône comporte de bas en haut: – un cône transmettant la réaction du sol à un premier capteur électrique; – une bague poreuse en métal fritté pour prise de pression; – un deuxième capteur électrique ultra sensible à membrane; – éventuellement un manchon de frottement. Dans le piézocône Parez, cette pointe existe en deux diamètres 36 et 45 mm, mais c’est la pointe de 36 mm qui est rigoureusement conforme à la norme européenne avec une hauteur de filtre de 5 mm (Fig. II.29). La pointe de 45 mm a tout à fait la même apparence, mais son capteur de pression est plus gros et plus précis. Cette pointe peut également être montée avec un filtre tronconique placé sur le cône lui-même. Dans les deux pointes la membrane du capteur ultrasensible est en silicium. Les données des différents capteurs sont transmises à un micro-ordinateur portable étanche, à très haute vitesse de saisie, et stockées en mémoire. On peut alors visualiser sur l’écran, en temps réel, les courbes d’évolution des différents paramètres mesurés et procéder ensuite à un traitement de toutes les données acquises.
93
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
tiges dt
tube de garde dp
ei
liaison avec dispositif de protrection et d'étanchéité
lp
corps de pointe
ls
manchon de frottement
pointe
ds
filtre
ec ej
h0
e0 ei
liaison avec dispositif de protection et d'étanchéité partie cylindrique
hc
partie conique
cône
α
dc
Figure II.29. Schéma de la pointe piézoconique (document Afnor).
Les paramètres mesurés à un niveau et à instant donnés sont les suivants: – l’effort total de pénétration Qt – l’effort apparent sur le cône Qc – l’effort total de frottement Qst = Qt – Qc – l’effort local de frottement sur le manchon Qs Q – le terme de pointe apparent q∗c = ------c où Ac est la surface de la base du cône; Ac Q – le frottement latéral unitaire local f s = ------s où As est la surface latérale du As manchon;
94
Piézomètres et mesures piézométriques
– la pression interstitielle de pénétration u par rapport à la pression atmosphérique. Cette pression interstitielle peut être inférieure à la pression atmosphérique, donc négative. Qt
manchon de frottement
Qc prise de pression interstitielle
dispositif de protection et d'étanchéité
Qu
σv0
Qu
σv0
filtre
dj u u0 avant l'essai
au moment de l'essai cône
dc
QT
Figure II.30. Schéma de l’extrémité de la pointe (document Afnor).
Le traitement numérique des données permet de calculer en outre: • la résistance totale de pointe à la base du cône Q c + ( A c – A u )u A - = q c + ⎛ 1 – -----u⎞ u q c = ------------------------------------⎝ A c⎠ Ac où Au est la surface de la section transversale du cône au-dessus de sa partie cylindrique (Fig. II.30). • le coefficient de pression interstitielle u–u Bq = ---------------0qc – q0 où u0 est la pression hydrostatique initiale au repos (avant toute perturbation due au fonçage) et à la même profondeur que le cône et q0 la contrainte verticale totale du sol en place correspondante.
95
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
La variation u – u0 s’exprime en valeur algébrique. D’une façon générale, l’essai au piézocône s’effectue de la même manière qu’un essai de pénétration statique, c’est-à-dire conformément à la norme française Afnor NF P 94-113. Il nous paraît toutefois nécessaire de rappeler brièvement quelques points importants concernant la réalisation de l’essai. La réponse du capteur de pression doit être très rapide, beaucoup plus rapide que celle des cellules piézométriques à volume constant. Pour cela, la membrane de la cellule doit être très raide. Dans le piézocône Parez, la déformabilité de la membrane est de 10–3 mm3/bar, alors que dans les cellules piézométriques, elle est de l’ordre de 1 mm3/bar. La norme NF P 94-119 stipule dans son article 5.2.5 que la variation de volume, pour la totalité de la plage de mesure doit être inférieure ou égale à 0,2 mm3. Le cylindre filtrant et la chambre de mesure doivent être parfaitement saturés: la présence d’une seule bulle d’air peut fausser les mesures dans des proportions appréciables. C’est pourquoi, la mise en place de la pointe dans le sol est très délicate. On réalise en général un avant-trou depuis la surface du sol jusqu’à une profondeur de 0,20 m au-dessous de la nappe. La pointe, fixée à la base de son train de tige, parfaitement saturée et protégée par une membrane gonflable récupérable ou par un sac en matière plastique plein d’eau, est descendue dans l’avant-trou jusqu’au-dessous du niveau de la nappe. Elle est ensuite enfoncée dans le sol selon les procédures de la norme sur les essais de pénétration statique. Une amélioration particulièrement intéressante de la procédure expérimentale, et qui figure d’ailleurs dans la norme NFP-94.119, consiste à arrêter l’essai en cours de fonçage à différents niveaux et à mesurer, à l’arrêt, l’évolution de la pression interstitielle en fonction du temps, si possible jusqu’à sa stabilisation. Nous reviendrons plus loin sur ce point.
II.4.2. Interprétation de l’essai au piézocône À l’origine, le piézocône a été imaginé pour permettre de mesurer la variation des pressions interstitielles en cours de pénétration afin d’appliquer une correction au terme de pointe et au terme de frottement pour avoir une valeur plus exacte de ces paramètres.
96
Piézomètres et mesures piézométriques
Cette variation de pression peut être positive dans les sols fins peu perméables, c’est-à-dire dans les sols contractants, ou négatives dans les sols serrés au-dessus de leur densité critique, c’est-à-dire dans les sols dilatants. Plus tard, on s’est aperçu que la pointe se comportait à peu près comme un drain vertical et on a cherché à déduire de l’essai les caractéristiques hydrauliques des sols, à savoir le coefficient de consolidation radiale Cvr, et le coefficient de perméabilité horizontale kh. On a pu même approcher un ordre de grandeur de l’angle de frottement interne ϕcu (cisaillement consolidé non drainé). Il s’est avéré, par la suite, que cet essai devait pouvoir permettre une approche des risques de liquéfaction des sables saturés, lors de séismes.
II.4.2.1. Corrections théoriques Les expressions théoriques des corrections à apporter au terme de pointe et au frottement ont été établies dès 1976 par L. Parez, M. Bachelier et B. Séchet [2.16] à partir des expressions classiques de ces paramètres. C’est ainsi que pour le terme de pointe, on a: qc =
∑ ( γD ) N
q
C + ----------- ( N q – 1 ) tan ϕ
(II.19)
Dans un milieu à la fois cohérent et frottant, la cohésion, pendant la pénétration, devient: C cu + ∆u tan ϕ cu où ϕcu désigne l’angle de frottement interne dans un essai consolidé et non drainé. On en déduit: ∆q c =
∑ ( γD )N
q
C cu + ∆u tan ϕ cu + ------------------------------------( Nq – 1 ) tan ϕ cu
d’où: ∆q c = ∆u ( N q – 1 ) Dans un milieu purement frottant, on a de même:
∑ ( γD )N
q
∆u tan ϕ cu - ( Nq – 1 ) = + ---------------------tan ϕ cu
∑ ( γD )N
q
+ ∆u ( N q – 1 )
Or: qc =
∑ ( γD )N
q
97
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
d’où: qc N q = -----------------( γD )
∑
Il en résulte donc: qc -–1 ∆q c = ∆u -----------------( γD )
(II.20)
∑
Cette dernière relation permet, en principe, d’opérer directement la correction à partir de qc et de Σ (γD). Des exemples de correction sont donnés sur la figure II.31.
0
0
5
10
15
20
25
30
qc (MPa)
qc (MPa) 35
0
0
5
10
15
U en m d'eau 1
1
2
2
U en m d'eau 3
eau
0
5
10
eau
0
5
10
15
3
15
4
4
5
5
∆u > 0
∆u > 0 6
6
7
7
8
8
qc
9
profondeur (m)
profondeur (m)
∆u < 0
∆u < 0
qc corrigé 9
10
10 qc qc corrigé
a) Limons alluvionnaires
b) Sables moyens
Figure II.31. Terme de pointe corrigé (document Sols-Essais).
La méthode utilisée pour déterminer les termes correctifs ∆qc appelle évidemment quelques réserves concernant la représentativité de la formule (II.19) qui tendrait à montrer que le terme de pointe varie linéairement en fonction du poids
98
Piézomètres et mesures piézométriques
des terres γD. Or on sait maintenant qu’à partir d’une certaine profondeur, dite profondeur critique, le terme de pointe reste pratiquement constant. On remarquera toutefois sur l’équation (II.20) que si ∆u = – Σ(γD) on a: q c + ∆q c =
∑ ( γD )
ce qui est la définition de la boulance. En ce qui concerne le frottement latéral, on a, d’après Caquot et Kerisel: q s = s 3 ( ϕ ) + cs 5 ( ϕ ) On en déduit, tous calculs faits: ∆q s = ∆u ( 1 + sin ϕ cu ) tan ϕ cu e
⎛π --- + ϕ cu⎞ tan ϕ cu ⎝2 ⎠
II.4.2.2. Détermination des caractéristiques hydrauliques Estimation du coefficient de consolidation horizontale Lorsqu’en cours de fonçage, on arrête la pénétration, la pression interstitielle mesurée sur le capteur du piézocône décroît en fonction du temps pour se stabiliser à la valeur u0 = γwz correspondant à la charge piézométrique au repos. Cette valeur de u0 permet de préciser le niveau de la nappe. U Um
arrêt fonçage
U50
U0
0 tm
t
t50
Figure II.32. Évolution de la pression interstitielle après arrêt du fonçage.
En cours de fonçage, la zone plastique est limitée, selon les théories classiques, par une spirale logarithmique dont l’équation est de la forme: ρ = ρ0e
θ tan ϕ cu
99
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
avec: B ρ 0 = ---------------α 2 cos --2 où α est l’angle au sommet du cône et B son diamètre (Fig. II.33). La tangente verticale à cette spirale est située à une distance Rmax de l’axe du pénétromètre telle que: ⎛π
R max
α
On constate que pour 0 ≤ ϕ cu ≤ 25° , on a: 1 ,5B ≤ R max ≤ 3 ,45B avec en moyenne: Rmax = 2,59 B ≈ 2,6 B B = 2r
bague frittée et capteur U
∆u
capteur de pointe qc
R
Figure II.33
100
⎞
cos ϕ cu ⎝ --2- + --2- + ϕcu⎠ tan ϕcu B -e = --- 1 + --------------α 2 sin --2
Piézomètres et mesures piézométriques
En fait, L. Parez et al. considèrent le cylindre équivalent au volume limité par la spirale logarithmique et par les deux plans horizontaux passant par les extrémités du capteur de pression. Le rayon R de ce cylindre équivalent est donc inférieur à Rmax. Ces auteurs [2.16] admettent alors, d’une part, que pour une gamme étendue d’argile on peut prendre R = 2 B et, d’autre part, que la surpression interstitielle ∆u se manifeste uniquement dans la zone plastique. Le piézocône se comporterait alors comme un drain vertical dont le rayon d’action serait égal à R et la hauteur égale à celle de la cellule piézométrique. D’après la théorie des drains verticaux, le coefficient de consolidation horizontale est: 2
4R T C vr = --------------r ∆t r où Tr est le facteur temps fonction du degré de consolidation ∆Ur et du rapport R 2R --- = ------- , et ∆tr le temps correspondant à ∆Ur. De la courbe expérimentale donr B nant l’évolution de u en fonction du temps (Fig. II.32) on déduit, par exemple: um – u0 - = ∆U 50 ∆U r = ---------------2 ∆t r = t 50 – t m = ∆t 50 R Pour --- = 4 , et ∆U50 la théorie donne: r T r = 0 ,03 Évaluation du coefficient de perméabilité horizontale Pour évaluer le coefficient de perméabilité horizontale kh Parez et Bachelier [2.17] passent par l’intermédiaire du module œdométrique E0 en revenant à la définition du coefficient de consolidation: E0 kh C vr = ---------γw où γw désigne le poids volumique de l’eau. Le Cvr ayant été déterminé comme précédemment, on en déduit: C vr γ w k h = -----------E0
101
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Résultats comparatifs Les résultats comparatifs sont encore peu nombreux. Parez et Bachelier [2.15] donnent ceux qu’ils ont obtenus sur deux sites distincts: • Site I (silts argileux) – piézocône:
Cvr = 1,35.10–6 et 2,15.10–6 m2/s kh = 7,4.10–9 et 4,2.10–9 m/s
– calcul à partir des tassements réels:
Cvr = 4.10–6 m2/s
• Site II (silts argileux) – piézocône:
Cvr = 1,08.10–6 m2/s kh = 5.10–9 m/s
– œdomètre à drain central sur silt argileux: Cvr = 1,5.10–6 m2/s kh = 10–8 m/s – calcul à partir des tassements réels: Cvr = 1.10–6 m2/s La concordance est tout à fait correcte et les résultats très encourageants; • Site II (silts sableux) – piézocone:
Cvr = 0,7.10–5 et 1,2.10–5cm2/s kh = 0,7.10–7 et 1,2.10–7 cm/s
II.5. DOMAINES D’APPLICATION DES DIFFÉRENTS PIÉZOMÈTRES La principale qualité demandée à un piézomètre est d’avoir le plus faible temps de réponse possible. Cette condition est toujours remplie dans les terrains très perméables où l’on utilise en général des piézomètres ouverts en présence d’une nappe libre, et des piézomètres hydrauliques dans une nappe captive pour autant que le niveau piézométrique de cette nappe soit supérieur à celui du terrain naturel. Dans ce dernier cas, on pourra, certes, mettre en place des appareils type Casagrande ou Géonor, mais on pourra également se contenter d’équiper d’un simple manomètre les tubes piézométriques usuels (par exemple des tubes métalliques 40/43). Dans le cas d’une étude de nappe libre superficielle en terrain perméable (nappes alluviales) s’il s’agit simplement de mesurer les fluctuations du niveau phréatique en fonction du temps, sous l’action de divers agents naturels (température, conditions atmosphériques, etc.) ou artificiels (pompages). Les mesures piézométriques en piézomètres ouverts ne posent pas de problème et restent peu coûteuses.
102
Piézomètres et mesures piézométriques
En revanche, dans l’étude des mouvements de l’eau en terrain peu perméable, il faut procéder à des mesures très fines et utiliser absolument les piézomètres à volume constant. L’utilisation de ces piézomètres s’impose en particulier pour la mesure des pressions interstitielles dans le cadre d’études de stabilité générale (fondations, pentes naturelles, remblais, barrages en terre, etc.) et dans le contrôle de la consolidation de couches compressibles sous charges imposées par les constructions. Des résultats très intéressants ont été acquis dans le domaine de la prévision du comportement des remblais sur sols compressibles, grâce à la mise au point des piézomètres à contre-pression ou à corde vibrante. Ces appareillages, d’un intérêt scientifique indéniable sont de mise en œuvre et d’utilisation délicate, et sont d’un coût relativement élevé, mais ils sont précis et très fiables, et s’avèrent, dans un grand nombre de cas, absolument nécessaires. Dans ces terrains, le piézocône présente un très grand intérêt, car il permet de déterminer la présence éventuelle de minces couches de sable et d’étendre à tout un chantier, et à toutes profondeurs, les mesures ponctuelles qui auront pu être réalisées, en ce qui concerne les coefficients de consolidation (œdomètre) ou les coefficients de perméabilité (essais Lefranc). Nous avons vu, par ailleurs, que cet essai, qui n’a pas encore dit son dernier mot, devrait permettre d’approcher les risques de liquéfaction des sables en zone sismique.
103
CHAPITRE III
Essai Lefranc
III.1. DÉFINITION ET PRINCIPE DE L’ESSAI L’essai Lefranc est un essai qui permet d’évaluer ponctuellement le coefficient de perméabilité d’un terrain aquifère supposé homogène et isotrope, et qui ne peut être réalisé qu’au-dessous de la nappe. Il consiste: – à créer une charge différentielle, par rapport à la charge correspondant au niveau initial de la nappe, dans une cavité de dimension connue préalablement réalisée dans le terrain à la base d’un forage et aménagée de telle sorte que la filtration de l’eau engendrée par cette charge différentielle ne se fasse que par les parois de cette cavité et non par celle du forage; – à mesurer l’évolution, en fonction du temps, de cette charge différentielle qui peut être produite, soit par le prélèvement, soit par l’apport, dans la cavité, d’un débit d’eau constant. (Fig. III.1). L’essai Lefranc ne permet de déterminer qu’un coefficient de perméabilité local dont la valeur peut être nettement différente de celle du coefficient de perméabilité en grand et n’est applicable qu’aux terrains dont la valeur de ce coefficient de perméabilité est supérieure à environ 10– 6 m/s. Comme il s’agit d’un essai rapide et relativement peu coûteux, on peut en multiplier le nombre, ce qui donne des renseignements précieux sur la structure et sur l’hétérogénéité des terrains.
105
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Q
Q
nappe au repos
dH H
H dH Dw
z0
Qs
a) par pompage
Qs
b) par injection
Figure III.1. Principe de l’essai Lefranc.
L’essai Lefranc comprend trois phases: – la réalisation de la cavité de filtration; – l’exécution de l’essai proprement dit; – l’interprétation des mesures. Cet essai a fait l’objet d’une norme française NF P 94-132 homologuée le 20 septembre 2000 sous le titre Essai d’eau Lefranc. Pour bien montrer que le coefficient de perméabilité déterminé avec l’essai Lefranc peut, en terrain hétérogène, être différent de celui obtenu avec des essais de pompage ou avec d’autres essais, les rédacteurs de la norme ont désigné ce coefficient par kL. Dans ce qui suit, nous continuerons, pour simplifier l’écriture, à le désigner par k.
III.2. RÉALISATION DE LA CAVITÉ DE FILTRATION La réalisation de la cavité est peut-être l’opération la plus délicate de l’essai Lefranc et ses modalités pratiques d’exécution dépendent de la nature du sol.
106
Essai Lefranc
III.2.1. Sols doués de cohésion Dans un terrain très cohérent où, malgré la présence d’eau, il n’est pas nécessaire de tuber le forage pour assurer la stabilité de sa paroi, on réalise la cavité en isolant un élément de forage en fond de trou, à l’aide d’un obturateur dilatable ou d’un bouchon d’argile, la cavité proprement dite, située au-dessous de ce bouchon, ayant été préalablement remplie d’un matériau filtrant (gravillon). Dans le cas où l’étanchéité est réalisée par un bouchon d’argile il est pratique d’introduire dans le forage un tube de plus petit diamètre, perforé à sa base sur une hauteur égale à la hauteur souhaitée pour la cavité. On met alors en place le filtre dans l’espace annulaire et on réalise le bouchon, au dessus, en prenant toutes les précautions nécessaires pour éviter le colmatage du filtre (Fig. III.2). Ce dispositif peut être facilement adapté à l’obturateur dilatable. TN
nappe
tube d'écoulement
obturateur ou bouchon étanche matériau filtrant
Figure III.2. Cavité en terrain cohérent.
Lorsque la cohésion est médiocre ou faible, le forage doit être tubé et c’est le tubage qui assure l’étanchéité des parois du forage. Il convient alors d’utiliser un tube entièrement lisse avec un sabot de même diamètre, sans aucun débordement, biseauté vers l’intérieur. Si la cohésion, quoique faible, est encore suffisante pour assurer l’équilibre de la paroi du forage, sur une certaine hauteur au-dessous du tubage, la réalisation de la cavité ne pose pas de problème. Mais c’est là un cas assez rare.
107
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
III.2.2. Sols sans cohésion Dans les sols sans cohésion, c’est-à-dire dans les sols granulaires, on dispose de trois méthodes dont les deux premières sont rigoureusement conformes à la norme. Utilisation du manchon Lefranc
tubage
manchon
bouchon d'argile
obturateur
Figure III.3. Manchon Lefranc.
Un manchon perforé, revêtu intérieurement d’une toile métallique pour éviter la pénétration des éléments fins pendant la réalisation du forage, est fixé sur le tubage à 1,50 m environ au-dessus du sabot. Lorsque le manchon a atteint le niveau désiré, on obture la base du tubage soit à l’aide d’un obturateur gonflable, soit par un bouchon d’argile damée. Il est possible qu’en cours de forage les orifices du manchon soient obstrués. Pour les déboucher, il suffit de créer une onde de choc dans le forage en laissant tomber en chute libre une curette de forage ou une masse tige à l’extrémité de laquelle est fixée une rondelle ou un cylindre de bois d’un diamètre très voisin du diamètre intérieur du tubage. L’onde de choc qui se produit au contact de l’eau devra en principe déboucher le manchon. Cette opération, qui sera répétée quatre ou cinq fois, pourra utilement être précédée d’un lavage soigné du tubage. Une variante très pratique consiste à descendre le tube de forage normal jusqu’au niveau de l’essai. Après avoir bien nettoyé, on introduit dans le forage, un tube de
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Essai Lefranc
plus petit diamètre crépiné à son extrémité et dont la base est fermée par un bouchon étanche. On relève ensuite le tube de forage d’une longueur égale à la hauteur de la crépine. Une fois l’essai terminé, on retire le tube intérieur et on poursuit normalement le forage. Méthode du filtre en gravillon
0,50 m environ
a) perforation avec remontée possible de sable
b) mise en place du gravillon sur 0,50 m
c) remontée de la colonne sur 20 à 30 cm
Figure III.4. Réalisation d’un filtre en gravillon.
Cette méthode est plus fréquemment utilisée que celle du manchon. Elle s’applique à tous les sols granulaires et en particulier aux terrains sableux qui risquent de remonter dans le tube de forage. Le tubage est arrêté au niveau de l’essai On met en place au fond du trou un filtre en gravillon beaucoup plus perméable que le terrain. Dans les sables, on pourra utiliser par exemple du gravillon 5/10 mm, mais il est préférable de respecter la condition de filtre que nous précisons dans le chapitre VIII, à propos de l’essai de pompage. On donne à ce filtre une hauteur d’environ 50 cm puis on remonte le tubage d’environ 20 à 30 cm. On a réalisé ainsi une poche maintenue par le gravillon et dont
109
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
on connaît la hauteur exacte (remontée de la colonne) et une valeur suffisamment approchée du diamètre (diamètre extérieur du tube). Méthode du trépan à injection Les méthodes précédentes, qui sont conformes à la norme, permettent de réaliser l’essai soit par pompage1, soit par injection1, mais la méthode du trépan à injection ne permet que l’essai par injection à charge constante et s’applique essentiellement aux terrains granulaires. Le forage est réalisé selon les méthodes habituelles jusqu’à la profondeur de l’essai. Lorsque cette profondeur a été atteinte, on introduit dans la colonne un trépan à injection branché sur une pompe à fort débit. Tout en injectant, on communique au trépan un mouvement de va-et-vient vertical qui crée ainsi une poche. Lorsque la poche est jugée assez profonde, on remonte légèrement le trépan en le bloquant très approximativement au milieu de la poche, tout en continuant à injecter. On poursuit l’injection jusqu’à ce que l’eau qui remonte soit devenue claire. C’est alors que peut commencer l’essai sans aucune interruption avec la phase préparatoire, l’injection expérimentale proprement dite se faisant par le trépan lui-même, comme nous le verrons plus loin (Fig. III.7). Une fois l’essai terminé, tout en continuant à injecter, on laisse tomber le trépan en chute libre, ce qui permet de repérer exactement le fond de la poche. Connaissant la longueur du tubage, on peut donc déterminer avec une approximation suffisante, la hauteur de la cavité de filtration. On admettra que son diamètre est égal au diamètre extérieur du tubage.
III.3. RÉALISATION DE L’ESSAI On entend souvent parler d’essai Lefranc à charge variable et d’essai Lefranc à charge constante, mais ces expressions sont ambiguës et peuvent prêter à confusion, car on ne peut dissocier la charge hydraulique du débit. En effet, sous un débit constant, la charge varie d’abord en fonction du temps, c’est ce que l’on appelle le régime transitoire, puis se stabilise, c’est ce que l’on appelle le régime permanent dans lequel la charge et le débit sont constants. On ne maîtrise pas la durée du régime transitoire qui, dans certains terrains, peut être très longue, ni la valeur de la charge correspondant au régime permanent lorsque celui-ci a pu être atteint en un temps raisonnable. Inversement, si l’on veut imposer, dès le début de l’essai, une charge constante fixée à l’avance, il faut alors 1. Conformément à l’usage courant, nous appellerons, dans la suite de cet ouvrage, les
essais par prélèvement essais par pompage et les essais par apport d’eau essais par injection.
110
Essai Lefranc
faire varier le débit, ce qui est plus facile lorsqu’on opère par injection que par pompage.
III.3.1. Essai normal On appelle essai normal un essai réalisé selon les spécifications de la norme française NF P 94-132. Cette norme a mis un peu d’ordre dans l’ensemble des pratiques usuelles qui, jusqu’alors, manquaient pour le moins d’homogénéité, et variaient d’un organisme à l’autre (lorsque ce n’était pas d’un expérimentateur à l’autre) sans que ces variations aillent toutes, tant s’en faut, dans le sens de la rigueur et de la qualité! La commission de normalisation soucieuse de limiter, sinon d’éviter, le laxisme qui, peu à peu, gagnait du terrain, a introduit dans cette norme des spécifications qui permettent d’assurer une meilleure qualité de l’essai et une représentativité plus sûre de ses résultats. C’est ainsi que, unanimement consciente des risques de colmatage dans le cas d’essais par injection, la commission, au sein de laquelle les avis étaient néanmoins nuancés sur ce sujet, a mis en garde contre une telle pratique en privilégiant l’essai par pompage et en ne considérant l’essai par injection que comme un cas extrême. L’intention est louable, mais le texte actuel, bien que nous ayons participé à sa rédaction en tant que membre de la commission, ne nous paraît pas avoir mis suffisamment en évidence les inconvénients liés au pompage. Notre propre expérience nous a montré en effet, d’une part, que dans les sables et dans certaines formations sablo-graveleuses les essais par pompage provoquent, plus souvent qu’on ne le pense, des entraînements d’éléments fins et des renards qui se traduisent soit par des colmatages, soit par des débourrages, et, d’autre part, que dans les essais par injection les colmatages de cavités se produisent surtout dans les sols granulaires fins dont les coefficients de perméabilité sont inférieurs à environ 5.10–5 m/s alors que pour des perméabilités plus élevées ces risques sont nettement moins fréquents. Très souvent des essais par injection nous ont permis de sauver des campagnes de reconnaissance pour lesquelles nous avions prévu des essais par pompage qui, sur le terrain, se sont avérés irréalisables, et d’obtenir des résultats parfaitement représentatifs. Il faut donc se montrer, dans le choix de la méthode, à la fois vigilant et nuancé. Fort heureusement, grâce aux possibilités offertes par l’informatique, nous avons pu, il y a quelques années déjà, mettre au point des méthodes d’interprétation qui, nous le verrons plus loin, permettent d’apprécier la représentativité de l’essai et d’apporter, dans un très grand nombre de cas, des éléments correctifs qui conduisent à des résultats très fiables. Ces méthodes tendent actuellement à se généraliser en France, et cela d’autant plus qu’elles ont été introduites dans la norme.
111
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Que l’on procède par pompage ou par injection, la réalisation proprement dite de l’essai est très simple, mais il importe auparavant d’évaluer avec le plus grand soin le niveau statique de la nappe au repos, car cette donnée est très importante dans l’interprétation de l’essai. Il ne suffit pas, en effet, de se contenter de mesurer le niveau de l’eau dans le forage immédiatement avant l’essai car, compte tenu du temps de réponse du forage (cf. chapitre II), ce niveau n’est pas celui de la nappe au repos, mais celui d’une nappe localement perturbée par la réalisation du forage lui-même, quelle que soit la méthode de forage utilisée. Il faudrait alors mesurer la variation de ce niveau en fonction du temps jusqu’à stabilisation, ce qui peut être relativement long et s’avérer incompatible avec le déroulement du chantier. Comme il est très rare que, pour une reconnaissance de sol, on ne réalise qu’un seul forage, il faudra procéder à des mesures systématiques de niveau d’eau sur l’ensemble des forages pendant toute la durée du chantier. Il est même souhaitable, si certains de ces forages ont été équipés en piézomètres, de poursuivre les mesures après la fin du chantier puisque la connaissance du niveau statique de la nappe n’est nécessaire que pour l’interprétation de l’essai, ce qui, compte tenu du planning de l’étude, peut laisser un peu de temps pour préciser et confirmer ce paramètre. Lorsqu’on réalise les essais par pompage, on peut se contenter d’une simple pompe de surface tant que la profondeur de la nappe n’excède pas 7 à 8 mètres mais, au delà, il faut utiliser une pompe immergée, ce qui conduit à augmenter de façon appréciable le diamètre des forages surtout dans les terrains relativement perméables (B ≥ 200 mm). C’est là une contrainte importante qui ne se rencontre évidemment pas dans les essais par injection, mais en revanche, dans ces essais, il faut pouvoir disposer d’une réserve d’eau suffisante, souvent difficile à prévoir. Quelle que soit la méthode utilisée, pompage ou injection, le mesurage des débits qui se faisait jadis par simple lecture directe dans des bacs gradués ou avec les tubes de Pitot, ces derniers donnant, d’ailleurs, des résultats très précis, se font maintenant avec des débitmètres électroniques qui enregistrent les valeurs des débits en fonction du temps de façon quasi continue, ce qui permet de suivre leurs éventuelles variations et de les réguler pour leur maintenir des valeurs constantes. Toutefois, dans les essais par injection, on peut utiliser un dispositif très simple et très précis, basé sur la théorie des ajutages, et que l’on met en place au-dessus du tube d’écoulement. Ce dispositif est constitué par un premier réservoir cylindrique muni latéralement, à sa base, d’un élément de tube permettant d’évacuer le trop-plein d’eau (Fig. III.5). Ce réservoir, que nous appellerons réservoir d’évacuation, est traversé par un deuxième réservoir concentrique de diamètre plus faible mais de hauteur plus im-
112
Essai Lefranc
portante. Ce deuxième réservoir, soudé au premier et que nous appellerons réservoir d’alimentation, est muni latéralement d’un élément de tube horizontal permettant l’admission de l’eau. Un élément de tube de petit diamètre, fileté à son extrémité, prolonge coaxialement le réservoir d’alimentation. Ce filetage permet d’adapter des bouchons plats percés en leur centre d’un orifice circulaire dont la circonférence est finement biseautée. Ces bouchons sont appelés bouchons calibrés. UpVHUYRLUG pYDFXDWLRQ
WURSSOHLQ UpVHUYRLUG DOLPHQWDWLRQ
DGPLVVLRQG HDX ILOGHVRQGHpOHFWULTXH
+
ERXFKRQFDOLEUp
WXEH39&
î SRXUPHVXUHQLYHDX jODVRQGHpOHFWULTXH
QLYHDXHQFRXUVG HVVDL K
WXEHGHIRUDJHRXG¶pFRXOHPHQW
VRQGHpOHFWULTXH
QLYHDXLQLWLDOGHODQDSSH
/SRFKHGHILOWUDWLRQ
Figure III.5. Dispositif pour essais Lefranc par injection.
113
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
On envoie par le tube d’admission, un débit d’eau quelconque, mais suffisant pour que le réservoir d’alimentation se remplisse et déborde malgré le débit qui s’écoule par l’orifice inférieur. L’eau de débordement est recueillie dans le réservoir d’évacuation et s’échappe par le trop-plein. Ainsi la hauteur d’eau au-dessus de l’orifice inférieur est rigoureusement constante et égale à la hauteur h entre cet orifice et le bord supérieur du réservoir d’alimentation. Le débit qui s’écoule par le bouchon calibré est donné par la formule bien connue de Torricelli: Q = µA 2gh où: • A est l’aire de l’orifice du bouchon calibré; • µ est un facteur d’origine expérimentale, qui caractérise la contraction de la veine liquide; • g est l’accélération de la pesanteur. La hauteur h étant une constante du dispositif, les valeurs de Q ne dépendent que du diamètre des orifices des bouchons calibrés et de la qualité de leur biseautage. Elles ont été déterminées par des étalonnages précis en laboratoire. Cette méthode, qui assure la constance et la précision du débit d’alimentation, est surtout utilisée dans les essais pour lesquels le tube d’écoulement dans la cavité est constitué par le tube de forage lui-même. Dans la pratique courante, elle s’applique donc aux terrains faiblement cohérents et aux terrains essentiellement granulaires, et nécessite des tubes de forage d’au moins 90 à 100 mm de diamètre. Mais les mesures que l’on pourrait qualifier d’actives sont les mesures des variations du niveau de l’eau dans le tube d’écoulement à partir desquelles on calcule les variations de la charge hydraulique dans la cavité. Ces mesures étaient jusqu’à présent (et le sont d’ailleurs encore dans bien des cas) effectuées manuellement à la sonde électrique et la norme NF P 94-132 stipule leur fréquence dans son article 5.2.3: – toutes les minutes pendant les vingt premières minutes; – au-delà, toutes les cinq minutes jusqu’à ce que l’on obtienne trois valeurs successives qui ne diffèrent pas entre elles de plus d’un centimètre; – l’essai est arrêté au bout d’une heure si cette dernière séquence ne s’est pas produite. Mais on utilise maintenant, de plus en plus, des dispositifs de mesure automatiques des niveaux qui enregistrent de façon continue les fluctuations du niveau de l’eau dans les tubes d’écoulement.
114
Essai Lefranc
Lorsque les charges et les débits sont saisis automatiquement, ces mesures, traduites en courbes Q (t) et H (t), peuvent être suivies en temps réel sur un écran de micro-ordinateur portable pendant toute la durée des essais et sont imprimées sur papier pour l’interprétation. Un exemple de sortie « chantier » est donné sur la figure III.6 où l’on voit bien la réaction immédiate du capteur de niveau à la moindre variation de débit. E'2 – niveau 2 – essai 4 10 9 8 7 6
débit (10.m3/h)
5
charge (m) 4 3 2 1 0
0
0,0
3 3,0
5
6,0
3 8 5 27 5 3 2 8 7 17 0 30 5,32 8,33 9,0 12,0 15,1 18,1 21,1 24, 27,1 30,2 33,2 36,2 39, 42, 4 4
temps (min)
Q (m3/h)
h (m)
11,5 16,6
3,67 6,61
Figure III.6. Courbe expérimentale: centrale électronucléaire de Fessenheim.
Lorsque le régime permanent est atteint avec certitude, et seulement dans ce cas, on peut réaliser un deuxième palier de débit, et même plusieurs autres, chaque palier étant poursuivi, si possible, jusqu’à apparition du régime permanent. Nous verrons plus loin, dans l’interprétation, l’intérêt d’une telle procédure. Mais il peut arriver que le régime permanent ait été atteint dans un temps raisonnable pour le premier palier et que le deuxième palier donne un régime transitoire anormalement long. Cela signifie alors qu’il y a eu colmatage au deuxième palier et il ne servirait à rien de réaliser d’autres paliers. Dès que le débit de pompage ou d’injection a été annulé, on doit poursuivre les mesures de variation du niveau de l’eau dans le tube d’écoulement. Dans le cas de mesures manuelles, celles ci doivent être effectuées selon une séquence de temps fixée par la norme: – au moment de l’annulation du débit;
115
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
– 30 secondes après l’annulation du débit; – toutes les minutes pendant un temps égal à la moitié de la durée de l’essai à débit constant non nul. Si, au bout du temps prescrit par la norme, la stabilisation n’a pas été obtenue, nous estimons qu’il faut aller au-delà de cette prescription et continuer les mesures jusqu’à la stabilisation ou jusqu’à un temps correspondant à la durée de l’essai sous débit non nul. Chaque essai doit faire l’objet d’un procès-verbal sur lequel doivent figurer tous les éléments nécessaires à l’interprétation, en particulier: – le nom du chantier; – la date de l’essai; – le numéro du sondage; – la profondeur du niveau statique de la nappe; – les unités de temps et de volume utilisées; – les diamètres intérieurs et extérieurs du tubage; – la profondeur médiane de la cavité de filtration; – la hauteur de cette cavité; – la charge d’essai. La norme NF P 94-132 précise, dans son article 7, toutes les informations qui doivent être fournies.
III.3.2. Essai à charge constante L’essai à charge constante se fait essentiellement par injection car les modalités pratiques de sa réalisation sont alors très simples ce qui explique d’ailleurs pourquoi il fut très utilisé par le passé et ne l’est pratiquement plus aujourd’hui, tout au moins en France, compte tenu des problèmes d’interprétation qu’il pose en cas d’anomalie (colmatage). Il s’impose lorsqu’on réalise la cavité au trépan à injection (§ III.2.2) mais il est applicable quelle que soit la méthode de réalisation de la cavité. Pour réaliser l’essai, il faut disposer, à proximité du forage, d’au moins deux bacs communicants, munis d’un tube gradué en dérivation. Ce tube, destiné à mesurer la variation du niveau d’eau dans les bacs peut être avantageusement remplacé par un capteur à enregistrement automatique. Une pompe à fort débit permet d’injecter l’eau dans le forage, et une surverse assure l’évacuation, dans les bacs, de l’excédent d’eau contenu dans le tubage (Fig. III.7). On pompe dans le bac un débit Q1. La surverse restitue au bac un débit Q2. Le débit réellement injecté dans le sol est alors: Q = Q1 – Q2
116
Essai Lefranc
Ce débit correspond à l’abaissement du niveau d’eau que l’on mesure dans le bac. Plutôt que de disposer de deux bacs communicants, il est préférable d’en avoir trois: l’un dans lequel on pompe, l’autre qui reçoit l’eau de la surverse, le troisième enfin dans lequel on fait les mesures d’abaissement de niveau. Q1 pompe retour excédent d'eau 'injection
bacs de mesures
Q2 eau à injecter
repère gradué
H
colonne d'injection
tubage du forage
cavité d'injection
E
D
Figure III.7. Essai Lefranc par injection à charge constante.
Ces mesures, faites pour des intervalles de temps égaux et choisis en fonction du terrain (faibles pour les terrains perméables, plus importants pour les terrains moyennement imperméables) sont soigneusement notées sur une feuille d’essai, ou enregistrées si la saisie est automatisée. On trace alors la courbe représentative
117
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
des volumes injectés V (t) en fonction du temps ou, ce qui revient au même la courbe de la variation des niveaux de l’eau z (t) dans le bac de mesure. Cette courbe doit être une droite passant par l’origine. La pente de cette droite est égale ou proportionnelle au débit injecté puisque dz dV Q = ------- = S ----- , S étant la somme des surfaces horizontales des bacs. dt dt Lorsque la droite ne passe pas par l’origine, comme sur la figure III.8, c’est qu’il y a eu colmatage brutal de la cavité dès le début de l’essai. Si la courbe se présente sous la forme de deux segments de droites, dont la pente du premier est plus importante que celle du second, c’est qu’il y a eu colmatage de la cavité au bout d’un certain temps, environ un quart d’heure sur la figure III.9. Z (cm) 100
z
h0
75
H = h0 + h1
h1
S
K = 4,315.10 – 4 h2 l
50 D
h0 = 120 cm h1 = 1 300 cm l = 120 cm D = 8,9 cm l/D = 13,5 C = 25,7 S = 5 400 cm3 Q = 140,17 cm3/s
25
0 0
10'
20'
30'
40'
temps
Figure III.8. Barrage de la Barberolle. Essai Lefranc sur F4 à 13,00 m.
Dans le cas contraire, il y a eu augmentation des vides, soit par expansion, soit par entraînement de fines. Les divers phénomènes peuvent d’ailleurs se présenter sur une même courbe comme le montre la figure III.10. Il peut également y avoir colmatage progressif ce qui se traduit par une courbe dont la courbure est dirigée vers l’axe des temps. Dans ce cas, si la courbe semble
118
Essai Lefranc
V passer par l’origine, on trace le graphe de la fonction --- en fonction du temps. Si t V ce graphe est une droite de la forme --- = a + bt , la courbe V (t) est une parabole t dont la pente de la tangente à l’origine est a. C’est cette valeur qu’il faut alors prendre comme débit. Si la courbe expérimentale ne passe pas par l’origine et recoupe l’axe des ordonV–V nées en un point d’ordonnée V0, on tracera le graphe ---------------0 en fonction de t et on t raisonnera comme précédemment. Z (cm) 8
z
h0
H = h0 + h1
6 h1
K = 2,04.10 – 4
S
h2 l
4 D
h0 = 130 cm h1 = 170 cm l = 50 cm D = 8,6 cm l/D = 5,8 C = 14,8 S = 5 400 cm3 Q = 20,77 et 7,8 cm3/s
K = 5,44.10 – 4 2
0 0
10'
20'
30'
40'
temps
Figure III.9. Barrage de la Barberolle, F7 à 4,00 m Essai Lefranc avec colmatage de la poche.
La hauteur de la surverse par rapport au niveau statique de la nappe représente la charge sous laquelle se fait l’écoulement. Comme on impose ici la charge et non le débit, on peut réaliser des paliers de charge en procédant avec trois charges différentes. Pratiquement sur chantier, il suffit de rajouter deux éléments de tubes de 1 mètre environ au-dessous de la surverse ou, mieux, de prévoir trois surverses dont les deux plus basses seraient munies d’une vanne, ce qui évite d’interrompre l’essai.
119
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Z (cm) 100
z
h0
75
H = h0 + h1
h1
K = 6,57.10
S
–4
K = 3,01.10 – 4
h2
50
l D h0 = 210 cm h1 = 150 cm l = 250 cm D = 8,6 cm l/D = 29,07 C = 45 S = 5 400 cm3 Q = 139,5 - 42 - 91,5 cm3/s
K = 1,001.10 – 3 25
0 0
10'
20'
30'
40'
temps
Figure III.10. Barrage de la Barberolle, F2 à 4,00 m. Cas d’un colmatage et décolmatage successif.
Si on veut réaliser l’essai à charge constante par pompage, il faut pouvoir disposer d’un système de régulation de débit permettant de faire varier ce débit jusqu’à obtention d’un équilibre tel que la charge hydraulique dans la cavité, c’est-à-dire que le niveau de l’eau dans le forage soit stabilisé et que le débit reste constant. Cet équilibre correspond évidemment à un régime permanent. Le système de régulation de débit peut consister simplement en l’installation d’un débitmètre enregistreur et d’une vanne sur la canalisation d’exhaure de la pompe, la vanne étant placée à l’amont du débitmètre. La mesure du niveau de l’eau dans la cavité doit se faire, dans ce cas, avec un capteur à enregistrement automatique avec suivi, en temps réel, sur l’écran d’un micro-ordinateur portable. L’essai consiste alors à agir sur la vanne de façon à faire apparaître un palier de charge sur l’écran tout en s’assurant que le débit correspondant est bien constant. D’autres dispositifs peuvent être envisagés comme celui qui consiste à pomper sous un débit constant quelconque, en recueillant les eaux d’exhaure dans un bac muni, à sa base, d’un orifice de purge avec vanne. Un capteur de niveau d’eau à enregistrement automatique est mis en place dans le forage et un autre dans le bac. L’essai consiste à jouer sur la vanne de purge du bac jusqu’à ce que les niveaux de l’eau restent respectivement constants dans le forage et linéaires en fonction du temps dans le bac.
120
Essai Lefranc
Ces essais à charge constante présentent le grave inconvénient de ne pouvoir être interprétés qu’en régime permanent. Or, nous verrons plus loin, que la stabilisation de la charge, donc l’apparition d’un régime permanent, n’est pas un critère de qualité ni de représentativité de l’essai. C’est pourquoi nous déconseillons vivement ce type d’essai et, si nous l’avons mentionné, c’est surtout à titre « historique ».
III.4. INTERPRÉTATION DE L’ESSAI LEFRANC III.4.1. Théorie de l’essai en milieu indéfini, homogène et isotrope III.4.1.1. Équations générales Qu’il s’agisse de l’injection ou du pompage, l’essai est caractérisé par deux paramètres: – l’un qu’on impose, c’est le débit pompé ou injecté dans le forage; – l’autre qu’on mesure, c’est la charge hydraulique dans la cavité. On suppose que les dimensions de la cavité sont suffisamment petites, par rapport à la distance entre son centre et les limites de la nappe, pour que l’on puisse admettre que l’on se trouve en milieu indéfini. Par ailleurs, la surface de la cavité étant une surface de filtration, elle est, par conséquent, une surface équipotentielle à laquelle les lignes de courant sont orthogonales. Bien qu’en pratique la cavité soit un élément de cylindre, on l’assimile à une surface géométrique simple de révolution autour de l’axe du forage. La nature de ces surfaces théoriques, que l’on appellera dans ce qui suit cavités équivalentes, dépend de l’élancement de la cavité réelle, c’est-à-dire du rapport entre sa longueur L et son diamètre B. On pose, pour simplifier l’écriture: L λ = --B qui est donc un nombre sans dimension. Nous verrons plus loin qu’on adopte en pratique la classification ci-après: λ ≥ 1 ,2 à 1 ,5 : ellipsoïde de révolution allongé; λ≈1 : sphère; 1 λ ≈ --: demi-sphère; 2 1 λ < --: demi-ellipsoïde de révolution aplati; 2 λ = 0
: disque plat.
121
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Le problème peut alors être résolu mathématiquement à partir de l’équation de Laplace à laquelle doit satisfaire la charge hydraulique h (x, y, z) en tout point du milieu et qui n’est autre que l’équation de continuité. Puisque la surface de la poche de filtration est une surface équipotentielle particulière, toutes les équipotentielles du réseau appartiennent donc à la même famille géométrique: sphères concentriques si la poche est sphérique, ellipsoïdes homofocaux si la poche est ellipsoïdale, etc. Il est donc logique d’abandonner les coordonnées cartésiennes et d’utiliser un système de coordonnées curvilignes orthogonales dans lequel l’une des surfaces de coordonnées est confondue avec la surface de la poche. Soient alors u, v, w, les coordonnées curvilignes orthogonales d’un point quelconque de l’espace, qui sont liées aux coordonnées cartésiennes par des relations de la forme: x = x (u, v, w) y = y (u, v, w) z = z (u, v, w) Les unités de longueur locales sont alors définies par: ∂x 2 ∂y 2 ∂z 2 2 e u = ⎛ ------⎞ + ⎛ ------⎞ + ⎛ ------⎞ ⎫ ⎝ ∂u⎠ ⎝ ∂u⎠ ⎝ ∂u⎠ ⎪ ⎪ ∂x⎞ 2 ⎛ ∂y⎞ 2 ⎛ ∂z⎞ 2 ⎪ 2 ⎛ e v = ----- + ----- + ----⎝ ∂v⎠ ⎝ ∂v⎠ ⎝ ∂v⎠ ⎬ ⎪ 2 2 2⎪ ∂x ∂y ∂z 2 e w = ⎛ -------⎞ + ⎛ -------⎞ + ⎛ -------⎞ ⎪ ⎝ ∂w⎠ ⎝ ∂w⎠ ⎝ ∂w⎠ ⎭
(III.1)
Un élément de surface normal aux lignes de coordonnées ( v ) ∩ ( w ) , c’est-à-dire porté par la surface u = constante, a pour expression: dσ = e v e w dvdw
(III.2)
On démontre par ailleurs que le gradient d’une fonction scalaire h (u, v, w) a pour expression: 1 ∂h grad u h = ---- ------ ⎫ e u ∂u ⎪ ⎪ ⎪ ∂h 1 grad v h = ---- ------ ⎬ e v ∂v ⎪ 1 ∂h ⎪ grad w h = ----- ------- ⎪ e w ∂w ⎭
122
(III.3)
Essai Lefranc
et le laplacien: ∂ ⎛ e--------∂- ⎛ e-------∂ e v e w- ∂h 1 w e u ∂h⎞ u e v ∂h ⎞ ------⎞ + ----- ------ + ------ ------∆h = --------------- ------ ⎛ --------⎝ ⎠ ⎝ ⎠ ⎝ ∂v e v ∂v ∂w e w ∂w⎠ e u e v e w ∂u e u ∂u
(III.4)
Comme sur une équipotentielle u le potentiel est constant, c’est-à-dire qu’il ne dépend ni de v, ni de w l’équation de Laplace se réduit à: ∂ e v e w- ∂h ------⎞ = 0 ∆h = ------ ⎛ --------∂u ⎝ e u ∂u⎠ Soit en intégrant: e v e w ∂h --------- ------ = A ( v, w ) e u ∂u
(III.5a)
eu ∂h ------ = A ( v, w ) --------∂u ev ew
(III.5b)
d’où:
Pour déterminer la fonction A (v,w) il suffit d’intégrer la relation (III.5b) par rapport à la variable u entre les deux conditions aux limites du problème, c’est-à-dire entre les deux surfaces équipotentielles de coordonnées u0 et u1 sur lesquelles on connaît les valeurs h0 et h1 de la charge. On obtient ainsi: h1 – h0 A ( v, w ) = ----------------------u1 e u --------- du e e v w u
∫
(III.6)
0
La charge h sur la surface de coordonnée courante u est obtenue en intégrant (III.5b) entre u0 et u, d’où: h = h 0 + A ( v, w )
∫
u u0
eu --------- du ev ew
(III.7)
Le débit à travers un élément d’équipotentielle est: 1 ∂h dQ = kgrad u h ⋅ dσ = k ⎛ ---- ------⎞ e v e w dvdw ⎝ e u ∂u⎠ soit encore d’après (III.5a): dQ = kA ( v, w )dvdw Le débit total qui traverse une surface équipotentielle d’aire S est alors: Q = k
∫ ∫ A ( v, w )dvdw
(III.8)
(s)
123
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Les équations (III.6), (III.7) et (III.8) résolvent complètement le problème.
III.4.1.2. Cavité cylindrique allongée: λ > 1,2 à 1,5 On utilise le système de coordonnées de l’ellipsoïde de révolution allongé, dans lequel la distance focale des ellipses méridiennes de la cavité équivalente est égale à 2a. Dans ce système les coordonnées curvilignes orthogonales α, ϕ et θ sont reliées aux coordonnées cartésiennes par les relations: x = a sh α sin ϕ sin θ; y = a sh α sin ϕ cos θ; z = a ch α cos ϕ. Les unités de longueur locales des axes curvilignes sont alors, d’après les équations (III.1): 2
2
e α = e ϕ = a ch α – cos ϕ
e θ = ashα sin ϕ
et
Pour préciser de façon claire les conditions aux limites du problème, nous appliquerons rigoureusement le théorème de Bernoulli en désignant par (Fig. III.11): • z la cote par rapport à un plan horizontal de référence arbitraire d’un point quelconque situé à l’intérieur de la cavité; • pw la pression hydraulique en ce point; • Dw la distance entre ce point et le niveau statique initial de la nappe; • H la distance entre le niveau de l’eau dans le forage (tube d’écoulement) et le niveau statique de la nappe. Q
H Hc Dw
z z=0
Figure III.11. Conditions aux limites.
124
Essai Lefranc
À l’infini, sur le plan horizontal de cote z, la charge hydraulique est: p h ∞ = z + ----w- = z + D w γw À l’intérieur de la cavité, et sur ce même plan horizontal, la charge est: h0 = z + Hc La différence de charge (ou de potentiel) entre le point considéré dans la cavité et le point de même cote à l’infini est alors: h0 – h∞ = ±H (signe + pour l’injection signe – pour le pompage) Elle est donc constante dans la cavité, et c’est cette différence de potentiel qui engendre le mouvement de l’eau. Comme la charge n’est définie qu’à une constante près, on peut choisir le plan de référence que l’on veut, et prendre par exemple le plan horizontal correspondant au niveau statique initial de la nappe avant toute perturbation. On a alors dans ce cas z = – Dw. Les conditions aux limites sont alors: avec – charge à l’infini: h∞ = 0
α = ∞
– charge dans la cavité: h 0 = ± H
α = α0
avec
Nous voyons donc, et nous insistons sur ce point, que H est bien la différence entre le niveau de l’eau dans le tube d’écoulement (forage) et le niveau statique de la nappe, et non entre le niveau à l’intérieur du tube et le niveau dans le sol au contact du tube, comme on l’entend dire parfois. Ceci montre bien la nécessité de repérer très soigneusement le niveau de la nappe au repos. Il résulte alors des équations (III.6) et (III.7) que l’on peut écrire: α
dα α --------ln ⎛ th ---⎞ ⎝ 2⎠ shα h – h0 α0 ----------------- = ----------------- = 1 – ---------------------∞ h∞ – h0 α dα ln ⎛ th -----0⎞ --------⎝ 2⎠ α 0 shα
∫ ∫
soit, finalement, d’après les conditions aux limites ci-dessus: α ln ⎛ th ---⎞ ⎝ 2⎠ h = H ---------------------α ln ⎛ th -----0⎞ ⎝ 2⎠
(III.9)
125
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Pour poursuivre le calcul, il faut définir la distance focale 2a des ellipses méridiennes. Deux hypothèses peuvent alors être envisagées: – soit la distance focale des ellipses méridiennes est égale à la longueur L de la cavité; – soit le grand axe de ces ellipses est égal à L. La distance focale des ellipses méridiennes de la cavité équivalente est égale à la longueur de la cavité réelle. On a donc: 2a = L Dans ces conditions, la relation (III.6) devient: a ( h∞ – h 0 ) sin ϕ LH sin ϕ - = − A ( ϕ, θ ) = -----------------------------------+ ------------------------∞ α dα 2 ln ⎛ th -----0⎞ --------⎝ 2⎠ α 0 shα
(III.9bis)
∫
que l’on peut encore écrire: λHB sin ϕ− -----------------------A ( ϕ, θ ) = + α 2 ln ⎛ th -----0⎞ ⎝ 2⎠ Le débit est alors donné par l’équation (III.8): kλHB Q = − + ------------------------α 2 ln ⎛ th -----0⎞ ⎝ 2⎠ kλHB = − + ------------------------α 2 ln ⎛ th -----0⎞ ⎝ 2⎠
∫ ∫ sin ϕdϕdθ ∫
π
sin ϕdϕ
0
∫
2π
dθ
0
2πλ Q = ± ---------------------- kHB α ln ⎛ th -----0⎞ ⎝ 2⎠ α B 1 Comme shα 0 = --- = --- , on obtient, en exprimant shα 0 en fonction de th -----0 : L λ 2 α 1 2 th -----0 = – λ + λ + 1 = ---------------------------2 2 λ+ λ +1
126
Essai Lefranc
d’où, finalement: 2πλ Q = − + --------------------------------------- kHB 2 ln ( λ + λ + 1 ) On voit que l’on peut, sans ambiguïté, passer en valeur absolue car si la charge H change de signe selon que l’essai est réalisé par injection ou par pompage, le débit change de signe lui aussi. On peut donc mettre l’expression du débit sous la forme: Q = mkHB (III.10) Nous verrons en étudiant les autres formes de cavité que cette expression est tout à fait générale. Le coefficient m est appelé coefficient de forme de la cavité, ou encore coefficient de cavité qui, dans le cas d’une cavité cylindrique allongée, a donc pour expression: 2πλ m = --------------------------------------(III.11) 2 ln ( λ + λ + 1 ) Lorsque λ est grand (> 10), on peut écrire: 2πλ m ≈ -----------ln 2λ Le grand axe des ellipses méridiennes de la cavité équivalente est égal à la longueur de la cavité réelle. On a alors: 2a ch α0 = L 2a sh α0 = B d’où: B 2 a = --- λ – 1 2 λ chα 0 = ------------------2 λ +1
1 shα 0 = -----------------2 λ –1
et
et: e or:
α0
=
λ+1 -----------λ–1
α
α λ+1– λ–1 1 e 0–1 - = --------------------------------------- = ---------------------------th -----0 = --------------α0 2 2 λ+1+ λ–1 e +1 λ+ λ –1
127
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
donc: α 2 ln ⎛ th -----0⎞ = – ln ( λ + λ – 1 ) ⎝ 2⎠ Il en résulte d’après l’équation (III.9bis) et l’expression de a donnée plus haut: 2
aB λ – 1 A ( ϕ, θ ) = -------------------------α 2 ln ⎛ th -----0⎞ ⎝ 2⎠ d’où, finalement, en valeur absolue: 2
2π λ – 1 Q = -------------------------------------- kHB 2 ln ( λ + λ – 1 ) Le coefficient de forme devient alors: 2
2π λ – 1 m = -------------------------------------2 ln ( λ + λ – 1 )
(III.12)
On voit que lorsque λ est grand devant l’unité (λ > 5), on retrouve, comme dans l’hypothèse précédente: 2πλ m ≈ -----------ln 2λ Cette deuxième hypothèse nous paraît plus rationnelle que la première car elle permet de passer directement de l’ellipsoïde à la sphère en faisant λ = 1, ce qui n’est pas possible avec la première hypothèse puisque alors λ = 1 correspond à une distance focale non nulle et égale à B. Dans la deuxième hypothèse on voit, sur l’équation (III.12), que m se présente 0 sous la forme indéterminée --- lorsque λ = 1. 0 Or, il suffit de poser λ = 1 + ε, où ε est un infiniment petit par rapport à l’unité, pour montrer que: 2π 2ε 2π 2ε m ≈ --------------------------------------- ≈ ------------------------------ → 2π ln ( 1 + 2ε + ε ) ln ( 1 + 2ε )
lorsque ε → 0
Nous démontrerons directement dans le paragraphe suivant que, pour une sphère, on a effectivement m = 2 π.
128
Essai Lefranc
III.4.1.3. Cavité assimilable à une sphère ou une demi-sphère: 1 λ = 1 ou λ = --2 On utilise dans ce cas les coordonnées sphériques ρ, θ et ϕ qui sont liées aux coordonnées cartésiennes par les relations: x = ρ sin θ cos ϕ y = ρ sin θ sin ϕ z = ρ cos θ Les équations (III.1) conduisent aux unités de longueur locales suivantes: eρ = 1 eθ = ρ eϕ = ρ sin θ Les conditions aux limites sont les mêmes que précédemment: – sur la sphère de rayon a, le potentiel est H; – à l’infini, le potentiel est nul. L’équation (III.6) donne alors: H A ( θ, ϕ ) = ----------------------- = – aH sin θ a dρ ---------------2 ∞ ρ sin θ
∫
Sur une sphère quelconque concentrique à la cavité et de rayon ρ le potentiel, déduit immédiatement de l’équation (III.7), a pour expression: a h = H --ρ
(III.13)
Le débit est donné par l’équation (III.8): Q = – akH
∫∫
sin θdθdϕ = – akH
∫
π
sin θdθ
0
∫
2π
dϕ
0
soit, finalement, en valeur absolue: Q = 4πkHa = 2πkHB où B = 2a est le diamètre de la sphère. On retrouve une relation de la même forme que l’équation (III.10), avec un coefficient de cavité: m = 2π
129
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
π Dans le cas de la demi-sphère l’intégration par rapport à θ se fait entre 0 et --2 d’où: Q = πkHB et: m = π Si on assimile la cavité à une sphère dont la surface est égale à la surface réelle de filtration constituée par un cylindre de diamètre B et sa face inférieure, le rayon de cette sphère équivalente est: B a = --- 4λ + 1 4 d’où: m = π 4λ + 1
(III.14)
Pour une demi-sphère, on a de même: B a = ---------- 4λ + 1 2 2 d’où: π m = ------- 4λ + 1 2
(III.15)
1 III.4.1.4. Cavité aplatie: λ < --2 On utilise ici les coordonnées de l’ellipsoïde de révolution aplati, reliées aux coordonnées cartésiennes par les relations ci-dessous où 2a désigne toujours la distance focale des ellipses méridiennes, le petit axe de ces ellipses étant alors porté par l’axe de révolution: x = achα cos ϕ sin θ
avec
0≤α<+∞
y = achα cos ϕ cos θ
avec
π π – --- ≤ ϕ ≤ + --2 2
z = ashα sin ϕ
avec
0 ≤ θ ≤ 2π
Les unités de longueur locale sont dans ce système: 2
2
e α = e ϕ = a ch α – cos θ
130
e θ = achα cos ϕ
Essai Lefranc
Les conditions aux limites sont les mêmes que pour la cavité allongée et, comme précédemment, nous avons: aH cos ϕ H A ( ϕ, θ ) = --------------- = -------------------α0 α0 dα dα --------------chα e θ ∞ ∞
∫
∫
avec:
∫
α0 ∞
dα = 2arc tan ⎛ th α ---⎞ --------⎝ 2⎠ chα
α0 ∞
α = 2 arctan ⎛ th -----0⎞ – arc tan 1 ⎝ 2⎠ α0 ⎛ th ----⎞ ⎜ 2 – 1⎟ –α = 2arctan ⎜ --------------------⎟ = – 2arctane 0 α ⎜ th -----0 + 1⎟ ⎝ 2 ⎠ soit: aH cos ϕ A ( ϕ, θ ) = – -------------------------–α 2arctane 0 L’équation (III.7) permet d’exprimer le potentiel sur une surface de coordonnée α quelconque: –α
arctane h = H ----------------------–α0 arctane
(III.16)
L’équation (III.8) s’écrit par ailleurs pour un demi-ellipsoïde: akH Q = – -------------------------–α 2arctane 0
∫ ∫ cos ϕdϕdθ
akH = – -------------------------–α 2arctane 0
∫
π --2
cos ϕdϕ
0
∫
2π
dθ 0
soit, en valeur absolue: πkHa Q = ----------------------–α arctane 0
(III.17)
131
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
On est alors amené à faire deux hypothèses. Le grand axe des ellipses méridiennes de la cavité équivalente est égal au diamètre de la cavité réelle. Le demi-petit axe vertical de ces ellipses méridiennes est alors égal à la hauteur de la cavité réelle. Dans ces conditions, on a donc: 2 a ch α0 = B a sh α0 = L Il en résulte: thα 0 = 2λ
d’où e
–α0
1 – 2λ ---------------1 + 2λ
=
et: B 2 a = --- 1 – 4λ 2 On a donc, d’après l’équation (III.17): 2
πkhB 1 – 4λ Q = ---------------------------------------2 1 – 4λ 2arctan ----------------1 + 2λ On retrouve donc bien la relation générale (III.10) avec un coefficient de forme: 2
π 1 – 4λ m = --------------------------------------1 – 2λ 2arctan ---------------1 + 2λ
(III.18)
avec, rappelons-le: λ ≤ 0 ,5 . 0 On remarque que lorsque λ = 0,5, le coefficient de forme est égal à m = --- . Pour 0 lever l’indétermination, il suffit d’écrire: 1 λ = 0 ,5 – ε = --- ( 1 – 2ε ) 2 où ε est un infiniment petit devant l’unité. Il en résulte:
132
Essai Lefranc
2
1 – 4λ ≈ 2 ε π ε m = -------------------------------- ≈ π ( 1 – ε ) ε arctan ---------------(1 – ε) Lorsque ε = 0, c’est-à-dire lorsque λ = 0,5, on a donc m = π qui est le coefficient de forme de la demi-sphère. L’équation (III.18) montre, par ailleurs, que, lorsque λ = 0, on obtient m = 2, puisπ que arctan1 = --- . 4 La distance focale des ellipses méridiennes de la cavité équivalente est égale au diamètre de la cavité réelle. Comme dans le cas précédent, le demi-petit axe des ellipses méridiennes est égal à la hauteur de la cavité réelle, mais la distance focale est égale au diamètre du cercle limitant le tubage. On a alors: B a = --2 ashα 0 = L d’où: shα 0 = 2λ On en déduit, puisque e e Donc: arctane
–α0
–α0
–α0
est toujours positif:
1 2 = – 2λ + 4λ + 1 = ----------------------------------2 2λ + 4λ + 1 2
= arc cot ( 2λ + 4λ + 1 ) et l’on obtient finalement, d’après
l’équation (III.17): π Q = ----------------------------------------------------------- kHB 2 2arc cot ( 2λ + 4λ + 1 ) d’où le coefficient de forme: π m = ----------------------------------------------------------2 2arc cot ( 2λ + 4λ + 1 )
(III.18bis)
133
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Lorsque la hauteur de la cavité devient nulle (λ = 0) le coefficient de forme tend vers la valeur limite: m = 2 C’est le coefficient de cavité correspondant au disque limitant le tubage. On peut donc résumer l’ensemble des expressions des coefficients de cavité dans le tableau III.1 ci-après. Tableau III.1. Coefficients de forme.
λ
m
λ ≥ 10
2πλ----------ln 2λ
10 > λ ≥ 1 ,2
2πλ ---------------------------------------- (a) 2 ln ⎛ λ + λ + 1⎞ ⎝ ⎠
10 > λ ≥ 1 ,2
2 2π λ – 1 --------------------------------------(b) 2 ln ⎛ λ + λ – 1⎞ ⎝ ⎠
sphère théorique
2π
1 ,2 > λ ≥ 0 ,7
π 4λ + 1
0 ,7 > λ ≥ 0 ,5
π-----4λ + 1 2
demi-sphère théorique
π
0 ,5 > λ > 0
π ------------------------------------------------------------2 2arc cot ⎛ 2λ + 4λ + 1⎞ ⎝ ⎠
0 ,5 > λ > 0
2 π 1 – 4λ --------------------------------------1 – 2λ2arc tan --------------1 + 2λ
0
2
(a) distance focale des ellipses méridiennes de la cavité équivalente (b) grand axe des ellipses méridiennes de la cavité équivalente (c) distance focale des ellipses méridiennes de la cavité équivalente (d) grand axe des ellipses méridiennes de la cavité équivalente
134
=L =L =B =B
(d)
(c)
Essai Lefranc
Nous donnons, par ailleurs sur la figure III.12, les courbes représentatives de ces coefficients en fonction de l.
30
25
20
15 sphère
10 ellipsoïde allongée 5
0
0
1
2
3
4
5
6
7
8
9
10
λ
Figure III.12. Coefficient de forme dans l’essai « Lefranc ».
Pour les cavités dont les élancements sont inférieurs à 1,2, la norme NF P 94-132 donne, dans un but de simplification, une expression approchée du coefficient de forme déduite des expressions précédentes: m = 2 + 4 ,5λ Cette approximation est tout à fait acceptable.
III.4.2. Influence des limites de la nappe III.4.2.1. Considérations théoriques Les développements qui précèdent ne sont valables qu’en milieu homogène indéfini. Mais lorsque la cavité se trouve à proximité de l’une des limites de la nappe (surface libre, fond étanche ou horizon de perméabilité différente) il faut opérer certaines corrections sur le coefficient de cavité. Nous avons examiné ce problème en détail dans une étude relative à la filtration dans les cavités souterraines [17]. Les résultats obtenus sont assez complexes et nous nous limiterons ici à en donner les principales conclusions ainsi que les formules approchées que l’on peut utiliser en toute sécurité dans la pratique courante.
135
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Dans cette étude, et pour les cavités sphériques, nous avons procédé analytiquement en intégrant l’équation de Laplace, et géométriquement en utilisant la théorie des images et nous avons montré, cas par cas, l’identité des deux méthodes. En revanche, pour les cavités ellipsoïdales, nous n’avons utilisé que la théorie des images d’un emploi beaucoup plus simple. Cette théorie, sur laquelle nous ne nous étendrons pas, peut se résumer sous la forme des trois théorèmes suivants, le premier étant très classique et bien connu, les deux autres ayant été mis en évidence dans notre étude. • Théorème I En présence d’une discontinuité plane le potentiel produit en un point de l’espace par un écoulement dans une cavité est obtenu par superposition au potentiel réel, en milieu homogène, d’un potentiel perturbateur produit par un écoulement de même débit dans une cavité fictive, image de la cavité réelle dans le miroir constitué par la discontinuité. Le potentiel perturbateur est du même signe que le potentiel réel si la discontinuité est assimilable à une surface de courant, et de signe contraire si la discontinuité est une surface de filtration. • Théorème II Dans un terrain à deux couches de perméabilités différentes, le potentiel produit en un point de la première couche par un écoulement de débit Q dans une cavité située dans cette couche, est obtenu par superposition au potentiel réel en milieu homogène, d’un potentiel perturbateur produit par un écoulement de débit αQ dans une cavité fictive, image de la cavité réelle dans le miroir constitué par l’interface des deux couches. Le coefficient a est fonction des coefficients de perméabilité, k1 et k2 de la première et de la deuxième couche, et a pour expression: k1 – k2 -≤1 α = --------------k1 + k2 • Théorème III Dans un terrain à deux couches de perméabilités différentes, le potentiel produit en un point quelconque de la deuxième couche par un écoulement de débit Q dans une cavité située dans la première couche est égal au potentiel en terrain homogène produit par un écoulement de débit (1 + α) Q dans la même cavité, le coefficient a ayant pour expression: k1 – k2 -≤1 α = --------------k1 + k2 Il résulte des théorèmes I et II que la recherche des coefficients de cavité d’un essai Lefranc influencé par les limites de la nappe se ramène à la détermination du potentiel produit sur la cavité réelle (c) par l’écoulement fictif dans la cavité image (c’).
136
Essai Lefranc
La cavité (c) étant de forme ellipsoïdale, les surfaces équipotentielles de l’écoulement fictif sont donc des ellipsoïdes de révolution homofocaux de l’image (c’) et le potentiel perturbateur en un point M de (c) est celui qui correspond à la surface équipotentielle de la famille (c’) passant par M (Fig. III.13). Ce potentiel n’est donc pas constant sur (c). Mais, si les dimensions de (c) sont faibles par rapport à celles de ces équipotentielles, ce qui est effectivement le cas en pratique, on peut admettre que le potentiel sur (c) est constant et qu’il est égal à celui de l’équipotentielle de la famille (c’) passant par le centre 0 de (c). Or, puisque les dimensions de (c’) sont faibles par rapport à cette équipotentielle, ou ce qui revient au même par rapport à la distance Z de (c) à la discontinuité, ces équipotentielles sont assimilables à des sphères. (c) 0 a b z
(c'')
(c') 0'
Figure III.13. Principe de la méthode des images.
En effet, le demi-grand axe de l’équipotentielle passant par 0 est égal à 2Z. Son demi-petit axe est alors: 2
ρ =
2
2
2
L – BL B 2 ∼ 2Z 4Z – ⎛ ----- – -----⎞ = 2Z 1 – ---------------2 ⎝ 4 4⎠ 16Z
Les surfaces équipotentielles perturbatrices sont donc, en première approximation, équivalentes à des sphères de rayon ρ = 2Z. Le potentiel sphérique étant de la forme: Q H = ------------4πkρ
137
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
le potentiel perturbateur a pour expression: Q H p = ------------8πkZ
III.4.2.2. L’une des deux limites de la nappe est infiniment éloignée. La cavité est proche du substratum étanche. L’influence de la surface libre est alors négligeable. Si on désigne par m0 le coefficient de cavité en milieu homogène indéfini, le potentiel sur la cavité est: Q H 0 = ------------m 0 kB Le potentiel résultant est donc H = H0 + Hp, puisque le substratum étanche est assimilable à une surface de courant. Or, ce potentiel s’exprime également par la relation: Q H = ----------mkB où m est le coefficient de cavité cherché. Donc: Q Q Q ----------- = ------------- + ------------mkB m 0 kB 8πkZ d’où finalement: 1 1B --= ------ + ---------m 0 8πZ m
(III.19)
La cavité est proche de la surface libre de la nappe, celle-ci étant à l’intérieur du massif. L’influence du substratum étanche est alors négligeable. Comme aucun débit ne traverse la surface libre de la nappe et que son niveau n’est pas perturbé par l’essai, elle est assimilable à une surface de courant. C’est donc encore la formule (III.19) qui donne le coefficient de cavité. La cavité est proche du terrain naturel, celui-ci étant sous la nappe. L’influence du substratum étanche est également négligeable. Comme le terrain naturel représente ici une surface de filtration, le potentiel résultant est donc H = H0 – Hp d’après le théorème I, d’où finalement: 1 1 B ---- = ------ – ---------m m 0 8πZ
138
(III.20)
Essai Lefranc
–Q +Q
+Q +Q
Figure III.14. Cavité proche de la surface libre de la nappe.
III.4.2.3. Les deux limites de la nappe sont à distance finie. Dans ce cas, les deux limites ont une influence sur le phénomène. La surface libre de la nappe est à l’intérieur du massif. D’après le théorème I, il faut considérer que la cavité se trouve entre deux miroirs plans parallèles. Elle admet donc une double infinité d’images qui engendrent sur la cavité réelle, une double infinité de potentiels perturbateurs. Pour résoudre le problème, il est paradoxalement plus simple de le généraliser quelque peu en supposant que la deuxième couche n’est pas imperméable, c’est-à-dire que son coefficient de perméabilité a une valeur k2 non nulle et d’appliquer le théorème II.
z1
z1
z2
z2
Figure III.15. Limites de la nappe à distance finie.
139
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Nous avons alors démontré [17] que le coefficient de cavité avait pour expression: 1 ( 1 + η )B 1B ω --= ------ + --------------------- + ----------------------------- ln -----------(III.21) m0 m 8πZ 1 4π ( Z 1 + Z 2 ) ω – 1 en posant: k1 + k2 1 -≥1 ω = --- = --------------α k1 – k2 Dans l’équation (III.21), le terme correctif η est donné par la série: ∞
η =
1 1 -------------1 - -------------+ n nζ – 1 nζ + 1
∑ ----ω 1
où: Z1 + Z2 ζ = ---------------Z1 Lorsque le substratum est rigoureusement imperméable, c’est-à-dire lorsque k2 = 0, le coefficient ω est égal à l’unité. On voit alors immédiatement que la série η est ω divergente et que ln ------------- tend vers – ∞, ce qui entraîne m = 0. ω–1 C’est un résultat évidemment absurde et l’on se trouve devant une indétermination qui n’est pas sans rappeler celle à laquelle on se heurte dans l’étude des puits, et qui nécessite l’introduction d’un rayon d’action que l’on ne sait d’ailleurs que très mal évaluer comme nous le verrons plus loin. Il ne reste que la ressource de se fixer a priori une valeur de k2 très faible, par rapk –3 port à k1, mais non nulle. Si l’on adopte par exemple ----2 = 10 , on obtient k1 ω ≅ 1 ,002 , ce qui nous semble une limite raisonnable pour assimiler la deuxième couche à un substratum étanche. Dans ce cas la série η est très lentement convergente et son calcul est du domaine du micro-ordinateur. Nous en avons toutefois établi un tableau numérique (tableau I de l’annexe). Sur le plan pratique, l’expérience montre que l’application de la formule (III.21) constitue, dans la plupart des cas, un raffinement hors de proportion avec la « rusticité » du dispositif expérimental et que l’on peut, le plus souvent, se contenter de la formule (III.19).
140
Essai Lefranc
On montre facilement que lorsque Z1 est grand par rapport à Z2 le coefficient de cavité s’exprime par: 2
1 1 B B B B(ω + 1) ω ---- = ------ + ------------ + ---------------- – ----------------------------- + --------------------------------- ln -----------m m 0 8πZ 1 8πωZ 2 8π ( Z 1 + Z 2 ) 8πω ( Z 1 + Z 2 ) ω – 1
(III.22)
Lorsque Z1 tend vers l’infini, et ω vers 1, on retrouve la relation (III.19). Si c’est Z2 qui est grand par rapport à Z1, on obtient: 1 B 1B B B ω --= ------ + ------------ + ---------------- – ----------------------------- + ----------------------------- ln ------------m 0 8πZ 1 8πωZ 2 8π ( Z 1 + Z 2 ) 2π ( Z 1 + Z 2 ) ω – 1 m
(III.23)
Lorsque Z2 tend vers l’infini, on retrouve encore la relation (III.19). La surface de la nappe est au-dessus du terrain naturel. On obtient dans ce cas: 1 1 ( 1 + η )B B ω ---- = ------ – --------------------- + ----------------------------- ln -----------m m0 8πZ 1 4π ( Z 1 + Z 2 ) ω + 1
(III.24)
avec: ∞
η =
∑
1 1 - -------------1-⎞ n -------------⎛ – --+ ⎝ ω⎠ nζ – 1 nζ + 1
1
Les valeurs de η sont données par le tableau I de l’annexe en changeant le signe de ω. Lorsque ω = 1 (substratum imperméable) la série est convergente car elle est équivalente à la série alternée. Contrairement au cas précédent, le problème est donc parfaitement défini. Lorsque Z1 est grand devant Z2, on obtient: 2
1 1 B(ω + 1) B B B ω ---- = ------ – ------------ + ---------------- + ----------------------------- + --------------------------------- ln -----------m m 0 8πZ 1 8πωZ 2 8π ( Z 1 + Z 2 ) 8πω ( Z 1 + Z 2 ) ω + 1
(III.25)
Lorsque Z1 tend vers l’infini et ω vers 1, on retrouve la relation (III.19). Lorsque c’est Z2 qui est grand devant Z1, on montre facilement que: 1 1 B B B ---- = ------ – ------------ + ---------------- – --------------------------------m m 0 8πZ 1 8πωZ 2 8πω ( Z 1 + Z 2 )
(III.26)
Si Z2 tend vers l’infini, on retrouve la relation (III.20).
141
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
III.4.3. Interprétation des mesures et évaluation du coefficient de perméabilité III.4.3.1. Considérations générales Appelons Qs le débit qui traverse la paroi de la cavité dans laquelle la charge hydraulique est H. Nous avons vu que ce débit et cette charge étaient liés, d’une part, aux dimensions et à la forme de la cavité et, d’autre part, au coefficient de perméabilité du sol, par la relation: Q s = mkBH (III.27) Cette relation est générale quel que soit le débit et quelle que soit la charge, et si l’on fait varier le débit en fonction du temps la charge variera corrélativement en fonction du temps, comme on peut le voir sur la figure III.6. La formule (III.27) est donc valable à tout instant et on peut écrire: Q s ( t ) = mkBH ( t ) Dans le cas général, si l’on pompe ou si l’on injecte un débit constant Q dans la cavité, le niveau de l’eau dans le tube d’écoulement baisse ou remonte d’abord rapidement, puis de plus en plus lentement pour enfin se stabiliser. La courbe théorique de l’écoulement présente donc l’allure de la figure III.16a et fait apparaître deux domaines: – le domaine 1, en début d’essai, où le niveau de l’eau évolue en fonction du temps. C’est le régime transitoire où l’on a Q > Qs ; – le domaine 2 où le niveau de l’eau reste stable et indépendant du temps. C’est le régime permanent. On a alors Q = Qs. L’interprétation de l’essai doit se faire dans chacun de ces domaines. H
v v0 = Q/S k0 Q/S
Q/mBk
mBk/S
0
k0
➁
➀
tp
a)
t
0
Q/mBk
H
b)
Figure III.16. Évolution théorique de la charge différentielle en fonction du temps (a) et de la vitesse dans le tube d’écoulement en fonction de la charge (b).
142
Essai Lefranc
III.4.3.2. Interprétation en régime transitoire Que l’on opère par pompage ou par injection, la variation dH du niveau de l’eau dans le tube d’écoulement pendant le temps dt correspond au mouvement d’un volume d’eau: ( Q – Q s )dt = SdH où S est l’aire intérieure de la section horizontale du tube. Cette relation peut donc s’écrire, en vertu de (III.27): dH S ------- + mkBH = Q dt
(III.28)
C’est l’équation différentielle qui régit le phénomène d’écoulement en régime transitoire et qui permet de déterminer le coefficient de perméabilité: – soit par intégration analytique de cette équation différentielle, c’est ce que nous appellerons méthode de la courbe théorique; – soit par traitement graphique direct, c’est ce que nous appellerons méthode de la courbe des vitesses relatives. Méthode de la courbe théorique L’intégration de l’équation différentielle (III.28) est extrêmement simple, car les variables se séparent immédiatement: dH -------------------------- = – dt mkB Q ----------- H – ---S S Si on commence les mesures au temps t0 alors que la charge est H0, on obtient: Q mkB Q H = ----------- + ⎛ H 0 – -----------⎞ exp – ----------- ( t – t 0 ) mkB ⎝ S mkB⎠
(III.29)
On voit que, lorsque t tend vers l’infini, la charge dans la cavité tend vers une limite finie: Q H p = ----------mkB La courbe représentative de l’équation (III.29) admet donc une asymptote parallèle à l’axe des abscisses et dont l’ordonnée est la valeur limite de Hp ci-dessus. Cette asymptote correspond donc au régime permanent dans lequel le débit que l’on pompe ou que l’on injecte est égal au débit fourni ou absorbé par le sol.
143
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Dans le cas le plus fréquent, l’origine des temps est prise au moment où l’on met les pompes en marche, et où le niveau de l’eau dans le tube d’écoulement est encore égal au niveau statique initial de la nappe. On a alors t0 = 0 et H0 = 0. L’équation (III.29) se simplifie et devient: mkB Q H = ----------- 1 – exp ⎛ – ----------- t⎞ ⎝ S ⎠ mkB On voit que la valeur asymptotique de H ne change pas, et que la pente de la tanQ gente à l’origine est égale à ---- . S La position, par rapport à son asymptote, de la courbe représentée par l’équation Q générale (III.29) dépend du signe du facteur de l’exponentielle ⎛ H 0 – -----------⎞. ⎝ mkB⎠ Dans un essai normal et non perturbé, on a, en général: Q H 0 < ----------mkB et la courbe H (t) est une courbe croissante, située au-dessous de son asymptote. Mais, si: Q H 0 > ----------mkB la courbe est décroissante et se trouve au-dessus de son asymptote. C’est ce qui se produit par exemple lorsqu’il y a eu un colmatage en début d’essai suivi, au bout d’un certain temps, d’un décolmatage, ou lorsqu’on se trouve en présence, dans certains terrains, d’une sorte d’effet de capacité de la cavité. En effet, dans ces terrains, dès que l’on pompe ou que l’on injecte, on assiste à une variation assez rapide de la charge alors que l’eau n’a pas encore commencé à percoler dans le sol. Puis peu à peu, le débit restant constant, la charge diminue régulièrement pour se stabiliser à un niveau tel que le débit qui traverse la paroi de la cavité soit égal au débit pompé ou injecté. On a alors atteint le régime permanent. Ce cas est illustré par la figure III.17 qui concerne un essai réalisé dans les alluvions du Rhin (centrale électronucléaire de Fessenheim).
144
Essai Lefranc
E'3 – niveau 1 – essai 20 10 9 8 7 6
débit (10.m3/h)
5
charge (m)
4 3 2 1 0 0 0,0 3,03 6,05 9,07 12,08 15,10 18,13 1,15 4,17 27,20 0,22 3,23 6,25 9,28 2,30 5,32 8,33 1,35 4,38 7,40 4 4 5 4 3 2 3 3 5 3 5 2
temps (min)
Q (m3/h)
h (m)
6,7 11,6
1,58 2,38
Figure III.17. Alluvions du Rhin. Centrale électronucléaire de Fessenheim: essai par injection.
Un cas particulier de courbe décroissante, d’autant plus important qu’on le rencontre obligatoirement à chaque essai, est l’essai sous débit nul après annulation Q du débit constant. Puisque Q = 0, on a bien alors H 0 > ----------- = 0 . mkB H0 et t0 désignant respectivement le niveau de l’eau dans le tube et le temps au moment de l’annulation du débit, l’équation de l’écoulement est alors: mkB H = H 0 exp – ----------- ( t – t 0 ) S
(III.29bis)
Si on reprend le comptage du temps à partir de l’annulation du débit, il suffit de faire t0 = 0 dans l’équation ci-dessus. Nous avons regroupé sur les tableaux III.2 et III.3 ci-après les courbes types se rapportant aux cas théoriques étudiés ci-dessus, ainsi que les équations correspondantes.
145
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Q Tableau III.2. Courbes théoriques pour H 0 < -----------. mkB
Équations
Courbes
H
mkB β = -----------S
Q H p = -----------mkB
H = H p + ( H 0 – H p )e
Hp
–β ( t – t0 )
H0 < Hp
H0
t > t0 0
t0
t
H Hp
H = H p + ( H 0 – H p )e H0 < Hp
– βt
t0 = 0
H0 0
t
H
H = Hp [ 1 – e
–β ( t – t 0 )
H0 = 0
Hp
]
t > t0 0
t0
t
H
H = Hp ( 1 – e H0 = 0
– βt
Hp
)
t0 = 0 0
146
t
Essai Lefranc
Q mkB
Tableau III.3. Courbes théoriques pour H 0 > ------------ . Équations
Courbes H
H0
H = H p + ( H 0 – H p )e H0 > Hp
–β ( t – t0 )
t > t0
Hp 0
t0
t
H
H0
H = H p + ( H 0 – H p )e H0 > Hp
– βt
t0 = 0
Hp 0
t
H
H = H0 e
–β ( t – t0 )
Hp = 0
H0
t > t0 0
t0
t
H
H0
H = H0 e Hp = 0
– βt
t0 = 0 0
t
L’interprétation pratique de l’essai consiste alors à ajuster une courbe théorique sur les points expérimentaux de coordonnées (H, t). Pour ce faire, il suffit de disposer de logiciels très simples permettant de faire apparaître sur l’écran:
147
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
– les points expérimentaux; – la courbe théorique paramétrée en k. En faisant varier k, on arrive très rapidement (une à deux minutes) à trouver une courbe qui coïncide avec les points expérimentaux. Si l’ajustement s’avère infructueux, c’est que l’essai n’est pas représentatif ou a été perturbé par des colmatages ou des débourrages. La figure III.18 rassemble les principales anomalies qui peuvent apparaître sur les courbes expérimentales et montre comment la méthode de superposition permet facilement et rapidement, de mettre en évidence les anomalies de l’essai et de procéder, malgré ces anomalies, à des interprétations fiables. Q/S
H H*p
H
Q/S Hp Hp
0
0
t
t
b)
a) H H
colmatage
décolmatage
Q/S Q/S
Hp
Hp
0
t
c)
0
tc
td
d)
Figure III.18. Principales anomalies des courbes d’évolution de la charge.
148
t
Essai Lefranc
Une telle interprétation est donnée sur la figure III.19, qui représente l’ajustement irréprochable de la courbe théorique sur les points expérimentaux d’un essai réalisé dans les alluvions de l’Isère sur un chantier d’EDF en amont d’Albertville (Cevins). Essai Lefranc régime transitoire (injection) E5 P : 24 B : 3
(m) 0,40
0,30
0,20
0,10
0
0
2
4
6
8
10
t (min) B = 0,098 m M = 13,75 courbe théorique K = 3,200 × 10 – 4 m/s
Figure III.19. Ajustement d’une courbe théorique sur les points expérimentaux (EDF Cevins).
Les figures III.20 et III.21 (EDF Fessenheim) relatives à la descente sous débit nul dans un essai par injection montrent également un ajustement parfait entre la courbe théorique et les points expérimentaux.
149
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
E'3 – niveau 2 – essai 24 10 9 8 7 6 débit (10.m3/h)
5
charge (m) 4 3 2 1 0
0
0,0
2 1,5
2
3,0
4,5
3
5
6,0
5
7,5
7 9,0
58 12,08 3,60 5,10 6,62 8,13 19,63 1,15 2,67 4,17 1 1 2 2 2 1 1
10,
temps (min)
Figure III.20. Centrale de Fessenheim. Essai sous débit nul (injection). h (m)
Essai Lefranc régime transitoire E'3 - niveau 2 - essai 24
6
4
2
0
0
4
8
12
débit (10 – 4 m3/s) B = 0,178 m M = 4,53 courbe théorique K = 0,950 × 10 – 4 m/s
16
20
t (min)
Figure III.21. Centrale de Fessenheim. Essai sous débit nul (injection).
150
Essai Lefranc
En revanche, la figure III.22 est particulièrement intéressante, car on voit que les points expérimentaux présentaient, avant tout traitement, une allure très sympathique avec apparition du régime permanent au bout de 1 heure 20 minutes environ. Essai Lefranc régime transitoire (injection) E5 P : 28 B : 0 h (m)
1
1,6
1,2
0,8
2 0,4
0
0
20
40
60
80
t (min) 1 2
B = 0,098 m M = 13,75 courbe théorique K = 0,089 × 10 – 4 m/s courbe théorique K = 0,400 × 10 – 4 m/s
Figure III.22. Ajustement d’une courbe théorique avec colmatage en début d’essai (EDF Cevins).
Rien ne permettait donc de penser que cet essai avait été perturbé par un colmatage progressif de la cavité. Or, il n’a pas été possible d’ajuster une courbe théorique sur l’ensemble des points. En effet, si l’on considère la courbe théorique qui s’ajuste correctement sur le régime permanent (courbe 1) on remarque qu’elle s’écarte nettement des points expérimentaux dès le début de l’essai et qu’elle conduit à un coefficient de perméabilité k = 9.10– 6 m/s. Si on augmente le coefficient de perméabilité, on arrive très rapidement à la courbe 2 qui coïncide rigoureusement avec les quatre premiers points expérimentaux, y compris l’origine et pour laquelle on a k = 4.10– 5 m/s, valeur 4,4 fois plus élevée que la précédente. On vé-
151
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
rifie bien, par ailleurs, que la pente de la tangente à l’origine de cette courbe est Q égale à ---- = 0 ,175 m/mn . S Un autre cas intéressant que l’on rencontre est celui de la figure III.23 sur laquelle on voit apparaître un colmatage vers la quinzième minute, colmatage qui se précise vers la trentième minute puisque la variation de la charge devient pratiquement linéaire en fonction du temps. h (m) 3,0
Essai Lefranc régime transitoire (injection) E2 P : 44 B : 0
2,0
1,0
0
0
20
40
60
80
t (min) B = 0,098 m M = 13,75 courbe théorique K = 0,1200 × 10 – 4 m/s
Figure III.23. Ajustement d’une courbe théorique avec colmatage (EDF Cevins).
Avec les méthodes manuelles anciennes, il aurait été difficile de sortir un résultat de cet essai, mais avec les méthodes actuelles, on a pu ajuster une courbe théorique sur les 9 premiers points expérimentaux et cela avec une certaine précision, ce qui nous a conduits à une valeur k = 1.10– 5 m/s. On vérifie, par ailleurs, que la Q pente de la tangente à l’origine de cette courbe est bien égale à ---- . S
152
Essai Lefranc
Enfin la figure III.24 rend compte d’un cas plus rare mais qui se produit quelquefois. Ce cas, que l’on a évoqué précédemment avec un essai par injection (Fig. III.17) et qui se rencontre ici dans un essai par pompage, fait apparaître une première phase de colmatage dès le début de l’essai ou, peut être, un effet de capacité du forage, avec une charge hydraulique qui augmente proportionnellement au temps, puis une décroissance rapide de la charge suivie d’un régime permanent. Cette figure montre qu’il a été possible de trouver une courbe théorique qui rende compte correctement du comportement du sol en début d’essai, d’une part, et en fin d’essai, d’autre part, avec apparition d’un régime permanent, et qui a bien mis en évidence la double anomalie. Essai Lefranc régime transitoire (pompage) SC9 P : 24,46 m débit = 2,86 × 10 – 4 m3/s h (m)
0,40
0,20
0 0
4
8
12
16
t (min)
B = 0,120 m M = 24,39 courbe théorique K = 0,452 × 10 – 4 m/s
Figure III.24. Colmatage et décolmatage en début d’essai (EDF Cevins).
Avant que l’informatique permette la méthode d’ajustement d’une courbe théorique sur les points expérimentaux, la phase sous débit nul était traitée graphiquement à partir de la solution analytique (dernière équation du tableau III.3). Cette solution peut s’écrire:
153
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
H ln ------0 = βt H mkB où, rappelons-le, β = ----------- . S Il suffisait alors de tracer sur papier semi-logarithmique le graphe de la relation H précédente en ------0 . Ce graphe est une droite passant obligatoirement par l’origine H puisque pour H = H0 on a bien t = 0. La pente de cette droite est: H ∆ ln ------0 H β = --------------------∆t d’où: βS k = -------mB Malgré l’informatique, il est encore intéressant de recourir à la représentation graphique semi-logarithmique, surtout lorsque l’ajustement de la courbe théorique sur les points expérimentaux n’est pas possible ou pas satisfaisant, car dans ce cas les points expérimentaux ne se distribuent pas suivant une droite mais suivant une courbe qui devrait passer par l’origine et présenter une courbure vers les temps positifs (Fig. III.25b) avec éventuellement une asymptote. C’est le cas du colmatage progressif suivi d’un colmatage total.
OQ
+ +
+ +
OQ
+
OQ
+
+ +F
+ +
W
a) essai conforme à la théorie
W
b) essai présentant une anomalie
Figure III.25. Variation de charge sous débit nul.
154
W
Essai Lefranc
Il faut alors tracer le graphe de la vitesse en fonction de la charge comme nous le verrons plus loin, ce qui peut permettre d’effectuer une correction sur les charges, H et de tracer un nouveau graphe de ln ------0- à partir des charges corrigées H*. H∗ On pourra se dispenser de cette correction si, au voisinage de l’origine, on dispose de quelques points significativement alignés, origine comprise, de telle sorte qu’on puisse admettre que cette droite est assimilable à la tangente à l’origine. On calculera alors k à partir de la pente de cette droite. Méthode de la courbe des vitesses relatives On remarque qu’en cours d’essai la vitesse relative de l’eau dans le tube d’écoulement, par rapport à la vitesse de percolation à travers la paroi de la cavité, n’est Q dH autre que v = ------- et que le rapport ---- représente la vitesse d’écoulement maxiS dt male instantanée de l’eau dans ce tube, dès la mise en route des pompes, avant même que ne s’amorce le mouvement de l’eau dans le sol. Ce rapport est donc égal à la vitesse apparente initiale au temps t = 0 et pour une charge différentielle Q nulle. On posera donc ---- = v 0 et l’équation différentielle peut alors s’écrire: S mkB v = v 0 – ----------- H (III.30) S Cette équation montre que la courbe représentative de l’évolution de la vitesse relative en fonction de la charge H est une droite dont l’ordonnée à l’origine est v0, Q mkB l’abscisse à l’origine ----------- et la pente – ----------- (Fig. III.16b). mkB S L’abscisse à l’origine et la pente de la droite permettent donc, chacune, d’évaluer le coefficient de perméabilité. Il faut obligatoirement procéder à cette double évaluation qui doit évidemment donner des résultats concordants. S’il n’en est pas ainsi, c’est que l’essai a été perturbé par des phénomènes parasites qu’il conviendra d’analyser. On remarquera que l’abscisse à l’origine de la droite correspond au régime permanent, puisque la vitesse relative d’écoulement dans le tube est alors nulle, ce qui signifie que le débit pompé ou injecté est, pour cette charge, égal au débit qui percole dans le sol1. 1. La vitesse réelle des particules d’eau dans le tube est alors égale à Q/S. Pour simplifier, nous désignerons dans ce qui suit par vitesse d’écoulement la vitesse relative.
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LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
L’interprétation pratique de l’essai par traitement graphique de l’équation différentielle consiste donc à tracer la courbe des vitesses relatives en fonction de la charge à partir des mesures réalisées in situ, c’est-à-dire à dériver la courbe expérimentale H (t). Si les mesures qui ont permis de tracer cette courbe expérimentale H (t) sont suffisamment nombreuses et rapprochées, on peut assimiler à sa corde l’arc de courbe correspondant à deux mesures consécutives. On calcule alors les deux quantités suivantes: Hi + 1 + Hi H j = ---------------------2
et
Hi + 1 – Hi v j = ---------------------ti + 1 – ti
Si le nombre de mesures est insuffisant, on tracera la courbe au mieux et on essayera de la dériver graphiquement tant bien que mal. On peut également, ce qui est préférable, ajuster les points expérimentaux sur une courbe algébrique et dériver cette courbe analytiquement. On trace ensuite le graphe de vj en fonction de Hj, en coordonnées arithmétiques. Si l’on se trouve effectivement en régime laminaire, et si l’essai a été correctement réalisé, on doit donc obtenir des points à peu près alignés. On détermine alors leur droite de régression dont la pente et l’abscisse à l’origine permettent d’évaluer immédiatement le coefficient de perméabilité comme nous venons de le voir. C’est ce que nous avons fait sur la figure III.26 qui concerne l’essai réalisé dans les alluvions de l’Isère à Cevins (EDF) et que nous avons également interprété par la méthode de la courbe théorique (Fig. III.19). Nous retrouvons très exactement par les deux méthodes la même valeur du coefficient de perméabilité: k = 3.2.10– 4 m/s. Malheureusement, il arrive que les choses ne soient pas toujours aussi idylliques et que l’on obtienne, soit des points qui ne sont pas alignés, soit des points qui présentent plusieurs alignements, soit enfin des points alignés mais dont l’ordonnée à l’origine est très significativement différente de v0. Ce dernier cas est très important car v0 ne résulte pas de mesures mais constitue une donnée du problème parfaitement déterminée, qui correspond à une réalité physique, comme nous l’avons vu précédemment. Un essai correct et non perturbé est donc obligatoirement caractérisé par une droite des vitesses dont l’ordonnée à l’origine est égale à v0. Tout alignement dont l’ordonnée à l’origine est inférieure à cette valeur traduit un essai perturbé par un colmatage plus ou moins important de la cavité, et si elle est supérieure à v0 la perturbation correspond à un débourrage.
156
Essai Lefranc
dh/dt (m/mn) Essai Lefranc régime transitoire (injection) E5 P : 24 B : 3
1,2
0,8
0,4
0 0
0,10
0,20
0,30
0,40
h (m) B = 0,098 m M = 13,75 K = 3,216 × 10 – 4 m/s
Figure III.26. Interprétation de l’essai Lefranc par traitement direct de l’équation différentielle (EDF Cevins).
La figure III.27 représente les différents cas qui peuvent se présenter et que nous allons analyser ci-après: • Cas (a) Essai correct et représentatif. • Cas (b) La première partie de la courbe des vitesses est une droite dont l’ordonnée à l’origine est égale à v0 et dont l’abscisse à l’origine devrait être Hp. Mais, à partir d’une certaine charge, la droite se brise et on obtient une deuxième droite dont l’abscisse à l’origine est Hp∗ , valeur expérimentale qui correspond à un régime permanent. L’ordonnée à l’origine de cette droite est v∗0 et l’on a: v∗0 < v 0 H∗p > H p
157
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
v
v
v0
v0
0
k0
v0 *
k0
Hp
H
a) essai non perturbé
k1 < k0
0
H p* H
Hp
b) début d'essai correct suivi d'un colmatage constant
v v0**
v
v0
v0
k0
k0 k < k0 vs k2 > k0
0
Hp
H
c) début d'essai correct suivi d'un colmatage progressif
0
Hp** Hp
H
d) début d'essai correct suivi d'un débourrage
Figure III.27. Différentes courbes de vitesse relative possibles.
La pente α0 de la première droite permet d’évaluer un coefficient de perméabilité k0 qui est celui d’un essai non perturbé et qui est, par conséquent, tout à fait représentatif. La pente α1 de la deuxième droite, plus faible que celle de la première, conduit à un coefficient de perméabilité k1 inférieur à k0 et tel que: α k1 ---- = -----1 < 1 k0 α0
158
Essai Lefranc
Dans un terrain homogène de coefficient de perméabilité k1, un essai non perturbé aurait donné, sous le même débit Q, une droite d’ordonnée à l’origine égale à v0 et parallèle à la droite de la partie perturbée de l’essai. L’abscisse à l’origine de cette droite aurait donc été nettement supérieure à la valeur expérimentale H∗p et v cela dans un rapport égal à ------0- . Dans ce même terrain fictif homogène de coeffiv∗0 cient de perméabilité k1, il aurait fallu, pour obtenir une droite dont l’abscisse à l’origine soit égale à la valeur expérimentale Hp, travailler avec un débit: v∗0 -Q < Q Q∗ = -----v0 Le cas que nous venons d’analyser est typique d’une perturbation par colmatage, avec un coefficient de perméabilité colmaté constant tout au long de la poursuite de l’essai. • Cas (c) Lorsque après le point de brisure la droite des vitesses devient horizontale, c’est que la vitesse devient constante et que le colmatage se poursuit de façon continue. Pour que la vitesse reste constante au fur et à mesure que la charge augmente, il faut alors que le coefficient de perméabilité diminue et que cette diminution suive une loi de décroissance hyperbolique, car le produit kH est alors constant puisque: mB v = v s = v 0 – -------- kH = constante S • Cas (d) La courbe des vitesses, après le point de brisure est toujours une droite, mais la pente α 2 de cette droite est supérieure à la pente α 0 de la droite correspondant à la première partie de l’essai. Il en résulte que la perturbation entraîne un coefficient de perméabilité k2 > k0. L’abscisse à l’origine de la droite expérimentale H ** est alors inférieure à la vap leur Hp que l’on aurait obtenue si l’essai n’avait pas été perturbé. Mais en revanche l’ordonnée à l’origine v ** est supérieure à v0. 0 Dans un sol homogène et isotrope de coefficient de perméabilité k2, un essai non perturbé aurait donné une droite confondue avec la droite expérimentale pour un débit: v ** 0 -Q > Q Q** = ---------v0
159
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Dans ce même terrain fictif de perméabilité k2, un essai non perturbé avec un débit Q aurait donné une droite dont l’ordonnée à l’origine aurait été égale à v0 mais l’abscisse à l’origine aurait été inférieure à la valeur expérimentale H** p dans un v0 - < 1 . Ce cas est typique d’un phénomène de débourrage, mais il est rapport ---------v** 0 relativement rare. La figure III.28a montre le cas où les trois phénomènes perturbateurs que nous venons d’évoquer se produisent au cours du même essai: – segment AB: aucune perturbation, coefficient de perméabilité k0 représentatif; – segment horizontal BC: colmatage progressif de type hyperbolique avec k0 ≥ k ≥ k1 ; – segment CD: écoulement avec colmatage stabilisé et coefficient de perméabilité k1 constant et inférieur à k0 ; – segment curviligne DE: décolmatage progressif; – segment EF: écoulement avec décolmatage stabilisé et coefficient de perméabilité k2 constant supérieur à k1 mais encore inférieur à k0 malgré le décolmatage. La figure III.28b montre l’évolution du coefficient de perméabilité k en fonction de la charge pendant tout le déroulement de l’essai, représenté par le graphe 28a.
v v0**
v0 A k0 > k > k1
k0
v0*
k1 < k0 B
C k2 > k1
D E 0
F Hp**
Hp
Hp *
H
a) courbe de l'évolution des vitesses en fonction de la charge k k0
B' E'
k2 k1
C'
F'
D'
0
H0 H H1 H1 H 2 b) courbe de l'évolution des coefficients de perméabilité
Figure III.28. Courbes générales d’un essai perturbé.
Examinons, à titre d’exemple la figure III.29 qui concerne l’essai interprété par la méthode de la courbe théorique de la figure III.22. Nous constatons, malgré une certaine dispersion, un alignement des points pour des valeurs de H comprises entre 0,3 et 1,5 à 1,6 mètre. Mais l’ordonnée à l’origine de la droite des moindres carrés correspondant à cet ensemble de points est
160
Essai Lefranc
0,09 m/min, soit 1,5.10–3 m/s alors que v0 = 0,175 m/min = 2,92.10–3 m/s. On peut donc affirmer qu’il y a eu colmatage en début d’essai. dh/dt (m/mn) Essai Lefranc régime transitoire (injection) E5 P : 28,6 B : 0 0,16
0,12
0,08
0,04
0 0
0,4
0,8
1,2
1,6
h (m)
B = 0,098 m M = 13,75 K = 0,045 × 10 – 4 m/s K = 0,570 × 10 – 4 m/s
Figure III.29. Traitement direct de l’équation différentielle avec colmatage en cours d’essai (EDF Cevins).
La pente de cette droite a donné un coefficient de perméabilité de 4,5.10–6 m/s alors que son abscisse à l’origine, H = 1,85 mètre, conduit à 8,8.10–6 m/s, valeur deux fois supérieure. La double estimation ne conduit donc pas à des résultats concordants. En revanche, considérons les trois premiers points du graphe qui sont situés nettement au-dessus de la droite de régression précédente et qui correspondent à H < 0,3 m et v = 0,11 à 0,12 m/min. Si on calcule la droite des moindres carrés de ces points en obligeant cette droite à passer par le point d’ordonnée v = 0,175 mn et d’abscisse nulle, on obtient le même coefficient de perméabilité à partir de la pente de cette droite et à partir de son abscisse à l’origine (H = 0,29 m), c’est-à-dire k = 5,7.10–5 m/s. Les
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LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
deux estimations concordent parfaitement et on voit que la valeur de k est près de treize fois supérieure à celle obtenue à partir du premier alignement qui correspondait au colmatage. Si on compare maintenant ces résultats à ceux obtenus par la méthode de la courbe théorique, on voit que la courbe 1 de la figure III.22 a donné, pour la phase de colmatage, une valeur k = 8,9.10-6 m/s alors que pour le même ensemble de points, l’abscisse à l’origine de la droite des vitesses a donné, comme nous venons de le voir, k = 8,8.10-6 m/s, et la pente de cette droite 4,5.10-6 m/s. Par ailleurs, la courbe 2 de la figure III.22 a donné k = 4.10-5 m/s alors que la droite des vitesses des trois premiers points, qui correspondent à ceux de l’ajustement de la courbe théorique, a donné 5,7.10-5 qui est assez voisine. Nous avons retenu, dans nos conclusions, une valeur de 5.10-6 m/s. On voit donc que les deux méthodes se complètent parfaitement et permettent bien de suivre l’évolution du phénomène d’infiltration pendant toute la durée de l’essai. Que l’on ait réalisé l’essai par injection ou par pompage, dès l’arrêt de la pompe la charge hydraulique, qui avait atteint une valeur maximale H0, commence à se dissiper et l’étude de la courbe de dissipation (descente ou remontée selon le cas) permet une autre évaluation du coefficient de perméabilité. En effet, l’équation de la dissipation de cette charge est obtenue en faisant Q = 0, c’est-à-dire v0 = 0 dans l’équation (III.30). On obtient donc: mkB v = – ----------- H S Dans les deux cas, au moment de l’annulation du débit, la vitesse s’annule également et change de sens avec l’écoulement. La charge différentielle étant comptée à partir du niveau statique initial de la nappe, la variation de la vitesse s’effectue dans les limites suivantes: H = 0 H = H0
v = 0 mkB v = v 0 = – ----------- H 0 S
La vitesse est donc toujours négative. Mais pour éviter de se trouver, graphiquement, dans le domaine des ordonnées négatives, on raisonnera en valeur absolue et on écrira: mkB v = ----------- H S
162
(III.31)
Essai Lefranc
On voit donc que la courbe des vitesses en fonction de la charge doit être, théorimkB quement, une droite passant par l’origine dont la pente ----------- permet d’évaluer k. S Dans la pratique, trois cas peuvent se présenter: – les points expérimentaux sont effectivement alignés et la droite passe bien par l’origine (Fig. III.30a); – les points expérimentaux sont effectivement alignés, mais la droite ne passe pas par l’origine et son abscisse à l’origine est positive (Fig. III.30b); – les points expérimentaux ne sont pas alignés (Fig. III.30c-d). Nous n’avons pas cité le cas de la droite qui ne passe pas par l’origine et dont l’ordonnée à l’origine est positive, car ce cas ne peut physiquement pas se produire. Il signifierait, en effet, que, lorsque la charge devient nulle la vitesse ne s’annule pas et reste constante, c’est-à-dire que lorsque le niveau de l’eau dans le tube aurait retrouvé le niveau initial de la nappe au repos, le mouvement se poursuivrait! v
v
v0
v0
0
H
H
0
H0
a) droite conforme à la théorie
H0 b) anomalie en fin d'essai
v
v
v0
v0
0
H H0
0
H H0
c) et d) courbes paraboliques
Figure III.30. Courbes de la vitesse en fonction de la charge.
163
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Lorsque la droite ne passe pas par l’origine (Fig. III.30b), son abscisse à l’origine Hc correspond à une vitesse nulle, c’est-à-dire à un arrêt du mouvement de l’eau dans le forage, donc à un colmatage. L’expérience montre que ce phénomène se produit surtout en fin d’essai. Puisque entre H0 et Hc la courbe des vitesses est une droite, c’est qu’il n’y a pas de colmatage dans cet intervalle et que la pente de cette droite représente bien la perméabilité du sol pour autant que cette perméabilité n’ait pas été perturbée par la phase à débit non nul. Mais cette valeur de Hc peut aussi résulter d’une erreur systématique faite sur les H mesures de H. Dans ce cas, si le graphe de ln ------0 n’est pas une droite dans la reH présentation semi-logarithmique, on pourra considérer Hc comme un terme correctif. On effectue alors sur les valeurs mesurées de H, la correction: H∗ = H – H c H∗0 H0 – Hc - = ln ----------------- en fonction du temps qui doit On trace ensuite le graphe de ln -------H – Hc H∗ être une droite passant par l’origine. C’est à partir de la pente de cette droite que l’on calculera k. Si les points expérimentaux ne sont pas alignés, c’est que l’essai a été perturbé par des phénomènes parasites et devrait en principe être rejeté comme non représentatif. Toutefois, avant de l’éliminer définitivement, on peut essayer de voir s’il n’est pas possible d’en tirer quelques renseignements en cherchant à ajuster sur ces points une courbe parabolique. Pour cela, on trace le graphe de l’évolution du v rapport ---- en fonction de H. Si ce graphe est une droite (droite des moindres carH rés des points correspondants) l’ajustement est possible, car on a alors: v--= a ± bH H d’où: v = aH ± bH
2
(III.32)
Dans cette dernière équation, le signe + correspond au cas de la figure III.30c et le signe – à celui de la figure III.30d. Pour estimer un coefficient de perméabilité à partir des courbes représentant l’équation (III.32) on remarquera que, dans un essai non perturbé, le coefficient
164
Essai Lefranc
dv de perméabilité est proportionnel à ------- , c’est-à-dire que l’on peut écrire d’après dH (III.31): 1 dv k = -------- ------mB dH dv Lorsque k est constant, ------- l’est aussi et la courbe des vitesses est une droite. On dH peut donc dire que, réciproquement, si la courbe des vitesses n’est pas une droite, puisque m et B sont les données géométriques du problème, c’est que k a subi des modifications, et que, théoriquement, la valeur de k en un point de la courbe des vitesses est proportionnelle à la pente de la tangente à la courbe en ce point. Pour déduire une valeur de k de la courbe des vitesses, il faut se placer dans la situation de la moindre perturbation, c’est-à-dire au moment de l’annulation du débit, donc au point d’abscisse H0. Sur les figures III.30c et d, on voit que la pente de la tangente en ce point est: dv ------- = a ± 2bH 0 dH d’où: ( a ± 2bH 0 )S k = ----------------------------mB Pour la courbe (c), la pente maximale est bien celle de la tangente au point d’abscisse H0, correspondant à l’arrêt des pompes. Elle conduit à la valeur maximale de k (signe + dans la formule ci-dessus), c’est-à-dire dans la plupart des cas, à une valeur sécurisante. En revanche pour la courbe (d), la pente qui correspond, elle aussi, à l’arrêt des pompes est la pente minimale. La valeur de k est toujours donnée par la formule précédente mais en prenant le signe moins. La pente maximale est alors, dans ce cas, celle de la tangente à l’origine qui conduit à: aS k = -------mB Dans la pratique, c’est surtout la courbe (c) que l’on rencontre. Nous avons vu que le traitement numérique direct de l’équation différentielle se ramenait à ajuster une droite sur des points expérimentaux et que l’on était amené à apprécier si l’ordonnée à l’origine de cette droite, dans le cas d’un débit non nul,
165
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Q était significativement différente de ---- , ou si son abscisse à l’origine dans le cas S d’un débit nul était significativement différente de zéro. La décision d’accepter ou de rejeter ces hypothèses (écarts significatifs ou non) pourra avantageusement faire appel aux méthodes de la statistique descriptive et plus particulièrement celles des tests d’hypothèses relatives aux paramètres des droites ajustées selon les moindres carrés. Commentaire sur les méthodes d’interprétation en régime transitoire Grâce à l’informatique la méthode analytique, qui consiste à ajuster visuellement une courbe théorique sur la courbe expérimentale, est beaucoup plus rapide que la méthode d’interprétation graphique directe de l’équation différentielle, que nous avons appelée méthode de la courbe des vitesses relatives, laquelle est désavantagée par la nécessité de procéder préalablement à la dérivation de la courbe expérimentale. Certes, on peut établir des logiciels qui effectuent cette dérivation à partir de la moyenne de deux mesures consécutives de la charge et des incréments expérimentaux correspondants ∆Hj et ∆tj, mais il faut alors que les mesures soient très rapprochées, ce qui nécessite pratiquement un enregistrement automatique des données, opération qui évidemment ne pose maintenant aucun problème. Mais une fois établis les graphes de la fonction v (H), il faut les analyser qualitativement avant de procéder au calcul et, là, l’informatique n’est pas d’un grand secours. On peut aussi ajuster, sur les points de mesure, une courbe de type polynomial en utilisant les méthodes statistiques ce qui permet alors une dérivation analytique qui conduit finalement au graphe de v (H). Tout ceci est relativement long et, par conséquent, quelque peu dissuasif, et met parfaitement en évidence les avantages offerts par la méthode utilisant l’intégration de l’équation différentielle qui permet de mieux cerner l’allure des phénomènes au voisinage de l’origine, ce qui est fondamental, car au tout début de l’essai les phénomènes parasites n’ont pas encore eu le temps de se manifester. Si nous nous sommes étendus sur l’interprétation graphique de cette équation différentielle c’est, d’une part, pour procéder à une analyse approfondie de l’essai Lefranc et, d’autre part, pour montrer que lorsqu’on n’arrive pas à ajuster totalement et même partiellement une courbe théorique sur les points expérimentaux, il peut être possible, soit en combinant les deux méthodes, soit en traitant directement l’équation différentielle, d’obtenir un coefficient de perméabilité représentatif à partir d’un essai jugé a priori inexploitable.
166
Essai Lefranc
III.4.3.3. Interprétation en régime permanent Avec les méthodes informatiques d’ajustement de courbes théoriques, l’interprétation en régime permanent ne se dissocie pas de celle en régime transitoire puisque dans un essai représentatif la courbe théorique doit s’ajuster sur les deux régimes, comme nous venons de le voir. L’apparition d’un régime permanent, qui n’est d’ailleurs pas un critère de représentativité et de fiabilité de l’essai, est caractérisée par une stabilisation de la charge à une valeur constante que nous avons appelée Hp. La détermination du coefficient de perméabilité est alors immédiate: Q k = --------------mBH p Lorsqu’une telle stabilisation se manifeste, il est intéressant de procéder à un deuxième palier de débit et même à un troisième, si le deuxième a conduit, lui aussi, à une stabilisation de la charge. On trace alors le graphe des débits en fonction des charges. D’après la formule générale (III.27), où Qs = Q puisque nous sommes en régime permanent, la courbe Q = f (H) doit être une droite passant par l’origine. La pente de cette droite permet alors d’évaluer ou de vérifier la valeur du coefficient de perméabilité: 1 ∆Q k = -------- -------mB ∆H On remarque que, dans ce cas, la connaissance précise du niveau statique initial de la nappe n’est pas nécessaire, car, si on désigne par z la cote de ce niveau par rapport à un repère quelconque (haut du tube, terrain naturel etc.) et par zw la cote du niveau de l’eau dans le forage, on a H = z – zw et ∆H = ∆z, puisque zw est constant. Mais il peut se faire que la courbe Q (H) ne soit pas une droite, si l’essai a été perturbé par des phénomènes parasites. La figure III.31 montre les allures des courbes que l’on est susceptible d’obtenir en fonction de la nature des perturbations. Lorsque la courbe n’est pas linéaire, on trace le graphe de la fonction expérimenQ tale ---- en fonction de H. Si ce graphe est une droite de la forme: H Q ---- = a + bH H
167
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
la courbe Q (H) est une parabole passant par l’origine et dont la pente de la tangente en ce point n’est autre que l’ordonnée à l’origine a de la droite représentant Q l’évolution de ---- en fonction de H. On aura alors: H a k = -------mB 4
GpFROPDWDJH
HVVDLFRUUHFW
FROPDWDJH RXUpJLPHWXUEXOHQW
Figure III.31. Différents types d’évolution du débit avec la charge.
Dans l’essai Lefranc normal, cette méthode ne permet pas de s’affranchir de l’analyse en régime transitoire tout au moins pour le premier palier, car on a vu qu’un régime permanent pouvait apparaître à la suite d’une phase de colmatage. Mais même dans ce cas, la réalisation de paliers peut présenter un certain intérêt. En pratique, cette méthode par paliers est surtout intéressante pour les essais à charge constante qui ne permettent pas d’apprécier ce qui se passe au début de l’essai. En terrain sableux, lorsqu’on réalise l’essai par pompage, il arrive très souvent, surtout lorsqu’on opère avec une cavité de faible hauteur, que se produisent des remontées de sable dans le forage. Dans ce cas, les résultats sont évidemment perturbés. On peut alors évaluer le coefficient de perméabilité, en calculant un coefficient apparent ka sans tenir compte de la remontée de sable, et en le divisant par un terme correcteur a donné par les courbes de la figure III.32: k k = ----αα
168
Essai Lefranc
Mais ces courbes s’arrêtent à des remontées de 30 cm alors qu’en pratique elles peuvent atteindre et dépasser largement le mètre, ce qui limite l’intérêt de cet abaque. On en retiendra toutefois que a étant plus petit que 1, le coefficient de perméabilité réel est supérieur à ka et que pour les remontées importantes, il peut atteindre et dépasser largement 10 ka. A NA N A
VRQ
GD
JH
PP
P
P
PP
P
P
UHPRQWpH
FP
Figure III.32. Terme correcteur dans le cas d’une remontée de sable (document Solétanche).
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LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Ce phénomène de remontée de sable, ou renard, s’accompagne, en effet, d’une désorganisation du sol tout autour de la cavité avec augmentation de la porosité, donc du coefficient de perméabilité. Pour avoir une idée, ne serait ce que qualitative, de l’influence de ce phénomène sur l’estimation du coefficient de perméabilité et procéder à une comparaison avec le phénomène inverse qui est celui du colmatage, on peut tenter une approche théorique en se plaçant dans le cas très simple d’une cavité rigoureusement sphérique. Supposons donc qu’on réalise un essai Lefranc avec une telle cavité de rayon r, dans un milieu isotrope dont le coefficient de perméabilité en un point quelconque varierait en fonction de la distance ρ de ce point au centre de la cavité. Les surfaces équipotentielles de l’écoulement sont donc des sphères concentriques à la cavité et, sur une sphère quelconque de rayon ρ, la charge hydraulique différentielle dh est h et le gradient – ------ . dρ La vitesse de percolation de l’eau à travers cette surface sphérique est égale à dh – k ( ρ ) ------ et le débit correspondant est donc: dρ dh 2 Q s = – 4πρ k ( ρ ) -----dρ En régime permanent Qs est égal au débit pompé ou injecté qui est constant, mais l’équation précédente est valable à tout instant pendant le régime transitoire. On peut donc écrire: Q dρ dh = – ------s ⋅ ---------------(III.33) 4π ρ 2 k ( ρ ) Les conditions aux limites de l’écoulement sont par ailleurs: – pour ρ = r → h ( r ) = H = constante ; – pour ρ = ∞ → h ( ∞ ) = 0 . D’où en intégrant entre ces limites: Q H = ------s ⋅ 4π
∫
∞ r
dρ ---------------2 ρ k(ρ)
Or, l’essai Lefranc réalisé dans de telles conditions ne permet d’obtenir qu’une valeur apparente globale ka du coefficient de perméabilité à partir de la formule (III.10) qui s’écrit alors puisque pour une sphère m = 2π: Q s = 4π ⋅ k a Hr
170
Essai Lefranc
En portant cette expression de Qs dans l’équation (III.33), il vient: ka
∫
∞ r
dρ = 1 -----------------2 r ρ k(ρ)
(III.34)
Supposons alors que l’on ait: – pour r ≤ ρ ≤ R ⇒ k ( ρ ) = k∗ constant ; – pour ρ ≤ R ⇒ k ( ρ ) = k constant . Ce modèle correspond à une perturbation hydraulique qui se développe à partir de la cavité jusqu’à une sphère de rayon R, et telle que le coefficient de perméabilité de la zone perturbée soit k* et celui du sol initial intact k. On peut alors écrire: k ----ak∗
∫
R r
dρ k -----2- + ----a k ρ
∫
∞
1 dρ -----2- = --r R ρ
soit: k 1 1 k 1 1 ----a- ⎛ --- – ---⎞ + ----a ⋅ --- = --⎝ ⎠ r k R k∗ r R d’où: ka 1 ---- = ---------------------r k 1 – --R r--- -----------+ R k∗ ----k
(III.35)
Si k* ≥ k, la perturbation correspond à une augmentation du coefficient de perméabilité due à une augmentation de la porosité du sol, ce qui ne peut se produire que dans un essai par pompage, on a alors: k∗ 1 ≤ ----- ≤ ∞ k la valeur k* = ∞ correspondant à une disparition complète du sol dans la zone perturbée. k k∗ R On voit alors que lorsque ----- tend vers l’infini, ----a tend vers --- . À titre d’exemple, k k r si R = 2 r, le coefficient de perméabilité apparent n’est que le double du coefficient de perméabilité réel, ce qui n’est, en pratique, pas très grave.
171
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
k∗ En revanche, si k* < k, c’est-à-dire si 0 ≤ ----- ≤ 1 , ce qui correspond à un colmatage k qui, à la limite, peut atteindre l’imperméabilisation complète de la cavité (k* = 0), le coefficient de perméabilité apparent perd une puissance de 10 en même temps que k*, comme le montre le tableau III.4 dans lequel nous avons calculé les valeurs ka k∗ ---- pour des valeurs de ----- variant, par puissance de 10, de 103 à 10– 4 et cela pour k k R R --- = 1 ,2 et --- = 2 . r r Tableau III.4 k ----ak Nature de la perturbation
Décolmatage ou Renard
Colmatage
k∗ -----k
R ---- = 1 ,2 r
R ---- = 2 r
1,2
2
103
≈ 1,2
≈2
102
≈ 1,2
1,98
10
1,18
1,82
1
1,00
1,00
10– 1
4.10– 1
1,82.10– 1
10– 2
5,7.10– 2
1,98.10– 2
10– 3
5,97.10– 3
2.10– 3
10– 4
≈ 6.10– 4
2.10– 3
On constate bien l’importance du risque d’erreur que constitue le colmatage par rapport au renard. Malheureusement, dans la pratique, il est quasiment impossible d’évaluer la limite d’extension R de la zone perturbée.
172
Essai Lefranc
Supposons maintenant que l’on ait: – pour r ≤ ρ ≤ R 1 ⇒ k ( ρ ) = k constant ; – pour
R 1 ≤ ρ ≤ R 2 ⇒ k ( ρ ) = k∗ constant ρ ≥ R 2 ⇒ k∗ ( ρ ) = k constant
On obtient alors: ka
∫
∞ r
dρ = k----a ---------------2 k ρ k(ρ)
∫
R1 r
ka dρ- + -------2 k∗ ρ
∫
R2
k dρ -----2- + ----a k R1 ρ
∫
∞
1 dρ -----2- ≤ --r R2 ρ
d’où l’on déduit finalement: k 1 ----a = ---------------------------------------------------r k r ----- – ----R1 R2 r r 1 – ----- + ----- + -----------------R1 R2 k∗ ----k Si on fait R1 = r et R2 = R, on retrouve bien l’expression (III.35). Ce modèle rend compte de l’effet d’un colmatage qui se produirait entre les sphères de rayon R1 et R2 (avec R2 > R1 > r) et qui n’affecterait pas directement la paroi de la cavité. Supposons pour fixer les idées que l’on ait R1 = 2 r et R2 = 1,1 R1 = 2,2 r. Les valeurs relatives du coefficient de perméabilité apparent sont données dans le tableau III.5. Tableau III.5 k∗ -----k
k ----ak
1
1
10
–1
7,1.10– 1
10– 2
1,82.10– 1
10– 3
2,15.10– 2
10– 4
≈ 2,2.10– 3
Pour un rayon usuel de cavité de l’ordre de 7,5 cm, ce schéma correspond à une couronne sphérique perturbée de 1,5 cm d’épaisseur à une distance moyenne de la cavité de 8,25 ≈ 8 cm.
173
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
R Les valeurs du tableau III.5 peuvent être comparées à celles de la colonne --- = 2 r du tableau III.4. En effet, si le colmatage d’épaisseur 1,5 cm s’était produit au R contact de la cavité de rayon r = 7,5 cm, on aurait alors R = 9 cm d’où --- = 1 ,2 . r Dans cet exemple, on voit que le colmatage à une distance des parois de la cavité d’environ un rayon est moins pénalisant qu’un colmatage de même épaisseur au contact de la cavité, ce qui est logique et cela dans un rapport de l’ordre de 30. Il ne faut, certes pas, considérer ces calculs théoriques dans toute leur rigueur mathématique mais plutôt ne voir en eux que des indicateurs de tendance qui donnent une idée qualitative assez claire des phénomènes.
III.5. VARIANTE DE L’ESSAI LEFRANC: L’ESSAI BRILLANT Pour éviter le pompage et procéder à des mesures rapides J. Brillant [7] a imaginé un appareil très ingénieux qui permet de produire dans la nappe un abaissement du niveau d’eau et de mesurer ensuite la remontée de ce niveau. C’est donc un essai par prélèvement.
g
L’appareil, schématisé sur la figure III.33, est constitué par une cloche reliée à un câble passant sur une poulie fixée à un support et qui est enroulé sur un moulinet de poids p servant de petit contrepoids initial. Ce câble peut glisser dans un contrepoids P rendu provisoirement solidaire du support par un ergot g. Ce support est lui-même fixé sur le tube de forage par écrou et boulon. La suspension de la cloche au câble n’est pas fixe, mais se fait par butée d’une bille fixée au câble. La réalisation de l’essai est très simple. On introduit la cloche dans l’eau lorsque le niveau dans le forage est
174
P
p
TN s tubage orifice bille
s' avant immersion
cloche flotteur
niveau d'eau
(b') après immersion
Figure III.33. Schéma de l’appareil « Brillant ».
Essai Lefranc
proche du niveau statique de la nappe. À un moment donné, la cloche et l’air qu’elle contient sont soutenus par l’eau. On peut alors mollir le câble, et la bille descend. L’air s’évacue par l’orifice et la cloche plonge complètement dans l’eau. La faible épaisseur de la paroi de la cloche ne déplace qu’un volume d’eau pratiquement négligeable. De toute façon, on attend un certain temps pour que l’équilibre, rompu momentanément par l’introduction de la cloche, soit rétabli. On libère alors le poids p du moulinet, et la cloche se fixe dans une position d’équilibre 1 (Fig. III.34). On bloque ensuite le câble dans le contrepoids P et on libère ce contrepoids en agissant sur l’ergot g. La cloche remonte brusquement entraînant avec elle l’eau qu’elle contient (puisque cette eau n’est plus soumise, dans sa partie supérieure à la pression atmosphérique) et provoquant un abaissement du niveau de l’eau dans le forage. La cloche se fixe ainsi dans une nouvelle position d’équilibre 2. Soient: s: la section extérieure de la cloche; S: la section intérieure du forage; H: la hauteur immergée de la cloche dans la position d’équilibre 1; d: la hauteur émergée de la cloche dans la position d’équilibre 2; d’: l’abaissement du niveau de l’eau dans le forage par rapport au niveau statique de la nappe. p+P
p d d' H H'
(1)
(2)
Figure III.34. Principe de fonctionnement de l’appareil « Brillant ».
Considérons le plan horizontal situé à une profondeur H au-dessous du niveau statique de la nappe et passant par la base de la cloche. Les volumes d’eau contenus dans le forage et situés au-dessus de ce plan sont: – dans la position 1 : V = SH; – dans la position 2 : V’ = S H’ = V – sd = SH – sd
175
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
d’où: s V' H' = ---- = H – --- d S S Or: d' = H – H' donc: s d' = --- d S Dans la position 1, le poids de la cloche W est équilibré par l’excédent de câble et par le moulinet d’enroulement, représentant un poids p: W = p Dans la position 2, l’équilibre exige que l’on ait: W + sd = P + p où P désigne le contrepoids, d’où: P = sd soit, finalement: P d = --s P d' = --S On assiste donc en définitive à une élévation quasi instantanée de la cloche égale à: P P d – d' = --- – --s S Dans les secondes qui suivent cet état d’équilibre, sous l’action de la charge P d' = --- le niveau de l’eau remonte dans le forage entraînant la cloche dans son S mouvement qui est transmis par le câble à un dispositif enregistreur. Ce mouvement est donc représenté par le graphique III.35 sur lequel l’ordonnée à l’origine AB traduit la remontée brutale et instantanée de la cloche: P P AB = --- – --- . Pratiquement la partie utile de la courbe, correspondant au domais S
176
Essai Lefranc
ne d’application de la loi de Darcy, commence en un point B’ à partir duquel les vitesses de remontée deviennent faibles.
remontée de la cloche
mm
B' P/s
P/S
B P/s – P/S A
t
Figure III.35. Graphique de remontée de la cloche dans l’essai « Brillant ».
L’enregistrement se fait sur une bande de papier qui se déplace à la même vitesse que la cloche. Un dispositif spécial trace une marque toutes les θ secondes (Fig. III.36). La distance séparant deux marques n’est autre que la valeur de la remontée de la cloche pendant le temps θ.
I (n marques)
I' (n marques)
N
Figure III.36. Enregistrement d’un essai « Brillant ».
Si a0 désigne la distance entre les marques correspondant aux temps t0 et t0 + θ, c’est-à-dire à la remontée de la cloche pendant le même intervalle de temps, la dernière équation du tableau III.3 permet d’écrire: a 0 = He
– β ( t0 + θ )
– He
– βt 0
= He
– βt 0
[e
– βθ
– 1]
177
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
avec toujours: mkB β = ----------S De même, la remontée de la cloche entre les temps t0 + nθ et t0 + (n + 1)θ sera: a n = He
– β [ t 0 + ( n + 1 )θ ]
– He
– β ( t 0 + nθ )
= He
– β ( t 0 + nθ )
[e
– βθ
– 1]
soit encore: a n = He
– βt 0
(e
– βθ
– 1)[e
– βθ n
] = a0 ⋅ [ e
– βθ n
]
θ étant constant par construction, les distances entre les marques successives sont en progressions géométriques de raison: r = e
– βθ
Il suffit donc de connaître r pour calculer k. En pratique, on considère deux intervalles I et I’ correspondant chacun au même nombre de marques n c’est-à-dire à des intervalles de temps identiques et égaux à nθ. Appelons N le nombre de marques séparant les origines de ces deux intervalles (Fig. III.35). En raisonnant comme précédemment, on peut écrire: I = He
– β ( t 0 + nθ )
– He
–β t0
= He
– βt 0
(e
– βnθ
– 1)
et: I ' = He
– β ( t 0 + Nθ + nθ )
– He
– β ( t 0 + Nθ )
= He
– β ( t 0 + Nθ )
(e
– βnθ
– 1)
d’où: I' --- = e –βNθ I soit encore: I βNθ = ln --I' où I et I’ sont, rappelons-le, des longueurs mesurées sur le papier enregistreur. On obtient finalement en explicitant: S I k = ---------------- ln --mBNθ I '
178
Essai Lefranc
L’appareil Brillant n’est quasiment plus utilisé aujourd’hui, et c’est fort regrettable car il présente deux intérêts fondamentaux: – l’essai est réalisé par prélèvement et non par apport d’eau, comme le recommande la norme; – les mesures sont effectuées dans les premiers instants du phénomène avant que celui- ci n’ait eu le temps d’être perturbé par des causes extérieures. La méthode d’interprétation présentée ici peut paraître évidemment un peu archaïque, mais il faut savoir qu’elle remonte à 1960, c’est-à-dire à une époque où l’informatique et l’électronique appliquées à la géotechnique n’en étaient qu’à leurs premiers balbutiements, et, à notre connaissance, aucune modernisation n’a été apportée aux rarissimes appareils existants, pour autant qu’il en existe encore!
Figure III.37. Appareil « Brillant ».
Aujourd’hui on enregistrerait numériquement la remontée de la cloche en fonction du temps et on interpréterait l’essai selon la méthode de l’essai Lefranc sous débit nul, c’est-à-dire en utilisant la formule (III.29bis) ou les deux dernières formules du tableau III.3, avec la méthode de la courbe théorique.
179
CHAPITRE IV
Essai Lugeon
IV.1. PRINCIPE ET DÉFINITION DE L’ESSAI L’essai Lugeon, du nom du géologue qui l’a inventé, est essentiellement destiné à évaluer les possibilités de circulation de l’eau dans une roche et ne s’applique pas aux sols meubles, à l’exception peut-être des sols à cohésion très élevée. Il consiste à injecter de l’eau sous pression dans un élément de forage, et il présente par conséquent, à cet égard, de grandes analogies avec l’essai Lefranc. Toutefois, les lois qui régissent la circulation de l’eau dans une roche peuvent être très différentes de celles d’un sol, car la perméabilité d’une roche est une perméabilité de fissures, et quelquefois même de chenaux, alors que celle d’un sol est une perméabilité d’interstices. Lorsque la roche présente des fissures peu nombreuses et très ouvertes, l’eau, même sous faible charge, circule très facilement, mais en régime turbulent et non laminaire, le phénomène de turbulence étant accentué par la rugosité des parois des fissures. En revanche, lorsque les fissures sont très minces et nombreuses, il faut une charge importante pour provoquer l’écoulement. Là aussi, le régime est turbulent. Dans les deux cas, la loi de Darcy n’est plus applicable. Elle ne peut l’être que lorsque les fissures sont réparties de façon à peu près homogènes et avec une certaine densité, de telle sorte que l’écoulement puisse être considéré comme laminaire.
181
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Ce régime étant également fonction de la dimension des fissures et de la vitesse de l’eau, on voit que, dans une roche, peuvent coexister aussi bien le régime laminaire que le régime turbulent. C’est pourquoi, il est d’usage de considérer l’essai Lugeon non pas comme un véritable essai, au sens scientifique du terme, mais plutôt comme un simple test qui permet de caractériser et de classer les roches en fonction de leur fissuration. On pourrait presque dire que l’essai Lugeon est à l’hydraulique des massifs rocheux, ce que le SPT est à la mécanique des sols. Mais, même dans cette interprétation qualitative, il faut se montrer très prudent car, toutes choses égales par ailleurs, les débits injectés sont différents selon que le forage dans lequel est réalisé l’essai est parallèle à une fissure qu’il recoupe alors suivant deux génératrices, ou qu’il lui est perpendiculaire. Dans ce dernier cas le débit est plus faible, quoiqu’il s’agisse toujours de la même fissure. On voit donc toute l’importance qu’il y a à repérer le mieux possible les orientations des fissures de la roche. Le résultat de l’essai Lugeon se traduit par un paramètre d’absorption d’eau qui s’exprime en unité lugeon. Par définition: 1 lugeon = débit d’un litre par minute, injecté dans un tronçon de forage d’un mètre de longueur sous une pression d’un MPa, maintenue constante pendant 10 minutes. Si le débit ramené à 1,00 m de forage est de n litres/minute, on dira que la perméabilité de la roche est de n lugeons. Maurice Lugeon a mis au point cet essai pour estimer la perméabilité des fondations de barrage. Il admet que pour des barrages d’une hauteur supérieure à 30,00 m, on peut tolérer une perméabilité d’1 lugeon. Cette valeur d’1 lugeon semble, par ailleurs, correspondre à la limite d’injectabilité d’une roche. Il est parfois commode de comparer le rocher fissuré à un terrain homogène fictif présentant le même débit de percolation sous 1 MPa. En appliquant la formule III.10 à un forage de 100 mm de diamètre, qui est une valeur moyenne courante, on obtient: 1 000 λ = ------------- = 10 100 d’où: m = 21 h = 100 m ( ~ 1 MPa ) –5 3 Q = 1 litre/minute ≠ 1 ,7 ⋅ 10 m ⁄ s d’où: –5
Q 1 ,7 ⋅ 10 –8 k = ----------- = ----------------------------------- = 8 ⋅ 10 m/s mhB 21 × 100 × 0 ,1
182
Essai Lugeon
Donc 1 lugeon = 8.10– 8 m/s pour un forage de 100 mm de diamètre. Mais lorsque le diamètre de la cavité varie de 50 mm à 200 mm, la valeur de l’unité lugeon passe de 10– 7 m/s à 0,6.10– 7 m/s. Dans la gamme des diamètres de forages couramment utilisés, (B ≤ 200 mm) on pourra donc admettre en première approximation: 1 lugeon ≈ 10– 7 m/s. L’essai Lugeon a fait l’objet d’une norme française NFP.94-131 homologuée par l’Afnor le 5 août 1994 pour prendre effet le 5 septembre de la même année.
IV.2. RÉALISATION DE L’ESSAI LUGEON IV.2.1. Préparation de l’essai manomètres compteur CO2
décharge
bac éventuellement gradué
H
L
B
Figure IV.1. Schéma d’un essai « Lugeon ».
183
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
On isole à la base du forage une cavité cylindrique dont la longueur d’après M. Lugeon doit être de 5 mètres (Fig. IV.1). Toutefois, si le rocher présente des fissures très importantes que l’on désire localiser, on peut être amené à réduire la longueur de la cavité jusqu’à 1,00 m ou même 0,50 m. L’isolement de cette cavité se fait à l’aide d’obturateurs dont le plus simple était, jadis, constitué par des bagues de cuir embouti ou de caoutchouc fixées sur le tube d’injection, et qui pouvaient être écrasées, à la profondeur voulue, par un dispositif approprié. Actuellement, on utilise de préférence des obturateurs gonflables, soit au gaz compriCO2 mé (air ou CO2) soit à l’eau. Les obturateurs à gaz ressemblent quelque peu à des sondes pressiométriques de grande dimension (Fig. IV.2) et sont constitués par un élément de tube, de diamètre compatible avec celui du forage, revêtu d’une membrane caoutchoutée dont l’épaisseur peut varier de 5 à 8 mm, selon le cas. Des bagues de serrage assurent l’étanchéité entre le cylindre intérieur et les membranes. Selon la norme, le diamètre de l’obturateur avant dilatation doit être supérieur ou au moins égal à 0,7 fois le diamètre du forage. Du gaz carbonique sous pression est injecté par l’intermédiaire de tubulures en Rilsan entre le cylindre métallique et la membraFigure IV.2. Schéma d’un obturateur ne. Celle-ci est ainsi fortement appliquée pneumatique. contre les parois du forage. Pour qu’une bonne étanchéité soit assurée, il faut que la pression dans les obturateurs soit supérieure d’au moins 0,2 à 0,3 MPa à la pression d’injection d’eau, ce qui conduit à une pression de gonflage minimale de 1,2 à 1,4 MPa. Par précaution, il faut que l’obturateur permette d’atteindre des pressions de dilatation d’au moins 2 MPa. L’expérience montre que pour limiter les éclatements et assurer une bonne étanchéité, la longueur du dispositif doit être assez grande, de l’ordre de 1,00 m, pour des forages de 66 mm à 1,50 m pour des forages de 116 mm et la norme stipule, en son article 4-1, que la gaine de l’obturateur doit avoir « une longueur supérieure ou égale à 10 fois le diamètre du forage avec une longueur minimale d’1 mètre ».
184
Essai Lugeon
Sur l’obturateur est fixé le tube d’injection, muni en tête d’un manomètre et relié à la pompe. Parmi les obturateurs à eau, il existe des dispositifs autoserreurs qui utilisent la perte de charge produite par l’écoulement à travers un orifice: la membrane caoutchoutée est fixée sur le tube d’injection qui est perforé dans sa partie recouverte par la gaine. À la base du tube se trouve un orifice de petite section. Il en résulte qu’à l’aval de cet orifice, l’eau qui pénètre dans la section d’essai a une pression plus faible qu’au-dessus. On est donc certain d’avoir toujours dans l’obturateur, une pression d’eau supérieure à la pression d’essai (Fig. IV.3). Parmi les obturateurs à gonflage indépendant, citons l’appareil à bille Mazier-Solétanche (obturateur type CBM) qui comporte deux parties: – un support distributeur axial à bille éjectable; – une gaine en caoutchouc armé liée au support par un ancrage résistant.
tube d'injection
bague de serrage
orifice d'injection
Le support lui-même comprend trois parties déFigure IV.3. Principe montables (Fig. IV.4): de l’obturateur autoserreur. – le fourreau sur lequel est fixée la gaine; – le sabre annulaire placé à l’intérieur du fourreau et terminé à sa base par un panier (lamelles flexibles) qui permet d’enlever la bille après gonflage. À sa partie supérieure, un dispositif de verrouillage permet de mettre l’obturateur en position de gonflement ou d’essai; – le siège de la bille vissé à la base du fourreau. Le support distributeur étant obturé à sa base par la bille, la gaine est gonflée par l’eau sous pression envoyée par le train de tige sur lequel est fixé l’appareil. Après verrouillage du distributeur, la bille est expulsée manuellement et le passage de l’eau dans la section d’essai est ainsi assuré (Fig. IV.5). Ce tube d’obturateur existe en deux diamètres: – ∅ 55 mm pour des forages de 65 à 100 mm; – ∅ 95 mm pour des forages de 100 à 150 mm. Il existe, sur le marché, d’autres dispositifs qui permettent de travailler dans la même gamme de forages. Il faut évidemment prévoir des pompes qui puissent donner des pressions supérieures à 1 MPa, sous des débits qui peuvent atteindre des valeurs élevées.
185
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
raccord de fixation avec dispositif de vérouillage
bille éjectable
manchette
cônes d'ancrage panier
a) fourreau
b) sabre annulaire
c) siège du clapet éjectable
Figure IV.4. Obturateur gonflable simple CBM.
Les débits sont, soit directement mesurés par un débitmètre placé sur la conduite de refoulement de la pompe, soit calculés à partir des volumes injectés mesurés par abaissement du niveau de l’eau dans un bac gradué, ou à l’aide d’un compteur volumétrique placé, lui aussi, sur la conduite de refoulement. La pression lue sur le manomètre doit être corrigée des pertes de charge qui se produisent dans le tube entre le manomètre et la cavité d’injection. Si l’on ne dispose pas d’abaques donnant ces pertes de charge, il faudra en début de chantier, procéder à cette mesure. Pour ce faire, on place le tube à étalonner, muni de son propre manomètre, horizontalement et on lui transmet un débit d’eau (Fig. IV.6).
186
Essai Lugeon
vers l'obturateur inférieur ou vers le fond du forage la bille tombe dans le piège ou dans le forage
obturateur vérouillé a)
b)
descente
gonflage
c) fermeture et expulsion
d) position d’essai
de la bille
Figure IV.5. Schéma d’utilisation de l’obturateur CBM.
L’écoulement étant libre à l’extrémité du tube, la pression y est nulle. La perte de charge totale, pour le débit utilisé, est donc égale à la pression p indiquée par le
187
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
p manomètre. La perte de charge unitaire est alors égale à --- pour le débit Q. En L faisant varier le débit, on peut tracer la courbe des pertes de charge. Il est, par ailleurs, nécessaire de procéder à un étalonnage préalable des manomètres. Sur chantier, on utilisera un manomètre étalon ou une colonne d’eau. On peut évidemment s’affranchir de la mesure des pertes de charge en utilisant un capteur de pression placé dans la cavité, ce qui se fait de plus en plus fréquemment et qui est recommandé, car ces capteurs permettent en général une saisie automatique des données. manomètre
compteur de débit écoulement libre
pompe
L tube à étalonner
décharge
Fig. IV.6. Dispositif de mesure des pertes de charge.
Avant d’entreprendre l’essai proprement dit, il convient en outre: – de repérer précisément la cote de la base de l’obturateur; – de mesurer très soigneusement le niveau statique de la nappe, s’il y en a une, après dilatation de l’obturateur et stabilisation; – de mesurer la pression du fluide dans l’obturateur; – de s’assurer qu’il n’y a pas d’air dans les conduites. Dans une roche très perméable et très fissurée, la présence d’air n’est pas très gênante; mais il n’en est pas de même pour une roche compacte et imperméable. En effet, la compressibilité des bulles d’air se traduit par des à-coups dans la mesure des pressions. Il suffit dans ce cas, de remplir d’eau le tube d’injection avant de le brancher sur la pompe.
IV.2.2. Exécution de l’essai D’après la définition même de l’essai Lugeon, on doit mesurer le débit injecté sous une pression d’1 MPa maintenue constante pendant 10 minutes. Pour ce faire, on monte la pression par paliers de 0,2 MPa, chaque palier étant appliqué, eux aussi, pendant 10 minutes.
188
Essai Lugeon
Si on utilise un capteur de pression placé dans la cavité, on arrête la montée en pression à la fin du palier à 1 MPa et on poursuit l’injection avec des paliers de pressions décroissantes par incréments de 0,2 MPa à partir d’un premier palier à 0,7 MPa. Les paliers de déchargement sont également maintenus pendant 10 minutes. Si on ne dispose pas de capteur de pression dans la cavité, il faudra alors appliquer aux pressions une correction de pertes de charge. C’est pourquoi, si la fissuration de la roche le permet, ou si aucun claquage ne se produit, il est souhaitable de poursuivre l’essai jusqu’à 1,2 MPa pour être certain qu’après correction des pertes de charge, la pression maximale nette est supérieure ou égale à 1 MPa. Si le débitmètre ou le volumètre ne permettent pas l’enregistrement automatique des données, les mesures de volume ou de débit devront, dans chaque palier, être effectuées toutes les minutes, conformément à la norme. Il faudra également, au cours de chaque palier, contrôler la pression du fluide dans l’obturateur ainsi que le niveau de l’eau dans le forage au-dessus de la cavité. Les débits mesurés ou calculés dans chaque palier sont exprimés en litres par minute. On trace alors la courbe des débits en fonction de la pression, et ce, pour les pressions ascendantes comme pour les pressions descendantes, étant entendu qu’il s’agit là des pressions corrigées: p = pm + γw h – pc où: pm = pression lue sur le manomètre; h = distance verticale entre le manomètre et le niveau statique de la nappe; pc = perte de charge éventuelle; γw = poids volumique de l’eau.
IV.3. INTERPRÉTATION DE L’ESSAI LUGEON Si l’écoulement est laminaire, la courbe débit-pression qui passe évidemment par l’origine, présente une allure à peu près linéaire, ce qui n’est d’ailleurs qu’une approximation, car, en réalité, elle doit être légèrement concave vers les débits croissants. On démontre en effet, que le débit est proportionnel au cube de l’ouverture des fissures: π 3 Q = ---------------- pe R 6η ln --r
189
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
où: e = ouverture d’une fissure; p = pression d’injection; r = rayon du forage; R = rayon à partir duquel la pression d’injection est nulle; η = coefficient de viscosité dynamique de l’eau. Or, comme l’ouverture des fissures augmente avec la pression d’injection, on voit bien d’après l’équation précédente que la courbe Q (p) ne peut pas être une droite. Toutefois, les variations d’ouverture des fissures sont, en général, faibles et l’approximation linéaire est parfaitement légitime. On relève alors sur la courbe la valeur du débit qui correspond à une pression d’1 MPa. Mais on constate souvent en pratique que les courbes débit-pression sont loin de présenter des allures aussi régulières que le voudrait la théorie. La figure IV.7 récapitule les différents cas susceptibles de se produire et les figures IV.8 à IV.10 montrent quelques exemples de courbes réelles obtenues dans des schistes métamorphiques. Lorsque, au début de l’essai, l’écoulement est à tendance laminaire, on peut, pour l’interprétation, remplacer la courbe par sa tangente à l’origine, et c’est sur cette tangente qu’on relèvera la valeur du débit correspondant à la pression d’1 MPa. Toutefois, on limitera cette approximation au cas du colmatage à haute pression ou de l’écoulement turbulent car elle joue dans le sens de la sécurité. Dans le cas du débourrage, on relèvera directement sur la courbe, la valeur du débit correspondant à la pression d’1 MPa. En revanche, s’il y a claquage, le débit caractérisant la roche est obtenu en extrapolant jusqu’à 1 MPa la courbe obtenue avant le claquage (Fig. IV.11). Mais, dans ce cas, il faut impérativement indiquer dans le compte rendu qu’il s’agit d’une extrapolation et préciser la valeur de la pression de claquage. Pour exprimer le nombre d’unités lugeon de l’essai, il faut ramener ce débit à une longueur de forage de 1,00 m, et plus ce nombre est élevé, plus grande est la fissuration de la roche: • si la longueur L de la cavité d’essai est supérieure à 1,00 m, le nombre de lugeons est: Q n = ---- (Q = débit en litre/minute injecté sous 1 MPa). L • si L est inférieur ou au plus égal à 1,00 m, il faut utiliser la formule (III.10).
190
Essai Lugeon
4
4
S
UpJLPHODPLQDLUH 4
UpJLPHWXUEXOHQW
S
4
FROPDWDJHjKDXWHSUHVVLRQ
S
S GpERXUUDJHjKDXWHSUHVVLRQ
4
Q
FODTXDJHGHODURFKH
S03D
Figure IV.7. Différentes formes de courbes d’essais.
191
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
(VVDL/XJHRQGHjP OLWUHVPqWUHPLQXWH
S03D
Figure IV.8. Exemple réel de régime laminaire, grande densité de fissures.
Soit en effet m1 le coefficient de cavité d’un tronçon de forage de 1,00 m auquel devrait correspondre un débit Q1, et soit Q le débit injecté sous 1 MPa dans le tronçon de forage de longueur l et de coefficient de cavité m. On peut écrire: Q 1 = m 1 kHB Q = mkHB d’où: m Q 1 = ------1 Q m Le nombre de lugeons est donc: m n = ------1 Q (Q est exprimé en litre/minute) m
192
Essai Lugeon
Supposons, par exemple, une cavité de 0,25 m de longueur dans un forage de 25 100 mm. L’élancement de cette cavité est λ = ------ = 2 ,5 d’où m = 9,5. 10 100 Pour une cavité de 1,00 m, on aurait λ = --------- = 10 et m1 = 21. 10 Nous avons alors: m 21 n = ------1 Q = ------- = 2 ,21Q 9 ,5 m au lieu de: Q n = ---------- = 4Q 0 ,25 Le détail de ce calcul doit obligatoirement figurer dans le compte rendu de l’essai. (VVDL/XJHRQGHjP OLWUHVPqWUHPLQXWH
S03D
Figure IV.9. Exemple réel de régime turbulent. Fissures peu nombreuses, mais très ouvertes.
193
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
(VVDL/XJHRQGHjP OLWUHVPqWUHPLQXWH
S03D
Figure IV.10. Exemple de colmatage à haute pression. 6RQGDJH.3DVVHGHjP 4 OLWUHVPLQXWH
Q OXJHRQVH[WUDSRODWLRQ 3UHVVLRQGHFODTXDJHz03D
S03D
SF
Figure IV.11. Courbe « Lugeon » avec claquage de la roche.
194
Essai Lugeon
Pour un nombre de lugeons élevé, on peut dire que: – si le régime est laminaire, on a une grande densité de fissures; – si le régime est turbulent, les fissures sont peu nombreuses mais très ouvertes. Il est possible que, même avec une pompe puissante, l’état de fissuration de la roche soit tel qu’on ne puisse atteindre la pression d’1 MPa nécessaire pour un essai correct. Dans ce cas, d’aucuns admettent que l’on peut, si le début de la courbe débit-pression est linéaire, prolonger la courbe jusqu’à la pression d’1 MPa. Nous pensons que cette façon de procéder n’est pas sans risque, car on ignore si, pour des pressions supérieures à la dernière pression d’essai, le régime turbulent ne serait pas atteint, ce qui, d’après ce que nous venons de voir, ne serait pas très grave, ou si un claquage de la roche n’aurait pas risqué de se produire, ce qui, par contre, pourrait présenter un inconvénient très grave selon le problème posé. Il vaut mieux, dans ce cas, rendre compte très exactement et très honnêtement de ce que qui s’est passé et fournir la courbe limitée aux faibles pressions obtenues, plutôt que d’essayer d’extrapoler un nombre d’unités lugeon tout à fait contestable et qui pourrait conduire à des interprétations optimistes et dangereuses. La norme NF P 94-131 stipule dans son article 7 toutes les informations minimales qui doivent obligatoirement figurer dans le procès-verbal de chaque essai. Outre les données géométriques et topographiques, nous insistons tout particulièrement sur les résultats suivants: – valeur brute et corrigée des paliers de pression ainsi que leur durée; – valeur des débits ou des volumes au début et à la fin de chaque palier; – courbe des débits en fonction des pressions nettes. Dans le cas où les mesures de débits ou de volumes n’ont pas fait l’objet d’une saisie automatique, nous estimons qu’il est bon de joindre au procès-verbal les relevés réalisés toutes les minutes dans chaque palier.
IV.4. UTILISATION DE L’ESSAI LUGEON DANS LES TERRAINS COHÉRENTS COMPACTS L’essai Lugeon est essentiellement réservé au rocher et, à ce titre, il ne donne qu’un coefficient d’absorption conventionnel. Néanmoins, nous avons évoqué la possibilité de son utilisation dans des sols à forte cohésion qui peuvent présenter, certes, des réseaux de fissure mais qui sont souvent dotés d’une perméabilité d’interstice même si celle-ci est faible. Nous examinerons en détail dans le chapitre X les méthodes de mesure des très faibles coefficients de perméabilité qui nécessitent un matériel et des procédures
195
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
spécifiques de réalisation et d’interprétation, mais, dans une première approche, on peut très bien réaliser des essais Lugeon surtout s’il ne s’agit que d’évaluer des contrastes de perméabilité. En fait dans ce dernier cas, c’est surtout le matériel Lugeon qui doit être utilisé, mais il n’est alors pas nécessaire d’appliquer stricto sensu le mode opératoire de la norme. On peut ainsi se contenter d’un nombre de paliers plus faible, trois ou quatre par exemple, avec peut-être des incréments de temps plus longs (20 minutes par exemple), mais, pour chaque palier, il faudra disposer d’un nombre de points de mesure suffisant pour pouvoir tracer une courbe significative du volume injecté en fonction du temps, courbe qui doit être une droite dont la pente est égale au débit. On évaluera ensuite, pour chaque palier, un coefficient de perméabilité comme s’il s’agissait d’un essai Lefranc en régime permanent, et on tracera: – la courbe des débits en fonction de la charge, qui doit être une droite passant par l’origine et dont la pente est théoriquement égale à mkB d’où une estimation globale de k; Q – la courbe des valeurs de k en fonction des rapports ---- qui doit être une droite h parallèle à l’axe des abscisses. Une telle analyse est suffisante en pratique pour évaluer un ordre de grandeur des contrastes de perméabilité dans des terrains consistants dont les coefficients de perméabilité se trouvent au voisinage ou au-dessous de la limite du domaine d’application des essais Lefranc.
196
CHAPITRE V
Les perméamètres de forage
V.1. LE PRESSIO-PERMÉAMÈTRE MÉNARD V.1.1. Description de l’appareillage Le pressio-perméamètre, appareil inventé en 1958 par Louis Ménard, est directement inspiré du pressiomètre, dont il utilise la technologie. Il permet d’injecter un débit d’eau sous pression constante, dans une section de forage limitée par deux obturateurs et d’en déduire le coefficient de perméabilité horizontale du sol. Cet essai ne concerne que les sols peu sensibles et, plus précisément, ceux dont les coefficients de perméabilité sont de l’ordre de 10– 6 à 10– 7 m/s. Il n’est donc pas applicable aux mesures des très faibles perméabilités (cf. chapitre X). Le dispositif comprend trois parties (Fig. V.1): – une sonde de mesure descendue dans un forage à la profondeur où l’on désire mesurer la perméabilité; – le contrôleur de pression et de débit (CPD) situé au niveau du sol; – une série de tubulures reliant la sonde au contrôleur de pression et de débit.
197
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
manodétendeur
volumètres
circuit d'injection
circuit de mesure
tubulures
gaz sous pression
circuit de mesure
gaz
cellule de garde
obturateurs
cellule de mesure
sonde
cellule de garde
Figure V.1. Schéma de principe du pressio-perméamètre.
V.1.1.1. La sonde de mesure Il s’agit d’une sonde monobloc appelée sonde perméamétrique constituée par un cylindre métallique creux sur lequel sont fixés quatre obturateurs pneumatiques (Fig. V.2) qui isolent trois cellules: la cellule centrale appelée cellule de mesure et deux cellules extrêmes appelées cellules de garde. Ces obturateurs ne sont autres que des membranes de caoutchouc montées sur le cylindre métallique, comme les membranes de pressiomètres, et qui sont gonflées à l’aide d’un gaz comprimé (CO2, air ou azote) par l’intermédiaire des tubulures (2) (Fig. V.3a).
198
Les perméamètres de forage
cellule de garde
cellule de mesure
cellule de garde
écoulement curviligne
écoulement plan/radial
obturateurs pneumatiques
écoulement curviligne
Figure V.2. Sonde perméamétrique.
La cellule de mesure et les cellules de garde sont connectées au contrôleur pression-débit respectivement par les tubulures (3) et (4). L’ensemble de la sonde est recouvert d’une gaine générale de protection percée de multiples trous au niveau des trois cellules. L’intérêt de cette disposition en trois cellules indépendantes est de s’affranchir des écoulements d’extrémité et de ne procéder aux mesures que dans la partie centrale du réseau d’écoulement que l’on peut alors considérer comme pratiquement cylindrique. Les sondes, qui sont descendues dans le forage à l’aide d’un train de tige et dont la longueur est de l’ordre de 1,20 mètre, existent en trois diamètres: ∅ 44 mm, ∅ 60 mm et ∅ 70 mm.
199
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
V.1.1.2. Les tubulures On distingue deux types de tubulures: – la tubulure de gaz, destinée au gonflage des obturateurs, qui est une tubulure simple en Rilsan de 4 × 6 mm raccordée à la sonde à l’aide d’un raccord droit de 6 mm. C’est la tubulure (2) des figures V.3a et V.4; – les tubulures d’eau au nombre de deux, l’une aboutissant à la cellule de mesure (3) et l’autre aux cellules de garde (4). Il s’agit de tubulures coaxiales, également en Rilsan (Fig. V.3b) de 7,5 × 10 mm et de 4,5 × 5 mm raccordées sur les tubes d’alimentation de la sonde selon le schéma de la figure V.3a. L’injection de l’eau dans les cellules de garde et dans la cellule de mesure se fait par l’espace annulaire, alors que la pression est mesurée par la tubulure centrale préalablement remplie d’eau. Dans ces conditions, cette tubulure centrale, connectée en surface sur un manomètre, fonctionne comme un capteur de pression à volume constant. Cette disposition supprime donc toute correction de perte de charge. vers P1 ou P2
FHOOXOHV GHJDUGH
FHOOXOH FHQWUDOH
vers V4 ou V5
Rilsan ∅ 4 × 5,5
REWXUDWHXUV SQHXPDWLTXHV
Rilsan ∅ 7,5 × 10
raccord 4 × 4 coupé
écrou ∅ 10 olive ∅ 10 standard
b)
a)
Figure V.3. Tubulures d’alimentation.
200
Les perméamètres de forage
V.1.1.3. Le contrôleur pression-débit (CPD) Le contrôleur pression-débit est constitué par: – un réservoir de remplissage de 18 litres; – deux volumètres D1 et D2 relatifs l’un à la cellule de mesure, l’autre aux cellules de garde. Ce sont des tubes en matière plastique transparente gradués en cm3 analogues aux tubes du contrôleur pression-volume des pressiomètres; – un détendeur; – une série de manomètres et de vannes. Le CPD comprend, en particulier, quatre circuits de fluide que nous allons examiner rapidement (Fig. V.4). • Circuit de remplissage Il part du réservoir de 18 litres qui est relié: – d’une part, à la vanne à 3 voies V2, fermée dans sa position verticale, et qui commande le remplissage des circuits de mesure des cellules de garde et de la cellule centrale. Ce circuit, étant en dépression, est protégé par les deux robinets V’2 et V’’2 accessibles par l’arrière de l’appareil; – d’autre part, à la vanne à 3 voies V3 qui commande le remplissage des volumètres de garde et de mesure. Lors du remplissage, il faut ouvrir la vanne V6 d’un quart de tour pour permettre l’évent de l’air. • Circuit d’injection La distribution de la pression de gaz détendu se fait à l’aide de la vanne à 3 voies V7, soit vers les obturateurs, soit vers les volumètres en passant par la vanne V6. L’eau contenue dans les volumètres est poussée par la pression de gaz et injectée vers la sonde dans les circuits respectifs de la cellule de mesure et des cellules de garde, grâce aux vannes V4 et V5. • Circuits de mesure L’eau qui est injectée dans la sonde par l’espace annulaire de la tubulure coaxiale communique, dans la tête de sonde, avec l’eau du circuit de mesure qui transmet alors la pression aux manomètres P1 et P2 correspondant respectivement aux circuits de mesure et de garde. Le manomètre C1 mesure la pression à laquelle on injecte l’eau. La vanne V1 remet à la pression atmosphérique le boîtier des manomètres à bain de glycérine. • Circuits de gaz L’alimentation en gaz se fait par la prise (1). Un manomètre C2 permet de visualiser la pression d’alimentation. Ce gaz, détendu en E, arrive sur la vanne à 3 voies V7 qui le distribue soit vers les volumètres, soit vers la prise (2) des obturateurs. Le circuit des obturateurs comprend un manomètre de contrôle C3 et un robinet de purge V8.
201
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
UpVHUYRLUGHOLWUHV
±
3
&
9
± 3 9
'
'
9
9 9
9
9
9
9
(
FHOOXOH GHJDUGH
&
LQMHFWLRQ PHVXUH
PHVXUH LQMHFWLRQ
9
FHOOXOH FHQWUDOH
&
REWXUDWHXUV+3 ERXWHLOOHGHJD]FRPSULPp
Figure V.4. Pressio-perméamètre: circuits de fluides.
202
Les perméamètres de forage
V.1.2. Réalisation de l’essai Indiquons tout d’abord que l’essai ne peut se faire que dans un terrain doué d’une cohésion suffisante pour permettre aux parois du forage de tenir en équilibre sur une hauteur légèrement supérieure à la longueur de la sonde.
V.1.2.1. Préparation de l’essai La préparation de l’essai consiste en une série d’opérations préliminaires plus ou moins délicates, que nous allons examiner, sans donner toutefois trop de détails sur le mode opératoire. L’appareil étant installé sur son trépied et toutes les connexions faites, il faut évidemment commencer par remplir le réservoir de 18 litres avec une eau dégazée. On utilise en général de l’eau bouillie, mais on peut envisager un dégazage par produits chimiques. Ceci étant fait et la sonde étant posée sur la plate-forme de travail, plus basse que le CPD, on procède, en utilisant les différentes vannes prévues à cet effet: – au remplissage des circuits de mesure de la cellule centrale et des cellules de garde; – au remplissage des deux volumètres; – au remplissage des circuits d’injection. Pour que le remplissage de ces derniers circuits se fasse sans introduction d’air, il est nécessaire de mettre le volumètre en légère pression (10 à 20 kPa). Une fois ces opérations terminées, on refait le remplissage des volumètres, et on descend la sonde dans le forage au niveau désiré, en prenant bien garde de ne pas plier les tubulures en Rilsan. On lit alors la pression p0 indiquée sur le manomètre P1 et la pression p’0 sur le manomètre P2. Ces pressions, qui sont obligatoirement négatives, doivent être voisines et constantes. S’il n’en est pas ainsi, il faut refaire ou, si c’est possible, améliorer la purge des circuits de mesure. Ces circuits étant en dépression, il faut bien vérifier le serrage de tous les raccords et l’absence de toute bulle d’air dans la tubulure centrale pendant l’écoulement de l’eau. On procède enfin au gonflage des obturateurs jusqu’à ce que la pression indiquée sur le manomètre C3 soit de l’ordre de la moitié de la pression limite moyenne du terrain au niveau de l’eau, avec toutefois un maximum de 0,5 MPa. Une fois les obturateurs gonflés, on ferme le robinet V7 de façon à les isoler et à libérer l’alimentation de gaz pour réaliser l’essai. Il ne faut pas oublier de bien noter la pression des obturateurs sur la feuille d’essai.
203
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
V.1.2.2. Essai proprement dit L’essai consiste à exercer une pression constante sur l’eau des volumètres et à mesurer le volume injecté en fonction du temps. Trois cas peuvent alors se présenter. Sol peu perméable et non saturé Après la mise en place de la sonde dans le forage, les vannes V1 et V6 sont sur la position « essai » et les vannes V2, V3, V4, V5 et V7 sont fermées. On met la vanne V7 sur « volumètres » et on ouvre les vannes V4 et V5. On tourne ensuite lentement la clé du détendeur: l’eau est alors injectée dans le terrain avec une pression que l’on maintient constante et qui est visualisée sur le manomètre C1. Cette pression doit être inférieure à la moitié de la pression de gonflage des obturateurs indiquée sur le manomètre C3. On lit les volumes injectés sur le volumètre de droite (D1) selon des incréments de temps égaux (15 secondes ou 30 secondes). Lorsque les volumètres sont presque vides, on ferme les vannes d’injection V4 et V5, on refait le remplissage des volumètres à l’aide du réservoir de 18 litres, et on poursuit les lectures jusqu’à ce que la courbe des volumes injectés en fonction du temps présente une allure à peu près linéaire, ou, ce qui revient au même, lorsque les débits correspondants à un incrément de temps sont à peu près égaux. Il est donc souhaitable de disposer sur le chantier d’un papier millimétré et de tracer le graphe des mesures au fur et à mesure des lectures. On arrête l’essai lorsqu’au moins six points consécutifs seront alignés ou lorsque six débits incrémentaux seront égaux. En même temps que les débits, il convient de relever les pressions sur les manomètres P1 et P2 : ces pressions doivent théoriquement rester constantes et être pratiquement égales. Quoiqu’une seule série de mesure sous une pression constante soit théoriquement suffisante, il est toujours recommandé d’en faire au moins deux autres séries sous deux pressions différentes, après avoir rempli à nouveau les volumètres si cela s’avère nécessaire. Nous verrons plus loin l’intérêt de ces trois paliers de pression. En fin d’essai, on relâche la pression, on dégonfle les obturateurs et on note sur le manomètre P1 la pression résiduelle qui doit être égale ou voisine de la pression p0 mesurée avant l’essai. Sol peu perméable et saturé Dans ce cas, le gonflage des obturateurs crée une surpression dans l’eau emprisonnée entre le forage et la sonde et une surpression interstitielle dans le sol. Les
204
Les perméamètres de forage
manomètres P1 et P2 indiquent une pression positive plus ou moins forte suivant la plus ou moins grande perméabilité du terrain. Cette surpression doit évidemment se dissiper en fonction du temps, mais la durée de dissipation risque d’être très longue. On opère alors de la façon suivante: • après avoir mis la vanne V6 à l’air libre, on reprend le remplissage des circuits avec la vanne V3 ; • une fois cette opération terminée (V3 fermée), on replace V6 sur la position « essai » et V7 sur « volumètres » et on monte lentement en pression par action sur le détendeur. Lorsque le manomètre C1 indique une pression supérieure à celles affichées sur les manomètres P1 et P2, on ouvre les vannes V4 et V5 et on poursuit l’essai comme précédemment. Il convient de signaler que le cas du sol saturé est le cas le plus fréquent, et que c’est d’ailleurs le seul qui puisse faire l’objet d’une analyse théorique sinon exacte, tout au moins basée sur des hypothèses correctes. Sols perméables Comme nous l’avons déjà indiqué, on n’utilise jamais le pressio-perméamètre dans des terrains à perméabilité élevée, car ceux-ci sont souvent dépourvus de cohésion et ne peuvent donc tenir en équilibre, surtout au-dessous de la nappe, ce qui rend très difficile, sinon impossible, la mise en place de la sonde perméamétrique. En supposant toutefois que l’on puisse arriver à introduire la sonde dans un forage réalisé dans un tel matériau, par exemple en la plaçant au fond d’un forage tubé et en remontant ensuite le tubage, il est bien évident que la moindre pression d’injection videra immédiatement les volumètres. On pourra toutefois, réaliser un essai en plaçant la vanne V6 sur la position « air libre » et en ouvrant V4 et V5 sur la position « essai ». L’eau s’écoulera alors dans le terrain par gravité; les lectures sur les manomètres P1 et P2 resteront négatives, mais ne seront plus constantes. On lira alors les volumes injectés dans la cellule centrale sur le volumètre D1 à des intervalles de temps égaux (10 ou 15 secondes), si la descente n’est pas trop rapide. On pourra procéder à plusieurs remplissages des volumètres comme nous l’avons indiqué précédemment. On arrête l’essai lorsqu’on dispose d’un nombre de mesures suffisant pour tracer sans ambiguïté aucune, et de façon représentative, la courbe des volumes injectés en fonction du temps.
205
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
On voit que dans ce cas, on se trouve ramené à un essai de type Lefranc sous débit nul tel que nous l’avons décrit et analysé dans le paragraphe III.4.3.2.
V.1.3. Interprétation théorique Les mesures réalisées en cours d’essai permettent de tracer, pour une pression donnée constante, la courbe des volumes injectés en fonction du temps. En régime permanent, cette courbe est évidemment une droite. On en déterminera l’équation par régression linéaire de l’ensemble des mesures. Le débit injecté est donc égal à la pente de cette droite de régression. Au voisinage de la cellule de mesure, les lignes de courant sont normales à la paroi du forage et les surfaces équipotentielles sont des cylindres de révolution concentriques au forage. Ce champ cylindrique s’étend à une certaine distance du forage du fait de la présence des cellules de garde (Fig. V.5). En fait, l’ensemble de l’écoulement autour de la sonde est de révolution et du type ellipsoïdal, mais les mesures faites dans la partie centrale du réseau permettent d’assimiler les segments d’ellipses méridiennes à des segments de droite verticaux. %
/
A/
Figure V.5. Réseau d’écoulement simplifié du pressio-perméamètre (selon Ménard).
206
Les perméamètres de forage
En revanche, à très grande distance du centre de la sonde, l’écoulement semble provenir d’une source ponctuelle: il est donc du type sphérique. Ménard a donc proposé de considérer deux réseaux d’écoulement distincts: – un réseau de type cylindrique au voisinage de la sonde; – un réseau de type sphérique à grande distance. La zone de raccordement de ces deux réseaux est constituée par un anneau de rayon moyen αL (L est la hauteur de la cellule de mesure et α un coefficient numérique). Dans la zone cylindrique, la perte de charge entre deux équipotentielles de rayon r et r + dr est dh, et le gradient hydraulique est: dh j = – -----dr D’après la loi de Darcy, le débit traversant l’équipotentielle cylindrique de rayon r, est: dh Q = – 2πkLr -----dr avec comme conditions aux limites: p – sur le forage de rayon r0 : charge h 0 = ----- ; γw p – sur l’équipotentielle de rayon αL: charge h 1 = -----1 γw d’où en intégrant: p–p Q αL ------------- ln ------ = --------------1 2πkL r 0 γw
(V.1)
De même, dans la zone sphérique, le débit traversant une surface équipotentielle de rayon ρ est: 2 dh Q = – 4πρ k -----dρ
avec comme conditions aux limites: p – sur la sphère de rayon αL: h 1 = -----1 ; γw p – à l’infini: h ∞ = -----0 ; γw
207
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
soit en intégrant: p1 – p0 Q ----------------- = --------------4πkαL γw
(V.2)
En éliminant p1 entre (V.1) et (V.2), on obtient: p–p Q αL 1 ------------- ln ------- + ------- = --------------0 2πkL r 0 2α γw
(V.3)
D’après Ménard, le coefficient α serait compris entre 0,5 et 1,5 et on pourrait lui attribuer une valeur de 1. On remarquera accessoirement que la valeur de 0,5 correspond au minimum de la fonction entre crochets, et la valeur 1, au seul point d’inflexion de la courbe. Lorsque α varie de 0,5 à 1,5, cette fonction varie de 2,61 à 3,03 et pour α = 1, elle est égale à 2,8. Toujours d’après Ménard, la valeur α = 1, entraîne sur la détermination du coefficient de perméabilité, une erreur inférieure à 10 %. On retiendra donc la formule suivante proposée par L. Ménard en 1958: γw Q L - 1 + 2 ln --k = ---------------------------4πL ( p – p 0 ) r0
(V.4)
L En considérant l’élancement λ = --- de l’élément de forage à travers la paroi duB quel s’effectue l’écoulement, on voit que la relation précédente peut encore s’écrire: p–p 4πλ Q = ----------------------------- k ⎛ --------------0⎞ B ⎝ 2 ln ( 2λ ) + 1 γw ⎠
(V.5)
où B = 2r0 est le diamètre du forage. p–p Comme --------------0 a la dimension d’une longueur, l’expression précédente a rigouγw reusement la même forme que la relation générale III.10 de l’essai Lefranc, et fait apparaître un coefficient de cavité: 4πλ m = ----------------------------2 ln ( 2λ ) + 1
208
(V.6)
Les perméamètres de forage
P 40
formule de l'ellipsoïde de révolution allongé 30
formule Ménard 20
10
0
0
10
20
30 L
Figure V.6. Coefficient de cavité.
Cette formule est très voisine de celle de la cavité ellipsoïdale de révolution allongée pour λ grand, que nous rappelons ci-dessous: 2πλ m = ----------------ln ( 2λ ) On constate sur la figure V.6 que, toutes choses égales par ailleurs, la formule Ménard donne, pour le coefficient de cavité, des valeurs légèrement inférieures à celles de la formule de l’ellipsoïde, mais du même ordre de grandeur, l’écart relatif variant de 26 % à 17 % lorsque λ varie de 3 à 10. Comme dans un même terrain, et à charge hydraulique égale, les débits d’injection varient comme les coefficients de cavité, la formule Ménard montre que le débit injecté dans la partie centrale du pressio-perméamètre est légèrement plus faible que le débit qui serait injecté dans une cavité ellipsoïdale ayant les mêmes dimensions, ce qui paraît tout à fait logique lorsqu’on examine les réseaux d’écoulement des deux systèmes.
209
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Il ne faut pas oublier que, dans les relations 4 et 5, la pression p0 est la pression hydraulique initiale préexistant au niveau du milieu de la sonde, et p la pression totale appliquée en cours d’essai, c’est-à-dire la pression lue sur le manomètre P1 majorée du poids de la colonne d’eau contenue dans la tubulure d’injection, c’està-dire comprise entre le CPD et le milieu de la sonde. Lorsqu’on a opéré avec plusieurs pressions, il faut interpréter l’essai en traçant la courbe des débits en fonction des charges, comme pour l’essai Lefranc. Cette courbe doit être une droite dont la pente permet de calculer le coefficient de perméabilité (cf. § III.4.3.3). Dans les terrains très perméables, si l’on a opéré par gravité, on interprétera l’essai comme un simple essai d’absorption selon les méthodes que nous avons exposées en III.4.3.2, mais en utilisant évidemment le coefficient de cavité du pressioperméamètre. On notera que la présence de deux cellules de garde, qui permet de considérer l’écoulement comme cylindrique, conduit à une valeur du coefficient de perméabilité qui, en terrain anisotrope, tend à privilégier la perméabilité horizontale.
V.2. LE PERMÉAMÈTRE AUTOFOREUR DU LCPC V.2.1. Description De même que Louis Ménard a utilisé la technologie et le principe du pressiomètre pour réaliser le pressio-perméamètre, Baguelin, Jezequel, Le Méhauté [2], Mieussens et Ducasse [40] ont appliqué les principes de l’autoforage à la mesure de la perméabilité des sols totalement saturés en imaginant en 1976 un perméamètre dit autoforeur qui permet de mesurer des coefficients de perméabilité compris entre 10– 8 et 10– 10 m/s. À ce titre, l’étude de ce type de perméamètre aurait dû figurer dans le chapitre X, mais nous avons préféré en parler ici pour des raisons historiques, mais également pour des raisons techniques, car son principe a inspiré d’autres appareillages d’un usage plus courant mais nettement moins performant. Le perméamètre autoforeur comprend deux parties: – la sonde perméamétrique qui est introduite dans le sol à l’aide d’un bâti de fonçage qui n’est qu’une adaptation de celui du pénétromètre hollandais de 25 kN; – le dispositif de mise en charge et de mesures, qui est relié à la sonde par un jeu de tubulures.
V.2.1.1. Sonde perméamétrique La sonde perméamétrique (Fig. V.7) est constituée par – une trousse coupante biseautée intérieurement et contenant un outil désagrégateur actionné par un train de tige de forage qui traverse la sonde;
210
Les perméamètres de forage
– une cellule filtrante en bronze fritté d’environ 18 cm de longueur, appelée cellule perméamétrique; – deux cellules pressiométriques dilatables formant obturateurs et situées de part et d’autre de la cellule de mesure. Pour une cellule perméamétrique dont la hauteur est égale à deux fois le diamètre, la longueur des cellules d’obturation doit être égale à deux fois celle de la cellule perméamétrique. tubulures tiges de forages
bâti de fonçage cellule de garde cache cellule filtrante
cache nappe
outil désagrégateur
trousse coupante
a) autoforage au-dessus de la nappe, le cache est en position.
b) autoforage au-dessous de la nappe, le cache est enlevé.
Figure V.7. Perméamètre autoforeur.
211
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
V.2.1.2. Dispositif de mise en charge et de mesure Le système de mise en charge est constitué par un vérin à eau très sensible qui permet de travailler dans les deux sens, c’est-à-dire soit par injection d’eau désaérée, soit par prélèvement (micropompage). Ce vérin est actionné par un moteur électrique. La mesure du déplacement linéaire du vérin permet d’évaluer le volume injecté ou prélevé dans la nappe. Ces déplacements sont mesurés grâce à une cellule photoélectrique qui envoie les informations à un bloc de comptage qui restitue les résultats à une imprimante pilotée par une horloge. Les pressions au niveau de la cellule perméamétrique sont transmises par une tubulure souple, d’une part, à un manomètre à lame et, d’autre part, à un capteur de pression à jauges. Un dispositif permet de neutraliser la pression hydrostatique initiale. imprimante fonction (pompage ou injection) temps volume base de temps 30 s 60 s 120 s
manomètre neutrali- galvanomètre sation + de u0 – capteur pression
ampli 9 9 9
affichage de ∆u (mb)
signe auto auto manu
a
120 9 9 9 9 9 comptage
puissance
injection
arrêt
1b
pompage
fin de course
fin de course moteur vérin réducteur capteur de volume
vers circuits de saturation
perméamètre
Figure V.8. Schéma de principe du dispositif de mise en charge et de mesure des volumes du perméamètre autoforeur (d’après C. Mieussens et P. Ducasse).
Le dispositif de mesure constitue une chaîne d’asservissement assez complexe schématisée sur la figure V.8 et qui permet de mesurer une plage de débits de 1 à 5000 cm3/heure avec une résolution de mesure de 1/100 cm3.
212
Les perméamètres de forage
V.2.2. Mise en place de la sonde perméamétrique Avant toute chose, on sature les deux obturateurs (remplissage à l’aide du vérin à eau, avec purge d’air) et on enfile le cache sur la sonde. Une fois le cache en place, on dilate les deux obturateurs en notant la quantité d’eau injectée, de façon à isoler la cellule de mesure qui est ensuite saturée par circulation d’eau désaérée. La sonde perméamétrique est alors introduite dans le sol par autoforage, le vérinage et la rotation s’effectuant manuellement. Le fluide de forage qui est injecté par le train de tiges est obligatoirement de l’eau claire. Lorsque le perméamètre est arrivé dans la nappe, on dégonfle les obturateurs à l’aide du vérin à eau, de façon à ramener les membranes dans le prolongement de la trousse coupante et libérer leur contact avec le cache qui s’immobilise alors automatiquement, la sonde poursuivant seule son enfoncement. Il importe que les cellules des obturateurs soient suffisamment dégonflées, car s’il n’en est pas ainsi la pénétration de la sonde s’accompagne d’un remaniement du sol, par lissage et refoulement, ce qui perturbe les caractéristiques de l’écoulement. Une fois atteinte la profondeur désirée, on gonfle légèrement les obturateurs pour bien isoler la partie centrale du forage dans laquelle s’effectue la mesure. Cet appareil permet d’atteindre des profondeurs de l’ordre de 20 à 25 mètres dans des terrains dont la cohésion non drainée est inférieure ou égale à 0,1 MPa.
V.2.3. Interprétation de l’essai L’essai se fait en général à pression constante en enregistrant en fonction du temps les volumes injectés ou prélevés dans la nappe. Or, cette opération se traduit par une variation de la pression interstitielle, donc également de la contrainte effective dans le sol. Si l’on opère par injection, cette contrainte effective diminue puisque la pression interstitielle augmente. En revanche, si l’on réalise un micropompage, c’est la contrainte effective qui augmente. On se trouve donc ramené au problème de la consolidation défini par Terzaghi.
V.2.3.1. Perméamètre sphérique Dans le cas d’une cavité sphérique, Gibson [26] a résolu le problème en intégrant l’équation différentielle de la consolidation en coordonnées sphériques: 2
∂u ∂ u 2 ∂u C ⎛ -------2- + --- ------⎞ = -----⎝ ∂r ⎠ ∂t r ∂r
(V.7)
où u désigne la pression interstitielle.
213
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Les conditions aux limites sont les suivantes: u = u0 u = u0 u = u0 u (a, t) = u0 – ∆u
lorsque pour pour pour
r=∞ t=0 et r>a t=∞ et r>a t > 0 (cas du micropompage).
C désigne le coefficient de consolidation, u0 est la charge initiale préexistant dans le terrain au niveau de l’essai, a le rayon de la cavité sphérique et ∆u la dépression constante dans le perméamètre. Si l’on opère par injection, la quatrième condition s’écrit: u ( a, t ) = u 0 + ∆u Mais dans ce cas, le coefficient C est un coefficient de gonflement. En posant: Ct T = -----2- = facteur temps a
(V.8)
la solution proposée par Gibson est la suivante: 1 Q ( t ) = 4πkha ⎛ 1 + -----------⎞ ⎝ πT⎠
(V.9)
∆u avec h = ------- = charge exprimée en hauteur d’eau. γw Le régime permanent est atteint au bout d’un temps infini, c’est-à-dire pour: 1 ----------- = 0 πT d’où: Q ∞ = 4πkha
(V.10)
On retrouve l’équation (III.10) avec: 2a = B m = 2π L’équation (V.9) peut encore s’écrire: aQ ∞ 1 Q ( t ) = Q ∞ + ----------⋅ ----πC t
214
(V.11)
Les perméamètres de forage
1 Le débit est donc une fonction linéaire de ----- . t 1 Si l’on représente les résultats expérimentaux dans un diagramme ⎛ Q, -----⎞ , l’or⎝ t⎠ donnée à l’origine de la droite donne immédiatement Q∞ d’où l’on déduit: Q∞ k = -----------4πha
(V.12)
comme pour l’essai Lefranc. La pente de la droite a pour expression: aQ ∞ ∆Q α = --------------- = ----------1 πC ∆ ⎛ -----⎞ ⎝ t⎠
(V.13)
d’où: aQ 2 C = ⎛ ----------∞-⎞ ⎝ α π⎠
(V.14)
L’expression du volume prélevé ou injecté en fonction du temps est immédiate: Ω(t) =
t
∫ Q ( t ) dt 0
= Q ∞ t + 2α t
(V.15)
V.2.3.2. Perméamètre cylindrique On utilise alors l’équation de la consolidation en coordonnées cylindriques: k ∂2 u a v ∂u k ∂ 2 u 1 ∂u - ---------h- ⎛ -------2- + --- ------⎞ + ----v- -------2- = ----------⎝ ⎠ γ w ∂r γ w ∂z 1 + e ∂t r ∂r
(V.16)
avec comme conditions aux limites: t = 0 u = u0 t>0
u = u 0 – ∆u pour r = a et 0 ≤ z ≤ b
∂u----= 0 pour z = 0 et r ≥ a ∂z u--= 0 pour r = 0 et z ≥ b r u = u 0 pour r = ∞ et z = ∞
215
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
Dans ces relations, a désigne le rayon du perméamètre et b la demi-hauteur de la cellule filtrante, kh et kv sont les coefficients de perméabilité horizontaux et verticaux. L’intégration de l’équation (V.16) a été faite numériquement par ordinateur au laboratoire des Ponts et Chaussées de Toulouse [40] pour un élancement de la celb lule λ = --- = 2 . a Ces calculs ont montré que, lorsque λ > 2, le phénomène de distorsion dû à l’écoulement vertical devient négligeable et que l’on peut considérer l’écoulement comme uniquement radial. La solution de l’équation (V.16) se ramène avec une approximation suffisante à: 2 Q = 2πk h haλ ⎛ 1 + -----------⎞ ⎝ πT⎠ que l’on peut encore écrire sous la forme: β Q = Q ∞ + ----t
(V.17)
(V.18)
avec: Q ∞ = 2πk h hλa ⎫ ⎪ 2Q ∞ a ⎬ β = -------------⎪ πC ⎭
(V.19)
1 Comme pour le perméamètre sphérique, l’équation (V.18) est linéaire en ----- , ce t qui permet théoriquement de déterminer Q∞ et β, d’où l’on tire kh et C à l’aide des équations (V.19). Mais en pratique on ne dispose que de la courbe des volumes en fonction du temps et on sait que la dérivation d’une courbe expérimentale est très imprécise. Il faut donc raisonner sur la courbe des volumes dont l’équation s’obtient immédiatement à partir de l’équation (V.18): Ω ( t ) = Q ∞ t + 2β t + Ω 0
(V.20)
Théoriquement, la constante d’intégration Ω0 est nulle, puisque le volume injecté ou prélevé est nul pour t = 0. Mais l’expérience montre qu’en fait les courbes expérimentales ne passent pas toujours par l’origine. La constante Ω0 intervient donc comme un terme correctif.
216
Les perméamètres de forage
Pour déterminer les trois constantes Q∞ , β et Ω0, on ajuste l’ensemble des points expérimentaux sur l’équation théorique (V.20) par la méthode des moindres carrés. En première approximation, si l’on néglige Ω0 on peut écrire l’équation (V.20) sous la forme: 2β Ω ( t )---------= Q ∞ + -----t t
(V.20bis)
Ω(t) 1 La fonction ----------- est linéaire en ----- ce qui permet de déterminer facilement Q∞ t t et β. Les coefficients de perméabilité et de consolidation horizontaux sont finalement donnés par les relations: ⎫ ⎪ ⎪ 2 2⎬ 4a Q C = -------- ⎛ ------∞-⎞ ⎪⎪ π ⎝ β⎠ ⎭ Q∞ k h = ---------------2πhaλ
(V.21)
Wilkinson [56] indique par ailleurs qu’après avoir évalué Q∞, il est préférable de calculer le coefficient de perméabilité en utilisant l’une des deux relations suivantes: 4πλ 2πλ Q ∞ = --------------------------------------- k h ha = --------------------------------------- k h hB 2 2 ln [ λ + λ + 1 ] ln [ λ + λ + 1 ]
(V.22)
6πλ 2πλ' Q ∞ = ------------------------------------------------------------ k h ha = ----------------------------------------- k h hB 2 2 ln [ 1 ,5 λ + ( 1 ,5 λ ) + 1 ] ln [ λ' + λ' + 1 ]
(V.22bis)
où λ’ = 1,5 λ. Ces équations sont équivalentes aux équations (III.10) et (III.11). L’approximation qui consiste à négliger l’écoulement vertical est d’autant meilleure que l’élancement de la cellule filtrante est grand.
V.2.3.3. Mesure de l’anisotropie Pour mesurer l’anisotropie du sol, il faut réaliser deux essais, l’un avec un perméamètre long interprété avec la méthode précédemment analysée et l’autre avec un perméamètre court dont l’interprétation ne peut se faire qu’à l’aide d’abaques obtenus par résolution numérique de l’équation de consolidation.
217
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
De tels abaques ont été établis par C. Mieussens et P. Ducasse [40] pour un perméamètre court tel que λ = 0,2. La méthode est alors la suivante: • les coefficients de perméabilité et de consolidation horizontaux ayant été déterminés par un essai au perméamètre long, on pose: Q débit réduit = QR = -----------------2πk h aλ où Q est le débit mesuré dans l’essai au perméamètre court. 1 Ct • on trace ensuite la courbe QR en fonction de ------- , où, rappelons-le, T = -----2- , et T a on place cette courbe sur l’abaque de la figure V.9. On en déduit le coefficient d’anisotropie KR et, par suite, le coefficient de perméabilité verticale, qui est égal à: kh k v = ------KR 45GpELWUpGXLW
.5 à
d
pFRXOHPHQWUDGLDOWKpRULTXH
7
Figure V.9. Abaques permettant le calcul du coefficient d’anisotropie pour N = 0,2 (d’après C. Mieussens et P. Ducasse).
218
Les perméamètres de forage
V.3. LE PERMÉAMÈTRE FONDASOL V.3.1. Description Le perméamètre Fondasol est un appareil très simple qui permet la mesure des coefficients de perméabilité horizontaux, dans les terrains moyennement perméables, c’est-à-dire dans lesquels le coefficient de perméabilité est supérieur à 10– 6 m/s. Il est essentiellement constitué par une sonde perméamétrique reliée à un débitmètre par des tubulures de connexion.
eau 13
eau
azote 7
15
500 mm
obturateur
V.3.1.1. Sonde perméamétrique Il s’agit d’une sonde monobloc de 60 mm de diamètre et de 1,25 mètre de longueur environ, qui comprend (Fig. V.10): – une cellule centrale perméable de 24 cm de hauteur; – deux cellules gonflables formant obturateur et dont la longueur est de 50 cm.
240 mm
Cette sonde est descendue dans le forage à l’aide d’un train de tige.
V.3.1.2. Débitmètre Le débitmètre est constitué par un réservoir métallique de 23,2 cm de diamètre, et de 67 cm de hauteur, ce qui représente une contenance de 28 litres (Fig. V.11).
500 mm
obturateur
1/6 échelles 1/3
∅ 60 mm
Figure V.10. Perméamètre Fondasol. Il est rempli d’eau dégazée par ébullition Sonde perméamétrique. ou chimiquement et se trouve relié, d’une part, à une bouteille d’azote sous-pression et, d’autre part, à la sonde perméamétrique, grâce à des tubulures en Rilsan (7) et (12).
Des manodétendeurs et des manomètres permettent la mise en pression et le contrôle de celle-ci pendant l’essai. Les volumes injectés sont lus sur une réglette graduée en cm3 (10) et une purge (9) assure l’évacuation de l’air pendant le remplissage.
219
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
La distribution de la pression d’azote se fait en ouvrant le robinet (1), puis le manodétendeur (2) pour alimenter les obturateurs, et le manodétendeur (3) pour agir sur l’eau contenue dans le réservoir. Le manomètre (5) mesure la pression de gaz dans les obturateurs, et le manomètre (8) la pression sur l’eau d’injection. Un embranchement (6) avec robinet permet la connexion sur une pompe à vide pour assurer le placage des obturateurs sur le corps de sonde lorsque l’essai est terminé et faciliter ainsi son mouvement dans le forage. La tubulure (15) et le manomètre (11) constituent la prise de pression au niveau de la cellule perméamétrique. Les manomètres (8) et (11) doivent indiquer à peu près la même pression, aux pertes de charges près dans le circuit. remplissage 11
8
9
3
14
1
2 4
10 5
azote
6
vers pompe à vide
7 12
15
retour
13
azote vers obturateur injection
Figure V.11. Perméamètre Fondasol. Dispositif de mesure.
220
Les perméamètres de forage
V.3.2. Réalisation et interprétation de l’essai Avant d’introduire la sonde dans le forage, il faut procéder au remplissage du circuit de la cellule de mesure. Pour cela, on met en place la sonde dans un élément de tube métallique, maintenu au niveau du sol, si possible verticalement, et légèrement en contrebas du débitmètre. On gonfle les obturateurs en agissant sur le détendeur (2). On ferme ensuite ce manodétendeur pour isoler le circuit de gaz et on exerce une légère pression sur l’eau du réservoir en agissant sur le détendeur (3). On ouvre alors les robinets (12) et (14). L’eau, après avoir rempli la cellule centrale, ressort par la purge (14). On la laisse couler jusqu’à ce qu’elle ne contienne plus de bulles d’air, puis on ferme les robinets (12) et (14), on ouvre le robinet (6) pour dégonfler les obturateurs et on remplit à nouveau le réservoir. On introduit alors la sonde dans le forage au niveau désiré en évitant de plier les tubulures. Les pressions lues sur les manomètres (8) et (11) doivent être négatives et très voisines. On procède ensuite au gonflage des obturateurs jusqu’à une pression qui doit être inférieure à la pression de fluage pressiométrique et de l’ordre de deux fois la pression à laquelle on désire réaliser l’essai. La réalisation de l’essai se poursuit alors comme avec le pressio-perméamètre en notant, à pression constante, les volumes injectés en fonction du temps. Comme on s’intéresse à des terrains moyennement perméables et que les mesures ne sont pas suffisamment fines pour permettre une analyse en régime transitoire, avec mesure du coefficient de gonflement selon les méthodes développées à propos du perméamètre autoforeur, on s’arrange pour poursuivre l’essai jusqu’à l’établissement du régime permanent, c’est-à-dire jusqu’à ce que la courbe représentant le volume injecté en fonction du temps, soit à peu près linéaire. La pente de cette droite donne le débit. On calcule alors le coefficient de perméabilité à l’aide de la formule relative à l’essai Lefranc: 2πλ Q = --------------------------------------- khB 2 ln ( λ + λ + 1 ) où: B est le diamètre de la sonde;
221
LES ESSAIS DE PERMÉABILITÉ SUR SITE DANS LA RECONNAISSANCE DES SOLS
longueur de la cellule λ est l’élancement de la cellule centrale de mesure = --------------------------------------------------- ; diamètre p–p h = --------------0 = surpression dans la cellule. γw Pour la sonde représentée sur la figure V.10, l’élancement est de 4 et le coefficient de forme est donc égal à 12.
V.4. LE PERMÉAFOR (LRPC STRASBOURG) Débit injecté Q sous charge effective H
diamètre D
crépine diamètre d
Le Perméafor est un perméamètre mis au point au laboratoire régional des Ponts et Chaussées de Strasbourg par Paul Ursat. Il ne s’agit pas, à proprement parler, d’un perméamètre de forage mais d’un dispositif qui se rapprocherait à la fois du piézocône et du perméamètre autoforeur mais qui n’est applicable qu’aux sols dont le coefficient de perméabilité est supérieur à 10– 6 m/s. Le principe de l’essai consiste à descendre dans le sol, soit par battage, soit par vibrofonçage, une pointe spéciale, de diamètre variable, munie d’une crépine dans sa partie centrale, et à injecter par cette crépine un débit constant dans le sol (Fig. V.12).
d
Figure V.12. Schéma de la pointe du Perméafor.
L’appareillage comprend donc la pointe spéciale proprement dite avec sa crépine et un module de mesure et d’enregistrement des débits injectés.
Ce module de mesure se compose de : – un groupe de pression avec régulateur à balance hydraulique de haute précision; – un débitmètre électronique; – un manomètre à dépression de – 100 à + 100 kPa; – un bac tampon avec dispositif dessableur; – un module d’enregistrement et d’interprétation sur PC. La pénétration de la pointe est arrêtée, en général tous les 20 cm, pour permettre les mesures de débit, mais avant de commencer l’injection, il est nécessaire de laisser se dissiper les pressions interstitielles développées, dans le sol, par le fonçage comme nous l’avons vu pour le piézocône. On procède alors à une injection d’eau sous faible pression jusqu’à ce que l’on obtienne un débit constant.
222
Les perméamètres de forage
Le dispositif enregistre, en fonction du temps, le débit Q et la charge hydraulique Q effective H au niveau de la crépine et calcule le rapport ---- . H En fin de forage, les valeurs de ce rapport sont restituées sous forme de graphe qui constitue une véritable diagraphie hydraulique du sol mettant ainsi en évidence les contrastes de perméabilité des différentes formations traversées. Certes, la pénétration perturbe l’équilibre hydraulique initial, phénomène parasite dont on peut partiellement s’affranchir en attendant la stabilisation des pressions interstitielles, mais elle peut modifier également la perméabilité apparente du sol par lissage, et même dans certains sols entraîner un colmatage partiel de la crépine, mais les contrastes des Q rapports ---- restent néanmoins H très significatifs, ce qui permet d’implanter à bon escient des essais plus traditionnels et plus évolués. Ces particularités n’ont pas échappé à l’initiateur de cet essai ni à ses utilisateurs qui se limitent à ne fournir que les valeurs de ce Q rapport ---- , en se contentant, dans H des cas bien précis, de donner quelques valeurs de coefficients de perméabilité obtenus par corrélation avec des essais plus élaborés.
Figure V.13. Pointe de Perméafor.
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