e i g o l o d o h t é M e i g o l o m é t s i p E
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A R H C U O B I D A B B A L E Ce document pédagogique met l ’accent sur l’épistémologie et ses paradigmes. Il offre aux étudiants en master de recherche en sciences de gestion surtout, une panoplie d ’outils méthodologiques à la fois utiles et obligatoirement de savoir le contexte de leur utilisation.
Ecole Nationale de Commerce et de Gestion de Tanger Année universitaire 2013/2014 2013/2014
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Les positionnements épistémologiques Comme le rappelle F.Wacheux (1996)1, l’épistémologie est la philosophie de la pratique scientifique. Tout travail d’ordre scientifique doit se baser sur une conception et une vision des choses. Mbengue (2001)2 présente, quant à lui, l’épistémologie comme le statut de la relation entre le chercheur et ce qui peut être connu. Cette relation peut prendre la forme d’une indépendance ou d’une interdépendance. Selon Thiétart et al (2003)3. « L'épistémologie a pour objet l'étude des sciences. Elle s'interroge sur ce qu'est la science en discutant de la nature, de la méthode et de la valeur de la connaissance ... Tout travail de recherche repose, en effet, sur une certaine vision du monde, utilise une méthode, propose des résultats visant à prédire, prescrire, comprendre, construire ou expliquer ... ». Dans les recherches en sciences des organisations, il existe deux épistémologies ou visions de la recherche : le positivisme et la phénoménologie. Le positivisme 4, courant classique de la recherche, met l’accent sur la vérification d’une réalité préét ablie en recherchant des liens de causalités entre des faits. Tandis que la phénoménologie oriente le chercheur vers la construction sociale d’une réalité inexistante. L’objectif est donc, de construire une réalité ou une connaissance qui se comprend comme étant la représentation de l’expérience cognitive des individus. En d’autres termes, l’objectif de la phénoménologie est d’aboutir à la description d’un phénomène par celui qui le vit ou l’a vécu. Ainsi pour F.Wacheux (1996, p.265), la phénoménologie est « une introspection faite par des acteurs sur des évènements antérieurs vécus, pour permettre la conscience, la connaissance puis la transmission des expériences rationnalisées ». Le tableau suivant synthétise les deux épistémologies les plus fréquemment utilisées dans les sciences de gestion :
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Wacheux Frédéric, « Méthodes qualitatives et recherche en gestion », Economica, 1996. Mbengue A. (2001), « Posture paradigmatique et recherche en management stratégique », in Stratégies – Actualités et futurs de la recherche, sous la dir. D’A.C. Martinet et R.A. Thiétart (Ed.), Vuibert cité par Moez ESSID, « Les mécanismes de contrôle de la performance globale : Le cas des indicateurs non financiers de la RSE » Thèse de doctorat soutenue en 2009. 3 Thiétart et al (2003), »"chapitre 1", Méthodologie de recherche en management, Edition Dunod. 4 « La connaissance produite par les positivistes est objective et a contextuelle dans la mesure où elle correspond à la mise à jour de lois, d’une réalité immuable, extérieure à l’individu et indépendante du contexte d’interactions des acteurs ». Cité par Thiétart et al Edition Dunod, 2003. 2
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Tableau : Les positions épistémologiques en recherches en gestion (Perret et Séville, 2003, pp.14-15)5 Traditions philosophiques Le positivisme Les questions épistémologiques Quel est le statut de la connaissance?
La nature de la "réalité"
Comment la connaissance est-elle engendrée ?
Le chemin de la connaissance scientifique Quelle est la valeur de la connaissance ? Les critères de validités
Le positivisme
Le positivisme
Hypothèse réaliste Il existe une essence propre à l'objet de connaissance Indépendance du sujet et de l'objet Hypothèse déterministe le monde est fait de nécessité La découverte
La phénoménologie
L’interprétativisme
Le constructivisme
Hypothèse relativiste L'essence de l'objet ne peut être atteinte (constructivisme modéré ou interprétativisme) ou n'existe pas (constructivisme radical) Dépendance du sujet et de l'objet
Hypothèse intentionnaliste Le monde est fait de possibilités L'interprétation
La construction
Recherches formulées en termes de "pour quelles causes…"
Recherches formulées en termes de "pour quelles motivations des acteurs…."
Statut privilégié de l'explication
Statut privilégié de la compréhension
Recherche formulée en termes de "pour quelles finalités…" Statut privilégié de la construction Adéquation
Vérificabilité
Confirmabilité Réfutabilité
Idiographie
Empathie (révélatrice de l'expérience vécue par les acteurs)
Enseignabilité
1-Le paradigme positiviste Le paradigme positiviste est né au 19 ème siècle, il constitue la science dominante dans beaucoup de disciplines. Comme le souligne F.Wacheux (1996, p.39) , La connaissance, selon ce paradigme, je cite :« se base sur l’observation et l’expérience des faits sociaux, considérés comme des choses »6. Ainsi notre travail de recherche peut être schématisé linéairement comme suit:
Théorie
Hypothèse
Observation
Généralisation
Théorie
Ces dernières années, cette approche est de plus en plus remise en cause dans les sciences sociales car les problèmes sociaux et humains ne sont pas traduits par les mêmes termes que les problèmes des sciences exactes. L’imprévisibilité et l’instabilité d es 5
In Moez ESSID, « Les mécanismes de contrôle de la performance globale : Le cas des indicateurs non financiers de la RSE » Thèse de doctorat soutenue en 2009, page.238. 6 Wacheux Frédéric op. cit. p 39.
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comportements se sont, selon F.Wacheux (1996, p.40) 7, deux éléments qui caractérisent plus les sociétés et les groupes humains que l’irréversibilité et la rationalité. Dans un contexte de plus en plus complexe, les théories universalistes, ou the one best way, ne permettent pas de résoudre les problèmes contingents.
2-Le paradigme constructiviste Le paradigme constructiviste a une attitude ouverte de recherche, plutôt qu’avec un paradigme définitif (Positiviste). Autrement dit, il existe plusieurs attitudes constructivistes. La seule chose commune comme le précise F.Wacheux (1996, p.43) : « est la manière de se comporter et de penser en sujet, des objets par l’expérience» 8 . La démarche constructiviste a donc pour objectif d’expliquer la réalité tout en élaborant une représentation, comme le souligne F.Wacheux (1996, p.43) , je cite : « le chercheur produit des explications, qui ne sont pas la réalité, mais un construit su r une réalité susceptible de l’expliquer »9. Ceci étant, l’épistémologie constructiviste abandonne la croyance d’un accès objectif possible au réel. Il est donc à l’opposé de l’empirisme logique puisqu’il travaille à observer, comprendre et proposer des explications sur les phénomènes, avant de les associer et de les réinterpréter. Des auteurs ont proposé des classifications, comme par exemple, Henri Bouquin. Ce dernier identifie deux paradigmes utilisés lors des recherches en contrôle de gestion :
Le paradigme structuro-fonctionnaliste : dans ce paradigme positiviste, l’organisation et ses systèmes de contrôle sont considérés comme un organisme qui s’adapte à son environnement concurrentiel et technologique. L’analyse du contrôle de gestion est contingente. La recherche s’oriente vers l’identification et la compréhension des caractéristiques des contextes et vers la définition des outils de contrôle de gestion les plus pertinents dans chaque situation. Le contexte détermine le type de contrôle de gestion et son évolution ; Le paradigme interprétato-constructiviste : contrairement au précédent, ce second paradigme accorde une place centrale au comportement humain dans la définition des systèmes de contrôle de gestion. Henri Bouquin regroupe ainsi des travaux qui mettent en avant les relations entre acteurs au sein des organisations. Ce paradigme rejette donc l’idée d’un déterminisme environnemental, les outils se définissant à partir de facteurs sociaux internes. Les systèmes de contrôle sont définis en continu à partir des représentations mentales que les acteurs se forgent grâce à leurs expériences. Les relations entre individus ou groupes (tels que les conflits) déterminent le type de contrôle de gestion et son évolution.
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Wacheux Frédéric op. cit. p 40. Wacheux Frédéric op. cit. p 43. 9 Wacheux Frédéric op. cit. p 43. 8
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Les principes qui différencient positivisme et constructivisme ont été clairement formulés par Le Moigne [1990]. Nous les résumons ci-après :
Epistémologie positiviste :
Principe ontologique : (réalité du réel, naturalité de la nature, existence d’un critère de vérité). Peut être considérée comme vraie toute proposition qui décrit effectivement la réalité. Le but de la science est de découvrir cette réalité. Ceci est applicable à tous les sujets sur lesquels l’esprit humain peut s’exercer.
Principe de l’univer s câblé : Il existe des lois de la nature, le réel est déterminé. Le but de la science est de découvrir la vérité derrière ce qui est observé. La description exhaustive est possible, par décomposition en autant de sous-parties que nécessaire. Les chaînes de causalité qui relient les effets aux causes sont simples et peu nombreuses. Principe d’objectivit é : l’observatio n de l’objet réel par l’observant ne modifie ni l’objet réel ni l’observant. Si l’observant est modifié, cela ne concerne pas la science (l’esprit humain ne fait pas partie des objets réels sur lesquels il puisse lui-même s’exercer). Principe de naturalité de la logique : la logique est naturelle, donc tout ce qui est découvert par logique naturelle est vrai et loi de la nature. Donc tout ce qui ne pourra être découvert de cette manière devra être considéré comme non scientifique. Principe de moindre action : entre deux théories, il faut prendre la plus simple (principe de parcimonie d’Occam)
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Epistémologie constructiviste :
Principe de représentabilité de l’expérience du réel : La connaissance est la recherche de la manière de penser et de se comporter qui conviennent (Von Glasersfeld). Nos expériences du réel sont communicables (modélisables) et la vérité procède de cette adéquation des modèles de notre expérience du monde à cette expérience.
Principe de l’univers construit : Les représentations du monde sont téléologiques, l’intelligence organise le monde en s’organisant elle même, « la connaissance n’est pas la découverte des nécessités mais l’actualisation des possibles » (Piaget).
Principe de l’interaction sujet -objet : L ’interaction entre le sujet et l’objet (plus précisément : l’image de l’objet) est constitutive de la construction de la connaissance.
Principe de l’argumentation générale : L a logique disjonctive n’est qu’une manière de raisonner parmi d’autres et n’a pas besoin d’être posée comme naturelle. La ruse, l’induction, l’abduction, l a délibération heuristique permettent de produire des énoncés raisonnés. Principe d’action intelligente : Le scientifique contemporain est un concepteurobservateur- modélisateur. Le concept d’action intelligente décrit l’élaboration, par toute forme de raisonnement descriptible a posteriori, d’une stratégie d’action proposant une correspondance adéquate (convenable) entre une situation perçue et un projet conçu par le système au comportement duquel on s’intéresse.
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Post-positivistes
Positivistes
Multiples méthodes pour approcher de la réalité (ils acceptent autres modes de collecte de données)
Seule la méthode d’ expérimentation et de vérification par des tests statistiques
Riccucci : « Ils acceptent l’existence de l’erreur et considèrent les résultats probable pour qu’ils ne sont pas réfutés »
Réfuter les hypothèses
Objectivité maximale (le chercheur doit contrôler les conditions dont lesquelles il réalise sa recherche (objectivité maximale du chercheur dans sa collecte de données et dans son travail)
Objectivité
Réalisme empirique Appliquer aussi aux entités inobservables, intangibles
Le réalisme empirique appliqué aux entités observables, pour eux les concepts inobservables sont des concepts métaphysiques
Méthode hypothético-déductive
Méthode inductive
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Les outils méthodologiques
1--La démarche exploratoire (Analyse exploratoire des données ou des facteurs) La méthodologie d’une recherche est définie comme étant une panoplie de modalités d’acquisition de la connaissance, c'est -à-dire qu’elle représente le chemin à parcourir qui englobe les étapes de choix, de production, de recueil, de tr aitement, d’analyse des données, etc. En un mot, la méthodologie répond donc à la question « comment je cherche ?». Il existe plusieurs démarches méthodologiques en sciences sociales et plus particulièrement en sciences de gestion : le test et l’exploration. A travers le test, le chercheur vise à évaluer des vérités ou des paradigmes théoriques ou méthodologiques. L’objectif final étant l’explication d’un phénomène à partir d’un corpus théorique bi en établi. A travers l’exploration, le chercheur ambitionne à proposer des résultats théoriques novateurs susceptibles d’enrichir la théorie existante. L’objectif étant d’expliquer et de comprendre la réalité, et non pas de tester des hypothèses issues des théories existantes. Cependant, ceci ne nous a pas empêchés de partir de la littérature existante pour répondre à notre question de recherche. La matière première est essentiellement sous formes des mots (discours, entretiens, documents, rapports annuels, etc.), et non pas des chiffres, nous pouvons conjuguer une méthodologie exploratoire qualitative avec un paradigme constructiviste
2- L’analyse de contenu C’ Est une méthode adaptée pour analyser objectivement et systématiquement le contenu d’un champ de littérature. Son but est d’éclairer et de tester la vérité et la tendance fondamentale des écrits pour révéler leurs informations potentielles et prévoir leur développement. En effet, c’est une méthode d’analyse qui tend à quantifier le qualitatif par un processus d’abstraction et de comptage de certaines caractéristiques contenues dans les textes, en particulier des mots et des concepts. (FU, 1997, pp. 55-59). L’analyse de contenu est considérée comme une méthode de recherche à partir de la 2e guerre mondiale. Elle s’est répandue dans le domaine de communication. En 1952, Bernard Berelson, spécialiste américain, a défini l’analyse de contenu comme une technique de recherche pour la description objective, systématique et quantitative du contenu manifeste de la communication ayant des caractéristiques claires (BERELSON, 1952). Le résultat de l’analyse de contenu est souvent présenté sous forme de tableaux de données, de chiffres et de commentaires. Selon les définitions mentionnées ci- dessus, l’analyse de contenu a trois caractéristiques significatives : –
Systématique : la sélection du contenu et de la catégorie doit suivre le même critère pour éviter de ne prendre que des documents qui sont influencés par l’opinion du chercheur.
–
Objective : l’analyse doit être exécutée selon un protocole clair pour s’assurer un résultat identique sur une même base de données, quels que soient les chercheurs qui l’effectuent.
–
Quantitative : nous utilisons la méthode statistique pour mesurer les fréquences des unités d’analyse et des catégories.
Le principe est d’analyser la quantité d’information et ses variantes contenues dans les documents. Le but est de rechercher et de déduire le contenu pertinent des données.
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Dans le sens philosophique, la faisabilité de cette méthode est de considérer la reconnaissance objective comme condition nécessaire, c’est -à-dire que les gens peuvent percevoir des régularités grâce à l’analyse sur l’information recueillie. Donc dans cette procédure de connaissance, l’analyse de contenu met l’accent sur la capacité de déduction valable et correcte. La procédure d’analyse de contenu est comme une procédure de déduction étape par étape (LUO, 2003, pp. 51-53). Nous pouvons dire que la déduction est une opération essentielle de cette méthode. L’analyse de contenu n’est pas seulement une analy se sur un document, mais une information concernant une période ou provenant de sources diverses. C’est pour cela que la procédure de déduction est considérée comme une procédure de comparaison. Ainsi, l’analyse sur le contenu des documents est une compa raison des unités d’informations concernées dans les documents (LUO, 2003, pp. 51 -53). Nous pouvons également retenir que la comparaison est une des bases de l’analyse de contenu. Selon (LI B. , 2000, pp. 47-49), l’analyse de contenu peut être décomposée selon les étapes suivantes : – définition des problématiques et hypothèses, – confirmation du domaine de recherche, –prélèvement de l’échantillonnage, –choix des unités d’analyse, –établissement des catégories d’analyse, – établissement du système quantitatif, – codage des données, – analyse des données, – explication de la conclusion, – et enfin, examen de la fiabilité et de la validité.
3- Rappel et justification de la méthode de l’analyse factorielle L’analyse factorielle est une méthode pour obtenir les valeurs des variables observées en utilisant des variables non observées ou latentes, qui ne peuvent pas être examinées directement, mais qui sont principalement responsables du changement des variables observées en utilisant une corrélation existante entre ces deux types de variables (LU W. , 2007, pp. 480-481). Le fondement théorique de l’analyse factorielle est de multiplier la matrice de charge par la matrice orthogonale pour réaliser la rotation des facteurs. La structure de la covariance du modèle de facteurs après la modification d’axe de coordonnées ne change pas. Le but est d’obtenir la meilleure explication possible réalisée par la rotation de variance. .
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4- La méthode qualitative. 4-1Le choix pour une méthode qualitative. Très souvent, l’exploration est liée à une méthode qualitative et la vérification à une méthode quantitative. C’est ainsi que Silverman (1993, cité par Thiétart et al ., 2003), distingue deux écoles en sciences sociales : l’une orientée sur le test quantita tif d’hypothèses, et l’autre tournée vers la génération qualitative d’hypothèses. Dans le même sens, Usunier et al. (2000), admettent que la recherche exploratoire met l’accent sur la définition des objectifs de recherche, alors que la recherche qui se préoccupe de tester les hypothèses (positiviste) et se focalise sur l’étape de collecte des données en les séparant complètement de leur interprétation. Ces deux méthodes, qualitative et quantitative, ne sont pas contradictoires mais complémentaires. Comme le précise F.Wacheux (1996, p.200) 10, « le problème n’est plus d’opposer les mesures statistiques et les évaluations compréhensives, mais de les articuler pour repérer les connaissances faibles sur le comportement organisationnel et sur la place de l’homme dans l’entreprise. Les deux approches peuvent se féconder mutuellement, à condition d’accepter la relativité de chacune des démarches ». En effet, Comme le confirment Poupart et al (1997, p.80) 11 « la recherche qualitative a maintes fois été utilisée pour décrire une situation sociale circonscrite (recherche descriptive) ou explorer certaines questions (recherche exploratoire) que peut difficilement aborder le chercheur qui recourt à des méthodes quantitatives (…) Une étude qualitative de nature exploratoire permet de se familiariser avec les gens et leurs préoccupations. Elle peut aussi servir à déterminer les impasses et l es blocages susceptibles d’entraver un projet de recherche à grande échelle. Une recherche descriptive posera la question des mécanismes et des acteurs (le comment et le qui des phénomènes) ; par la précision des détails elle fournira des informations contextuelles qui pourront servir de base à des recherches explicatives plus poussées »
4-2 Les objectifs et le pourquoi de l’étude qualitative.
Les objectifs : Comme le précise Evrard et al (1997, p.82) 12, « explorer un univers est l’objectif général de la recherche qui détermine le choix d’une approche dite qualitative ou exploratoire. Cet objectif global peut se décomposer en une série de sous objectifs possibles :
Se familiariser avec un problème, en cerner les composantes et les contours ; Identifier des hypothèses de travail ; Explorer les motivations, les attitudes et les valeurs ; Comprendre les comportements et les processus de décisions ; Structurer les formes, les objets, les rendre intelligibles et comprendre leurs sens »
Le pourquoi de l’étude qualitative :
Pour les raisons suivantes, le recours à l’étude qualitative exploratoire dans une recherche est une phase obligatoire. Nous les inventorions comme suit :
Le manque de littérature et de document
10
Wacheux Frédéric op. cit. p 200. Poupart, Deslauriers, Groulx, Lasperrière, Mayer, Pires « La recherche qualitative : enjeux épistémologiques et méthodologiques » Gaëtan Morin, 1997, p 80. Cité par Laurent SPANG, « la modélisation de l’évolution du contrôle de gestion dans une organisation », Thèse de doctorat soutenue en 2002. 12 Evrard Yves, Pras Bernard, Roux Elyette « Market : étude et recherches en marketing » deuxième édition Nathan, 1997, p 82. Cité par Laurent SPANG, « la modélisation de l’évolution du contrôle de gestion dans une organisation », Thèse de doctorat soutenue en 2002. 11
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La complexité du contexte de recherche. En effet, la démarche qualitative est d’autant plus importante que le contexte est complexe, car seul ce type de démarche peut mettre en évidence les interactions. Crozier et Friedberg (1977) ont montré l’importance de la connaissance du contexte afin de pouvoir faire un diagnostic et de s’imprégner de la rationalité qui est contingente au système. Pour eux, il y a une rationalité qu’il s’agit précisément de trouver dans chaque organisation. Ainsi, « par un jeu de miroir incessant entre les données convergentes et/ou discordantes contenues dans ces entretiens, le chercheur tentera de retrouver la logique interne qui, pour les di verses catégories d’acteurs, structurent implicitement l’ensemble de leurs perceptions, sentiments et attitudes, et ainsi de dégager et expliciter les stratégies en présence »13.
Le choix pour une approche qualitative basée sur les études de cas.
Son utilisation va favoriser l’exploration de nouvelles idées ou de nouvelles théories. Pour accéder au réel, le chercheur a le choix entre plusieurs méthodes qualitatives 14. Compte tenu des questions soulevées par la recherche et de la complexité du problème à étudier, nous avons choisi les études de cas comme stratégie d’accès au réel. Néanmoins, qu’est ce qu’une étude de cas ? Existe-t-il plusieurs études de cas ? Si oui, quelles sont leurs spécificités et leurs caractéristiques?
5- Définition de l’étude de cas Parmi les auteurs ayant essayé de donner une définition de ce qu’on entend par étude de cas, nous trouvons celui de Yin (2006)15 qui a défini l’étude de cas comme « une enquête empirique qui étudie un phénomène contemporain dans son contexte réel, lorsque les frontières entre le phénomène et le contexte n’apparaissent pas clairement, et dans laquelle plusieurs sources de preuve sont utilisées » . Quant à Eisenhardt16 donne à l’étude de cas une définition plus large. Pour lui, je cite : « l’étude de cas es t une stratégie de recherche qui se concentre sur la compréhension des dynamiques présentes dans un cadre unique et particulier ». Dans le même sens, F.Wacheux (1996, p.89) 17 rajoute que l’étude de cas est « une analyse spatiale et temporelle d’un phénomène complexe par les conditions, les événements, les acteurs et les implic ations ».
5-1 Typologies des études de cas Plusieurs auteurs ont tenté de proposer des typologies d’études de cas en fonction de l’objet de l’étude et les propriétés du cas étudié. A c e titre, Ayerbe et Missonier (2006) ont tenté de regrouper et de synthétiser cette littérature dans le tableau suivant :
13
M. CROZIER, E.FRIEDBERG, « L’acteur et le système », les éditions de seuil, 1977.
14
Voir le tableau (le choix d’une méthode qualitative) cité par Wacheux Frédéric op. cit. p 90. 15 In Moez ESSID, « Les mécanismes de contrôle de la performance globale : Le cas des indicateurs non financiers de la RSE » Thèse de doctorat soutenue en 2009, page.245. 16 Idem. 17 Wacheux Frédéric op. cit. p 89.
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Typologie en fonction de
L'objet de l'étude
Auteurs
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Type de cas
Objectifs
Apports pour la recherche
Descriptif
Selon Yin, il s’agit de « décrire une intervention et le contexte réel dans lequel elle s’est produite » (Yin, 2003, p. 15).
Description complète et en profondeur d’un phénomène dans son contexte.
Explicatif
Etude de relation de causes à effets. Etude de causalité : mettre en relation des variables indépendantes afin de déterminer celles qui sont les plus fortement corrélées à des variables dépendantes.
Expliquer comment les choses arrivent.
Instrumental
Le cas est lu à travers une théorie retenue a priori et l’analyse empirique se fait à partir de cette théorie. L’étude se concentre sur une question théorique. Le cas, en lui même, représente un second intérêt, il joue « un rôle de support et facilite notre compréhension d’autre chose » (Stake, 1998, p. 137).
Le cas est examiné en profondeur, son contexte est contrôlé et l’ensemble des activités ordinaires sont détaillées, dans la mesure où il aide le chercheur à poursuivre un autre intérêt, plus théorique.
Collectif
Plusieurs cas sont étudiés en vue d’étudier un phénomène ou une population. Il s’agit d’une approche instrumentale étendue à plusieurs cas. La collection de différents cas peut permettre de mettre en évidence des caractéristiques communes.
Contribue à améliorer la compréhension d’un phénomène étudié, et éventuellement, une meilleure «théorisation », permise à partir d’une plus grande « collection » de cas (Stake, 1998, p. 138).
Yin (2003)
Stake (1998) et David (2004)
Des propriétés du cas étudié (statut du cas) Intrinsèque
Extrême ou unique (Extreme case or unique case)
11
Le cas est décrit en profondeur et dans toutes ses dimensions L’objectif n’est pas de construire une théorie. « pour lui même » (David, 2003, p. 2). Recherche d’une L’étude de cas intrinsèque suppose que de meilleure compréhension du cas particulier étudié. Le cas nombreuses n’est pas choisi parce qu’il est représentatif d’autres cas ou théories, non retenues a priori, soient parce qu’il est illustratif d’un problème particulier, « mais mobilisées non pas « pour elles-mêmes» mais parce que dans toutes ses particularités et son ordinarité, ce pour analyser et comprendre en profondeur, cas lui-même est d’intérêt » le cas étudié. (David, 2004, p. 3).
Le cas unique a pour objectif d’étudier un cas rare, unique, encore jamais documenté et analysé (par exemple, l’étude de syndromes sur des patients qui apparaissent trop rarement pour que la connaissance scientifique ait déjà pu établir des relations avec la maladie à l’origine de ces syndromes). (Stake, 1998, p. 136).
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Permet de rendre compte, d’analyser et de comprendre une situation spécifique, jamais étudiée et ainsi, d’enrichir la connaissance scientifique
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Typologie en fonction de
Auteurs
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Type de cas
Objectifs
Apports pour la recherche
Critique (Critical case)
Le cas critique détermine quand les propositions théoriques sont correctes, ou fournit de plus amples explications des conditions de réalisation des théories.
Représente une contribution significative à l’acquisition de nouvelles connaissances et à la construction de théories. Test critique de théories déjà établies.
Longitudinal (Longitudinal case)
Etude d’un même cas, menée en des temps différents. Les intervalles désirés de temps reflètent les étapes présumées auxquelles les changements devraient s’opérer.
A partir d’une théorie déjà établie, permet d’étudier, comment les conditions requises par la théorie à un temps déterminé, évoluent au cours du temps.
Représentatif ou typique Yin (2003)
Le cas s’apparente à une situation « type », représentative d’autres situations (par exemple, l’étude d’une organisation représentative des autres organisations appartenant au même secteur).
Typique David (2004)
Le cas est « particulièrement représentatif du cas général », (David, 2004, p. 11), dans un contexte, une situation donnée.
Révélateur (Revelatory case) Yin (2003a)
Le chercheur a l’opportunité d’observer et d’analyser un phénomène jusqu’à présent inaccessible à des investigations scientifiques (par exemple, le chercheur a accès à des informations hautement confidentielles). Le cas « révélateur » est à distinguer du cas « rare » ou « unique».
Inédit ou exemplaire David (2004)
Phénomènes relativement rares, peu étudiés jusqu’alors ou à des situations particulièrement innovantes (Le cas se rapproche du cas « extrême ou unique » de Yin)
David (2004)
Test
Le cas permet de confronter des théories aux données issues du terrain.
Permet de tester des théories déjà existantes dans la littérature antérieure, et par la même, les enrichir.
Koenig (2005)
Cas « critique» (approche campbellienne)
Le cas critique au sens de Koenig (2005) peut servir d’« expérience cruciale » tout en apportant une « contribution théorique ».
Double potentialité du cas : remettre en cause des schémas établis et en proposer des nouveaux.
Yin (2003a) (Cas de types 1 et 2)
Yin (2003) et David (2004)
Les enseignements des cas sont considérés comme utiles à la compréhension d’une personne ou d’une situation moyenne (Yin, 2003).
Le cas permet de découvrir de nouveaux éléments scientifiques. Permet de rendre compte, d’analyser et de comprendre une situation spécifique et ainsi d’enrichir la connaissance scientifique. Le cas «constitue potentiellement une référence (ou une anti référence)» (David, 2004, p. 11).
Tableau : Typologies des études de cas (Ayerbe et Missonier, 2006) 1 Yin (2006) et collective au sens de Stake (1998). Voir le tableau ci-dessus.
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5-3Les limites de l’approche qualitative. Certes, l’approche qualitative en général, et de la méthode des études de cas en particulier souffre de plusieurs insuffisances. L’étude de cas n’est utilisée que dans un contexte spécifique et particulier. Malgré la multiplication des cas, il est difficile de généraliser des résultats. En pratique, les recherches qualitatives sont limitées principalement par l’absence d’échantillonnage probabiliste représentatif d’une population. Or, les résultats de la recherche qualitative servent à compléter la théorie existante. Autrement dit, l’objectif premier de cette approche, c’est d’explorer, de décrire et d’expliquer un phénomène dans son contexte tout en enrichissant la théorie existante.
5-4 Les modes de collecte des données adoptées
Les choix relatifs aux modes de collecte des données adoptées: Les techniques de recueil de l’information : L’entretien et la documentation ; Type d’entretien ; Les interlocuteurs; La conduite des entretiens et le guide d’entretien ; L’analyse documentaire ; L’échantillon ; La technique d’exploitation des données.
5-5 Les techniques de recueil de l’information : L’entretien et la documentation Selon F.Wacheux (1996, p.192) « Sur le terrain la recherche est alimentée par des sources multiples : Documentation et archives, interviews (éventuellement répétés) et observations directes »18. Ainsi Yin de son côté propose six moyens de recueillir des informations (voir le tableau ci-dessous) :
Tableau 12: Six sources de données Source 1- Documentation
2- Enregistrement des archives 3-
Entretien
4- Observation directe 5- Observation participante
6- Simulation
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Commentaire La mémoire écrite du cas peut provenir, soit de l’organisation (documents officiels, lettres, rapports,..) soit de l’individu (notes, analyses…). La documentation est la source essentielle de la chronologie et doit être systématiquement rapprochée du discours des acteurs. Les archives enregistrées participent au système d’information, mais nécessitent une reconstitution des données comme la pratiquerait l’acteur. Source traditionnelle et importante des études de cas. Les interviews permettent de recueillir des opinions, des analyses, elles ne peuvent être l’unique source d’observation. Le choix et la forme des interviews constituent le problème principal Source de l’observation des comportements à condition d’avoir un guide de l’observation et de contrôler la perturba tion créée par la présence du chercheur. Permet la présence quotidienne du chercheur sur son terrain, mais implique souvent de masquer le travail en cours. L’enregistrement des données est confronté au même problème que l’observation est directe. Certaines recherches permettent d’utiliser le contexte pour simuler et donc observer le comportement des acteurs. Cette collecte peut être faite a posteriori à parti du feed back des acteurs. Source : Yin (1994) 19
Wacheux Frédéric op. cit. p 192.
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Cité par Wacheux Frédéric dans son ouvrage de « Méthodes qualitatives et recherche en gestion », Economica, 1996. Page 192.
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Master de recherche sciences de gestion
Epistémologie-Méthodologie
2013
Comme le dit F.Wacheux (1996, p.192) 20, « la collecte s’organise en fonction des possibilités du terrain et des exigences de la problémation. C’est au chercheur à organiser le recueil de sa ‘’matière première’’ ». De notre côté nous avons retenu l’entretien et l’analyse documentaire. Ces techniques nous ont semblés être les plus pertinentes et les plus adéquates aux exigences de notre problématique. De plus, comme l’affirme F.Wacheux (1996, p.192) 21, l’entretien et la documentation sont « deux sources incontournables lorsque l’on s’intéresse aux acteurs, à l’organisation et aux comportements des acteurs dans l’organisation ». Comme le souligne Tang Tay, « le choix est motivé par le caractère exploratoire de notre travail et par la nécessité de capter l’information souhaitée dans sont contexte d’utilisation, ce qui était particulièrement difficile à réaliser directement par un questionnaire par exemple »22. Pour Crozier et Friedberg (1977, p.458) , « les entretiens sont l’occasion pour lui (le chercheur) de réunir aussi rapidement que possible le maximum d’informations concrètes sur le vécu quotidien des acteurs, sur ce qui est ‘’implicite’’ dans le champ considéré »23.
Le type d’entretien : Semi directif
L’entretien est utilisé dans l’ensemble des sciences humaines. Il a pour finalité d’accéder aux faits, aux représentations et aux interprétations des situations connues par les acteurs. Il constitue, de ce fait, un mode privilégié de recueil des informations. Comme le souligne F.Wacheux (1996, p.203) , « En science de gestion, particulièrement, la plupart des recherches qualitatives s’alimentent aux ‘’mots des acteurs’’ pour comprendre les pratiques organisationnelles et les représentations des expériences »24. Parmi les quatre formes classiques de l’entretien 25, la technique d’entretien semi directif. Cette technique a semblé la plus adéquate, car dans un entretien semi directif comme le précise F.Wacheux (1996, p.204) , « l’acteur s’exprime librement, mais s ur des questionnements bien précis, sous le contrôle de chercheur. L’implication est partagée »26. Au niveau de l’entretien semi directif, le degré de liberté laissé à l’interviewé se fait en fonction des informations jugées intéressantes pour le chercheur. De plus, ce type d’entretien permet d’aborder plusieurs thèmes en même temps. Il est adapté au de recherche peu exploré.
Les interlocuteurs La conduite des entretiens et le guide d’entretien.
Les entretiens exploratoires semi directifs ont été menés de manière similaire auprès des différents interlocuteurs. Pour ce faire, le recueil des données a été organisé préalablement par un guide d’entretien tout en pr écisant les thèmes abordés.
La conduite des entretiens
Les premières minutes de l’entretien sont consacrées à expliquer l’objet de la recherche, les thèmes à aborder et l’exploitation qui serait faite des informations recueillies. Ce moment est important pour permettre un échange riche et pour créer un climat de confiance avec nos interlocuteurs et les inciter à s’exprimer librement.
Le guide d’entretien
Le guide d’entretien est définit par Blanchet et Gotman (1992, p.61) 27 comme «un ensemble organisé de fonctions, d’opérateurs et d’indicateurs qui structure l’activité d’écoute et d’intervention de l’interviewer ». Le guide d’entretien reprend les grands axes de la 20
Wacheux Frédéric op. cit. p 192. Wacheux Frédéric op. cit. p 192. 22 Cité par Laurent SPANG, « la modélisation de l’évolution du contrôle de gestion dans une organisation », Thèse de doctorat soutenue en 2002. 23 M. CROZIER, E.FRIEDBERG, op. cit. p.458. 24 Wacheux Frédéric op. cit. p 203. 25 Il existe quatre formes classiques de l’entretien : l’entretien directif, l’entretien semi directif, l’entretien non directif et l’entretient de groupe. Voir l’ouvrage de F.Wacheux « Méthodes qualitatives et recherche en gestion », Economica, 1996. Page 204. 26 Wacheux Frédéric op. cit. p 204. 27 BLANCHET A. et GOTMAN A. (1992), « L’enquête et ses méthodes : L’entretien », Paris, Nathan Université, collection sociologie 128.page.61. 21
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problématique de la recherche. Toutefois, au cours de la réalisation des entretiens, le chercheur ne doit pas se limiter aux questions élaborées dans ce guide.
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