Logistiqueettransport
Facteur-clé de
la compétitivité Le contexte concurrentiel actuel accentue la pression sur les coûts, ainsi que sur les exigences de service et de qualité. Mettre en place une fonction logistique devient, dès lors pour l’entreprise, un excellent moyen de rationaliser son activité et de créer de la valeur. Dossier réalisé par Mounia Kabiri Kettani et Imane Trari
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ssue du contexte militaire, pour permettre d’appliquer, sur le terrain, des décisions stratégiques et tactiques (transports, stocks, fabrication, achats, manutention), la logistique d’entreprise est apparue après la fin de la seconde guerre mondiale, notamment avec la reconversion, en entreprise, des spécialistes militaires dans la logistique. Seulement, celle-ci est considérée, dans l’entreprise, comme une fonction secondaire, aux contours mal définis. Le rôle des logisticiens se limite alors à l’organisation matérielle des transports de matières premières ou de produits finis et, même si des sommes considérables sont en jeu, on ne voit guère, à l’époque, la nécessité de procéder à une réflexion et à une analyse globale portant sur l’ensemble des flux internes ou externes de l’entreprise. Depuis les années 90, la logistique est devenue un secteur d’activité à part entière, une activité transversale en entreprise (du fournisseur au client), ainsi que dans la vie économique. Elle est définie comme étant «l’ensemble des opérations qui permettent de mettre à disposition le bon produit au bon moment, au bon endroit, à moindre coût».
pas à écouler toute la production, du fait de son augmentation. C’est là où l’importance de la fonction de production s’est amoindrie au profit de celle du marketing. Car l’objectif était de vendre le bon produit, au bon moment et au meilleur prix. Mais, fallait-il vendre sur tel ou tel marché? Fallait-il accepter telle commande? Fallait-il acheter telle machine? Faut-il continuer à fabriquer et vendre tel produit? Afin de répondre à toutes ces questions, les managers prennent conscience de la nécessité de la fonction ComptabilitéFinance. Celle-ci constitue, en effet, un outil indispensable de prise de décisions en interne, ainsi qu’un moyen informationnel sur la
cation. Qu’en est-il pour le client interne? Il est l’ambassadeur de la marque et on ne peut avancer sans s’intéresser aux hommes et femmes de l’entreprise. La richesse humaine est désormais l’une des clés de la réussite. L’accent est alors mis sur les ressources humaines (recrutement, formation, motivation, rémunération…). Longtemps considérée comme une fonction secondaire, le rôle majeur de la fonction logistique a, depuis une trentaine d’années, été remis sur le devant de la scène. Les entreprises utilisent le temps en tant qu’arme stratégique pour se différencier de la concurrence (on parle de chrono-compétition) et la logistique y joue naturellement un
santé de l’entreprise, fort utile pour les partenaires. En 1980, on assiste à une explosion de la bulle Internet, qui crée un chamboulement au sein des entreprises, donnant ainsi la priorité à la fonction informatique. Jusque-là, la vente et la distribution se font essentiellement dans une logique de transaction unique. Or, il ne suffit plus de produire et de vendre, la fidélisation du client devient le souci majeur de tout manager. Dès lors, il devient judicieux de s’intéresser à tout ce qui touche à la stratégie de communi-
rôle important. Fondamentale et transversale, cette fonction détient, aujourd’hui, une place à part dans l’entreprise. En effet, la gestion des flux, internes ou externes, nécessite la maîtrise de l’espace et du temps. Les problèmes du gestionnaire sont toujours les mêmes: trouver des compromis entre les contraintes pour dégager de la valeur, de la richesse et satisfaire au mieux ses clients. L’importance de la logistique devient aujourd’hui stratégique et conduit certaines entreprises à ériger un service ou une fonction logistique dans leur structure, afin de bénéficier d’un pilotage des flux global, transversal et performant. Cette place est renforcée par l’essor des entreprises-réseaux. L’exemple le plus connu est celui de Dell, célèbre entreprise américaine pour
Versunevéritable stratégielogistique
Selon l’approche fonctionnelle, l’entreprise est un organe doté de plusieurs fonctions, à la fois différentes et interdépendantes, conçues au regard de ses objectifs et de ses priorités d’actions, mais également selon ses moyens, son marché et son environnement. Certaines fonctions revêtent une importance cruciale, car elles participent directement à la création de la richesse. D’autres sont plutôt secondaires. Cependant, selon la conjoncture, on priorise telle ou telle fonction. Dans l’entreprise des années 50, la production est la fonction-phare. Et l’objectif visé consiste à minimiser le coût de production, grâce aux économies d’échelle, à la division et à la spécialisation des tâches qui permettait de produire toujours plus. Seulement, les entreprises n’arrivaient
Il y a à peine 10 ans, la fonction logistique etait encore considérée secondaire.
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Logistique et transport ses ordinateurs, qui ne fabrique absolument rien. Elle se contente de centraliser les commandes et d’emettre des ordres. Le reste est assuré par des sous-traitants.
Desavantages concurrentiels
Diminuer les coûts de stockage et de transport pour se rapprocher du JAT (juste à temps) et optimiser l’utilisation des ressources, tels sont les enjeux prioritaires de l’intégration d’une chaîne logistique pour l’entreprise. Les gains se concrétisent autour de trois axes: la meilleure gestion de son propre stock de produits finis, la possibilité d’optimiser son processus de fabrication (grâce à une logistique en flux tendus, qui permettent de minimiser les stocks tampons) et, enfin, la possibilité d’optimiser ses coûts de distribution, à travers de meilleurs composition et planning des expéditions. Au Maroc, le concept de logistique est nouveau. On parlait de transport, de stockage, d’entreposage, de manutention, de distribution… mais jamais d’une fonction à part entière, qui regroupe toutes
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ces composantes. «En 2000, aucune entreprise les PME, qui jugent encore la fonction logisn’avait pris conscience des enjeux économiques tique comme non stratégique et, de ce fait, se de la logistique. La fonction logistique dans montrent toujours frileuses pour adopter une l’entreprise existait, mais n’était pas reconnue», telle démarche. Pourquoi la gestion des flux déclare Philippe devient-elle stratéPillaud, consultant gique pour les enEngagement quinquennal international et treprises du secteur de l’Etat ! associé au cabinet de la production et n 116 milliards de dirhams à investir en 20 ans, Optima Logistique, de la distribution? dont 63 milliards d’ici 2015. spécialisé en ingéQuelle est l’imporn Baisse de 15 à 20 % des coûts de logistique. nierie, formation et tance actuelle de n 3.200 ha de foncier à mobiliser en 20 ans, conseil en logistique. la logistique? Quel dont 1.980 ha en 5 ans. Ce n’est qu’à partir est son impact sur n 5 types de zones logistiques : conteneurs, de 2001 que patrons la performance de produits finis, blé, produits agricoles, matériaux de construction. et managers coml’entreprise? Queln 30 villes connaîtront des aménagements mencent à parler le les sont les difficuld’adaptation, en matière d’infrastructures. langage logistique. tés et les freins liés à n 17 plateformes à construire Aujourd’hui, après son développement n 50.000 personnes à former 10 ans d’existence, dans les entreprila logistique est ses marocaines? toujours à ses débuts. Elle n’est, en effet, que Faut- il internaliser ou externaliser sa chaîne l’apanage de quelques entreprises structurées, logistique?… Tels sont les points qui seront spécialement les grandes. Car, bien que le soulevés dans ce dossier. marché soit prometteur, il reste à convaincre Par Mounia Kabiri Kettani les entreprises marocaines, en l’occurrence
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Etatsdeslieux
Tout reste à faire Pour faire face à l’évolution constante des attentes et besoins de la clientèle, l’entreprise doit faire preuve de flexibilité et de réactivité. La mise en place d’une chaîne logistique adaptée est donc nécessaire.
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n a toujours parlé de transport, résultats obtenus dans sept domaines. Il de stockage… mais la fonction s’agit des régimes douaniers, des coûts logislogistique, telle qu’elle est définie tiques (notamment les taux de fret), la quaaujourd’hui, a fait son appari- lité des infrastructures, la capacité à suivre tion au Maroc au début des années 2000», dé- et à localiser les chargements, le respect des clare Philippe Pillaud, consultant et associé délais de livraison, ainsi que la compétence au cabinet Optima Logistique. Face à une du secteur national de la logistique. demande volatile, aléatoire et changeante, il devient capital pour les entreprises marocaines d’être compétitives. Cela passe nécessairement par la maîtrise et l’optimisation des Le Maroc n’a plus le choix. L’optimisation maillons de la chaîne logistique, surtout face de la chaîne logistique est une condition aux nouvelles contraintes de temps, de fia- sine qua non pour être compétitif. Ceci ne bilité et de qualité et la mise en application peut être effectué, selon Philippe Pillaud, des accords de libre-échange. Les produits «qu’à travers les principes du «juste à temps» américains et européens pourraient donc et la satisfaction, aussi bien qualitative que venir concurrencer directement les produits quantitative, qui va au client du client jusqu’au marocains. Aussi, mettre en place une fonc- fournisseur du fournisseur». Et là, on remarque qu’il y a une réaction tion dédiée à la logistique de la part des opérateurs apparaît comme un axe de (malgré un rythme un rationalisation majeur et selon peu lent). Certains comd’amélioration continue de l’indice de mencent à gérer leurs flux l’activité: une plus imporperformance physiques et informationtante réactivité, une baisse logistique, le nels, soit par l’intégration significative des coûts, une nette amélioration Maroc occupe la de la chaîne logistique au de l’entreprise, soit de la qualité et du service 94ème place Sur 150 sein par l’externalisation, pour client, de meilleures perpays. se concentrer sur leurs formances. Certaines enmétiers de base. Et cela treprises pourront même construire leur avantage concurrentiel sur prouve que la culture logistique se déveleur savoir-faire logistique. Selon l’indice de loppe et les chefs d’entreprise commencent performance logistique, le Maroc occupe la à prendre conscience des enjeux de la logis94ème place sur 150 pays. Dans ce domaine tique. D’ailleurs, «depuis 3 ans, une entreprise stratégique, le Royaume a du chemin à faire. sur quatre a recruté un responsable logistiÉtabli pour la première fois par la Banque que. L’objectif est de réduire, à moyen terme, mondiale, cet indice repose sur une enquête les coûts logistiques et d’augmenter la qualité réalisée à travers le monde, par plus de 800 de la prestation», affirme Philippe Pillaud. spécialistes de la logistique et regroupe les Toutefois, la mise en place d’une telle dé-
Unefonctionvouée àsedévelopper
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marche reste limitée aux grandes entreprises structurées, telles que les multinationales, les grandes filiales de l’ONA et quelques enseignes de distribution et de commerce, qui choisissent la voie de l’externalisation. Exel, Geodis, Maersk Logistics, Graveleau, ID-Logistics... de grands prestataires logistiques européens sont présents sur le marché marocain de la logistique. Leur portefeuille clients est principalement constitué d’entreprises industrielles. Les prestations logistiques sont exclusivement demandées par les entreprises étrangères, tandis que les entreprises marocaines ont uniquement recours au transport ou au stockage. En effet, il ressort de notre investigation que la plupart des PME n’ont pas encore introduit la notion de la logistique dans leur système de gestion. Plus, les managers de ces entreprises associent toujours la logistique au transport. La moitié des entreprises n’élabore pas de programme d’approvisionnement. Elles s’approvisionnent selon les besoins ou selon les commandes reçues. Cette méthode/processus d’approvisionnement montre que, au cours de l’activité de l’entreprise, il y a des arrêts au niveau de l’exploitation dus à l’attente de réception des matières premières ou des produits, pour reprendre, à nouveau. Ce modèle semble dépassé par les entreprises, qui prennent conscience de l’importance du temps perdu, facteur de coûts supplémentaires. S’il est en phase de démarrage, le marché de la logistique au Maroc devrait rapidement prendre de l’ampleur, selon les experts. Il a de beaux jours devant lui. Enfin, c’est ce que nous espérons, en tous les cas! Par Mounia Kabiri Kettani
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Logistique et transport
Problématiques
Sept verroux
à faire sauter L
Malgré les maints efforts que les entreprises marocaines déploient pour booster la logistique, certaines entraves au développement de cette fonction demeurent.
e Maroc est à la traîne, en matière de logistique. Il a cumulé un retard entre 5 et 10 ans par rapport à l’Europe», déclare Sabri Ziyadi, directeur de Meksa industries, entreprise spécialisée dans la fabrication de profilés en PVC. Pour un pays dont la situation géographique constitue un avantage, la logistique devient un élément important pour répondre à ces nouvelles exigences de performance. Or, le développement de la logistique dans les entreprises marocaines est contrarié par divers facteurs. «Outre le coût élevé du foncier pour le développement de plates-formes logistiques (notamment à Casablanca), on parle de méfiance des chefs d’entreprise, d’un coût élevé de logistique et d’une faiblesse de la main d’œuvre qualifiée dans ce domaine», déplore Jaafar Marzouki, directeur d’usine chez Atrefil, entreprise de textile. Des facteurs interdépendants qui, en l’absence d’une stratégie globale et intégrée, freinent un secteur porteur et empêchent d’atteindre l’excellence, selon l’unanimité des experts.
Unebienfaibledemande
Depuis l’apparition du concept en 2001, les premières entreprises à avoir entrepris l’externalisation de leur logistique ont, sans conteste, été les multinationales. Tout un métier s’est ensuite créé autour de cette activité, ce qui a poussé certaines grandes entreprises nationales à franchir le pas. Seulement, la logistique essor n°45 - Juillet-août 2010
reste encore très timide dans les PME, Maroc. Presque une dizaine sur tout le qui constituent tout de même 95% du territoire, avec une prédominance de fitissu productif marocain. Pourquoi? liales de groupes européens opérant sou«Les PME marocaines sont majoritaire- vent avec des multinationales. «Générament familiales, avec un mode de gestion lement, ces sociétés internationales font encore archaïque», assure Tarek Bekkaye, appel à des prestataires internationaux responsable logistique chez Four Global afin d’externaliser leur logistique», expliPartners (FGP), société dans le négoce que Philippe Pillaud, directeur associé et la distribution de matières premières chez Optima Logistique, cabinet spéplastiques et équipements de manu- cialisé en ingénierie logistique. Aussi, tention. Ces PME ont, la demande limitée emen effet, des structures pêche l’offre de prendre Les chefs non adaptées à la mise son élan. Car, «le marché en place d’une fonction d’entreprise de l’offre de la logistilogistique (structures que est restreint. Ceci est se soucient pyramidales, cloisonprincipalement dû à la davantage nement des fonctions, cherté du foncier et l’obsorétention de l’informalescence des entrepôts. La du coût de tion, etc.). De ce fait, plupart des entrepôts sont la fonction l’obstacle majeur réside vétustes et inadaptés à logistique qu’aux une logistique optimale et dans le passage d’une gestion traditionnelle pertes dues à son sécurisée», explique Phide la logistique à une rélippe Pillaud. De ce fait, absence. flexion plus stratégique, l’infrastructure logistinécessaire à la gestion de que est défaillante. Les la chaîne logistique. règles de la circulation Outre cet handicap organisationnel, physique ne sont ni adaptées ni respecil ne faut pas oublier le frein culturel. tées. Un autre frein réside dans la naLes managers de PME sont réticents, ture même du métier de logisticien. «Au quant au partage des informations re- Maroc, par exemple, le chauffeur chargé latives à leur organisation et refusent de de livrer la marchandise joue également le «s’ouvrir», surtout s’il s’agit d’une exter- rôle de vendeur. Il encaisse les commandes nalisation. C’est un signe d’immaturité auprès des clients», ajoute notre expert. du secteur. C’est le cas par exemple de Coca-Cola A cela, s’ajoute une offre de prestations ou de la Centrale Laitière. Leurs chauflogistiques faible et peu diversifiée au feurs-livreurs rendent pratiquement,
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Avisd’expert Philippe Pillaud Consultant international et associé chez Optima Logistique
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a logistique est le pivot du développement des entreprises marocaines. Cette nouvelle discipline est devenue une composante, essentielle à toute stratégie de compétitivité. Si le marché de l’externalisation de la logistique est aujourd’hui dans sa phase de démarrage au Maroc, il devrait rapidement entrer dans sa phase de croissance et ce, pour différentes raisons: d’abord, la mise à niveau de la logistique dans les entreprises. Ensuite, l’obsolescence des entrepôts et l’expertise de certains producteurs de services. Le démantèlement douanier, la mondialisation des flux, l’intégration du Maroc dans une cartographie des flux internationaux, le développement du commerce moderne et, dernièrement, la signature du Contrat-programme entre le gouvernement et la CGEM, ne peuvent que favoriser le développement de cette fonction et son émergence au sein des structures marocaines.
chaque jour, visite aux épiciers. Ces derniers commandent directement auprès d’eux, qui les livrent et encaissent directement le montant des marchandises. Par conséquent, les opérations de distribution et de vente sont intimement liées au Maroc. Le management des ressources humaines constitue la clé de la réussite de la fluidité des flux physiques et informationnels dans les chaînes de transport-logistique. La plupart des PME, qui ont été approchées lors de la préparation de ce dossier et ne disposant pas de fonction logistique, estiment que l’un des principaux obstacles à sa mise en place est lié aux ressources humaines. En raison de leur taille, ces entreprises ne peuvent pas toujours investir dans des ressources dédiées. La difficulté réside donc essentiellement dans le temps d’adaptation, nécessaire aux équipes peu
nombreuses pour intégrer l’utilisation d’un nouveau dispositif.
Nonmaîtrisedes enjeuxfinanciers
La logistique, fonction transversale dans l’entreprise, a un coût mais elle est aussi et surtout créatrice de valeur. Son fonctionnement influe directement sur les performances financières des entreprises. D’après une étude de la banque mondiale effectuée sur la période 20052009, les coûts logistiques représentent 20% du PIB marocain. Les entreprises marocaines sont donc aujourd’hui confrontées à des coûts logistiques bien supérieurs à ceux de leurs concurrents. D’après une enquête relative aux chaînes logistiques menée par la société Geomar, spécialisée en travaux de sondage et forage, le coût logistique global pour les entreprises se situe en moyenne autour de 10 % du chiffre d’affaires net. Or, selon Philippe Pillaud, «nous sommes dans un contexte où la plupart des entreprises ne maîtrisent pas les enjeux financiers de la logistique. On ne peut externaliser sa logistique sans avoir identifié, en amont, les coûts et les gisements de gains». Les chefs d’entreprise se soucient davantage du coût de la prestation et ne réfléchissent pas aux pertes ou aux manques à gagner que l’absence d’une telle démarche pourrait engendrer: indisponibilité de la marchandise, rupture de stock… On revient, à nouveau, à la mentalité de nos managers, qui constitue un frein à l’évolution de la logistique au Maroc vers le Supply Chain Management (Gestion de la chaîne d’approvisionnement), fonction qui englobe toutes les composantes de la chaîne logistique. Certes, nous accusons un retard, quant à la question logistique, mais la tendance actuelle fait place à un certain optimisme, grâce aux éléments suivants: pénétration de prestataires mondiaux de la logistique dans le marché national, développement de la grande distribution, installation de réseaux de grandes marques, exigences de qualité et de maîtrise du temps par nos partenaires européens et américains et, surtout, implication des acteurs publics, de plus en plus conscients de ces enjeux. C’est sans doute la raison pour laquelle
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Avisd’expert Abdelali Berrada Président du Salon Logima, Salon international des métiers du transport et de la logistique
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l est temps de combattre l’idée selon laquelle la gestion de la chaîne logistique est réservée aux grandes entreprises. La gestion de la chaîne logistique peut, avec la maîtrise des coûts, la réduction des stocks, le respect des délais, la satisfaction client, l’assurance de la qualité…, trouver une place adéquate dans toute organisation, quelle que soit la taille ou la spécificité. De nombreuses PME prennent de plus en plus conscience du rôle que peut jouer la logistique dans la création d’avantages concurrentiels durables. Celles qui l’ont déjà intégré dans leur stratégie et leur organisation en sont très satisfaites. Cependant, il existe encore des obstacles qu’il faut lever. La logistique est un levier fondamental de la compétitivité des entreprises nationales. Tel est l’objectif de Logima, le Salon international des métiers du transport et de la logistique, qui a été lancé depuis plus de cinq ans. La vocation de ce rendezvous annuel est de promouvoir la culture de la logistique au Maroc, d’améliorer les connaissances dans ce domaine et d’offrir une vision optimale des produits, des services, des solutions et du savoir-faire des acteurs du secteur. Logima n’est pas un simple Salon. C’est un ensemble d’expertises et de solutions qui permet aux dirigeants d’entreprise de disposer d’atouts, nécessaires pour gagner en compétitivité et en performance, aussi bien sur des aspects stratégiques, commerciaux, qu’opérationnels.
ils se sont investis dans des projets tels que le port Tanger-Méditerranée, les autoroutes et, dernièrement, la signature du contrat-programme de la logistique sur les chantiers-clés de la mise à niveau de la logistique au Maroc et son évolution dans nos entreprises! Par Mounia Kabiri Kettani
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Logistique et transport
Maîtrisedelalogistique
Maillon central
de la compétitivité Face à la course à la compétitivité, les entreprises se perdent entre la maîtrise des coûts, la gestion de la complexité du secteur d’activité et la satisfaction client. La maîtrise de la fonction logistique est cruciale pour une gestion optimale…
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on nombre d’entreprises au Maroc ont réalisé que l’optimisation des coûts de production constitue le meilleur moyen pour améliorer leur performance. La maîtrise de la fonction logistique est l’un des axes déterminants pour diminuer ses coûts et améliorer, ainsi, la compétitivité de l’entreprise.
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Définie au sens le plus large, la logistique est le processus de conception et de gestion de la chaîne d’approvisionnement. Cette chaîne comprend la fourniture de matières premières, la gestion des matériaux de production, la livraison aux entrepôts et aux centres de distribution, le tri des produits, la manutention, le conditionnement et la distribution
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finale sur les lieux de vente. La logistique est une fonction transversale de l’entreprise. Elle consiste à gérer le mouvement des produits et des informations, dans un souci de gain de temps et de satisfaction de la clientèle. Ainsi, elle vise à l’harmonisation et à l’accélération des flux et intervient à plusieurs niveaux des opérations. En effet, à chaque étape, la logis-
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Logistique et transport tique permet à l’entreprise de piloter les flux physiques, financiers ou d’information en interne, ainsi que ceux qu’elle échange avec ses partenaires: fournisseurs et clients. Pour bien maîtriser sa logistique, deux solutions sont envisageables: externaliser la fonction, tout en assurant le suivi et le contrôle du prestataire ou intégrer une structure logistique en interne.
Avantages inhérentsàl’intégration delalogistique
connaître sa position, et mesurer son niveau de maturité. «Lorsque l’on parle de logistique, on fait forcément référence au niveau de maturité de l’entreprise. Celui-ci est mesuré selon le rapport coût de la logistique/chiffre d’affaires. Lorsque ce ratio est élevé, on doit automatiquement penser à l’intégration», déclare Mohamed Ben Ouda. Par la suite, l’entreprise doit définir le périmètre de la fonction en amont et en aval. Enfin, elle doit se pencher sur la phase d’investissement. Cette étape associe l’investissement au système d’information et à la qualité du recrutement. «On ne peut pas avoir une bonne logistique, si l’on n’a pas un bon système d’information et un personnel compétent», affirme Kamal Chraïbi.
L’intégration de la fonction logistique s’explique principalement par la recherche de la performance et de la satisfaction client. «Actuellement, très peu d’entreprises sont intéressées par la logistique, qui est un maillon important. En effet, elle permet de dégager d’importan- Le coût d’intégration de la fonction logistes marges. Les entreprises marocaines sont tique change selon la taille de l’entreprise, confrontées non seulement à une concurrence sur son niveau de maturité et ses projets en tous les créneaux, mais aussi à un changement cours. Avec un investissement variant entre du comportement du client. Ce dernier est deve- 400.000 dirhams et un million de dirhams, nu exigeant et pressé. Pour cela, l’entreprise doit les trois tiers du montant sont encaissés par le adapter sa logistique aux besoins des consom- cabinet de conseil qui en assure l’installation. mateurs», explique Kamal Chraïbi, associé Le reste est dédié au recrutement et au sysau groupe GCL, spécialisé dans l’audit et le tème d’information. Comme l’explique Moconseil logistique. Mais, la concurrence et le hamed Ben Ouda, «le coût d’intégration reste comportement des consommateurs n’expli- élevé. Il peut dépasser le million de dirhams. En quent pas à eux seuls la nécessité d’intégrer la revanche, pour intégrer la fonction logistique, fonction logistique. C’est ce que pense Mo- il faut que, à la base, les coûts soient élevés». D’après certaines hamed Ben Ouda, Investment manaLes huit ratios de mesure entreprises contacde performance logistique: tées qui ont intégré ging partner de R2i n Taux de rupture de stock (fiabilité des cette fonction, les Value, cabinet de approvisionnements). flux investis dans conseil et d’audit lon Taux d’erreur de préparations des cette activité ont gistique, qui estime commandes (fiabilité des magasins). que «la complexité est été très rapidement n Taux de service (taux de ponctualité des un phénomène qui récupérés, compte livraisons). tenu de l’impact impose l’intégration n Taux de retour (qualité des produits). positif sur le coût de la logistique. Liée n Taux de déchargement (nombre de cartons de production et à la nature du secteur déchargés / heure). le taux de services d’activité, la comn Taux d’occupation des camions. (ponctualité dans plexité se compose de 3 n Taux d’occupation des dépôts. n Taux de péremption (des produits). la livraison). Selon principales fonctionAouni Tahar, dinalités: La saisonnalité constitue une période durant laquelle le taux recteur logistique à Nomotech Technologie, de consommation augmente et engendre une société spécialisée dans la fabrication de mini complexité de la gestion. Deuxième fonctionna- caméras, «durant la période d’installation du lité: la notion de référence des composants d’un département logistique, l’entreprise s’est surtout produit implique une difficulté au niveau de la investie dans le recrutement et la formation du production. Enfin, la 3ème fonctionnalité qui est personnel. Cet investissement a apporté plus de la notion de la géographie, implique la complexi- dynamisme à nos relations avec les fournisseurs té de la livraison». Avant d’intégrer la fonc- et les clients». La logistique est le maillon qui tion logistique, l’entreprise doit, en premier permet de fluidifier les flux. Elle est au serlieu, déterminer ses besoins et ses objectifs, vice de l’entreprise pour améliorer le service
UnROIrapide
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Avisd’expert Mohamed Ben Ouda Investment managing partner du cabinet R2i Value
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eux raisons majeures expliquent l’intégration de la logistique dans les entreprises: la maîtrise de la performance (coût de revient/service client) et la gestion de la complexité, à la fois géographique, fonctionnelle et de produit.Une fois intégrée, la logistique doit être abordée comme une activité de production de services. La bonne conception d’un système humain, informationnel et de circulation des matières premières, des composants et des produits, offre plusieurs avantages: la disponibilité d’une référence commerciale est assurée auprès des clients, les délais de traitement des commandes et des livraisons sont respectés et leur fiabilité garantie et enfin, la qualité du transport est guarantie.
client, réduire les coûts, mesurer la performance, pour une efficacité organisationnelle. C‘est un moyen de fidéliser les partenaires. Pour assurer la performance de la fonction logistique en interne ou en externe, l’entreprise doit mettre en place un logiciel de gestion intégré, pour pouvoir gérer l’ensemble des processus opérationnels, en intégrant la totalité des fonctions. Les ratios de mesure et de suivi sont, bien évidemment, au centre des préoccupations et ce, dans toute étape de la fonction logistique. «Il faut mettre en place tous les moyens de suivi, pour tester la performance et les résultats», souligne Mohamed Ben Ouda. Aujourd’hui, le resserrement des marges pousse les entreprises à réduire les charges au maximum. Maîtriser sa logistique est donc primordial, surtout que celle-ci peut atteindre 30% des coûts. Naturellement, compétitivité et performance obligent, l’entreprise se trouve obligée de maîtriser tous ses coûts de production dans leur globalité. Fini le temps où le hasard ou la chance s’y mêlait. Aujourd’hui, performance est synonyme de maîtrise des coûts. Par Imane Trari
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Logistique et transport
Casd’entreprise
Kitea montre la voie
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epuis sa création, Kitea a choisi d’offrir, à titre gracieux, les services de livraison et de montage à ses clients et ce, dans un rayon de 25 km de chaque point de vente. 17 ans après, Kitéa réalise entre 800 et 1.200 livraisons par jour, à travers le Maroc. «Toutes ces livraisons nécessitent une gestion optimale et une logistique irréprochable, afin de nous permettre de respecter notre promesse vis-à-vis de notre clientèle», déclare Mina Lahlou, directrice marketing et communication de Kitea. Aussi, «il faut avoir le bon produit, au bon moment et en bonne quantité», poursuit essor n°45 - Juillet-août 2010
Mina Lahlou. Kitea investit largement pour que sa chaîne logistique soit performante. Le produit est stocké selon des normes d’hygiène et de sécurité puis acheminé jusqu’au client dans les meilleures conditions. Dans les dépôts d’une telle entreprise, des colis mal entreposés peuvent être endommagés et provoquer, ainsi, une baisse du chiffre d’affaires. «Dans un dépôt, des colis mal rangés peuvent être perdus ou difficiles à retrouver. Cela peut induire des problèmes de livraison», explique Mina Lahlou. «Il faut que nos camions soient impeccables, nos livreurs courtois, professionnels… Il ne faut pas avoir de rupture de stocks…Tous
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ces détails peuvent avoir une incidence sur notre image de marque», complète-t-elle. Les points-clés d’une gestion de la chaîne logistique réussie sont l’humain et l’informatique. «Pour réussir, il faut avoir des équipes professionnelles, des dépôts suffisants et conformes aux normes internationales et un outil informatique pour la gestion des stocks, des commandes… à la pointe», insiste Mina Lahlou. En effet, Kitea est équipée de «WMS», Warehouse Management System, progiciel destiné à gérer les opérations des entrepôts et de stockage. Outre l’enregistrement des commandes, ce programme permet l’optimisation et la gestion de la chaîne logistique et ce, jus-
qu’à la livraison. Le processus de logistique commence par des études effectuées par le département marketing, en collaboration avec le département Achats. Ils déterminent les prévisions d’approvisionnement en produits selon les tendances, les quantités, les gammes, les périodes… Puis, des programmes de production et de livraison sont communiqués aux fournisseurs. La réception des containers se fait en présence des équipes de logistique, suivant des plannings précis pour préparer l’entreposage, selon des règles très strictes. Ensuite, Kitea procède à un achalandage des points de vente et à un suivi des rotations produits, pour éviter de laisser des produits dormants dans les dépôts. A chaque vente ou commande d’un client, tout un circuit se met en place pour la saisie et le transfert des bons (d’achat, de livraison…) et la préparation de la marchandise du dépôt central vers les dépôts des magasins pour, enfin, atterrir chez le client final. Kitea a mené diverses mesures pour développer sa chaîne logistique, tels que l’élargissement des zones de stockage, des dépôts et du parc auto, ainsi que des réaménagements organisationnels. A cela, s’ajoutent des formations au profit des équipes, dispensées par des cabinets de consulting et des logisticiens, pour le suivi et l’amélioration des processus mis en place… Ceci a permis à l’entreprise de remporter le «Trophée de la logistique 2010», décerné par Logima, à l’occasion du Salon International des Métiers du Transport et de la Logistique, tenu sous l’égide du ministère de l’équipement et des transports, en mai dernier. «Ce trophée a récompensé les équipes de la logistique Kitea pour leurs efforts déployés depuis plusieurs mois et les aménagements apportés à l’organisation, afin de mieux servir nos clients et accroître notre efficacité et notre productivité», déclare fièrement Mina Lahlou. Le souci de la satisfaction client constitue l’autre priorité de Kitea. Aussi, des mesures ont été entreprises, afin que le taux de satisfaction atteigne le niveau maximal. Aussi, selon Mina Lahlou, «nous avons également mis en place un service satisfaction client qui nous permettra de mesurer et de suivre le taux de satisfaction des clients et d’étudier toutes les sources d’insatisfaction afin de les éliminer. Notre ambition est d’arriver à un taux de satisfaction client de
100% et nous travaillerons pour y arriver». Dans une démarche éco-consciente, Kitea travaille aussi sur la mise en place, à Casablanca, d’une plateforme logistique qui centralisera l’ensemble des livraisons de tous les magasins de la ville, pour assurer une gestion efficace de la Logistique. En effet, selon Mina Lahlou, «ceci permettra d’optimiser les trajets, les circuits
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de livraisons et de ce fait, la réduction de la consommation de gazoil et des délais de livraison… Bref! Pour une gestion efficiente de notre chaîne logistique». Un exemple à suivre sachant que, aujourd’hui, chaque point de vente dispose de son propre parc automobile! Par Mounia Kabiri Kettani
essor n°45 essor - Juillet-août n°44 - Juin 2010
Logistique et transport
Externalisation
Chacun son métier
IBM, Nokia, Universal Music et bien d’autres ont suivi le même chemin. Celui de l’externalisation de la fonction logistique. Cette nouvelle tendance assure, aux entreprises qui l’adoptent, une meilleure performance de leur chaîne d’approvisionnement.
A
l’heure où une meilleure intégration de toute la chaîne logistique devient coûteuse, les entreprises recherchent une performance accrue, doublée d’une optimisation des coûts. Or, la réalisation d’une valeur ajoutée est étroitement liée à l’externalisation de cette fonction. La logistique est basée sur une stratégie de gros contrats (à l’opposé des nombreux petits contrats pour chaque maillon de la chaîne: transport, entrepôt, transitaire…), qui permet d’optimiser la circulation des produits et ce, de la production à la distribution. En effet, le métier du prestataire demande de l’expertise, de l’investissement et, surtout, une bonne connaissance du marché et des procédures.
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ques. Cette solution permet à l’entreprise, en phase de croissance ou opérant dans un secteur où l’activité est saisonnière, de transformer ses coûts fixes en coûts variables. De plus, externaliser est un moyen adéquat pour minimiser les risques liés aux contrainImpact de tes réglementaires l’externalisation de la complexes (cas, logistique par exemple des n Flexibilité: La mise à niveau de la fonction ne produits dangereux requiert qu’un changement de prestataire, en et à température cas de problème, n Compétitivité: L’entreprise se concentre sur «dirigée») et à l’acson métier de base et optimise ses coûts de tivité transport, logistique. dont les règles de n Expertise: La maîtrise du prestataire de la sécurité sont spéfonction permet une optimisation des coûts. cifiques. Secundo, n Compétences stratégiques: Développement «la vie du produit est des stratégies, basées sur un recentrage des devenue très courte, compétences. les consommateurs n Résultats commerciaux: Une meilleure exigent l’innovation satisfaction de la clientèle booste les ventes. et un bon rapport n Résultats financiers: La réduction des coûts qualité/prix. L’enaugmente la rentabilité. n Notoriété et image : Amélioration de l’image treprise est confronde marque et accroissement de la notoriété de Il a émergé au Matée à un problème l’entreprise. roc dans les années lié à la recherche et 90, en lien avec le développement, d’où début du mouvement d’externalisation des l’intérêt de se concentrer sur son métier de base activités de stockage et de distribution. De- et de confier la logistique à des prestataires», puis, il connaît de nombreuses évolutions affirme Lionel Gruget, directeur général de qui touchent à la gestion des stocks et aux Geodis Maroc, prestataire de logistique. En prestations annexes. externalisant sa logistique, l’entreprise s’implique dans une démarche de gain de productivité, de réduction des délais, de maîtrise de la qualité des produits et d’une meilleure La nécessité de l’externalisation de la fonc- coordination intra-organisationnelle. tion logistique répond à deux contraintes majeures: l’environnement interne et externe de l’entreprise. Primo: l’absence de compé- Tout projet visant à améliorer l’efficience tences au sein de l’entreprise rend primordial d’une organisation nécessite une préparal’appel à l’expertise des prestataires logisti- tion. Il faut savoir mesurer avant d’optimiser.
Enréponseàl’exigence deproductivité
Uneprocédurerigoureuse
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L’externalisation de la chaîne logistique passe nécessairement par un diagnostic, comme le confirme Houssein Tazi, directeur général de Foodipex, prestataire de logistique du froid: «Il ne faut externaliser que les fonctions que l’on maîtrise et qui ont une faible valeur ajoutée. Avant de penser à l’externalisation, il faut faire un diagnostic, ainsi qu’une analyse des coûts fixes directs et indirects». Néanmoins, le contrat d’externalisation de la logistique n’est pas sans risques pour l’entreprise. «Confier son activité à quelqu’un d’autre n’est pas sans danger», ajoute Houssein Tazi. Aussi, pour externaliser, l’entreprise doit avoir le maximum d’éléments à communiquer sur son activité. «Pour confier la logistique à un sous-traitant, il faut avoir toutes les informations pour bien exprimer son besoin. La connaissance de ses coûts directs et indirects permettra de faire la comparaison avec les prix du prestataire», insiste Houssein Tazi. La démarche suivie est classique. L’entreprise organise un request for information (RFI). C’est une étape qui précède l’appel d’offres où l’entreprise décline, de façon détaillée, ses besoins. Le RFI fait l’objet d’une étude de la part des prestataires intéressés. Après cette étape, l’entreprise envoie un request for quotation (RFQ, appel d’offres) aux prestataires sélectionnés, dont les intéressés déposent leur candidature, en fonction des exigences de l’entreprise. La décision de l’entreprise se base sur le restore planning (planification du projet), document qui décrit l’étape de démarrage du contrat, les systèmes d’informations exploités et autres détails de la prestation. Pour faire le bon choix du sous-traitant, l’entreprise doit développer son cahier des charges de façon détaillée, afin que les prestataires répondent de manière précise. «Pour faire le choix du prestataire, l’entreprise ne doit pas se baser sur le prix, mais surtout sur l’aspect fiabilité et l’aspect compétence», insiste Lionel Gruget.
Implicationdes partiesprenantes
L’externalisation de la fonction logistique est un contrat à long terme. Elle nécessite l’implication des deux partenaires, qui doivent construire une relation basée sur la confiance et le partage des mêmes valeurs. «Il faut multiplier les visites, réaliser les termes du contrat d’une façon mutuelle. La confidentialité est une condition obligatoire pour la réussite d’une telle alliance. Le meilleur contrat est celui qui ne sort
Avisd’expert Lionel Gruget Directeur général Geodis Maroc,prestatairedelogistique
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a logistique au Maroc connaîtra, à court terme, une complète mutation, qui touchera l’ensemble des maillons de la Supply Chain et hissera le secteur de la logistique et du transport au niveau des standards européens. Adopter une stratégie de développement de la compétitivité logistique nationale, dont le bras armé sera constitué des différents contrats d’application, constitue un booster pour le développement économique et des investissements étrangers, à
travers un mouvement de délocalisation et de relocalisation des industries dans des secteurs névralgiques, tels que l’automobile, l’aéronautique et l’électronique. Enfin, la mise à niveau logistique au Maroc sera propice à la création de milliers d’emplois, au service d’une jeunesse formée et avide de faire partie du concert des nations développées. Le secteur constitue un gisement d’emplois important et varié et la palette des compétences nécessaires est large: informaticien, préparateur de commandes, gestionnaire de magasin, responsable de site, cariste, chauffeur, gestionnaire du transport… tels sont les profils requis pour un secteur en plein essor.
Avisd’expert Houssein Tazi Directeur général de Foodipex, prestataire de logistique du froid
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ans le contexte de la mondialisation, l’externalisation de la logistique est essentielle pour être compétitif.Cette stratégie permet à l’entreprise de se focaliser sur son cœur de métier, de «variabiliser» une bonne partie des coûts fixes et de favoriser la pénétration du marché. Dans le secteur de l’agro-industrie, avoir recours à des professionnels du froid reste ainsi une bonne opportunité d’étendre sa gamme de produits et son réseau de distribution.
pas d’un tiroir», déclare Houssein Tazi. En outre, la mise en place de moyens permettant de mesurer la fiabilité et la compétitivité du prestataire est une condition essentielle de réussite du contrat. «Certains indicateurs de performance (Key Performance Indicator) permettent de mesurer l’essentiel de la prestation. Par exemple, on peut tester la bonne manipulation de la marchandise et de l’information au moment de l’arrivée de la marchandise au Maroc et son entrée dans les stocks», explique Lionel Gruget. «Il y a d’autres outils de me-
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Cependant, l’externalisation doit faire l’objet d’un processus long et réfléchi. Le premier facteur-clé de succès est, avant tout, une bonne connaissance de la fonction objet d’externalisation, pour une maîtrise des coûts et un bon suivi des opérations. Le deuxième facteur est le choix du prestataire, qui doit partager les mêmes valeurs que celles de l’entreprise, préalable à une relation de confiance durable, dans une vision d’amélioration continue. Cette condition est essentielle dans la logistique du froid car les conséquences d’une rupture de la chaîne peuvent réduire à néant des années d’efforts à faire connaître un produit et bâtir une marque, sans parler de la responsabilité pénale qui pourrait être engagée.
sure, tels que l’indicateur de l’inventaire et l’indicateur de livraison clients», ajoute-t-il. L’externalisation est un levier de compétitivité de l’entreprise. Avec un prestataire, on peut mutualiser les flux et donc générer des économies substantielles. Peu d’entreprises se rendent compte de l’apport en qualité d’une telle fonction… Certes, cela a un coût mais la mauvaise qualité peut coûter plus cher. Par Imane Trari
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Logistique et transport
Formation
Le parent pauvre
de l’industrie Le grand défi du secteur de la logistique est de former tous les maillons de la chaîne aux techniques et rouages du métier.
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e contrat-programme Logistique adopté par l’Etat ne dépend pas uniquement des infrastructures. La formation est également concernée. Le secteur industriel souffre d’une véritable pénurie de compétences en logistique. Certes, certaines initiatives ont été prises pour promouvoir les formations
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supérieures d’ingénierie et de troisième cycle. Mais le déficit reste flagrant au niveau des fonctions de support, tels que les techniciens, les magasiniers… sachant que dans l’industrie et les entreprises marocaines, les fonctions d’exécution des opérations, d’encadrement et de pilotage des flux sont les plus demandées. Résultat: l’offre est en ina-
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déquation avec la demande.
Absencedesynergie entrelesacteurs
La pénurie de personnel qualifié en logistique n’est pas due au hasard. Ce manque est le fruit d’une absence de synergies entre les ministères et les acteurs économiques. Selon
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Logistique et transport Abdelatif Abid, executive partner de R2i Value, cabinet de formation et de conseil logistique, «pour la promotion du contrat-programme logistique, l’Etat a surtout pensé aux infrastructures. Mais il a négligé le plus important maillon qu’est la formation du personnel opérationnel prêt à intégrer l’entreprise». Les formations opérationnelles des ressources liées à l’exécution des opérations, comme le magasinier, l’élévateur et le conducteur de chariot, sont quasiment absentes. Et pourtant, elles se situent au cœur de la performance logistique. Pour pallier à cela, divers établissements ont ouvert leurs portes ces dernières années et principalement à Tanger, Agadir et Casablanca. Rattachés à l’OFPPT, Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail, ces instituts proposent des programmes de formation destinés à ce type de profils. «Aujourd’hui, l’OFPPT est le seul organisme capable d’assurer une formation Bac +2. Toutefois, la plupart des lauréats ont été recrutés par les établissements publics», déclare Abdelatif Abid.
Uneformationinadaptée
Aujourd’hui, la plupart des formations proposées par les établissements supérieurs privés et publics en logistique sont de type Master et cycle Ingénieur. Ces instituts s’intéressent peu aux fonctions opérationnelles. Et, malgré le nombre croissant de ces diplômes, on ne peut juger de leur qualité que sur le terrain, en l’occurrence l’entreprise. A noter que certaines écoles offrent des formations ne répondant pas aux besoins réels du marché. Et lorsque les formations sont adaptées, l’objectif est parfois purement commercial. Résultat: l’enseignement souffre de qualité et peut ne pas être reconnu par l’Etat. «Aujourd’hui, il y a une offre de formation qui ne correspond pas aux besoins du marché. Le Master est plus un effet de mode et la logistique est une tendance. Les gens reçoivent une formation purement théorique qui est limitée à la logistique d’entreposage et du commerce international. Autre problème majeur qui se pose aussi: la reconnaissance du diplôme par l’Etat», explique Abdelatif Abid. Certains établissements sortent, tout de même, du lot. C’est le cas, par exemple, de l’ESITH, école supérieure des industries du textile-habillement et l’Ecole Hassania des travaux publics et l’IMM, institut marocain de management qui est le 1er à avoir lancé le master en affaiessor n°45 - Juillet-août 2010
Avisd’expert Abderrahmane Farhate Directeur général de l’ESITH, école supérieure des industries du textilehabillement
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otre formation a pour vocation de lancer le débat et de proposer des solutions aux problèmes logistiques qui touchent tous les secteurs, au-delà de l’environnement de l’entreprise. Le programme de formation est conçu en partenariat avec les professionnels et ce, pour répondre aux exigences du secteur de la Logistique. La plupart des intervenants sont des cadres qui opèrent en logistique dans des entreprises multisectorielles nationales et internationales. Cela permet de partager des expériences réelles avec les étudiants et de traiter des cas réels issus du contexte national. En outre, l’ESITH a toujours tenu à réviser ses programmes, selon les enjeux auxquels la Logistique fait face. L’anticipation de la demande de marché, l’adaptation d’un programme répondant aux exigences des professionnels et l’intégration de ces derniers dans le processus de formation, font que les logisticiens de l’ESITH intègrent le monde du travail avec aisance.
res internationales, option Achat et Négoce. Ces deux instituts proposent une large palette de formations pour toute la chaîne logistique, de la licence aux masters spécialisés (achat, distribution, chef de produit). Il faut dire qu’actuellement, la nouvelle génération n’est plus intéressée par la formation courte. «Récemment, il y a eu la création de l’institut supérieur du transport logistique, qui offre une formation de technicien spécialisé. Mais la plupart des étudiants ne se contentent pas d’un Bac +2 et préf èrent aller plus loin dans leurs études», affirme Abdelatif Abid. Aussi, les entreprises recourent de plus en plus aux cabinets de formation. Ces derniers offrent des solutions sur-mesure pour toute la chaîne logistique. Comme le confirme Rhada Moussaid, responsable Achats et logistique à Ceva So-
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Avisd’expert Laurent Majerus Directeur général de CCE, cabinet de formation logistique
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es métiers de la logistique ne valent que par la qualité des personnes qui les font. Les infrastructures, les zones d’implantation ou encore les équipements, sont bien sûr fondamentaux mais, sans un personnel adapté et compétent pour les faire fonctionner, ils ne pourront satisfaire le client final qui devient de plus en plus exigeant et impatient. Au Maroc, s’est rendu compte on des manques dans les métiers opérationnels. Le contrat-programme s’est donné comme objectif de lancer 45.000 opérateurs d’ici 2015. Cela constituera une véritable solution pour combler cette pénurie. La formation doit être assurée par des spécialistes dans le domaine de la logistique. Actuellement, nous assurons des formations pour le compte d’entreprises qui nous le demandent mais aussi pour le compte de personnes individuelles qui financent elles-mêmes leur formation. Le programme de formation est conséquent et il faudra toute la bonne volonté des pouvoirs publics et des opérateurs professionnels privés pour relever ces grands défis.
phavet, société pharmaceutique vétérinaire, «depuis notre mutation d’une direction Achat vers une direction Logistique, nous n’avons pas pu trouver les profils adéquats. Ceci nous a poussé à recruter en interne et, pour développer les compétences nécessaires pour ce type de postes, nous avons fait appel à un cabinet externe pour nous dispenser la formation nécessaire». Seulement, le coût relativement cher. «Certes, le coût de la prestation est cher, mais on le considère plus comme un investissement qui ne peut être que rentable à long terme», ajoute Rhada Moussaid. La richesse humaine est au cœur du processus. Sans qualification, on ne peut espérer un développement du secteur. Par Imane Trari
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