Université Kasdi Merbah Ouargla
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DESSALEMENT DE L’EAU DE MER ET LES EAUX SAUMÂTRES 1. INTRODUCTION Sur la Terre, plus de quatre-vingt-dix-neuf pour cent de l’eau est soit trop salée (océans) soit située dans des régions inaccessibles (calottes glaciaires). En plus, le reste de l’eau est réparti inégalement sur le globe. Il faut donc, dans certaines régions, envisager de réutiliser les eaux d’égout ou de traiter les eaux salées. Les problèmes de dessalement concernent principalement deux catégories d’eau : L’eau de mer : La salinité des mers ouvertes sur les masses océaniques est de l’ordre de 35 g/L (la valeur considérée comme la salinité standard de l’eau de mer) dont la somme des ions chlorures de sodium est de 85% du poids total des sels. La salinité peut être très différente dans le cas des mers fermées ou peu ouvertes sur les masses océaniques (ex : Mer méditerrané 36-39 g/L, Mer Morte 270 g/L, Golfe arabo-persique 40-70 g/L, …). Les eaux saumâtres : se sont des eaux salines non potables, de salinité inférieure à celle de l’eau de mer ( 1-10 g/L) ; elles se présentent soit, sous forme d’eaux de surface, soit sous forme d’eaux souterraines ; Leur composition chimique varie énormément d’une région à l’autre et pour une même région d’une saison à l’autre. Ces variations de composition chimique dépendent de plusieurs paramètres : l’eau qui pénètre dans le sol dissout les sels qui composent l’écorce terrestre. Les principaux sels qui peuvent être dissous en assez grandes quantités sont le CaCO3, le CaSO4, le MgCO3 et le NaCl. Le dessalement s’accompagne par des rejets de saumures qui peuvent contenir outre des sels en concentrations plus élevées (de 1,4 à 2), des produits de corrosion (chrome, nickel, cuivre,…), ainsi que des réactifs utilisés (antitartres, antimousses, produits anticorrosions, coagulants, composés organochlorés…). Dans le cas d’installations de dessalement d’eau de mer, des problèmes peuvent éventuellement se poser dans le cas où les rejets de saumures ne sont pas évacués au large et dilués par les courants marins. Les effets à long terme de ces modifications de l’environnement marin sont encore mal connus. Des concentrations biologiques de polluants minéraux ou organiques par des espèces aquatiques (phytoplanctons, zooplanctons, poissons) peuvent éventuellement se produire (phénomène de bio-accumulation). Dans le cas d’installations de dessalement d’eaux saumâtres implantées à l’intérieur des terres, l’évacuation des saumures est souvent un problème difficile à résoudre si l’on veut éviter de polluer les nappes. Plusieurs solutions sont envisageables : -
concentration par évaporation solaire (marais salants) ; concentration par compression de vapeur jusqu’à la cristallisation ; transport par tuyaux à grande distance.
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La quantité de saumures résultant du dessalement des eaux salées varie suivant les procédés et leurs conditions de fonctionnement. Actuellement, la totalité des installations en service fait appel à deux grandes familles de procédés ; les procédés par évaporation et les procédés de séparation par membranes qui sont plus récent. 2. PROCEDES DE DISTILLATION L’eau de mer chauffée émet une vapeur d’eau pure qu’il suffit de condenser pour obtenir de l’eau douce. Ce principe de dessalement très simple est utilisé depuis des temps forts anciens. Les procédés de distillation qui peuvent être utilisés sont les suivants : - Distillation à simple ou multiples effets ; - Distillation par détentes successives appelé aussi multiflash ou flash ; - Distillation par compression de vapeur. 2.1 Distillation à simple effets Les premières unités industrielles de distillation d’eau de mer sont apparues à bord des navires en même temps que la traction à vapeur. 2.1.1 Principe L’eau de mer est chauffée dans un récipient étanche par la vapeur circulant dans un faisceau tubulaire plongé dans l’eau de mer. La vapeur formée est condensée sur un autre faisceau tubulaire placé dans la partie haute de l’enceinte et parcouru par de l’eau de mer froide (Figure 1).
Figure 1 : Evaporation à simple effet.
La température d’ébullition de l’eau de mer (qui est supérieure à celle d’eau pure) peut être abaissée dans la mesure où l’on réduit la pression dans l’enceinte d’évaporation. 2.1.2 Consommation d’énergie Compte tenue du fait qu’une partie de la chaleur de condensation de la vapeur utilisée pour préchauffer l’eau de mer, la consommation spécifique d’énergie est égale à : Q : consommation spécifique d’énergie calorifique (kJ/kg) L : chaleur latente de vaporisation de l’eau (kJ/kg) ; k : rapport entre le débit d’appoint d’eau de mer et le débit d’eau douce produite ; T : différence de température entre l’eau de mer en ébullition et l’eau de mer à la sortie du condenseur (°C) ; Cp : chaleur latente de vaporisation de l’eau de mer (kJ.kg.°C-1). Mme L.BOUZIANE Cours : Procédés de TDE Potables – Dessalement de l’Eau de Mer Et les Eaux Saumâtres
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2.2 Distillation à multiple effets Dans la distillation à simple effet, la consommation énergétique spécifique de l’évaporateur est très élevée (de l’ordre de 2 500 kJ/kg d’eau douce) d’où la nécessité de l’améliorer. Ceci a été obtenu grâce à la distillation à multiples effets. Ce type de distillation relativement ancien, puisque des appareils industriels à six effets ont été construits par les Anglais il y a près de 200 ans.
2.2.1 Principe La chaleur de condensation de la vapeur produite dans une première chambre d’évaporation pour faire fonctionner le faisceau de chauffe d’une seconde chambre à pression et température plus faibles, et ainsi de suite (Figure 2).
Figure 2 : Distillation à multiples effets
2.2.2 Consommation d’énergie La chaleur à fournir à une unité de distillation à multiple effets est uniquement celle qui est nécessaire pour réchauffer l’appoint d’eau de mer dans le premier effet et pour vaporiser la production de ce seul effet. Si les productions des n effets sont identiques, l’équation précédente de la consommation spécifique de chaleur devient :
avec n: nombre d’effets de l’installation. La quantité d’énergie calorifique Q fournie au niveau du réchauffeur pour produire 1 kg d’eau douce représente le rendement thermique de l’unité de dessalement noté ‘R’. Donc,
.
Dans le cas d’une unité de dessalement à multiple effets, le ratio R se situe entre 0,8n et 0,9n.
2.2.3 Détermination du nombre d’effets Le choix du nombre d’effets doit faire l’objet d’une optimisation économique entre le coût des investissements et le coût de la consommation d’énergie.
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- Le coût d’investissement augmente avec le nombre d’effets selon la relation : ou I sp représente l’investissement spécifique d’un effet. - Le coût d’énergie diminue avec le nombre d’effets (Tableau 1). Le nombre d’effet (pratiquement compris entre 4 et 12) dépend de la température de tête choisie pour le premier effet (entre 55 et 110°C), la température de l’eau de mer (entre15 à 35 °C) et de l’écart de température adopté pour le chauffage de chaque évaporateur (t). Tableau 1 : Consommation spécifique d’un multiples effets en fonction du nombre d’effets. n
K
t (°C)
R
4 8 12
3,5 3,5 3,5
7 3,5 2,5
3,5 7 10
Energie consommée (kJ/kg) 685 343 230
2.3 Distillation par détentes successives appelé aussi multiflash Ce procédé s’est particulièrement développé à partir de 1960 par suite des difficultés dues à l’entartrage des surfaces d’échange de certains évaporateurs utilisés dans la distillation à multiples effets.
2.3.1 Principe Considérons une cellule (Figue 3), contenant de l’eau de mer en équilibre avec sa vapeur à température t. si on introduit une quantité De d’eau de mer à la température (t+t), tout en maintenant la pression stable, on constate la vaporisation d’une quantité d’eau Dv telle que : DeCpt=DvL Dans la partie supérieure de la cellule, la vapeur se condense au contact d’un échangeur alimenté en eau de mer à une température t0
Figure 3 : Distillation à détente successive. Mme L.BOUZIANE Cours : Procédés de TDE Potables – Dessalement de l’Eau de Mer Et les Eaux Saumâtres
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La température la plus basse t0 est donnée par la température de l’eau de mer tandis que la température la plus haute est choisie par le constructeur entre 80 et 115°C. L’eau de mer circule à l’intérieur des condenseurs de la cellule la plus froide vers la plus chaude. En traversant les n cellules la température s’élève de t 0 à (t0 + t). Un réchauffeur porte ensuite sa température à (t0 + nt). Elle est alors admise dans la cellule la plus chaude, où règne la température t. cela provoque la première détente. La vapeur produite est transférée dans la cellule voisine, où se produit la deuxième détente. Ce processus se reproduit jusqu’à la cellule la plus froide. A la sortie de celle-ci, on obtient une saumure à la température t et un distillat à la même température.
2.3.2 Consommation d’énergétique L’échauffement total du débit d’eau de mer circulant dans les condenseurs (n.t) est provoqué par la condensation de la production d’eau douce P et par le refroidissement de cette eau dont le débit varie de P/n à P entre la chambre 1 et la chambre n. La valeur de la production d’eau douce P est donnée par la relation :
avec: D : Débit d’eau de mer à l’entrée des condenseurs ; Cp : chaleur latente de vaporisation de l’eau ; n: nombre de chambres. t: élévation de température de l’eau de mer dans chaque chambre ; P : débit de production d’eau douce; L: chaleur latente moyenne de vaporisation. La consommation de vapeur dans le réchauffeur est égale à la quantité de chaleur récupérée par l’eau de mer D Cpt-tdivisée par la chaleur latente de vaporisation L : Par ailleurs, l’énergie thermique Q élevant la température de l’eau de mer de (t0 + nt) à (t + nt) est égale à : On en déduit la consommation thermique spécifique R : (
)
2.4 Distillation par compression de vapeur 2.4.1 Principe L’eau à dessaler est porté à ébullition dans une enceinte thermiquement isolée. La vapeur produite est aspirée par un compresseur qui élève sa température de saturation. Mme L.BOUZIANE Cours : Procédés de TDE Potables – Dessalement de l’Eau de Mer Et les Eaux Saumâtres
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Cette vapeur traverse ensuite un faisceau tubulaire placé à la base de l’enceinte et se condense en provoquant l’ébullition de l’eau salée. L’eau de mer se vaporise, par exemple, à la température de 90°C et à pression de 0,7 bar (Figure 4). La vapeur ainsi produite est ensuite comprimée jusqu’à la pression de 1 bar absolu, puis envoyée dans le faisceau de chauffe du bouilleur où elle se refroidit à pression constante, puis se condense, en cédant à l’eau de mer la chaleur nécessaire à son ébullition.
Figure 4 : Compression de vapeur.
2.4.2 Thermocompression et compression mécanique La compression de la vapeur peut être obtenue par deux procédés: -
-
Thermocompression. Il est favorable dans la réalisation des unités de petites dimensions de 20 à 1500 m3/jour fonctionnant à des températures très basse (<50°C) et consommant de faible énergie ( 420 kJ/kg d’eau produite) ; Compression mécanique. Il est utilisé pour des unités de quelques m3/jour jusqu’à environ 50000 m3/jour. Il est limité actuellement par des difficultés technologiques rencontrées dans la construction de gros compresseurs. Une multitude d’installations de ce type fonctionne actuellement dans le monde : navires, bases militaires, petite îles, … .
2.4.3 Consommation d’énergie de la compression de vapeur Si on donne aux caractéristiques de la vapeur, l’indice 1 à l’aspiration du compresseur et l’indice 2 au refoulement, l’énergie nécessaire pour comprimer adiabatiquement un volume de vapeur V1 de la pression P1 à la pression P2 (volume V2) est égale à :
avec:
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2.5 Compression de vapeur et multiples effets La performance énergétique d’unité de distillation à multiples effets peut être améliorée considérablement grâce à la compression de vapeur et ceci, sans augmentation importante de l’investissement. 2.5.1 Thermocompression et multiples effets Dans le cas où l’on dispose de vapeur à une pression comprise entre 1,5 et 3 bars absolu, thermocompresseur peut être utilisé pour aspirer la vapeur produite par le dernier effet et l’envoyer se condenser dans le premier effet. On peut ainsi obtenir avec une unité de distillation à 4 effets un taux de performance ou ratio de 7 à 8 tonnes d’eau douce par tonne de vapeur, ce qui diminue d’environ un facteur 2 la consommation énergétique de multiples effets. 2.5.2 Compression mécanique et multiples effets Dans le cas où l’on ne dispose que de l’énergie électrique, le thermocompresseur peut être remplacé par n compresseur mécanique. Cette solution présente l’avantage d’un meilleur rendement énergétique mais le coût d’investissement d’un compresseur mécanique est beaucoup plus élevé que celui d’un thermocompresseur et la taille des compresseurs actuels limite la capacité de production aux environ 5 000 m3/jour.
2.6 Problèmes spécifiques aux procédés de dessalement par distillation 2.6.1 Le problème des gaz incondensables Sous l’action de la chaleur, le débit d’eau de mer se dégaze en libérant de l’air, du gaz carbonique et éventuellement des gaz tels que H2S. (ex, 2 Les gaz incondensables provoquent : - Une diminution des coefficients d’échange de chaleur ; Des problèmes de corrosion.
⇔
)
Il est indispensable d’assurer leur extraction au moyen soit d’une pompe à air, soit d’un éjecteur à eau ou à vapeur si les débits à extraire sont importants. 2.6.2 Problème des mousses La production de mousse lors de l’évaporation de l’eau de mer est provoquée par la présence de tensioactif (souvent en très faibles quantités) qui enferme les bulles des vapeurs d’eau douce dans une pellicule de liquide. Ces bulles très légères ainsi sont entraînées et la quantité de liquide qui accompagne la vapeur peut être si importante qu’elle rende l’évaporateur inapte au service demandé. La solution est l’addition d’agents antimousses. 2.6.3 Problèmes d’encrassement Une teneur en matières en suspension de plusieurs centaines de ppm dans l’eau prétraitée est en général admise. Ceci peut provoquer un encrassement progressif des tubes de condenseurs. Ce problème est résolu par le système de nettoyage Taprogge ou le nettoyage de la surface interne des tubes se fait au moyen d’une circulation de boules de caoutchouc spongieux.
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2.7 Perspectives de la distillation Les perspectives de développement de la distillation pour le dessalement de l’eau de mer sont importantes et ce d’autant plus que ce procédé présente des points forts déjà évoqués et que nous rappelons succinctement :
1) Les performances et les coûts de la distillation sont pratiquement indépendants de la salinité de l’eau de mer à traiter : ceci est particulièrement intéressant dans le cas du Golfe où la salinité peut atteindre 55 g/L et plus. 2) Les procédés de distillation ne nécessitent pas de prétraitement sophistiqué de l’eau de mer : une filtration classique et une chloration pour éviter la prolifération d’organismes marins sont généralement suffisantes. 3) La salinité de l’eau produite par distillation est très faible (de 5 à 30 mg/L). On peut même atteindre 1 mg/L ou moins si on le souhaite. 4) Une grande partie de l’énergie nécessaire (hors pompage et hors compression mécanique de vapeur) est constituée par de l’énergie à bas niveau. La mise en service fin 2005 à Arzew en Algérie d’une installation de dessalement d’eau de mer par distillation Flash de 90 000 m3/jour confirme que la distillation peut être préférée à l’osmose inverse compte tenu des conditions particulières locales : -
eau de mer très polluée ; énergie bon marché ; eau déminéralisée de faible salinité souhaitée.
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