Page |1
Page |2
Bruce Lee, Le Petit Dragon Série : Les Films d’Arts Martiaux Par la Team HKCinemagic, collectif
Auteurs : Yves Gendron, Denis Gueylard, Philippe Quévillart, Arnaud Lanuque, DavidOlivier Vidouze, Thomas Podvin
Page |3
Contenu : Il s’agit d’une sélection d’articles, critiques et notes relatifs au sujet, produits par les rédacteurs de HKCinemagic.com et disponibles sur le site pour la plupart. Les textes sont mis à jour autant que possible. L’équipe s’efforce de vérifier l’exactitude des informations données mais certaines omissions et erreurs peuvent apparaître. Avertissements : HKCinemagic.com est un site à but non lucratif. Son principal objectif est la promotion et la diffusion d’informations relatives au cinéma de Hong Kong et de Chine. Les articles originaux du site et les documents pdf et pour e-readers sont copyright (c) HKCinemagic.com. Toute reproduction
d'un
article
en
vue
d'une
édition
doit
faire
l'objet
d'une
demande.
Les articles n'engagent que leurs auteurs. Images : Les photographies utilisées ici sont issues de diverses sources. Elles n'ont que valeur d'illustration et leur publication ne constitue en aucun cas une atteinte délibérée aux droits des propriétaires. Si les personnes possédant les copyrights sur ces photos ne souhaitent pas les voir figurer dans ce site, qu'elles nous préviennent, nous les retirerons. Gratuité : Ce document est proposé gratuitement. Il peut être copié, imprimé ou télécharger gratuitement. Si on vous le propose moyennant une somme d’argent, merci de nous prévenir à contact [arobase] hkcinemagic [point] com Conception graphique : Daniel Iarriccio Photos © Warner-Columbia Film, Warner Brothers, Golden Harvest, Siwei Film Company et Concord Productions Inc. Certaines images proviennent de 20th-centurywarriors.com, flutesilencieuse.canalblog.com et brucekickass.topcities.com. Contact : contact [arobase] hkcinemagic [point] com
Page |4
Table des matières :
Table des matières : ................................................................................................................................. 4 Introduction ............................................................................................................................................. 5 Bruce Lee : acteur, castagneur, philosophe ............................................................................................. 7 Portrait chronologique du Petit Dragon ...................................................................................... 7 La filmographie de Bruce Lee, adulte ....................................................................................... 11 Quand le Dragon était petit : Un regard sur Bruce Lee, l’enfant acteur. ............................................... 34 Introduction ............................................................................................................................... 34 Le gavroche de Hong Kong, Wealth is Like A Dream, The Kid ............................................... 35 Enfant acteur du cinéma cantonais ............................................................................................ 35 D'enfant espiègle à adolescent troublé ...................................................................................... 37 Le retour du Petit Dragon.......................................................................................................... 39 Nostalgie d’une Légende, Bruce Lee a 70 ans, au 34ème HKIFF en 2010 .......................................... 43 Un nouveau regard sur Bruce Lee ............................................................................................. 43 Lo Wei et Bruce Lee.................................................................................................................. 44 Bruce Lee libéré ........................................................................................................................ 46 Brucexploitation ........................................................................................................................ 47 L’après Bruce Lee / influences .................................................................................................. 48 Autres films de Bruce Lee .................................................................................................................... 53 The Green Hornet / Le Frelon vert, 1966 .................................................................................. 53 The Game Of Death / Le Jeu de la mort, 1978 ......................................................................... 54 Tower Of Death / Le Jeu de la mort 2, 1981 ............................................................................. 56 Trois films qui rendent hommage à Bruce Lee ..................................................................................... 59 Enter The Fat Dragon (1978) de Sammo Hung ........................................................................ 59 Fist Of Legend (1994) de Gordon Chan.................................................................................... 59 Fist Of Fury 1991 (1991) de Joh Chung Sing ........................................................................... 60
Page |5
Introduction
Bruce Lee est sans conteste l'acteur de Hong Kong le plus connu au monde. Légende du cinéma, il est aussi un vrai maître en arts martiaux. Né à San Francisco en novembre 1940, il est mort de façon tragique le 20 juillet 1973 à Hong Kong, à l’âge de 33 ans. Fils de Lee Hoi Chuen, acteur de cinéma et d'opéra cantonais, Bruce Lee baigne dans le monde du grand écran dès sa prime enfance (au berceau, littéralement). Il apparaît dans 23 films en tant qu'enfant acteur. Il commence à étudier le kung fu très jeune aussi, à l'âge de 12 ans. Son professeur de wing chun n’est pas issu de l’opéra de Pékin ou des troupes de coordinateurs de combats au cinéma. Il est nul autre que le grand maître Ip Man, [dont la vie a fait l’objet d’une adaptation à l’écran par Wilson Yip, mettant en vedette Donnie Yen]. En parallèle à son éducation formelle dans l’art du combat, Bruce Lee apprend aussi à se battre dans la rue, l’école la plus rude mais aussi la plus authentique pour mettre en pratique le wing chun. Il réalise que le kung fu traditionnel aux formes gracieuses ne permet pas toujours de remporter un combat. En outre, ses rixes publiques lui causent quelques ennuis. Il part se faire oublier aux Etats-Unis en 1958, et étudie la philosophie et la psychologie à l'Université de Washington. Il se marie avec une américaine (Linda Emery) et s'installe à Los Angeles pour fonder son premier dojo et entrer dans l'industrie cinématographique. Il développe aussi le Jeet Kun Do, un mélange de divers arts martiaux (kung fu, judo, boxe anglaise, taekwondo…), qui favorise l’adaptabilité du pratiquant et rejette l’esthétisme au profit de l’efficacité des coups. C’est l’art martial que Bruce Lee conçoit pour avoir véritablement le dessus dans une situation réelle de combat. Cette authenticité est aussi un élément qu’il recherchera dans les films qu’il tournera à l'âge adulte (seulement quatre et demi, si on peut dire). (Thomas Podvin, janvier 2011).
Page |6
Page |7
Bruce Lee : acteur, castagneur, philosophe
Par Denis Gueylard et Yves Gendron (publié en septembre 2004) Bruce Lee est sans aucun doute la star ultime du cinéma hongkongais qui popularisa les films de kung fu en Occident. Voici une présentation de l'homme derrière les caméras et de ses œuvres marquantes.
Portrait chronologique du Petit Dragon La vie de Bruce Lee fut courte mais bien remplie. Voici quelques dates majeures.
Jeunesse à Hong Kong 27 novembre 1940. Naissance de Lee Jun Fan (Lee Yuen Kam en Cantonais), qui sera plus tard connu sous le nom de Bruce Lee, au Street Hospital dans le quartier de Chinatown à San Francisco. Un médecin lui donnera le prénom Américain de Bruce. Son père Lee Hoi Chuen est chanteur au Cantonese Opera Company. Sa mère Grace Lee est une Eurasienne. Il sera le troisième d'une famille comptant cinq enfants (trois garçons, deux filles). 1941. Bruce Lee et ses parents retournent à Hong Kong où ils habitent dans un vaste appartement, à Nathan Road à Kowloon. 1946. Bruce commence sa carrière au cinéma comme enfant acteur, sous le nom de « Siu Lung » (littéralement : « Petit Dragon »), à l'origine un surnom que lui aurait donné sa sœur cadette Agnès. Jusqu'en 1958, Bruce apparaîtra dans une vingtaine de films. (Voir chapitre « Quant le Dragon était petit » pour plus de détails). 1953. Il commence l'apprentissage du wing chun (art martial chinois) auprès de maître Yip Man (popularisé avec les films Ip Man et Ip Man 2 de Wilson Yip, et avec Donnie Yen). Entre 53 et 59 Bruce Lee poursuit plusieurs activités de front. En plus d'être élève à l'école secondaire, acteur intermittent et disciple de wing chun, il devient aussi un danseur assidu de cha-cha participant à de nombreuses compétitions de danse et gagnant plusieurs prix. Mais il est aussi un combattant de rue
Page |8
à la tête de son propre gang. Ses nombreuses bagarres entre jeunes lui vaudront quelques ennuis avec les autorités qui seront lourdes de conséquences… Avril 1959. Bruce retourne aux U.S.A pour confirmer sa citoyenneté américaine et aussi échapper à de sérieux ennuis. Au cours des dix prochaines années il ne reviendra à Hong-Kong que pour de petits séjours en 1963 et 1965.
En Amérique Dans un premier temps, Bruce vit à San Francisco où il exerce des petits boulots dans la communauté chinoise et donne aussi des cours de danse. Très vite il se rend à Seattle afin de travailler pour Ruby Chow, une amie de son père. Propriétaire d'un restaurant, Ruby engage Bruce Lee en qualité de serveur et l'héberge dans une chambre du dessus. Il complète ses études secondaires puis s'inscrit à l'université pour poursuivre des études notamment en anglais, philosophie, dessin et diverses disciplines de culture physique. Alors qu'il est encore dans les études secondaires, Bruce Lee donne déjà des cours d'art martiaux à une poignée d'élèves. Une fois à l'université, il enseigne le kung-fu aux étudiants. Une de ses élèves, Linda Emery, deviendra d'ailleurs sa compagne. Il l'épousera le 17 août 1964. En octobre 1963 Bruce Lee quitte son emploi de serveur chez Ruby Chow et ouvre une première école d'art martial qu'il nomme d'après son propre nom chinois le « Jun Fan Gung-Fu Institute ». 2 août 1964. Ed Parker invite Bruce Lee à son premier tournoi de karaté afin d'y faire une démonstration. Bruce retient l'attention et commence à se forger une réputation de même que de précieux contacts dans le milieu de la compétition martiale nord américaine. C'est aussi lors de ce tournoi que Bruce rencontre Dan Inosanto qui deviendra un de ces disciples les plus proches. Finalement cette démonstration mènera à une série de rencontres fortuites qui amèneront Bruce à jouer Kato dans la série Le Frelon Vert / The Green Hornet en 1966. Décembre 1964. Peu de temps après l'ouverture d'une seconde école de kung fu à Oakland, Bruce est défié par un expert en art martiaux chinois nommé Wong Jak Man. Bruce relève le défi mais le combat qui s'en suit, trop long et approximatif à son goût, l'amènera à remettre en question sa pratique du wing chun, et plus tard à créer une nouvelle approche martiale. Il s’agit du Jeet Kune Do c'est-à-dire la « méthode du poing intercepteur ». 01 février 1965. Naissance du premier enfant de Bruce, Brandon Lee. Trois jours plus tard Bruce
Page |9
auditionne pour un rôle à la télévision. Ayant fait bonne impression, il sera retenu pour jouer un rôle important dans la série Le Frelon Vert. De septembre 1966 à juillet 1967, Bruce Lee interprète donc Kato, le chauffeur expert en kung-fu, dans Le Frelon Vert. Il entame la seconde partie de sa carrière d'acteur et connaît un succès notable mais de courte durée qui prend fin lorsque la série est arrêtée en 67. Mars 1967. Bruce Lee aide à introduire les combats martiaux full-contact compétitif. Il expose aussi publiquement ses théories et méthodes de combats Jeet Kune Do. En coachant les kickboxers Joe Lewis, Mike Stone et Chuck Norris, il les aide à devenir de plus grands champions. 1968. Bruce ouvre une troisième école à Los Angeles. Parmi les élèves de Bruce Lee se trouvent de grandes personnalités de l'époque telles que James Coburn, Steve McQueen, Lee Marvin, James Garner, Roman Polanski et le joueur de basketball Karrem Abdul Jabar. Ces nombreux contacts hollywoodiens, surtout avec le scénariste Stirling Silliphant, permettent à Bruce de faire quelques apparitions à la télévision ou au cinéma, et développer des projets de films ou de série télé. 19 avril 1969. Naissance de sa fille Shannon Lee. 1970. Bruce Lee ferme ses trois écoles. Désormais il passera son temps à enseigner dans des classes privées à des élèves triés sur le volet. En août, il est atteint de douloureux maux de dos qui l'obligent au repos forcé pendant plusieurs mois. Bruce profite de cette période d'inactivité pour coucher sur papier ses nombreuses théories martiales et les réévaluer. Par la suite il affirme ne plus croire en la notion de style particulier et met l'emphase sur certains aspects stratégiques et philosophiques de la pratique martiale 1969/70. Avec l'aide de l'acteur James Coburn et du scénariste Stirling Silliphant, Bruce Lee cherche a développé un projet de film martial, The Silent Flute / La Flûte silencieuse, qui enfin de compte ne se réalisera que longtemps après sa mort.
La gloire au cinéma 1970. Bruce retourne à Hong-Kong avec son fils Brandon pour visiter sa famille. Il y découvre qu'il est une star grâce au Frelon vert rebaptisé là-bas le « Kato Show ». Il entame des pourparlers avec la Shaw Brothers qui ne propose qu'un contrat contraignant et peu rentable. Il refuse. Le Kato Show ayant aussi suscité un engouement populaire pour le kung fu, la Shaw Brothers produit The Chinese Boxer mis en scène par Jimmy Wang Yu qui se met en vedette. The Chinese Boxer est le premier film
P a g e | 10
de kung fu moderne, avant les films de Bruce Lee. Début 71. Bruce participe comme acteur à une nouvelle série tél intitulée Longstreet (scénarisée par Stirling Silliphant) dans laquelle il joue un jeune maître martial, ce qui lui permet d'exposer sa philosophie martiale. Été 1971. Ayant signé un contrat avec la Golden Harvest, société de production hongkongaise en compétition avec la Shaw Brothers, pour deux films, Bruce commence le tournage de The Big Boss en Thaïlande en juillet 71. Sorti le 31 octobre de la même année le film fait sensation, changeant pour toujours le cinéma kung fu et faisant de Bruce Lee la nouvelle superstar de Hong-Kong. En Décembre 71, Bruce apprend que le studio Warner lui refuse le rôle titre dans une nouvelle série télé intitulée Kung Fu. C'est David Carradine qui est engagé pour jouer le rôle (un acteur blanc n'ayant aucune formation martiale !). Mars 1972. Le deuxième film de Bruce La Fureur de vaincre / Fist of Fury bat tous les records au box-office de Hong Kong. Bruce fonde sa propre compagnie de production la Concorde puis il part à Rome pour commencer le tournage de son premier film en tant que réalisateur La Fureur du Dragon / The Way of The Dragon qui à sa sortie fin 72 battra à nouveau tout les records d'entrées. Peu de temps après la fin du tournage de La Fureur du Dragon, il commence déjà à réaliser son deuxième film : Le Jeu de la mort / Game of Death (de automne 1972 à février 1973) qu'il ne finira hélas jamais. 01 février 1973. Début du tournage d'Opération Dragon / Enter the Dragon, une coproduction entre la Warner Bros à Hollywood et la Golden Harvest à Hong Kong, qui fera de lui une star mondiale. 20 juillet 1973. Bruce Lee meurt subitement à Hong Kong d’ un œdème cérébral. Le 25 juillet est organisé une cérémonie funéraire à Hong Kong qui rassemblera plus de 25.000 personnes. Le 30 juillet a lieu une deuxième cérémonie à Seattle où étaient seulement conviés sa famille et ses amis proches. Opération Dragon sortira le 29 août 1973 aux USA mais pas avant le 18 décembre à Hong Kong. Bruce n‘aura pas eu l’occasion de voir le résultat et le succès de son dur labeur. Une version remaniée du Jeu de La Mort sort le 23 Mars 78. A l'heure actuelle, le mythe Bruce Lee perdure toujours grâce aux quatre films et demi, si l’on peut dire, que Bruce Lee a fait dans sa seconde partie de carrière au cinéma. Les paragraphes suivants
P a g e | 11
exposent plus en détails ces films qui ont marqué l’Histoire du cinéma d’arts martiaux.
La filmographie de Bruce Lee, adulte The Big Boss The Big Boss est le film par lequel tout a commencé. Lorsque le film sort à Hong Kong le 31 octobre 1971, le succès est foudroyant. 3,1 millions de dollars HK de recette. Le premier film martial de Bruce laisse tous ses concurrents loin derrière. Le second meilleur résultat de l'année au box office, Duel of Fists de Chang Cheh, ne rapport qu’un peu plus de la moitié, soit 1,7 millions de dollars HK. Du jour au lendemain Bruce Lee devient La plus grande star de Hong Kong. La genèse du film Ce film ne s'est pas fait sans mal. De passage à Hong Kong, Bruce Lee constate qu'il est devenu une célébrité locale grâce à la série Le Frelon Vert (The Green Hornet) tournée quatre années plus tôt et qui à été récemment importée en Asie du Sud-Est sous le titre de « The Kato Show ». Ayant essuyé quelques revers dans sa carrière d'acteur aux États-Unis, Bruce Lee veut profiter de l'engouement local à son égard pour relancer sa carrière cinématographique en Asie. Et quoi de plus naturel en ce début des années 1970 que de se tourner vers le studio Shaw Brothers, la Mecque du cinéma de Hong Kong de l’époque. Mais bien que le studio Shaw Brothers compte beaucoup de stars, aucune ne se démarque des autres et surtout Run Run Shaw, le directeur des studios, propose un accord que Bruce Lee ne peut accepter : Un contrat de plusieurs années ou Lee touchera des cachets peu élevés. Déçu par cette offre, il décide de retourner à Los Angeles. Entre temps, Raymond Chow, le directeur de production du studio Shaw, démissionne (ne supportant plus les méthodes de travail de Run Run Shaw qualifiées par beaucoup de « féodales ») et fonde son propre studio de cinéma, la Golden Harvest. Plusieurs mois après la proposition infructueuse de Shaw Brothers, Chow envoya une de ces associées, l'ancienne actrice Liu Liang Hua (femme du réalisateur vedette Lo Wei), à Los Angeles proposer à Bruce Lee un contrat en or comparé aux standards de l'époque : 15 000 dollars pour deux films. Raymond Chow est persuadé que Bruce Lee va se hisser au sommet et n'hésite pas à investir 500 000 Francs (75 000 Euros) de l'époque pour le premier des deux films : The Big Boss. En cas d'échec, la Golden Harvest devra probablement fermer ses portes pour cause de faillite. Habitué aux méthodes de production hollywoodienne, Bruce Lee est choqué par les techniques de travail hongkongaises qu'il juge primitives voire bâclées. C'est d'autant plus vrai que le tournage a lieu non pas dans un studio bien équipé mais à Pak Chong, un petit village de Thaïlande, un lieu choisi à la fois pour réduire les coûts de production et donner une touche exotique au film. Le tournage commence le 24 juillet 1971 et les conditions de travail s'avèrent très vite éprouvantes : moiteur
P a g e | 12
accompagnant la mousson, moustiques, mauvaise nourriture et pour couronner le tout l'entente entre Bruce Lee et le réalisateur Wu Chai Wsaing n'est pas au rendez-vous. Celui-ci est promptement remplacé par le propre époux de Liu Liang Hua, Lo Wei, un ancien metteur en scène de la Shaw Brothers débauché par Raymond Chow et maintenant le réalisateur vedette des nouveaux studio Golden Harvest. Malheureusement ce dernier, formé aux méthodes de tournage de Hong Kong, ne s'entend guère davantage avec Bruce Lee. Cette mésentente entre les deux hommes s'accentue malheureusement sur le tournage du deuxième film, La Fureur de vaincre (Fist of Fury). Tant bien que mal, le tournage de Big Boss se termine. Toute l'équipe espère un succès. Le résultat dépassera leurs plus folles espérances et sera un tournant majeur dans l'histoire du cinéma de Hong Kong et du cinéma d’arts martiaux tout court. L'accueil dans les salles de cinéma est phénoménal. Les spectateurs applaudissent tous. C’est l'hystérie collective. Run Run Shaw a commis bon nombre d'erreurs durant sa carrière, mais la plus grosse fut certainement celle d'avoir sous-estimé le potentiel du Petit Dragon. Grâce à Bruce Lee, la Golden Harvest se hisse au sommet, prenant la place des studios Shaw. L’Histoire est en marche. Le grand frère de Chine Le film Big Boss est certainement le plus faible des films tournés par Bruce Lee. Il y déplora luimême beaucoup de choses et s’évertuera à améliorer ses films suivants. Le scénario est certes simple mais n'en reste pas moins divertissant et surtout présente une particularité non négligeable qui sera présente dans tous les films de Bruce, sauf La Fureur de vaincre. L'histoire se place dans un cadre contemporain. Le film suit Chen Chau-Han qui arrive dans la banlieue de Bangkok et s'installe chez ses cousins dont le plus turbulent Hsui Chin (James Tien) se liera très vite avec lui . Tous travaillent dans une fabrique de glace dirigée par Monsieur Mi (Han Ying Chieh), se révèle être une couverture pour un trafic de drogue. Suite à la disparition mystérieuse d’ouvriers et l’assassinat de tous ses cousins, Chen décide de mettre fin aux agissements de cette bande et surtout de leur redoutable chef. The Big Boss (titre chinois; Tang Shan Da Xiong, ce qui veut dire « Le Grand Frère de Chine ») marque le retour de Bruce Lee au cinéma de Hong-Kong après une absence de 12 années (enfant et adolescent, il a tourné dans 23 films en langue cantonaise). Le scénario du film (écrit par Ni Kuan, mais probablement révisé par Lo Wei lui-même à qui le scénario est crédité), incorpore astucieusement à la fois le genre de personnage que Bruce Lee jouait dans sa première carrière d'acteur de même que les raisons de son départ de Hong-Kong en 1959. Bruce se trouve donc à jouer
P a g e | 13
un jeune loubard qui doit refaire sa vie ailleurs comme cela lui est vraiment arrivé à la fin des années 50. Enfant frondeur puis adolescent tourmenté dans ses vieux films, Bruce ou Siu Long (Petit Dragon) a certes vieilli mais il demeure ce même personnage trouble mais attachant. Sauf que maintenant il fait du kung-fu… et quel kung-fu ! En effet ce qui frappe d'emblée, c'est non seulement le charisme sidérant de l'acteur, mais aussi sa façon de se battre. Ses combats sont d'une vivacité tout à fait inédite alors et éblouissants. Le chorégraphe du film, Han Yingjie (le chorégraphe attitré de King Hu) qui interprète également le rôle de Monsieur Mi, le big boss du titre, fait ample usage des figures de style et des trucages couramment utilisés à l'époque pour le wuxiapian chinois ou le Chambara japonais, tel l'usage du trampoline (que Han a lui-même introduit au début des années 60), de l’action aérienne, de l’utilisation d'armes blanches et de giclées de sang en pagaille. Mais même si Bruce n'est qu'un nouveau venu faisant son premier film de kung fu il n'en est pas moins parvenu à imposer une grande partie de son style de combat à la fois brut et tranchant avec tout ce qui se faisait à l’époque. Ce qui avec sa présence et ses expressions faciales exacerbées donnent aux scènes de combat une intensité inouïe. Ce qui se démarque presque totalement du style de combat plutôt maniéré alors en cours à Hong Kong. Détail révélateur, lorsqu'une scène de combat ne contente pas Bruce Lee et qu'il ne parvient pas à imposer ses points de vue, il trouve une manière de perturber le tournage (en perdant un verre de contact par exemple… Bruce étant myope), jusqu'à ce qu'on lui cède. Dans The Big Boss, il faut attendre un bon moment avant que Bruce Lee ne se déchaîne. En effet pour garder le spectateur en haleine, le scénario retient le Petit Dragon hors des combats pendant un bon moment et c'est l'acteur martial James Tien qui joue le héros bagarreur pendant la première moitié du film. D'ailleurs bizarrement, ses combats semblent plutôt mal chorégraphiés et lui-même paraît peu convaincant. Il joue bien son personnage cependant tout comme Han Yingjie joue un gangster immonde, Anthony Lau un bellâtre arrogant et meurtrier, Lee Kwan le plus clownesque des cousins et Maria Yi la ravissante jeune femme du film. A noter l'apparition rapide de Nora Miao en vendeuse de limonade que Golden Harvest cherchait à promouvoir en tant que vedette, d'où son caméo tout à fait gratuit dans le film. Bruce Lee est donc tenu en retrait durant la première moitié du film, mais son charisme fait qu'il demeure toujours le centre d'intérêt dans chaque scène où il apparaît. On sent bien que derrière sa façade timide il se retient difficilement et cela crée une tension tangible. Finalement il explose lorsque les ouvriers chinois commencent à être battus par des hommes de main du patron. L'un de ses premiers coups est son pied droit sur le menton d'une brute jouée par nul autre que Peter Chan Lung,
P a g e | 14
qui sera plus tard remarqué dans les films de Sammo Hung. Une bagarre générale s'en suit dans lequel le Petit Dragon se pose en défenseur des travailleurs exploités rossant les oppresseurs. Plus tard, ayant découvert que son patron est un trafiquant de drogue qui a éliminé certains de ses ouvriers trop curieux, Bruce Lee devient la nouvelle cible des fiers à bras meurtriers. S'en suit une scène d'une violence viscérale stupéfiante, où des poings, des coups de pied, des couteaux, une scie même virevolte de droite à gauche et où Bruce Lee n'est plus seulement un homme qui vend chèrement sa peau mais un véritable ange exterminateur. Pour le combat final, c'est le Big Boss lui-même que Bruce vient affronter pour venger ses camarades et à nouveaux tous les coups pleuvent. Entre ces trois scènes de combat cathartiques le film s'attarde à montrer le côté humain et vulnérable de son héros pour bien souligner qu'il n'est pas seulement une simple combattant. Ainsi après avoir rossé les hommes de main lors de la première bagarre, ses camardes et lui reviennent à leur cantonnement en faisant une petite danse victorieuse. Plus tard dupé par ses patrons, Bruce Lee fait une sortie dans un bordel local. La gêne et la honte qu'il ressent lorsque sa cousine le surprend dans cet endroit est des plus palpables. Finalement entre deux moments de rage c'est une peine profonde que le Petit Dragon éprouve lorsqu'il découvre le sort tragique de ses amis lors d'une scène très triste au bord d'un ruisseau. Nul doute que le charisme du Petit Dragon et ses capacités martiales sont au cœur du succès populaire du Big Boss mais on peut aussi ajouter une autre raison cruciale. Jusqu'à maintenant dans les films d'art martiaux chinois, les héros étaient pour la plupart du temps des chevaliers d'un rang supérieur vivant à une époque plus ou moins reculée, dans une Chine ancestrale. Mais Big Boss se déroule non seulement dans un cadre contemporain mais parmi la classe ouvrière exploitée et le film présente un héros très humain et très familier. Film fauché, avec son quota de scènes racoleuses (la visite au bordel) et au mélodrame larmoyant (mais efficace), Big Boss est souvent considéré comme un navet qui ne vaut que par la présence du Petit Dragon. Mais même si il est vrai que Bruce Lee est le principal intérêt du film, il n'en reste pas moins le film fondateur du phénomène Bruce Lee, certes inférieur aux autres Kung Fu Pian de l'époque (Vengeance !, Boxer from Shantung), mais qui présente des bonnes scènes de combat. La scène de la scierie et le final contre Han Yingjie tiennent toutes leurs promesses. La version intégrale A noter aussi que jusqu'à maintenant (septembre 2004) la version diffusée en France était une version coupée. Lorsque Bruce Lee rend visite pour la première fois à Han Yingjie dans sa villa, certains plans étaient manquants ou alors quand les deux hommes s'affrontent, Bruce Lee le tue mais dans la version
P a g e | 15
intégrale il s'acharne sur son cadavre le martelant de coups de poings. Deux autres petits bouts de scène semblent perdues à jamais car ne figurant pas même dans la version intégrale : la scène où Bruce Lee est nu avec la prostituée et le célèbre changement de plan brutal dans la scierie où le héros plante une scie dans le crâne de son adversaire. Ces coupes ne changent cependant rien à l'intrigue contrairement aux autres films où certaines scènes manquantes ont plus d'importance. Big Boss marque l'avènement de Bruce Lee mais n'est pas à proprement parlé un très grand film d'arts martiaux, simplement un bon divertissement soutenu par un Petit Dragon sauvage, et qui dans son ensemble s'avère être plutôt sympathique. Notes finales sur le film. - En 1971, The Big Boss a été la plus grosse recette cinématographique de tous les temps à Hong Kong, se hissant devant d’autres films à record comme La Mélodie du bonheur (1965) et Tora ! Tora ! Tora ! (1970). - En décodant certains éléments de culture chinoise dans le film, il est facile au spectateur de savoir quand Bruce Lee se bat pour tuer ou pour impressionner son adversaire. Dans le premier cas, il porte un pantalon noir et une large chemise blanche, cette couleur étant symbole de mort dans la culture locale. Dans le second cas, il porte un pantalon marron ou bleu et un haut bleu. - La demeure du méchant est en réalité un mausolée thaï. Eu égard à la grande superstition des Chinois, ceci fut caché à tous jusqu'à la fin du tournage. - Le bordel thaï du film était un vrai bordel. Les figurantes (exception faite de Ma La Lene) qui apparaissent dans les scènes s'y déroulant sont de réelles prostituées, payées quotidiennement par la Golden Harvest l'équivalent d'une journée de passes. - Le titre anglais international du film était The Big Boss. Aux Etats-Unis, il était prévu qu'il soit changé en The Chinese Connection en référence au grand succès de William Friedkin, The French Connection. Finalement, il prit le nom de Fists Of Fury. Pour éviter la confusion avec le film suivant de Bruce Lee, Fist Of Fury, c'est celui-ci qui eut pour titre The Iron Hand puis The Chinese Connection. - C'est le seul film cinéma de Bruce Lee (exception faite de ses films de jeunesse et du montage cinéma de la série Green Hornet) où l'acteur n'utilise pas le nunchaku, son arme de choix. - The Big Boss est l'unique film de Bruce Lee censuré dans son propre pays pour usage de violence graphique. - Bien que crédité dans toutes les versions comme compositeur du film, Wang Fu Ling n'a composé la musique que de la version mandarine de The Big Boss. Peter Thomas a composé la musique de la version doublée en anglais tandis que Joseph Koo Chia Hui a composé une nouvelle bande originale et utilisé des morceaux non originaux (dont quelques-uns de Don Peake issus de La Colline à des yeux)
P a g e | 16
pour la version doublée en cantonais du début des années 80.
La Fureur de vaincre / Fist Of Fury Surfant sur le triomphe du film précédent, l’équipe de The Big Boss se retrouve sur le deuxième film de Bruce Lee pour la Golden Harvest, La Fureur de vaincre (Fist of Fury). Le bond qualitatif en avant entre les deux films est conséquent. Big Boss avait posé les bases de la machine Bruce Lee, La Fureur de vaincre les poussera à leurs paroxysmes. Le style est donné dès le départ. Les autres acteurs du film ont beau être bons dans leurs rôles, l'intérêt ne se focalise QUE sur Bruce Lee. Charismatique à souhait, chaque fois qu'il entre dans un plan, une scène, martiale ou non, on ne remarque que lui. Il n'y a plus que lui qui compte, il éclipse totalement ses partenaires à l'écran. Le film se passe à Shanghai au début du XXème siècle et s'inspire de l'histoire du maître Huo Yuanjia, un des plus grands pratiquants des arts martiaux Chinois qui avait fondé à Shanghai (à l'époque dominée par les Japonais) l'école Jingwu (le titre Chinois du film est Jingwumen) et qui disparut brusquement en 1910 des suites d'un mal brutal. Mal que l'on soupçonna être causé par un empoisonnement de la part des Japonais qui jalousaient la maîtrise martiale de Huo. Ronnie Yu a mis en scène la vie de ce maître martial dans Fearless / Le Maître d'armes (2005) avec Jet Li dans le rôle titre. Mais revenons en arrière avec La Fureur de vaincre. Dans ce film Bruce Lee incarne donc Chen Zhen, le meilleur élève de l'école Jingwu, qui va enquêter (à la force des poings et de son nunchaku il va s’en dire) sur la brusque disparition de son maître. Il soupçonne l'école Japonaise dirigée par Susuki (Riki Hashimoto). Devenu une vedette confirmée, et non plus un nouveau venu, Bruce peut se dispenser du chorégraphe de Big Boss, Han Ying Chieh /Han Ying Jie. Bien qu'officiellement, c'est toujours Han qui soit crédité comme chorégraphe du film, Bruce Lee s'impose immédiatement pour chorégraphier ses propres combats. Alors qu'on pourrait dire que les scènes d'action dans Big Boss étaient le fruit d'une « sorte » de collaboration entre Han et Bruce, pour La Fureur de vaincre, Han doit se contenter de chorégraphier la seule scène de combat du film n'impliquant pas Bruce Lee. Toutefois Han a certainement dû jouer un certain rôle de superviseur surtout dans les scènes impliquant quelques trucages ou acrobaties. D'ailleurs Bruce réduit considérablement l'usage de pareils truquages qui gênent son style et qui vont à l'encontre de ses conceptions et de ce que doit être le combat filmique. Presque plus de sauts au trampoline donc, ou de figures de style aérien. La présence du sang se limite presque à des coupures
P a g e | 17
marquant son propre corps. Les plans des scènes d’action sont maintenant plus longs pour capter la gestuelle martiale du Petit Dragon dans toute sa splendeur, mais aussi son visage expressif et son physique musclé et gracile. De plus comme pour capter encore davantage l'attention, Bruce émet des sons bien particuliers tout le long de ses combats, comme des miaulements, ce qui ajoute au magnétisme presque animal du Petit Dragon. Ces cris font désormais partie de son style. Tout aussi important, Bruce utilise un nunchaku dont il s'était déjà servi pour la série Le Frelon Vert quelques années plus tôt mais qui fait ici sa première apparition dans un film d’arts martiaux chinois, et dont il fait un usage magistral et… fracassant Si Han Ying Chieh ne pose pas de problèmes (même si sa position s'est trouvée être usurpée), l'entente entre le réalisateur Lo Wei et Bruce Lee par contre est de pire en pire. Pour Lo Wei, l'intérêt se porte exclusivement sur les combats, les scènes dialoguées et romantiques étant anecdotiques. D'ailleurs lors du tournage des scènes intimes entre Bruce Lee et sa partenaire Nora Miao, Lo Wei écoutait la radio… Un succès considérable Le film sort en mars 1972 et rapporte plus de quatre millions de dollars HK écrasant Big Boss au box office. C'est l'explosion du système Bruce Lee. Avec ce film, le Petit Dragon ne représente plus seulement le gentil héros mais un personnage extraordinaire, un meneur, qui venge les Chinois du peuple Japonais. Le traumatisme de l’invasion japonaise était et est encore douloureux chez les Chinois. Bruce Lee se dresse même contre les occidentaux. Ecrasant toute concurrence et proposant de scènes actions que le public n'a pas l'habitude de voir (combats au nunchaku et contre un occidental) Bruce Lee devient La star du cinéma de Hong-Kong. Sur le plan artistique, cette fois on se trouve en face d'un très bon film d'arts martiaux aux scènes de combats d'anthologie. Côté casting, bien qu’assez sous-exploité, c'est l'avalanche de têtes connues : Nora Miao, James Tien, Tien Feng, Tony Liu, etc. On peut aussi reconnaître parmi les figurants un jeune Jackie Chan (qui doublera également l'acteur Riki Hashimoto lors de la célèbre cascade finale), Corey Yuen Kwai et Lam Ching Ying (qui incarnait également un des cousins de Bruce Lee dans Big Boss ). Peu importe si les faits décrits dans le film reposent sur une exactitude historique ou non, ce qui compte c'est le plaisir procuré par le film et de ce côté-là, c'est une réussite totale. Bruce Lee traverse tout le film avec une violence et une folie incroyable dans ses actes. Le scénario (simple mais solide) se focalise intégralement sur lui. La reconstitution du Shanghai du début du siècle est plaisante sans
P a g e | 18
être extraordinaire. Les combats sont hallucinants et le résultat est tout simplement anthologique. La célèbre descente du Petit Dragon dans l'école japonaise est un morceau de bravoure historique. Dans le même plan, Bruce Lee envoie une dizaine de coups de pieds, puis pour la première fois il utilise ses célèbres nunchakus. Imparable. Ses combats sont plus rapides, plus précis, plus élaborés que dans Big Boss. Cette fois, même les combats où Bruce Lee ne se bat pas sont excellents. (La gigantesque rixe entre les deux écoles où cette fois James Tien se montre très convaincant). Puis fait assez rarissime à l'époque dans le cinéma hongkongais pour être signalé, un occidental tient un rôle important. Ici en l'occurrence, Robert Baker, ancien élève de Bruce Lee venu à Hong-Kong pour lui servir de garde du corps. Sa présence dans le film donnera lieu à une excellente scène de combat entre les deux hommes. Ajoutons à cela que le film possède un superbe thème musical orchestré par Joseph Kuo. Le métrage se finit en beauté avec ce célèbre plan où le Petit Dragon effectue un saut prodigieux sans trucage sur la musique de Kuo et se fige en vol. Notons enfin que le film a sûrement subi l'influence de Chang Cheh, réalisateur numéro un de la Shaw Brothers pendant de nombreuses années, qui faisait mourir ses héros et de façon graphique et assez jolie à voir. En fait cette similitude s'explique en partie par le fait que comme pour Big Boss c'est Ni Kuan, scénariste attitré de Chang Cheh, qui a couché sur papier le script de La Fureur de vaincre. Critique du film par David-Olivier Vidouze (9/1/2000) Shanghai, années 30. Ho Yuan Jia, maître d’une école d’arts martiaux, est décédé dans d’étranges circonstances. Le jour de ses funérailles, Chen Zhen (Bruce Lee), son élève préféré et surtout le plus doué, revient à Shanghai après de longs mois passés loin de son maître. Il est bouleversé par la nouvelle et ne croit pas à une mort naturelle. Ses soupçons le conduisent à s’intéresser de près à une école japonaise d’arts martiaux rivale... Fist Of Fury est la deuxième aventure cinématographique de Bruce Lee en tant que star, mais c'est également le film qui a fait connaître le cinéma hongkongais au monde entier. The Big Boss ne fut qu’un énorme succès en Asie. Fist Of Fury, lui, sera un triomphe planétaire. Certes, le scénario n'est pas foncièrement original (l’éternel « tu as tué mon maître, je vais le venger et te tuer »), plutôt raciste (les Japonais en prennent pas mal pour leur grade, avec une petite couche sur les Russes pour faire bonne mesure), que les acteurs n’ont pas fait l’Actors’ Studio (Lee le premier). Mais les scènes de combats sont parmi les plus impressionnantes du cinéma asiatique, de grands moments d’anthologie chorégraphiées avec soin pour Bruce Lee. La mise en scène est loin d’être bâclée et on peut dire sans se tromper que c’est le meilleur film du réalisateur Lo Wei (qui lancera un peu plus tard le tout jeune Jackie Chan). La plupart des séquences ont été tournées en studio et les rares extérieurs ont été saisis à Macau, ville un peu moins moderne que Hong Kong, surtout à l’époque. Contrairement à la vague de cinéma d’arts martiaux qui a suivi à la fin des années 70, l’humour est
P a g e | 19
totalement absent du film. Ou alors présent de façon bien involontaire... Vous n’aurez donc pas à vous excuser auprès d’éventuels co-spectateurs peu habitués à l’humour cantonais de nos chers Lucky Stars et autres Karl Maka... Si vous êtes observateur, vous pourrez reconnaître Lam Ching-ying et Jackie Chan se faisant molester par Bruce Lee. En conclusion, Fist Of Fury est certainement un des films hongkongais les plus mythiques des années 70 : gros budget, immense artiste martial et mise en scène honnête. Les scènes manquantes et les spins offs Les scènes manquantes du film sont plus conséquentes que dans Big Boss. Pendant longtemps en France nous n'avons pas eu le générique d'origine du film (ce qui est fort dommage). Puis vint la fameuse scène du cimetière qui pendant longtemps fut enlevée des copies françaises. C’est pourtant un passage clé où la folie et la démesure du personnage de Chen Zhen émerge. D'autres scènes de dialogues furent coupées comme le dialogue entre Nora Miao et Tien Feng, ou lorsque des membres de l'école Jingwu recherchent Bruce Lee en pleine nuit. Le film a donné lieu à une suite officielle assez médiocre, La Nouvelle fureur de vaincre (New Fist of Fury) en 1976 avec Jackie Chan et réalisé par Lo Wei. Il a également été remaké par Gordon Chan avec le prodigieux Fist of legend réalisé en 1994 et avec Jet Li (son meilleur film, à juste titre comme). C’est le seul long métrage d'ailleurs à s'être frotté au mythe Bruce Lee avec succès. Le personnage de Chen Zhen est également devenu en 1995 le héros d'une série télévisée de 30 épisodes interprétée et chorégraphiée par Donnie Yen, Jingwumen / Fist of Fury TV. Considéré par la plupart des fans du Petit Dragon comme son meilleur film, La Fureur de vaincre est un classique absolu du cinéma d'arts martiaux et le film où Bruce Lee, l’homme, la star, l’artiste martial, explosa totalement. Notes sur le film : - Bruce Lee a chorégraphié ses propres combats. - C'est le dernier film que Bruce Lee et Lo Wei tourneront ensemble. Ils se quitteront en mauvais termes à l'issue de celui-ci. - Yuen Wah double Bruce Lee dans la scène de combat entre Chen Zhen et Yoshida, lorsque Chen exécute un saut périlleux. - Jackie Chan double le méchant Suzuki lorsque ce dernier est frappé au travers d'une shoji (fenêtre japonaise avec un papier tendu). - Aux Etats-Unis, le film est sorti sous le titre The Chinese Connection pour éviter la confusion avec le titre américain du précédent film de Bruce Lee, Fists Of Fury (The Big Boss). Le nouveau titre a été
P a g e | 20
choisi en référence au grand succès de William Friedkin, The French Connection.
La Fureur du dragon / The Way Of The Dragon La Fureur de vaincre n'est pas encore sortie que Raymond Chow planifie déjà un troisième film avec son poulain prodige, à nouveau mis en scène par Lo Wei, et supposé être filmé au Japon. Mais Bruce ne veut rien savoir d'un pareil projet, surtout avec Lo Wei à la réalisation, qu'il ne considère que comme un tâcheron dont le manque de professionnalisme et de talent est inversement proportionnel à son arrogance. Son contrat de deux films avec la Golden Harvest étant rempli, Bruce Lee est en position de force pour imposer ses conditions à Raymond Chow et Bruce Lee lui demande plus qu'une augmentation de salaire ou un simple partage des profits. Ainsi, en fondant sa propre maison de production Concord films, il est désormais le partenaire de Chow, non plus son employé. Et surtout il pourra pleinement assurer l'écriture, la réalisation et la chorégraphie de ses films. Le premier long métrage de cette association sera La Fureur du dragon (The Way of the Dragon). Bruce Lee décide de situer l'action de son nouveau film non plus en Chine ou même en Asie mais à Rome. Une équipe de tournage ira donc filmer de petites scènes touristiques dans quelques endroits célèbres de la ville, notamment le Colisée et les Fontaines de Trevi, mais l'ensemble du film sera quand même tourné dans un studio à Hong-Kong. Bruce Lee veut vraiment faire un peu différent pour sa première réalisation et donne une touche d'exotisme en allant filmer dans la Ville Éternelle. En situant le film à Rome, Bruce Lee souhaite aussi raconter une autre histoire d'immigrant chinois faisant face à l'adversité comme dans Big Boss, mais dans un lieu des plus inhabituel et avec une touche comique accentuée. En effet, le premier tiers du film voit le Petit Dragon jouer le provincial un peu perdu dans la grande ville. Bruce Lee s'inspire d'ailleurs de sa propre expérience d'immigré chinois nouvellement arrivé aux États-Unis pour cette partie du film, bien que lui-même n'ai pas été aussi provincial que son personnage. Tout comme Big Boss, il faut attendre un peu pour voir Bruce Lee se battre. La patience du spectateur est évidemment récompensée… Concernant ses adversaires dans le film, le Petit Dragon continue dans la même veine qu'avec Robert Baker dans La Fureur de vaincre c'est-à-dire s’assurer la complicité de véritables experts en arts martiaux. Ce choix renforce l'impact et l'efficacité des combats. Il fera ainsi appel à Bob Wall, grand professionnel de karaté, Wang In Sik, expert coréen en hapkido et surtout Chuck Norris, sept fois champion du monde de full-contact. Bruce Lee connaissait Wall et Norris depuis longtemps déjà et il avait déjà travaillé avec ce dernier sur un film réalisé en 1968, Matt Helm règle son compte (The Wrecking Crew) le second d'une série de films d'espionnage semi-parodiques surfant sur la vague James Bond et mettant en vedette Dean Martin. C'est Lee qui avait chorégraphié les bagarres et Norris y faisait une apparition.
P a g e | 21
En fait, en engageant Chuck Norris, Bruce Lee désire montrer un héros chinois battre un grand champion blanc. Et quel meilleur endroit que le grand Colisée de Rome mettre en scène cette petite démonstration : lieu mythique, capitale antique du plus grand empire qu'ait jamais connu l'occident et où jadis les gladiateurs combattaient à mort. Toutefois, Bruce veut offrir plus qu'un simple spectacle chauvin. La Fureur du dragon verra ainsi Bruce cherchant à exposer pour la première fois dans un film certains principes du Jeet Kune Do, sa méthode martiale qui est à la fois technique et stratégique. Dragon chinois contre colt américain Bruce Lee incarne Tang Lung (ce qui signifie « Dragon Chinois ») un jeune Hongkongais naïf mais efficace au combat qui se rend à Rome pour aider sa cousine, Chen Ching-Hua (Nora Miao) à se sortir des griffes de gangsters. Ceux-ci veulent racheter par tous les moyens le restaurant qu'elle tient avec son oncle Wang. Pour contrer ce garde du corps inhabituel les gangsters engagent trois combattants martiaux de haut calibre dont l'un d’eux, Colt (Chuck Norris), est particulièrement redoutable. Tout se jouera lors de leur duel dans les ruines du Colisée. Dans son ensemble La Fureur du dragon est un film beaucoup plus léger et amusant que La Fureur de vaincre. Plus réfléchie aussi. Le Petit Dragon ne joue plus les vengeurs tourmentés c'est un jeune homme plus naïf mais dégourdi qui ne tue pratiquement pas (d'ailleurs quand il le fait, il éprouve une sensation de dégoût). Pour Linda Lee, la femme de Bruce Lee, La Fureur du dragon est son film le plus personnel. On comprend pourquoi. Le personnage dans le film colle au plus près à la personnalité du vrai Bruce dans la vie et surtout il y dévoile les préceptes du Jeet Kune Do. Que vaut le Petit Dragon en tant que réalisateur et chorégraphe ? Son premier coup est-il un coup de maître ? Incontestablement, oui. Sa réalisation est précise, fluide, simple mais efficace. Et surtout ses combats sont encore mieux filmés, plus rapides, plus élaborés que dans ses deux films précédents. Cette fois, Bruce Lee utilise deux nunchakus en même temps, ce qui donne lieu tout simplement à un des plus grands moments d’anthologie du cinéma martial où le Petit Dragon tient en respect plus d'une dizaine d'adversaires et ce pendant un long moment. Le final est également incontournable car Bruce Lee affronte les trois experts qu'il a fait venir pour le film. Si les combats contre Bob Wall et Wong Ink Sik, bien qu'excellents, sont trop courts, celui contre Chuck Norris est culte. Se déroulant dans le Colisée (en réalité en studio), le combat est un très grand moment entre deux vrais gladiateurs des temps modernes. La réalisation de cette scène est parfaite : lisibilité, justesse, efficacité sont les termes pouvant la qualifier. De plus en montrant le personnage de Bruce Lee s'adaptant petit à petit à son adversaire il démontre avec clarté et pertinence le principe fondamental du Jeet Kune Do. Un artiste
P a g e | 22
martial se doit d'abord et avant tout d'être « flexible ». Autres touches notables dans cette scène de combat ultra classique et qui lui donne un caractère si mémorable et inhabituel : Son petit jeu du chat avec la souris, Bruce arrachant des poils du torse de Norris puis les soufflant hors de sa main, l'échange final silencieux mais éloquent entre les gladiateurs (« Arrête-toi pendant qu'il est encore temps. » « Jamais. ») et finalement le vainqueur rendant hommage au vaincu, moment très rare dans le cinéma martial de Hong Kong où habituellement l’ennemi est une bête à abattre peu respectée. En plus de mettre en valeur son côté humoristique et ses préceptes du Jeet Kune Do Bruce Lee tire profit de sa position unique comme star/scénariste/réalisateur et chorégraphe pour pousser au maximum son péché mignon, un narcissisme éhonté. La caméra aime le corps gracile et musclé de Bruce Lee, il ne le sait que trop bien et profite de chaque opportunité pour montrer ses muscles, ses coups de pieds élancés, ses prouesses au nunchaku, etc. Deux scènes clé à retenir : celle où il s'étire les muscles dans un appartement et celle surtout de l'échauffement avant le grand combat où Bruce fait saillir ses muscles de manière surprenante. Les mimiques expressives de Bruce Lee, faciales ou gestuelles, sont tout aussi captivantes que son physique et il ne se gêne pas pour les exhiber. Tour à tour furieusement déterminé, candide ou troublé, la personnalité de Bruce Lee dans ce film s'avère être aussi irrésistible que son kung fu. Critique par David-Olivier Vidouze (3/1/2001) Tang Lung (Bruce Lee) se rend à Rome pour aider une amie de sa famille, la restaurateur Chen ChingHua. Dès le jour de son arrivée, des malfrats locaux débarquent dans le restaurant et exigent la vente du lieu sous peine de représailles. Ils seront brutalement éconduits par Tang Lung mais reviendront plus armés et plus nombreux... Lassé par ses deux premières expériences cinématographiques avec le vétéran Lo Wei (qui s'accapare tout le succès de The Big Boss et Fist Of Fury), Bruce Lee décide de voler de ses propres ailes et demande à Raymond Chow, d'abord hésitant, de réaliser lui-même ce qui sera son troisième film, The Way Of The Dragon (il est aussi scénariste et co-producteur avec sa société Concord). Inspiré par les techniques hollywoodiennes, il rédige minutieusement un scénario qui, au final, apparaît un peu simpliste, avec une bonne demi-heure passée sur les problèmes intestinaux du Petit Dragon et le reste en classique histoire de vengeance. Il est vrai que The Big Boss, mais surtout Fist Of Fury, avaient été écrits par un des scénaristes de Chang Cheh. Mais le point fort de The Way Of The Dragon reste le culte que se voue Bruce Lee à lui-même. Tout tourne autour de lui : la caméra, les acteurs, l'histoire... il est constamment mis en scène. Bruce Lee mange de la soupe, Bruce Lee va aux toilettes, Bruce Lee va voir une prostituée (malgré lui, cela va sans dire...), Bruce Lee montre à ses collègues partis depuis trop de longtemps de Hong Kong ce que c'est vraiment que la boxe chinoise, Bruce Lee se bat en débardeur (auto-érotisme ?), Bruce Lee fait
P a g e | 23
du tourisme, etc. C'est quelque chose qu'il faut accepter dès le début. Les combats sont impressionnants et très bien filmés pour l'époque : plans larges (l'action n'est pas morcelée), peu de zooms (un des rares zooms est dirigé tour à tour sur la tête d'un chaton, la tête de Bruce Lee puis la tête de Chuck Norris...) et un décor magnifique, le Colisée de Rome, auquel Tsui Hark rendra hommage presque 30 ans plus tard dans son Double Team (sauf que le chaton a été remplacé par un tigre !). Les Japonais, les Américains et les homosexuels ont malheureusement encore droit à leurs rôles de méchants. Signe des temps ? Au final, The Way Of The Dragon est une incontestable réussite - même si bourrée de maladresses de la plus grande star du cinéma asiatique, loin devant les Chow Yun Fat, Jet Li, et autres Jackie Chan. Mais Fist Of Fury lui reste supérieur. Les coupes dans la version française (attention spoilers) Concernant les coupes, elles sont problématiques car légions. Peu après que Nora Miao et Bruce Lee font connaissance, elle l'emmène chez elle, lui offre un verre, Bruce va aux toilettes, lui fait une démonstration impressionnante de coups de pieds et coups de poings. Puis ils vont dans une banque où Nora conseille à Bruce Lee d'échanger ses dollars hongkongais contre des lires italiennes. Vers la fin du film, le nombre de coupes devient plus important, nous pouvons même parler ici de charcutage, car l'intrigue s'en trouve complètement modifiée. Une fois que Bruce part en direction du Colisée à la poursuite du bras droit du grand patron, on voit l'oncle qui poignarde les cousins leur expliquant qu'il avait conclu un accord avec le grand patron pour vendre le restaurant. Puis quand Bruce Lee revient à son tour sur les lieux, l'oncle essaye de le poignarder mais le grand patron arrive, tue l'oncle et son propre lieutenant, puis la police arrive et arrête le grand patron. On comprend enfin après, pourquoi la scène finale est un dialogue dans un cimetière : les protagonistes se recueillent finalement sur les tombes des cousins. A noter que les figures patriarcales ou de maîtres habituellement vénérer dans les films d'arts martiaux sont passablement malmenés dans les films de Bruce Lee. Ils s'avèrent en effet la plupart de temps soit absents ou impuissants (Maître Huo, disciple-en-chef Fan dans la Fureur de vaincre), soit carrément malveillant (Monsieur Mi dans Big Boss, Oncle Wang dans la Fureur du dragon, Monsieur Han dans Opération Dragon), soit purement accessoires et passagers (l'abbé dans Opération Dragon). Finalement le seul vrai maître dans un film de Bruce c'est Bruce lui-même. Les coupes dans la version anglaise Autres pays autres mœurs, dans les pays anglo-saxons c'est la partie comédie au début du film qui a été le plus souvent coupée lorsque la Fureur du dragon a été présentée pour la première fois. L'image
P a g e | 24
de marque de Bruce Lee en occident étant celle du vengeur martiale stoïque, ses farces d'immigré provincial, la plupart assez vulgaires (Bruce et ses ennuis d'estomac) ont dû être jugées trop déconcertantes pour les retenir. C'est à cause de ces coupes qu'en occident on imagine surtout Bruce Lee comme un vengeur froid ou enragé alors qu'il était en fait un acteur plein d'humour aux mimiques expressives impayables et même un farceur impénitent dans la vraie vie. A noter qu'en Grande Bretagne, l'usage du nunchaku ayant été interdit, les scènes de Bruce Lee où il utilise cette arme ont longtemps été censurées dans tous ses films. De ce fait la version intégrale est indispensable pour apprécier à sa juste valeur La Fureur du dragon . En changeant de registre et de styles de combat, Bruce Lee a réussi à surpasser le travail effectué sur les deux films précédents. En poursuivant dans cette voie, Bruce Lee allait atteindre un nouveau sommet quelques mois plus tard en commençant Le Jeu de la Mort (Game of Death). Notes sur le film : - Dernier film à avoir été réellement filmé dans le Colisée de Rome. - Pour sa sortie dans les pays anglo-saxons, le film a été rebaptisé Return Of The Dragon afin de le faire passer pour la suite d'Enter The Dragon. -Le film a été tourné sans prise sonore directe et complètement post synchronisé par la suite (à la manière des films italiens de l'époque). - Une partie de la musique du film a été reprise d'Il était une fois dans l'Ouest de Sergio Leone (compositeur : Ennio Morricone).
Opération Dragon / Enter The Dragon Des quatre grands films de Bruce Lee c'est Opération Dragon (Enter the Dragon) qui connut le plus grand succès à l'échelle planétaire. La star mourut quelques jours avant la sortie du film, mais parions que même lui n'aurait pu prédire le parcours et l'impact que le film allait avoir. Disons le tout de suite, ce film est le point de départ de l'intérêt des spectateurs occidentaux pour le cinéma d'arts martiaux. S’il n'y avait pas eu ce film, tous les Jean-Claude Van Damme, Chuck Norris et consorts n'auraient peut-être jamais rencontré le succès dont ils jouissent à présent. Succès à effet boule de neige Dans le courant des années 1970, les films d'arts martiaux dégagèrent vite fait les westerns spaghettis des salles de cinéma de quartier, trouvant un large public auprès des communautés Afro-Américaines. D'ailleurs la blaxploitation (séries B incroyablement jouissives et violentes mettant en scène des héros afro-américains) allait elle aussi surfer sur la vague du kung fu avec des films comme Dynamite Jones (Cleopatra Jones) et La Ceinture Noire (Black Belt Jones) réunissant après Opération Dragon, le
P a g e | 25
réalisateur Robert Clouse et l'acteur Jim Kelly. D’autres croisements hybrides prirent formes tels que le Kung-Fu-Peplum (Hercule contre Karaté), le Kung-Fu-Western (Shanghai Joe ; La Brute, le colt et le karaté), le Kung-Fu-Films d'horreur (Les 7 vampires d'or, Horreur dans la ville). Certains s'inspirèrent de Bruce Lee, rarement pour le meilleur (sauf au Japon avec Sonny Chiba et sa série de films ultra violents The Streetfighter), mais aussi souvent pour le pire (en Indonésie, Barry Prima avec ses nanars jubilatoires tels que Le guerrier (1981) avec l'actrice Chinoise Nancy Kwan, ou encore en Afrique du Sud avec James Ryan pour le film Tue et tue encore et sa suite). Un vieux projet de Bruce Lee, La Flûte Silencieuse (The Silent Flute), fut même tourné par Richard Moore sous le titre Le Cercle de Fer (The Iron Circle) avec David Carradine et Jeff Cooper. Tout cette vague d'intérêt pour le cinéma martial n'a qu'une explication et elle tient en deux mots : Opération Dragon. Opération kung fu Retour donc sur la genèse du film Opération Dragon. Fin 1972, Bruce Lee reçoit une offre du studio Hollywoodien Warner Bros. Il peut faire un film d'arts martiaux en coproduction avec la Golden Harvest. Pour le studio américain, le but est de voir si il existe un marché potentiel plus mainstream pour ce type de films. Bruce Lee voit l'opportunité de travailler à la façon d’Hollywood, c'est-à-dire (à ses yeux) de façon professionnelle. Et si le film marche, il deviendra une star mondiale. Dans les deux cas le film a dépassé toutes les espérances et le résultat artistique est spectaculaire. Bruce Lee reçoit donc le script de Michael Allin, « Blood and Steel », dans un premier temps changé en « Han's Island » pour enfin devenir « Enter the Dragon ». L’intrigue est un mélange de James Bond et de Fu Manchu. Pour réaliser le film, Bruce se souvient avoir vu une scène qui l'a marqué : une bagarre d'anthologie et brutale entre Rod Taylor et William Smith dans le film La Loi du talion (Darker than Amber). C'est du moins ce qu'affirmera Robert Clouse lui-même ultérieurement. Fred Weintraub, un des producteurs américains d'Opération Dragon, affirme par contre que la mise en scène est revenue à Clouse par défaut car personne d'autre que lui ne voulait le faire. La Warner demande aussi au compositeur Lalo Schiffrin (déjà remarqué pour sa musique sur de la série culte Mission Impossible) de composer la bande originale du film. Même si leurs objectifs sont de faire de Bruce Lee une star internationale, les producteurs américains d'Opération Dragon ne sont pas sûrs que le public occidental est prêt à suivre un asiatique dans le rôle
P a g e | 26
principal. On engage donc John Saxon, un acteur de série B d'une certaine renommée pour être sa covedette. Anna Capri, elle aussi abonnée aux films de genre, est également engagée pour ajouter une petite touche sexy et romantique au film. Du coté chinois, on recrute Roy Chiao, une vedette importante du cinéma hongkongais pour jouer un rôle secondaire. Han Ying Chieh aspire à jouer le grand méchant de la nouvelle production, Han. Mais enfin de compte, c'est Sek Kin (crédité dans le film sous le nom de Shie Kien, la version mandarine de son patronyme) qui est engagé pour le rôle. C'est un choix des plus judicieux puisqu'avec son faciès menaçant et cynique de même que son talent en kung fu Sek Kin a bâti presque toute sa carrière sur des rôles de méchants dans le cinéma martial hongkongais, surtout dans la fameuse série des Wong Fei-hong, aux côtés du grand Kwan Tak-hing. Sek Kin ne parle pas un mot d'anglais mais il sera brillamment doublé par Key Luke, un acteur sinoaméricain connu à l'époque pour son rôle récurent dans la série Kung-Fu, celui d'un moine Shaolin aveugle. Pour jouer les sbires de Han, Bob Wall est engagé. On fait aussi appel à Bolo Yeung, un expert en karaté au physique musclé massif et intimidant. Cherchant à promouvoir son autre star martiale, la Golden Harvest donne à Angela Mao un petit rôle mais des plus combatifs. Sachant que les films de kung-fu sont très populaires auprès des afro-américains, les producteurs de la Warner Bros introduisirent un personnage afro-américain pour satisfaire ce public. L'acteur initialement engagé, Rockne Tarkington, s'étant désisté à la dernière minute, (il trouvait le cachet offert trop bas) il est remplacé par le champion de karaté, Jim Kelly. Le tournage d'Opération Dragon est supposé commencer au tout début de l'année 73. Mais comme l'histoire nous le montrera par la suite avec d'autres acteurs comme Jackie Chan ou Jet Li, la collaboration entre hongkongais et américains ne se fait rarement sans mal et le tournage d'Opération Dragon sera un douloureux chemin de croix dont l'incroyable résultat semble inespéré. Le dragon en difficulté - les scènes et les problèmes du film Le tournage commence avec un mois de retard le premier février 1973 et dans des conditions difficiles. En effet les techniciens et artisans américains et chinois travaillant sur le film ont souvent des méthodes différentes et communiquent difficilement ensemble puisque ne parlant pas la plupart de temps le même langage. Le matériel technique fourni par la Golden Harvest est souvent désuet ou inadéquat. Bruce Lee de son coté éprouve de grandes difficultés avec ses propres associés. En effet, certaines des idées qu'il soumet au scénariste ne sont pas retenues et ses relations tant avec Raymond Chow qu'avec les producteurs américains sont des plus tendus. La production du film manque même d'être remise en question à plusieurs reprises. Il faut dire que la pression sur les épaules de Bruce Lee est incroyablement forte car non seulement il est la star sur lequel repose tout les succès du film mais il est en charge de la chorégraphie. Tâche
P a g e | 27
doublement ardue, car si Bruce peut compter sur son équipe de cascadeurs, il doit aussi travailler avec une équipe technique américaine qui n'a aucune expérience pour tourner des scènes d'action kung fu à Hong Kong. En fait, des problèmes apparaissent dès la toute première scène que Bruce Lee doit tourner. C'est celle, où assis à son bureau, il se fait présenter des filles par Anna Capri. Or, il se trouve être affligé par des tics faciaux très visibles, forçant Clouse à faire plusieurs prises et à trouver des angles de prises de vue dissimulateurs. Autre scène, autre problème. La célèbre scène où un arbitre de Han reproche à Bruce Lee de ne pas être en uniforme n'est pas anodine. En effet, selon Clouse, Bruce Lee ayant refusé de porter le kimono jaune, c'est lui qui a alors eu l'idée de rajouter cette courte scène. Lors de la scène avec le cobra, Bruce est mordu, heureusement on avait au préalable extirpé le venin du serpent. Bob Wall blesse Bruce à la main avec un tesson de bouteille lors de leur combat. Le Petit Dragon reçoit alors douze points de sutures. L'incident enrage les cascadeurs chinois s’imaginant que Wall avait blessé Bruce délibérément. Clouse lui-même raconte plus tard que Bruce avait vraiment l'intention de « tuer » Wall lors d'une scène où son personnage afflige celui de Wall d'un magistral coup de pied. Wall, qui connaissait Bruce depuis longtemps déjà, affirme lui-même que Clouse a inventé cette histoire, même si affectivement l'atmosphère était très tendue sur le plateau à cause de cet incident. Pour satisfaire ses cascadeurs, Bruce a bel et bien porté un puissant coup de pied à la poitrine de Wall qui fut projeté à plusieurs mètres de distance mais sans lui affliger aucune blessure. Par contre un des cascadeurs se trouvant derrière Wall pour amortir sa chute se blessa. La scène du banquet est particulièrement difficile à tourner à cause de la chaleur des lampes éclairantes et de l'humidité ambiante. Pour la grande bagarre générale qui clôt le film, il a été généralement admis que des gangs de rues avaient été engagés pour tenir le rôle de figurants bagarreurs et nombre d’entre eux en ont profité pour régler des comptes avec leurs rivaux sur place. Les rixes ont donc continuées bien après que les caméras aient cessé de tourner. Bruce Lee a cependant beaucoup moins de difficultés avec Jim Kelly. Celui-ci s'avère en effet être un artiste martial si compétent qu'il le laisse chorégraphier certains de ses propres combats. Ce tournage mouvementé prend fin le 17 avril 1973 avec deux semaines de retard et un dépassement de budget. Quelques semaines plus tard, Bruce Lee trouve que le film commence trop lentement et il décide d'ajouter une scène de combat au tout début. Pour cela, il fait appel à Sammo Hung, qui est à l'époque le chorégraphe en chef de la Golden Harvest et un abonné au rôle de fier à bras menaçant. Il s'agira du dernier combat jamais filmé du Petit Dragon. Doublures
P a g e | 28
À noter que Bruce est doublé à trois reprises. Lors de l'affrontement avec Sammo Hung, puis après la fin du match Bruce effectue quelques sauts acrobatiques spectaculaires effectués en fait par Yuen Wah, déjà la doublure attitrée de Bruce sur Fist Of Fury. Yuen doublera Bruce également durant son combat contre Bob Wall quand celui-ci lui tient les pieds. Bruce, (en fait Yuen Wah bien sûr) effectue un salto pour se dégager. Sek Kin est aussi doublé lors de son affrontement final avec Bruce. Bien que luimême artiste martial émérite, Sek Kin est à soixante ans un peu trop vieux pour pouvoir vraiment tenir tête au Petit Dragon, même dans un film. Néanmoins, il ne semble avoir été remplacé que pour quelques petits plans seulement et il fait tout de même preuve d’une énergie et d’une agilité assez surprenantes pour un homme de son âge. Sa doublure n'est nul autre que Lam Ching Ying, le futur Mr. Vampire, qui au début de sa carrière a participé à trois films de Bruce Lee comme cascadeur, assistant chorégraphe et figurant (respectivement l'un des cousins dans The Big Boss, un japonais dans La Fureur de vaincre et est aussi un des trois cascadeurs attrapant Bob Wall dans sa chute). Bruce Lee meurt le 20 juillet 1973 avant de voir son film achevé et projeté sur les écrans. Le film sort en première mondiale le 29 août 1973 sur Hollywood Boulevard. Opération Dragon obtient un succès colossal planétaire. En même temps les gens apprennent le décès de leur star. Bruce Lee devient alors un mythe, une légende dont tous les livres de cinéma mentionneront le nom. Le dragon entre en scène (attention, spoilers) Après bien des déboires, Opération Dragon est achevé. Mais artistiquement, que vaut le film ? Tout simplement une accumulation quasi ininterrompue de scènes d'anthologies que tout fan du cinéma d'arts martiaux connaît par cœur (toutes les scènes de combat de Bruce Lee, la scène de bagarre avec Angela Mao, Bolo Yeung contre les gardes, Jim Kelly contre Sek Kin). Ne dépassant le cadre du cinéma d'exploitation, Opération Dragon reste un monstrueux objet de divertissement populaire, le genre de films que l'on ne se lasse pas de revoir en boucle. Malgré les énormes difficultés rencontrer au cours du tournage Robert Clouse et son directeur de la photographie Gilbert Hubbs ont su donner un lustre inhabituel à Opération Dragon qui demeure un des films de kung-fu les plus stylés jamais fait. Puis comment ne pas évoquer le thème de Lalo Schiffrin ? Superbe, et tout simplement considéré comme LE thème musical du cinéma martial. Souvent utilisé dans des documentaires de films ou lors des festivals d'arts martiaux (Bercy), cette musique ne peut s'oublier une fois entendue et colle au film à la perfection. Que dire de Bruce Lee lui-même ? Il est toujours aussi impressionnant et charismatique, superbement
P a g e | 29
épaulé par un casting en or. D'ailleurs c'est tout le casting (une première pour un film de Bruce Lee) qui est exploité comme il se doit. Ils ont tout mis en œuvre pour proposer de fantastiques combats. Mis à part le court intermède martial avec les quatre gardes (dont Bolo Yeung punira leurs incompétences lors d'une scène brutale), toutes les scènes martiales sont des morceaux d'anthologie (Le combat de départ, l'affrontement contre Bob Wall, la scène du tunnel, le final dans le labyrinthe aux miroirs). Bruce Lee a abandonné le style de combat réaliste et basé essentiellement sur le Jeet Kune Do de La Fureur du dragon pour revenir à des combats moins crédibles, plus violents comme dans La Fureur de vaincre mais pour un résultat toujours aussi spectaculaire. L'histoire du film n'est prétexte qu'à une accumulation d'affrontements dans un cadre fastueux et exotique. Monsieur Han (Sek Kin) vit sur une île qui est en fait une base fortifiée pour son trafic d'opium et la prostitution. Le seul contact qu'il a avec le monde extérieur est le tournoi d'arts martiaux qu'il organise tous les trois ans et qui lui sert à repérer des professionnels qui seraient susceptibles de faire partie de son organisation. Lee (Bruce Lee) fait partie d'un temple de Shaolin que Han a trahit. Il reçoit la visite d'un dirigeant d'un service spécial lui demandant d'aller sur l'île pour participer au tournoi et pour ramener des preuves de ces trafics. Voyant l'occasion de se venger de Han mais aussi de son garde du corps (Bob Wall) responsable du suicide de sa sœur (Angela Mao), Lee accepte et va croiser sur sa route deux participants au tournoi (John Saxon et Jim Kelly) qui l'aideront à détruire l'organisation de Han. Le seul gros défaut du film est qu’un 'affrontement entre Bruce Lee et Bolo Yeung n'a pas lieu. D'ailleurs on peut croire que cette petite frustration a eut un violent impact chez les réalisateurs de films de faux Bruce Lee qui ont utilisé Bolo Yeung à de nombreuses reprises dans ces films. Dans une première scène Bruce Lee affronte Sammo Hung sur une plateforme de combat dans un temple Shaolin. Dès le départ le ton est donné, ce film sera un monument de coups et blessures porté par un casting des plus alléchants. Jim Kelly, authentique pratiquant de karaté, deviendra à la suite du succès d’Opération Dragon une star (de courte durée) du cinéma d’arts-martiaux aux USA, et se lancera dans tout un tas de films de karaté assez médiocres parmi lesquelles il faut retenir La Ceinture Noire (Black Belt Jones) également mis en scène par Robert Clouse. Son personnage de Williams dans Opération Dragon capte en effet toute l’attention du spectateur à chacune de ses apparitions. John Saxon est limité sur le plan martial
P a g e | 30
mais nous convainc sans problème dans l'interprétation de son personnage Ropers. La star Angela Mao venue jouer la sœur de Bruce Lee nous offre un très bon combat où elle est poursuivi dans un petit village par Bob Wall et ses hommes (parmi lesquels on compte Wilson Tong de même que Tai Bo, le future comparse de Jackie Chan dans nombre de ses films). Bruce Lee nous offrira un combat à un contre cent tout simplement ébouriffant. C’est la scène du tunnel où le Petit Dragon affronte une trentaine d'adversaires à mains nues mais aussi à l'aide de bâtons, matraques, nunchaku... A noter que Jackie Chan sera présent à deux reprises au cours de cette scène. Une première fois en agrippant Bruce par derrière, puis en lui faisant face alors que le Petit Dragon est armé d'un bâton et plus tard d'un nunchaku. Que dire de la scène finale des miroirs, où l'image de Bruce blessé par les griffes de Sek Kin est multipliée à l'infini (jolie fleur à son narcissisme) est plastiquement superbe. Il faut noter toutefois que le critique et essayiste Stephan Teo remarque que Bruce Lee joue dans ce film son personnage le plus impersonnel et stéréotypé. Il n'est plus le héros fier, rageur et tourmenté ou le provincial martial si cher au public hongkongais comme dans ses films précédents. Non, il joue ici le chinois impavide et mystérieux, une image qui colle à ce que s’imaginent les occidentaux d’un héros chinois. Bruce Lee est d'ailleurs très soucieux de l'image qu'il projette dans le film, car il ne veut pas passer pour un larbin aux services des occidentaux. Ces appréhensions sont justifiées puisque Opération Dragon connut à Hong-Kong un succès moindre que ses deux films précédents. Le public hongkongais est encore sous le choc de la mort subite du Petit Dragon mais aussi ils n'apprécient pas le rôle qu'il lui est assigné. Coupes sanglantes La version intégrale est importante car elle montre que les notions d'apprentissage et de philosophie n'étaient pas exclues du cinéma du Petit Dragon. Or le film est d’abord sorti au cinéma et en vidéo mutilé et cette version ne fait pas honneur aux idées de Bruce Lee. Après le premier combat du film (Bruce Lee-Sammo Hung), Lee discute avec son maître (Roy Chiao) dans les jardins du temple Shaolin. C’est un dialogue très intéressant qui prépare la scène suivante présente sur toutes les versions et où Bruce donne un court enseignement à un de ses élèves (joué par le futur chorégraphe Stephen Tung Wai). Scène de dialogue très réussie portant sur la philosophie martiale, elle est assez atypique chez Bruce Lee donc forcément intrigante. Coupée lors du montage initiale d'Opération Dragon, cette scène sera récupérée dans le film Le Jeu de La Mort 2 (Game of Death 2 / Tower of Death) mais sans son dialogue ou sa signification originale. Elle sera finalement
P a g e | 31
réincorporée pour une version restaurée du film mais la bande sonore d'origine ayant été depuis longtemps perdue les dialogues seront recréés. On dit que Roy Chiao se serait redoublé depuis Hong Kong par téléphone satellite. Quant à de Bruce Lee, c'est son biographe John Little qui l’imita (avec brio). La scène de philosophie martiale ayant été coupée, on élimina aussi la voix off du moine/maître qui se fait entendre lors du final dans la salle aux miroirs. Bruce Lee n'arrive pas à vaincre Sek Kin et se rappelle de l'enseignement de son maître, ce qui lui permet de remporter la victoire. Ce passage (depuis restauré) renforce celle du dialogue pour les deux notions évoquées plus haut. Opération Dragon passe souvent pour le meilleur film de Bruce Lee et a même longtemps été considéré par certains en occident comme le plus grand film d'arts martiaux jamais fait. C'est de l'hyperbole. Grâce à la participation américaine, Opération Dragon est effectivement le film de Bruce Lee le plus abouti techniquement, de même que le plus fastueux mais en même temps, c'est aussi le plus surfait et dénaturé par rapport aux autres films chinois du Petit Dragon. Lee a dû adapter sa personnalité pour souscrire aux critères du cinéma hollywoodien. Opération Dragon, plus grand public que les autres films de Bruce, n'en demeure pas moins superbement efficace et plein de panache. Un film phare qui aura marqué son époque et aura permis l'établissement d'un des plus grands acteurs mythiques du cinéma. Notes sur le film : - Bruce Lee est mort à Hong Kong trois semaines avant la première mondiale du film. - Le rôle de Jim Kelly devait être initialement tenu par Rockne Tarkington, héros du film de blaxploitation Black Samson, réalisé par Charles Bail en 1974. -Le tournage s'est interrompu brièvement après la découverte d'un cadavre de femme près du lieu de tournage. - Dans leur seule et unique scène ensemble, Bruce Lee frappa Jackie Chan en plein visage d'un coup de nunchaku. Il s'excusa platement et lui promit qu'il travaillerait dorénavant sur tous ses films. Malheureusement, le Petit Dragon mourut avant de pouvoir tenir sa promesse... - Premier film de l'histoire du cinéma à l'occasion duquel une compagnie américaine et une compagnie hongkongaise (et plus largement chinoise) ont travaillé ensemble. - Le rôle de John Saxon devait être initialement tenu par William Smith, célèbre biker hollywoodien, un des héros du film de blaxploitation Black Samson, réalisé par Charles Bail en 1974, et invité des séries télé Kung Fu (The Chalice, 1973) et Longstreet (épisode The Shape of Nightmares, 1971) à laquelle a participé Bruce Lee. - Environ 8 000 miroirs ont été utilisés dans la scène finale de la galerie des glaces.
P a g e | 32
- Un des deux films dans lesquels la voix de Bruce Lee n'est pas doublée pour la sortie du film sur le sol américain, l'autre étant La Valse des truands. - Bruce Lee s'est blessé plusieurs fois au cours du tournage. Parmi les accidents les plus connus, on notera une véritable bouteille lancée par Robert Wall qui coupa sérieusement sa main et une morsure du serpent sensé garder le laboratoire de Han (les glandes contenant le venin avait été vidées).
Sources & Références Livres et magazines en français : - La trilogie Tigres et Dragons de Christophe Champclaux. - Le livre d'or de Bruce Lee de Pierre-Yves Benoliel - La Légende du Petit dragon et Bruce Lee inédit publié par René Château. - Karaté Bushido hors séries sur Bruce Lee (Bruce Lee Spécial 20ème anniversaire, Bruce Lee Spécial 25ème anniversaire, Bruce Lee les secrets du petit dragon, De Bruce Lee à Van Damme et Cinéma et Arts martiaux). - Ciné Kung Fu de François et Max Armanet. - Mad Movies. Livres et magazines en anglais - Bruce Lee Fighting Dragon de Bruce Thomas. -Hong Kong Action Cinema de Bey Logan. -Hong-Kong The Extra Dimension de Stephan Teo. -Bruce Lee the Untold Story de Grace Lee, Robert Lee et Agnes Lee. Documentaires vidéo - Bruce Lee Story (The Man and the Legend) de Russell Cawthorne. - La Malédiction du Dragon / Curse of The Dragon, édité par Warner Bros. -Warrior's Journey de John Little.
P a g e | 33
P a g e | 34
Quand le Dragon était petit : Un regard sur Bruce Lee, l’enfant acteur.
Par Yves Gendron (publié en septembre 2005) Avant d’être le roi du kung fu, Bruce Lee était connu à Hong Kong comme un enfant acteur. Nous avons tenté d’apporter un éclairage sur cette partie méconnue de la carrière du Petit Dragon.
Introduction Lorsqu'il commence à tourner son premier film de kung fu, The Big Boss, Bruce Lee entame en fait la troisième période de sa carrière d'acteur. Sa première période fut celle où encore enfant (il commença comme nourrisson avec une apparition dans Golden Gate Girl en 1941) puis adolescent il joua dans une vingtaine de films, tous en langue cantonaise et réalisés à Hong-Kong de 1941 à 1960. Bien que de nombreux occidentaux sachent que Bruce fut un enfant star, la carrière et les films datant de cette époque demeurent encore à ce jour fort peu connus et mal estimés. C'est ainsi que Bruce Thomas auteur de Fighting Spirit (probablement une des meilleures biographies du Petit Dragon), résume sa première carrière en moins d'une page et qu'un autre spécialiste commente sommairement cette période en relevant que le seul intérêt de ces films est la présence de Bruce Lee. Il faut tout de même dire qu’étant donnée la nature de ces films, qui consistent pour la plupart en des comédies ou des mélodrames en noir et blanc et très chinois dans l’esprit, le manque d'intérêt des fans de Bruce Lee maître martial est plutôt compréhensible. Ajouté au fait que ces films sont durs à trouver, de médiocre qualité filmique en plus d'être en piètre état de préservation de même que sans sous-titres et l'on comprend pourquoi on n'y a pas porté beaucoup d'attention. Du moins en occident. Une des seules choses que les nombreuses biographies et documentaires portant sur Bruce Lee semblent retenir de ces films est comment les petits gestes typiques de Lee (tel le fameux pincement de nez) et la personnalité furibonde de la star de kung fu se retrouvent déjà chez l'enfant acteur.
P a g e | 35
Le gavroche de Hong Kong, Wealth is Like A Dream, The Kid Selon Fighting Spirit la toute première apparition filmique de Bruce Lee serait dans une production intituler Golden Gate Girl alors qu'il n'avait que trois mois. Tourné à San Francisco (ville de naissance de Lee), le film voyait son père Lee Hoi Chuen, un acteur d'opéra et de film, porter dans ses bras une petite fille ! Cependant la véritable introduction de Bruce au cinéma se fit bien des années plus tard. On raconte en effet que c'est en rendant visite à son père sur un plateau de tournage qu'un réalisateur le remarqua et lui donna un petit rôle dans un film. Le premier film de Bruce est Wealth is Like A Dream / The Birth of Mankind datant de 1948 et réalisé par Yu Leung selon la HK Film Archive. Quoi qu'il en soit le petit Bruce y apparaissait comme un gamin de rue qui se bat avec un jeune cireur de chaussure. Il était alors âgé de six ans. À noter que le cireur de chaussure était joué par un autre enfant acteur Siu Kee Lun, plus tard connu sous le nom d’Unicorn Chan. Il allait devenir un grand ami de Bruce. Celui-ci chorégraphia le premier et unique film d’Unicorn par amitié, Fist of Unicorn. On ne peut pas dire que Bruce commença vraiment sa carrière d'enfant acteur à ce moment-là, car cette petite apparition n'étant après tout qu'un heureux incident de parcours. Son père était aussi au casting. Tout de même, cette apparition dut répandre le mot que le fils de Lee Hoi Chuen était un peu spécial. En 1950, Fung Fung un collègue comédien de Lee père, engagea Lee fils pour le rôle titre dans The Kid / My Son A-Chang. C'est dans ce film qu'il est crédité pour la première fois sous le nom de « Siu Lung » c'est-à-dire « Petit Dragon » en chinois, qui aurait été à l'origine un surnom affectueux donné par sa sœur cadette Agnès. C'est un nom qui était bien mérité car dans le film. Bruce jouait le rôle d'un gamin de rue aussi frondeur et espiègle qu'adorable. Un véritable gavroche chinois en somme. C'est la partie comique du film. Mais les touches mélodramatiques ne manquent pas car derrière cette façade turbulente de garnement se cache un orphelin en mal d'affection à la recherche d'un père et d'une famille. Le film connu un grand succès à Hong Kong et c'est ainsi que le Petit Dragon conquit pour la première fois le cœur des spectateurs hongkongais. Bien d'autres rôles d’orphelins aussi truculents qu'en manque d'amour allaient suivre par la suite.
Enfant acteur du cinéma cantonais Un acteur d’occasion L'industrie filmique hongkongaise de l’époque produisait des films familiaux à la chaîne et les enfants
P a g e | 36
acteurs étaient en grande demande. Certains étaient de véritables professionnels qui issus de milieux défavorisés travaillaient à plein temps pour faire vivre leur propre famille avec leur cachet. Ce n'était pas le cas de Bruce. Il ne semble avoir travaillé dans les films que de manière intermittente. En effet s’il fut plus actif en 1953 et 55 (apparaissant respectivement dans 5 et 6 films ces années-là) sa moyenne annuelle était tout de même que d'un ou deux films. Bruce Lee ne devait donc consacrer que quelques semaines voire quelques jours seulement chaque année à ses activités d'acteur. De plus si avec The Kid, le Petit Dragon s'est fait un nom il ne se semble pas par contre être devenu une vraie vedette comme par exemple Petrina Fung Bo Bo plus tard (fille de Fung Fung et surnommée à l'époque la « Shirley Temple du cinéma Hongkongais »). S’il jouait souvent un rôle important ou mémorable dans un film, Bruce Lee n'en n'était pas le personnage central. The Kid ne fut qu'une exception. La plupart de ses apparitions au cinéma consistaient soit en de petits rôles ou au mieux à des personnages secondaires. Bruce n'en n'a pas moins acquis une certaine reconnaissance populaire. Quand le grand maître de wing chun Yip Man l'accepta comme élève, c'est en partie parce qu'il espérait que la notoriété du jeune garçon allait générer quelques publicités et revenus pour son école de wing chung à Hong Kong. Bruce doit son accès à l'industrie du cinéma à son père Lee Hoi Chuen. Il est vraisemblable de penser qu'il a obtenu la plupart de ses rôles d'amis ou de relations de son père dans le milieu du cinéma. Il n'était pas le seul enfant d'acteur à se faire une petite carrière grâce à des liens familiaux fortuits. David Chiang, son frère Paul Chun, Connie Chan, Fung Bo Bo, son frère Fung Hak On et bien d'autres encore, étaient tous des enfants de la balle qui se firent un nom au cinéma dans leurs jeunes années.
Le cinéma hongkongais à la sauce cantonaise Suite aux conflits entre nationalistes et communistes en Chine continentale puis à la prise de pouvoir par les communistes, Hong Kong était devenu un véritable camp de réfugiés urbain au tournant des années 50. Dans cette colonie britannique des centaines de milliers de gens, la plupart déracinés, vivaient dans des conditions extrêmement précaires. C'est dans ce contexte que plusieurs genres se développèrent de manière particulière à l'intérieur du cinéma de langue cantonaise de Hong Kong. Si les films d'opéra ou d'arts martiaux se voulaient être des films d'évasions parfois ouvertement nostalgiques, le cinéma cantonais avait aussi ses pieds fermement implantés dans la réalité hongkongaise contemporaine à travers les genres du mélodrame et de la comédie (à la fois burlesque et satirique) reflétant d'une manière souvent acerbe certaines réalités sociale de l'époque. C'est dans ces genres que Bruce Lee apparaissait. Les productions cantonaises étaient la plupart du temps de
P a g e | 37
médiocre facture filmique mais ces lacunes étaient compensées pas une verve populaire inspirée et des acteurs au jeu expressif et bien senti, ce à quoi le Petit Dragon excellait. Mis à part les films d'opéra et les mélodrames, le cinéma cantonais était aussi très accès sur le cinéma d'art martiaux, qu’il s’agit de wuxiapian fantastiques, ou de récits tournant autour de héros martiaux folkloriques tel Fong Sai-yuk et bien sûr Wong Fei-hong. Le Petit Dragon n'est jamais lui-même apparu dans de tels films. Même s’il s'avéra être un adepte martial assidu et très doué, il garda cet aspect de sa vie séparé de sa première carrière au cinéma. Si son personnage se battait dans des films, ces batailles n'avaient rien de martial. Parce que son père était un acteur influent et parce qu'il travaillait dans le même milieu, Bruce avait une certaine familiarité avec ce genre de cinéma et ceux qui y jouaient. Lau Kar-leung par exemple a affirmé l'avoir très bien connu. Il lui aurait même enseigné quelques notions de Hung Gar (sa spécialité). Les films martiaux les plus populaires étaient bien sûr ceux de Wong Fei-hung mettant en vedette Kwan Tak Hing, une série qui insistait sur une représentation réaliste et authentique des arts martiaux. Pas d'effets spéciaux ou de surnaturel dans ces films. Même si la chorégraphie des combats tendait à être quelque peu théâtrale cette démarche pour une certaine authenticité n'en était pas moins assez unique à l'époque. Cette série peut avoir influencé Bruce Lee dans sa représentation plus authentique des arts martiaux à l'écran durant sa période kung fu.
D'enfant espiègle à adolescent troublé Le jeune Rebelle En passant de l'enfance à l'adolescence la nature des rôles de Bruce Lee évolua en conséquence. C'est ainsi que de petit gavroche il passa d'adolescent rebelle et incompris parfois même un peu voyou sur les bords. L'ironie de la chose veut que Bruce Lee ait été lui-même un adolescent turbulent et bagarreur qui forma son propre petit gang de jeunes batailleurs de rue. C'est probablement pour cela que Bruce faisait si vrai au cinéma. Il y jouait un peu son propre rôle. Ceci dit, malgré quelques changements apportés par la puberté, le personnage de Bruce adolescent demeura sensiblement le même que celui de l'enfance : celui d'un orphelin qui derrière son côté fanfaron et son attitude rétive recherche désespérément l'affection et la reconnaissance, surtout paternelle. Ceci lui conféra à l’écran une dimension véritablement tourmentée et tragique. Bruce Lee ne semble pas avoir eu de véritable formation d'acteur, aucune officielle en tout cas. Il apprit à jouer en observant d'autres acteurs ou en étant conseillé par eux. Un puissant charisme naturel, un jeu effervescent, un talent pour les mimiques expressives accrocheuses ajouté à un certain sens de
P a g e | 38
l'humour et une pointe de vulnérabilité, tout ces éléments entraient en jeu pour créer ses personnages souvent agressifs et déroutants mais très humains et sympathiques et souvent cocasse. Plus tard les personnages des kung fu de Bruce joueront sur à peu près les mêmes bases. A partir de 1954, Bruce s'initia à la danse chacha, participa à de nombreux concours et gagna plusieurs prix. Cette notoriété particulière l'amena à jouer un petit rôle dans Darling Girl où on le voit faire une petite démonstration de ses talents de danseurs. Dans le film, le personnage de Bruce s'esquive lorsqu'une bagarre menace d'éclater, mais dans la vraie vie, il ne refusait aucun défi et ne reculait devant aucune bagarre.
D’orphelin à exilé Le dernier film cantonais de Bruce Lee fut The Orphan (1960, son 23ème film). Dans celui-ci, il reprenait une fois de plus son personnage troublé et incompris. Mais cette fois-ci le Petit Dragon n'était plus un adolescent mais un jeune homme. Il ne jouait pas non plus un rôle secondaire mais un rôle central comme dans The Kid et il y donna une superbe interprétation. The Orphan connut un vif succès et plusieurs personnes croyaient que Bruce était à l’aube d'une grande carrière au cinéma. Un certain Chang Cheh ayant vu le film recommanda à ses employeurs de la Shaw Brothers, déjà à l'époque un des plus grosses compagnies de cinéma de Hong-Kong, de mettre le jeune Lee Siu Lung sous contrat. On peut difficilement imaginer comment l'histoire non seulement de Bruce Lee mais de tout le cinéma de Hong-Kong aurait été différente si le Petit Dragon était devenu une star de la Shaw Brothers découvert par Chang Cheh. Pas de Jeet Kune Do, par exemple, l'art martial que Bruce développa en Amérique. Et un cinéma martial hongkongais qui aurait certainement évolué de manière fort différente. Mais le sort aura voulu qu'au lieu de signer un contrat et de devenir une grande vedette de la Shaw, Bruce s'exila de Hong Kong pour trouver sa destinée en Amérique. Il s'était attiré beaucoup d'ennuis en se battant dans les rues. Jusqu'alors le fait qu'il soit mineur et la respectabilité de sa famille l'avaient protégé des autorités. Approchant la majorité il ne bénéficierait plus de pareille protection. Si Bruce aurait pu devenir une star à ce moment-là, il courait tout autant sinon davantage le risque de finir en prison. En fait, Bruce voulait accepter l'offre des Shaw, mais sa mère le convainquit qu'il valait mieux qu'il quitte Hong Kong et refasse sa vie ailleurs… aux États-Unis. Né à San Francisco, Bruce pouvait légalement vivre en Amérique. Bruce Lee quitta donc Hong Kong en avril 1959, laissant derrière sa vie d'acteur pour se concentrer une fois arrivé en Amérique à ses études secondaires puis universitaires, de même qu’aux arts martiaux. Il développa ses capacités et enseigna le kung fu à d'autres. Il ne revint devant les caméras que presque six années plus tard pour la série télé Le Frelon Vert/The Green Hornet jouant un personnage tout à fait différent de celui qu'il
P a g e | 39
avait joué dans le cinéma cantonais.
Le retour du Petit Dragon Retour à HK Quelques années plus tard, la série The Green Hornet fut exportée à Hong Kong sous un nouveau titre « The Kato Show » du nom du personnage, Kato, joué par Bruce. Les spectateurs hongkongais eurent alors la surprise de découvrir que le Petit Dragon, maintenant pleinement adulte, était devenu une star en Amérique et qu'il faisait de l'excellent kung fu, ce qui ne leur avait jamais été révélé auparavant. Lorsque Bruce Lee visita sa ville natale en 1970, se fut à son tour de découvrir que loin d'être oublié après plus d'une décennie, il était devenu une célébrité locale. Il chercha à profiter de cet engouement pour relancer sa carrière d'acteur en Asie en approchant le studio qui lui avait fait une offre dix années plus tôt, la Shaw Brothers. Cette initiative s'étant avérée infructueuse, Bruce signa à la place avec la Golden Harvest et commença à tourner The Big Boss en juillet 71. En fait, le personnage que jouait Bruce dans ce film était assez similaire à ceux qu'il avait joués dans son adolescence et incorporait même certains éléments de sa vie. Ainsi le Petit Dragon joue un batailleur de rue qui doit s'exiler de sa terre natale pour refaire sa vie ailleurs. Nul doute que pour les spectateurs hongkongais qui avaient vu la première période de la carrière filmique de Bruce Lee, le film aurait tout aussi bien put s'appeler « le Retour de Petit Dragon », puisqu'il y incarnait un peu ce même personnage de son adolescence, impétueux et troublé mais aussi vulnérable et sympathique. Sauf que maintenant il faisait du kung fu et que ses problèmes, il les réglait avec les poings et avec un panache qui n'avait jamais été vu auparavant dans le cinéma martial. Si les principaux attraits du film sont Bruce et son kung-fu, le fait que celui-ci était déjà pour une partie du public une sorte de fils prodigue revenant au pays a dû quand même beaucoup jouer en sa faveur.
Petit Dragon forever Le deuxième et le troisième film de kung fu de Bruce Lee évoquèrent aussi ses anciens rôles du cinéma cantonais mais chacun de façons différentes. Dans la Fureur de vaincre, le Petit Dragon pousse son personnage furibond et tourmenté à son paroxysme, aboutissant dans le fameux dernier plan à une apothéose suicidaire. Ce sera la dernière fois que Bruce Lee jouera vraiment ce type de personnages qui dans ses ultimes retranchements poussaient ses limites. Pour La Fureur du Dragon par contre, il renoue avec la verve frondeuse comique de son gavroche de Hong Kong en jouant les fanfarons de province. En somme, on peut dire que s'il s'avère héroïque,
P a g e | 40
tragique ou comique le personnage de Bruce Lee dans ses films de kung fu est en grande partie un prolongement des rôles clés qu'il avait joué dans sa jeunesse. Bien sûr, maintenant il maîtrise les arts martiaux. Le héros kung fu de Bruce Lee qui n'a aucune ressemblance avec ses anciens personnages cantonais est bien évidemment celui de son film américain Opération Dragon. Dans ce film il concède à la perception occidentale des asiatiques et il joue les chinois inscrutables et mystérieux. Le public hongkongais n'y a pas reconnu le Petit Dragon et a d'ailleurs un peu boudé le film qui a connu un succès moindre que les précédents films de Lee. Bruce Lee meurt en juillet 73. Neuf années plus tard Ng See Yuen, le Roger Corman de Hong Kong, réalise Games of Death II en utilisant des chutes d’Opération Dragon. Une version du film montre aussi quelques petits extraits des vieux films cantonais de Bruce Lee, en gavroche espiègle puis en adolescent troublé. C'est le seul coup d'œil direct à la première période de la carrière de Bruce Lee au cinéma jamais montré dans un film de kung fu. Comme mentionner plus tôt, ce que les documentaires portant sur Bruce Lee retiennent surtout c'est un gamin qui ressemble déjà à la future star de kung fu dans sa gestuelle et ses expressions. C'est une façon de voir les choses. L'autre façon serait aussi de dire que son personnage de maître de kung fu est en quelque sorte un prolongement de ses personnages de jeunesse. Retenons aussi que lorsque Bruce Lee est devenu roi du kung fu, il était un illustre inconnu sorti de nulle part en occident. A Hong Kong, il était déjà très connu et cette familiarité était autant au cœur de sa popularité que son éblouissante maîtrise des arts martiaux.
Notes et Sources Bien que la plupart des vieux films de Bruce Lee soit difficilement trouvables, certains même probablement perdus, quelques uns ont été réédités en VCD, notamment In the Grace of Demolition, Thunderstorm et A Myriad Home. Il existe même une édition intitulée The Naive Childhood Memorizing Bruce Lee's Childhood In Movie qui réunit trois de ses films sur six VCD : The Kid, Guiding Light et An Orphan Tragedy. Sources et références : Livres: Bruce Lee Fighting Dragon de Bruce Thomas Bruce Lee the Untold Story. (une publication de CFW Entreprise)
P a g e | 41
Hong Kong Action Cinema de par Bey Logan. Hong-Kong The Extra Dimension de Stephan Teo. Vidéos : The Curse of The Dragon / La Malédiction du Dragon (Warner Bros) The Game of Death II (DVD Édition Hong Kong Legend).
P a g e | 42
P a g e | 43
Nostalgie d’une Légende, Bruce Lee a 70 ans, au 34ème HKIFF en 2010
Par Arnaud Lanuque (publié en mai 2010) Parmi les nombreux films proposés par le Festival International du Film de Hong Kong (HKIFF) en mars 2010, on trouvait une rétrospective consacrée à Bruce Lee. Organisée pour son 70ème anniversaire, elle était l’occasion de revoir dans les meilleures conditions les films qui ont fondé sa légende et de réfléchir à l’influence de la star dans le contexte actuel.
Un nouveau regard sur Bruce Lee
Outre les incontournables longs métrages qui ont consacré l’acteur comme une star du Kung Fu, le festival projetait quatre films de la première partie de carrière du Petit Dragon, quand celui-ci était encore enfant. Une opportunité bienvenue non seulement parce que cette facette de sa filmographie est mal connue mais aussi parce que les films cantonais de cette période sont difficiles à voir (excepté tard le soir sur certaines chaines hongkongaises). Les quatre titres en question étaient The Kid (1950) de Fung Fung (le père de Fung Hak On et Petrina Fung Bo Bo), In the Face of Demolition (1953) de Lee Tit, The Thunderstorm (1957) de Ng Wui et The Orphan (1960) de Lee Sun Fung. D’un point de vue cinématographique, leur intérêt varie considérablement. The Kid présente ainsi une mise en scène quasi inexistante (on est en face à du théâtre filmé) et un scénario extrêmement simple. In the Face of Demolition et The Thunderstorm montrent de nets progrès dans ce dernier domaine mais conservent des réalisations rudimentaires. L’intérêt principal est donc essentiellement historique. Voir ces films permet de mieux saisir l’évolution qu’a connue le cinéma local et quelles étaient les préoccupations de l’époque. Et c’est également l’occasion de découvrir un Bruce Lee tout jeune, de ses 10 ans à ses 20 ans. Une
P a g e | 44
période pendant laquelle le garçon aura travaillé sur pas moins de 17 productions ! Pour les amateurs du Petit Dragon, ces films sont un peu le chaînon manquant de sa carrière. Ceux qui permettent de mieux comprendre son succès futur. Car dès ses débuts, on est frappé par le charisme de l’enfant, son naturel et par la présence de certaines des mimiques qui deviendront sa marque de fabrique (mâchoire contractée, passage du pouce sur le nez). Tout était déjà là à l’époque. Ne manquait que le kung fu pour que le fils de Lee Hoi Chuen devienne la star martiale que l’on connaîtra. On sent d’ailleurs déjà une certaine propension à chercher la bagarre chez le jeune garçon… On peut se demander si ces différents traits tenaient davantage aux rôles qu’on lui donnait ou bien correspondaient à la personnalité profonde de Bruce Lee. La répétition de ces attitudes de films en films, les contraintes de production de l’époque (les longs métrages étaient tournés en quelques jours et la direction d’acteur limitée) laissent à penser qu’il s’agissait bien d’attitudes naturelles chez le futur maître de Jeet Kune Do. Les découvrir ne pourra que fasciner les fans de l’acteur et leur permettra d’appréhender de manière plus complète la personnalité de leur idole. A noter que, pour ceux qui sont désespérés à l’idée de voir le jeune Lee Siu Lung/ Bruce Lee, des extraits de ces films de jeunesse sont présents dans deux œuvres de Brucexploitation, The Real Bruce Lee et Fist of Fear, Touch of Death. Dommage que pour ce dernier, les producteurs américains aient redoublés les dialogues pour faire passer le mélodrame cantonais pour une histoire à la Karaté Kid. On peut se reporter également au dossier d'Yves Gendron « Quand Le Dragon Etait Petit », pour un regard historique sur les films du jeune Bruce Lee.
Lo Wei et Bruce Lee Après s’être fait un nom dans le cinéma cantonais des années 50, Bruce Lee partit de la colonie britannique pour s’installer aux Etats-Unis. Là, il perfectionna ses compétences martiales, rencontra sa femme et tenta de faire carrière à Hollywood. Face aux nombreux obstacles qu’il rencontra dans l’industrie du cinéma et de la télévision Américaine, il finit par repartir à Hong Kong et, après avoir été en tractation avec les deux studios majeurs de la colonie, la Shaw Brothers de Run Run Shaw et la Golden Harvest de Raymond Chow, il rejoint les rangs de la jeune firme de Chow.
The Big Boss En 1971, le retour du fils prodigue au pays se fait avec The Big Boss. Le film est confié à Lo Wei, considéré comme un des grands talents du studio, et est produit conformément aux standards du moment du studio (tournage en Thaïlande destiné à réduire les coûts). The Big Boss est un film au
P a g e | 45
croisement de deux époques. D’un coté, on a Lo Wei, un metteur en scène qui a commencé sa carrière derrière la caméra en 1953. Héritier de cette époque, il poursuit dans la même voie via une mise en scène spartiate et des thèmes de lutte des classes (l’exploitation des ouvriers par le méchant patron). De l’autre, on a Bruce Lee. Bien qu’il ait commencé sa carrière dans l’industrie autour de la même période que Lo Wei, l’acteur martial est nettement plus jeune, obsédé par sa philosophie des arts martiaux et sa vie aux USA. Les deux hommes ont également de gros égos. Lo, le traditionnel, et Bruce, l’iconoclaste, ne pouvaient que s’opposer. Mais après avoir quitté l’industrie pendant plus de 10 ans et en dépit de son apparent succès aux USA (sa participation à la série TV Le Frelon Vert a fait beaucoup parler de lui, en dépit de son rôle secondaire et des autres échecs qu’il a connus outre Pacifique), Lee n’a pas le pouvoir nécessaire pour imposer ses idées au metteur en scène et à son chorégraphe (Han Ying Chieh, lui aussi représentant de la vieille école de l’action). The Big Boss est donc avant tout un film de Lo Wei. Le Petit Dragon sait toutefois utiliser son charisme naturel et son incontestable habileté martiale pour ramener le film à sa personne. Et c’est bien sa présence, sa fluidité dans l’action qui impressionnent, bien plus que le scénario (écrit par Lo) ou la mise en scène. Le film est un énorme triomphe, engrangeant plus de 3 millions de dollars HK de recette dans la colonie. Il confirme le statut de super star de Bruce Lee ainsi que la place proéminente des acteurs sur les actrices, et l’attraction sur le public du kung fu sur le grand écran. Deux tendances nouvelles qui avaient été amorcées par d’autres « rebelles » : Chang Cheh et Jimmy Wang Yu.
Fist of Fury Logiquement, le duo Lo/Lee fut reformé pour un deuxième film. Fist of Fury est donc à nouveau une œuvre bicéphale. Les thèmes nationalistes, le choix du lieu de l’action (Shanghai) rappelle un cinéma d’une autre Chine et d’une autre époque. Mais malgré leur coté daté, Lo Wei, en vieux routier de l’industrie sait qu’ils sont toujours de nature à séduire le public hongkongais. Ce nationalisme deviendra d’ailleurs une partie intégrante de l’image du Petit Dragon, repris abondamment dans les films de Brucexploitation qui suivront sa mort. Lee lui-même n’hésitera pas à en jouer en fonction du public visé. Grâce au succès de The Big Boss, Bruce Lee put imposer davantage ses idées sur ce second film. L’acteur était particulièrement critique envers le cinéma hongkongais, aussi bien celui du passé (qu’il avait connu de l’intérieur) que son contemporain. Lee appelait à davantage de subtilité chez les acteurs et les scénarios ainsi qu’à plus de réalisme dans l’action. A revoir Fist of Fury, on sent bien une timide tentative dans cette direction. La présence de séquences comiques participe de cette dynamique tout comme le combat contre Robert Baker (authentique disciple de la star). Pour autant, l’approche bien différente du metteur en scène et de sa star aboutit à d’importants conflits
P a g e | 46
entre les deux hommes. Et si The Big Boss était 75 % Lo et 25% Lee, Fist of Fury est davantage une (difficile) collaboration équilibrée.
Bruce Lee libéré Le nouveau succès de Fist of Fury permit enfin à Bruce Lee d’obtenir le contrôle total sur la production suivante. Way of the Dragon, réalisé par lui-même, est donc l’occasion de mettre en forme ses ambitions. Le résultat n’est pourtant pas aussi novateur que ce que Lee semblait promettre… C’est du côté de l’action que la star a le plus l’occasion de s’exprimer. Logiquement, il situe son film dans un contexte contemporain, seul à même de lui donner la possibilité d’exprimer ses idées martiales novatrices. Il se crée ainsi de nombreuses opportunités de mettre en valeur son style martial hybride fait d’un mélange de différents arts (Wing Chun, Boxe Anglaise, Tae Kwon Do…). Le résultat est indéniablement plus réaliste que la plupart des autres films hongkongais de la période (eux-même souvent situés dans le passé) bien que la star conserve certaines figures spectaculaires à son répertoire (abondance de coups de pieds). Ses chorégraphies font preuve de sobriété, privilégiant l’impact à l’esthétique. Mais son entreprise trahit également un autre dessein, celui de sa propre gloire. Déjà présent dans les films de Lo Wei, cette volonté est partout dans Way of the Dragon. Lee occupe quasiment chaque plan, tout tourne autour de lui et ses adversaires sont forcément très inférieurs. Même le rapport à Colt (Chuck Norris) trahit cette ambition. Bien que le personnage soit traité comme un quasi égal, son physique, son style de combat ne font à aucun moment de l’ombre au Petit Dragon. La star aurait dû se concentrer davantage sur son scénario plutôt que sa propre personne. Car pour le reste, Way of the Dragon n’a rien de si différent du tout venant de la production de l’époque. La subtilité tant annoncée n’est certainement pas présente dans les nombreuses séquences comiques ou dans le personnage homosexuel joué par Paul Wei Ping Ao. De même, le personnage de héros chinois opposé aux étrangers (occidentaux ou asiatiques) est une figure classique du cinéma hongkongais de l’époque.
Enter the Dragon Il est difficile de dire si Lee était sincère dans ses intentions par rapport au cinéma qui l’avait consacré star à deux reprises ou si il le voyait avant tout comme un tremplin pour Hollywood. La mise en chantier d’Enter the Dragon / Opération Dragon en 1973 le rapprochait en tout cas un peu plus de ce dernier objectif. Cette co-production Golden Harvest/Warner Brothers est un retour au compromis
P a g e | 47
pour Lee. Cette fois, il doit composer avec Robert Clouse et les executifs du studio Américain. A nouveau, le résultat est donc hybride. Le côté américain amène avec lui une intrigue à la James Bond, la présence de deux héros susceptibles de convenir mieux à leur public (John Saxon pour les blancs, Jim Kelly pour les noirs) et un savoir faire technique (surtout en matière de post production). Le côté hongkongais prenait en charge une bonne partie de l’action, les lieux de tournage et le reste du casting. Eu égard à ces conditions de production inédites à Hong Kong, Enter the Dragon s’en sort bien en atteignant ses objectifs principaux : Faire découvrir le kung ku et Bruce Lee à un public peu familier du genre. Lee parvient à intégrer certaines de ses idées dans le film (la discussion avec le moine Shaolin) et maintient une bonne qualité chorégraphique en dépit de la présence perturbante de Robert Clouse. La scène finale qui voit Lee affronter Sek Kin, le spécialiste des rôles de méchants dans le cinéma cantonais des années 50-60, dans une salle remplie de miroirs demeure une référence qui inspirera d’autres cinéastes (voir Karate For Life avec Sonny Chiba entre autres). Ceux qui connaissent bien la star et s’attendent à un film tout entier construit à sa gloire en seront toutefois pour leurs frais. Devant partager le métrage avec ses deux co-stars, il ne peut imposer sa présence comme dans les films précédents. Son charisme n’a cependant pas de difficulté à surpasser celui des acteurs américains. Et un peu comme pour The Big Boss, ce sont bien les moments où il est à l’écran qui s’avèrent les plus marquants.
Brucexploitation La mort de Bruce Lee en 1973 n’interrompit pas la gloire naissante de la star à l’international. Au contraire, elle la renforça. Il devint une légende. Nombreux furent les producteurs à profiter de ce phénomène pour produire des films liés à la star (suite supposée de ses films de kung fu ou inspirés de ses succès avec un acteur aussi ressemblant que possible). Cette authentique « Brucexploitation » ne laissa pas indifférent la Golden Harvest. Et pour cause, le studio disposait dans ses coffres de plus de 40 minutes de combats que Bruce avait tournés pour les besoins de son Game of Death / Le Jeu de la mort. Un véritable trésor que Raymond Chow et les siens ne pouvaient ignorer. Un nouveau film fut donc mis en chantier, légitimant ainsi après coup la pratique de la Brucexploitation. Alors que le plus logique eut été de reprendre le scénario original laissé par Lee (même si incomplet), il fut décidé qu’une histoire complètement originale serait créée afin d’intégrer lesdites scènes. 18 mois de travail aboutirent à cet étrange résultat qui voit l’acteur Billy Lo feindre sa mort pour mieux
P a g e | 48
pouvoir enquêter sur un syndicat du crime. Bien conscient que le film marchera à Hong Kong mais aussi dans le monde entier, la Golden Harvest fait de son mieux pour donner un cachet international à l’œuvre. Un domaine dans lequel elle n’était pas novice ayant déjà tenté l’expérience sur des longs métrages comme Stoner. Mais le recours à Robert Clouse ou des acteurs comme Mel Novak n’aide pas vraiment à hausser le niveau de l’œuvre. Pire encore, l’utilisation de doublures de toute sorte destinées à nous faire croire qu’on est en présence du vrai Bruce Lee rend quasi impossible la prise au sérieux de ce Game of Death. De ce marasme général, seuls surnagent la musique de John Barry, les chorégraphies de Sammo Hung et les authentiques séquences tournées par le Petit Dragon. Mais même là, le travail a été bâclé, lesdites séquences ayant été remontées et de nombreux moments de qualité expurgés. Un travail qui résume bien l’esprit dans lequel ce Game of Death a été fait.
L’après Bruce Lee / influences Partout à travers le monde, Bruce Lee est une personnalité connue et reconnue, une icône du cinéma et des arts martiaux. Son image se retrouve sur un nombre incalculable d’objets et vêtements. Cette gloire, il la doit aux films qu’il a faits à Hong Kong. Régulièrement diffusés sur les télévisions du monde entier, faisant l’objet de nombreuses rétrospectives au cinéma et toujours attendus ardemment par les fans quand ils sortent dans un nouveau format vidéo. Ces films assurent la continuation du culte de la star à travers le monde. Hollywood réagit avec retard quand à l’utilisation de Bruce Lee mais se rattrapa partiellement par la suite. Quelques films de Brucexploitation furent faits quand la mode était au plus haut. En 1973, l’usine à rêves américaine sortit à grand renfort de promotion une nouvelle biographie filmée de la vie de la star disparue, "Dragon a Bruce Lee Story" (le sujet avait déjà été utilisé par quelques Brucexploitation des années 70). Bien que le film privilégie le mythe et fasse quelques réécritures douteuses, le résultat fut suffisamment réussi pour contribuer à la perpétuation du statut quasi légendaire de la star. Encore plus tragique, le décès accidentel de son fils Brandon Lee sur le tournage de The Crow (dans les années 1990) ne manqua pas d’exciter les imaginations quand à la « malédiction des Lee ». Contrairement à beaucoup d’acteurs de films de kung fu de l’époque, Lee était également un authentique maître d’arts martiaux. Formé au Wing Chun, il avait fondé son propre style à partir de la fin des années 50, le Jun Fan Kung Fu, variation personnalisée du Wing Chun. Au milieu des années 60, il créa le Jeet Kune Do. Lee se basa sur ses connaissances en Wing Chun auquel il ajouta des techniques tirés d’autres arts martiaux aussi variés que la boxe Anglaise et le judo dans un processus destiné à valoriser l’efficacité et l’adaptabilité. A sa mort, plusieurs de ses disciples cherchèrent à poursuivre son enseignement. Comme souvent dans le monde des arts martiaux, ils se déchirèrent
P a g e | 49
quand aux méthodes à adopter et quels objectifs précis poursuivre. Le Jeet Kune Do moderne connaît donc différentes branches en fonction de ses instructeurs. Quoiqu’il en soit, la popularité de son créateur a garanti à l’art martial une énorme publicité et celui-ci est désormais bien implanté de nombreux pays à travers le monde. Un des récents développements qu’a connu le monde des arts martiaux est le Mixed Martial Arts (MMA ou combat libre). Un style hybride mélangeant boxe pieds poings, lutte et techniques de soumission. Originellement créé sous la forme de compétitions afin de voir quels styles étaient vraiment les meilleurs dans des situations de combats réels (ou aussi proches que possibles), le MMA a évolué pour devenir un style propre. La recherche d’efficacité, l’utilisation de techniques dérivées de différents arts martiaux se rapproche des concepts développés par Bruce Lee. Dana White, le président de l’Ultimate Fighting Championship (UFC), la plus grosse organisation de compétitions de MMA à ce jour, ne se prive d’ailleurs pas de revendiquer cet héritage. L’influence de Bruce Lee sur le cinéma de Hong Kong a été d’abord importante mais s’est diluée avec le temps. Le second succès de Lee a entériné la popularité des films de kung fu et permis la production de nombreux films de genre. Ces films ont du s’aligner sur les standards de qualité supérieurs en matière d’action qu’avaient imposés le Petit Dragon. Mais réalisateurs et chorégraphes locaux les ont bien vite dépassés. A ce titre, Lee a été un échelon important mais passager dans un processus évolutif constant. Son importance est nettement plus marquée du point de vue de l’impact international des productions hongkongaises. Même si le cinéma de Hong Kong, et plus particulièrement le kung fu, se vendait à l’étranger, c’est Bruce Lee qui l’a fait exploser à travers le monde. Les marchés hors Asie sont ainsi devenus des sources de revenus non négligeables pour les studios de Hong Kong. La vague de Brucexploitation qui suivit sa mort fit d’ailleurs bien plus recette hors de Hong Kong qu’au sein de la colonie. Aujourd’hui encore, les œuvres estampillées « Bruce Lee » en provenance de Hong Kong ou de Chine continuent à attirer l’attention des très nombreux fans étrangers de la star. Ainsi, la sortie de l’intégralité (ou quasi intégralité) des séquences tournées par Lee pour son Game of Death a fait beaucoup parler. De même, la récente série Chinoise racontant la vie de la star avec Danny Chan en vedette (The Legend Of Bruce Lee, 2007) a suscité beaucoup d’intérêt chez un public pourtant bien peu intéressé quand à ce type de medium (étrangement, ils sont complètement passés à coté d’une autre série TV, hongkongaise cette fois, sur le même sujet avec David Ng et Lau Kar Leung). Dans le cinéma hongkongais de ces dernières années, Bruce Lee demeure une présence récurrente. Beaucoup de ses apparitions se font dans un cadre comique, que ce soit à titre de caméos rigolos
P a g e | 50
(Boys Are Easy…) ou comme base de scénarios parodiques (Fist of Fury 1991 1 et 2, Legend of the Dragon, Spirit of the Dragon…). L’autre domaine dans lequel son influence demeure importante, c’est logiquement dans le cadre des films de kung fu. Chaque nouvelle star de l’action martiale est inévitablement comparée au Petit Dragon. Si certains ont cherché à y échapper à tout prix (Jackie Chan), d’autres ont accepté de se frotter directement au mythe. C’est le cas de Sammo Hung dans Enter the Fat Dragon (une des Brucexploitation les plus réussies) et Skinny Tiger & Fatty Dragon (où Sammo refait les chorégraphies d’Enter the Dragon), de Jet Li avec Born To Defend (aux thèmes et chorégraphies proches de Fist of Fury et Way of the Dragon) et Fist of Legend (remake de Fist of Fury) ou encore Donnie Yen avec sa série télé Fist of Fury. Preuve s’il en est que dans beaucoup d’esprits, Lee demeure la référence en matière de talents martiaux et de films de kung fu. Le récent succès des Ip Man avec Donnie Yen (le deuxième volet s’achève avec la rencontre entre un jeune Bruce Lee et le maître de Wing Chun) semble appeler à ce que d’autres films tournant autour de la star ou inspiré par son héritage soit toujours produits à Hong Kong et en Chine. A Hong Kong même, dans les rues de la ville, le Petit Dragon est également une présence familière. La star s’est transformée en une icône de la culture populaire. Les références à sa personne abondent à travers la ville. La statue de cire du maître martial trône en bonne place à l’entrée du musée de Mme Tussaud sur le Peak et attirent toujours de nombreuses personnes motivées à l’idée de prendre une photo en compagnie de la légende. Sur l’avenue des stars de TsimShaTsui, c’est à nouveau une statue en bronze de Lee qui domine l’endroit. Dans les nombreuses publicités qui inondent la cité, Bruce Lee est une figure récurrente. Pour autant, cette présence n’a pas donné naissance à de véritables endroits consacrés entièrement à la star. Il y eut bien un temps un "Bruce Lee Café" dirigé par Jon Benn, le chef du crime de Way of the Dragon, mais celui-ci a fini par fermer ses portes. L’exposition organisée par le festival HKIFF dans le cadre de la rétrospective consacrée à Lee et à laquelle participaient sa veuve, Linda Lee, et sa fille, Shannon Lee, a pourtant attiré un bon nombre de curieux, fascinés par le mythe Bruce Lee. Preuve s’il en est que son nom est toujours susceptible d’appâter un large public. L’exposition permettait de découvrir de nombreuses photos du Petit Dragon ainsi que certains objets personnels (casque de protection pour le sparring, lunettes de soleil…). Quelques mois avant que l’exposition n’ait lieu, il avait d’ailleurs été annoncé la création d’un musée consacré au Petit Dragon à HK [un musée en Chine Continentale serait en construction]. Une idée qui avait fait l’objet de nombreuses discussions mais n’avait jamais abouti à quoi que ce soit de concret jusque là. Le musée verrait le jour dans ce qui était la dernière résidence de Lee, devenu depuis un hôtel de passe ! Un concours d’architecture a été organisé et des fonds en cours de constitution pour
P a g e | 51
pouvoir mettre en œuvre le projet. Celui-ci, à l’heure où nous écrivons ces lignes, n’a toujours pas commencé. Illustration de la double nationalité de la star disparue, aussi bien réelle que symbolique, un musée est également en cours d’élaboration à Seattle aux Etats-Unis, ville où il fit ses études et rencontra son épouse. La présence du Petit Dragon au sein de la ville de Hong Kong qui lui a donné la gloire n’est pas près de disparaître.
P a g e | 52
P a g e | 53
Autres films de Bruce Lee The Green Hornet / Le Frelon vert, 1966 Britt Reid (Van Williams), à la tête d'un journal et journaliste lui-même, combat le crime sous le masque du Frelon vert, accompagné de son valet-chauffeur Kato (Bruce Lee) et de sa secrétaire Lenore "Casey" Case (Wende Wagner). S'ils sont redoutés par les bandits, le public et la police les considèrent eux-aussi comme des criminels... Le 2 août 1964, Ed Parker, un des pionniers du karaté Américain qui avait pour élèves de grandes stars telles qu’Elvis Presley, invite Bruce Lee pour effectuer une démonstration d’arts martiaux au tournoi de Long Beach à Los Angeles. Lors de cette démo, Bruce a pour partenaire Robert Baker (qui sera sept ans plus tard son adversaire dans La Fureur de vaincre). La démonstration de Bruce Lee est très impressionnante. D’un coup de poing dans la poitrine, il projette violemment Robert Baker en arrière. Ed Parker prend soin de filmer la scène qu’il confie à Say Sebring qui est à l’époque le coiffeur du tout Hollywood. L’un de ses clients, William Dozier, producteur à qui l’on doit entre autre la célèbre série Batman, découvre le film. Il est justement à la recherche d’un expert en arts martiaux pour jouer le fils de Charlie Chan (héros asiatique de films et de séries télévisées américaines) dans le téléfilm Number one son. Impressionné par Bruce Lee, il décide de lui proposer le rôle. Bruce Lee accepte et en février 1965, peu à près la naissance de son fils Brandon, il s’installe avec sa famille à Los Angeles. Pendant un mois, il suit des cours de comédie au sein du studio Fox. Mais le Petit Dragon ne tarde pas à apprendre que le projet est annulé. William Dozier décide alors de créer une autre série télé, Le Frelon vert (Green Hornet) qui, sur le même modèle que Batman ou Les Mystères de l’Ouest (Wild Wild West), met en scène deux héros, deux justiciers (parfois masqués) qui combattent le crime. Le tournage de la série débute en juin 1966 dans les studios de la Fox : Bruce Lee incarne Kato, le chauffeur de Britt Reed, rédacteur en chef du journal Daily Sentinel. Durant la nuit, Britt Reed est le Frelon vert, célèbre justicier qui accompagné de son chauffeur combat le crime. Ce dernier est un expert en arts martiaux. La série est diffusée à partir de la mi-septembre 1966 mais c’est un échec critique et public. Le tournage s'arrêtera donc au bout de 24 épisodes à la fin de la même année. Il manque au Frelon vert la touche de folie et le second degré que l’on pouvait trouver dans des séries comme Batman, et c’est ce qui fait son principal défaut. Les personnages sont trop lisses, sans saveur, les intrigues trop primaires, sans la moindre originalité et les scènes de combats, pour la plupart, manquent de punch. La série est complètement éclipsée par les autres feuilletons de l’époque. Néanmoins, c’est dans Le Frelon vert que l’on peut voir, pour la première fois, Bruce Lee utiliser un
P a g e | 54
nunchaku, et cette série sera cruciale pour sa carrière car elle fera un carton en Asie où elle sera diffusé sous le titre « The Kato show ». Grâce à ce feuilleton, Raymond Chow découvrira le Petit Dragon et décidera de travailler avec lui. Aujourd’hui, la série Le Frelon vert a (à juste titre) complètement sombré dans l’oubli. Denis Gueylard 11/16/2005 Notes sur la série : - Deux longs métrages vidéo ont été réalisés à partir d'épisodes de la série : -- Le Retour du Dragon (titre de l'édition en VHS) / Le Frelon Vert (titre de l'édition DVD) (Kato And The Green Hornet), composé de trois épisodes. -- La Revanche du Dragon / La Revanche du Frelon Vert (Fury Of The Dragon / Green Hornet 2), composé de quatre épisodes. - L’éditeur René Château, celui qui nous fera découvrir Bruce Lee en France, sortira sous le titre Le Retour du dragon, trois épisodes de la série ainsi qu’un documentaire intéressant sur Bruce Lee. Le troisième épisode sélectionné est l’un des meilleurs de la série car lors du final Bruce Lee affronte Mako (acteur asiatique qui a joué dans un grand nombre de films Américains, Le Chinois, L’Arme parfaite…). - La série a été diffusée en France sur Canal +, M6 et Canal Jimmy. - Le tournage de la série a débuté le 6 juin 1966 par l'épisode "Progammed For Death" et s'est achevé le 19 janvier 1967.
The Game Of Death / Le Jeu de la mort, 1978 Dans le film, Bruce Lee refuse de collaborer avec les triades et fait croire à sa propre mort afin d'enquêter librement... Artistiquement, The Game Of Death est un film malade, un pur produit marketing destiné à capitaliser un maximum sur l'image de Bruce Lee. Un peu d'histoire : nous sommes en 1973, Bruce Lee prépare son quatrième film, une histoire de chasse au trésor conservé dans une pagode gardée par de redoutables artistes martiaux qu'il devra affronter un à un. Il en a écrit le scénario et a commencé à tourner quelques scènes de combat (celles de la pagode, avec son ami intime Dan Inosanto, son ancien élève Kareem Abdul Jabaar et Chi Hon Joy). Pendant ce temps, son rêve devient réalité : la Warner Brothers le contacte et lui propose de tourner son premier film américain (une coproduction avec sa propre société, Concord, sous l'égide de la Golden Harvest). Il abandonne tout et se rend aux Etats-Unis. Il décèdera avant d'avoir pu voir
P a g e | 55
achevé Enter The Dragon et reprendre le tournage de The Game Of Death. L'engouement pour le "Petit Dragon" est mondial, ses films deviennent des succès internationaux et Raymond Chow, cinq ans après sa mort, décide d'utiliser les quelques 20 minutes de pellicule de The Game Of Death tournées par Bruce Lee pour en faire un long métrage. Le scénario n'a plus rien à voir avec l'original (même si Bruce Lee est toujours crédité en tant que scénariste) et il doit maintenant permettre à une autre personne de reprendre le rôle du Petit Dragon sans que le spectateur ne s'en aperçoive (trop !). Alors, le héros, Bruce Lee, traqué par des méchants, devra passer les quatre cinquièmes du film affublé de postiches pour ne pas être reconu par ceux-ci. Le reste du temps, on pourra le voir de dos ou dans des plans d'insert de ses autres films (superbes faux raccords où Bruce Lee a la chemise bleue de The Way Of The Dragon de face puis, de dos, une chemise grise, ou où il est devant les murs d'une pièce grise de face puis d'une pièce marron, de dos...). Raymond Chow a choisi Casanova Wong (un bon artiste martial, du reste, The Iron Fisted Monk, Duel To The Death) pour prendre sa place et il apparaît bien vite qu'il n'a pas la même rapidité que l'original et, surtout... le même profil ! Heureusement, durant les scènes de combat, il est assez difficile de bien voir les traits de son visage. Yuen Biao a lui aussi joué le rôle de Bruce Lee dans quelques séquences. The Game Of Death est donc un film mort-né, dès le départ de Bruce Lee pour les Etats-Unis. Un peu de positif cependant : les scènes de la pagode, les vraies tournées par le Petit Dragon, sont superbes et aujourd'hui mythiques. Regardez le nombre d'hommages rendus au cours d'autres films : la séquence avec Kareem Abdul Jabaar dans City Hunter, avec Jacky Cheung dans High Risk et dernièrement Uma Thurman dans Kill Bill Volume 1... Et puis les autres combats réglés par Sammo Hung sont aussi intéressants. Le générique n'est pas sans rappeler les génériques de James Bond, et il faut souligner qu'après Lalo Shiffrin pour Enter The Dragon, c'est John Barry qui a écrit la partition musicale du film (lui donnant un aspect encore plus "bondien"). A noter qu'une "suite" a été donnée à The Game Of Death, Tower Of Death (ou Game Of Death II aux Etats-Unis), avec des inserts des anciens films de Bruce Lee ainsi que des scènes alors inédites tirées de Enter The Dragon (elles ne le sont plus puisqu'elles sont présentes dans l'édition du 25ème anniversaire éditée par la Warner Brothers). Ce film, encore produit par Raymond Chow, devait inaugurer une série de films "avec" le Petit Dragon, réalisés à partir de rushes ou de plans repiqués dans ses précédents films. Tower Of Death a été un bide et ce "grand" projet est heureusement tombé à l'eau. En conclusion, un film réservé exclusivement aux passionnés de Bruce Lee. Les autres risquent de trouver l'expérience ridicule et déplaisante... David-Olivier Vidouze 3/1/2001 Notes sur le film :
P a g e | 56
- Cette idée de la pagode gardée par un maître à chaque étage remonte à un projet qu’avaient projeté de réaliser Bruce Lee et son ami et élève James Coburn en 1969 : La Flûte silencieuse (The Silent Flute). C’est lors de repérages au Népal et en Inde que Bruce Lee découvrit ces pagodes. Le tournage débuta en 1972 mais fut interrompu en novembre de la même année (à cause du tournage d’Opération Dragon) pour n’être hélas jamais repris, avec Bruce Lee. - Dernier film de l'acteur américain Gig Young. -George Lazenby a participé au tournage avant le départ de Bruce Lee pour les Etats-Unis en novembre 1972 (pour prendre le rôle principal de Enter The Dragon). Malheureusement pour lui, ses séquences n'ont pas été retenues dans le montage de Game Of Death sorti en 1978.
Tower Of Death / Le Jeu de la mort 2, 1981 Lee Chun-Keung (Bruce Lee), expert en arts martiaux, est assassiné lors des funérailles d’un de ses amis, Jim Koo, alors qu’il tentait d’empêcher des hommes en hélicoptère de ravir son cercueil. ChunKwok (Kim Tai Jung), son frère, décide de découvrir qui l’a tué et se rend au Japon chez un curieux américain, Louis, plutôt louche et ami intime de feu Koo. Il pénètre alors dans sa forteresse dédiée aux arts martiaux. Tower Of Death peut être appréhendé de deux manières différentes. Si vous vous attendez à un film de Bruce Lee, vous serez forcément déçus. Encore pire que The Game Of Death, Tower Of Death - ou Game Of Death 2 - exploite le phénomène Bruce Lee jusqu'à la corde. Les images du comédien-artiste martial, que d’aucuns trouvent génial, sont piochées ici et là dans ses précédents films et dans les séquences inédites (jusqu'à la superbe édition anniversaire et intégrale de Warner Bros) de Enter The Dragon, redoublée et intercalées dans de nouvelles prises ; ainsi, dans le même plan, vous verrez Bruce Lee une fois de face avec une veste bleue foncée, une fois de dos avec une veste bleue claire et une nouvelle fois de face dans une veste noire... Et vous ne pourrez que vous amuser à dénicher les faux raccords et incohérences, ou féliciter le travail d’un monteur qui a dû s’arracher les cheveux par poignées ! En revanche, si vous aimez les films d’arts martiaux «vieille école», vous prendrez du plaisir à découvrir les remarquables chorégraphies de Yuen Woo Ping filmées en cinémascope. Quant au scénario, il est minimaliste : une histoire de vengeance on ne peut plus banale... A noter la présence d’une femme entièrement nue, recrutée pour séduire et assassiner Chun-Kwow, phénomène plutôt rare dans le cinéma hongkongais de cette époque et bassement racoleur. Le réalisateur, Ng See Yuen, est un vieux routier, à qui on doit notamment le lancement de Jackie Chan et Tsui Hark (il a produit Snake In The Eagle’s Shadow, Butterfly Murders, We're Going To Eat You, la série des Once Upon A Time In China, Green Snake, etc.).
P a g e | 57
Au final, un film conseillé exclusivement aux amateurs de films d’arts martiaux. David-Olivier Vidouze 1/9/2000 Notes sur le film : - Tower Of Death a été rebaptisé Game Of Death 2 suite aux événements américains du 11 septembre 2001. Les distributeurs ont estimé plus convenable d'enlever toute mention de « tour de la mort » ! -Corey Yuen, bien que non crédité pour le poste, a joué le rôle d'assistant réalisateur. -Le film a été réalisé en réponse à la popularité persistante de Bruce Lee au Japon. Les spectateurs demandant sans cesse de nouvelles images de leur héros. C'est pourquoi une grande partie de l'histoire se déroule au pays du soleil levant.
P a g e | 58
P a g e | 59
Trois films qui rendent hommage à Bruce Lee Enter The Fat Dragon (1978) de Sammo Hung Sammo Hung joue ici un fermier fan de Bruce Lee qui vient d’arriver à Hong Kong pour travailler dans le café de son cousin. Il lui arrivera un série d’aventures avec la faune locale. Même s'il est impossible aujourd'hui de visionner ce film dans une copie en bon état, il est indispensable de (re)découvrir ce joyau de la kung-fu comédie des années 70. Sammo Hung se paye le luxe d'y rendre un hommage parodique à son idole Bruce Lee (avec lequel il travailla en tant que cascadeur mais aussi acteur dans Enter The Dragon et The Game Of Death), sans jamais tomber dans le ridicule et en étant plus convaincant que les dizaines de faux Bruce Lee ayant fleuri à Hong Kong après la mort du Petit Dragon. Il faut le voir mimer son modèle alors qu'il se bat contre des porcs, combattre des ennemis originaires du monde entier comme dans le Jeu de la mort (le méchant, le Professeur Pai, à trois gardes du corps : un Chinois, un Occidental caucasien et un Afro-américain - un Hongkongais avec du fond de teint noir -, chacun représentant un art du combat différent) et se frotter le nez avant chaque affrontement martial. Même si physiquement Sammo et Bruce Lee sont aux antipodes l'un de l'autre, c'est la plus fidèle imitation et, surtout, le plus bel hommage qui lui a été rendu. L'histoire est une sorte de remake de The Way Of The Dragon (comme Tang Lung, Sammo est un "garçon de ferme" qui se rend à la ville pour aider un ami restaurateur ; comme lui, il devra lutter contre la mafia locale), simple prétexte à une succession de combats magistralement chorégraphiés et fort bien filmés et de gags, ma foi, très sympathiques. Enter The Fat Dragon est seulement la deuxième réalisation de Sammo Hung et il est indiscutable que le travail effectué est de premier ordre. On retrouve d'ailleurs tous ses acolytes d'alors au générique (exception faite de Jackie Chan). A noter que le scénario a été écrit par le vieux routier de la Shaw Brothers, Ni Kuang, un des collaborateurs attitrés de Chang Cheh. David-Olivier Vidouze 2/5/2001
Fist Of Legend (1994) de Gordon Chan Chen Zhen est un étudiant chinois, parti faire ses études au Japon. Ayant appris la mort de son maître
P a g e | 60
lors d'un duel entre ce dernier et Akulagawa, maître de la Nijiguchi School, une école japonaise sur le territoire chinois, il décide de rentrer au pays et de l'affronter. Il gagne facilement le duel et soupçonne le combat entre Akulagawa et son maître de n'avoir pas été loyal. En effet, après analyse du corps, il s'avère qu'il a été empoisonné juste avant le combat. Remake de la Fureur de vaincre, Jet Li y incarne un as des arts martiaux au sein d'une Chine sous domination japonaise. Notes sur le film : Billy Chow s'est déchiré un muscle pendant le combat final. Personne ne l'a su puisqu'il n'en a parlé à personne, mais des membres de l'équipe se sont aperçus que sa cuisse saignait. Gordon Chan constatant la gravité de sa blessure a insisté pour l'envoyer à l'hôpital, et ce malgré la volonté de Billy de finir le combat final dans les temps.
Fist Of Fury 1991 (1991) de Joh Chung Sing Pastiche du célèbre film de Bruce Lee dans lequel des étudiants japonais en arts martiaux affrontent les élèves de l'école de maître Fok. Dans le tournoi final, Stephen Chow met en œuvre des techniques de combat farfelues mais efficaces, comme son « fist of fury » aux effets dévastateurs. Un film particulier dans la carrière de Stephen Chow car développant peu son côté comique (ou tout au moins pas autant que dans ses productions habituelles) mais lui permettant de payer un tribut à son modèle, Bruce Lee. Les scènes d’action sont nombreuses, plaisantes et chorégraphiées par des maîtres, Corey Yuen et Yuen Tak. C’est leur violence qui a valu à Fist Of Fury 1991 son classement en catégorie III. David-Olivier Vidouze 8/31/2006 ▌▌▌
P a g e | 61
Bruce Lee, Le Petit Dragon Série : Les Films d’Arts Martiaux