Optique des milieux matériels par Elisabeth GIACOBINO Directeur de Recherche au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)
1. 1.1 1.2 1.3
................................................. ............ Rapp Rappel el sur sur la la stru struct ctur ure e de la la mati matièr ère e ..................................... Atome ......... .............. .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... ......... ......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... ......... .... Molécules .......... ............... .......... ......... ......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... ......... ......... ........ ... Solides .......... ............... .......... .......... .......... .......... ......... ......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .........
2. 2.1 2.2 2.3 2.3 2.4 2.4 2.5
...... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... Intera Interacti ction on de de la lumièr lumière e avec avec la la mati matière ère .... Principes Principes de l’inter l’interaction action entre photons photons et atomes.. atomes .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .. Spectr Spectres es d’abs d’absorp orptio tion n et d’émi d’émissi ssion on ...... ......... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ... Émis Émissi sion on ther thermi miqu quee ......... .............. .......... .......... .......... ......... ......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... ....... Lumi Lumine nesc scen ence ce.... ......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... ......... ......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... ....... Diffus Diffusion ion,, absorp absorptio tion n et dispe dispersi rsion. on.... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ..... ..
— — — — — —
4 4 5 6 7 9
......... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ...... ..... .. 3. Sour Source cess usue usuell lles es de lumi lumièr ère e ...... 3.1 3.1 Lampe Lampess à inca incand ndesc escen ence ce..... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... ......... ........ 3.2 3.2 Lamp Lampes es à déc décha harg rgee .......... ............... .......... .......... .......... ......... ......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......
— — —
12 12 13
4. 4.1 4.1 4.2 4.2 4.3 4.3
.............. .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... ......... ......... .......... .......... .......... ........ ... Réce Récept pteu eurs rs de lumi lumièr ère e ......... Détec Détecte teurs urs pho photo toni niqu ques es.... ......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... ......... ......... .......... .......... ..... Détec Détecte teurs urs therm thermiq ique uess .......... ............... ......... ......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... ....... Détec Détecte teurs urs d’im d’imag ages es..... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... ......... ......... .....
— — — —
13 13 16 16
.............. .......... .......... .......... .......... .......... .......... ......... ......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... ........ ... 5. Spectroscopie ......... 5.1 Spectr Spectrosc oscopi opiee classique classique et monochr monochroma omateur teurss .... ...... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... .... 5.2 5.2 Spec Spectr tros osco copi piee laser laser..... .......... .......... .......... .......... .......... ......... ......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......... .......
— — —
16 17 18
.......................................................... ....................................... ................................. ............. Pour en savoir plus .......................................
Doc. A 1 080
A 1 080 - 2 — 2 — 3 — 3
our préciser comment la lumière interagit avec la matière, nous présente- rons tout d’abord de brefs rappels sur les propriétés de ses constituants de base, les atomes (§ 1.1) . Les atomes sont parfois groupés en molécules , dont nous discuterons la structure (§ 1.2). Un ensemble d’atomes et de molécules peut émettre de la lumière, absorber ou modifier celle qui le traverse avec des parti- cularités qui dépendent des caractéristiques propres des composants. Mais ces caractéristiques ne dominent les propriétés optiques du milieu que si la concentration est faible, comme dans un gaz sous faible pression. Dans les milieux condensés comme les liquides et les solides , les propriétés optiques sont liées aux interactions très fortes entre atomes voisins et nécessitent un traitement particulier (§ 1.3).
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exp loitation du droit de cop ie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales
A 1 080 − 1
OPTIQUE DES MILIEUX MATÉRIELS ________________________________________________________________________________________________________
1. Rapp Rappel el sur sur la struc structur ture e de la matière 1.1 1.1 Atom Atome e
E = n 2 = E 1 / n
Les atomes sont formés de particules élémentaires : des protons et des neutrons associés dans un noyau très dense portant une charge électrique positive et des électrons, particules très légères chargées négativement en mouvement autour du noyau. Les atomes ont un rayon total de l’ordre de 0,1 nm, les noyaux atomiques ont des dimensions de l’ordre de quelques femtomètres (10 –1 5 m). Quant aux électrons, ce sont des particules ponctuelles, dépourvues de dimensions. La masse du proton ou du neutron est environ 1,7 × 10–27 kg, celle de l’électron, 9,1 × 10 – 31 kg.
1.1.1 Modèle de Bohr Bohr et niveaux d’énergie d’énergie atomique atomique Historiquement, le premier modèle d’atome est celui de J.J. Thomson qui, en 1904, a suggéré que les électrons sont des constituants de tous les atomes et a proposé un modèle pour la structure atomique. La théorie de Thomson décrivait un atome constitué de charges positives distribuées uniformément sur son volume et d’électrons arrangés en couches successives. Ce modèle permettait une description quantitative des phénomènes d’absorption, de dispersion et de diffusion de la lumière par les atomes. Le modèle de Thomson, correspondant à des électrons élastiquement liés, est encore souvent utilisé pour certaines représentations de l’interaction avec une onde lumineuse (§ 2.5.2). 2.5.2). Mais en 1912, la théorie de Thomson fut remise en cause par l’expérience de Rutherford qui montra, en étudiant la déviation de particules α (atomes d’hélium ionisé deux fois, He ++) par les atomes d’une mince feuille d’or, que les charges positives étaient concentrées dans un noyau de rayon environ 10 000 fois plus petit que l’atome lui-même. Ce résultat le conduisit à proposer un nouveau modèle atomique, de type planétaire, par ailleurs déjà avancé quelque années auparavant par le physicien français Jean Perrin, où les électrons tournent autour du noyau comme les planètes tournent autour du soleil. Cependant le modèle de Rutherford souffrait d’une contradiction fondamentale : suivant les lois de l’électromagnétisme, l’électron, particule chargée en mouvement circulaire autour du noyau, devait perdre petit à petit son é nergie en émettant un rayonnement de spectre continu. L’électron L’électron ne pouvait donc pas avoir d’orbite stable, et devait, au bout d’un certain temps, tomber sur le noyau, ce qui est évidemment contraire à l’expérience. De plus, l’analyse de la lumière émise par les atomes montrait qu’elle était formée de raies fines et non d’un ensemble continu de longueurs d’ondes. Ces difficultés furent levées par l’hypothèse de Bohr, qui postula, en 1913, que toutes les orbites ne sont pas possibles. Seules sont permises les trajectoires pour lesquelles le moment cinétique, c’est-à-dire le produit de la quantité de mouvement par le rayon de l’orbite, est égal à un multiple entier de la constante réduite de Planck – 34 J · s). Ce nombre entier n , dit nombre , = h / 2π (h = 6,6 × 10 quantique, peut prendre les valeurs 1, 2, 3 etc., jusqu’à l’infini. Les orbites sont ainsi quantifiées . Sur ces orbites, l’électron ne rayonne pas d’énergie et se trouve dans un état stationnaire. En revanche, l’émission de rayonnement peut se produire lorsque l’électron passe d’une trajectoire à une autre. L’atome émet un photon lorsque l’énergie de l’orbite de départ est supérieure à celle de l’orbite d’arrivée ; il en absorbe un dans le cas contraire. Si on appelle E m l’énergie de la première orbite, E n celle de la seconde, l’énergie du photon émis ou absorbé est : E = = |E m – E n | et sa fréquence est
A 1 080 − 2
Le modèle de Bohr explique que l’émission ou l’absorption de lumière par un atome ne se fait qu’à des longueurs d’onde bien précises. En introduisant le postulat de quantification dans le calcul classique du mouvement de l’électron, on peut déterminer l’énergie de l’électron sur ces orbites, qui est donnée par : où n est est le nombre quantique déjà introduit, et E 1 l’énergie la plus faible autorisée, celle de l’état fondamental. Elle est négative ; en effet, on prend traditionnellement pour origine des énergies l’état où l’électron est détaché de l’atome (celui-ci est alors ionisé). Lorsque l’électron se lie au noyau, son énergie diminue ; avec cette convention, les énergies des états liés sont donc négatives. | E 1| est aussi l’énergie de détachement de l’électron, encore appelée énergie d’ionisation, ou potentiel d’ionisation Les énergies des autres états, supérieures à celles de l’état fondamental, forment une échelle aux intervalles de plus en plus rapprochés, qui tend vers la limite d’ionisation quand n devient devient très grand (figure 1a ). ). Au-delà de cette limite, l’électron est libre, détaché du noyau et son énergie n’est plus quantifiée : elle peut prendre n’importe quelle valeur positive (on dit alors que l’électron est dans un continuum d’états).
Mais le modèle de Bohr se heurtait à de multiples difficultés pour décrire les atomes plus compliqués que l’hydrogène. De plus, il n’expliquait pas l’origine de la quantification des orbites ni la stabilité des atomes. Les difficultés furent levées par une nouvelle théorie, complètement cohérente cette fois, due à de Broglie, Schrödinger et Heisenberg, la mécanique quantique. Cependant, l’atome de Bohr n’a pas perdu tout son intérêt : les formules simples qui le décrivent donnent de bons ordres de grandeur des paramètres atomiques, et permettent souvent de se faire une idée intuitive des phénomènes (§ 2.1.1). 2.1.1).
1.1.2 Atome et et mécanique mécanique quantique quantique Ainsi que l’a proposé Louis de Broglie, la mécanique quantique associe une onde à chaque particule. Cette nouvelle onde de matière représente la probabilité de présence de la particule aux différents points de l’espace, et elle évolue suivant une équation établie par E. Schrödinger. L’état L’état du système est e st donc représenté par sa fonction d’onde , et non plus par sa position et sa vitesse comme en mécanique classique. La position, la vitesse ou d’autres variables dynamiques, comme le moment cinétique, doivent maintenant être définies de manière opératorielle, c’est-à-dire comme le résultat d’une opération de mesure effectuée sur le système. L’équation de Schrödinger permet de calculer la fonction d’onde de l’unique électron de l’atome le plus simple, l’hydrogène. C’est une équation différentielle, qui relie les dérivées par rapport au temps t et et aux coordonnées d’espace r de de la fonction d’onde Ψ (r , t ) : i , ∂ Ψ ( r , t ) / ∂ t =
–
( , 2 /2 m ) ∆ Ψ ( r , t ) – ( e 2 /4 π ε 0 r ) Ψ ( r , t )
où m est la masse de l’électron, e sa charge électrique et ε 0 la permittivité du vide. La résolution de l’équation de Schrödinger donne les fonctions d’onde Ψ (r , t ) qui décrivent les états possibles de l’électron ainsi que les énergies correspondantes. Pour les niveaux d’énergie, on retrouve exactement l’échelle des valeurs du modèle de Bohr, proportionnelles à l’inverse du carré d’un nombre entier n , le nombre et quantique principal. Les fonctions d’onde dépendent, elles, de n et de deux autres nombres et m tous deux entiers ; est le nombre – 1, m le nombre quantique orbital qui peut varier entre 0 et n – quantique magnétique qui peut varier entre – et + . Comme l’énergie ne dépend que de n , tous les états décrits par des fonctions d’onde ψ ( r , t )n m de même n ont ont la même énergie ; on dit qu’ils sont dégénérés. La probabilité de présence de l’électron en fonction de ses coordonnées est donnée par le carré du module
ν = = E / h
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exp loitation du droit de copi e est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales
_______________________________________________________________________________________________________
OPTIQUE DES MILIEUX MATÉRIELS
numériques, dès que le nombre d’électrons est supérieur à deux. On est donc conduit à utiliser des approximations. Retenons simplement le fait que les positions des niveaux d’énergie dépendent maintenant du deuxième nombre quantique , et que ces niveaux peuvent être subdivisés en plusieurs sous-niveaux (figure 1b ). La nature et le nombre des électrons situés sur la couche externe d’un atome déterminent de manière essentielle ses propriétés chimiques et ses propriétés optiques. En effet, un électron ne peut absorber que des photons qui ont une énergie suffisante pour le faire passer dans un état libre. Seuls les états de la dernière couche ont des états libres directement au-dessus d’eux, et peuvent effectuer des transitions dont les fréquences se trouvent dans le domaine optique. Pour les électrons des couches profondes, il faut en généra l des photons beaucoup plus énergétiques (UV lointain ou X).
1.2 Molécules
Figure 1 – Niveaux d’énergie de l’atome d’hydrogène et de l’atome de sodium
de l’amplitude de sa fonction d’onde. Les orbites bien définies de Bohr sont maintenant remplacées par des nuages où l’électron a une certaine probabilité de se trouver. Ces nuages sont d’autant plus éloignés du noyau que le nombre quantique principal n est grand.
1.1.3 Atomes à plusieurs électrons Lorsque l’on passe de l’atome d’hydrogène à des atomes à plusieurs électrons, avec un noyau de charge Ze , la situation se complique considérablement car des forces nouvelles font leur apparition dans le système. Outre l’attraction du noyau, chaque électron est maintenant soumis à la répulsion électrostatique exercée par tous les autres électrons, qui se traduit par de nouveaux termes dans l’équation de Schrödinger. Négligeons tout d’abord ces termes. En première approximation, chaque électron va évoluer dans le potentiel électrostatique d’un noyau de charge Ze . Il dispose d’un ensemble d’états quantiques spécifiés, comme dans l’hydrogène, par les nombres n , , m, avec cette différence que les énergies sont multipliées par Z 2 et que les rayons moyens des fonctions d’onde sont divisés par Z . Ces états sont appelés hydrogénoïdes. Or suivant un des principes fondamentaux de la mécanique quantique, le principe d’exclusion de Pauli , plusieurs électrons ne peuvent occuper en même temps le même état quantique. Tous les électrons ne peuvent donc pas se mettre dans le premier état, similaire à l’état fondamental de l’hydrogène. Ils vont tendre à remplir successivement tous le s états possibles par ordre d’énergie croissante, à raison de deux électrons par état (le facteur 2 provient des 2 valeurs possibles d’une grandeur caractéristique supplémentaire de l’électron, qui est le spin, sorte de mouvement de toupie de l’électron sur lui-même). De plus, les différents électrons, chargés négativement, se repoussent et leurs fonctions d’onde sont modifiées par rapport à celles de l’hydrogène. Mais, si l’équation de Schrödinger est entièrement soluble analytiquement pour l’hydrogène, sa résolution est extrêmement complexe, voire impossible, même par des méthodes
Les atomes exercent entre eux des forces électriques qui sont en général attractives à longue distance et répulsives à très courte distance. Une molécule est un ensemble d’atomes dont la cohésion e st assurée par la mise en commun d’un ou plusieurs électrons. Le calcul quantique des niveaux d’une molécule est un problème encore plus complexe que celui d’un atome à plusieurs électrons. Il s’agit d’étudier les états d’un système qui, outre les électrons, comprend plusieurs noyaux dont les mouvements doivent également être traités quantiquement. Même pour une molécule qui ne comporte que deux atomes, la résolution exac te de l’équation de Schrödinger est impossible. Cependant on peut simplifier considérablement le problème en remarquant que les électrons, nettement plus légers que les noyaux, sont beaucoup plus rapides que ces derniers. Dans ces conditions, le traitement séparé des mouvements, connu sous le nom d’approximation de Born-Oppenheimer, permet de calculer le potentiel attractif exercé sur les noyaux par le nuage électronique ; ce potentiel vient compenser la répulsion électrostatique mutuelle des noyaux et assure la stabilité de la molécule. L’approximation de Born-Oppenheimer permet aussi d’écrire l’énergie totale de la molécule comme la somme d’une énergie électronique, quantifiée en niveaux comme celle des atomes, et d’une énergie de déplacement des noyaux. Dans le mouvement des noyaux, on distingue deux types de composantes : les vibrations et les rotations. Les vibrations correspondent à des variations des distances internucléaires alors que, dans les rotations, la molécule tourne sur elle-même. Ces degrés de liberté peuvent, encore une fois, être considérés comme indépendants et les énergies correspondantes, être calculées séparément et ajoutées pour obtenir le spectre complet. Le cas des molécules diatomiques est relativement bien compris, celui des molécules polyatomiques est beaucoup plus difficile à traiter. Les mouvements de vibration et de rotation des noyaux sont également quantifiés : chaque niveau électronique de la molécule se subdivise en un ensemble de sous-niveaux de vibration-rotation. Si les niveaux de vibration-rotation sont assez serrés, ils se recouvrent, formant des bandes d’énergie.
1.3 Solides Les forces attractives entre atomes peuvent conduire à la création de molécules, ou à la formation d’états plus condensés, liquides ou solides. Dans les cristaux, les atomes sont rangés suivant un motif régulier. Les liquides et d’autres solides, comme les verres, ne présentent pas d’ordre à grande distance.
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exp loitation du droit de cop ie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales
A 1 080 − 3
OPTIQUE DES MILIEUX MATÉRIELS ________________________________________________________________________________________________________
1.3.1 Structure cristalline et bandes d’énergie
1.3.2 Isolants, conducteurs et semi-conducteurs
On distingue plusieurs types de cristaux suivant l’origine des forces qui en assurent la cohésion. Dans les cristaux ioniques, tels que le chlorure de sodium, NaCl, l’un des atomes, ici le sodium, cède un électron à l’autre, le chlore, de telle sorte que chacun des ions résultants a une couche électronique externe complète. La cohésion du cristal est due à l’attraction électrostatique entre les ions de charge opposée. Dans les cristaux covalents, la cohésion provient de la mise en commun d’électrons entre atomes voisins, c’est-à-dire du recouvrement de leurs fonctions d’onde, comme dans les molécules : c’est ainsi que le carbone partage ses quatre électrons externes avec les quatre atomes de carbone les plus proches. Le germanium et le silicium forment des cristaux semblables. Dans les métaux, le recouvrement des fonctions d’onde des électrons externes est tellement important que les électrons n’ont plus d’origine identifiable : ils sont délocalisés. On explique les propriétés des cristaux par la théorie des bandes, dans laquelle on résout l’équation de Schrödinger de manière approchée pour tous les électrons du réseau à la fois. Partant des fonctions d’onde atomiques, on cherche des solutions qui en sont des combinaisons linéaires. Les énergies que l’on trouve par cette méthode sont très différentes des niveaux très fins des atomes isolés. Les niveaux s’élargissent en bandes qui sont plus ou moins importantes suivant que l’interaction entre atomes voisins est plus ou moins forte (figure 2). On obtient ainsi une série de bandes d’énergie permises séparées par des bandes interdites. Comme pour les niveaux atomiques, les bandes se remplissent à partir du bas. Lorsqu’une couche électronique atomique est pleine, la bande correspondante du solide l’est également. Dans les cristaux ioniques et les cristaux covalents, les liaisons se forment de manière que chaque atome ou ion ait autour de lui une couche complète : la bande correspondante est donc pleine ; on l’appelle bande de valence. Si la bande interdite qui la sépare de la bande permise suivante est assez large, les électrons ne peuvent pas changer d’énergie facilement, et, en particulier, ne peuvent pas être accélérés par un champ électrique : le cristal est isolant. Au contraire, lorsque la couche externe atomique est incomplète, comme dans les cristaux métalliques, la bande n’est pas pleine, les électrons peuvent très facilement changer d’énergie, et le cristal est conducteur.
Le remplissage de la dernière bande occupée fait donc la différence entre les isolants et les conducteurs. Cependant, lorsque la bande interdite située immédiatement au-dessus de la dernière bande pleine est de hauteur faible devant l’énergie d’agitation thermique, les électrons peuvent passer facilement dans la bande permise supérieure, dite bande de conduction, et on a un semi-conducteur dit intrinsèque. En passant dans la bande de conduction, un électron laisse dans la bande de valence un trou qui, à l’instar d’une bulle dans un liquide, peut se déplacer et contribuer à la conductivité électrique. Le trou se comporte comme une charge positive. Une autre manière d’augmenter la conduction dans un semi-conducteur consiste à introduire dans le cristal des impuretés ayant un électron de valence en plus ou en moins que les atomes considérés. Si ces impuretés ont un nombre d’électrons excédentaire, ceux-ci se placent dans la bande de conduction. Inversement, si l’impureté a un déficit d’électrons, elle crée des trous dans la bande de valence. Les propriétés optiques des solides sont commandées par la str ucture de bande. Les isolants et les semi-conducteurs sont transparents pour les photons dont l’énergie est inférieure à la largeur de la bande interdite ; ils peuvent en revanche absorber ceux dont l’énergie est assez grande pour faire franchir la bande interdite à un électron. Inversement, lorsqu’un électron de la bande de conduction retombe dans la bande de valence et se recombine avec un trou, il y a émission d’un photon. Les propriétés optiques des métaux sont complètement différentes. Un électron de la bande de conduction peut en principe absorber tous les photons jusqu’à des fréquences élevées. Les ondes électromagnétiques ne peuvent en général pas pénétrer dans un métal parfait et sont réfléchies (§ 2.5.2).
2. Interaction de la lumière avec la matière 2.1 Principes de l’interaction entre photons et atomes 2.1.1 Émission spontanée, absorption, émission stimulée dans le modèle de Bohr Comme nous l’avons vu au paragraphe 1.3.2, l’absorption ou l’émission de rayonnement n’ont lieu que lors du passage d’un électron entre deux états d’énergie quantifiée. L’énergie est alors émise ou absorbée sous forme d’un photon de fréquence ν = E / h où h est la constante de Planck et E la différence d’énergie entre les deux niveaux considérés ; le rayonnement absorbé ou émis est en résonance avec la transition atomique. L’émission peut se produire en l’absence de champ lumineux extérieur (émission spontanée). Elle peut aussi être provoquée par un champ électromagnétique : c’est le phénomène d’émission stimulée (ou émission induite) proposé par Einstein en 1917 (figure 3). Le calcul d’Einstein montre que l’absorption et l’émission stimulée jouent des rôles complètement symétriques ; elles ont des probabilités égales de se produire (§ 2.3.2). L’émission spontanée, elle, doit être mise à part. C’est elle qui rend instables les niveaux excités des atomes et des molécules.
2.1.2 Notion de dipôle atomique. Règle de sélection des raies spectrales Figure 2 – Niveaux d’énergie d’un solide : formation de bandes d’énergie à partir de plusieurs niveaux discrets
A 1 080 − 4
Considérons tout d’abord un atome d’hydrogène : dans le modèle classique de l’atome, le proton et l’électron, couple de charges électriques de signes opposés situées à faible distance l’une de l’autre, constituent ce que l’on appelle un dipôle électrique, susceptible
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exp loitation du droit de copi e est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales
_______________________________________________________________________________________________________
OPTIQUE DES MILIEUX MATÉRIELS
Figure 3 – Échanges d’énergie entre un atome et la lumière
d’être mis en mouvement d’oscillation par le champ électrique variable d’une onde. Pour un atome ou une molécule plus complexe, on peut encore considérer que l’ensemble des charges positives joue avec l’ensemble des charges négatives le rôle d’un dipôle. La théorie de l’électromagnétisme indique alors que le dipôle oscillant peut prendre de l’énergie au champ ou lui en fournir : c’est l’absorption ou l’émission de rayonnement. À l’aide de l’équation de Schrödinger, on peut calculer le dipôle atomique et retrouver de manière rigoureuse les résultats des traitements de Bohr et Einstein, tout en les généralisant. Dans ce modèle, pour un état stationnaire de l’atome, l’électron n’est pas localisé, et la distribution de charge électronique, reliée à la forme de la fonction d’onde, est symétrique par rapport au noyau. Les centres de gravité des charges positives et négatives sont alors confondus, et le dipôle électrique est nul. En revanche, lors d’une transition entre deux états, une dissymétrie peut se créer, et le dipôle prend une valeur non nulle. La mécanique quantique permet de calculer les probabilités de transition entre niveaux, qui peuvent être d’ordres de gra ndeur extrêmement variés, parfois nulles ; la transition est alors appelée interdite. Transitions permises et interdites sont régies par des lois, dites règles de sélection. Au cours d’une transition dipolaire électrique, le nombre quantique (moment cinétique orbital) doit varier d’une unité : si et ′ sont les moments cinétiques orbitaux des niveaux de départ et d’arrivée, on a – ′ = ± 1 ; de plus le nombre quantique m change au plus d’une unité : m – m’ = 0, ± 1. D’autres types de transitions possibles obéissent à des règles de sélection différentes ; elles sont en général beaucoup moins intenses.
2.1.3 Largeur des raies, largeur naturelle, largeur Doppler Les raies émises par les atomes ne sont jamais infiniment fines : la lumière n’est pas absorbée ou émise sur une fréquence unique, mais sur une certaine bande de fréquence, qui peut être plus ou moins large. Cet élargissement de la raie est dû à plusieurs facteurs. Il s’agit tout d’abord de l’émission spontanée elle-même, qui s’accompagne du passage de l’atome d’un niveau excité à un niveau inférieur, et lui fait descendre en cascade l’échelle des énergies, jusqu’à ce qu’il parvienne à l’état fondamental. L’atome ne reste qu’un temps fini, en général assez court (de l’ordre de quelques 10 – 9 s pour les premiers niveaux excités) dans chaque niveau excité ; ce temps est appelé durée de vie du niveau , souvent noté τ . Pour chaque atome, l’émission ne dure donc qu’un temps limité, et la fréquence de la radiation ne peut être déterminée avec une précision meilleure que l’inverse de ce temps, provoquant une incertitude sur la fréquence
émise, c’est-à-dire une largeur de raie, appelée largeur naturelle γ . La largeur du niveau en énergie , γ est reliée à sa durée de vie τ par : , γ
=
/ τ
,
Tous les facteurs qui perturbent l’interaction a vec le rayonnement peuvent être responsables d’un élargissement des raies. Ainsi, lorsque les atomes d’un gaz sont assez nombreux, il se produit entre eux de multiples chocs. À chaque choc, l’émission (ou l’absorption) est soit déphasée, soit interrompue par la chute de l’atome vers d’autres niveaux ; il en résulte une augmentation de la largeur spectrale de la raie. Par suite de l’émission spontanée ou des collisions, un seul et même atome peut absorber ou émettre de la lumière sur une certaine bande de fréquence : c’est la largeur homogène. D’autres causes peuvent faire que les différents atomes d’un ensemble ne sont pas tous résonnants avec la même fréquence du champ électromagnétique. Le rayonnement émis ou absorbé comprend alors les différentes fréquences de résonance. On dit alors que l’ élargissement est inhomogène. C’est en particulier le cas de l’effet Doppler dans les gaz. Les atomes d’un gaz sont en mouvement incessant dans toutes les directions avec des vitesses variées, qui sont habituellement comprises entre zéro et quelques centaines de mètre s par seconde. Examinons ce qui se passe pour un atome donné de vitesse non nulle. De même que le sifflement d’un train change de fréquence suivant que le train se rapproche ou s’éloigne, la fréquence émise par un atome en mouvement est décalée, pour un observateur immobile, vers les hautes ou les basses fréquences suivant que l’atome se rapproche ou s’éloigne. Un phénomène analogue se produit pour l’absorption. Il en résulte que le gaz, dans son ensemble, peut absorber ou émettre sur une plus grande largeur spectrale : c’est l’ élargissement Doppler. Il correspond en général à des largeurs de l’ordre du gigahertz (1 GHz = 10 9 Hz), environ 100 fois la largeur naturelle.
2.2 Spectres d’absorption et d’émission Les spectres d’émission sont constitués par l’ensemble des fréquences émises par un corps lorsque ses électrons sont amenés dans des états excités (§ 2.3 et 2.4) ; les spectres d’absorption, par les fr équences absorbées par ce corps lorsqu’il est éclairé par une source pouvant émettre une gamme continue de fréquences. Lorsque le corps n’est pas excité, les électrons sont dans leur état fondamental, les autres états sont vides. En absorption, on n’observe donc habituellement que les transitions partant de l’état fondamental.
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exp loitation du droit de cop ie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales
A 1 080 − 5
OPTIQUE DES MILIEUX MATÉRIELS ________________________________________________________________________________________________________
2.2.1 Spectres atomiques et moléculaires Le spectre de l’hydrogène, qui ne possède qu’un seul électron, se décrit de manière très simple. L’électron peut occuper une échelle de niveaux d’énergie proportionnelle à 1/ n 2. Le spectre est constitué par des séries de raies. La première série est formée des transitions entre l’état fondamental et tous les autres, la deuxième, des transitions entre le premier état excité et tous les autres, etc. La mesure des fréquences de ces transitions a constitué la première vérification expérimentale précise de la théorie de Bohr. Pour les atomes à plusieurs électrons, les raies le plus couramment observées correspondent aux transitions entre niveaux n et n ′ ′ d’un seul électron externe. Les nombres n et n’ peuvent prendre des valeurs quelconques, les nombres et ′ sont limités par les règles de sélection données au paragraphe 2.1.2. Le nombre des transitions possibles, leur fréquence et leur intensité se calculent à l’aide de la théorie quantique lorsque l’on connaît les fonctions d’onde de l’atome, ce qui n’est possible que pour les atomes assez simples. Inversement, pour les atomes dont on ne peut pas calculer exactement la structure, l’étude des transitions constitue un moyen d’accéder à la position des niveaux et aux fonctions d’onde. En général les raies les plus intenses du spectre sont associées aux transitions entre l’état fondamental et les premiers états excités. C’est le cas par exemple de la double raie jaune orangé du sodium (figure 1b ). Les molécules ont des spectres encore plus riches que ceux des atomes complexes. Comme pour un atome, on peut observer des transitions entre niveaux électroniques. De plus, on peut observer des transitions entre niveaux de vibration et de rotation. Les fréquences des transitions vibrationnelles tombent dans le domaine de l’infrarouge (10 12 à 10 14 Hz, correspondant à des longueurs d’onde comprises en gros entre 1 µm et 100 µm), celles des transitions de rotation, dans le domaine radiofréquence ou infrarouge lointain (10 6 à 1012 Hz, correspondant à des longueurs d’onde allant de la centaine de mètres à la centaine de micromètres).
2.2.2 Absorption et émission dans les solides À cause de la structure de bande des électrons, le spectre d’absorption des solides est constitué de bandes de fréquence très larges. L’excitation d’un électron de la bande de valence à la bande de conduction s’accompagne de la formation d’un trou dans la bande de valence. Lorsque le système se désexcite, l’électron et le trou se recombinent pour donner un photon. Cependant, l’électron et le trou peuvent subir des perturbations qui modifient cette émission. Ils peuvent être piégés sur certains sites de la matrice cristalline. Ces pièges sont par exemple des défauts du cristal, comme des ions manquants, des ions interstitiels ou des ions étrangers. Ils donnent lieu à des niveaux électroniques situés dans la bande interdite. Des électrons ou des trous ainsi piégés constituent des espèces bien définies avec des propriétés spécifiques. Ils sont appelés centres colorés, à cause de la couleur car actéristique de leur émission. Ainsi, un électron piégé par une lacune d’ion halogène dans une matrice d’halogénure d’alcalin est appelé centre F. Le chlorure de sodium a un centre F jaune, le bromure de potassium, un centre F bleu. Un autre cas intéressant est celui des atomes étrangers à faible concentration. Ces atomes sont éloignés les uns des autres comme ceux d’un gaz, aussi leurs niveaux ne s’élargissent pas en bandes. Par exemple, la couleur rouge du rubis est due à la présence d’ions chrome dans un cristal d’alumine.
2.3 Émission thermique Nous considérons dans ce paragraphe le cas où les atomes des corps envisagés sont excités par chauffage. Notons tout d’abord que les électrons d’un système n’occupent les états d’énergie la plus basse possible que lorsque la température e st égale au zéro absolu. Dès que la température est non nulle, certains niveaux excités peuvent être peuplés, avec une probabilité p (E ) qui dépend de leur énergie E par rapport au niveau fondamental : p (E ) = C exp(– E / kT ) (1) où k est la constante de Boltzmann ( k = 1,38 × 10–23 J/K) et C une constante de normalisation très proche de 1 dès que la séparation entre les niveaux d’énergie est grande devant kT . Ainsi, par exemple, la probabilité d’excitation du premier niveau du sodium, d’énergie E = 0,33 aJ (1 attojoule = 10–18 J), pour T = 1 000 K, est p (E ) = 2,6 · 10 –11, ce qui est très faible. Pour un ensemble d’atomes, on appelle population N i d’un niveau i d’énergie E i le produit du nombre total N d’atomes par unité de volume par la probabilité d’occupation de ce niveau : N i = N p (E i ) Nous supposons que le corps porté à une certaine température est en équilibre avec le rayonnement qu’il émet ou qu’il absorbe : le corps et le rayonnement n’interagissent que l’un avec l’autre, par exemple à l’intérieur d’une enceinte fermée aux parois parfaitement réfléchissantes. Le rayonnement a alors des propriétés très générales reliées aux lois de la thermodynamique, en particulier lorsqu’il s’agit d’un corps noir .
2.3.1 Corps noir. Formule de Planck Par définition, le corps noir est un corps idéal qui pourrait émettre et absorber les radiations de toutes fréquences. Dans ce cas la thermodynamique indique que la répartition du rayonnement qu’il émet en fonction de la fréquence ne dépend que de la température. Plus précisément, on définit la densité spectrale d’énergie lumineuse ρ (ν ) par : ρ (ν ) = dW /dν où d W est l’énergie lumineuse par unité de volume présente dans la bande de fréquence de largeur d ν , centrée sur la fréquence ν . En supposant que l’énergie lumineuse est continue, c’est-à-dire peut prendre toutes les valeurs quelle que soit la fréquence considérée, on arrive à une formule, dite loi de Rayleigh-Jeans, qui prévoit une divergence de ρ (ν ) lorsque ν tend vers l’infini. Ce problème, appelé catastrophe ultraviolette , fut résolu à la fin du XIXe siècle par Planck, qui proposa la loi qui porte son nom : ρ (ν )
c 3 1 8 π h ν 3 exp ( h ν / kT ) 1
- --------------------------------------------= -------------------–
avec c vitesse de la lumière. Cette formule suppose que l’énergie du rayonnement ne peut pas varier de manière continue, mais seulement par quantités finies, égales à hν . Ce sont ces quanta de lumière, encore appelés photons, qui ont permis à Einstein d’expliquer l’effet photoélectrique. Avec cette hypothèse de quantification du rayonnement, la densité spectrale tend vers zéro lorsque ν tend vers zéro ou vers l’infini, c’est-à-dire pour les très petites aussi bien que pour les très grandes fréquences (figure 4a ). Entre ces deux extrêmes, la densité spectrale passe par un maximum qui ne dépend que de la température du corps noir et qui se situe d’autant plus vers le bleu que la température est élevée. La longueur d’onde λ m de ce maximum est donnée par la loi de Wien : λ m T = 2,9 · 10 6 nm · K
A 1 080 − 6
(2)
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exp loitation du droit de copi e est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales
_______________________________________________________________________________________________________
OPTIQUE DES MILIEUX MATÉRIELS
comportant deux niveaux, le niveau fondamental 1 et un niveau excité 2. L’atome est en équilibre avec du rayonnement thermique à la température T , de densité spectrale ρ (ν ), donnée par la formule de Planck. La probabilité d’émission spontanée A 21 du niveau 2 vers le niveau inférieur 1 est, comme nous l’avons vu, indépendante du rayonnement extérieur. Les probabilités d’émission stimulée et d’absorption sont proportionnelles à ρ (ν ), et sont notées respectivement B 21 ρ (ν ) et B 12 ρ (ν ). Einstein a montré que l’émission stimulée et l’absorption sont complètement symétriques, soit B 12 = B 21 . En utilisant les formules (1) et (2) et le fait que la population des deux niveaux est en équilibre sous l’effet de l’absorption et de l’émission, on peut trouver une relation entre les coefficients A 21 et B 21 : B 21 c 3 ----------- = -------------------A 21 8 π h ν 3 où hν est égal à la différence d’énergie entre les deux niveaux. Pour juger de l’efficacité de ces différents processus dans le cas d’un milieu en équilibre thermodynamique, c’est-à-dire dont les niveaux sont peuplés suivant la formule (1), calculons la probabilité d’absorption P abs à partir du niveau fondamental (la probabilité d’occupation du niveau fondamental est voisine de 1), la probabilité d’émission stimulée P st et la probabilité d’émission spontanée P sp : P abs = B 12 ρ (ν ) P st = B 21 ρ (ν ) p (E ) P sp = A 12 p (E )
Compte tenu des formules (1) et (2), on trouve que la probabilité d’absorption et la probabilité d’émission spontanée sont voisines, tandis que la probabilité d’émission stimulée est négligeable. Cela est dû à la très faible population du niveau excité par rapport à celle du niveau fondamental. Figure 4 – Émission thermique de lumière
Pour T = 5 300 K, qui est la température du soleil, le maximum correspond à une longueur d’onde de 550 nm, c’est-à-dire qu’il se trouve dans le jaune, longueur d’onde où l’atmosphère est transparente : l’énergie radiative du soleil arrive jusqu’à la surface de la Terre sans être absorbée. Pour T = 300 K, qui est à peu près la température de la surface de la Terre, le maximum d’émission se situe vers 10 µm. Cette longueur d’onde est absorbée par l’atmosphère, qui la réémet en partie vers la Terre, en partie vers la haute atmosphère. Ainsi l’énergie émise par la Terre est partiellement emprisonnée par l’atmosphère avant d’être réémise dans l’espace ; c’est l’effet de serre , qui réchauffe la surface de la Terre. Notons cependant que l’application de la formule de Planck à la Terre ou à tout autre corps réel n’est en général qu’approchée. Un corps réel, à l’équilibre thermodynamique, ne peut émettre qu’avec une densité spectrale d’énergie inférieure à celle du corps noir (figure 4b ). La formule de Planck donne une limite maximale de la densité spectrale de l’énergie lumineuse que peut émettre un corps à une certaine température. Même si le corps n’est pas un corps noir parfait (on parle souvent de corps gris ), son aspect visuel donne un ordre de grandeur de sa température. À basse température, vers 800 K, le corps paraît rouge sombre, puis, lorsque l’on augmente sa température, il devient rouge clair, puis jaune (1 500 K), blanc (5 000 K) et bleu (10 000 K). Il est ainsi possible d’associer à chaque couleur une température, dite température de couleur, qui correspond au spectre de l’émission du corps.
2.3.2 Coefficients d’Einstein Des considérations thermodynamiques permettent également de trouver des relations entre les coefficients caractérisant l’émission spontanée, l’émission stimulée et l’absorption entre deux niveaux d’un atome, appelés coefficients d’Einstein. Considérons un atome
2.4 Luminescence La luminescence regroupe les modes d’émission de la lumière autres que l’émission thermique ou incandescence. On a longtemps baptisé fluorescence la luminescence de courte durée, de l’ordre de 10 ns, et phosphorescence la luminescence de longue durée, tandis que le terme de luminescence recouvre ces catégories. Suivant les spécialités de l’optique, ces différences de vocabulaire subsistent.
2.4.1 Photoluminescence La photoluminescence utilise la lumière pour agent excitateur. En général les radiations excitatrices ont une longueur d’onde inférieure à celle du rayonnement émis. En effet, si l’électron part du niveau fondamental en absorbant un photon, le niveau sur lequel il redescend en émettant un autre photon ne peut être plus bas que le niveau de départ ; le photon émis a donc une énergie inférieure au premier ; c’est le rayonnement Stokes . Il se peut aussi que le niveau de départ soit un niveau déjà excité ; le retour de l’électron dans l’état fondamental s’accompagne alors d’une émission à une longueur d’onde inférieure à celle de la lumière excitatrice (raies anti-Stokes).
La photoluminescence, sans changement de longueur d’onde ou avec (effet Raman), est un des outils majeurs de la spectroscopie (§ 5). Une autre application particulièrement importante de la photoluminescence est l’analyse quantitative. Les spectres d’excitation et d’émission sont complètement différents d’un corps à l’autre, et procurent des moyens très efficaces pour détecter des tra ces d’impuretés ou de polluants. La luminescence a un avantage majeur sur l’absorption : elle est souvent bien plus sensible. En effet, pour mesurer l’absorption d’un échantillon peu absorbant, il faut être
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exp loitation du droit de cop ie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales
A 1 080 − 7
OPTIQUE DES MILIEUX MATÉRIELS ________________________________________________________________________________________________________
capable de détecter de faibles changements dans l’intensité de la lumière transmise. Au contraire, en é mission (à une longueur d’onde différente de celle de l’excitation), on mesure de faibles signaux sur un fond pratiquement noir. Les mesures d’émission sont si sensibles que les chercheurs ont pu récemment détecter un seul atome dans un gaz, ou une seule molécule dans un milieu condensé. La photoluminescence a reçu de nombreuses autres applications, comme la réalisation de revêtements pour les tubes à décharge. Ces tubes, qui contiennent de la vapeur de mercure excitée par une décharge électrique (§ 3.2.2), ont un revêtement qui absorbe les raies ultraviolettes émises par le mercure et réémet de la lumière visible. Citons aussi les peintures luminescentes utilisées en décoration (lumière noire) ou pour la signalisation et les recherches hydrographiques où l’injection de fluorescéine permet de révéler les communications souterraines entre rivières.
2.4.2 Électroluminescence La cause d’excitation est ici le champ électrique, qui accélère des électrons, lesquels viennent exciter par choc les électrons de l’état fondamental dans un gaz ou de la bande de valence dans un semi-conducteur. 2.4.2.1 Électroluminescence dans les gaz En présence d’un champ électrique suffisant, une décharge peut s’initier dans un gaz sous faible pression ; elle provient de l’ionisation de certains atomes par le champ électrique, avec formation d’ions positifs et d’électrons : le milieu devient conducteur. Au cours des chocs avec les atomes, les électrons portent ces derniers dans des états excités, qui fluorescent. Par exe mple, les tubes à néon émettent une lumière rouge, due au grand nombre de raies rouges dans le spectre du néon. Ce processus est utilisé couramment dans les tubes luminescents (§ 3.2). 2.4.2.2 Électroluminescence dans les solides Dans les solides, l’électroluminescence se produit dans deux types de dispositifs, des films de semi-conducteurs et des diodes semiconductrices. Dans le cas des films (effet Destriau) , le semiconducteur (en général un sulfure) comporte des inhomogénéités. Lorsqu’une tension extérieure est appliquée, elle crée à l’intérieur du solide un potentiel fortement inhomogène dû aux défauts du cristal, avec des gradients de champ locaux qui déforment les bandes. Cela permet d’extraire les électrons liés aux pièges et de les faire passer dans la bande de conduction. La recombinaison des électrons et des trous, soit directement, soit sur un piège, donne de la luminescence. Le phénomène est transitoire et nécessite une tension alternative pour l’observation d’une luminescence permanente. Les cellules électroluminescentes sont souvent utilisées pour la signalisation lumineuse, leur rendement étant trop faible pour l’éclairage. Les électrons impliqués dans l’excitation peuvent provenir du milieu lui-même, comme nous venons de le voir, ou être injectés de l’extérieur. Cette technique est utilisée dans les diodes électroluminescentes et dans les diodes lasers. Ces diodes sont formées en reliant un semi-conducteur de type P (riche en trous) à un semiconducteur de type N (riche en électr ons), par exemple de l’arséniure de gallium (GaAs) dopé respectivement positivement et négativement. Polarisée dans le sens direct, cette jonction devient émettrice de lumière par recombinaison des électrons issus de la région N avec les trous provenant de la région P . Cette recombinaison se produit préférentiellement dans la région P . Suivant les matériaux utilisés, l’émission peut avoir lieu du bleu à l’infrarouge.
A 1 080 − 8
2.4.3 Radioluminescence La radioluminescence provient des interactions entre la matière et les radiations ionisantes, qui peuvent être des particules comme les particules β (électrons ou positrons), α (noyaux d’hélium) ou des rayons électromagnétiques X ou γ . Les radiations créent des électrons libres dans la matière par effet photoélectrique, puis ces électrons secondaires produisent des espèces excitées qui émettent la luminescence. La radioluminescence est à la base d’un grand nombre de détecteurs de radiations, appelés scintillateurs. Les détecteurs de rayons γ utilisent de l’iodure de sodium activé au thallium. C’est essentiellement l’iode qui absorbe l’énergie, et celle-ci sert ensuite à activer le centre luminescent TI +, dont l’émission a l’avantage de se situer dans le visible. Les détecteurs β sont constitués de cristaux de molécules organiques ou de solutions de scintillateurs organiques hautement fluorescents dans des polymères aromatiques (solides ou liquides). Les radiations excitent le solvant, puis l’excitation migre jusqu’à ce qu’elle rencontre un ce ntre scintillateur. Celui-ci possède au moins un niveau excité situé au-dessous des niveaux excités des molécules de solvant et peut ainsi prendre l’énergie disponible et émettre la luminescence. La radioluminescence est aussi à la base du fonctionnement des écrans de télévision et des oscilloscopes.
2.4.4 Luminescence chimique et biologique L’énergie nécessaire à la formation des états excités peut avoir pour origine une réaction chimique en milieu inerte (chimiluminescence) ou en milieu vivant (bioluminescence). Ainsi, la première chimiluminescence connue, découverte par l’alchimiste Brand en 1669, est celle qui se produit lors de l’oxydation du phosphore par l’air ; elle est à l’origine du terme de phosphorescence. Un processus typique d’excitation de la chimiluminescence est une réaction exothermique formant deux ou plusieurs composants dont certains sont dans des états excités ; elle est représentée par l’équation suivante (où un astérisque indique que l’espèce correspondante est dans un état excité) : A + B → C * + D Des réactions plus compliquées, comme des réactions ternaires, sont aussi possibles. La chimiluminescence se produit souvent dans les flammes. La couleur bleue des flammes d’hydrocarbones est due à la luminescence des radicaux C2 , CN et OH. La luminescence de traces métalliques dans les flammes peut être attribuée à l’excitation chimique du métal par des réactions du type : H + OH + M → M* + H 2O Les lasers chimiques (§ 5.2) utilisent une réaction chimique pour produire des espèces excitées.
2.4.5 Thermoluminescence Il ne s’agit pas d’une excitation thermique, mais plutôt du dégel de la luminescence provoquée par d’autres processus d’excitation. Les électrons excités peuvent être piégés, comme nous l’avons vu (§ 1.3), à la suite d’une excitation quelconque. Si les pièges sont assez profonds, les électrons peuvent y demeurer un temps appréciable à basse température. Une élévation de température peut apporter assez d’énergie pour extraire les électrons par agitation thermique et déclencher la luminescence.
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exp loitation du droit de copi e est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales
_______________________________________________________________________________________________________
2.5 Diffusion, absorption et dispersion Lorsqu’un milieu matériel emprunte de l’énergie à une onde lumineuse pour la réémettre dans l’espace environnant, on parle de diffusion (§ 2.5.1). La diffusion qui se produit exactement dans la direction de l’onde incidente sur le milieu, vers l’avant ou vers l’arrière, a des caractéristiques particulières car l’onde émise interfère avec l’onde incidente. Elle donne lieu aux phénomènes de réfraction, de dispersion et de réflexion (§ 2.5.2). Lorsque la longueur d’onde de la lumière se rapproche d’une des fréquences de résonance de l’atome, il y a absorption (§ 2.5.3), puis réémission de luminescence, comme nous l’avons vu au paragraphe 2.4.1. La diffusion, la dispersion et l’absorption sont des phénomènes qui font intervenir les propriétés quantiques des atomes et, en toute rigueur, ils doivent être étudiés dans le cadre de la mécanique quantique. Toutefois, un traitement fondé sur un modèle classique d’électron élastiquement lié permet de trouver les principales caractéristiques de ces phénomènes, si l’on admet que les fréquences de résonance de cet oscillateur sont celles que donne le traitement quantique.
2.5.1 Diffusion Nous allons tout d’abord envisager le cas de la diffusion par un atome isolé ; nous verrons le cas d’une assemblée d’atomes, soit désordonnée comme un gaz, soit ordonnée comme un cristal, puis le cas de la diffusion par des particules de taille plus importante. 2.5.1.1 Diffusion par un atome Un photon arrivant sur un atome avec une énergie très différente des fréquences de résonance de l’atome peut être diffusé élastiquement ou inélastiquement. La diffusion élastique se produit sans changement d’énergie ni pour l’atome, qui se retrouve dans son état initial, ni pour le photon, qui peut cependant changer de direction de propagation. C’est la diffusion Rayleigh.
La diffusion peut également être inélastique. L’état final du système est dans ce cas un état différent de l’état de départ, par exemple, pour une molécule, un autre niveau de vibration-rotation. Cette diffusion, appelée diffusion Raman, s’accompagne d’un changement de fréquence du photon diffusé, égal à la différence des énergies des deux niveaux divisée par , . Nous avons déjà mentionné l’effet Raman dans les processus de luminescence. On peut aussi l’interpréter comme un processus de diffusion. Pour calculer l’intensité diffusée par un atome, nous considérons ce dernier comme un dipôle classique, qui peut être mis en mouvement par le champ électrique d’une onde lumineuse incidente. Une onde de fréquence angulaire, ou pulsation ω 0 (où ω 0 est reliée à la fréquence ν 0 par ω 0 = 2 π ν 0 ), de vecteur d’onde k 0 (avec k 0c = ω 0 ), et de champ électrique E donné par : E = E 0 (ω 0) exp i (k 0 · r – ω 0t ) met le dipôle p situé au point r = r j en oscillation forcée dans la direction de E : p = ε 0 α (ω 0) E 0 (ω 0) exp i (k 0 · r (3) j – ω 0t ) où α (ω 0 ), qui mesure la réponse du dipôle à une excitation électrique, est la polarisabilité du dipôle à la fréquence ω 0 . Ce dipôle réémet lui-même un champ électromagnétique dont l’amplitude au point r situé à la distance R dans la direction n (r = R n ) est donnée par les lois de l’électromagnétisme : 2
E d
ω 0
= ---------------------
4 π Rc 2
α ( ω 0 ) [ n × E 0 ( ω 0 ) ] n
(4)
exp i [ ( k 0 – n k 0 ) ⋅ r j + n k 0 ⋅ r – ω t ]
OPTIQUE DES MILIEUX MATÉRIELS
où le facteur exponentiel tient compte du déphasage lié à la propagation de l’onde incidente avec le vecteur d’onde k 0 et à la propagation de l’onde diffusée entre le dipôle et l’observateur avec le vecteur d’onde n k 0 . La puissance moyenne rayonnée par unité d P d’angle solide ---------d--- dans la direction n faisant un angle Φ avec la d Ω direction du dipôle, à la distance R , en fonction de l’intensité incidente I0 , est alors donnée par : d P d -----------d Ω
4
ω 0 sin 2 Φ
= -----------------------------
16 π 2 R 2 c 4
α ( ω 0 ) 2 I0
(5)
où I0 = ε 0 c E 0 2 / 2 . L’intensité diffusée dépend de la polarisabilité α (ω 0 ) introduite dans l’équation (3) et de la direction d’observation. Elle présente une dépendance très importante, en ω 40 , avec la fréquence. Le raisonnement n’est plus valable quand la diffusion a lieu dans la direction de l’onde incidente ou dans la direction opposée, c’est-à-dire vers l’avant ou vers l’arrière. En particulier, on voit sur la formule (4) que le terme dépendant de la position r j des atomes dans l’exponentielle disparaît si k 0 n = k 0 . Dans ce cas l’onde totale diffusée est importante et interfère avec l’onde transmise pour donner le phénomène de réfraction (§ 2.5.2). 2.5.1.2 Diffusion par une assemblée d’atomes répartis uniformément, diffusion par un gaz Lorsque l’on cherche l’intensité diffusée par un ensemble de particules, il faut ajouter les champs diffusés par les diverses particules en tenant compte des termes d’interférence possibles entre ces champs r j [équation (4)]. Lorsque les atomes sont répartis uniformément comme dans un cristal parfait, on trouve que le champ total diffusé est égal au champ diffusé par un atome multiplié par un facteur qui est de l’ordre de λ 3 / v, où λ est la longueur d’onde de la lumière et v le volume de la maille élémentaire du cristal (de l’ordre de quelques dixièmes de nanomètres). Ce facteur, qui est de l’ordre du nombre d’atomes contenu dans un cube d’arête égale à la longueur d’onde lumineuse, est beaucoup plus petit que le nombre d’atomes du cristal et montre que l’interférence entre les rayonnements diffusés par les atomes est essentiellement destructive. Les cristaux très purs ne diffusent donc pratiquement pas la lumière. Lorsque les atomes sont répartis de manière aléatoire dans l’espace, comme c’est par exemple le cas dans un gaz, les termes d’interférence entre les différents atomes s’annulent en moyenne, et on peut admettre que ce sont les intensités diffusées par les divers atomes qui s’ajoutent. L’intensité diffusée est alors donnée par la formule (5) multipliée par le nombre d’atomes ou de molécules du gaz. Un calcul précis montre que ce résultat provient des variations de densité d’un point à un autre du gaz à l’échelle microscopique. On peut généraliser la formule (5) au cas de la diffusion d’un rayonnement non monochromatique et non polarisé. On trouve que l’intensité diffusée à la pulsation ω vaut : Id
=
ω 4 ( 1 cos 2 θ ) α ( ω ) 2 I0 ( ω ) 8 π 2 R 2 c 4
+ ------------------------------------------
(6)
où θ est l’angle entre la direction de propagation de l’onde incidente k 0 et la direction d’observation n . Dans le cas de l’air, les molécules d’oxygène et d’azote présentent deux types de résonance : les unes correspondent aux transitions entre niveaux électroniques et sont situées dans l’ultraviolet lointain, les autres correspondent aux transitions de vibration-rotation et se produisent dans l’infrarouge. De ce fait, dans le domaine visible, la polarisabilité α (ω ) dépend très peu de la fréquence (§ 2.5.2), et la variation de Id est dominée par le facteur ω 4. La diffusion est donc beaucoup plus efficace pour les radiations de faible longueur d’onde
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exp loitation du droit de cop ie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales
A 1 080 − 9
OPTIQUE DES MILIEUX MATÉRIELS ________________________________________________________________________________________________________
du spectre visible, ce qui explique la couleur bleue du ciel. La diffusion s’accompagne d’une atténuation de la lumière transmise dans la partie bleue du spectre. Lorsque les rayons du soleil traversent une grande épaisseur d’atmosphère, comme c’est le cas au lever et au coucher du soleil, l’orangé et le rouge dominent nettement dans la lumière transmise directement : le soleil paraît rouge. Par ailleurs, on peut montrer que même lorsque la lumière incidente n’est pas polarisée, la lumière diffusée présente une polarisation partielle qui dépend de la direction d’observation. Lorsque la direction d’observation est normale à la direction de propagation de l’onde incidente, la lumière diffusée est complètement polarisée linéairement. Cet effet est utilisé par certains insectes, dont l’œil est sensible à la polarisation, pour repérer la direction du soleil par temps couvert. La diffusion par un gaz décrite ici suppose que les molécules aient des mouvements indépendants les uns des autres. Si les molécules sont corrélées par une interaction assez forte, comme c’est le cas au voisinage du point critique, la diffusion peut devenir très importante et observable même dans un faible volume : c’est le phénomène d’opalescence critique. 2.5.1.3 Diffusion par des particules de taille variée L’expression (5) de l’intensité de la lumière diffusée est valable pour un atome aussi bien que pour d’autres particules, tant que la taille de la particule reste faible devant la longueur d’onde, de manière que l’on puisse considérer le champ comme uniforme sur la dimension du dipôle. Lorsque la taille des particules devient de l’ordre ou supérieure à la longueur d’onde, soit environ 0,5 µm pour la lumière visible, la théorie de Rayleigh n’est plus valable. On se trouve dans le régime de diffusion de Mie. La théorie montre alors que l’intensité de la lumière diffusée en fonction de la longueur d’onde décroît fortement à partir d’une longueur d’onde environ égale à la taille de la particule. Au-dessous de cette valeur, elle ne dépend pratiquement pas de la longueur d’onde du rayonnement (figure 5). Ainsi, une brume légère, formée de particules d’environ 1 µm de diamètre, diffuse beaucoup moins l’infrarouge que le visible, propriété qui est utilisée en photographie. Les nuages, formés de gouttes dont le rayon varie de 1 à 10 µm, diffusent de manière égale toutes les longueurs d’onde visibles et paraissent blancs. 2.5.1.4 Diffusion par un cristal. Diffusion Brillouin Nous avons vu (§ 2.5.1.2) que la diffusion par un cristal parfait était quasiment nulle. La diffusion peut réapparaître si le cristal présente des défauts, ou si les atomes qui le constituent vibrent autour de leur position d’équilibre. Un cas particulièrement intéressant est celui où une onde acoustique de vecteur d’onde k s se propage dans le cristal. Si c’est une onde de compression plane, la densité présente des plans de maximums et de minimums perpendiculaires à k s , qui se propagent à la vitesse du son, ou qui sont immobiles si l’on a une onde acoustique stationnaire. L’ensemble forme un réseau de densité qui peut diffracter la lumière incidente dans des directions bien déterminées. Si l’onde acoustique est faible, la diffusion se produit principalement dans le premier ordre de ce réseau, c’est-à-dire dans les directions : k d = k 0 ± k s
On peut retrouver ce résultat rigoureusement en calculant le champ total diffusé par les atomes en mouvement avec la formule (4). Ce phénomène est appelé diffusion Brillouin. Il est utilisé dans la réalisation de déflecteurs acousto-optiques, qui permettent de commander la déflection d’un faisceau lumineux par un cristal grâce à une onde acoustique. En dehors des ondes diffusées par les vibrations du cristal, seuls subsistent deux types d’ondes : l’onde réfléchie symétriquement par rapport à l’onde incidente et une onde réfractée par le cristal.
Figure 5 – Intensité diffusée par une particule de diamètre d en fonction de la longueur d’onde
2.5.2 Dispersion, réfraction et réflexion Nous nous intéressons maintenant à la propagation de la lumière dans un milieu matériel, c’est-à-dire à l’effet des ondes émises par les atomes et se propageant vers l’avant ou vers l’arrière , cas non traité dans le paragraphe 2.5.1. Nous allons voir que, par suite de l’interaction de la lumière avec la matière, la vitesse de la lumière est plus faible d’un facteur n appelé indice de réfraction , dont nous allons discuter l’origine. 2.5.2.1 Diffusion vers l’avant d’une lame mince Nous considérons tout d’abord une lame infinie d’épaisseur a faible devant la longueur d’onde, et éclairée sous incidence normale par une onde plane. Le champ peut être considéré comme homogène sur l’épaisseur de la lame et il crée sur la lame une répartition homogène de dipôles. On peut montrer à l’aide de la formule (4) que le champ créé par cette lame de part et d’autre est : e =
1 k α ( ) aN E i ω 0 0 2 0
-----
où E 0 et k 0 sont l’amplitude et la longueur du vecteur d’onde du champ incident et où N est la densité volumique de molécules dans la plaque. Le champ rayonné par la plaque se compose de deux ondes planes de même amplitude se propageant respectivement dans le même sens et en sens opposé à l’onde incidente. L’onde diffusée vers l’avant s’ajoute à l’onde incidente pour donner l’onde transmise. L’autre constitue l’onde réfléchie. La variation du champ écrit sous la forme E = E (z ) exp(– iω t ) après traversée de la lame peut donc s’écrire : 1- k N α ( ) aE ( z ) d E (z ) i ω 0 ------------------ = i k aE (z ) + ---0 2 0 d z où le premier terme est le déphasage dû à la propagation dans le vide et le second est le champ diffusé vers l’avant par la lame. Cette équation a la même forme que celle qui représente la propagation dans le vide, à condition de remplacer k 0 par k : k
=
1 k 0 1 + ----- N α ( ω 0 ) 2
=
k 0 n
(7)
où n est l’indice de réfraction du milieu. La présence du milieu matériel a donc pour effet de changer la vitesse de propagation de la lumière. 2.5.2.2 Propagation dans une lame épaisse Dans une lame épaisse, les dipôles sont soumis non seulement au champ incident mais aussi aux champs diffusés par les autres couches de dipôles formant la lame. Lorsque l’on tient compte de cet effet, on trouve alors que le champ se propage dans la lame suivant l’équation :
d 2 E (z ) d z 2
--------------------- = –
A 1 080 − 10
k 20 1 + N α ( ω 0 ) E (z )
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exp loitation du droit de copi e est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales
_______________________________________________________________________________________________________
On peut également trouver ce résultat à partir des équations de Maxwell dans un milieu matériel en exprimant la polarisation du milieu P (P = N p ) à l’aide de l’expression (3). Cette équation est analogue à l’équation de propagation dans le vide à condition de prendre un vecteur d’onde k de module k tel que : k 2
=
k 20 1 + N α ( ω 0 )
L’indice du milieu vaut maintenant : n
=
k / k 0
=
( 1 + N α ( ω 0 ) )
(8)
Dans un milieu dilué, le terme N α (ω 0) est faible devant 1, et on retrouve pour l’indice l’expression (7) du paragraphe 2.5.2.1. L’indice dépend de la polarisabilité du milieu, que nous devons évaluer à l’aide d’une théorie microscopique. 2.5.2.3 Calcul de l’indice de réfraction et phénomène de dispersion Pour calculer la polarisabilité α (ω ) du milieu matériel, nous allons tout d’abord utiliser le modèle d’atome le plus simple, c’est-à-dire celui de l’électron élastiquement lié obéissant aux lois de la mécanique classique. Le mouvement de l’électron en présence d’un champ électrique oscillant est alors donné par l’équation :
d 2 x m ---------2--- + γ x + ω 20 x = eE 0 exp ( – i ω t ) d t
(9)
Dans le premier membre de cette équation, le deuxième terme représente une force de friction dont nous verrons ci-après la signification physique et le troisième, la force de rappel que subit l’électron dans l’atome ; le second membre contient la force due au champ électrique. La solution stationnaire de cette équation est de la forme : x = x 0 (ω ) exp(– iω t ) où l’amplitude de vibration x 0 est donnée par : x 0 ( ω )
eE 0
= ----------------------------------------------------
m ( ω 20 – ω 2 ) + i ωγ
(10)
Le dipôle atomique p est donné par p = ex . L’équation (10) nous permet de calculer la polarisabilité α (ω ) d’un dipôle atomique telle qu’elle est définie par l’équation (3), et de calculer l’indice de réfraction. L’intérêt de ce traitement très simple est qu’il donne pour α (ω ) une expression analogue à celle que donne le traitement quantique complet, à condition de considérer que ω 0 est une des fréquences de résonance de l’atome, proportionnelle à la distance en énergie entre deux niveaux quantiques (§ 1.1), et que γ est la largeur de la transition (§ 2.1.3).Nous devons de plus tenir compte du fait que l’atome a plusieurs fréquences de résonance ω j , et faire la somme des contributions de ces différentes fréquences. Chaque contribution est pondérée par la population du niveau inférieur de la transition N j [celle du niveau supérieur est en général beaucoup plus faible (§ 2.3)], et par un facteur f j appelé force d’oscillateur, qui représente l’efficacité du couplage de l’atome au champ. Considérons tout d’abord un milieu dilué. En portant l’équation (10) dans l’expression de l’indice (7), et compte tenu des différentes fréquences de résonance, on obtient : n – 1
=
∑ f j N j j
e 2
----------------------------------------------------------------
2m ε 0 ( ω 20 – ω 2 ) + i ωγ
(11)
La partie imaginaire de l’indice ainsi obtenu n’est importante que lorsque ω – ω j est de l’ordre de la largeur de la raie, γ , soit au voisinage immédiat des résonances ; nous analyserons ce terme, qui correspond au phénomène d’absorption du paragraphe 2.5.3.
OPTIQUE DES MILIEUX MATÉRIELS
Lorsque ω – ω j est grand devant γ , l’indice de réfraction est réel et présente une dépendance en fréquence qui est liée aux fréquences de résonance de l’atome (ou plus généralement, du milieu considéré). Cette dépendance est représentée sur la figure 6. Pour les substances transparentes (gaz incolores, verre), les fréquences de résonance se trouvent dans l’ultraviolet et dans l’infrarouge ; dans ces conditions, on voit sur la figure 6 que l’indice croît avec la fréquence dans le spectre visible : l’indice est plus grand pour le bleu que pour le rouge. C’est la dispersion normale . Au voisinage des résonances, on peut avoir des zones de dispersion anormale , où l’indice décroît avec la fréquence. Lorsque le milieu n’est pas très dilué ( N α (ω ) ≈ 1), nous devons employer l’expression (8) pour calculer l’indice. De plus, il nous faut tenir compte de la structure au niveau microscopique, qui est extrêmement inhomogène. En réalité, le champ que voient les dipôles atomiques n’est pas le champ dans un diélectrique homogène comme le suppose la formule (8). On peut considérer que chaque atome ou chaque molécule, qui se trouve dans un vide entouré de diélectrique, est soumis à un champ local . Lorsque la cavité est sphérique, ce champ local E ’ peut être calculé par les lois de l’électromagnétisme classique, et l’on trouve que l’équation (11) est encore valable à condition de remplacer le premier membre (n – 1) par [3(n 2 – 1)] [2( n 2 + 2)]. Cette formule permet de représenter la dispersion des milieux denses. La variation de l’indice avec la fréquence a encore qualitativement la forme représentée sur la figure 6. Dans le cas des métaux, l’indice prend une forme particulière. On peut représenter le mouvement des électrons dans les métaux par une équation analogue à (9), en prenant ω 0 = 0 puisque les électrons sont libres. La constante d’amortissement γ est due aux collisions des électrons dans le réseau ; plus précisément γ est l’inverse du temps moyen entre deux collisions successives qui est court devant la période des ondes optiques. On doit donc prendre γ ω dans la formule (10). Finalement, en utilisant la formule (8), l’indice des métaux est donné par : n 2
= –
Ne 2 i ------------- ----1----ε 0 m ωγ
où N est la densité d’électrons libres dans le métal et où l’on a négligé 1 devant le terme ci-dessus. L’indice est grand devant 1 et a une partie imaginaire égale à la partie réelle, de même que le vecteur d’onde k . L’onde transmise est amortie sur une longueur bien inférieure à la longueur d’onde : les ondes optiques ne pénètrent pratiquement pas dans les métaux. Nous allons voir qu’elles sont entièrement réfléchies. 2.5.2.4 Réfraction et réflexion À la frontière entre deux milieux, les conditions aux limites introduites par les équations de Maxwell permettent d’établir les relations entre l’intensité de l’onde incidente et les intensités des ondes réfléchie et réfractée, dont les directions de propagation sont données par les lois de Descartes (figure 7). Ces intensités dépendent de la polarisation de l’onde incidente. Deux ca s particulièrement importants sont celui de l’incidence de Brewster et celui de l’incidence normale. À l’incidence de Brewster, la réflexion d’une onde polarisée dans le plan d’incidence ( R xy sur la figure 7) est nulle ; elle correspond à tan i = n . À l’incidence normale, les coefficients de réflexion et de transmission en intensité sont donnés par : – 1 2 R = --n -----------n + 1
T =
2 n 1
2
-------------+
(12)
(13)
Si |N α| est faible devant 1, l’indice n est proche de 1, et l’onde réfléchie a une très faible intensité ; l’énergie est alors entièrement transmise. En revanche, lorsque n est assez différent de 1, l’onde réfléchie peut avoir une amplitude importante. Dans les métaux, où n 1 , l’onde est entièrement réfléchie par la surface.
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exp loitation du droit de cop ie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales
A 1 080 − 11
OPTIQUE DES MILIEUX MATÉRIELS ________________________________________________________________________________________________________
absorption. Pour préciser la forme de la raie d’absorption, on peut calculer l’énergie échangée avec le champ. Cette énergie présente une variation de forme lorentzienne en 1/[( ω 0 – ω )2 + γ 2 /4]. Elle est maximale pour ω = ω 0 , et a pour largeur totale à mi-hauteur la largeur naturelle. Nous retrouvons ainsi quantitativement le phénomène d’absorption décrit au paragraphe 2.1.1. L’énergie absorbée par les atomes est ensuite réémise sous forme de fluorescence. Remarquons que cette fluorescence peut être interprétée comme une diffusion de l’onde incidente (§ 2.5.1) qui, au voisinage des résonances, présente un maximum très sensible.
3. Sources usuelles de lumière Figure 6 – Schéma simplifié donnant la variation de l’indice de réfraction en fonction de la fréquence pour un corps transparent dans le visible
Dans cette section sont décrites quelques-unes des sources de lumière les plus courantes. Ce sont principalement des lampes qui reposent sur l’émission de lumière par un filament incandescent (§ 3.1) ou par une décharge électrique dans un gaz (§ 3.2).
3.1 Lampes à incandescence Nota : le lecteur se reportera utilement à l’article Sources de lumière de l’éclairage élec- trique. Lampes à incandescence [D 5 805] du traité Génie électrique.
Les lampes à incandescence constituent la source de lumière électrique la plus utilisée. Elles sont formées d’un filament métallique porté à l’incandescence par le passage d’un courant électrique et contenu dans une ampoule de gaz inerte. L’émission de lumière provient de l’excitation des électrons de la bande de conduction du métal et présente donc un spectre continu. À l’intérieur du métal, le spectre est celui du corps noir de l’ultraviolet à l’infrarouge. Mais le fort indice de réfraction introduit des pertes par réflexion à la sortie du métal, si bien que l’émittance dans le visible est environ 0,45 ; elle tombe à 0,10 dans l’infrarouge lointain. Ainsi le filament émet, en valeur relative, plus que le corps noir dans le spectre visible ; il a une température de couleur (définie au paragraphe 2.3.1) d’environ 100 K supérieure à sa température réelle.
3.1.1 Lampes usuelles
Figure 7 – Intensités des lumières réfléchie et réfractée lors du passage d’un dioptre
2.5.3 Absorption Au voisinage d’une résonance de fréquence ω j et de largeur γ j , l’expression (11) peut se simplifier, car la dépendance en fr équence est principalement due à cette résonance. De plus, la largeur d’une résonance étant très faible devant les fréquences optiques, on peut écrire : e 2 (14) n = n 0 + f j N j ---------------------------------------------------------------------4m ω 0 ε 0 ( ω 0 – ω ) + i γ /2 où n 0 (réel) représente la contribution des autres résonances. La partie imaginaire donne dans le ter me de propagation du champ une décroissance exponentielle en exp (ink 0z ) : l’onde est atténuée par
A 1 080 − 12
Dans les lampes usuelles, un filament de tungstène porté à environ 2 700 K se trouve dans une ampoule remplie d’argon ou de krypton à la pression atmosphérique, mélangé à quelques torrs d’azote (qui évite la formation d’une décharge entre les fils d’amenée du courant). La puissance électrique est dissipée par radiation et par convexion thermique dans le gaz. Les problèmes majeurs de ces lampes sont leur durée de vie limitée, qui est due à la vaporisation progressive du filament, et leur faible rendement lumineux, de 10 à 20 lm/ W, qui provient du fait que moins de 10 % de l’énergie est émise dans la partie visible du spectre. Les lampes à halogène-tungstène résolvent en partie cette difficulté. Nota : on rappelle que : 1 Torr ≈ 133 Pa.
3.1.2 Lampes à halogène-tungstène Ces lampes fonctionnent d’après un principe très semblable à celui des lampes à incandescence classiques. La principale différence provient de la pression de remplissage des ampoules, qui est de l’ordre de 5 à 10 bar. Cette contrainte impose d’ailleurs des ampoules plus petites et plus épaisses. Pour une même durée de vie, cela permet d’augmenter la température, et de gagner environ 20 % sur le rendement ; on atteint des efficacités de plus de 2 0 lm/W.
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exp loitation du droit de copi e est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales
_______________________________________________________________________________________________________
Les lampes à tungstène-halogène sont encore de fabrication assez coûteuse, mais avec les améliorations dans les procédés de fabrication, elles devraient remplacer peu à peu les lampes à incandescence classiques.
3.2 Lampes à décharge Nota : le lecteur se reportera utilement à l’article Sources de lumière de l’éclairage élec- trique. Lampes à décharge [D 5 810] du traité Génie électrique.
Malgré les progrès réalisés dans la technologie des lampes à incandescence, leurs performances sont limitées par le mécanisme même de l’émission thermique. Les lampes à décharge, au contra ire, convertissent directement l’énergie électrique en rayonnement. Avec un choix adéquat des gaz présents dans la décharge, on peut obtenir une distribution spectrale où la fraction de rayonnement infrarouge est réduite et atteint des efficacités et des températures de couleur bien supérieures à celles des lampes à incandescence.
3.2.1 Lampes à décharge haute intensité Ces lampes comprennent un tube à décharge contenant un gaz sous une pression de l’ordre d’une atmosphère, dans lequel un courant alternatif de quelques ampères entretient une décharge. Le tube est enfermé dans une seconde enveloppe scellée en verre, qui en assure l’isolation thermique, le protège contre la corrosion, et éventuellement absorbe les ultraviolets pour les transformer en rayonnement visible. Il existe trois principaux types de lampes à décharge haute intensité : les lampes à mercure ou à sodium haute pression et les lampes à halogénures métalliques. Le passage du courant dans ces lampes ionise le milieu gazeux et le transforme en plasma, qui contient une forte densité d’électrons libres et des ions, portés à des températures de plusieurs milliers de degrés, avec un équilibre thermodynamique local. Les radiations émises sont les raies du mercure ou du sodium pour les deux premiers types de lampes, celles des métaux présents dans les halogénures métalliques dans le troisième type. Dans les lampes à mercure, la paroi de l’enveloppe extérieure comprend un phosphore , milieu contenant des centres luminescents, qui convertissent en lumière rouge la partie ultraviolette du spectre du mercure. Les lampes à halogénures métalliques contiennent un mélange d’iodures de métaux comme l’indium (pour le bleu), le sodium (pour le jaune et l’orange) et le thallium (pour le vert), de manière à donner une température de couleur entre 3 000 et 5 000 K. Ces lampes permettent d’utiliser des métaux difficiles à vaporiser ou corrosifs pour le quartz de l’enveloppe ; l’halogène joue alors le même rôle protecteur pour la paroi que dans les lampes à tungstène-halogène. Le pourcentage d’énergie dissipée sous forme de rayonnement visible ou ultraviolet est de 30 % dans les lampes à sodium haute pression, et de 40 % dans les lampes à mercure et à halogénures métalliques, avec des efficacités allant de 50 à plus de 10 0 lm/ W, ce qui est nettement supérieur aux performances des lampes à incandescence. La durée de vie des lampes à décharge haute intensité n’est pas, comme celles des lampes à incandescence, limitée par la disparition de l’élément actif, et elle atteint des milliers, voire des dizaines de milliers d’heures. Les lampes à décharge haute intensité sont principalement utilisées pour l’éclairage public, industriel et commercial, avec des lampes de très forte puissance.
3.2.2 Lampes fluorescentes basse pression Dans les lampes fluorescentes, la lumière est émise par une décharge basse pression dans un mélange de vapeur de mercure (quelques dixièmes de pascal) et de gaz rare (quelques centaines de pascals), avec des densités de courant beaucoup plus faibles que dans les lampes à décharge haute intensité. Comme pour les lampes
OPTIQUE DES MILIEUX MATÉRIELS
haute pression, le rayonnement principalement ultraviolet du mercure est converti en rayonnement visible par un revêtement phosphorescent, composé cristallin contenant des centres luminescents. L’absorption de photons UV par ces centres les porte dans des états très excités. Ils interagissent avec le réseau et relaxent vers des états vibrationnels plus bas avant de réémettre des photons visibles. Dans la décharge d’une lampe de 40 W par exemple, 65 % de l’énergie électrique est convertie en rayonnement visible et UV. Le phosphore convertit les photons UV en visible avec un taux proche de 1, qui correspond à une perte de 50 % en énergie. Malgré ce facteur, l’efficacité atteint 100 lm/ W et les lampes fluorescentes ont, comme les lampes à décharge haute intensité, des durées de vie très longues. Les lampes fluorescentes sont principalement utilisées dans l’éclairage commercial intérieur. Avec le développement de nouveaux phosphores qui permettent d’ajuster la température de couleur, elles rentrent en compétition avec les lampes à incandescence pour l’éclairage domestique intérieur.
3.2.3 Comparaison des différents types de lampes En conclusion, il est intéressant de faire une comparaison des différentes lampes à incandescence et à fluorescence. Les lampes à incandescence classiques ont le plus faible coût de fabrication par lumen. Mais si l’on considère le prix par lumen-heure, qui prend en compte la durée de vie de la lampe, ce sont les lampes fluorescentes qui viennent en tête. Le coût de fonctionnement en énergie électrique pour une intensité lumineuse donnée est le plus avantageux pour les lampes à sodium haute pression, et ce sont celles qui sont également les plus économiques si l’on considère le prix cumulé de la lampe et de l’énergie qu’elle consomme. Mais si elles dominent maintenant très largement dans les utilisations pour l’éclairage extérieur, elles sont limitées par leur faible température de couleur et leur mauvais rendu des couleurs. C’est pourquoi on leur préfère souvent les lampes fluorescentes ou à halogénures métalliques pour les éclairages intérieurs.
4. Récepteurs de lumière On peut diviser les récepteurs de lumière en de ux catégories principales, les détecteurs photoniques et les détecteurs thermiques. Dans les premiers, décrits au paragraphe 4.1, l’absorption d’un photon excite directement une ou plusieurs particules, en général des électrons ; dans les seconds (§ 4.2), l’énergie des photons est transformée en chaleur, qui produit une élévation de température du détecteur. Au paragraphe 4.3, nous donnerons quelques informations sur les détecteurs d’images.
4.1 Détecteurs photoniques 4.1.1 L’œil La membrane sensible de l’œil, la rétine, est constituée de deux sortes de cellules visuelles : les bâtonnets, situés sur les bords et spécialisés dans la vision périphérique, qui sont sensibles à de très faibles niveaux d’éclairement (vision nocturne) ; les cônes situés au centre, qui fonctionnent à un niveau d’éclairement plus élevé et sont responsables de la vision des couleurs. L’œil détecte des intensités sur une échelle de 1 à 108, une dynamique que peu de détecteurs peuvent atteindre. Une fois accoutumé à l’obscurité, l’œil peut voir un ou deux photons.
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exp loitation du droit de cop ie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales
A 1 080 − 13
OPTIQUE DES MILIEUX MATÉRIELS ________________________________________________________________________________________________________
Dans chaque cellule se trouve un pigment sensible, la rhodopsine, qui se transforme suivant une isomérie cis-trans sous l’effet d’un photon. La variation de potentiel électrochimique qui en résulte est transmise le long des fibres du ne rf optique jusqu’aux aires visuelles du cerveau où s’effectue le décodage. Le câblage des cellules dans la rétine et leur connexion au cerveau sont fait suivant un schéma très complexe qui renforce la sensibilité au contraste entre zones éclairées différemment. Mais si l’anatomie de l’œil est bien connue à l’heure actuelle, le mécanisme de la vision est encore mal expliqué. On peut cependant retenir que l’œil apparaît comme un détecteur très sensible, assorti d’un système de traitement des données extrêmement élaboré.
4.1.2 Détecteurs photoémissifs et photomultiplicateurs
différence de potentiel et sont utilisés pour bombarder une deuxième électrode, appelée dynode, qui émet à son tour des électrons (émission secondaire). Un électron assez énergétique peut extraire plusieurs dizaines d’électrons de la première dynode. Une deuxième dynode, portée à un potentiel supérieur à la première, accélère à son tour ce flot d’électrons qui est de nouveau amplifié. Dans les photomultiplicateurs courants, il y a en général une dizaine de dynodes, et la tension totale entre la cathode et la dernière dynode (anode) est de quelques kilovolts. Grâce à leur très faible courant d’obscurité et à leur facteur d’amplification considérable (qui peut atteindre 10 6 ), les photomultiplicateurs sont capables de détecter les photons un par un. Leur temps de réponse est de quelques dizaines de nanosecondes, mais il peut descendre à la nanoseconde dans les photomultiplicateurs les plus rapides. Cependant, le rendement quantique est souvent faible et inférieur à 0,1. Sous ce dernier aspect, les systèmes solides ont de bien meilleures performances.
Nota : le lecteur se reportera utilement aux articles Physique des dispositifs électroniques [E 1 100] et Détecteurs de rayonnements [E 2 320] du traité Électronique.
Lorsqu’un photon tombe sur une surface matérielle, il peut lui arracher un électron si son énergie est suffisante : c’est l’effet photoélectrique expliqué par Einstein en 1905. Pour observer les électrons émis, on les recueille à l’aide d’une autre électrode polarisée positivement. L’électrode émettrice, polarisée négativement, est la photocathode. L’ensemble est placé dans une enceinte vide. La photoémission se produit pour de nombreux matériaux conducteurs, semi-conducteurs et isolants. 4.1.2.1 Photocathodes Pour la détection des rayonnements, on recherche des matériaux avec des seuils photoélectriques assez bas, une efficacité quantique (nombre d’électrons émis par photon incident) aussi proche de 1 que possible et un courant d’obscurité (émission en l’absence de photons) faible. Le seuil d’émission correspond dans les métaux à la distance entre le niveau moyen de remplissage de la bande de conduction (niveau de Fermi) et l’énergie de l’électron dans le vide. Dans les semi-conducteurs, c’est la distance entre le ha ut de la bande de valence et l’énergie de l’électron dans le vide. Les métaux ont un coefficient de réflexion élevé pour les photons ; de plus les électrons y perdent facilement leur énergie par thermalisation, aussi l’efficacité quantique y est-elle faible, et les photocathodes emploient essentiellement des semi-conducteurs (arséniures, antimoniures, iodures, souvent combinés avec des alcalins). La sensibilité est maximale dans une zone de longueur d’onde qui dépend du semi-conducteur considéré. Aux faibles longueurs d’onde, ce domaine spectral peut être limité par la transparence de la fenêtre du tube. Pour λ < 100 nm, il n’y a plus de matériau transparent et on emploie des détecteurs sans fenêtre, dans des instruments d’optique eux-mêmes sous vide. Le courant d’obscurité est en général très faible. En effet, la probabilité pour les électrons de conduction d’être excités par l’agitation thermique jusqu’au niveau des électrons libres (effet thermoionique) est faible, du moins dans les détecteurs destinés à l’UV, au visible et au proche IR. Les photocathodes sensibles dans l’infrarouge ont souvent des courants d’obscurité plus forts, dus à l’excitation plus facile des électrons par effet thermo-ionique et au fait que le rayonnement thermique à la température ambiante contient une proportion non négligeable de photons capables de contribuer à l’effet photoélectrique. Dans ces conditions, la solution consiste à refroidir les photocathodes. 4.1.2.2 Photomultiplicateurs Les photocathodes peuvent être employées avec une simple anode qui recueille les électrons ; l’ensemble forme une photodiode. Les photodiodes de ce type ne sont plus guère utilisées car elles ont été complètement supplantées soit par les photomultiplicateurs, soit par les photodiodes solide (§ 4.1.4.2). Dans les photomultiplicateurs, les électrons émis par l’anode sont accélérés par une
A 1 080 − 14
4.1.3 Photoconducteurs Dans un semi-conducteur, l’absorption d’un photon s’accompagne de la transition d’un électron de la bande de valence à la bande de conduction (absorption intrinsèque) ou d’un transfert d’électron de la bande de valence à un niveau permis créé par une impureté dans la bande interdite (absorption extrinsèque), ou d’autres processus comme les transitions intrabandes ou l’excitation du réseau. Les deux premiers processus créent des porteurs libres, électrons et trous, et augmentent la conductivité du semi-conducteur. On mesure le courant qui passe entre les faces d’une lame d’un tel matériau, munies d’électrodes auxquelles on applique une tension de polarisation. Les cellules photoconductrices sont surtout utilisées pour la détection infrarouge, avec des matériaux à faible bande interdite (ou gap). Les cellules à photoconduction intrinsèque sont constituées soit de matériaux monocristallins ( InSb, InAs, HgCdTe), soit de couches minces en sels de plomb. Les matériaux monocristallins ont un temps de réponse de l’ordre de la microseconde et une sensibilité de plusieurs dizaines d’ampères par watt. Pour augmenter la détectivité (c’est-à-dire détecter des signaux aussi faibles que possible), on refroidit ces cellules d’autant plus qu’elles doivent fonctionner dans l’infrarouge lointain. Les cellules destinées à détecter les radiations de longueur d’onde 10 µm, qui correspondent au rayonnement thermique à 300 K, sont refroidies à l’azote liquide (77 K). Ce type de détecteur est particulièrement intéressant pour les applications militaires, médicales et industrielles. Il est utilisé dans la fabrication des caméras infrarouges. Les couches minces sont moins onéreuses, mais leurs caractéristiques sont également moins avantageuses : temps de réponse plus élevé, sensibilité plus faible, bruit plus important. Les photoconducteurs extrinsèques monocristallins, comme le germanium ou le silicium dopés avec différents métaux, permettent la détection rapide de rayonnements de grande longueur d’onde. Les matériaux polycristallins pulvérulents tels que le sulfure de thallium ou de cadmium, et le séléniure de cadmium dopés ont, pour un prix modéré, une bonne sensibilité et des constantes de temps de l’ordre de la microseconde.
4.1.4 Détecteurs photovoltaïques. Photodiodes Nota : le lecteur pourra se reporter à l’article Physique des dispositifs électroniques [E 1 100] du traité Électronique.
4.1.4.1 Effet photovoltaïque dans les jonctions Au voisinage d’une jonction entre un semi-conducteur dopé N, c’est-à-dire comportant un excédent d’électrons, et le même matériau dopé P, c’est-à-dire comportant un excédent de trous, il s’établit, en l’absence de champ extérieur, une différence d’énergie pour les
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exp loitation du droit de copi e est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales
_______________________________________________________________________________________________________
OPTIQUE DES MILIEUX MATÉRIELS
niveaux homologues. Cette différence de potentiel est à l’origine d’un champ effectif qui assure l’équilibre en s’opposant à la diffusion des porteurs de charge, d’une région à l’autre (figure 8a ). L’absorption d’un photon d’énergie u f crée une paire électron-trou excédentaire. Cette paire peut disparaître par recombinaison, mais les porteurs qui la constituent peuvent aussi atteindre par diffusion la frontière entre les régions N et P. Les porteurs minoritaires (électrons dans la région P, trous dans la région N) sont attirés par le champ qui règne au niveau de la jonction et passent dans la région où ils sont majoritaires, tandis que les porteurs majoritaires créés par l’irradiation lumineuse sont repoussés par ce champ. En l’absence de polarisation, l’irradiation crée donc un courant électrique qui va de la région N vers la région P. Lorsque la polarisation est positive ou directe (potentiel positif du côté de la région P, négatif du côté de la région N), la barrière de potentiel qui sépare les états homologues est abaissée, et les porteurs majoritaires peuvent traverser la jonction créant un courant direct très supérieur aux valeurs usuelles du courant photoélectrique (figure 8b ). Au contraire, lorsque la polarisation est négative , ou inverse , on élève l’énergie potentielle des charges (figure 8c ). Les porteurs majoritaires ne peuvent plus du tout traverser la jonction, alors que les minoritaires, créés par l’irradiation lumineuse, passent tous. La caractéristique de la diode en présence d’une irradiation lumineuse est représentée sur la figure 8d . L’efficacité quantique de l’effet photovoltaïque peut être très proche de 1. Pour cela, on minimise les recombinaisons entre électrons et trous en choisissant une faible distance entre la surface éclairée et la jonction. Les jonctions présentent toujours un courant d’obscurité indépendant de la polarisation dû à la génération et à la diffusion des porteurs minoritaires à la température T . Faible dans le silicium, il peut être 1 000 fois plus élevé dans le germanium. La vitesse de réponse est limitée par la capacité de la jonction, qui est beaucoup plus faible en présence qu’en l’absence de polarisation inverse par suite d’effets de charge d’espace. Pour l’efficacité quantique aussi bien que pour la vitesse de réponse, on a donc intérêt à utiliser les jonctions avec une polarisation inverse. Elles sont alors appelées photodiodes. 4.1.4.2 Photodiodes, photopiles et phototransistors Nota : le lecteur se reportera à l’article Physique des dispositifs électroniques [E 1 100] du traité Électronique.
Suivant les longueurs d’onde à déte cter, on utilise du silicium (pour
λ < 900 nm), de l’arséniure de gallium (GaAs), du germanium, ou des
composés comme InAs, InGaAs, InSb et HgCdTe, qui sont sensibles plus loin dans l’infrarouge. Le rendement quantique est en général supérieur à 0,5, ce qui correspond à des sensibilités de l’ordre de 1 A/ W. Les temps de réponse peuvent être inférieurs à la nanoseconde et les courants d’obscurité au nanoampère pour les photodiodes assez petites (surface inférieure au millimètre carré). En l’absence de polarisation, une jonction, alors appelée photopile, travaille près de l’équilibre thermodynamique, ce qui minimise les fluctuations parasites. Les photopiles sont essentiellement utilisées pour la mesure de flux lumineux continus. De plus, le montage en photopile permet d’optimiser la puissance électrique recueillie, qui est maximale quand le rapport tension/courant est égal à la résistance de charge. Les photopiles (au silicium) servent à la conversion de la lumière solaire en énergie électrique. Dans les phototransistors, on utilise l’effet photoélectrique pour créer des porteurs dans la base. Le courant résultant est amplifié dans le transistor avec des facteurs de 100 à 1 000. Cependant, aux hautes fréquences, le facteur d’amplification diminue et les phototransistors perdent leur avantage sur les photodiodes.
Figure 8 – Principe de fonctionnement d’une photodiode
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exp loitation du droit de cop ie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales
A 1 080 − 15
OPTIQUE DES MILIEUX MATÉRIELS ________________________________________________________________________________________________________
4.2 Détecteurs thermiques Contrairement aux détecteurs photoniques, les détecteurs thermiques n’ont pas de seuil en fréquence, ce qui e st un avantage pour la détection des grandes longueurs d’onde. Ils ont une sensibilité qui varie peu avec la longueur d’onde et permettent de mesurer des puissances lumineuses sur de larges gammes de longueur d’onde sans réétalonnage.
4.2.1 Thermopiles Nota : le lecteur se reportera à l’article Détecteurs de rayonnements [E 2 320] du traité Électronique.
Les thermopiles sont formées d’une séquence A-B-A de deux conducteurs ou semi-conducteurs différents A et B. À l’équilibre thermodynamique, la température est uniforme, mais les distributions des électrons (et des trous) dans les bandes permises de part et d’autre des deux jonctions ainsi formées sont différentes. Une élévation de température de l’une des jonctions par irradiation lumineuse provoque un changement local de la distribution des électrons et donc un déplacement de charges qui engendre, en circuit ouvert, une différence de potentiel entre les extrémités de la séquence. Les thermopiles sont en général formées d’une série de tels couples. Les thermopiles sont les seuls détecteurs thermiques sensibles à un signal continu.
4.2.2 Détecteurs pyroélectriques Les détecteurs pyroélectriques utilisent des matériaux où la position moyenne des électrons par rapport au réseau varie avec la température. Dans une lame convenablement taillée, une élévation de température provoque l’apparition de charges électriques de signes opposés sur les deux faces. Ces matériaux sont des cristaux isolants sans centre de symétrie. Ils sont ferroélectriques et cet effet ainsi que l’effet pyroélectrique disparaissent au-dessus de la température de Curie. De par leur principe même, les détecteurs pyroélectriques sont insensibles aux signaux continus. En revanche, en régime alternatif, la sensibilité peut être extrêmement élevée (100 V/ W à 100 Hz), avec des temps de réponse très courts. Ce sont les détecteurs thermiques les plus utilisés dans le domaine infrarouge.
4.2.3 Bolomètres Nota : le lecteur se reportera à l’article Détecteurs de rayonnements [E 2 320] du traité Électronique.
Les bolomètres utilisent la variation de la conductivité électrique avec la température : ce sont des thermistances. Les matériaux les plus utilisés à l’heure actuelle sont des semi-conducteurs, dont le nombre de porteurs croît avec la température. La thermistance est en général insérée dans un montage e n pont équilibré. La sensibilité est du même ordre que celle des détecteurs pyroélectriques et la constante de temps est proche de la milliseconde. De même que les détecteurs pyroélectriques, les bolomètres ne sont sensibles qu’aux signaux alternatifs. Pour observer des signaux de grande longueur d’onde, ou de faible flux énergétique, on utilise des bolomètres refroidis à quelques kelvins. À basse température, l’enthalpie massique diminue fortement tandis que la conductivité thermique augmente, ce qui permet d’améliorer la sensibilité et le temps de réponse.
4.3 Détecteurs d’images Les émulsions photographiques sont les détecteurs d’images les plus anciens. Actuellement, avec les besoins de détection dans l’infrarouge lointain, d’acquisition rapide et de traitement
A 1 080 − 16
informatique des images, un certain nombre de dispositifs électroniques ont été mis au point.
4.3.1 Émulsions photographiques Les émulsions à base d’argent sont constituées d’une émulsion de microcristaux d’un halogénure d’argent dans de la gélatine. Les photons incidents excitent des électrons vers des pièges des microcristaux. Des ions Ag + peuvent migrer jusqu’aux pièges et reformer des atomes d’argent. Le traitement chimique produit des cristaux métalliques à partir des germes ainsi formés et élimine l’halogénure non sensibilisé. Les émulsions ont des sensibilités très variables, allant de quelques degrés à des milliers de degrés ISO.
4.3.2 Intensificateurs et convertisseurs d’images L’image incidente est formée sur une photocathode du type de celle d’un photomultiplicateur, dont la sensibilité peut être optimisée pour l’ultraviolet, le visible ou l’infrarouge. Le faisceau d’électrons émis est focalisé par une optique électrostatique et éventuellement amplifié par un multiplicateur d’électrons. À la sortie, l’image est restituée par une couche de poudre cathodoluminescente, déposée sur la fenêtre de sortie.
4.3.3 Analyseurs d’images Les analyseurs d’images transforment une image optique var iable dans le temps en un signal électronique transportable sur un canal unique. Les dispositifs actuels stockent l’information optique sous forme de charges électriques qui sont ensuite lues suivant une certaine séquence. Dans le tube Vidicon , l’image est formée sur une couche d’un matériau photoconducteur recouvert d’une électrode transparente. L’éclairement de chaque point de la couche sensible est lu à l’aide d’un pinceau d’électrons qui balaye la surface. Les électrons se déposent sur chaque élément de surface et le chargent avec une efficacité qui dépend de la conductance de la couche en ce point, donc de l’éclairement. Les détecteurs à transfert de charge (ou caméra CCD, Charge Coupled Devices) sont formés de mosaïques de photodétecteurs, situées sous des électrodes transparentes et reliées à des lignes de transfert. Les informations optiques sont recueillies suivant une séquence temporelle, où les détecteurs sont tout d’abord polarisés négativement pour la photodétection, puis dépolarisés, tandis que leurs charges sont transférées dans des registres successifs et les signaux correspondants enregistrés électroniquement. Ces appareils sont utilisés très couramment pour la visualisation et l’enregistrement d’images infrarouges.
5. Spectroscopie Nota : pour plus de détails, le lecteur pourra consulter les articles de la rubrique Méthodes nucléaires et spectroscopies du traité Analyse et Caractérisation.
La spectroscopie est l’étude de la répartition en fréquence du rayonnement émis, absorbé ou diffusé par une substance. La spectroscopie donne ainsi des informations sur la structure de la substance qui émet ou absorbe. On utilise a ussi la réponse spectroscopique d’un matériau de composition inconnue pour l’identifier et procéder à des dosages. Jusqu’à l’invention des lasers, la spec troscopie optique comportait essentiellement deux grands volets : la spectroscopie d’absorption et la spectroscopie d’émission (§ 2.2). Dans un cas comme dans l’autre, l’analyse de la lumière en ses diverses composantes spectrales se fait à l’aide d’appareils appelés monochromateurs (§ 5.1).
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exp loitation du droit de copi e est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales
_______________________________________________________________________________________________________
OPTIQUE DES MILIEUX MATÉRIELS
Une nouvelle spectroscopie a vu le jour avec l’utilisation des lasers, qui émettent directement des radiations pratiquement monochromatiques qui peuvent être très intenses. Nous passerons rapidement en revue quelques-unes des méthodes associées aux lasers (§ 5.2).
5.1 Spectroscopie classique et monochromateurs Le plus ancien des monochromateurs est le prisme. Un prisme de verre dévie les rayons lumineux qui le traversent dans une direction qui dépend de leur fréquence. Le prisme est un appareil extrêmement simple mais il n’est plus guère utilisé en spectroscopie de précision car il n’est pas capable de séparer des longueurs d’onde très voisines. La qualité d’un monochromateur est en effet liée à un critère essentiel, son pouvoir de résolution, mesuré par le rapport λ / δ λ de la longueur d’onde au plus petit écart de longueur d’onde que peut distinguer l’appareil. Un prisme de très bonne qualité ne permet pas de dépasser un pouvoir de résolution de 10 4, ce qui est faible au vu des performances atteintes par d’autres appareils basés sur des phénomènes d’interférences, comme les monochromateurs à réseau et les interféromètres de Michelson et de Fabry-Pérot qui atteignent couramment 106 et plus.
5.1.1 Monochromateurs à réseau Le réseau le plus simple est un écran percé de fentes parallèles très fines, séparées par des distances qui sont typiquement de l’ordre de quelques dizaines de fois la longueur d’onde. Lorsque le réseau est éclairé par un faisceau lumineux, chaque fente diffracte un peu de lumière dans toutes les directions et les rayons lumineux issus de toutes les fentes produisent des phénomènes d’interférence (figure 9a ), alternance de zones sombres et de zones éclairées. Les maximums de luminosité sont obtenus lorsque la différence des chemins optiques parcourus par les rayons issus de deux fentes successives est égale à un multiple entier p de la longueur d’onde (interférence constructive). En réalité, en spectroscopie, on utilise des réseaux en réflexion plutôt qu’en transmission. On les fabrique en traçant des traits réguliers sur une surface réfléchissante plane. On sait également obtenir d’excellents réseaux par des méthodes holographiques (article Optique cohérente Traitement optique de l’information [A 1 085] dans ce traité). Le spectre donné par un tel réseau peut être analysé à l’aide du montage représenté sur la figure 9b . Le réseau est éclairé par la radiation inconnue à travers une fente fine parallèle aux traits du réseau. Grâce à la lentille, le système donne pour chaque longueur d’onde une image de la fente d’entrée F 1 que l’on isole à l’aide d’une fente de sortie F 2 . Les pouvoirs de résolution que l’on peut obtenir ainsi sont bien supérieurs à ceux des prismes, ils atteignent 10 5 à 106. Pour une radiatio n vis ible rouge, de longueu r d’onde 600 nm (fréquence 5 · 1014 Hz), cela veut dire que l’on peut séparer deux composantes distantes de 0,006 nm en longueur d’onde ou de 5 · 10 9 Hz en fréquence. Pour obtenir des pouvoirs de résolution encore meilleurs, on utilise des appareils interférentiels différents, les interféromètres de Fabry-Pérot et de Michelson.
5.1.2 Interféromètre de Fabry-Pérot L’interféromètre de Fabry-Pérot est formé de deux miroirs placés face à face (figure 10a ). Un faisceau de lumière parallèle arrivant perpendiculairement aux miroirs peut être transmis à travers le
Figure 9 – Monochromateur à réseau
miroir d’entrée et pénétrer à l’intérieur de l’interféromètre. Entre les deux miroirs, l’onde lumineuse fait de nombreux allers et retours et l’onde résultante à la sortie est la somme des ondes partielles transmises par le deuxième miroir après 1, 2, 3... allers et retours. Lorsque la longueur de l’un de ces trajets (c’est-à-dire 2 fois la longueur L de l’interféromètre) est égale à un nombre entier de fois la longueur d’onde, toutes ces ondes partielles sont en phase et additionnent leurs amplitudes : l’interférence est constructive et l’intensité transmise après le deuxième miroir est égale à l’intensité incidente. Si les ondes partielles ne sont pas en phase, l’onde résultante est très faible et aucune lumière n’est tr ansmise par l’appareil. La transmission de l’interféromètre en fonction de sa longueur lorsqu’il est éclairé en lumière parallèle par une radiation monochromatique est donnée par la courbe d’Airy représentée sur la figure 10b . La position des maximums d’interférence dépend de la longueur d’onde (2 L = p λ , avec p entier) et leur finesse est d’autant plus grande que les miroirs sont plus réfléchissants. Lorsque la lumière n’est pas monochromatique, chaque composante du spectre donne lieu à une série de maximums d’intensité que l’on peut séparer si leur finesse est suffisante. Le pouvoir de résolution peut être très grand, il est couramment de l’ordre de 10 6 et peut atteindre des valeurs bien supérieures. En revanche, deux longueurs d’onde λ et λ ’ telles que 2 L = p λ et 2L = (p + 1) λ ’ donnent des maximums qui coïncident. La distance λ – λ ’ est appelée intervalle spectral libre. Lorsque l’extension d’un spectre est supérieure à l’intervalle spectral libre, les spectres d’ordres voisins se recouvrent et l’interprétation devient difficile. L’interféromètre de Fabry-Pérot nécessite une présélection spectrale de la lumière de manière à n’avoir à analyser que des différences de longueur d’onde inférieures à son intervalle spectral libre.
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exp loitation du droit de cop ie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales
A 1 080 − 17
OPTIQUE DES MILIEUX MATÉRIELS ________________________________________________________________________________________________________
Figure 10 – Interféromètre de Fabry-Pérot
5.1.3 Interféromètre de Michelson et spectroscopie par transformation de Fourier Contrairement à l’interféromètre de Fabry-Pérot où l’interférence se produit entre les multiples ondes réfléchies par les miroirs, celui de Michelson ne fait interférer que deux ondes. Considérons le dispositif représenté sur la figure 11. Un faisceau lumineux entrant par la gauche est divisé en deux par la lame séparatrice LS ; les deux faisceaux sont ensuite réfléchis par les miroirs M 1 et M2 et reviennent sur eux-mêmes ; ils se recombinent sur la lame séparatrice et on mesure l’intensité qui sort perpendiculairement à la direction d’entrée. Suivant que la différence de marche parcourue par les faisceaux sur chacun des bras de l’interféromètre e st égale à un nombre entier ou demi-entier de longueurs d’onde, les deux ondes sont en phase ou en opposition de phase quand elles se retrouvent sur la lame séparatrice ; leurs amplitudes s’ajoutent ou se retranchent, donnant lieu à une série de maximums ou de minimums lorsque l’on fait varier la différence de marche ou la longueur d’onde. La variation de la transmission de l’appareil éclairé en lumière monochromatique est donnée en fonction de la différence de marche par une sinusoïde. Si l’on envoie une deuxième longueur d’onde, elle donne une sinusoïde décalée par rapport à la première. Lorsque la lumière incidente contient des composantes de fréquences variées, on imagine aisément que l’intensité de sortie, résultant de la somme de toutes les sinusoïdes, ne donne pas une image immédiate du spectre. Mais ce faisant, le système réalise exactement l’opération mathématique appelée transformation de Fourier. Pour retrouver le spectre de la lumière, il suffit de faire la transformation inverse, qui peut être aisément calculée à l’aide d’un ordinateur. Le pouvoir de résolution est égal au nombre de longueurs d’onde contenu dans l’excursion totale de la différence de marche, qui peut être très grand. La spectroscopie par transformation de Fourier permet en particulier d’analyser des spectres complexes avec une bonne résolution sur des temps d’enregistrement bien plus courts qu’avec d’autres méthodes.
5.2 Spectroscopie laser Nota : le lecteur pourra également consulter l’article Techniques laser en analyse et caractérisation [P 2 685] du traité Analyse et Caractérisation.
Les premiers lasers mis au point dans les années 60 fonctionnaient sur des fréquences fixes et n’étaient guère utilisables de manière générale en spectroscopie. Les années 70 virent le développement de nouveaux types de lasers, en particulier les lasers à colorant, qui émettent une raie à la fois très fine et accordable en fréquence sur de larges plages. Ils permettent maintenant d’obtenir un rayonnement cohérent depuis le proche ultraviolet jusqu’à l’infrarouge.
A 1 080 − 18
Figure 11 – Interféromètre de Michelson
Disposant de tels instruments, les spectroscopistes ont privilégié les méthodes d’absorption ; il est en effet facile de balayer la fréquence du laser et de mesurer la v ariation d’intensité du laser après traversée du milieu à étudier. On enregistre ainsi directement les raies d’absorption, et la mesure de la fréquence émise par le laser (par des méthodes interférentielles par exemple) donne les fréquences de résonance atomiques ou moléculaires cherchées. On peut aussi détecter l’absorption indirectement en analysant la variation de la lumière de fluorescence réémise dans une autre direction ou sur une autre transition, une technique qui est parfois plus sensible que la mesure directe de l’absorption. D’autres effets comme la variation résonnante de la dispersion ou de la biréfringence d’un milieu au voisinage des transitions atomiques sont également très utilisés en spectroscopie laser. Par ailleurs, grâce à la puissance importante qu’ils fournissent sur un domaine spectral restreint, les lasers ont permis d’étendre le domaine d’application des méthodes de spectroscopie existantes à des niveaux que l’on ne pouvait pas étudier avec des sources lumineuses classiques, comme l’excitation d’atomes dans des niveaux élevés utilisant plusieurs transitions successives en échelon.
5.2.1 Spectroscopie d’absorption Nota : le lecteur pourra également consulter l’article Spectrométrie d’absorption dans l’ultraviolet et le visible [P 2 795] du traité Analyse et Caractérisation.
Les lasers à colorant ont aussi donné une nouvelle jeunesse à la spectroscopie sur jet atomique. Dans un jet atomique bien collimaté , tous les atomes, en vol libre dans une enceinte vide, ont des vitesses
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exp loitation du droit de copi e est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales
_______________________________________________________________________________________________________
OPTIQUE DES MILIEUX MATÉRIELS
parallèles à une même direction. Or le déplacement Doppler ne se produit que si les atomes se déplacent dans la direction du faisceau lumineux qui les éclaire, ou du moins s’ils ont une composante de vitesse dans cette direction. Il suffit donc d’étudier l’absorption ou l’émission de lumière dans la direction perpendiculaire au jet atomique pour éliminer l’effet Doppler. En pratique, il est difficile avec une source classique de concentrer assez de lumière sur un jet atomique. Avec un laser, au contraire, on peut obtenir des raies d’absorption dont la largeur est proche de la largeur naturelle (§ 2.1.3). Dans un gaz, la situation est différente. Les atomes vont dans toutes les directions et peuvent absorber de la lumière sur toute la bande de fréquence correspondant à la largeur Doppler. Si l’on éclaire un tel gaz par un laser monochromatique dont on balaye la fréquence autour de la fréquence de résonance atomique, on obtiendra une raie d’absorption ayant la largeur Doppler. Plusieurs méthodes, qui font usage à la fois de la monochromaticité et de la puissance des lasers, ont été proposées pour obtenir des raies fines de largeur naturelle.
5.2.3 Spectroscopie d’absorption à deux photons
5.2.2 Spectroscopie d’absorption saturée
5.2.4 Spectroscopie en impulsions ultracourtes
Cette méthode très connue repose sur l’idée que l’absorption de photons par les atomes n’augmente pas indéfiniment avec l’intensité lumineuse. En effet, partons d’une situation où tous les atomes sont dans l’état fondamental, et envoyons sur le gaz un laser dont la fréquence est en résonance avec le premier niveau excité. Quand l’intensité lumineuse augmente, de plus en plus d’atomes passent dans l’état excité. Envoyons maintenant un deuxième faisceau sonde de faible intensité, à la même fréquence que le pre mier, et mesurons son absorption après passage dans le gaz : elle dépend du nombre d’atomes dans l’état fondamental et donc diminue lorsque l’intensité du premier faisceau augmente ; on dit que l’absorption présente une certaine saturation. On peut profiter de cet effet pour obtenir une raie d’absorption sans effet Doppler. Il suffit pour cela d’envoyer le faisceau sonde en sens inverse du faisceau intense, et de balayer en même temps la fréquence ν L des deux faisceaux (issus d’un même laser par exemple). À cause de l’effet Doppler, pour un atome de vitesse V , la fréquence du faisceau intense et celle du faisceau sonde sont déplacées en sens inverse : l’atome voit ν L (1 – V / c ) pour le faisceau sonde et ν L (1 + V / c ) pour le faisceau intense. En général, les atomes qui sont résonnants avec le faisceau sonde ne le sont pas avec le faisceau intense ; on observe sur le faisceau sonde une courbe d’absorption normale quand on balaye ν L. La seule exception se produit quand la fréquence ν L du laser est égale à la fréquence de résonance ν 0 de l’atome immobile. Dans ce cas, les atomes qui sont résonnants avec le faisceau sonde sont ceux qui ont une vitesse nulle et ils peuvent aussi absorber le faisceau intense. Lorsque la fréquence du laser passe à la fréquence ν 0 , on se trouve dans le cas de l’absorption saturée envisagé plus haut, et on enregistre une brusque baisse de l’absorption du faisceau sonde. Ce trou dans la courbe d’absorption normale est centré sur la fréquence atomique et sa largeur est beaucoup plus faible que la largeur Doppler ; on montre qu’elle est de l’ordre de la largeur naturelle.
Les études spectroscopiques de phénomènes chimiques très rapides ont été rendues possibles par le développement de lasers fournissant des impulsions de l’ordre de la picoseconde ou même de la femtoseconde, qui sont maintenant disponibles sur le marché. Les principales techniques utilisées comprennent le comptage de photons, les mesures avec caméra à balayage de fente , et la méthode
L’effet Doppler peut aussi être supprimé dans les transitions à deux photons. Avec un laser il est possible de faire absorber deux photons à la fois par un atome. Si les deux photons émis par le même laser se propagent dans des directions opposées, leurs fréquences sont, comme dans le cas précédent, déplacées en sens inverses pour l’atome. La condition de résonance pour qu’un atome de vitesse V absorbe deux photons et passe d’un niveau d’énergie E 1 à un niveau d’énergie E 2 est que la somme des énergies des photons soit égale à la différence des énergies des niveaux : (E 1 – E 2)/ h = ν L (1 – V / c ) + ν L (1 + V / c ) Or le membre de droite de cette équation est toujours égal à 2 ν L quelle que soit la vitesse de l’atome ; on voit que le déplacement Doppler s’élimine et que la condition de résonance est indépendante de la vitesse de l’atome. Ainsi, si l’on éclaire les atomes par un laser dont on balaye la fréquence, on pourra observer une raie d’absorption de largeur naturelle, non affectée par l’effet Doppler.
dite pompe-sonde.
La première méthode consiste à mesurer de manière répétée le temps qui s’écoule entre l’excitation par l’impulsion laser et l’émission d’un photon par l’échantillon. On reconstruit ainsi la courbe de dépendance en temps de l’émission. Dans le cas le plus simple, c’est une décroissance exponentielle, mais la courbe peut aussi être plus complexe, donnant des informations sur les processus qui accompagnent la désexcitation. C’est ainsi que l’on étudie la redistribution d’énergie qui suit l’excitation d’une molécule dans un niveau de vibration bien déterminé. On mesure la lumière de fluorescence émise sur une raie issue d’un niveau vibrationnel voisin, ce qui indique comment le mouvement de la molécule évolue dans le temps. La caméra à balayage de fente est capable de suivre des phénomènes très rapides avec une résolution de l’ordre de la picoseconde. Elle permet d’enregistrer toute la courbe de décroissance de la lumière de fluorescence sur une seule impulsion, ce qui représente un gain de temps considérable par rapport à la technique précédente. Elle est cependant plus difficile à mettre en œuvre. Dans les méthodes pompe-sonde , on excite l’échantillon par une première impulsion de l’ordre de la picoseconde ou de la femtoseconde puis on sonde l’état du système un peu plus tard avec une deuxième impulsion. Par exemple, on porte une molécule dans un état dissociatif à l’aide d’une impulsion ; la molécule se dissocie et on étudie les fragments en envoyant une autre impulsion correspondant à une de leurs fréquences d’absorption. La mesure de la fluorescence qui suit cette absorption donne la densité de fragments à l’instant de la seconde impulsion, et permet d’étudier la vitesse de dissociation de la molécule.
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exp loitation du droit de cop ie est strictement interdite. © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales
A 1 080 − 19
P O U R
Optique des milieux matériels par Élisabeth GIACOBINO Directeur de Recherche au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS)
E N S A V O I R
Bibliographie FEYNMAN (R.P.). – Le cours de physique : électromagnétisme. BORN (M.) et WOLF (E.). – Principles of optics. Pergamon (1970). CAGNAC (B.) et PEBAY-PEROULA (J.C.). – Physique atomique. Tomes 1 et 2, Dunod (1983). LAVAL (G.). – Matière et rayonnement. Cours de physique à l’École Polytechnique (non publié) (1986). DESVIGNES (F.). – Détection et détecteurs de rayon- nement. Masson (1987). BERTIN (M.), FAROUX (J.P.) et RENAULT (J.). – Élec- tromagnétisme. Tome 4, Milieux diélectriques et milieux aimantés . Dunod (1984).
P L U S
Toute reproduction sans autorisation du Centre français d’exp loitation du droit de copi e est strictement interdite. − © Techniques de l’Ingénieur, traité Sciences fondamentales
Doc. A 1 080 − 1