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la suite de nos révélations, le groupe contrôlé par la famille Pinault fasse désormais l’objet d’un « contrôle fiscal » en France.
Evasion fiscale: comment Kering a fait marche arrière PAR YANN PHILIPPIN ARTICLE PUBLIÉ LE MARDI 8 MAI 2018
François-Henri Pinault, PDG depuis 2005 du groupe Kering (exPinault Printemps Redoute), fondé par son père François. © Reuters
Mediapart s’est procuré un document confidentiel qui affaiblit encore la ligne de défense de Kering. Fin octobre 2017, un mois avant d'être formellement mis en cause pour fraude fiscale par la justice italienne, le groupe a annoncé en interne le lancement d’un projet baptisé Prometheus, dont l’objectif est de réformer en profondeur son très lucratif montage fiscal suisse. Contacté par Mediapart, Kering indique qu'il est « factuellement factuellement faux de dire » que Prometheus « a
© Reuters
Un mémo interne montre montr e que le géant du luxe contrôlé par la famille Pinault a entamé un nettoyage de son montage d’évasion fiscale suisse en octobre 2017, un mois avant d’être officiellement mis en cause par la justice italienne. italienne. Cette Cette manœuvre met à mal mal la la défense défense de l’entreprise, qui affirme que tout était légal et transparent. Depuis que Mediapart a révélé le 16 mars que Kering a évadé 2,5 milliards d’impôt, le géant français du luxe, propriétaire de Gucci et Yves Saint Laurent, martèle le même élément de langage langa ge : Kering est « très tranquille sur la régularité des opérations » de sa filiale suisse LGI qui opère le montage fiscal, d’autant que « sa situation est bien connue des autorités fiscales helvétiques, helvétiques, italiennes italiennes et françaises françaises » . En clair, tout serait légal et déclaré aux autorités. L’argument est surprenant, puisque Kering est visé depuis l’automne 2017 par une enquête judiciaire pour fraude fiscale menée par des procureurs de Milan. Par ailleurs, lors de son interview télévisée par Edwy Plenel (Mediapart) et Jean-Jacques Bourdin (BFMTV) le 15 avril, Emmanuel Macron a jugé « évident » qu’à
été lancé juste après que Kering a été informé du lancement de l'enquête judiciaire visant LGI en Italie ». Le groupe ajoute que le projet a fait l'objet de « plusieurs mois d’analyses d’analyses préliminaires préliminaires au cours du premier semestre 2017 » puis a formellement été lancé
suite à son examen à l’issue d’une présentation au conseil d’administration le 24 octobre. Or, Kering n’a été officiellement informé de la procédure judiciaire pour fraude fiscale que le 29 novembre, lors de la perquisition des bureaux de Gucci par la police italienne. Mais selon nos informations, Kering redoutait cette procédure. En novembre 2016, la justice italienne avait ouvert une première enquête liée aux affaires immobilières du groupe, qui a fini par mener les enquêteurs jusqu'au montage suisse. Selon nos informations, les dirigeants auraient eu vent à l'automne 2017 de rumeurs selon lesquelles la justice s'intéresserait au sujet, ce qui aurait accéléré le lancement opérationnel de l’opération Prometheus (1). Le projet est décrit dans un mémo posté le 31 octobre sur l’intranet du groupe et signé par JeanFrançois Palus, directeur général délégué et bras droit du grand patron François-Henri Pinault (notre
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document ci-dessous) . L’objectif est de « redéfinir l'ingénierie » (re-engineering) du montage financier
autour de la société suisse Luxury Goods International (LGI).
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Basée dans la banlieue de Lugano, dans le canton du Tessin, LGI n'emploie que 600 salariés et contrôle plusieurs entrepôts, où transite l’intégralité des produits des marques de luxe du groupe (Gucci, Bottega Veneta, Yves Saint Laurent, Balenciaga, etc.). Mais alors que c’est une pure société logistique, LGI facture les clients, encaisse les revenus et concentre 70 % des profits du groupe, qui ne sont taxés qu’à 8 %. C’est ainsi que Kering a éludé 2,5 milliards d’euros d’impôt, dont au moins 180 millions au détriment de là). Un montage la France (lire nos enquêtes ici et là) considéré comme artificiel par le procureur de Milan. Le projet Prometheus vise justement à « transformer LGI et notre modèle opérationnel opérationnel » , indique le mémo interne. À la mi-2018, Kering aura élaboré un nouveau modèle en matière de vente, de logistique et d’approvisionnement, y compris « une révision des missions de LGI elle-même » . Le groupe prévoit ensuite, d’ici la fin 2018, de modifier en profondeur « les principes et méthodes de calcul des prix de vente, des transactions intragroupe et des flux financiers similaires » .
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Derrière ce jargon technique se cache bien un changement de modèle fiscal. Car les « transactions intragroupe » (entre filiales de Kering) et leurs prix déterminent les endroits où sont localisées les recettes, donc les impôts. En clair, Kering veut réduire le montant des profits logés dans sa filiale suisse et en rapatrier au moins mo ins une partie dans les pays où il exerce réellement son activité. Le responsable opérationnel de Prometheus est un homme de confiance : l’Italien Federico Baratta, un ancien de Bottega Veneta promu le 2 novembre dernier « directeur de la transformation » de Kering. Selon des documents confidentiels obtenus par Mediapart, il a eu à s’occuper de l’appartement secret de Marco Bizzarri Bizzar ri à Milan, où le patron de Gucci a habité jusqu’en 2017 alors qu’il était officiellement résident en Suisse. Un montage très problématique qui lui a permis d’éluder 15 millions d’euros d’eu ros d’i d’im mpôt (lire ici). notre enquête ici) Signe du caractère ultrasensible du projet, Prometheus est supervisé par un comité de pilotage où siègent les plus hauts dirigeants de Kering : le numéro 2 Jean-François Palus, le directeur des opérations Jean-Philippe Jean-Philippe Bailly, le directeur financier Jean-Marc Duplaix et le patron de Gucci Marco Bizzarri. Ils doivent informer le conseil d'administration chaque trimestre. Il faut dire que l’enjeu est de taille : selon notre enquête, le montage suisse construit autour de LGI permet à Kering d’économiser plus de 250 millions d’euros d’impôts par an. On ignore à ce stade quelle proportion des profits va quitter la Suisse. Mais le fait que Kering va mener « une révision des missions de LGI elle-même elle-même » suggère un mouvement d’ampleur. Contacté par Mediapart, Kering n'a pas souhaité nous parler, se contentant d'un bref courriel (à lire intégralement dans l'onglet Prolonger) . « Prometheus est un projet de modernisation du fonctionnement opérationnel de l’approvisionnement et de la logistique des Maisons du Groupe, le mode de fonctionnement fonctionnement actuel étant basé sur un modèle datant de plus de 20 ans » , indique Kering. Le groupe précise
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que « LGI est un hub stratégique majeur notamment pour la distribution distribution et la logistique logistique centralisées centralisées des marques de Kering, et le restera » .
Même si le groupe ne fermera pas ses entrepôts suisses, le projet Prometheus risque de provoquer l'inquiétude dans le canton du Tessin, dont Kering est le premier contribuable. contribuable. Le canton a utilisé l’arme du dumping fiscal pour attirer autour de Lugano les entrepôts d’autres géants du textile, comme Armani, Hugo Boss, Versace et The North Face, comme l'a révélé en 2016 l'ONG suisse Public Eye (lire leur enquête) enquête). Si un poids lourd tel que Kering y localise moins de profits, cela risque de créer une contagion contagio n qui menacerait la « Fashion Valley » et les recettes fiscales du Tessin. D'autant que le Tessin subit aussi une forte pression politique. Confrontée à la colère de ses voisins européens, la Suisse a entrepris d'abolir les régimes spéciaux très controversés offerts aux entreprises, notamment dans le Tessin. Mais la population n'en a pas voulu : le 12 février 2017, les électeurs ont rejeté par référendum le texte voté par le parlement. Le gouvernement suisse a publié le 21 mars 2018 une nouvelle version de la loi. Elle doit être votée au parlement d'ici la fin de l'année, avec possibilité (optionnelle) (optionnelle) d'un nouveau référendum.
dans un groupe de la taille de Kering qui a connu cette dernière décennie une transformation particulièrement particulièrement profonde. profonde. Ces projets visent tous à améliorer le fonctionnement opérationnel des Maisons du Groupe, que ce soit en matière de systèmes d’information, d’utilisation des nouvelles technologies dans tous les domaines où leur apport est pertinent, de commerce en ligne, de gestion de la chaîne d’approvisionnement, ou de logistique. Prometheus est un projet de modernisation du fonctionnement fonctionnement opérationnel de l’approvisionnement l’approvisionnement et de la logistique des Maisons du Groupe, le mode de fonctionnement fonctionnement actuel étant basé sur un modèle datant de plus de 20 ans. Il inclut également l’autonomisation l’autonomis ation du fonctionnement opérationnel de la marque Stella McCartney dans un délai de deux ans, puisque la marque est appelée à quitter le Groupe. Etant donnée la complexité du sujet, ce projet implique l’intervention de consultants en stratégie, en organisation et en systèmes d’information ; il est en cours depuis plusieurs mois et doit se déployer sur plusieurs années, années, ce qui est la norme norme pour tout projet projet de cette ampleur. LGI est un hub stratégique stratégique majeur majeur notamment notamment pour la distribution et la logistique centralisées des marques de Kering, et le restera. Kering continue à y investir pour accompagner accompagner la croissance croissance de ses activités. activités.
(1) Le 5 octobre 2017, François-Henri Pinault et sa collaboratrice Patricia Barbizet ont subitement démissionné de leur poste d'administrateur de Kering
Le projet Prometheus, Prometheus, après plusieurs mois d’analyses d’analyses préliminaires préliminaires au cours du premier semestre 2017, a été formellement lancé à l’issue d’une présentation au conseil d’administration de Kering le 24 octobre 2017 ; son lancement a fait l’objet d’une communication interne le 31 octobre 2017. Il est donc factuellement factuellement faux faux de dire qu’il qu’il a été lancé lancé juste juste après après que Kering a été informé du lancement de l'enquête judiciaire visant LGI en Italie. Italie.
Holland, la holding néerlandaise qui contrôle LGI.
Prolonger Contacté par Mediapart, le groupe Kering nous a fait parvenir la réponse suivante par email le 7 mai : Le projet appelé « Prometheus Prometheus » est un des des nombreux projets internes d’évolution d’évolution de l’organisation l’organisation menés actuellement par le Groupe, comme il est normal
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